Language of document : ECLI:EU:T:2015:760

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

7 octobre 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale Trecolore – Marques communautaires et nationales verbales et figuratives antérieures FRECCE TRICOLORI – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑227/14,

CBM Creative Brands Marken GmbH, établie à Zurich (Suisse), représentée par Mes U. Lüken, M. Grundmann et N. Kerger, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Aeronautica Militare ‑ Stato Maggiore, établie à Rome (Italie),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 29 janvier 2014 (affaire R 253/2013-1), relative à une procédure d’opposition entre Aeronautica Militare ‑ Stato Maggiore et CBM Creative Brands Marken GmbH,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz (rapporteur) et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 11 avril 2014,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 16 juillet 2014,

vu la décision du 24 septembre 2014 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

à la suite de l’audience du 30 avril 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 7 avril 2011, la requérante, CBM Creative Brands Marken GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Trecolore.

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18, 25 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes; peaux d’animaux ; malles et valises, sacs, sacs à main, portefeuilles, porte-monnaie, étuis à clés, sacs à dos, pochettes ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 35 : « Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; vente au détail, également via des sites web et le téléachat, de vêtements, chaussures, chapellerie, préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser, savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices, lunettes de soleil, métaux précieux et leurs alliages ainsi que produits en ces matières ou en plaqué, joaillerie, bijouterie, pierres précieuses, horlogerie et instruments chronométriques, cuir et imitations du cuir et produits en ces matières, peaux d’animaux, malles et valises, sacs, sacs à main, portefeuilles, porte-monnaie, étuis pour clés, sacs à dos, bourses, parapluies, parasols et cannes, fouets et sellerie ; organisation et représentation de programmes publicitaires et de programmes de fidélisation de clients. »

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 88/2011, du 11 mai 2011.

5        Le 5 août 2011, Aeronautica Militare ‑ Stato Maggiore a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009.

6        L’opposition était fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque communautaire verbale FRECCE TRICOLORI, enregistrée le 27 janvier 2010 sous le n° 8425481 et désignant des produits et services relevant des classes 9, 14, 18, 25, 28 et 41 ;

–        la marque italienne verbale FRECCE TRICOLORI, enregistrée le 30 novembre 2010 sous n° 1379870 et désignant des produits et services compris dans les classes 9, 14, 16, 18, 20, 25, 28 et 41 ;

–        la marque communautaire figurative, enregistrée le 27 janvier 2010 sous le n° 8425531, désignant des produits et services compris dans les classes 9, 14, 16, 18, 20, 25, 28 et 41, et reproduite ci-après :

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–        la marque italienne figurative, enregistrée le 30 novembre 2010 sous le n° 1380680, désignant des produits et services compris dans les classes 9, 14, 16, 18, 20, 25, 28 et 41, et reproduite ci-après :

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7        L’opposition, à l’appui de laquelle les motifs visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 étaient invoqués, était dirigée contre tous les produits et services désignés par la marque demandée et reposait sur tous les produits et services désignés par les droits antérieurs.

8        Le 26 novembre 2012, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité. Pour des raisons d’économie procédurale, la division d’opposition n’a procédé qu’à la comparaison de la marque communautaire verbale antérieure FRECCE TRICOLORI (ci-après la « marque antérieure ») avec la marque demandée et a conclu à l’absence de risque de confusion. A fortiori, elle a considéré qu’il n’existait aucun risque de confusion à l’égard des autres marques antérieures mentionnées au point 6 ci-dessus. La division d’opposition a conclu que les exigences de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’étaient pas satisfaites.

9        Le 31 janvier 2013, Aeronautica Militare ‑ Stato Maggiore a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 29 janvier 2014, la première chambre de recours de l’OHMI a, premièrement, annulé la décision de la division d’opposition en ce qu’elle avait rejeté l’opposition en ce qui concernait les produits désignés par la marque demandée compris dans les classes 18 et 25 et a donc accueilli l’opposition dans cette limite, deuxièmement, rejeté la demande de marque pour ces produits et, troisièmement, rejeté le recours pour le surplus (ci-après la « décision attaquée »).

