Language of document : ECLI:EU:T:2009:79

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

25 mars 2009 (*)

« Aides d’État – Électricité – Tarif préférentiel – Décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE – Recevabilité – Notion d’aide d’État – Aide nouvelle ou aide existante – Avantage – Motivation – Confiance légitime – Sécurité juridique »

Dans l’affaire T‑332/06,

Alcoa Trasformazioni Srl, établie à Portoscuso (Italie), représentée par Mes M. Siragusa, T. Müller-Ibold, F. Salerno et T. Graf, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. N. Khan, Mme E. Righini et M. C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2006/C 214/03 de la Commission, notifiée à la République italienne par lettre du 19 juillet 2006, ouvrant la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, concernant l’aide d’État C 36/06 (ex NN 38/06) – Tarif d’électricité préférentiel consenti à certaines industries grosses consommatrices d’énergie en Italie, dans la mesure où cette décision concerne les tarifs de fourniture d’électricité dont bénéficient les deux usines d’aluminium primaire appartenant à Alcoa Trasformazioni,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de Mme V. Tiili (rapporteur), président, M. F. Dehousse et Mme I. Wiszniewska-Białecka, juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 juillet 2008,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Les règles de procédure que le traité établit en matière d’aides d’État varient selon que les aides sont existantes ou nouvelles. Tandis que les premières sont soumises à l’article 88, paragraphes 1 et 2, CE, les secondes sont régies, chronologiquement, par les paragraphes 3 et 2 du même article.

2        En ce qui concerne les aides existantes, l’article 88, paragraphe 1, CE donne compétence à la Commission pour procéder à leur examen permanent avec les États membres. Dans le cadre de cet examen, la Commission propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun. L’article 88, paragraphe 2, CE dispose que, si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide n’est pas compatible avec le marché commun en vertu de l’article 87 CE ou que cette aide est appliquée de manière abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine.

3        Les aides nouvelles doivent, conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE, être notifiées préalablement à la Commission et ne peuvent pas être mises à exécution avant que la procédure n’ait abouti à une décision finale. En vertu de cette même disposition, la Commission ouvre sans délai la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché commun.

4        L’article 1er du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), qui est entré en vigueur le 16 avril 1999, comporte, pour la présente affaire, les définitions pertinentes suivantes :

« a) ‘aide’ : toute mesure remplissant tous les critères fixés à l’article [87], paragraphe 1, [CE] ;

b)       ‘aide existante’ :

i)       [...] toute aide existant avant l’entrée en vigueur du traité dans l’État membre concerné, c’est-à-dire les régimes d’aides et aides individuelles mis à exécution avant, et toujours applicables après, ladite entrée en vigueur ;

ii)       toute aide autorisée, c’est-à-dire les régimes d’aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ou le Conseil ;

[...]

v)       toute aide qui est réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l’État membre. Les mesures qui deviennent une aide suite à la libéralisation d’une activité par le droit communautaire ne sont pas considérées comme une aide existante après la date fixée pour la libéralisation ;

c)      ‘aide nouvelle’ : toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante ;

[...]

f)       ‘aide illégale’ : une aide nouvelle mise à exécution en violation de l’article [88], paragraphe 3, [CE] ;

[...] »

5        Selon l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, « tout projet d’octroi d’une aide nouvelle est notifié en temps utile à la Commission par l’État membre concerné ». L’article 3 dudit règlement dispose qu’une aide nouvelle « n’est mise à exécution que si la Commission a pris, ou est réputée avoir pris, une décision l’autorisant ». L’article 4, paragraphe 4, dudit règlement prévoit que la Commission adopte une décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (ci-après la « procédure formelle d’examen »), si elle constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite « des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun ».

6        Conformément à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, une « décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun ».

7        Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, « la procédure formelle d’examen est clôturée par voie de décision conformément aux paragraphes 2 à 5 du présent article ». La Commission peut décider que la mesure notifiée ne constitue pas une aide (article 7, paragraphe 2, dudit règlement), que l’aide notifiée est compatible avec le marché commun (article 7, paragraphe 3, dudit règlement), que l’aide notifiée peut être considérée comme compatible avec le marché commun si certaines conditions sont respectées (article 7, paragraphe 4, dudit règlement), ou que l’aide notifiée est incompatible avec le marché commun (article 7, paragraphe 5, dudit règlement).

8        Quant aux mesures non notifiées, l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 dispose que « [l]orsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu’en soit la source, elle examine ces informations sans délai ». Il est prévu à l’article 13, paragraphe 1, du même règlement que cet examen débouche, le cas échéant, sur une décision d’ouvrir une procédure formelle d’examen.

9        La procédure relative aux régimes d’aides existants est prévue aux articles 17 à 19 du règlement n° 659/1999. Aux termes de l’article 18 dudit règlement, si la Commission « parvient à la conclusion qu’un régime d’aides existant n’est pas, ou n’est plus, compatible avec le marché commun, elle adresse à l’État membre concerné une recommandation proposant l’adoption de mesures utiles ». Si l’État membre concerné n’accepte pas les mesures proposées, la Commission peut procéder, en vertu de l’article 19, paragraphe 2, du même règlement, à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen.

 Antécédents du litige

10      La requérante, Alcoa Trasformazioni Srl, est une société de droit italien propriétaire en Italie de deux usines produisant de l’aluminium primaire, implantées à Portovesme, en Sardaigne, et à Fusina, en Vénétie. Ces usines ont été cédées à la requérante par Alumix SpA dans le cadre de la privatisation de cette dernière.

11      Par la décision 96/C 288/04 notifiée à la République italienne et publiée le 1er octobre 1996 (JO C 288, p. 4, ci-après la « décision Alumix »), la Commission a mis fin à la procédure qu’elle avait ouverte le 23 décembre 1992 (JO C 75, p. 2) et qui avait été étendue le 16 novembre 1994 (JO C 292, p. 10). Dans le cadre de ladite procédure, la Commission a examiné différentes mesures octroyées à Alumix lors de sa privatisation, dont l’octroi d’un tarif d’électricité préférentiel consenti par ENEL, le fournisseur historique d’électricité en Italie, aux usines acquises par la requérante.

12      Dans la décision Alumix, la Commission a conclu, en substance, s’agissant du tarif de fourniture d’électricité facturé par ENEL aux usines acquises par la requérante, qui avait été fixé par la décision nº 13, du 24 juillet 1992, du Comitato interministeriale dei prezzi (Comité interministériel des prix) (ci-après la « décision nº 13/92 du CIP ») et qui était applicable jusqu’au 31 décembre 2005 en vertu de l’article 2 du décret-loi du 19 décembre 1995 (GURI nº 39, du 16 février 1996, p. 8, ci-après le « décret-loi de 1995 ») qu’il ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. À cet égard, la Commission a considéré, notamment, que, « en facturant un tarif pour la production d’aluminium primaire [aux usines acquises par la requérante] qui couvre [s]es coûts variables et qui contribue à ses coûts fixes, ENEL se comport[ait] [en opérateur agissant dans des conditions normales de marché] dès lors que ces tarifs permettent de fournir de l’électricité à ses clients industriels les plus importants dans des régions où il existe une surcapacité importante en termes de production électrique ».

13      Par la décision 2006/C 214/03 notifiée à la République italienne par lettre du 19 juillet 2006 (JO C 214, p. 5), la Commission a ouvert la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, concernant l’aide d’État C 36/06 (ex NN 38/06) – Tarif d’électricité préférentiel consenti à certaines industries grosses consommatrices d’énergie en Italie (ci-après la « décision attaquée »).

14      Dans la décision attaquée, la Commission indique, aux considérants 1 à 4, que, dans le cadre de la procédure au terme de laquelle elle a adopté la décision 2005/C 30/06 notifiée à la République italienne par lettre du 16 novembre 2004 (JO 2005, C 30, p. 7), ouvrant la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE concernant l’aide d’État C 38/2004 (ex NN 58/2004) – Aides en faveur de la société Portovesme Srl (ci-après la « décision Portovesme »), elle avait pris connaissance de l’article 11, paragraphe 11, du décret-loi nº 35, du 14 mars 2005, converti en loi nº 80, du 14 mai 2005 (GURI nº 111, supplément ordinaire à la GURI, du 14 mai 2005, nº 91, ci-après le « décret-loi de 2005 »). La Commission relève que, en vertu de cette disposition, qui ne lui avait pas été notifiée, le tarif d’électricité préférentiel déjà en vigueur pour certaines industries grosses consommatrices d’énergie, à savoir, d’une part, pour les trois sociétés issues de la scission de la société Terni et, d’autre part, pour les deux usines appartenant à la requérante, avait été prorogé jusqu’au 31 décembre 2010.

