Language of document : ECLI:EU:C:2024:273

ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

22 mars 2024 (*)

« Pourvoi – Intervention – Politique économique et monétaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement – Décision de ne pas adopter de dispositif de résolution – Société mère – Intérêt à la solution du litige »

Dans l’affaire C‑676/23 P(I),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 13 novembre 2023,

Sberbank of Russia PAO, établie à Moscou (Russie), représentée par Mes M. Campa, M. Moretto, M. Pirovano, D. Rovetta et V. Villante, avvocati,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

MeSoFa Vermögensverwaltungs AG, anciennement Sber Vermögensverwaltungs AG, anciennement Sberbank Europe AG, établie à Vienne (Autriche),

partie demanderesse en première instance,

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mme H. Ehlers, MM. L. Forestier et J. Rius Riu, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,




LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Sberbank of Russia PAO demande l’annulation de l’ordonnance de la présidente de la septième chambre du Tribunal de l’Union européenne du 19 octobre 2023, MeSoFa/CRU (T‑450/22, ci‑après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2023:692), par laquelle celle‑ci a rejeté sa demande d’intervention au soutien des conclusions de MeSoFa Vermögensverwaltungs AG, anciennement Sber Vermögensverwaltungs AG, anciennement Sberbank Europe AG (ci-après « MeSoFa »), partie demanderesse en première instance dans l’affaire T‑450/22.

 Les antécédents du litige

2        Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 6 de l’ordonnance attaquée. Ils peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.

3        À la date des faits pertinents, MeSoFa était un établissement de crédit établi en Autriche, sous la dénomination sociale « Sberbank Europe AG ». Sberbank Europe disposait de filiales établies dans des États membres de l’Union européenne ainsi que dans des pays tiers et formait avec elles un groupe (ci-après le « groupe Sberbank Europe »).

4        À la suite d’une détérioration de la situation de liquidité de Sberbank Europe, le Conseil de résolution unique (CRU) a arrêté la décision SRB/EES/2022/19, du 1er mars 2022, de ne pas adopter de dispositif de résolution à l’égard de l’établissement de crédit Sberbank Europe AG, au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1, ci-après la « décision litigieuse »).

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 juillet 2022, MeSoFa a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 novembre 2022, Sberbank of Russia a demandé à intervenir dans l’affaire T‑450/22 au soutien des conclusions de MeSoFa.

7        Par l’ordonnance attaquée, la présidente de la septième chambre du Tribunal a rejeté cette demande d’intervention, au motif que Sberbank of Russia n’avait pas établi qu’elle avait un intérêt à la solution du litige pendant devant le Tribunal.

8        Au point 26 de cette ordonnance, la présidente de la septième chambre du Tribunal a estimé que la décision litigieuse ne produisait pas directement d’effets sur Sberbank of Russia, puisque son droit, en tant qu’actionnaire unique de Sberbank Europe, de percevoir des dividendes et de participer à la gestion de cet établissement de crédit n’avait pas été affecté par cette décision.

9        Elle a rappelé à cet égard, au point 27 de ladite ordonnance, que l’effet négatif, pour les actionnaires d’un établissement de crédit, d’un retrait de l’agrément de ce dernier est de nature non pas juridique, mais économique, même si ce retrait empêche cet établissement de crédit de poursuivre son activité. En outre, au point 28 de la même ordonnance, elle a souligné qu’il en allait d’autant plus ainsi en l’espèce, dès lors que la décision litigieuse n’avait ni pour objet ni pour effet de retirer son agrément à Sberbank Europe.

10      La présidente de la septième chambre du Tribunal en a déduit, au point 29 de l’ordonnance attaquée, que Sberbank of Russia n’était pas fondée à soutenir que son droit de propriété et sa liberté d’entreprendre étaient affectés par la décision litigieuse. Elle a également précisé, à ce point 29, qu’il n’était pas démontré que l’adoption de cette décision excluait la possibilité de vendre l’ensemble des actifs du groupe Sberbank Europe.