11      La chambre de recours, à l’instar de la division d’opposition, a décidé d’examiner le risque de confusion au regard de la marque antérieure. Elle a considéré que, pour les produits des classes 18 et 25 et pour les services de vente au détail liés aux produits compris dans la classe 35, couverts par les marques en cause, le public pertinent était composé de consommateurs moyens normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés, mais que les services de publicité et les services commerciaux compris dans la classe 35 s’adressaient à des consommateurs professionnels extrêmement attentifs. Elle a estimé que les produits compris dans les classes 18 et 25 désignés par les marques en conflit étaient identiques, que les services de vente au détail de produits particuliers compris dans la classe 35 et couverts par la marque demandée étaient similaires à un faible degré aux produits désignés par la marque antérieure compris dans les classes 18 et 25, mais que tel n’était pas le cas pour les services concernant un certain nombre de produits, et que les autres services désignés par la marque demandée, compris dans la classe 35, n’étaient pas semblables aux produits désignés par la marque antérieure. Elle a considéré qu’il existait une certaine similitude entre les signes en cause, sur les plans visuel et phonétique ainsi que, s’agissant du public italophone, sur le plan conceptuel, lesdits signes étant ainsi similaires à un certain degré. Par conséquent, elle a considéré qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit en ce qui concernait les produits compris dans les classes 18 et 25, mais pas en ce qui concernait les services désignés par la marque demandée et compris dans la classe 35, faiblement similaires ou pas du tout similaires aux produits désignés par la marque antérieure. Enfin, elle a confirmé le rejet de l’opposition en tant qu’elle était fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

 Procédure et conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle annule la décision de la division d’opposition et où elle accueille l’opposition ;

–        rejeter l’opposition dans son intégralité ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      La requérante a demandé, en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, à être entendue lors d’une audience et que le Tribunal statue à l’issue de la procédure orale. Le Tribunal a fait droit à cette demande.

15      Par ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 13 avril 2015, la présente affaire a été jointe aux affaires T‑228/14, CBM / OHMI – Aeronautica Militare (TRECOLORE), et T‑365/14, CBM / OHMI – Aeronautica Militare (TRECOLORE), aux fins de la procédure orale.

 En droit

16      La requérante demande l’annulation de la décision attaquée en se fondant sur un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

17      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel ladite marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec cette marque antérieure.

18      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement (voir, par analogie, arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec, EU:C:1998:442, point 29, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec, EU:C:1999:323, point 17). Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec, EU:T:2003:199, points 30 et 31 et jurisprudence citée].

19      Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, entre la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, Rec, EU:C:2007:514, point 48, et GIORGIO BEVERLY HILLS, point 18 supra, EU:T:2003:199, point 32).

20      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

21      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

22      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si la chambre de recours a rejeté à juste titre la demande de marque communautaire présentée par la requérante au motif qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit.

23      À titre liminaire, il convient de rappeler que la chambre de recours, suivant en cela la division d’opposition, a procédé à l’examen du risque de confusion entre les marques en conflit en comparant la marque demandée à la marque antérieure.

 Sur le public pertinent

24      La chambre de recours a considéré que le public pertinent était le consommateur moyen de l’Union, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé s’agissant de la nature des produits et des services concernés.

25      Dans sa critique de l’appréciation du risque de confusion portée par la chambre de recours, la requérante soutient, en se fondant sur l’arrêt du 12 janvier 2006, Ruiz-Picasso e.a./OHMI (C-361/04 P, Rec, EU:C:2006:25, point 39), que lorsque les produits et services concernés s’adressent au grand public, le consommateur fait preuve d’un niveau élevé d’attention lors de l’acquisition de tels produits, qui relèvent du secteur de la mode. Selon elle, dans un tel secteur d’activité, les différences entre les marques seront clairement perçues, reconnues et mémorisées par le consommateur.