15      S’agissant du tarif d’électricité octroyé aux usines de la requérante, seul en cause dans le cadre du présent recours, la Commission prend d’abord acte, au considérant 5 de la décision attaquée, que, en vertu de la décision de l’Autorità per l’energia elettrica e il gas (Autorité pour l’énergie électrique et le gaz, ci-après l’« Autorité ») nº 148/04, du 9 août 2004 (ci-après la « décision nº 148/04 de l’Autorité »), l’organisme public Cassa Conguaglio per il settore elettrico (Caisse de péréquation pour le secteur électrique, ci-après la « Caisse de péréquation ») a été chargé de la gestion du tarif préférentiel afin qu’il rembourse directement aux usines de la requérante la différence entre le montant du tarif qui leur est facturé par ENEL et le tarif prévu par le décret-loi de 1995, au moyen d’un prélèvement parafiscal imposé à l’ensemble des consommateurs d’électricité en Italie.

16      De plus, la Commission relève, aux considérants 6 à 8 de la décision attaquée, que, en vertu de la décision de l’Autorité nº 217/05, du 13 octobre 2005 (ci-après la « décision nº 217/05 de l’Autorité »), prise en application de l’article 11, paragraphes 11 et 13, du décret-loi de 2005, d’une part, la requérante devait bénéficier pour ses usines en 2005 d’un tarif identique à celui qui aurait été appliqué en 2004 si ladite décision n’avait pas été adoptée et, d’autre part, le tarif octroyé auxdites usines ne pourrait augmenter, en cas d’augmentation des prix de référence annuels sur les bourses de l’énergie de Francfort-sur-le-Main et d’Amsterdam, que d’un taux maximal de 4 % par an.

17      La Commission indique également, aux considérants 40 à 44 de la décision attaquée, qu’elle doit examiner si le tarif préférentiel accordé aux usines de la requérante pour ses usines constitue une aide d’État. À cet égard, elle fait observer que « [l]a réduction du prix de l’électricité constitue un avantage économique considérable dès lors que la majeure partie des coûts de production dans la fabrication de l’aluminium est représentée par le coût de l’énergie », que « [l]a réduction du prix de l’électricité est prise unilatéralement par les autorités italiennes », que « [cette mesure] est financée au moyen d’un prélèvement parafiscal versé par tous les consommateurs d’électricité en Italie [à la Caisse de péréquation], un fonds public géré par l’État », et que « [l]a mesure est par conséquent financée par des ressources d’État ». La Commission indique également, aux considérants 45 et 46 de la décision attaquée, que cette mesure menace de fausser la concurrence, qu’elle peut affecter les échanges intracommunautaires et que, par conséquent, elle relève de l’article 87, paragraphe 1, CE.

18      En outre, la Commission indique, au point 47 de la décision attaquée, d’une part, que l’article 11, paragraphe 11, du décret-loi de 2005 n’ayant pas été notifié à la Commission, la mesure doit être considérée comme illégale au sens de l’article 1er, sous f), du règlement nº 659/1999 et, d’autre part, que ses conclusions antérieures dans la décision Alumix, selon lesquelles le tarif préférentiel accordé à la requérante ne constituait pas une aide existante, empêchent que la mesure soit considérée comme une aide existante.

19      Par ailleurs, la Commission fait part, au considérant 49 de la décision attaquée, de ses doutes s’agissant de la compatibilité avec le marché commun de l’aide accordée à l’usine de Fusina.

20      Enfin, la Commission émet des doutes, aux considérants 77 et 78 de la décision attaquée, d’une part, quant à la compatibilité avec le marché commun de l’aide octroyée à l’usine de Portovesme, et, d’autre part, quant au fait que cette mesure constitue « [l]’instrument entraînant le moins de distorsion pour résoudre les problèmes rencontrés par [la requérante] ».

21      Aux considérants 80 et 81 de la décision attaquée, il est indiqué que «[l]a Commission invite [la République italienne] à présenter ses éventuelles observations et à lui fournir toute information utile pour l’évaluation de l’aide, dans un délai d’un mois à dater de la réception de la [décision attaquée] », que « l’article 88, paragraphe 3, [CE] a un effet suspensif, et que, en vertu de l’article 14 [du règlement nº 659/1999], [la Commission] peut imposer à l’État membre de récupérer auprès du bénéficiaire une aide perçue illégalement ».

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 novembre 2006, la requérante a introduit le présent recours.

23      Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a demandé au Tribunal de statuer selon une procédure accélérée, en application de l’article 76 bis, paragraphe 1, de son règlement de procédure. La Commission a, le 11 décembre 2006, soumis ses observations quant à cette demande.

24      Par lettre du 12 janvier 2007, le Tribunal (troisième chambre) a informé la requérante de sa décision de rejeter la demande de traitement accéléré.

25      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle la présente affaire a par conséquent été attribuée.

26      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a invité, par lettres du 4 juin 2008, les parties à déposer certains documents et à répondre par écrit à des questions. Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

27      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 8 juillet 2008.

28      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle concerne le tarif de fourniture d’électricité facturé à ses usines implantées à Fusina et à Portovesme ou, à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée en ce qu’elle qualifie ce tarif d’aide nouvelle illégale ;

–        condamner la Commission aux dépens.

29      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

30      La Commission fait initialement valoir, dans ses mémoires, que, comme il ressort de la jurisprudence, une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen ne constitue un acte susceptible de faire l’objet d’un recours qu’à la condition que l’État membre a contesté, lors de la phase préliminaire d’examen, la qualification d’aide nouvelle de la mesure en cause. La République italienne n’aurait pas soutenu, en l’espèce, de manière suffisamment claire lors de la phase préliminaire d’examen que la mesure examinée ne constituait pas une aide nouvelle.

31      La Commission fait ensuite observer, en réponse aux mesures d’organisation que le Tribunal lui a adressées conformément à l’article 64 du règlement de procédure, qu’« il n’est pas approprié de maintenir sa demande d’irrecevabilité dans la forme exposée dans ses mémoires ». À cet égard, elle fait valoir qu’il ressort des observations fournies par la République italienne à la Commission le 27 février 2006 que la République italienne avait soulevé, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure en cause, certains arguments qui « pourraient être compris en ce sens que la mesure en cause ne tombait pas dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE ». De plus, en réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, la Commission a indiqué qu’elle ne souhaitait pas « insister » sur l’argumentation développée à cet égard dans ses mémoires, tout en précisant, d’une part, qu’il appartenait au Tribunal d’examiner d’office la question de la recevabilité du présent recours et, d’autre part, qu’elle considérait qu’il ne ressortait pas suffisamment clairement des observations fournies à la Commission par la République italienne le 27 février 2006 que cette dernière avait soutenu que la mesure en cause ne constituait pas une aide nouvelle.

32      La requérante rétorque, en substance, que, conformément à la jurisprudence, la décision attaquée constitue un acte susceptible de faire l’objet d’un recours au titre de l’article 230 CE.

 Appréciation du Tribunal

33      À titre liminaire, il convient de rappeler que les conditions de recevabilité d’un recours fondé sur l’article 230 CE étant d’ordre public, le Tribunal peut les examiner d’office. Son contrôle n’est pas limité aux fins de non-recevoir soulevées par les parties (voir arrêt du Tribunal du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T‑55/99, Rec. p. II‑3207, point 21, et la jurisprudence citée).

34      Selon une jurisprudence constante, seuls constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 230 CE les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci. Plus particulièrement, lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, ne constituent, en principe, des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (arrêts de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, points 9 et 10, et du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, Rec. p. II‑367, point 42).

35      S’agissant d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen d’une aide d’État, il ressort toutefois de la jurisprudence que, lorsque la Commission qualifie une mesure en cours d’exécution d’aide nouvelle, une telle décision emporte des effets juridiques autonomes, en particulier en ce qui concerne la suspension de la mesure considérée (arrêts de la Cour du 9 octobre 2001, Italie/Commission, C‑400/99, Rec. p. I‑7303, point 62, et du Tribunal du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑346/99 à T‑348/99, Rec. p. II‑4259, ci-après l’« arrêt Diputación Foral de Álava », point 33). Cette conclusion s’impose non seulement dans le cas où la mesure en cours d’exécution est considérée par les autorités de l’État membre concerné comme une aide existante, mais également dans le cas où ces autorités estiment que la mesure visée par la décision d’ouverture ne tombe pas dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE (voir arrêt Diputación Foral de Álava, précité, point 33, et la jurisprudence citée).

36      En effet, une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen à l’égard d’une mesure en cours d’exécution et qualifiée d’aide nouvelle par la Commission modifie nécessairement la portée juridique de la mesure considérée, ainsi que la situation juridique des entreprises qui en sont bénéficiaires, notamment en ce qui concerne la poursuite de la mise en oeuvre de cette mesure. Jusqu’à l’adoption d’une telle décision, l’État membre, les entreprises bénéficiaires et les autres opérateurs économiques peuvent penser que la mesure est licitement mise en oeuvre en tant que mesure générale ne tombant pas dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE ou en tant qu’aide existante. En revanche, après l’adoption d’une telle décision, il existe à tout le moins un doute important sur la légalité de cette mesure, qui, sans préjudice de la faculté de solliciter des mesures provisoires auprès du juge des référés, doit conduire l’État membre à en suspendre l’application, dès lors que l’ouverture de la procédure formelle d’examen exclut une décision immédiate concluant à la compatibilité avec le marché commun qui permettrait de poursuivre licitement l’exécution de ladite mesure. Une telle décision pourrait également être invoquée devant un juge national appelé à tirer toutes les conséquences découlant de la violation de l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE. Enfin, elle est susceptible de conduire les entreprises bénéficiaires de la mesure à refuser en tout état de cause de nouveaux versements, ou de nouveaux avantages, ou à provisionner les sommes nécessaires à d’éventuelles compensations financières ultérieures. Les milieux d’affaires tiendront également compte, dans leurs relations avec lesdits bénéficiaires, de la situation juridique et financière fragilisée de ces derniers (voir arrêt Diputación Foral de Álava, point 35 supra, point 34, et la jurisprudence citée).

