Language of document : ECLI:EU:T:2009:124

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

28 avril 2009 (*)

« Référé – Directive 91/414/CEE – Décision concernant la non-inscription du napropamide à l’annexe I de la directive 91/414 – Demande de sursis à exécution et de mesures provisoires – Fumus boni juris – Urgence – Balance des intérêts »

Dans l’affaire T‑95/09 R,

United Phosphorus Ltd, établie à Warrington, Cheshire (Royaume-Uni), représentée par Mes C. Mereu et K. Van Maldegem, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. L. Parpala et N. Rasmussen, en qualité d’agents, assistés de Me J. Stuyck, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande de sursis à l’exécution de la décision 2008/902/CE de la Commission, du 7 novembre 2008, concernant la non-inscription du napropamide à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil et le retrait des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance (JO L 326, p. 35), jusqu’au prononcé de l’arrêt au principal et, d’autre part, une demande de mesures provisoires,


LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La présente ordonnance en référé s’inscrit dans un cadre juridique complexe, fixé par la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1, ci-après la « directive »), par le règlement (CE) nº 451/2000 de la Commission, du 28 février 2000, établissant les modalités de mise en œuvre des deuxième et troisième phases du programme de travail visé à l’article 8, paragraphe 2, de la directive (JO L 55, p. 25), et par le règlement (CE) nº 1490/2002 de la Commission, du 14 août 2002, établissant des modalités supplémentaires de mise en œuvre de la troisième phase du programme de travail visé à l’article 8, paragraphe 2, de la directive et modifiant le règlement nº 451/2000 (JO L 224, p. 23) (voir, pour l’exposé des dispositions concernées, ordonnance du président du Tribunal du 17 décembre 2007, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑367/07 R, non publiée au Recueil, points 1 à 8 et 10 à 20).

2        La directive vise à harmoniser les règles d’évaluation et d’homologation des produits phytopharmaceutiques et de leurs substances actives dans l’Union européenne. Elle prévoit qu’un produit phytopharmaceutique ne peut être commercialisé dans un État membre que si, d’une part, sa substance active, après avoir été évaluée au niveau communautaire au regard des critères énoncés dans la directive, a été inscrite à l’annexe I de la directive et, d’autre part, le produit phytopharmaceutique contenant cette substance active a ensuite été enregistré au niveau national.

3        En vue d’une évaluation graduelle de toutes les substances actives « existantes », c’est-à-dire les substances qui étaient déjà sur le marché de l’Union européenne deux ans après la date de notification de la directive, soit le 25 juillet 1993, l’article 8, paragraphe 2, de la directive a mis en place un régime transitoire dans le cadre duquel la Commission entamait un programme de travail pour l’examen graduel desdites substances actives. Le napropamide, lequel consiste en la substance active faisant l’objet de la présente procédure, a été notifié et évalué sous l’empire de ces règles.

4        La requérante, United Phosphorus Ltd, est active dans le développement, la fabrication et la distribution de produits phytopharmaceutiques. Elle est une filiale à 100 % de United Phosphorus Limited (UPL), une société dont le siège est établi à Bombay (Inde). La requérante vend le napropamide ainsi que des produits formulés contenant du napropamide. En amont, le napropamide est fabriqué en [confidentiel] (1) par UPL et acheminé à [confidentiel], où il est soit utilisé dans la fabrication d’herbicides par la requérante et vendu essentiellement sous les marques Devrinol et Colzamid, soit transformé et vendu à un groupe agro-industriel [confidentiel] pour être utilisé dans la fabrication d’un autre herbicide commercialisé par ledit groupe. La requérante vend ses herbicides contenant le napropamide directement aux consommateurs dans tous les pays de l’Union européenne, à l’exception de [confidentiel]. Le napropamide est principalement utilisé pour contrôler les mauvaises herbes en pré-émergence dans les champs de colza.

5        S’agissant de la procédure d’examen du napropamide, le Royaume de Danemark a été désigné comme État membre rapporteur pour réaliser l’évaluation au nom de la Commission. La requérante (« auteur de la notification ») a notifié, en mai 2003, le napropamide et présenté ses dossiers à l’État membre rapporteur le 27 novembre 2003, soit dans le délai fixé par l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 1490/2002. Une réunion s’est tenue en décembre 2003 pour vérifier si le dossier était complet et l’État membre rapporteur a confirmé qu’il ne présentait aucune lacune dans les données de fond.

6        L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a reçu le projet de rapport d’évaluation de l’État membre rapporteur le 6 septembre 2005 aux fins d’un examen collégial par les États membres et par elle. L’État membre rapporteur a, au vu des données disponibles, recommandé l’inscription du napropamide dans l’annexe I de la directive.

7        Le 26 mars 2008 – plus de 18 mois après l’expiration du délai imparti – l’EFSA a conclu l’examen collégial et présenté à la Commission ses « conclusions sur l’examen collégial des risques liés à la substance active napropamide utilisée en tant que pesticide ». Dans ces conclusions, l’EFSA a relevé un certain nombre de sujets de préoccupation.

8        Le 20 mai 2008, la Commission a publié son rapport d’évaluation final du napropamide. Par lettre du 8 juillet 2008, la requérante a demandé à la Commission d’examiner ses observations sur l’existence d’utilisations sûres du napropamide, lettre qui est restée sans réponse. Les conclusions de l’EFSA ont été examinées par les États membres et par la Commission au sein du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, ce qui a abouti, le 11 juillet 2008, à l’établissement par la Commission de son rapport de réexamen du napropamide.