26      Comme le relève l’OHMI en défense, la jurisprudence citée par la requérante n’est aucunement pertinente, puisque les produits concernés dans l’affaire en cause étaient des véhicules automobiles, pour lesquels, en raison de leur coût élevé et de leur caractère hautement technologique, le consommateur pertinent fait preuve d’un degré d’attention particulièrement élevé.

27      Or, il ressort de la jurisprudence que le degré d’attention du consommateur lorsqu’il procède à l’achat de produits compris dans les classes 18 et 25 n’est pas supérieur à la moyenne [voir, en ce sens, arrêts du 19 juin 2012, H.Eich/OHMI – Arav (H.EICH), T‑557/10, EU:T:2012:309, point 22, et du 19 avril 2013, Hultafors Group/OHMI – Società Italiana Calzature (Snickers), T‑537/11, EU:T:2013:207, point 23].

28      Dès lors, la chambre de recours a conclu à juste titre que le public pertinent, constitué de consommateurs moyens de l’Union, était normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, s’agissant des produits des classes 18 et 25 couverts par les marques en cause.

 Sur la comparaison des produits

29      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que les produits compris dans les classes 18 et 25 désignés par la marque demandée étaient identiques à ceux des mêmes classes désignés par la marque antérieure.

30      Il résulte du dossier que l’opposition était notamment fondée sur la marque antérieure, laquelle désignait notamment les produits compris dans la classe 18 correspondant à la description suivante : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et selleries » et les produits compris dans la classe 25 correspondant à la description suivante : « Vêtements, chaussures, chapellerie ». Or, les produits susmentionnés sont identiques aux produits des classes 18 et 25 couverts par la marque demandée (voir point 3 ci-dessus).

31      Dès lors, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a conclu à juste titre à l’identité des produits qu’elle a comparés.

 Sur la comparaison des signes

32      À titre liminaire, il convient de noter, comme l’OHMI dans son mémoire en réponse, que la chambre de recours s’est concentrée sur le public italien pour procéder à une comparaison des marques en cause, même si elle ne l’a pas explicitement indiqué dans la décision attaquée. Or, lorsque la marque antérieure est une marque communautaire et que le territoire pertinent pour l'analyse du risque de confusion est ainsi constitué par l'ensemble de l'Union, l'enregistrement doit être refusé, compte tenu du caractère unitaire de la marque communautaire, même si le motif relatif de refus n'existe que dans une partie de l’Union [arrêt du 3 mars 2004, Mülhens/OHMI – Zirh International (ZIRH), T‑355/02, Rec, EU:T:2004:62, points 34 à 36].

33      De manière générale, la requérante considère que la chambre de recours a apprécié à tort la similitude des signes en cause en prenant uniquement en considération l’élément « tricolori » de la marque antérieure, sans tenir compte de l’importance de l’élément « frecce », lequel serait, selon elle, l’élément dominant dans la marque antérieure, puisqu’il est placé au début du signe, attirant ainsi l’attention du consommateur. Elle note également que le mot « frecce », qui signifie « flèches » en italien, aurait un caractère distinctif, alors que l’élément « tricolori » devrait être considéré comme un ajout mineur et négligeable, s’agissant d’un adjectif complétant la description de l’élément principal. Enfin, elle considère qu’une appréciation correcte de la similitude des marques en conflit aurait dû conduire la chambre de recours à constater qu’elles n’étaient pas similaires, comme la division d’opposition l’aurait reconnu dans deux décisions relatives à d’autres procédures entre elle et l’opposante.

34      Premièrement, il ne ressort pas de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que le mot « tricolori » était l’élément dominant de la marque antérieure. En revanche, elle a estimé que les signes en cause présentaient un certain degré de similitude visuelle et phonétique, dans la mesure où les mots « trecolore » et « tricolori », ainsi que les sons produits dans de nombreuses langues lorsqu’on les prononce, étaient quasiment identiques (points 27 et 28 de la décision attaquée). Il convient d’ailleurs de noter que, en ayant conclu à l’existence d’un certain degré de similitude entre les signes en cause, la chambre de recours a considéré que le degré de similitude était, en l’espèce, plutôt faible ainsi qu’elle l’a fait implicitement valoir lors de l’appréciation globale du risque de confusion, en indiquant qu’un degré de similitude plus faible entre les marques pouvait être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits (point 35 de la décision attaquée).