37      En l’espèce, à la lumière de la jurisprudence qui précède, il convient, premièrement, de constater que la décision attaquée constitue une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen du tarif d’électricité préférentiel notamment facturé aux usines de la requérante, tel que résultant de l’article 11, paragraphe 11, du décret-loi de 2005. Or, la mesure en cause était en cours d’exécution lors de l’adoption de la décision attaquée, comme cela ressort de l’article 2, paragraphe 2, de la décision nº 217/05 de l’Autorité, aux termes duquel l’article 11, paragraphe 11, du décret-loi de 2005 a pris effet, de manière rétroactive, à compter du 1er janvier 2005.

38      Deuxièmement, il est constant que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que la mesure en cause constituait une aide nouvelle. En effet, cette qualification découle directement des constatations opérées par la Commission selon lesquelles ladite mesure, d’une part, ne correspondait pas à une aide existante et, d’autre part, constituait une aide illégale au sens de l’article 1er, sous f), du règlement nº 659/1999, dès lors qu’elle tombait dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE et qu’elle avait été mise en œuvre sans être notifiée à la Commission (considérants 46 et 47 de la décision attaquée).

39      Troisièmement, il y a lieu de constater que, dans ses observations fournies à la Commission le 27 février 2006, la République italienne a soutenu, dans le cadre de la phase préliminaire d’examen, que « la mesure en cause ne constituait que la prorogation » du tarif préférentiel initialement mis en œuvre par le décret-loi de 1995, dont la Commission avait estimé, dans la décision Alumix, qu’il ne « constituait pas une aide d’État ». Dès lors, la République italienne s’est opposée, conformément à la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus, à ce que la mesure en cause soit qualifiée d’aide nouvelle en faisant valoir, en substance, que, ainsi que la Commission l’avait conclu dans la décision Alumix, la mesure examinée ne tombait pas dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE.

40      À cet égard, doit donc être rejetée comme non fondée l’observation de la Commission selon laquelle la République italienne ne s’est pas opposée suffisamment clairement à la qualification d’aide nouvelle de la mesure en cause. Il convient d’ailleurs de relever à ce titre que la Commission a elle-même admis, au considérant 40 de la décision attaquée, que, dans le cadre de la phase préliminaire d’examen, « [l]es autorités italiennes ont soutenu que l’extension du tarif préférentiel accordé [aux usines de la requérante] ne constitu[ait] pas une aide d’État ».

41      Il résulte donc de ce qui précède que la décision attaquée est une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen à l’égard d’une mesure qui était en cours d’exécution lors de l’adoption de ladite décision, que la Commission a considéré que ladite mesure constituait une aide nouvelle, et à propos de laquelle la République italienne avait soutenu, lors de la phase préliminaire d’examen, qu’elle ne constituait pas une aide d’État.

42      Dès lors, conformément à la jurisprudence citée aux points 34 à 36 ci-dessus, la décision attaquée est un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 230 CE.

43      De plus, la requérante est directement et individuellement concernée par la décision attaquée au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE dès lors que ladite décision se rapporte à une mesure dont elle est la bénéficiaire (voir arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223 ; du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, Rec. p. I‑3203, point 18, et la jurisprudence citée, et du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission, C‑15/98 et C‑105/99, Rec. p. I‑8855, point 32).

44      Il convient donc de conclure que le présent recours est recevable.

 Sur le fond

45      La requérante soulève trois moyens à l’appui de son recours. Par son premier moyen, la requérante fait grief à la Commission d’avoir qualifié à tort d’aide d’État le tarif d’électricité applicable à ses usines alors même que ledit tarif, qui correspondrait à un tarif de marché, ne leur conférerait aucun avantage. Par son deuxième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir violé les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique au motif que la décision attaquée contredirait la décision Alumix. Par son troisième moyen, qu’elle soulève à titre subsidiaire, la requérante fait valoir que la Commission a examiné à tort la mesure en cause dans le cadre de la procédure applicable aux aides nouvelles et non de celle applicable aux aides existantes.

 Sur le premier moyen, tiré de la qualification d’aide d’État de la mesure en cause

46      À l’appui de son premier moyen, la requérante soulève trois griefs. Toutefois, dans la mesure où, dans ses premier et deuxième griefs, la requérante allègue, en substance, que la Commission a, d’une part, manqué à son obligation d’examiner si elle avait bénéficié d’un avantage en violation de l’article 87, paragraphe 1, CE et de l’article 88, paragraphe 2, CE et, d’autre part, commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant à l’existence d’un avantage en violation des articles susvisés, le Tribunal estime opportun d’examiner conjointement ces deux griefs.

 Sur les premier et deuxième griefs, tirés de l’absence d’un avantage

–       Arguments des parties

47      La requérante fait observer que la Commission n’a pas établi que le tarif d’électricité en cause confère à ses usines un avantage qu’elles n’auraient pas pu obtenir dans des conditions normales de marché. Partant, la requérante estime que la Commission a violé, d’une part, l’article 87, paragraphe 1, CE en qualifiant de manière erronée d’aide d’État la mesure en cause et, d’autre part, l’article 88, paragraphe 2, CE en ouvrant la procédure formelle d’examen ainsi que les articles 4 et 6 du règlement nº 659/1999.

48      Premièrement, la requérante soutient que la Commission ne pouvait conclure à l’existence d’un avantage qu’après avoir établi que le tarif acquitté par les usines de la requérante n’était pas un tarif de marché. À cet égard, elle fait d’abord observer que le fait que le tarif qui est offert aux usines constituerait une « réduction » du tarif de l’électricité serait en soi sans pertinence, dès lors que la seule question à laquelle la Commission était tenue de répondre était celle de savoir si ledit tarif leur conférait un avantage économique. De plus, s’il est fait référence dans la décision attaquée au tarif du marché au comptant de l’Italian Power Exchange (IPEX), la Commission n’aurait toutefois pas indiqué quel tarif de référence elle a pris en considération pour conclure que le tarif d’électricité facturé aux usines ne serait pas un tarif de marché ou que lesdites usines bénéficieraient d’une « réduction » de leur tarif d’électricité. Enfin, le tarif du marché au comptant de l’IPEX ne constituerait pas, en toute hypothèse, un tarif de référence probant.

49      Deuxièmement, la requérante prétend que les trois critères sur la base desquels la Commission a conclu dans la décision Alumix que le tarif octroyé aux usines ne constituait pas une aide d’État (ci-après les « trois critères ») sont toujours valables. Tout d’abord, le fait que le tarif offert aux usines se maintient à un niveau bien supérieur au tarif minimal du marché au comptant de l’IPEX démontrerait qu’il couvre les coûts variables ainsi qu’une quote-part des coûts fixes, ce que, par ailleurs, la Commission n’aurait ni examiné ni contesté dans la décision attaquée. Ensuite, comme la Commission le reconnaît notamment au considérant 61 de la décision attaquée, le marché de l’approvisionnement en électricité resterait caractérisé par une surcapacité. Enfin, la requérante demeurerait un client important dès lors qu’elle est l’un des plus grands consommateurs d’électricité en Italie et le plus grand consommateur en Sardaigne et en Vénétie, ce que la Commission relèverait au considérant 62 de la décision attaquée, en reconnaissant que la requérante bénéficie d’un important pouvoir de négociation.

50      Troisièmement, la requérante fait observer que les arguments de la Commission selon lesquels la décision attaquée devrait faire l’objet d’un contrôle de faible intensité sont en contradiction avec la jurisprudence selon laquelle le Tribunal doit contrôler à tout le moins si la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation. Ce contrôle devrait être d’autant plus large en l’espèce que la Commission aurait, dans la décision attaquée, qualifié d’aide une mesure qu’elle avait considérée dans la décision Alumix comme ne constituant pas une aide d’État. En outre, il ressortirait de la jurisprudence que la question de savoir si une mesure doit être traitée en tant qu’aide nouvelle ou en tant qu’aide existante est susceptible d’un contrôle de pleine juridiction.

51      De plus, la requérante estime que la Commission admet implicitement avoir procédé, durant la phase préliminaire, à un examen insuffisant de la question de savoir si le tarif dont ses usines bénéficient s’écarte d’un tarif de marché, puisqu’elle ne répond pas à cet argument dans son mémoire en défense. La requérante fait ensuite observer qu’un examen approfondi de la mesure en cause s’imposait d’autant plus en l’espèce que, d’une part, la qualification retenue par la décision attaquée risque d’entraîner la fermeture définitive de ses usines et, d’autre part, la Commission avait conclu expressément dans la décision Alumix que ladite mesure ne constituait pas une aide d’État. Eu égard à ces circonstances, la Commission aurait dû réexaminer dans la décision attaquée si les trois critères qu’elle avait considérés comme déterminants dans la décision Alumix étaient toujours remplis.