11      Par ailleurs, au point 31 de cette ordonnance, la présidente de la septième chambre du Tribunal a relevé que Sberbank of Russia invoquait uniquement sa qualité d’actionnaire de Sberbank Europe et a jugé que les intérêts de Sberbank of Russia, en cette qualité, se confondaient avec ceux de Sberbank Europe, de sorte qu’ils n’étaient affectés que de manière indirecte par la décision litigieuse.

 Les conclusions des parties

12      Sberbank of Russia demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        d’accueillir sa demande d’intervention dans l’affaire T‑450/22 au soutien des conclusions de MeSoFa, et

–        de condamner le CRU aux dépens des deux instances.

13      Le CRU demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner Sberbank of Russia aux dépens.

 Sur le pourvoi

14      À l’appui de son pourvoi, Sberbank of Russia présente deux moyens tirés, le premier, d’erreurs de droit dans l’application de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, le second, d’erreurs de droit et de dénaturation des faits en ce qui concerne l’appréciation du caractère direct des effets de la décision litigieuse sur la position juridique de Sberbank of Russia.

 Sur le premier moyen

 Argumentation

15      Par la première branche de son premier moyen, Sberbank of Russia soutient que la présidente de la septième chambre du Tribunal a interprété de manière erronée la notion d’« intérêt à la solution du litige », au sens de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

16      D’une part, elle aurait assimilé, à tort, cette notion avec la première des deux conditions relatives à la qualité pour agir prévues à l’article 263 TFUE, en subordonnant l’admission de l’intervention à l’existence d’un intérêt direct à la solution du litige. D’autre part, elle aurait ajouté une condition à celles énoncées à cet article 40, en exigeant que l’issue du litige soit de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention.

17      Or, si cette interprétation dudit article 40 correspondrait à celle retenue par la Cour dans sa jurisprudence constante, elle emporterait une restriction excessive du droit à une protection juridictionnelle effective, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et ne serait pas fidèle à la volonté des auteurs des traités.

18      Par la deuxième branche de son premier moyen, Sberbank of Russia avance que la décision litigieuse affecte directement sa position en tant que, conformément à un plan de résolution adopté par le CRU en 2021 (ci-après le « plan de 2021 »), Sberbank of Russia aurait dû décider de vendre le groupe Sberbank Europe dans son ensemble, ce qui serait désormais exclu.

19      Par la troisième branche de son premier moyen, Sberbank of Russia soutient que la présidente de la septième chambre du Tribunal a omis, à tort, de tenir compte des arguments présentés dans la demande d’intervention en ce qui concerne le plan de 2021 et sa participation à la gestion des activités de Sberbank Europe.

20      Par la quatrième branche de son premier moyen, Sberbank of Russia fait valoir que la présidente de la septième chambre du Tribunal a violé l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, au point 31 de l’ordonnance attaquée, en omettant d’examiner les conséquences de sa qualité de société mère ultime du groupe Sberbank Europe et en se prononçant donc uniquement sur ses intérêts en tant qu’actionnaire direct de Sberbank Europe.

21      Par la cinquième branche de son premier moyen, Sberbank of Russia avance, à titre subsidiaire, que, dans l’hypothèse où la Cour confirmerait l’interprétation de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne retenue dans l’ordonnance attaquée, cette disposition devrait être écartée comme étant illégale, en tant qu’elle assurerait une protection insuffisante aux personnes ayant un intérêt à l’issue d’un litige et priverait de son effet utile le mécanisme de l’intervention que prévoit cette disposition. La plupart des systèmes juridiques des États membres prévoiraient d’ailleurs un mécanisme d’intervention dont peuvent bénéficier toutes les personnes ayant un intérêt caractérisé à l’issue du litige.

22      Le CRU soutient que le premier moyen doit être écarté comme étant non fondé.

 Appréciation

23      S’agissant, en premier lieu, de la première branche du premier moyen, il y a lieu de souligner que, conformément à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, toute personne peut intervenir devant les juridictions de l’Union si elle peut justifier d’un intérêt à la solution du litige soumis à l’une d’entre elles.