35      Deuxièmement, si la requérante soutient que le mot « frecce » est l’élément dominant dans la marque antérieure, au motif que, placé au début de celle-ci, il est immédiatement perçu par le consommateur et est davantage susceptible d’attirer son attention, il y a lieu de constater que le fait qu’un terme soit placé au début d’une marque ne peut avoir pour conséquence, même s’il est plus à même d’attirer l’attention du public pertinent que les termes qui lui succèdent, de dominer, de ce seul fait, l’impression d’ensemble produite par une marque complexe dans la mémoire de ce public, au sens de l’arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, (C‑334/05 P, Rec, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). En outre, le constat de l’existence d’un élément dominant dans une marque complexe ne peut conduire à l’appréciation de la similitude des marques en conflit sur la base de ce seul élément qu’à la condition que les autres composants de la marque complexe soient négligeables (voir, en ce sens, arrêt OHMI/Shaker, précité, EU:C:2007:333, point 42), ce que la requérante n’a ni démontré ni clairement soutenu en l’espèce.

36      Or, la double circonstance que, d’une part, le mot « frecce » présenterait un caractère distinctif eu égard à sa signification pour le public italien, sur lequel la chambre de recours s’est concentrée pour procéder à la comparaison des marques (voir point 32 ci-dessus), et, d’autre part, le mot « tricolori » ne serait qu’un adjectif complétant la description de l’élément principal, ne saurait suffire pour considérer que le premier de ces termes est l’élément dominant de la marque antérieure et que le second est négligeable. Il ne saurait donc être soutenu que la chambre de recours aurait commis une erreur de droit en ne procédant pas à la comparaison des signes en conflit sur la base du seul élément « frecce » de la marque antérieure.

37      Troisièmement, si la requérante se fonde sur deux décisions de la division d’opposition adoptées dans le cadre d’autres procédures entre elle et Aeronautica Militare ‑ Stato Maggiore pour considérer erronée l’appréciation de la chambre de recours quant à la similitude des signes en cause, il convient de constater que, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration devant se concilier avec le respect de la légalité, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en sa faveur dans une autre procédure afin d’obtenir une décision identique (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec, EU:C:2011:139, points 75 et 76). Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue (arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, précité, EU:C:2011:139, point 77). Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, précité, EU:C:2011:139, point 77). L’argument de la requérante, en ce qu’il se fonde sur l’existence de deux précédentes décisions de la division d’opposition, doit donc être écarté.

 Sur la similitude visuelle des signes en cause

38      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que les signes en cause présentaient une certaine similitude visuelle dans la mesure où ils avaient en commun les groupes de lettres « tr » et « color », le mot « trecolore » composant la marque demandée étant quasiment identique au mot « tricolori » contenu dans la marque antérieure.

39      La requérante indique que le signe Trecolore ne contient pas d’élément identique ou similaire à l’élément « frecce » de la marque antérieure, laquelle comprend seize caractères au lieu de neuf pour la marque demandée, et que la dissemblance visuelle est accentuée par la différence visuelle des voyelles entre les marques en cause.

40      L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante.

41      Il est certes exact que la marque demandée ne contient pas d’élément identique ou similaire à l’élément « frecce », figurant dans la marque antérieure. Cependant, il n’en demeure pas moins que le seul mot dont elle est composée comporte sept des neuf lettres du second terme de cette marque, dont notamment les deux premières lettres. Par ailleurs, il ressort de l’examen des signes en cause qu’il existe une similitude importante entre les termes « trecolore » et « tricolori », à laquelle la différence visuelle des voyelles ne porte pas atteinte, ce que la chambre de recours a constaté.

42      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un certain degré de similitude visuelle entre les signes en cause.