9        Le 7 novembre 2008, après avoir reçu des observations de l’auteur de la notification, la Commission a, conformément à l’avis du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, adopté la décision 2008/902/CE concernant la non-inscription du napropamide à l’annexe I de la directive et le retrait des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance (JO L 326, p. 35, ci-après la « décision attaquée »), dont le dispositif se lit comme suit :

« Article premier

Le napropamide n’est pas inscrit en tant que substance active à l’annexe I de la directive [...]

Article 2

Les États membres font en sorte :

a)      que les autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant du napropamide soient retirées avant le 7 mai 2009 ;

b)      qu’aucune autorisation de produits phytopharmaceutiques contenant du napropamide ne soit accordée ou reconduite à partir de la date de publication de la présente décision.

Article 3

Tout délai accordé par des États membres conformément aux dispositions de l’article 4, paragraphe 6, de la directive [...] doit être le plus court possible et venir à expiration au plus tard le 7 mai 2010.

Article 4

Les États membres sont destinataires de la présente décision. »

10      La non-inscription du napropamide en tant que substance active à l’annexe I de la directive est justifiée dans la décision attaquée par le fait que, au cours de l’évaluation de cette substance active, un certain nombre de sujets de préoccupation ont été identifiés. Ainsi, la décision attaquée expose qu’il était impossible de réaliser une évaluation fiable des risques concernant la lixiviation dans les eaux souterraines du métabolite NOPA (Acide naphtoxypropionique), à l’aide des données disponibles. Celles-ci n’auraient, en outre, pas permis de démontrer que les risques pour les organismes aquatiques, les oiseaux se nourrissant de poissons et les mammifères étaient acceptables. Par conséquent, les informations disponibles n’auraient pas permis de conclure que le napropamide satisfaisait aux critères requis pour une inscription dans l’annexe I de la directive (considérant 5).

11      En dépit des arguments avancés par l’auteur de la notification, la Commission a estimé que les sujets de préoccupation subsistaient. Elle a considéré que les évaluations effectuées sur la base des informations fournies et examinées lors des réunions des experts de l’EFSA n’avaient pas démontré que, dans les conditions d’utilisation proposées, les produits phytopharmaceutiques contenant du napropamide satisfaisaient, d’une manière générale, aux conditions fixées par la directive (considérant 6).

12      À la suite de l’adoption de la décision attaquée, la requérante a, le 16 décembre 2008, réintroduit une demande d’évaluation du napropamide, et ce en application de la procédure accélérée définie à l’article 13 du règlement (CE) nº 33/2008 de la Commission, du 17 janvier 2008, portant modalités d’application de la directive relatives à une procédure courante et à une procédure accélérée d’évaluation de substances actives prévues dans le programme de travail visé à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive, mais non inscrites à l’annexe I (JO L 15, p. 5).

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 février 2009, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision attaquée.

14      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 9 mars 2009, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir, en application de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, à l’exécution de la décision attaquée, sans préjudice de l’introduction par elle d’une nouvelle demande d’évaluation du napropamide en application du règlement nº 33/2008 ;

–        en tout état de cause, surseoir à l’exécution de la décision attaquée, sans préjudice de la nouvelle demande d’évaluation susmentionnée ;

–        ordonner à la Commission de donner pour instruction aux États membres de rétablir immédiatement toutes les autorisations qui ont été annulées, retirées ou refusées en raison de la décision attaquée ;

–        adopter toute autre mesure provisoire appropriée ;

–        condamner la Commission aux dépens, en ce compris des intérêts au taux de 8 % ;

–        ordonner une audition.

15      Dans ses observations écrites déposées au greffe du Tribunal le 24 mars 2009, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

16      Après le dépôt par la Commission de ses observations, la requérante a, par mémoire du 1er avril 2009, présenté une réplique. Par mémoire du 8 avril 2009, la Commission a pris position sur cette réplique.

 En droit

17      En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe l, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant lui ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

18      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient édictés et sortent leurs effets dès avant la décision au principal. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73, et la jurisprudence citée).

19      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25 ; ordonnance du 17 décembre 2007, Dow AgroSciences e.a./Commission, point 1 supra, point 37].

20      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Sur le fumus boni juris

21      Afin de déterminer si la condition relative au fumus boni juris est remplie en l’espèce, il y a lieu de procéder à un examen prima facie du bien-fondé des griefs invoqués par la requérante à l’appui du recours principal et donc de vérifier si au moins l’un d’entre eux présente un tel caractère sérieux qu’il ne saurait être écarté dans le cadre de la présente procédure en référé (voir, en ce sens, ordonnance du juge des référés du 15 novembre 2007, Donnici/Parlement, T‑215/07 R, Rec. p. II‑4673, point 39, et la jurisprudence citée).

 Arguments des parties

22      La requérante fait valoir, tout d’abord, que la décision attaquée est fondée sur des conclusions scientifiquement injustifiées. La thèse selon laquelle les données disponibles n’auraient pas permis de réaliser une évaluation fiable des risques liés à la lixiviation du métabolite NOPA serait erronée. En effet, l’étude scientifique que la requérante a soumise montrerait que la présence de ce métabolite ne dépassait pas les seuils indiqués dans la directive, ce que l’État membre rapporteur a d’ailleurs confirmé. Quant à l’étude scientifique sur laquelle s’est fondée la Commission et qui arrive à un résultat contraire, elle ne respecterait pas les critères de la directive.