52      Quatrièmement, la requérante fait valoir, en réponse à la Commission, que, dans la mesure où les marchés de l’énergie ne sont pas concurrentiels et ne fonctionnent pas correctement, l’intervention de la République italienne était, à l’époque de l’adoption de la décision Alumix, nécessaire. Une telle intervention demeurerait encore nécessaire en raison de la persistance des dysfonctionnements du marché italien de l’électricité, plus particulièrement en Sardaigne et en Vénétie.

53      La Commission rétorque, en substance, que l’argumentation de la requérante n’est ni pertinente ni fondée.

–       Appréciation du Tribunal

54      La requérante fait valoir, en substance, que la Commission a violé l’article 87, paragraphe 1, CE et l’article 88, paragraphe 2, CE, ainsi que les articles 4 et 6 du règlement nº 659/1999, en qualifiant d’aide d’État la mesure en cause et en ouvrant la procédure formelle d’examen alors même qu’elle n’aurait pas examiné à suffisance si le tarif octroyé à ses usines constituait un tarif de marché et qu’elle aurait conclu à tort que ses usines bénéficiaient d’un avantage.

55      L’article 87, paragraphe 1, CE dispose que « [s]auf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

56      La qualification d’aide, au sens d’aide d’État incompatible avec le marché commun, requiert que toutes les conditions visées à cette disposition soient remplies (arrêts de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, Rec. p. I‑959, point 25 ; du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, Rec. p. I‑4397, point 68, et du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, Rec. p. I‑7747, point 74). Il découle de l’article 87, paragraphe 1, CE que ces conditions sont les suivantes. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, précité, point 75, et arrêt du Tribunal du 22 février 2006, Le Levant 001 e.a./Commission, T‑34/02, Rec. p. II‑267, point 110).

57      Concernant en particulier la troisième condition visée au point précédent, constituent des avantages au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges grevant normalement le budget d’une entreprise et qui, par là même, s’apparentent à une subvention, telles que, notamment, la fourniture de biens ou de services à des conditions préférentielles (voir arrêt du Tribunal du 16 septembre 2004, Valmont/Commission, T‑274/01, Rec. p. II‑3145, point 44, et la jurisprudence citée).

58      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la Commission est tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen si un premier examen ne lui permet pas de surmonter toutes les difficultés soulevées par la question de savoir si la mesure examinée constitue une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, à tout le moins lorsque, lors de ce premier examen, elle n’a pas été en mesure d’acquérir la conviction que la mesure concernée, à supposer qu’elle constitue une aide, est en tout état de cause compatible avec le marché commun (arrêts du Tribunal du 15 septembre 1998, BP Chemicals/Commission, T‑11/95, Rec. p. II‑3235, point 166, et Diputación Foral de Álava, point 35 supra, point 41).

59      C’est ainsi que, comme il ressort de l’article 6 du règlement nº 659/1999, la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen inclut « une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide » (arrêt Diputación Foral de Álava, point 35 supra, point 42).

60      Il s’ensuit que, dans une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, la qualification d’une mesure d’aide d’État ne revêt pas un caractère définitif. L’ouverture de la procédure formelle d’examen vise précisément à permettre à la Commission de s’entourer de tous les avis nécessaires pour qu’elle soit en mesure de prendre une décision définitive sur ce point (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 mai 2001, Portugal/Commission, C‑204/97, Rec. p. I‑3175, point 33 ; arrêts du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, Rec. p. II‑2405, point 59, et Diputación Foral de Álava, point 35 supra, point 43).

61      Afin d’éviter une confusion des procédures administrative et judiciaire et de respecter la répartition des compétences entre la Commission et le juge communautaire, le contrôle de légalité exercé par le Tribunal d’une décision d’ouverture formelle d’examen doit nécessairement être limité (voir, en ce sens, arrêt IBM/Commission, point 34 supra, point 20). Le juge communautaire doit, en effet, éviter de se prononcer définitivement sur des questions qui n’ont fait l’objet que d’une appréciation provisoire de la Commission (arrêt Diputación Foral de Álava, point 35 supra, point 44).

62      Dès lors, lorsque, dans le cadre d’un recours introduit contre une décision d’ouverture formelle d’examen, les parties requérantes contestent l’appréciation de la Commission quant à la qualification de la mesure litigieuse d’aide d’État, le contrôle du juge communautaire est limité à la vérification du point de savoir si la Commission n’a pas commis d’erreurs manifestes d’appréciation en considérant qu’elle ne pouvait pas surmonter toutes les difficultés sur ce point au cours d’un premier examen de la mesure concernée (arrêt Diputación Foral de Álava, point 35 supra, point 45).

63      À la lumière de la jurisprudence qui précède, il appartient donc au Tribunal de déterminer si, en l’espèce, la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant à titre provisoire, dans la décision attaquée, que le tarif de fourniture d’électricité prévu par le décret-loi de 1995, tel que prorogé par le décret-loi de 2005, conférait un avantage aux usines de la requérante et, partant, que la mesure en cause constituait une aide d’État.

64      À titre liminaire, il convient d’observer que, dans la décision attaquée, la Commission s’est fondée sur une double constatation pour conclure, à titre provisoire, que la mesure en cause conférait un avantage aux usines de la requérante et qu’elle constituait une aide d’État. D’une part, l’article 11, paragraphe 11, du décret-loi de 2005 et la décision nº 217/05 de l’Autorité, mettant en application ledit décret-loi, prorogent jusqu’au 31 décembre 2010 l’octroi à la requérante du tarif d’électricité dont elle bénéficiait en 2004 en vertu du décret-loi de 1995, tout en prévoyant que celui pourrait augmenter au maximum de 4 % par an en cas d’augmentation des prix de référence annuels sur les bourses de l’énergie de Francfort-sur-le-Main et d’Amsterdam (considérants 3, 6, 7 et 20).

65      D’autre part, en vertu de la décision nº 148/04 de l’Autorité, la gestion de ce tarif a été confiée à la Caisse de péréquation, qui rembourse directement à la requérante la différence entre le tarif d’électricité facturé à ses usines et le tarif prorogé par le décret-loi de 2005 (considérant 5 de la décision attaquée).

66      C’est au vu de ces deux constatations que, dans la décision attaquée, la Commission considère, d’une part, que la requérante bénéficie d’une réduction du tarif facturé à ses usines financée au moyen de ressources d’État provenant d’un prélèvement parafiscal versé par tous les consommateurs d’électricité (considérant 44) et, d’autre part, que la mesure en cause lui confère un avantage économique considérable dès lors que la majeure partie de ses coûts de production découle de l’approvisionnement en électricité (considérant 43).

67      Or, premièrement, il convient de relever que, outre le fait qu’il est constant que le décret-loi de 2005 proroge jusqu’en 2010 le tarif préférentiel qui a été octroyé aux usines par le décret-loi de 1995, la requérante ne conteste pas l’appréciation de la Commission selon laquelle les ressources permettant de financer le tarif en cause constituent des ressources d’État. De plus, la requérante ne critique pas l’appréciation de la Commission selon laquelle le mécanisme par lequel la Caisse de péréquation lui rembourse la différence entre le tarif facturé aux usines par ENEL et le tarif préférentiel qui a été prorogé jusqu’à la fin de 2010 en vertu du décret-loi de 2005 entraîne une réduction du tarif de fourniture d’électricité final que les usines devraient acquitter si elles ne bénéficiaient pas dudit mécanisme. À cet égard, il convient, en effet, d’observer que la requérante se contente de faire valoir que le tarif dont ses usines bénéficient correspond à un tarif de marché, et partant, ne constitue pas un avantage.

68      Deuxièmement, dès lors qu’il découle de la nature même du tarif préférentiel mis en place que la requérante se fait rembourser par la Caisse de péréquation au moyen de ressources publiques la différence existant entre le tarif d’électricité facturé aux usines par ENEL et le tarif prévu par le décret-loi de 1995, cette seule constatation justifie que la Commission ne pouvait pas exclure, dans le cadre de la phase préliminaire d’examen, que les usines de la requérante ne supportent pas la totalité des charges qui auraient normalement dû grever leurs budgets, au sens de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus, de telle sorte qu’elles bénéficient d’un avantage.

69      Partant, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant, à titre provisoire, que la mesure en cause conférait un avantage aux usines de la requérante.

70      À cet égard, doivent être rejetés comme inopérants les arguments soulevés par la requérante selon lesquels la Commission aurait dû déterminer si le tarif en cause correspondait à un tarif de marché et si les critères sur la base desquels la Commission s’était appuyée pour conclure à l’absence d’un avantage dans la décision Alumix étaient encore valables. En effet, conformément à la jurisprudence citée aux points 57 à 59 ci-dessus, la question de savoir si le tarif octroyé aux usines constitue ou non un tarif de marché requiert une appréciation économique complexe qu’il appartient à la Commission de réaliser dans le cadre de la procédure formelle d’examen.