24      Comme l’a rappelé la présidente de la septième chambre du Tribunal au point 18 de l’ordonnance attaquée, selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion d’« intérêt à la solution du litige », au sens de cet article 40, deuxième alinéa, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme étant un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, les termes « solution du litige » renvoient à la décision finale demandée, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt à intervenir [ordonnance du vice-président de la Cour du 22 février 2022, Fastweb/Commission, C‑649/21 P(I), EU:C:2022:171, point 35 et jurisprudence citée].

25      Ainsi qu’il ressort des points 19 à 21 de l’ordonnance attaquée, il convient de vérifier notamment que le demandeur en intervention est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à l’issue du litige est certain. En principe, un intérêt à la solution du litige ne saurait être considéré comme suffisamment direct que dans la mesure où cette solution est de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention. Par ailleurs, une distinction doit être faite entre les demandeurs en intervention justifiant d’un intérêt direct au sort réservé aux conclusions présentées par les parties dans le cadre de la procédure dans laquelle ils souhaitent intervenir et ceux qui ne justifient que d’un intérêt indirect à la solution du litige en raison de similarités entre leur situation et celle de l’une des parties [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 22 février 2022, Fastweb/Commission, C‑649/21 P(I), EU:C:2022:171, points 36 et 37 ainsi que jurisprudence citée].

26      S’il n’est pas contesté que l’interprétation de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne adoptée par la présidente de la septième chambre du Tribunal dans l’ordonnance attaquée correspond à celle qui a été retenue dans la jurisprudence constante rappelée aux points 24 et 25 de la présente ordonnance, Sberbank of Russia invite néanmoins la Cour à s’écarter de cette interprétation.

27      À cet égard, d’une part, il convient de relever que l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne vise à garantir qu’une décision d’une juridiction de l’Union affectant les intérêts d’un tiers ne pourra pas intervenir sans que celui-ci ait disposé de la possibilité d’exposer sa position quant à cette décision.

28      Pour autant, dans l’intérêt de la bonne administration de la justice, cette disposition doit être interprétée de manière à éviter une multiplicité d’interventions individuelles qui compromettraient l’efficacité et le bon déroulement de la procédure [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 17 juin 1997, National Power et PowerGen/Commission, C‑151/97 P(I) et C‑157/97 P(I), EU:C:1997:307, point 66, ainsi que du 6 avril 2006, An Post/Deutsche Post et Commission, C‑130/06 P(I), EU:C:2006:248, point 11].

29      Or, la distinction entre les demandeurs en intervention ayant un intérêt direct à l’issue du litige et ceux ayant uniquement un intérêt indirect à cette issue permet d’assurer la réalisation de l’objectif poursuivi par ladite disposition, tout en évitant que l’admission à intervenir de tiers ayant, tout au plus, un rapport ténu avec la procédure en cause ne puisse nuire au bon déroulement de celle-ci (voir, en ce sens, ordonnance du 15 novembre 1993, Scaramuzza/Commission, C‑76/93 P, EU:C:1993:881, points 10 et 11).

30      Dès lors, la circonstance, dont se prévaut Sberbank of Russia, que la recevabilité d’un recours en annulation soit subordonnée à l’existence d’un intérêt direct à l’annulation de la décision attaquée n’est pas de nature à remettre en cause l’interprétation de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne exposée aux points 24 et 25 de la présente ordonnance.

31      D’autre part, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 25 de la présente ordonnance, l’exigence selon laquelle l’admission d’une demande d’intervention suppose que la solution du litige en cause soit de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention constitue non pas une condition supplémentaire s’ajoutant à celle prévue à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, mais uniquement un élément de la définition de la notion d’« intérêt à la solution du litige », au sens de cette disposition.

32      Par ailleurs, dans la mesure où Sberbank of Russia invoque l’article 47 de la charte des droits fondamentaux pour appuyer l’interprétation qu’elle propose de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, il importe de rappeler que la reconnaissance du droit à un recours effectif prévu à cet article 47, dans un cas d’espèce donné, suppose que la personne qui l’invoque se prévale de droits ou de libertés garantis par le droit de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2022, RS (Effet des arrêts d’une cour constitutionnelle), C‑430/21, EU:C:2022:99, point 34 et jurisprudence citée].

