Language of document : ECLI:EU:T:2019:648

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

20 septembre 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Enregistrement international désignant l’Union européenne ‑ Marque verbale DOKKIO – Marque de l’Union européenne figurative antérieure représentant deux lignes diagonales suivies d’une ligne verticale et d’un cercle – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑67/19,

Sixsigma Networks Mexico, SA de CV, établie à Mexico (Mexique), représentée par Me C. Casas Feu, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Śliwińska, MM. J. Crespo Carrillo et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Dokkio, Inc., établie à San Mateo, Californie (États-Unis), représentée par Mes A. Kylhammar et L. Morin, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 21 novembre 2018 (affaire R 1187/2018-2), relative à une procédure d’opposition entre Sixsigma Networks Mexico et Dokkio,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Gratsias (rapporteur), président, A. Dittrich et Mme R. Frendo, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 février 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 18 avril 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 8 avril 2019,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 31 mai 2016, l’intervenante, Dokkio, Inc., a obtenu auprès du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) l’enregistrement international désignant l’Union européenne no 1 308 971.

2        La marque qui fait l’objet de l’enregistrement international désignant l’Union européenne est le signe verbal DOKKIO.

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Programmes d’exploitation informatiques téléchargeables à partir d’un réseau informatique d’information ; logiciels informatiques pour communications électroniques téléchargeables à partir d’un réseau informatique d’information ; logiciels informatiques permettant la collaboration entre plusieurs parties ; logiciels informatiques pour l’organisation, la recherche et la fourniture d’accès à des vidéos, images, autres contenus et documents téléchargés en amont stockés sous forme de métadonnées et fichiers informatiques » ;

–        classe 42 : « Services de logiciels en tant que services (SAAS) en ligne proposant des logiciels pour l’organisation, la recherche et la fourniture d’accès à des données de pages web, vidéos, images, autres fichiers et métadonnées ainsi que documents téléchargés en amont stockés sur Internet ; services de stockage électronique de données de pages web, vidéos, images, autres fichiers et métadonnées ainsi que documents téléchargés en amont disponibles sur un serveur Internet. »

4        Le 15 septembre 2016, l’enregistrement international désignant l’Union européenne no 1 308 971 a été notifié à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1)].

5        L’enregistrement international désignant l’Union européenne no 1 308 971 a été publié au Bulletin des marques communautaires no 2016/177, du 19 septembre 2016.

6        Le 9 novembre 2016, la requérante, Sixsigma Networks Mexico, SA de CV, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée, pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

7        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne figurative antérieure déposée le 20 février 2014 et enregistrée le 16 avril 2015 sous le no 12 620 142, reproduite ci-après :

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8        Les produits et services couverts par la marque antérieure relèvent des classes 9, 38, 41 et 42 et correspondent notamment, pour la classe 9, à la description suivante : « Logiciels d’exploitation pour ordinateurs centraux ; systèmes d’exploitation informatiques, logiciels ; applications logicielles informatiques téléchargeables ; à l’exception expresse de tous les produits liés aux équipements de copie, de reproduction, d’impression, de numérisation, ainsi que logiciels de gestion des équipements d’impression et logiciels de gestion de la production. »

9        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

10      Le 30 avril 2018, la division d’opposition a rejeté l’opposition de la requérante.

11      Le 25 juin 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 21 novembre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours de la requérante. En particulier, après avoir rejeté l’argumentation de la requérante selon laquelle la comparaison des marques devait être effectuée sur la base du postulat que la marque antérieure serait perçue comme formée de la suite de lettres « kio », la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient globalement différents sur les plans visuel et phonétique et qu’aucune comparaison conceptuelle n’était possible, de sorte que l’une des conditions nécessaires pour établir un risque de confusion n’était pas satisfaite et qu’il convenait de rejeter l’opposition.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      La requérante invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En substance, elle soutient que le consommateur moyen percevra la marque antérieure comme composée de la suite de lettres « kio » et que, de ce fait, les signes en conflit sont très similaires sur les plans visuel et phonétique. Elle fait valoir que, au regard de la similitude globale des signes et de l’identité des produits et services, c’est à tort que la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion.