71      De plus, concernant l’argument de la requérante selon lequel l’intervention de l’État est, en l’espèce, nécessaire en raison de la persistance de dysfonctionnements sur les marchés de l’énergie, en particulier en Sardaigne et en Vénétie, il y a lieu de rappeler que la Cour a considéré, s’agissant de la prétendue fonction compensatoire que rempliraient des aides dans le cadre d’une situation de désavantage concurrentiel objectif, que la circonstance qu’un État membre cherche à rapprocher, par des mesures unilatérales, les conditions de concurrence existant dans un certain secteur économique de celles prévalant dans d’autres États membres ne saurait enlever à ces mesures le caractère d’aides (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, Rec. p. I‑3679, point 67, et la jurisprudence citée). Il découle donc de ce qui précède que, à supposer même que la mesure en cause vise en l’espèce à compenser les usines de la requérante d’un désavantage concurrentiel objectif résultant de dysfonctionnements sur le marché de l’électricité en Sardaigne ou en Vénétie, il n’en demeure pas moins que la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en qualifiant, à titre provisoire, ladite mesure d’aide d’État. Dès lors, cet argument doit être écarté comme non fondé.

72      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les premier et deuxième griefs de la requérante.

 Sur le troisième grief, tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée

–       Arguments des parties

73      La requérante soutient, en substance, que la Commission a violé l’article 253 CE et la jurisprudence qui y est relative. Premièrement, la requérante estime que la Commission n’a pas indiqué à suffisance de droit dans la décision attaquée les motifs pour lesquels elle a estimé, d’une part, que le tarif qui était offert aux usines constituait une aide nouvelle illégale et, d’autre part, que n’étaient plus pertinents les critères qu’elle avait considérés déterminants dans la décision Alumix pour conclure à l’absence d’une aide d’État, notamment dans l’hypothèse où la Commission aurait considéré que l’aide était constituée par l’intégralité de la différence entre le tarif offert à la requérante et la moyenne du tarif du marché au comptant de l’IPEX.

74      Deuxièmement, la requérante considère que la Commission n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles elle a considéré que le tarif qui était offert à ses usines leur procurait un avantage constitutif d’une aide d’État ni que les autres conditions constitutives d’une aide d’État, à savoir l’existence d’un financement au moyen de ressources publiques, d’une distorsion de concurrence et d’une affectation des échanges entre les États membres, étaient remplies en l’espèce.

75      Troisièmement, la requérante estime que la Commission a manqué à son obligation d’identifier le montant de l’aide alléguée dès lors qu’il ne ressort pas clairement de la décision attaquée si elle a considéré que l’intégralité de la différence entre le tarif facturé aux usines et la moyenne du tarif du marché au comptant de l’IPEX constituait une aide.

76      Quatrièmement, la requérante fait observer que la Commission reconnaît implicitement dans ses mémoires que la décision attaquée est insuffisamment motivée dans la mesure où elle se borne à soutenir que la requérante a eu connaissance de la motivation de la décision attaquée par le biais de la motivation d’une autre décision, à savoir la décision Portovesme.

77      La Commission rétorque, en substance, qu’elle n’a pas violé l’article 253 CE.

–       Appréciation du Tribunal

78      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63 ; arrêts du Tribunal Diputación Foral de Álava, point 35 supra, point 98, et du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Guipúzcoa e.a./Commission, T‑269/99, T‑271/99 et T‑272/99, Rec. p. II‑4217, point 103).

79      Afin d’apprécier l’étendue de l’obligation de motiver une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, il convient de rappeler que, conformément à l’article 6 du règlement nº 659/1999, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la décision d’ouverture peut se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, à inclure une « évaluation provisoire » de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et à exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun (arrêts Diputación Foral de Álava, point 35 supra, point 99, et Diputación Foral de Guipúzcoa e.a./Commission, point 78 supra, point 104).

80      La décision d’ouverture doit ainsi mettre les parties intéressées en mesure de participer de manière efficace à la procédure formelle d’examen lors de laquelle elles auront la possibilité de faire valoir leurs arguments. À cette fin, il suffit que les parties intéressées connaissent le raisonnement qui a amené la Commission à considérer provisoirement que la mesure en cause pouvait constituer une aide nouvelle incompatible avec le marché commun (arrêts du Tribunal du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, Rec. p. 2309, point 138 ; Diputación Foral de Álava, point 35 supra, point 100, et Diputación Foral de Guipúzcoa e.a./Commission, point 78 supra, point 105).

81      Or, en l’espèce, la Commission expose clairement dans la décision attaquée les motifs pour lesquels, d’une part, elle a conclu, à titre provisoire, que la mesure en cause constituait une aide d’État, notamment en ce qu’elle confère un avantage aux usines de la requérante (considérants 40 à 47) et, d’autre part, elle avait des doutes sérieux quant à la compatibilité avec le marché commun de ladite aide (considérants 48 à 77).

82      Partant, contrairement à l’affirmation de la requérante selon laquelle la Commission reconnaîtrait implicitement que la décision attaquée est insuffisamment motivée, la Commission n’a pas violé l’article 253 CE dès lors que les motifs exposés dans la décision attaquée ont permis à la requérante de connaître le raisonnement qui a amené la Commission à adopter la décision attaquée et au juge communautaire d’exercer son contrôle.

83      Les arguments soulevés par la requérante à cet égard ne sauraient infirmer cette conclusion.

84      Premièrement, concernant l’argument selon lequel la Commission n’a pas motivé à suffisance les raisons pour lesquelles elle considère que la mesure en cause affecte les échanges entre États membres et fausse la concurrence, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, il n’incombe pas à la Commission de procéder, s’agissant d’une décision finale déclarant une aide incompatible avec le marché commun, à une analyse chiffrée extrêmement détaillée dès lors qu’elle a exposé en quoi les échanges entre États membres étaient affectés et la concurrence faussée. En outre, s’agissant des aides qui ne sont pas notifiées à la Commission, la décision constatant l’incompatibilité de cette aide avec le marché commun ne doit pas être motivée par la démonstration de l’effet réel de cette aide sur la concurrence ou les échanges entre États membres. En effet, en décider autrement aboutirait à favoriser les États membres qui versent les aides en violation du devoir de notification de l’article 88, paragraphe 2, CE au détriment de ceux qui notifient les aides à l’état de projet (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑113/00, Rec. p. I‑7601, point 54 ; arrêts du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T‑214/95, Rec. p. II‑717, points 64 et 67, et du 13 juin 2000, EPAC/Commission, T‑204/97 et T‑270/97, Rec. p. II‑2267, point 85).

85      Or, en indiquant, aux considérants 45 et 46 de la décision attaquée, que la mesure en cause « renfor[çait] la situation financière [de la requérante], qui bénéfici[ait] d’une réduction de ses coûts par rapport à ses concurrents non bénéficiaires de l’aide », et que « l’aluminium faisant l’objet d’échanges sur les marchés internationaux, le tarif préférentiel [pouvait] affecter les échanges intracommunautaires », la Commission a, à la lumière de la jurisprudence citée au point précédent, motivé à suffisance les raisons pour lesquelles elle considérait que ladite mesure affectait les échanges entre États membres et faussait la concurrence, et ce alors même que la décision attaquée ne constituait qu’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen et non une décision définitive.

86      Deuxièmement, doit être écarté l’argument selon lequel la requérante fait valoir que la Commission n’a pas indiqué les motifs pour lesquels elle a considéré dans la décision attaquée que la mesure en cause était financée au moyen de ressources publiques dès lors que, comme il ressort des passages pertinents de la décision attaquée repris au point 17 ci-dessus, lesdits motifs étaient explicitement indiqués.

87      Troisièmement, doivent être rejetés comme non fondés les arguments selon lesquels la Commission, d’une part, a manqué à son obligation d’identifier le montant de l’aide dont les usines de la requérante ont bénéficié et, d’autre part, n’a pas suffisamment motivé les raisons pour lesquelles elle a considéré, le cas échéant, que la prétendue aide se montait à la différence entre le tarif offert à la requérante et la moyenne du tarif du marché au comptant de l’IPEX. En effet, il convient de constater que, outre le fait que la Commission ne prend aucune position à cet égard dans la décision attaquée et qu’elle invite d’ailleurs, au considérant 80 de la décision attaquée, la République italienne « à lui fournir toute information utile pour l’évaluation de l’aide », la Commission est seulement tenue, conformément à la jurisprudence citée aux points 79 et 80 ci-dessus, d’identifier dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen les raisons qui la conduisent à considérer qu’une mesure constitue une aide incompatible avec le marché commun, mais non de chiffrer le montant de l’aide que le bénéficiaire de ladite aide aurait reçue.

88      Quatrièmement, concernant l’argument selon lequel la Commission a manqué à son obligation de motiver la décision attaquée au regard des trois critères qui l’avaient conduite à considérer, dans la décision Alumix, que le tarif offert aux usines de la requérante ne constituait pas une aide d’État, il y a lieu de le rejeter comme non fondé. En effet, dès lors que, comme il a été relevé au point 70 ci-dessus, il n’incombait pas à la Commission, s’agissant d’une appréciation d’ordre économique complexe, de déterminer, lors de la phase préliminaire d’examen, si le tarif d’électricité octroyé aux usines de la requérante constituait un tarif de marché, l’absence d’appréciation de la mesure en cause au regard des critères appliqués dans la décision Alumix ne saurait être considérée comme entachant la motivation de la décision attaquée.