23      À supposer même que les conclusions des autorités compétentes sur le métabolite NOPA soient correctes, la requérante soutient avoir répondu à toutes les préoccupations suscitées par l’exposition des eaux souterraines à ce métabolite et démontré une utilisation sûre du napropamide. La requérante affirme également avoir présenté les données requises en accord avec l’État membre rapporteur et l’EFSA et clairement démontré que la lixiviation vers les eaux souterraines était inférieure au seuil fixé pour une utilisation sûre. La requérante prétend enfin que Commission et l’EFSA n’ont soulevé de nouveaux sujets de préoccupation sur le NOPA qu’à un stade tardif de la procédure sans lui permettre d’y répondre.

24      S’agissant de la toxicité aquatique, la conclusion relative à l’absence de démonstration que le risque encouru par les organismes aquatiques était acceptable serait erronée du fait qu’elle se fondait sur une évaluation incomplète des données. En effet, la requérante soutient avoir fourni dans son dossier initial un modèle adéquat pour les eaux souterraines, accepté par l’État membre rapporteur. Elle prétend avoir apporté les informations supplémentaires demandées par l’EFSA dans le délai imparti, l’État membre rapporteur ayant confirmé la recevabilité de ces informations. L’EFSA aurait ensuite sollicité la présentation d’un autre modèle qui, bien que fourni dans le délai imparti, n’aurait pas été pris en considération. Dans ces circonstances, la requérante estime que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et aurait été adoptée en méconnaissance de ses droits de la défense.

25      La thèse de la Commission, selon laquelle les données disponibles n’ont pas permis de démontrer le caractère acceptable des risques pour les oiseaux se nourrissant de poissons et pour les mammifères, serait également erronée. En effet, l’État membre rapporteur aurait conclu qu’il n’y avait pas de risque pour ces animaux en se basant sur des limites écotoxicologiques pertinentes et l’EFSA aurait indiqué que tout le monde s’accordait à conclure que le risque encouru par les oiseaux et les mammifères était faible pour les utilisations dans le nord de l’Europe. Or, la Commission se serait totalement écartée de ces conclusions scientifiques, sans demander à l’un de ses comités scientifiques de donner un nouvel avis et sans fournir la moindre raison expliquant cette position. Dans ces circonstances, la préoccupation prétendument suscitée dans ce contexte n’aurait aucune justification scientifique, de sorte que la décision attaquée serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un vice de motivation.

26      Ensuite, la requérante soutient que la décision attaquée a été adoptée sans que, contrairement aux dispositions combinées de l’article 5, paragraphe 1, de la directive et de l’article 11, paragraphe 2, du règlement nº 1490/2002, toutes les données scientifiques disponibles aient été prises en compte. En effet, la requérante soutient avoir été spécialement invitée par l’État membre rapporteur et par l’EFSA à présenter de nouvelles informations sur la toxicité aquatique, et avoir effectivement fourni les informations demandées. Toutefois, l’EFSA et la Commission auraient estimé que ces informations ne devraient pas être prises en compte. Ainsi, en adoptant la décision attaquée, la Commission aurait négligé de prendre en compte les derniers développements scientifiques et l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques au mépris des dispositions susmentionnées et en méconnaissance des droits de la défense.

27      Dans ce contexte, la requérante ajoute qu’elle s’est vu adresser des demandes contradictoires de données sur le métabolite NOPA et sur la toxicité aquatique, au regard desquelles les autorités compétentes auraient dû proroger les délais applicables pour lui permettre de produire les données voulues et pour permettre leur juste examen. Par leur carence à cet égard, lesdites autorités auraient commis une erreur manifeste d’appréciation, méconnu les droits de la défense et enfreint le principe de proportionnalité.

28      Enfin, en violation d’une règle de procédure essentielle, le délai fixé par l’article 11, paragraphe 4, du règlement nº 1490/2002 en ce qui concerne l’évaluation des substances actives par les autorités compétentes n’aurait pas été respecté. En particulier, l’EFSA aurait envoyé son avis à la Commission plus de 18 mois après l’expiration du délai imparti à cet effet. Or, si l’EFSA avait respecté ce délai légal, la Commission aurait très probablement adopté une décision différente.

29      La Commission s’oppose à chacun des arguments scientifiques et procéduraux avancés par la requérante.

 Appréciation du juge des référés

30      Aux fins d’examiner si la requérante a établi le bien-fondé, à première vue, de son recours au principal, il y a lieu de constater qu’elle reproche, en s’appuyant sur une étude scientifique et en contestant les conclusions d’une autre étude scientifique, à la Commission et à l’EFSA d’avoir commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation scientifique du napropamide, en ce qui concerne la lixiviation du métabolite NOPA, la toxicité aquatique et les limites écotoxicologiques applicables à l’évaluation des risques pour les oiseaux se nourrissant de poissons et pour les mammifères. En outre, il est reproché à la Commission d’avoir refusé de tenir compte de nouvelles informations que la requérante aurait expressément été invitée par l’État membre rapporteur et par l’EFSA à présenter et, par conséquent, de s’être abstenue de prendre en considération l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques.