17      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

18      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

19      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

20      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

21      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le présent recours.

 Sur le public pertinent

22      Il convient de relever que la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours, selon laquelle le public pertinent est constitué du grand public et des professionnels. La requérante ne conteste pas davantage le constat de la chambre de recours, selon lequel l’Union européenne constitue le territoire pertinent aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Enfin, si la requérante soutient que le grand public fera preuve d’un niveau d’attention moyen, elle ne conteste pas expressément la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle le niveau d’attention variera de moyen à élevé, du fait qu’une partie du public est constituée de professionnels.

23      Ces appréciations de la chambre de recours étant, par ailleurs, exemptes d’erreur, il convient de les approuver.

 Sur la comparaison des produits et des services

24      La requérante affirme que, bien que la question relative à la comparaison des produits et des services n’ait pas fait l’objet de débats devant l’EUIPO, elle entend soutenir que les services en conflit sont identiques.

25      À cet égard, il y a lieu de relever que, comme la requérant le fait elle-même observer, la décision attaquée ne comporte aucune constatation relative à la comparaison entre les produits et les services. En effet, la chambre de recours a considéré que, au vu de l’absence de similitude entre les marques en conflit, il n’était pas nécessaire de procéder à la comparaison des produits et services. Par conséquent, il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer sur la similitude ou l’identité des produits et des services, mais seulement de vérifier si, au regard de la comparaison des marques, la chambre de recours pouvait considérer que la comparaison des produits et services n’était pas nécessaire, ce qui fait l’objet de l’examen figurant aux points 57 à 61 ci-après.

 Sur la comparaison des signes

26      La requérante soutient que le public pertinent percevra le premier élément de la marque antérieure comme une représentation stylisée de la lettre « k » et, par voie de conséquence, cette marque dans son ensemble comme composée de l’élément verbal « kio ». Par ailleurs, elle soutient que, sur les plans visuel et phonétique, la marque antérieure est entièrement comprise dans la marque demandée et que les signes en conflit ne diffèrent que par l’élément « do », lequel n’affecte pas l’impression d’ensemble très similaire produite par lesdits signes. Elle considère, par ailleurs, que les signes en conflit sont dépourvus de signification sur le territoire pertinent et que la comparaison conceptuelle est donc neutre.

27      À cet égard, il convient de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

28      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas établi que la marque demandée devait être comparée au signe KIO. En effet, la chambre de recours a considéré que la marque antérieure devait être examinée telle qu’elle avait été enregistrée, en l’absence d’acquisition d’un caractère distinctif accru par l’usage et faute pour la requérante d’avoir établi que cette marque appartenait à une famille dont la racine serait l’élément « kio ».

29      En ce qui concerne la comparaison des signes, la chambre de recours a considéré que, sur le plan visuel, la marque antérieure serait perçue par une partie du public pertinent comme dépourvue de signification et par une autre partie comme contenant une flèche orientée vers la gauche, suivie des lettres stylisées « io » ou du chiffre « 10 » et que la marque demandée serait considérée comme formée de la suite de lettres « dokkio ». Au regard des différences existant entre ces signes, auxquelles le public pertinent, selon elle, sera plus attentif du fait de la brièveté desdits signes et de l’attention généralement plus soutenue accordée au début des signes, la chambre de recours a conclu que, visuellement, les signes étaient globalement différents et non pas similaires à un très faible degré, comme l’avait estimé la division d’opposition. Elle a précisé que cette conclusion était valable y compris pour la partie du public percevant la suite de lettres « io » dans la marque antérieure. Sur le plan phonétique, la chambre de recours est parvenue à une conclusion analogue à celle à laquelle elle a abouti sur le plan visuel. Enfin, elle a considéré que, en l’absence de signification des signes en conflit sur le territoire pertinent, l’aspect conceptuel des signes n’exerçait aucune influence sur leur comparaison.