89      Partant, il convient de rejeter le troisième grief et le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

 Arguments des parties

90      En premier lieu, la requérante fait valoir que, en s’écartant dans la décision attaquée des motifs et du dispositif de la décision Alumix, la Commission a violé les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique tels que définis par la jurisprudence. À cet égard, la requérante reproche à la Commission, dans sa réplique, d’avoir qualifié la mesure en cause d’aide d’État sans identifier de manière claire et précise les changements intervenus entre l’adoption de la décision Alumix et celle de la décision attaquée. Cette absence de motivation constituerait une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

91      En second lieu, la requérante fait valoir que les conditions requises par la jurisprudence pour que la Commission abroge la décision Alumix ne sont pas remplies en l’espèce. À cet égard, elle considère que l’appréciation de la Commission dans la décision attaquée selon laquelle la mesure en cause constitue une aide nouvelle en raison du fait que la décision Alumix n’était applicable que jusqu’au 31 décembre 2005 est erronée.

92      Premièrement, la requérante fait d’abord observer que, si elle ne conteste pas que le décret-loi de 1995 avait une portée limitée dans le temps, il n’en demeure pas moins que la décision attaquée n’indique aucunement que la portée de la décision Alumix était limitée à la durée prévue par ledit décret-loi. De plus, la simple prorogation du tarif d’électricité en cause par le décret-loi de 2005 jusqu’au 31 décembre 2010 ne priverait nullement la décision Alumix de son caractère contraignant dans la mesure où la motivation et la logique fondamentale sous-tendant ladite décision seraient de nature générale et inconditionnelle. La requérante serait en droit d’attendre que le raisonnement à l’origine de la décision Alumix reste applicable tant que les trois critères, qui sont exposés au point 49 ci-dessus et qui ont été considérés comme pertinents dans ladite décision, restent valables.

93      La requérante soutient ensuite que la Commission a considéré de manière erronée que, dans la décision Alumix, elle avait « approuvé » un tarif de fourniture d’électricité pour une durée déterminée alors qu’elle s’était limitée à « constater » l’absence d’une aide d’État, sans spécifier que son appréciation était limitée dans le temps. À cet égard, la Commission ne distinguerait pas à tort la différence entre une mesure pour laquelle elle a constaté qu’il ne s’agissait pas d’une aide d’État et une mesure dont elle soumet la compatibilité au marché commun à une limite dans le temps.

94      Enfin, la requérante fait valoir que la Commission admet dans ses mémoires que, même si la portée de la décision Alumix était limitée dans le temps, le simple fait que la durée du tarif octroyé aux usines est prorogée au-delà du délai initial n’est pas de nature à transformer automatiquement cette mesure en aide d’État.

95      Deuxièmement, la requérante fait observer que la Commission n’a ni établi dans la décision attaquée ni soutenu dans ses mémoires que les trois critères sur lesquels reposait la décision Alumix avaient évolué de telle sorte que la réouverture d’une procédure formelle d’examen se justifiait. La décision attaquée viendrait au contraire confirmer que les circonstances qui avaient conduit la Commission à conclure à l’absence d’une aide d’État dans la décision Alumix n’avaient pas changé depuis lors.

96      Tout d’abord, la requérante fait observer que la Commission n’a pas constaté dans la décision attaquée que la décision Alumix était erronée à l’époque de son adoption, que les éléments factuels sur lesquels repose ladite décision étaient erronés, ou que les critères retenus pour conclure que le tarif facturé aux usines était compatible avec un comportement normal sur le marché étaient erronés.

97      Ensuite, la requérante soutient que, au-delà des références abstraites faites au considérant 41 de la décision attaquée à des changements de réglementation et de condition de marché, la Commission n’identifie aucune modification particulière affectant les trois critères qui l’avaient conduite à conclure à l’absence d’une aide d’État dans la décision Alumix. Or, les modifications intervenues dans la mise en œuvre du tarif appliqué aux usines de la requérante, telles que la mesure confiant à la Caisse de péréquation le soin d’administrer le tarif octroyé aux usines, ne constitueraient pas des modifications substantielles de la mesure examinée.

98      Enfin, la requérante fait valoir que, dans le cadre de la procédure ayant abouti à la décision du 1er décembre 2004 concernant l’aide d’État N/490/2000 – Italie, coûts échoués dans le secteur de l’électricité (JO 2005, C 250, p. 9, ci-après la « décision sur les coûts échoués »), la Commission avait qualifié plusieurs régimes tarifaires spéciaux gérés par la Caisse de péréquation d’ « aide existante ». Or, dès lors que la Commission n’a pas relevé dans la décision attaquée que, après qu’elle a adopté la décision sur les coûts échoués, des modifications substantielles dans la gestion par la Caisse de péréquation du régime tarifaire accordé à la requérante avaient été opérées, alors même qu’elle en avait été informée dans les notifications y relatives qui lui avaient été faites par la République italienne, elle ne pouvait pas requalifier la mesure en cause d’aide nouvelle.

99      La Commission rétorque, d’une part, que le deuxième moyen que la requérante soulève dans sa réplique et selon lequel « la Commission ne pouvait s’affranchir arbitrairement de [la motivation dans la décision Alumix] en rouvrant une procédure formelle d’examen relative [au tarif en cause] sans expliquer en quoi [ladite motivation] ne serait plus d’actualité » est irrecevable en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, et, d’autre part, qu’elle n’a pas violé les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

 Appréciation du Tribunal

100    En premier lieu, il convient de rejeter comme non fondé l’argument de la Commission selon lequel est irrecevable, en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, l’argumentation soulevée par la requérante dans sa réplique, dans le cadre du deuxième moyen selon laquelle « la Commission ne pouvait s’affranchir arbitrairement de [la motivation dans la décision Alumix] en rouvrant une procédure formelle d’examen relative [au tarif en cause] sans expliquer en quoi [ladite motivation] ne serait plus d’actualité ».

101    En effet, dans le cadre du deuxième moyen, la requérante soulève, tant dans sa requête que dans sa réplique, l’argumentation qu’elle a également soulevée dans le cadre du troisième grief du premier moyen, selon laquelle la Commission a manqué à son obligation d’indiquer dans la décision attaquée les motifs pour lesquels elle a considéré que la mesure en cause constituait une aide d’État en dépit de la conclusion à laquelle elle avait abouti dans la décision Alumix. Dès lors, il y a lieu de constater que l’argumentation exposée dans la réplique ne constitue pas un moyen nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

102    En second lieu, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que le principe de la protection de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de la Communauté (arrêt de la Cour du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, Rec. p. I‑6983, point 52). Ainsi, la possibilité de se prévaloir du principe de la protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique à l’égard duquel une institution a fait naître des espérances fondées. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure communautaire de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice de ce principe, lorsque cette mesure est adoptée (arrêts de la Cour du 1er février 1978, Lührs, 78/77, Rec. p. 169, point 6, et du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens/Commission, 265/85, Rec. p. 1155, point 44 ; arrêt du Tribunal du 15 décembre 1994, Unifruit Hellas/Commission, T‑489/93, Rec. p. II‑1201, point 51). De plus, personne ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts du Tribunal du 14 septembre 1995, Lefebvre e.a./Commission, T‑571/93, Rec. p. II‑2379, point 72, et Diputación Foral de Álava, point 35 supra, point 93).

103    Par ailleurs, le principe de sécurité juridique, dans ses différentes manifestations, vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire (arrêts de la Cour du 15 février 1996, Duff e.a., C‑63/93, Rec. p. I‑569, point 20, et du Tribunal du 19 mars 1997, Oliveira/Commission, T‑73/95, Rec. p. II‑381, point 29).

104    À la lumière de la jurisprudence qui précède, il convient, en l’espèce, d’examiner si, en qualifiant la mesure examinée d’aide nouvelle, la Commission a porté atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique dont la requérante pouvait se prévaloir à la suite de l’adoption de la décision Alumix.

105    Dans la décision Alumix, la Commission a considéré que le tarif de fourniture d’électricité qu’ENEL facturerait aux usines à compter de 1996 et jusqu’en 2005, conformément à la décision nº 13/92 du CIP, ne constituait pas une aide d’État dès lors que ledit tarif correspondait à celui résultant d’un comportement d’un fournisseur d’électricité opérant de manière rationnelle sur le marché, compte tenu du fait notamment que ce tarif couvrait les coûts variables et une partie des coûts fixes, qu’il existait une situation de surcapacité sur le marché et que la requérante disposait, en tant qu’industrie grosse consommatrice d’énergie, d’un important pouvoir de négociation. En outre, il convient de relever que, quoique la Commission ne fasse pas expressément référence au décret-loi de 1995 dans la décision Alumix, il ressort expressément tant de la requête, selon laquelle le tarif dont les usines de la requérante bénéficiaient était autorisé par le décret-loi de 1995, que du texte même dudit décret-loi, que « la privatisation [d’Alumix] nécessite le soutien du gouvernement italien […] pour la définition avec ENEL d’un tarif de l’énergie électrique [pour les deux usines], en définissant éventuellement pour l’avenir un contrat à long terme (dix ans) à des prix concurrentiels au niveau européen », et que « [l]e traitement des surcharges [‘sovrapprezzi’] prévu par [la décision nº 13/92 du CIP] […] est supprimé à compter du 31 décembre 2005. Après cette date, le traitement sera aligné sur celui prévu pour l’ensemble des utilisateurs ».