31      Il résulte de ce qui précède que le recours au principal soulève des questions complexes, délicates et caractérisées par une haute technicité. Ces questions méritent un examen approfondi, qui ne saurait être effectué par le juge des référés dans le cadre d’un examen du bien-fondé, à première vue, du recours au principal, mais doit faire l’objet de la procédure principale. Sans nullement préjuger la position du Tribunal sur le recours au principal, le juge des référés ne saurait donc, à ce stade, considérer les griefs invoqués par la requérante comme manifestement dépourvus de tout fondement à première vue, d’autant plus que l’État membre rapporteur s’était prononcé en faveur de l’inscription du napropamide à l’annexe I de la directive. Par conséquent, les griefs susmentionnés apparaissent, à première vue, suffisamment pertinents et sérieux pour constituer un fumus boni juris de nature à justifier l’octroi des mesures provisoires demandées [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 16 juillet 1993, France/Commission, C‑296/93 R, Rec. p. I‑4181, point 17 , et ordonnance de la Cour du 29 juin 1994, Commission/Grèce, C‑120/94 R, Rec. p. I‑3037, points 69 et 70 ; ordonnance du président du Tribunal du 10 mars 1995, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑395/94 R, Rec. p. II‑595, point 49, confirmée par ordonnance Commission/Atlantic Container Line e.a., point 19 supra, points 26 et 27 ; ordonnances du président du Tribunal du 12 mai 1995, SNCF et British Railways/Commission, T‑79/95 R et T‑80/95 R, Rec. p. II‑1433, point 35, et du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01 R, Rec. p. II‑3295, points 185 et 186].

 Sur l’urgence et sur la balance des intérêts

32      Selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue ; il suffit, particulièrement lorsque la réalisation du préjudice dépend de la survenance d’un ensemble de facteurs, qu’elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant (voir ordonnance du président du Tribunal du 7 juin 2007, IMS/Commission, T‑346/06 R, Rec. p. II‑1781, points 121 et 123, et la jurisprudence citée). Toutefois, la partie qui s’en prévaut demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67 ; ordonnance Duales System Deutschland/Commission, point 31 supra, point 188, et ordonnance du président du Tribunal du 25 juin 2002, B/Commission, T‑34/02 R, Rec. p. II‑2803, point 86].

33      Il est également de jurisprudence bien établie qu’un préjudice d’ordre purement financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut normalement faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113, et ordonnance du président du Tribunal du 15 juin 2001, Bactria/Commission, T‑339/00 R, Rec. p. II‑1721, point 94].

34      Dans l’hypothèse d’un tel préjudice, la mesure provisoire sollicitée ne se justifie que s’il apparaît que, en l’absence d’une telle mesure, le requérant se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure au principal (ordonnance du président du Tribunal du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T‑181/02 R, Rec. p. II‑5081, point 84). L’imminence de la disparition du marché constituant effectivement un préjudice tant irrémédiable que grave, l’adoption de la mesure provisoire demandée apparaît justifiée dans une telle hypothèse.

35      S’il a également été tenu compte du fait que, en l’absence de la mesure provisoire sollicitée, les parts de marché du requérant seraient modifiées de manière irrémédiable (ordonnances du président du Tribunal du 30 juin 1999, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99 R, Rec. p. II‑1961, point 138, et du 11 avril 2003, Solvay Pharmaceuticals/Conseil, T‑392/02 R, Rec. p. II‑1825, point 107), il doit être précisé que ce cas de figure ne saurait être mis sur un pied d’égalité avec celui du risque de la disparition du marché et justifier l’adoption de la mesure provisoire demandée que si la modification irrémédiable des parts de marché présente aussi un caractère grave. Il ne suffit donc pas qu’une part de marché risque d’être irrémédiablement perdue par une entreprise, mais il importe que cette part de marché soit suffisamment importante au regard, notamment, de la taille de cette entreprise, compte tenue des caractéristiques du groupe auquel elle se rattache par son actionnariat (voir ordonnance du président du Tribunal du 18 juin 2008, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07 R, non publiée au Recueil, points 77 à 82, et la jurisprudence citée). Un requérant qui se prévaut de la perte d’une telle part de marché doit démontrer, en outre, que des obstacles de nature structurelle ou juridique l’empêchent de reconquérir une fraction appréciable de cette part de marché [ordonnance du président de la Cour du 24 mars 2009, Cheminova e.a./Commission, C‑60/08 P(R), non publiée au Recueil, point 64].

36      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les éléments avancés par la requérante pour établir qu’elle subira un préjudice grave et irréparable si les mesures provisoires demandées ne sont pas ordonnées.

 Arguments des parties

37      La requérante soutient que la décision attaquée risque de lui occasionner un préjudice grave et irréparable, étant donné que son article 2, sous a), impose aux États membres de retirer toutes les autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant du napropamide avant le 7 mai 2009, ce qui l’empêcherait de poursuivre la commercialisation de tels produits après cette date. Dans ce contexte, elle n’allèguerait ni le risque d’un préjudice purement financier ni la mise en péril de son existence, mais elle invoquerait, plus particulièrement, les pertes et dommages suivants : préjudice à sa source d’approvisionnement en [confidentiel] et à son usine à [confidentiel], perte de parts de marché et de clients, atteinte portée à son image de marque et à sa réputation ainsi qu’à ses marques, au napropamide et à ses produits à base de napropamide.

38      Premièrement, la requérante invoque le préjudice qui risque d’être causé à sa source d’approvisionnement située en [confidentiel]. Lors de l’exercice 2007/2008, la production totale de cette usine [confidentiel] aurait été de [confidentiel] tonnes, dont [confidentiel] auraient été expédiées à l’usine de la requérante où cette dernière reconditionne le napropamide (pour le vendre au groupe agro-industriel [confidentiel]) et formule des produits à base de napropamide destinés à être vendus au sein de l’Union européenne (voir point 4 ci-dessus). L’environnement technique de l’usine [confidentiel] serait tel qu’elle ne pourrait pas passer à la production d’autres substances. L’usine [confidentiel] dépendrait des ventes dans l’Union européenne ([confidentiel] sur un montant total de [confidentiel]) et l’exécution de la décision attaquée aboutirait nécessairement à la fermeture de cette usine. Par ailleurs, la requérante soutient également que, si l’activité afférente au napropamide était exclue de ses résultats, elle enregistrerait une perte d’exploitation de [confidentiel]. En effet, son usine située au Royaume-Uni aurait des coûts fixes de [confidentiel] et le napropamide représenterait [confidentiel] % environ de sa production totale.