 Sur la similitude phonétique des signes en cause

43      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que la prononciation des signes en cause est la même en ce qui concerne les sons issus des groupes de lettres « tr » et « color » et que, dans cette mesure, lesdits signes sont similaires sur le plan phonétique, même si la prononciation diffère s’agissant du premier élément de la marque antérieure, qui n’existe pas dans la marque demandée et de la séquence de voyelles de l’élément commun aux deux marques. Toutefois, la chambre de recours a conclu que, eu égard au fait que les sons produits dans de nombreuses langues lorsque l’on prononce « trecolore » et « tricolori » sont quasiment identiques, il existait une certaine similitude phonétique entre les marques en conflit.

44      La requérante soutient que le signe Trecolore ne contient pas d’élément identique ou similaire à l’élément « frecce », les signes en cause différant considérablement par la prononciation, la durée, le rythme et l’intonation. Par ailleurs, lesdits signes se distingueraient par leur longueur, respectivement, six syllabes et trois syllabes, et par la disposition des voyelles, qui ne coïncident que pour deux des six voyelles composant la marque antérieure. Elle considère que, même à supposer que la prononciation puisse être jugée similaire, elle ne le serait qu’entre le deuxième élément composant la marque antérieure et le mot « trecolore », qui diffèrent en raison des voyelles, généralement les éléments les plus importants dans un mot.

45      L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante.

46      Si la chambre de recours a reconnu que le premier élément composant la marque antérieure ne figurait pas dans la marque demandée, que les mots « trecolore » et « tricolori » ne contenaient pas les mêmes voyelles et qu’il est constant que les signes en cause diffèrent également par leur longueur respective, qu’elle soit mesurée en caractères, lettres ou syllabes, force est de constater qu’il existe une similitude phonétique entre lesdits signes. En effet, premièrement, la prononciation des signes en cause est la même quant aux sons issus des groupes de lettres « tr » et « color », c’est-à-dire que, dans cette mesure, ils sont identiques. Deuxièmement, ainsi que la chambre de recours l’a noté, la prononciation des mots « trecolore » et « tricolori » dans de nombreuses langues produirait une impression sonore quasi identique. Troisièmement, l’absence du mot « frecce » dans la marque demandée n’a pas d’incidence sur l’évaluation du degré de similitude phonétique, eu égard à la similitude entre l’impression sonore résultant de la prononciation de la marque demandée et celle de la prononciation du second élément de la marque antérieure.

47      Dès lors, il convient de constater l’existence d’une similitude phonétique de niveau moyen entre les signes en cause et non d’un certain degré de similitude comme cette dernière l’a estimé.

 Sur la similitude conceptuelle des signes en cause

48      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a pris en considération le fait que les mots composant la marque antérieure signifient « flèches tricolores » en italien, que le mot « tricolori » sera associé au drapeau italien et que la marque demandée pourra être perçue comme une mauvaise orthographe de l’expression « tre colori », signifiant « trois couleurs » en italien. Au vu de la référence au concept de trois couleurs et, partant, au drapeau italien, la chambre de recours a conclu que les signes en cause étaient similaires sur le plan conceptuel pour le public italophone.

49      Selon la requérante, la chambre de recours a commis une erreur en tenant compte du seul élément « tricolori » pour apprécier la similitude conceptuelle des signes en cause. Or, compte tenu de la signification du mot « frecce », il serait peu probable d’associer la marque antérieure au drapeau italien ou à un autre drapeau. Elle relève que la marque antérieure sera associée à la patrouille acrobatique de l’armée de l’air italienne, qui porte le même nom, mais qu’il n’en sera pas de même pour la marque demandée. Elle estime que les consommateurs de langue italienne associeront la marque antérieure à l’image de flèches, mais sans faire de lien avec la marque Trecolore. Elle fait également valoir que les différences conceptuelles sont de nature à neutraliser les similitudes visuelles et phonétiques.