106    Il convient dès lors de constater que, dans la décision Alumix, l’appréciation de la Commission selon laquelle le tarif qu’ENEL facturerait aux usines de 1996 à 2005 ne constituait pas une aide d’État avait été formulée en ayant égard aux conditions du marché telles qu’elles pouvaient être envisagées par la Commission pour cette période.

107    Or, dans la décision attaquée, la Commission ne remet pas en cause son appréciation de la mesure examinée dans la décision Alumix. En effet, la Commission y fait état de ce que la prorogation jusqu’en 2010 du tarif octroyé aux usines de la requérante par le décret-loi de 2005, qui ne lui a pas été notifiée, pourrait constituer une aide d’État. Les doutes de la Commission reposent, d’une part, sur l’appréciation selon laquelle « l’approbation de la Commission [dudit tarif dans la décision Alumix] est limitée dans le temps justement parce qu’elle repose sur une appréciation économique des circonstances existant à un moment donné » et que, « [p]ar conséquent, elle ne peut être invoquée pour couvrir l’extension de la mesure, prévue par le décret-loi [de 2005] ». D’autre part, le tarif tel qu’il est octroyé aux usines est financé au moyen de ressources d’État leur permettant de bénéficier d’une réduction du tarif dont elles auraient autrement dû s’acquitter (considérants 44 et 47 de la décision attaquée).

108    Il convient donc de conclure que la requérante ne pouvait avoir, sur la base de la décision Alumix, aucune confiance légitime que la Commission conclurait, dans le cadre de la décision attaquée, que le tarif octroyé aux usines ne constituait pas une aide d’État.

109    Partant, la Commission n’a pas enfreint les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique en adoptant la décision attaquée.

110    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

111    Premièrement, pour le motif invoqué aux points 106 et 107 ci-dessus, il convient de rejeter comme inopérants les arguments de la requérante visant à faire valoir que, dans la décision attaquée, tout d’abord, la Commission ne pouvait pas « revenir » sur son appréciation dans la décision Alumix selon laquelle la mesure en cause ne constituait pas une aide d’État, ensuite, la Commission a estimé à tort qu’elle avait « approuvé » pour une période de temps limitée la mesure en cause alors même qu’elle a constaté que ladite mesure ne constituait pas une aide d’État, et enfin, que la prorogation dans le temps d’une mesure initialement reconnue comme ne constituant pas une aide d’État ne transformait pas automatiquement cette mesure en aide nouvelle.

112    Deuxièmement, est inopérant l’argument selon lequel la Commission ne pouvait conclure, dans la décision attaquée, que la mesure en cause constituait une aide nouvelle alors même que, d’une part, elle avait considéré, dans la décision sur les coûts échoués, que les tarifs spéciaux que gérait la Caisse de péréquation constituaient une « aide existante » et, d’autre part, qu’elle avait été informée, dans le cadre de la notification qui lui avait été adressée à cette occasion, que les usines de la requérante bénéficieraient d’un remboursement du montant correspondant à la différence entre le tarif prévu par le décret-loi de 1995 et le tarif facturé.

113    D’une part, il convient de relever à cet égard que la décision sur les coûts échoués concerne non pas le mécanisme par lequel la Caisse de péréquation rembourse aux usines une partie du tarif qui leur est facturé et qui fait l’objet de la présente procédure, mais le régime par lequel ENEL est remboursé de ses coûts échoués résultant de la libéralisation du marché de l’électricité.

114    D’autre part, à supposer même que la Commission ait été informée, dans le cadre de la notification par la République italienne des mesures ayant conduit à l’adoption de la décision sur les coûts échoués, que les usines de la requérante bénéficieraient d’un remboursement correspondant à la différence entre le tarif prévu par le décret-loi de 1995 et le tarif facturé par ENEL, une telle circonstance serait sans influence sur le fait que la Commission n’a donné à cette occasion aucune assurance précise à la requérante que, dans l’hypothèse où le tarif préférentiel serait prorogé, ce dernier ne devrait pas être considéré, en raison de la modification de la durée de la mesure en cause, comme une aide nouvelle (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑127/99, T‑129/99 et T‑148/99, Rec. p. II‑1275, point 175).

115    À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’examen de la mesure en cause dans le cadre des règles applicables aux aides nouvelles

 Arguments des parties

116    La requérante fait valoir, à titre subsidiaire, que, en qualifiant d’aide nouvelle illégale, au sens de l’article 1er, sous f), du règlement n° 659/1999 et de l’article 13 du même règlement, le tarif d’électricité dont ses usines bénéficient, la Commission a enfreint l’article 88 CE, les articles 17 à 19 du règlement n° 659/1999 ainsi que les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. À cet égard, la requérante précise, en réponse aux arguments de la Commission, que, dans le cadre du troisième moyen, à la différence du deuxième moyen, elle fait valoir que la Commission aurait dû appliquer la procédure applicable aux aides existantes et non celle applicable aux aides nouvelles.

117    En premier lieu, la requérante considère qu’il ressort explicitement de l’article 1er, sous b), v), première phrase, du règlement n° 659/1999 qu’une mesure qui ne constitue pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui le devient en raison de l’évolution du marché commun, est réputée être une aide existante. Partant, la Commission aurait dû, en l’espèce, traiter la mesure en cause comme une aide existante dès lors qu’il ressort de la décision attaquée qu’elle a considéré que ladite mesure était devenue une aide à la suite de l’évolution du marché commun.

118    À cet égard, la requérante précise que, même si la Commission ne s’est pas fondée, dans la décision attaquée, sur l’article 1er, sous b), v), deuxième phrase, du règlement n° 659/1999, ladite disposition ne saurait s’appliquer en l’espèce. Tout d’abord, la Commission n’aurait pas constaté que la libéralisation du marché de l’électricité aurait entraîné des modifications dont il y aurait lieu de tenir compte pour l’évaluation du tarif dont les usines de la requérante bénéficient. De plus, la requérante souligne que la libéralisation du marché italien de l’électricité est intervenue avant l’adoption du règlement n° 659/1999, ce qui exclut par conséquent l’application de l’article 1er, sous b), v), deuxième phrase, du règlement n° 659/1999 en l’espèce. En outre, cette disposition ne s’appliquerait en tout état de cause qu’aux mesures qui deviennent une aide directement du fait de la libéralisation. Par ailleurs, il ne ressortirait pas clairement de l’article 1er, sous b), v), deuxième phrase, du règlement n° 659/1999 si les mesures qui deviennent une aide à la suite de la libéralisation d’un marché doivent être traitées comme des aides nouvelles ou si la Commission se trouve privée du droit de revenir sur de telles mesures. Enfin, l’article 1er, sous b), v), deuxième phrase, dudit règlement ne devrait pas être interprété comme signifiant que la Commission est en droit d’appliquer, en de telles circonstances, la procédure applicable aux aides nouvelles.

119    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que, si la Commission fait référence, aux considérants 20 et 47 de la décision attaquée, à la prorogation du tarif en cause jusqu’au 31 décembre 2010 et si cette prorogation constitue l’objet de ladite décision, la Commission ne constate toutefois pas que, ni ne motive en quoi, ladite prorogation constituerait une modification au sens de l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999. De plus, la requérante soutient que, en tout état de cause, le seul fait que le tarif d’électricité octroyé aux usines soit prorogé ne permet pas de qualifier la mesure en cause d’aide nouvelle. Enfin, concernant l’argument de la Commission selon lequel le fait que le tarif prévu par le décret-loi de 1995 a disparu constituerait un élément déterminant, la requérante fait valoir que cette modification résulterait de l’évolution du marché commun et non de la mesure en cause en tant que telle.

120    En troisième lieu, la requérante fait observer que, si la Commission mentionne également, aux considérants 7, 18 et 41 de la décision attaquée, les modifications liées, d’une part, au fait que la Caisse de péréquation est en charge de la gestion du tarif en cause et, d’autre part, au mécanisme d’indexation dudit tarif, la Commission ne considère toutefois pas que ces éléments constituent une modification au sens de l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999.