39      Deuxièmement, la requérante invoque le préjudice qui serait causé à la position qu’elle occupe sur le marché, la décision attaquée entraînant le retrait obligatoire et total du napropamide et des produits à base de napropamide du marché de l’Union européenne. En conséquence directe, la requérante perdrait l’intégralité de « son marché européen du napropamide et des produits à base de napropamide ainsi que l’ensemble de ses clients achetant ces produits », et ce d’abord pendant le temps nécessaire au Tribunal pour statuer en cas d’annulation de la décision attaquée (qu’elle évalue à 18,2 mois en moyenne) et, ensuite, pendant le temps qui sera nécessaire à la Commission pour adopter une directive portant inscription du napropamide à l’annexe I de la directive, ainsi que pendant le temps exigé pour le renouvellement des autorisations nationales de mise sur le marché et pour la reprise de la production et des ventes.

40      À cet égard, la requérante produit les chiffres suivants : pour l’exercice 2007/2008, son chiffre d’affaires se serait élevé à [confidentiel], dont [confidentiel] provenaient des ventes de napropamide (soit [confidentiel] %) et [confidentiel] des ventes de produits à base de napropamide (soit [confidentiel] %). Or, une perte de [confidentiel] % du chiffre d’affaires, équivalant à [confidentiel], serait manifestement « grave ».

41      La requérante ajoute que, au cours de l’exercice 2007/2008, le chiffre d’affaires mondial du groupe auquel elle appartient était de [confidentiel], dont [confidentiel] de chiffre d’affaires ont été réalisés dans l’Union européenne. Elle rappelle que les ventes de napropamide et de produits à base de napropamide au sein de l’Union européenne représentaient [confidentiel], soit [confidentiel] % du chiffre d’affaires du groupe dans l’Union européenne et [confidentiel] % du chiffre d’affaires mondial du groupe. Or, une perte de [confidentiel] % du chiffre d’affaires du groupe au sein de l’Union européenne, et de [confidentiel] % du chiffre d’affaires mondial du groupe, serait manifestement « grave ».

42      Dans la mesure où la Commission insiste sur le fait que la requérante appartient à un groupe important et prospère d’entreprises qui pourrait lui apporter toute compensation pour un préjudice et à l’égard duquel la perte globale admise serait minime, la requérante se réfère à la nouvelle capitalisation boursière de son groupe due à la crise économique et financière actuelle. Elle souligne que cette capitalisation a perdu [confidentiel] % de sa valeur par rapport aux chiffres cités par la Commission. En fait, le groupe auquel elle appartient vaudrait moins que ne le prétend la Commission, ce qui accroîtrait d’autant la perte globale de l’activité concernant le napropamide qu’elle subirait en raison de la décision attaquée.

43      La requérante fait encore valoir que, au cours de la période pendant laquelle le napropamide sera absent du marché, ses clients devront nécessairement découvrir des substances alternatives pour satisfaire leurs besoins en produits phytosanitaires pour le colza, celle-ci étant incapable d’offrir à ses clients des produits de substitution. En effet, il existerait des produits concurrents qui sont directement substituables, et les concurrents principaux détiendraient déjà des autorisations pour ces substances concernant l’application principale pour laquelle les produits à base de napropamide sont utilisés. En outre, pendant l’absence du napropamide du marché, les concurrents de la requérante seraient en mesure de consolider leur position. De plus, la stigmatisation entachant le napropamide et les produits à base de napropamide du fait de la décision attaquée impliquerait que des campagnes de publicité menées par la requérante auraient peu de chances d’être efficaces. En tout état de cause, l’incidence sur la source d’approvisionnement de la requérante en napropamide en [confidentiel] et son éventuelle disparition ainsi que le préjudice causé à sa propre usine à [confidentiel] rendraient très difficile tout retour sur le marché, et le rendraient certainement impossible à court et à moyen terme.

44      La requérante en conclut qu’il y a de fortes chances que ces circonstances conduisent à une évolution irréversible sur le marché, constitutive d’un préjudice irréparable.

45      Troisièmement, la requérante soutient que la décision attaquée, si elle était maintenue, compromettrait sa réputation en général, la réputation de ses produits à base de napropamide, la réputation de ses autres pesticides, ainsi que la réputation de ses marques de fabrique et de ses marques Devrinol et Colzamid.

46      Quatrièmement, elle invoque la « dimension internationale » de son préjudice, et ce sous différents aspects.

47      D’une part, une décision telle que celle attaquée en l’espèce serait ordinairement suivie par la fixation de nouvelles teneurs maximales en résidus (TMR) pour la substance active en cause, ce qui signifierait qu’il est interdit de mettre sur le marché de l’Union européenne des produits d’origine végétale si ces produits affichent des teneurs en résidus de cette substance supérieures aux limites fixées. Cela impliquerait que toutes les cultures qui auront été traitées avec le napropamide en dehors de l’Union européenne ne pourront pas y être importées si le niveau de napropamide dépasse la TMR. En conséquence, les cultivateurs établis en dehors de l’Union européenne qui vendent, ou envisagent de vendre, au sein de l’Union européenne devraient cesser d’utiliser le napropamide et arrêteraient donc d’acheter le napropamide et les produits à base de napropamide auprès de la requérante.