33      Dès lors, ledit article 47 ne saurait impliquer qu’une personne qui n’est pas partie à un litige faisant l’objet d’une procédure devant une juridiction de l’Union soit nécessairement admise à intervenir dans cette procédure lorsque l’issue de ce litige n’est pas, en tant que telle, susceptible d’avoir des conséquences pour les droits et les obligations de cette personne.

34      Il s’ensuit que Sberbank of Russia n’a pas établi que les points 18 à 21 de l’ordonnance attaquée sont entachés d’une erreur de droit. Il y a donc lieu de rejeter la première branche du premier moyen comme étant non fondée.

35      En deuxième lieu, il importe de souligner que la deuxième branche du premier moyen est tirée de ce que l’issue du litige devant le Tribunal serait de nature à altérer la position juridique de Sberbank of Russia, dans la mesure où cette dernière ne disposerait plus, en raison des effets de la décision litigieuse, de la possibilité d’adopter les mesures prévues par le plan de 2021.

36      Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges [ordonnance du vice-président de la Cour du 22 février 2022, Fastweb/Commission, C‑649/21 P(I), EU:C:2022:171, point 30].

37      En l’espèce, la demande d’intervention devant le Tribunal ne comportait aucune référence au plan de 2021, aux mesures qui auraient dû être adoptées par Sberbank of Russia en application de ce plan ou encore aux rapports entre ledit plan et la décision litigieuse.

38      Il apparaît ainsi que la deuxième branche du premier moyen invite en réalité la Cour à se prononcer sur un moyen qui n’a pas été soulevé devant le Tribunal par Sberbank of Russia, tiré de ce que la demande d’intervention aurait dû être accueillie en tant que la décision litigieuse impliquait une dégradation de sa position juridique par rapport à celle qui aurait été la sienne en vertu du plan de 2021.

39      La deuxième branche du premier moyen doit, en conséquence, être rejetée comme étant irrecevable.

40      En troisième lieu, dès lors que, par la troisième branche du premier moyen, Sberbank of Russia fait grief à la présidente de la septième chambre du Tribunal d’avoir omis de répondre à ses arguments tirés du plan de 2021 ou de sa participation à la gestion de Sberbank Europe, il convient de rappeler, d’une part, que, dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, notamment, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par le requérant et, d’autre part, que le moyen tiré d’un défaut de réponse du Tribunal à des arguments invoqués en première instance revient, en substance, à invoquer une violation de l’obligation de motivation qui découle de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de ce statut, et de l’article 117 du règlement de procédure du Tribunal [ordonnance du vice-président de la Cour du 17 août 2022, SJM Coordination Center/Magnetrol International et Commission, C‑4/22 P(I), EU:C:2022:626, point 19 ainsi que jurisprudence citée].

41      En l’espèce, ainsi que le souligne Sberbank of Russia, les motifs de l’ordonnance attaquée ne comportent pas d’appréciation des conséquences de l’issue du litige dans l’affaire T‑450/22 sur l’application du plan de 2021 ou sur la participation de Sberbank of Russia à la gestion des activités de Sberbank Europe.

42      Cependant, il ressort de la demande d’intervention de Sberbank of Russia que cette dernière ne s’est pas explicitement prévalue, en première instance, de telles conséquences de la décision litigieuse.

43      Partant, il ne saurait être valablement reproché à la présidente de la septième chambre du Tribunal de ne pas avoir pris position, dans l’ordonnance attaquée, sur ces conséquences.

44      Il s’ensuit que la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

45      En quatrième lieu, il y a certes lieu de relever que, ainsi qu’il ressort notamment du point 31 de l’ordonnance attaquée, la présidente de la septième chambre du Tribunal a, dans cette ordonnance, examiné l’intérêt à intervenir de Sberbank of Russia en se fondant exclusivement sur sa qualité d’actionnaire de Sberbank Europe.

46      Si Sberbank of Russia avance qu’elle aurait ainsi commis une erreur de qualification juridique des faits, faute d’avoir considéré que cet intérêt découlait du fait que Sberbank of Russia était la société mère ultime du groupe Sberbank Europe, force est de constater que Sberbank of Russia n’a aucunement exposé en quoi cette dernière qualité lui conférerait des droits spécifiques qui différeraient de ceux qu’elle tire de sa qualité d’actionnaire de Sberbank Europe.