30      À titre liminaire, il convient de relever que l’argumentation de la requérante repose entièrement sur la prémisse que le premier élément formant la marque antérieure sera perçu comme une représentation stylisée de la lettre « k ». Le bien-fondé de cette prémisse doit, par conséquent, être examiné au préalable, avant de se prononcer sur la similitude des signes en conflit.

31      À cet égard, il convient de relever que la lettre « k » se compose d’une ligne verticale et de deux lignes diagonales partant en direction opposée, qui se rejoignent au milieu de ladite ligne verticale. Or, comme l’EUIPO le fait valoir à bon droit, s’il est vrai que le premier élément composant la marque antérieure comporte, à l’instar de la lettre « k », deux lignes diagonales pointant vers la gauche, à la différence de celle-ci, il ne comporte pas de ligne verticale à laquelle ces deux diagonales seraient juxtaposées. Or cette ligne verticale constitue une composante essentielle de la représentation graphique habituelle de la lettre « k », sans laquelle le public pertinent reconnaîtra difficilement cette lettre.

32      Par ailleurs, force est de constater que la marque antérieure, telle qu’elle a été enregistrée, ne comporte pas un autre élément qui inciterait le public pertinent à percevoir une association entre le premier élément de cette marque et la lettre « k ».

33      En effet, d’une part, comme la chambre de recours l’a constaté, les deux autres éléments composant cette marque seront perçus soit comme représentant le chiffre « 10 », soit comme représentant la suite de lettres « io ». Or, à supposer que, du fait de la présence de ces deux autres éléments, le public pertinent attribue une signification au premier élément de ladite marque, il est susceptible, comme le relève la chambre de recours, d’y voir une flèche pointant vers la gauche. Il convient d’ajouter que le public pertinent est également susceptible de percevoir cet élément comme représentant le signe mathématique « inférieur à ».

34      D’autre part, comme la chambre de recours l’a relevé, la marque antérieure n’a pas été enregistrée sous la forme qu’elle revêt lorsqu’elle est utilisée par la requérante, selon les preuves qu’elle a fournies dans le cadre de la procédure d’opposition, à savoir en combinaison avec une expression comportant la suite de lettres « kio », de nature à suggérer que le premier élément de cette marque doit se comprendre comme une représentation stylisée de la lettre « k ».

35      Par conséquent, même si le premier élément de la marque antérieure présente des points communs avec la lettre « k », rien n’indique, en l’absence d’une composante essentielle de cette dernière, que le public pertinent fera nécessairement le lien entre cet élément et ladite lettre. C’est donc à bon droit que la chambre de recours a considéré, aux fins de la comparaison des signes, que la marque antérieure ne sera pas perçue par le public pertinent comme comportant la suite de lettres « kio ».

36      Les arguments de la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

37      En premier lieu, l’argument de la requérante, selon lequel, en substance, le consommateur serait désormais familier, en raison de l’évolution des modes de communication, avec des graphismes et des formes stylisées transmettant une idée, est dénué de pertinence. En effet, d’une part, cet argument part de la prémisse erronée que le premier élément de la marque antérieure constitue la représentation, certes stylisée, mais néanmoins identifiable, de la lettre « k ». Or il résulte des considérations énoncées aux points 31 à 35 ci-dessus que, en l’absence, en l’espèce, d’une composante essentielle de la lettre « k », le public pertinent ne l’associera pas à cette lettre. D’autre part, en l’espèce, ainsi qu’il résulte du point 33 ci-dessus, ce n’est pas la stylisation du premier élément de la marque antérieure, en tant que telle, qui s’oppose à ce qu’il soit associé par le public pertinent à la lettre « k ». En effet, ainsi qu’il a été constaté à ce point, le public pertinent est susceptible, nonobstant cette stylisation, de lui attribuer des significations précises.