48      D’autre part, il serait presque certain que la Commission inscrira le napropamide à l’annexe I du règlement nº 689/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, concernant les exportations et importations de produits chimiques dangereux (JO L 204, p. 1), par lequel a été mise en œuvre, au niveau communautaire, la convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet d’un commerce international. Cela signifierait que, avant que le napropamide ou les produits à base de napropamide puissent être exportés en dehors de l’Union européenne, le pays dans lesquels ils sont importés doit expressément consentir à recevoir chacune des cargaisons de la substance ou du produit. Par conséquent, la décision attaquée rendrait particulièrement difficiles les exportations de napropamide vers des pays non membres de l’Union européenne.

49      En tout état de cause, il serait réellement probable qu’une interdiction du napropamide au sein de l’Union européenne conduise d’autres pays, non membres de l’Union européenne, à adopter des interdictions similaires. Sur les marchés des pays en développement, en particulier, certains pays tels que l’Égypte tendraient à suivre les décisions arrêtées par l’Union européenne. Si cela se produisait, les ventes de napropamide et de produits à base de napropamide dans ces pays seraient « perdues ».

50      Aux fins de la mise en balance des intérêts, la requérante, tout en admettant que la protection de la santé publique doit normalement se voir reconnaître un caractère prépondérant par rapport aux considérations économiques, affirme, en substance, que le napropamide ne présente pas un danger connu pour la santé publique. La communauté agricole mondiale en ferait un usage constant et sûr depuis que cette substance a été introduite pour la première fois dans l’Union européenne vers 1975. Pendant cette période, le napropamide n’aurait causé aucun dommage connu à la santé humaine ou à l’environnement. En outre, l’État membre rapporteur aurait, après une évaluation scientifique approfondie, proposé son inscription à l’annexe I de la directive. La requérante soutient qu’elle demande donc simplement le maintien d’une situation qui existe depuis de nombreuses années.

51      La Commission estime, en revanche, que la requérante appartient à un groupe disposant de ressources financières importantes, de sorte que son préjudice ne saurait être suffisamment grave pour justifier l’adoption de mesures provisoires. En effet, UPL, la société mère de la requérante, ferait partie des cinq plus grandes sociétés au monde actives dans le domaine des produits agrochimiques génériques. En Inde, cette société serait le plus grand producteur de pesticides. En tant que filiale à 100 % de ladite société, la requérante produirait et offrirait une gamme complète de produits. Il s’ensuivrait que l’interdiction temporaire d’une substance comme le napropamide ne causerait aucun préjudice à la requérante. En tout état de cause, une perte de [confidentiel] % du chiffre d’affaires mondial du groupe ne constituerait pas un préjudice grave et ne serait en aucun cas irréparable.

52      Dans la mesure où la requérante fait valoir qu’elle doit affronter des concurrents puissants, proposant des produits compétitifs, vers lesquels sa clientèle se tournerait en cas d’interdiction du napropamide, la Commission, sans remettre en question le principe de cette argumentation, conteste le caractère compétitif, substituable ou disponible de certains de ces produits offerts par des concurrents de la requérante sur les marchés [confidentiel], tels qu’ils ont été listés par cette dernière.

53      En ce qui concerne la balance des différents intérêts en présence, la Commission soutient que l’analyse de l’EFSA a mis en lumière les préoccupations relatives aux effets du napropamide sur l’environnement, en particulier sur les nappes phréatiques. Les exigences de protection de la santé publique et le besoin de protection de l’environnement devraient l’emporter sur les conséquences économiques et financières limitées pour la requérante.

 Appréciation du juge des référés

54      Il convient de constater, tout d’abord, que la requérante allègue cinq types de préjudices qui seraient causés par une exécution immédiate de la décision attaquée : premièrement, un préjudice causé à sa source d’approvisionnement en [confidentiel] et à son usine à [confidentiel], deuxièmement, une perte de ses parts de marché et de sa clientèle, troisièmement, une atteinte portée à sa réputation et à celle du napropamide ainsi que de ses produits et marques de produits à base de napropamide, quatrièmement, une atteinte à ses marques et à son image de marque et, cinquièmement, la « dimension internationale » de son préjudice. Selon la requérante, aucun de ces préjudices n’est de nature purement financière.

55      À cet égard, il y a lieu d’emblée d’écarter plusieurs de ces prétendus préjudices comme étant dénués de pertinence pour l’examen de l’urgence.

56      Ainsi, dans la mesure où la requérante invoque la « dimension internationale » de son préjudice sous forme d’une diminution de ses ventes dans des pays non membres de l’Union européenne comme une conséquence de la décision attaquée du fait que certains pays tiers suivraient la réglementation communautaire, il convient de constater que la requérante n’a pas établi que les mesures provisoires sollicitées, à supposer qu’elles soient accordées, empêcheraient les autorités des pays concernés d’interdire la commercialisation du napropamide sur leur territoire. Dès lors, elle n’a pas démontré que le sursis à l’exécution de la décision attaquée serait de nature à empêcher la réalisation du préjudice allégué. En tout état de cause, une telle interdiction de commercialiser le napropamide serait la conséquence directe non pas de la décision attaquée, mais d’une décision prise par les autorités de chaque pays tiers dans l’exercice de leur pouvoir souverain (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 4 décembre 2007, Cheminova e.a./Commission, T‑326/07 R, Rec. p. II‑4877, points 109 et 110).