121    Tout d’abord, la requérante fait valoir que, en tout état de cause, le transfert de la gestion du régime tarifaire à la Caisse de péréquation ne modifie pas, au sens de la jurisprudence, la substance du tarif qui lui est appliqué. Le transfert de la gestion du régime tarifaire en cause serait intervenu en 2004 sur la base de la décision nº 148/04 de l’Autorité, et non sur la base de l’article 11, paragraphe 11, du décret-loi de 2005, qui serait seul visé par la décision attaquée. De plus, s’il est vrai que la gestion des tarifs spéciaux a été transférée des distributeurs locaux d’électricité vers la Caisse de péréquation en vertu de la décision nº 148/04 de l’Autorité, il ne s’agirait toutefois que d’un changement strictement formel qui ne viserait qu’à préserver la confidentialité des données commerciales et à améliorer le contrôle du régime sans toutefois modifier la substance du tarif qui lui est facturé. Ensuite, la Commission aurait explicitement constaté dans la décision sur les coûts échoués que, s’agissant de modifications de nature administrative, le fait que la Caisse de péréquation soit en charge de la gestion des tarifs ne modifierait pas la nature d’aide existante des régimes de tarifs spéciaux. Par ailleurs, la Commission n’aurait jamais prétendu que les changements intervenus dans l’administration des régimes tarifaires ont modifié le tarif payé par la requérante. En outre, les changements de nature administrative intervenus ne modifieraient en rien les constatations opérées par la Commission dans la décision Alumix.

122    Ensuite, la requérante ajoute que l’argument de la Commission, selon lequel seul le comportement de l’État sur le marché, et non celui d’ENEL, devrait être pris en considération en raison de l’adoption de la décision nº 148/04 de l’Autorité, n’est pas fondé dès lors que le comportement d’ENEL était, depuis le décret-loi de 1995, imposé par l’État. La question serait non pas de savoir si les usines de la requérante reçoivent ou non un remboursement du tarif qui leur est appliqué, mais s’il est rationnel pour un fournisseur d’électricité opérant sur un marché concurrentiel de fixer le tarif de fourniture d’électricité au niveau applicable aux usines. Ce serait parce que les marchés de l’électricité ne sont pas concurrentiels qu’il est impossible de s’affranchir du critère de l’opérateur en économie de marché en se fondant sur le comportement actuel d’ENEL, comme le fait la Commission.

123    En outre, la requérante soutient que le changement dans le mécanisme d’indexation, à savoir le plafonnement à 4 % de l’augmentation annuelle du tarif acquitté par la requérante, ne modifie pas, au sens de la jurisprudence, la substance du tarif appliqué aux usines, car celui-ci a été introduit par l’article 11, paragraphe 13, du décret-loi de 2005 et non par l’article 11, paragraphe 11, dudit décret-loi, qui est seul visé par la décision attaquée, et que ce changement serait clairement détachable du régime initial.

124    Enfin, la requérante fait valoir que, d’une part, la Commission aurait dû se prononcer sur la question de savoir si le tarif consenti aux usines constituait un régime d’aides et, d’autre part, elle aurait considéré à tort, comme il ressort du résumé de la décision attaquée, fait par la Commission et publié au Journal officiel de l’Union européenne, qu’il ne pourrait exister de régime d’aides liées à une seule société.

125    La Commission rétorque, en substance, que le troisième moyen devrait être rejeté pour les mêmes motifs que le deuxième moyen.

 Appréciation du Tribunal

126    En premier lieu, il convient de rejeter comme non fondés les arguments de la Commission selon lesquels le troisième moyen devrait être, d’une part, déclaré irrecevable, car il ne consisterait que dans la reformulation du deuxième moyen et, d’autre part, écarté pour abus de procédure dans la mesure où il reposerait, en substance, sur une interprétation erronée de la décision attaquée.

127    À cet égard, il y a d’abord lieu de relever que, à la différence du deuxième moyen tiré d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, la requérante critique par son troisième moyen le fait que la Commission a examiné la mesure en cause dans le cadre de la procédure applicable aux aides nouvelles. Ensuite, force est de constater qu’une interprétation erronée de la décision attaquée ne saurait être, en tant que telle, suffisante pour constituer un abus de procédure.

128    En second lieu, concernant l’argumentation de la requérante selon laquelle, en substance, la Commission aurait dû examiner la mesure en cause dans le cadre de la procédure applicable aux aides existantes et non de celle applicable aux aides nouvelles au motif que ladite mesure ne constituerait pas une modification substantielle de la mesure visée par la décision Alumix, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, dans le cas d’une modification d’une aide existante, c’est seulement dans l’hypothèse où la modification affecte le régime initial dans sa substance même que ce régime se trouve transformé en un régime d’aides nouveau. Il ne saurait être question d’une telle modification substantielle lorsque l’élément nouveau est clairement détachable du régime initial (arrêt Government of Gibraltar/Commission, point 80 supra, point 111). Toutefois, s’agissant de la prorogation d’une aide qui était déjà en cours d’exécution, il ressort de la jurisprudence que, en raison de la modification de la durée de l’aide en cause, celle-ci devrait également être considérée comme une aide nouvelle (voir, en ce sens, arrêt Diputación Foral de Álava e.a./Commission, point 114 supra, point 175).

129    Il en découle que, lorsqu’une mesure que la Commission a considérée comme ne constituant pas une aide d’État est prorogée ou modifiée dans sa substance même, elle ne peut être examinée par la Commission que dans le cadre des règles de procédure applicables aux aides nouvelles.

130    En l’espèce, il est constant que, en ouvrant la procédure formelle d’examen, la Commission a appliqué à la mesure en cause les règles de procédure relatives aux aides nouvelles. Or, il convient de souligner, comme il a été constaté au point 107 ci-dessus, que la mesure examinée dans la décision attaquée constitue une mesure distincte de celle que la Commission avait préalablement examinée dans le cadre de la décision Alumix.

131    En effet, d’une part, dans la décision Alumix, la Commission a conclu en substance que le tarif qui serait facturé par ENEL aux usines de 1996 à 2005, en vertu du décret-loi de 1995, correspondait à un tarif de marché, de sorte qu’aucun avantage ne leur était octroyé au moyen de ressources d’État. D’autre part, dans la décision attaquée, la Commission constate, à titre provisoire, que le tarif d’électricité facturé par ENEL aux usines de 2005 à 2010 leur sera en partie remboursé par la Caisse de péréquation pour un montant correspondant à la différence entre le tarif facturé par ENEL et le tarif prévu par le décret-loi de 1995, de sorte que les usines bénéficieront, au moyen de ressources d’État, d’un avantage consistant dans la réduction du tarif d’électricité qu’elles auraient autrement dû supporter.

132    Dès lors, il y a lieu de constater que la mesure en cause ne saurait être considérée comme une aide existante non seulement en raison du fait qu’elle couvre une période distincte de celle examinée dans la décision Alumix, mais également parce qu’elle consiste non plus dans l’application par ENEL du tarif prévu par le décret-loi de 1995, correspondant à un tarif de marché, mais dans l’octroi d’un remboursement par la Caisse de péréquation de ressources publiques afin de compenser la différence entre le tarif facturé par ENEL et celui prévu par le décret-loi de 1995, tel que prorogé par le décret-loi de 2005.

133    Partant, il y a lieu de constater que la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en examinant la mesure en cause dans le cadre de la procédure applicable aux aides nouvelles et non celle applicable aux aides existantes.

134    À cet égard, doivent d’abord être écartés comme non fondés, pour le motif exposé au point 131 ci-dessus, tous les arguments de la requérante selon lesquels constituerait des modifications non substantielles de la mesure examinée dans la décision Alumix le fait que le tarif mis en place par le décret-loi de 1995 soit prorogé, que la Caisse de péréquation soit en charge de la gestion dudit tarif ou encore que le tarif consenti aux usines n’augmente pas de plus de 4 % par an.

135    Ensuite, doit être rejeté comme non fondé l’argument de la requérante selon lequel la Commission était tenue d’examiner la mesure en cause dans le cadre de la procédure applicable aux aides existantes dans la mesure où la Commission aurait constaté que ladite mesure était devenue une aide d’État à la suite de l’évolution du marché commun au sens de l’article 1er, sous b, point v), première phrase, du règlement nº 659/1999. En effet, si la Commission constate, en substance, au considérant 41 de la décision attaquée, que le marché de l’électricité a été libéralisé, ce n’est qu’au motif, exposé au considérant 47 de la décision attaquée, que « l’approbation de la Commission [dans la décision Alumix] est limitée dans le temps, justement parce qu’elle repose sur une appréciation économique des circonstances existantes à un moment donné » et, partant, que « la décision Alumix ne peut être invoquée pour couvrir l’extension de la mesure, prévue par le décret-loi [de 2005] ».

136    Enfin, l’argument de la requérante selon lequel, d’une part, la Commission aurait dû se prononcer sur la question de savoir si le tarif consenti aux usines constituait un régime d’aides et, d’autre part, il ne pourrait exister de régime d’aides liées à une seule société comme la Commission l’aurait indiqué à tort dans le résumé de la décision attaquée publiée au Journal officiel de l’Union européenne, doit être rejeté dès lors qu’il est, en tout état de cause, sans influence sur l’appréciation provisoire de la Commission selon laquelle la mesure en cause constituerait une aide incompatible avec le marché commun.

137    À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen et le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

138    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Alcoa Trasformazioni Srl supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

Tiili

Dehousse

Wiszniewska-Białecka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 mars 2009.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

Sur la recevabilité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré de la qualification d’aide d’État de la mesure en cause

Sur les premier et deuxième griefs, tirés de l’absence d’un avantage

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le troisième grief, tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré de l’examen de la mesure en cause dans le cadre des règles applicables aux aides nouvelles

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.