47      Dès lors, Sberbank of Russia reste en défaut de démontrer que la présidente de la septième chambre du Tribunal aurait commis une erreur de qualification juridique des faits en ne déduisant pas son intérêt à intervenir de sa qualité de société mère ultime du groupe Sberbank Europe.

48      La quatrième branche du premier moyen doit donc être écartée comme étant non fondée.

49      En ce qui concerne, en cinquième lieu, l’exception d’illégalité soulevée à titre subsidiaire par Sberbank of Russia, il convient, en tout état de cause, de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE, à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande [ordonnance du vice‑président de la Cour du 24 mai 2022, Puigdemont i Casamajó e.a./Parlement et Espagne, C‑629/21 P(R), EU:C:2022:413, point 106].

50      Or, le pourvoi ne comporte aucune précision quant aux dispositions de droit de l’Union sur lesquelles est fondée l’exception d’illégalité qui constitue la cinquième branche du premier moyen.

51      Il s’ensuit que cette cinquième branche doit être rejetée comme étant irrecevable et, en conséquence, que le premier moyen doit être écarté dans son ensemble.

 Sur le second moyen

 Argumentation

52      Par la première branche de son second moyen, Sberbank of Russia fait valoir que la décision litigieuse produit directement des effets sur sa position juridique, notamment sur son droit de participer à la gestion de Sberbank Europe et de décider de la stratégie à suivre au niveau du groupe Sberbank Europe.

53      Ainsi, la décision litigieuse aurait privé Sberbank of Russia de son droit de céder l’ensemble des actifs du groupe Sberbank Europe, puisqu’elle aurait exclu l’adoption d’un dispositif de résolution au niveau de ce groupe, alors qu’une telle adoption aurait été envisagée dans le plan de 2021. Les motifs de cette décision évoqueraient d’ailleurs ce plan et indiqueraient que l’adoption d’un dispositif de résolution de Sberbank Europe n’est pas nécessaire au regard de la possibilité de mettre en œuvre des mesures de résolution séparées au niveau de ses filiales.

54      Par la deuxième branche de son second moyen, Sberbank of Russia soutient que les motifs énoncés au point 29 de l’ordonnance attaquée sont entachés d’une erreur de droit et d’une dénaturation des faits. D’une part, en empêchant Sberbank of Russia de disposer de l’ensemble des actifs de Sberbank Europe et de ses filiales, la décision litigieuse affecterait négativement son droit de définir la stratégie du groupe Sberbank Europe, lequel serait l’expression du droit de propriété et de la liberté d’entreprise de Sberbank of Russia. D’autre part, étant donné que cet effet de la décision litigieuse découlerait directement du libellé de cette décision, la présidente de la septième chambre du Tribunal aurait jugé à tort qu’il incombait à Sberbank of Russia de démontrer que ladite décision aurait eu un tel effet.

55      Par la troisième branche de son second moyen, Sberbank of Russia avance que la présidente de la septième chambre du Tribunal a commis une erreur de droit en appliquant par analogie, aux points 26 à 28 de cette ordonnance, l’arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923). En effet, alors que la décision litigieuse aurait modifié la position juridique de Sberbank of Russia, la décision en cause dans cet arrêt n’aurait pas eu un tel effet sur la position juridique des actionnaires de l’entreprise visée par ledit arrêt.

56      Par la quatrième branche de son second moyen, Sberbank of Russia conteste le bien-fondé du point 31 de l’ordonnance attaquée.

57      D’une part, la présidente de la septième chambre du Tribunal aurait considéré à tort que Sberbank of Russia se serait uniquement prévalue de sa qualité d’actionnaire de Sberbank Europe, alors qu’elle se serait fondée avant tout sur sa qualité de société mère ultime du groupe Sberbank Europe. Cette erreur aurait d’ailleurs conduit à appliquer à tort, par analogie, une jurisprudence de la Cour qui concerne des demandeurs en intervention qui se prévalaient exclusivement de leur qualité d’actionnaire d’une société donnée.