57      Le simple fait d’invoquer la convention de Rotterdam et le règlement nº 689/2008 n’est pas davantage de nature à établir, à suffisance de droit, que l’obligation d’information et de notification incombant à la Communauté en vertu du régime instauré par ces réglementations puisse lui causer un préjudice prévisible et chiffrable dans un pays tiers donné pendant la durée de la procédure au principal. La requérante n’a, notamment, pas démontré que le mécanisme de la convention de Rotterdam entraînerait directement et inévitablement des pertes de ventes de produits à base de napropamide sur le marché de pays tiers déterminés. Au demeurant, il incombe aux seuls pays tiers de décider de l’importation ou non des produits concernés (voir, en ce sens, ordonnance du 4 décembre 2007, Cheminova e.a./Commission, point 56 supra, point 111).

58      Dans la mesure où la requérante soutient qu’une décision de non-inscription, telle la décision attaquée, est généralement suivie de la fixation de nouvelles TMR pour la substance en question dans les produits d’origine végétale, ce qui reviendrait à rendre plus difficile la commercialisation de produits traités avec du napropamide, il suffit de rappeler que, s’agissant des prétendus effets négatifs de nouvelles TMR sur le commerce avec des pays tiers, il incombera aux seuls pays tiers concernés de décider de l’importation ou non des produits à base de napropamide. De même, sur le marché communautaire, si la décision attaquée pouvait effectivement entraîner la fixation de nouvelles TMR pour le napropamide, le préjudice prétendument subi à cause de ces TMR ne serait pas une conséquence directe de la décision attaquée. En effet, la procédure communautaire de fixation des TMR est indépendante de la non-inscription du napropamide à l’annexe I de la directive. Il s’ensuit que les allégations de la requérante concernant la problématique des TMR sont dénuées de pertinence dans le présent contexte (voir, en ce sens, ordonnance du 17 décembre 2007, Dow AgroSciences e.a./Commission, point 1 supra, points 105 à 108).

59      S’agissant de la prétendue atteinte portée aux marques Devrinol et Colzamid utilisées par la requérante, force est de constater que les élément de preuve produits par requérante, loin de fournir une description exacte des marques en cause, ne témoignent que de changements de titulaire en faveur, pour la plupart, de « United Phosphorus Limited, incorporated in India », c’est-à-dire UPL, la société mère de la requérante. Or, cette société n’est pas l’auteur de la notification du napropamide (voir point 5 ci-dessus), de sorte que ses éventuels préjudices ne sauraient être pris en considération dans l’examen de l’urgence, celle-ci devant être établie pour la seule requérante. En tout état de cause, une marque conférant une protection juridique limitée aux seuls produits pour lesquels elle a été enregistrée, la requérante n’est pas parvenue à établir que les marques en cause sont « inextricablement liées à la substance active napropamide et aux produits contenant cette substance », en ce sens que le napropamide bénéficierait, en tant que tel, d’une telle protection juridique. Il apparaît, au contraire, que tout opérateur économique peut, sous l’angle du droit des marques, utiliser et commercialiser du napropamide, à condition de respecter les marques dont bénéficie la requérante. Enfin, rien n’empêche la requérante d’utiliser ses marques après l’interdiction du napropamide (voir, en ce sens, ordonnance du 18 juin 2008, Dow AgroSciences e.a./Commission, point 35 supra, points 36, 61, 62 et 91).

60      Dans la mesure où la requérante craint que la décision attaquée ne compromette sa réputation en général, la réputation de ses produits à base de napropamide et celle de ses autres pesticides, en stigmatisant le napropamide, il convient de relever que le retrait d’un produit phytopharmaceutique du marché n’est pas nécessairement préjudiciable à la réputation de l’entreprise concernée tout entière. À cet égard, il est notoire que de nombreuses entreprises actives sur le marché en cause, telles que Bayer, BASF, Syngenta, Cheminova, Dow AgroSciences, Du Pont de Nemours, FMC Chemical ou Sumitomo Chemical, ont déjà vu leurs produits retirés du marché, sans que ces entreprises ou leurs produits puissent pour autant être considérés comme stigmatisés. Les autorités réglementaires et les opérateurs du secteur concerné, qui sont familiarisés avec le cadre réglementaire, ont plutôt tendance à percevoir une décision de non-autorisation d’un produit phytopharmaceutique comme faisant normalement partie d’une procédure réglementaire. En effet, une telle décision peut être regardée comme étant le simple résultat de l’évolution scientifique et de l’amélioration des méthodes de recherche.

61      En tout état de cause, l’atteinte à la réputation de la requérante et du napropamide, à la supposer établie, aurait déjà été provoquée par la décision attaquée et durerait aussi longtemps que cette dernière ne serait pas annulée par l’arrêt au principal. Or, étant donné que la décision attaquée a été adoptée à l’issue d’une procédure administrative complexe d’une durée de plus de cinq années, à laquelle ont participé des experts scientifiques et des professionnels du secteur concerné, un sursis à l’exécution de cette décision ordonné par le juge des référés à titre purement provisoire et dans le cadre d’une procédure sommaire ne serait guère de nature à dissiper les éventuels doutes quant au bien-fondé de la non-toxicité du napropamide. Enfin, la requérante n’a pas réussi à établir, à suffisance de droit, qu’il serait impossible pour elle de reconquérir sa réputation, dans l’hypothèse où la décision attaquée serait annulée à l’issue de la procédure au principal.