50      L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante.

51      S’il est exact que, comme le soutient la requérante, l’expression « frecce tricolori » désigne la patrouille acrobatique de l’armée de l’air italienne et que, dès lors, la marque antérieure sera certainement associée, au moins par le public italien, à cette formation, un tel constat permet de supposer que, au moins pour le même public, la marque antérieure sera associée au drapeau italien qui est d’ailleurs, sous une forme stylisée, un élément de la marque communautaire figurative et de la marque nationale figurative sur lesquelles l’opposante a également fondé son opposition (voir point 6 ci-dessus). Quant à la marque demandée, à savoir Trecolore, la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours quant à la perception de celle-ci par le public italien comme le résultat d’une orthographe erronée de l’expression italienne « tre colori », renvoyant par-là indirectement au concept de drapeau, plus précisément à celui de l’Italie. Une telle appréciation apparaît tout à fait vraisemblable et ne peut être remise en cause par la seule affirmation que le public pertinent n’associera pas la marque demandée à la patrouille acrobatique de l’armée de l’air italienne.

52      Il convient donc de constater l’existence d’une similitude conceptuelle entre les signes en cause, l’argument tenant à ce que les différences conceptuelles entre ces signes seraient de nature à neutraliser leurs similitudes visuelles et phonétiques devant être écarté, puisque la marque demandée renvoie au même concept que celui véhiculé par la marque antérieure, en l’occurrence celui de trois couleurs et, partant, celui du drapeau italien.

 Sur le risque de confusion

53      Afin d’apprécier l’existence d’un risque de confusion, la chambre de recours a, tout d’abord, considéré que, en l’absence de preuve de l’usage de la marque antérieure et d’un caractère distinctif acquis par l’usage, il convenait d’attribuer à ladite marque un caractère distinctif normal. Ensuite, elle a considéré, au regard de l’existence d’une identité des produits en cause et d’un certain degré de similitude des marques en conflit, que l’utilisation de marques similaires pour de tels produits était susceptible de porter à confusion dans l’esprit de consommateurs raisonnablement attentifs et, partant, elle a accueilli l’opposition en ce qui concerne les produits des classes 18 et 25.

54      La requérante note que, eu égard à la nature des produits et services concernés, relevant du secteur de la mode, le consommateur fait preuve d’un niveau élevé d’attention lors de leur acquisition, que le public pertinent est celui de l’Union, que les marques en conflit présentent un caractère distinctif moyen et que les signes en cause sont différents, ce qui exclut tout risque de confusion. Elle estime que les consommateurs n’auront pas tendance à confondre un signe transmettant une combinaison de mots assez simple avec un signe sans signification claire et déterminée.

55      L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante.

56      Premièrement, s’agissant de la composition du public pertinent et de son niveau d’attention, ainsi que cela est mentionné aux points 24 à 28 ci-dessus, la chambre de recours a conclu à juste titre que le public pertinent était constitué de consommateurs moyens de l’Union et qu’il était normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Dès lors, l’argument de la requérante à cet égard doit être écarté.

57      Deuxièmement, en soutenant que les marques en conflit possèdent un caractère distinctif moyen, la requérante n’est pas en mesure de remettre en cause la légalité de la décision attaquée. La constatation opérée par la chambre de recours doit être approuvée.

58      Troisièmement, il ressort des points 38 à 52 ci-dessus que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a considéré à juste titre que les signes en cause étaient similaires à un certain degré.

59      Quatrièmement, l’argument tenant à ce que les consommateurs n’auront pas tendance à confondre un signe transmettant une combinaison de mots assez simple avec un signe sans signification claire et déterminée ne permet pas de revenir sur la conclusion rappelée au point 58 ci-dessus quant à l’existence d’un certain degré de similitude entre les signes en cause.

60      Par suite, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu, dans la décision attaquée, à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

61      Par conséquent, il convient de rejeter le moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et, partant, le recours dans son intégralité comme non fondé, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions aux fins de rejet de l’opposition.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      CBM Creative Brands Marken GmbH est condamnée aux dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 octobre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.