58      D’autre part, la présidente de la septième chambre du Tribunal aurait commis une dénaturation des faits en jugeant que les intérêts de Sberbank of Russia se confondent avec ceux de Sberbank Europe, sans tenir compte du fait que cette dernière serait en liquidation.

59      Le CRU soutient que le second moyen doit être écarté comme étant non fondé.

 Appréciation

60      S’agissant, en premier lieu, des deux premières branches du second moyen, il ressort du point 15 de l’ordonnance attaquée que Sberbank of Russia avait effectivement fait valoir, devant le Tribunal, que la décision litigieuse avait pour effet de remettre en cause son droit de céder l’ensemble des actifs du groupe Sberbank Europe.

61      Au point 29 de cette ordonnance, la présidente de la septième chambre du Tribunal a toutefois rejeté cet argument, au motif qu’il n’était pas démontré que l’adoption de la décision litigieuse, qui concerne uniquement Sberbank Europe, avait eu pour résultat l’impossibilité de vendre l’ensemble des actifs du groupe Sberbank Europe.

62      Or, tout d’abord, il importe de souligner que, par ce motif, la présidente de la septième chambre a, en définitive, considéré que les éléments de fait et de droit avancés par Sberbank Europe n’étaient pas suffisants pour justifier son allégation relative à cette impossibilité.

63      Partant, en vue d’établir que ledit motif est entaché d’une erreur de droit, Sberbank of Russia doit nécessairement faire état d’éléments de fait ou droit avancés en première instance dont elle estime qu’ils n’ont pas été correctement pris en considération par la présidente de la septième chambre du Tribunal.

64      Dès lors, Sberbank of Russia ne saurait, en particulier, reprocher utilement à la présidente de la septième chambre du Tribunal de ne pas avoir tenu compte d’effets allégués de la décision litigieuse sur le fonctionnement du groupe Sberbank Europe qui ne ressortent aucunement du dispositif de cette décision et qui n’avaient pas été invoqués explicitement dans la demande d’intervention.

65      De même, étant donné qu’il ressort des considérations figurant au point 37 de la présente ordonnance que le plan de 2021 n’était pas mentionné dans cette demande, il ne saurait être déduit des effets supposés de la décision litigieuse sur l’application de ce plan que la présidente de la septième chambre du Tribunal a considéré à tort que Sberbank of Russia n’avait pas démontré que cette décision avait pour résultat l’impossibilité de vendre l’ensemble des actifs du groupe Sberbank Europe.

66      Ensuite, dans la mesure où Sberbank of Russia soutient que le point 29 de l’ordonnance attaquée est entaché d’une dénaturation des faits, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, conformément à l’article 256, paragraphe 1, deuxième alinéa, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit, à l’exclusion de toute appréciation des faits. Le Tribunal est dès lors seul compétent pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces éléments ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi [ordonnance du vice-président de la Cour du 22 février 2022, Fastweb/Commission, C‑649/21 P(I), EU:C:2022:171, point 27 et jurisprudence citée].

67      Une telle dénaturation existe lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée. Toutefois, cette dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves. Par ailleurs, lorsqu’un requérant allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, il doit indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation [ordonnance du vice-président de la Cour du 11 janvier 2024, BonSens.org/Commission, C‑634/23 P(I), EU:C:2024:43, point 31 et jurisprudence citée].

68      Or, si Sberbank of Russia remet en cause l’appréciation des éléments de preuve figurant au point 29 de l’ordonnance attaquée, elle n’indique pas quels sont ces éléments qui ont, selon elle, été dénaturés par la présidente de la septième chambre du Tribunal.

69      Enfin, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’il incombe au demandeur en intervention de démontrer qu’il répond aux exigences découlant de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, sans qu’il soit soumis à une charge de la preuve allégée [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 5 juin 2023, Euranimi/Commission, C‑140/23 P(I), EU:C:2023:446, point 37 et jurisprudence citée].

70      En conséquence, contrairement à ce que soutient Sberbank of Russia, la présidente de la septième chambre du Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en se basant, implicitement mais nécessairement, au point 29 de l’ordonnance attaquée, sur le principe selon lequel il incombait à la demanderesse en intervention de démontrer la réalité de l’atteinte à ses intérêts dont elle se prévalait dans sa demande.