38      En deuxième lieu, en ce qu’il repose sur la même prémisse erronée que l’argument précédent, l’argument selon lequel les consommateurs auront tendance à percevoir le premier élément de la marque antérieure comme une lettre en cohérence avec leur perception des deux autres éléments de cette marque comme formant la suite de lettres « io » doit être également rejeté.

39      Il convient d’ajouter que le fait qu’une partie du public pertinent perçoit les deux derniers éléments de la marque antérieure comme une suite de lettres ne s’oppose pas nécessairement à ce qu’il confère au premier élément de la marque en cause une signification autre qu’une lettre de l’alphabet, dans la mesure où il est courant que des marques figuratives combinent des lettres ou des chiffres avec des symboles ou des pictogrammes.

40      En troisième lieu, il convient de relever que l’affirmation de la requérante selon laquelle le premier élément de la marque antérieure est souvent utilisé dans le commerce pour représenter la lettre « k » n’est pas étayée par les éléments qu’elle a fournis dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO.

41      En quatrième lieu, s’agissant des directives d’examen de l’EUIPO auxquelles la requérante se réfère, il suffit de constater qu’elles contiennent des recommandations qui se rapportent à la question de savoir si un élément verbal qui fait partie d’un signe figuratif « se perd » dans la stylisation dont il fait l’objet et dans quels cas il est possible de prendre en compte ledit élément ou non. Or, ainsi qu’il résulte des points 31 et 37 ci-dessus, en l’espèce, ce n’est pas la stylisation du premier élément de la marque antérieure qui s’oppose à ce que ce dernier soit associé spontanément, par le public pertinent, à la lettre « k », mais le fait que cet élément ne contient pas une composante essentielle de cette lettre. Les directives invoquées par la requérante ne sont donc pas pertinentes.

42      En cinquième lieu, s’agissant de la jurisprudence et des décisions de l’EUIPO citées par la requérante, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus et applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce (voir arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 77 et jurisprudence citée).

43      En l’espèce, il suffit de relever que les arrêts du Tribunal et les décisions de l’EUIPO cités par la requérante ne se réfèrent pas à des signes figuratifs identiques ou très similaires à la marque antérieure. Les appréciations du Tribunal et des instances de l’EUIPO invoquées par la requérante en ce qui concerne ces signes, qui résultent d’un examen opéré dans le cadre des circonstances factuelles propres au cas d’espèce dans les affaires en cause, ne sont donc pas transposables.

44      Il résulte de ce qui précède que, le bien-fondé de la prémisse qui fonde l’argumentation de la requérante sur la similitude des signes ayant été écarté, la comparaison entre les signes doit être opérée en partant du constat que le public pertinent percevra la marque antérieure comme composée d’un élément qui pourra être associé à la représentation d’une flèche vers la gauche ou du signe mathématique « inférieur à » et de deux éléments qui pourront évoquer soit la suite de lettres « io », soit le chiffre « 10 ».

45      À cet égard, s’agissant, tout d’abord, de la comparaison visuelle, il y a lieu de relever que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que le seul point commun entre les signes en conflit réside dans leurs deux derniers éléments, la marque demandée étant constituée du signe verbal « dokkio ».

46      C’est également à bon droit que la chambre de recours a considéré que ces similitudes ne sont pas de nature à compenser les différences visuelles globales que présentent les signes en conflit.

47      En effet, la forme globale du premier élément de la marque antérieure est très différente de la suite de lettres « dokk », qui constitue le début de la marque demandée. Par ailleurs, comme l’EUIPO l’a relevé, le public pertinent percevra la suite de lettres formant la marque demandée, « dokkio », comme un tout sans chercher à la décomposer, notamment en raison du fait qu’il n’associera aucune des parties de ce signe à une signification particulière. Enfin, la marque demandée produit également une impression visuelle éloignée de celle qui émane de la marque antérieure, du fait qu’elle sera perçue comme un mot de six lettres, alors que la marque antérieure sera perçue comme composée de trois symboles, dont deux seulement seront perçus par une partie du public pertinent comme des lettres de l’alphabet.