71      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter les deux premières branches du second moyen comme étant non fondées.

72      En deuxième lieu, il importe de souligner que la troisième branche du second moyen est basée sur la prémisse selon laquelle la présidente de la septième chambre du Tribunal aurait dû considérer que la décision litigieuse altérait la position juridique de Sberbank of Russia.

73      En vue de démontrer l’existence de cette altération de sa position juridique, Sberbank of Russia allègue uniquement, dans le cadre de cette troisième branche, que la décision litigieuse la prive de sa faculté de disposer de l’ensemble des actifs du groupe Sberbank Europe.

74      Or, Sberbank of Russia ne présente, à l’appui de cette allégation, aucun argument qui s’ajouterait à ceux qui ont déjà été rejetés, aux points 62 à 70 de la présente ordonnance, lors de l’examen des deux premières branches du second moyen. Ces arguments ne sauraient donc suffire à démontrer que cette décision produit l’effet dont se prévaut Sberbank of Russia.

75      Pour le reste, à supposer même que Sberbank of Russia entende se prévaloir de conséquences économiques négatives alléguées de ladite décision sur les actionnaires de Sberbank Europe, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une atteinte, même importante, portée aux intérêts économiques et financiers des actionnaires d’une société qui est l’une des parties principales dans une affaire pendante devant le Tribunal ne saurait être considérée comme une atteinte directe portée aux intérêts de ces actionnaires, dès lors qu’elle ne modifie pas la position juridique de ceux-ci [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 6 octobre 2015, Cap Actions SNCM/Commission, C‑418/15 P(I), EU:C:2015:671, point 20 et jurisprudence citée].

76      Dans ces conditions, il n’apparaît pas que la présidente de la septième chambre du Tribunal aurait commis une erreur de droit, aux points 26 à 28 de l’ordonnance attaquée, en jugeant, en se référant notamment à l’arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923), que la décision litigieuse était de nature à avoir des effets de nature non pas juridique, mais économique sur Sberbank of Russia en tant qu’actionnaire unique de Sberbank Europe, dans la mesure où elle n’affectait pas le droit de Sberbank of Russia de percevoir des dividendes et de participer à la gestion de Sberbank Europe.

77      En troisième lieu, s’agissant de la quatrième branche du second moyen, il convient, d’une part, de relever qu’il découle du point 46 de la présente ordonnance que Sberbank of Russia n’a pas établi que la qualité de société mère ultime du groupe Sberbank Europe lui confère des droits spécifiques qui diffèrent de ceux qu’elle tire de sa qualité d’actionnaire direct de Sberbank Europe.

78      Partant, en admettant même que la présidente de la septième chambre du Tribunal ait estimé à tort, au point 31 de l’ordonnance attaquée, que Sberbank of Russia se prévalait exclusivement de cette dernière qualité, il n’en demeure pas moins que Sberbank of Russia n’a pas démontré en quoi une prise en compte de sa qualité de société mère ultime du groupe Sberbank Europe aurait dû conduire à une appréciation différente de son intérêt à intervenir.

79      D’autre part, le motif, figurant également à ce point 31, selon lequel les intérêts de Sberbank of Russia se confondent avec ceux de Sberbank Europe, présente un caractère surabondant, dès lors que, même si les intérêts de ces deux sociétés étaient effectivement distincts, cette circonstance ne serait pas de nature, en tant que telle, à établir que l’issue du litige dans l’affaire T‑450/22 est susceptible de modifier directement la position juridique de Sberbank of Russia.

80      Il s’ensuit que la quatrième branche du second moyen doit être écartée comme étant inopérante.

81      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second moyen et, partant, le pourvoi dans son ensemble.

 Sur les dépens

82      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, celle-ci statue sur les dépens.

83      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

84      Le CRU ayant conclu à la condamnation de Sberbank of Russia et cette dernière ayant succombé dans son pourvoi, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens afférents à la présente procédure, ceux exposés par le CRU.

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Sberbank of Russia PAO est condamnée à supporter, outre ses propres dépens afférents à la procédure de pourvoi, ceux exposés par le Conseil de résolution unique (CRU).

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.