48      Par ailleurs, le public pertinent sera d’autant plus sensible à ces différences que, comme la chambre de recours l’a relevé, les signes comparés sont courts, de sorte qu’il percevra plus nettement les différences visuelles existant entre ces signes [voir, par analogie, arrêt du 23 septembre 2009, Arcandor/OHMI – dm drogerie markt (S-HE), T‑391/06, non publié, EU:T:2009:348, point 41]. En outre, comme l’a également rappelé à bon droit la chambre de recours, cette impression sera renforcée en raison de l’attention plus soutenue que le consommateur prête généralement à la partie initiale d’un signe par rapport à sa partie finale [voir arrêt du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, EU:T:2006:247, point 51 et jurisprudence citée], les signes en l’espèce différant précisément par leur partie initiale.

49      Dès lors, même pour la partie du public pertinent percevant la suite de lettres « io » dans la marque antérieure, ce point commun avec la marque demandée passera inaperçu ou sera perçu comme négligeable. C’est donc à bon droit que la chambre de recours a considéré que, sur le plan visuel, les signes étaient globalement différents et non, comme la division d’opposition l’avait estimé, très faiblement similaires.

50      L’argument de la requérante, selon lequel la marque antérieure est composée d’un mot compris en totalité dans la marque demandée et ne diffère de cette dernière que par la suite de lettres « do », repose sur la prémisse erronée que le premier élément de la marque antérieure se prononce « k » et ne peut donc qu’être rejeté. Par ailleurs, contrairement à ce que la requérante semble soutenir, la suite de lettres « kio » ne constitue pas l’élément dominant de la marque demandée, cette dernière ne comportant pas d’élément dominant et étant perçue par le public pertinent, comme il a été indiqué au point 47 ci-dessus, comme un tout qui ne se décompose pas en éléments pourvus d’une signification.

51      S’agissant, ensuite, de la comparaison sur le plan phonétique, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que, même pour la partie du public pertinent qui percevra la suite de lettres « io » dans la marque antérieure, la coïncidence mineure entre les signes en conflit résidant dans les sons « io » sera largement contrebalancée par la prononciation de la partie initiale de la marque demandée, « dokk ».

52      En effet, tout d’abord, il convient de relever que la suite de lettres « dokk » sera prononcée, dans la plupart des langues de l’Union, au moyen d’une séquence de trois sons, une consonne dentale sonore, « d », une voyelle, « o », et une consonne occlusive sourde, « k ». Cette séquence produit une impression très différente, du fait notamment des deux consonnes qui l’encadrent, de la séquence de deux voyelles qui sera prononcée par la partie du public pertinent percevant la suite de lettres « io » dans la marque antérieure. En outre, comme sur le plan visuel, en l’absence de signification particulière d’une des parties de la marque demandée, le public pertinent la percevra sur le plan phonétique comme un tout et ne la décomposera pas en deux parties, constituée, pour la première, de la suite de sons « dok » et, pour la seconde, de la suite de sons « io ». Le point commun entre la marque antérieure et les deux voyelles finales de la marque demandée passera donc inaperçu, d’autant plus que, de la même manière que sur le plan visuel, l’attention du public se porte davantage sur les sons composant la partie initiale du signe en cause. En outre, comme la chambre de recours l’a relevé et contrairement à ce que la requérante soutient, les deux signes sont différents du point de vue de la longueur et du rythme, du fait du nombre différent de syllabes, de la présence de consonnes dans la marque demandée et de l’accentuation de celle-ci qui portera plutôt sur sa partie initiale.

53      Dans la mesure où les arguments de la requérante concernant la similitude phonétique reposent sur la prémisse que la marque antérieure sera prononcée « k-i-o », ils ne sauraient remettre en cause ces appréciations.

54      Dès lors, la chambre de recours a, à bon droit, conclu que les marques en conflit étaient globalement différentes sur le plan phonétique et non très faiblement similaires, comme l’avait conclu la division d’opposition.

55      Enfin, sur le plan conceptuel, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que, en l’absence d’une signification quelconque d’un des signes en conflit sur une partie du territoire de l’Union, cet aspect conceptuel desdits signes n’a aucune influence sur leur comparaison. L’affirmation de la requérante que, dans certains pays européens où l’on parle une langue d’origine latine, le mot « do » peut signifier « deux », de sorte que la marque demandée sera comprise comme signifiant « double KIO » est dénué de fondement. En effet, comme il a été indiqué aux points 47 et 52 ci-dessus, la marque demandée sera perçue comme un tout que le public pertinent ne cherchera pas à décomposer. En tout état de cause, même à supposer que tel soit le cas, les signes en conflit n’en seront pas pour autant similaires sur le plan conceptuel.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

56      La requérante soutient que, au vu de la similitude très importante des marques en conflit et de l’identité des produits et des services concernés, c’est à tort que la chambre de recours a exclu un risque de confusion en l’espèce. Elle fait valoir, en particulier, que l’appréciation de ce risque ne saurait reposer sur la prémisse que le public pertinent ne sera pas suffisamment averti et attentif pour identifier le premier élément de la marque antérieure comme une représentation de la lettre « k ».

57      À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 20 ci-dessus, l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 présuppose une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent, lesquelles constituent des conditions cumulatives.

58      Ainsi, comme il a pu être constaté à maintes reprises par la Cour, en l’absence de similitude entre la marque antérieure et la marque dont l’enregistrement est demandé, le caractère distinctif élevé de la marque antérieure et l’identité ou la similitude des produits ou des services concernés ne suffisent pas pour constater le risque de confusion entre les marques en conflit. Il en résulte qu’une telle absence de similitude entre les marques en conflit rend inapplicable l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 (voir arrêt du 23 janvier 2014, OHMI/riha WeserGold Getränke, C‑558/12 P, EU:C:2014:22, points 42 et 44 et jurisprudence citée).

59      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient globalement différents, au regard de leurs différences visuelles et phonétiques et de l’absence de possibilité d’opérer une comparaison conceptuelle. Elle en a conclu que, puisque l’une des conditions nécessaires au constat de l’existence d’un risque de confusion n’était pas remplie, il n’y avait pas lieu de poursuivre plus avant l’analyse et, en particulier, d’opérer une comparaison des produits et services concernés et une appréciation globale du risque de confusion, l’opposition de la requérante ne pouvant qu’être rejetée.

60      Cette conclusion est exempte d’erreur. En effet, comme il a été constaté aux points 45 à 54 ci-dessus, les signes en conflit sont globalement différents sur les plans visuel et phonétique et leurs points communs passeront inaperçus du public pertinent ou seront perçus comme insignifiants. En outre, comme il a été constaté au point 55 ci-dessus, la comparaison conceptuelle ne jouera aucun rôle ou, en tout état de cause, ne peut aboutir qu’au constat d’une absence de similitude. Par conséquent, en application des principes rappelés aux points 57 et 58 ci-dessus, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que le constat d’une différence globale entre les signes en conflit suffisait pour exclure un risque de confusion, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la similitude ou l’identité des produits et services concernés et de procéder à une appréciation globale de ce risque en prenant en compte l’ensemble des facteurs pertinents. Les arguments de la requérante relatifs à la comparaison des produits et services et à ladite appréciation globale ne peuvent donc qu’être rejetés comme inopérants.

61      Il résulte de tout ce qui précède que le moyen unique et, partant, le recours dans son ensemble doit être rejeté.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

63      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Sixsigma Networks Mexico, SA de CV, est condamnée aux dépens.

Gratsias

Dittrich

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.