62      Il s’ensuit que les prétendus risques de préjudice qui viennent d’être examinés ne sauraient être pris en considération pour établir l’urgence dans le présent contexte.

63      S’agissant du risque d’une perte de ses parts de marché et de ses clients, la requérante précise que, la décision attaquée entraînant le retrait total du napropamide et des produits à base de napropamide du marché de l’Union européenne, elle perdrait l’intégralité de son marché européen en cause ainsi que l’ensemble de ses clients achetant ces produits.

64      À cet égard, il y a lieu de relever d’abord que, contrairement à la thèse de la requérante, cette catégorie de préjudice est d’ordre purement financier (voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 23 mai 1990, Comos-Tank e.a./Commission, C‑51/90 R et C‑59/90 R, Rec. p. I‑2167, points 30 et 31, et Commission/Cambridge Healthcare Supplies, point 33 supra, points 110 et 113). En effet, la part de marché détenue par une entreprise ne désigne que le pourcentage de tous les produits présents sur le marché en cause qui ont été vendus par cette entreprise à la clientèle au cours d’une période de référence déterminée. Par conséquent, la perte de cette part de marché consiste en la perte des revenus susceptibles d’être tirés à l’avenir des ventes du produit en cause. Une part de marché se traduit donc, à l’évidence, en des termes financiers, son détenteur ne pouvant en bénéficier que dans la mesure où elle lui procure des revenus. Cette analyse n’est pas contredite par le fait que l’entreprise concernée ait, naturellement, dû consacrer des efforts et des investissements pour établir sa position sur le marché.

65      D’ailleurs, la requérante a, elle-même, chiffré le préjudice que la décision attaquée lui causerait sur le marché de l’Union européenne, en se référant à ses ventes de napropamide et de produits à base de napropamide à hauteur de [confidentiel] pour l’exercice 2007/2008 et en ajoutant que, pour le même exercice, le chiffre d’affaires mondial du groupe auquel elle appartient était de [confidentiel]. Ainsi, elle se plaint d’une perte qui représente environ [confidentiel] % du chiffre d’affaires mondial dudit groupe.

66      Au demeurant, en chiffrant le préjudice allégué et en le mettant en rapport avec le chiffre d’affaires mondial du groupe auquel elle appartient, la requérante tient compte de la jurisprudence selon laquelle la gravité de ce préjudice dépend, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires total ainsi que des caractéristiques dudit groupe (voir point 35 ci-dessus).

67      En ce qui concerne les chiffres présentés par la requérante, la Commission ne conteste pas l’allégation, étayée par des pièces comptables, selon laquelle le préjudice invoqué sur le marché communautaire correspond à [confidentiel] % du chiffre d’affaires mondial du groupe UPL. Or, sans qu’il soit nécessaire de déterminer si ce pourcentage, situé entre 0 % et 10 %, est en soi suffisamment élevé pour établir la gravité dudit préjudice, il convient de constater que ce dernier est plus élevé, en termes financiers, que celui qui a été qualifié de non grave dans les ordonnances du 4 décembre 2007, Cheminova e.a./Commission, point 56 supra, du 17 décembre 2007, Dow AgroSciences e.a./Commission, point 1 supra, et du 18 juin 2008, Dow AgroSciences e.a./Commission, point 35 supra, adoptées récemment.

68      Par ailleurs, ce préjudice ne pourrait être réduit par la vente de produits phytosanitaires de substitution, la requérante ayant établi qu’elle ne disposait pas de tels produits pour le colza, ce qui n’a pas été contesté par la Commission. En outre, il ressort des documents présentés par la requérante que ses ventes en dehors de l’Union européenne de napropamide et de produits à base de napropamide sont tellement minimes qu’elles seraient insuffisantes pour réduire notablement le préjudice subi sur le marché communautaire.

69      Il y a lieu d’ajouter que, dans l’évaluation de la gravité du préjudice, le juge des référés ne saurait se borner à recourir, de manière mécanique et rigide, aux seuls chiffres d’affaires pertinents – qui, en l’espèce, se réfèrent à l’exercice 2007/2008 –, mais il lui appartient également de tenir compte des circonstances propres à chaque espèce (ordonnance Commission/Cambridge Healthcare Supplies, point 33 supra, point 114) et de les mettre en rapport, au moment de l’adoption de sa décision, avec le préjudice causé en termes de chiffres d’affaires.

70      Or, il est notoire que l’économie mondiale subit, depuis des mois, une crise économique et financière profonde, qui a affecté la valeur, notamment boursière, de nombreuses entreprises et leur capacité de se procurer des liquidités ; cette crise vient d’atteindre également l’économie indienne. Il est évident qu’une entreprise touchée par cette crise sera marquée plus gravement par la perte du chiffre d’affaires réalisé avec un produit donné qu’une entreprise dont la valeur, y compris la capacité de financement, n’aura pas baissé. À ce propos, la requérante a précisé, en se référant à des données fournies par la bourse de Bombay, que le groupe auquel elle appartient avait, à la fin du mois de mars 2009, perdu plus de [confidentiel] de sa valeur en termes de capitalisation boursière.

71      Dans ces circonstances particulières, le juge des référés se doit de reconnaître que la requérante a établi la gravité du préjudice qu’elle subirait en cas de retrait total du marché communautaire du napropamide et des produits à base de napropamide, si les mesures provisoires demandées n’étaient pas accordées.

72      Dans la mesure où la Commission dénonce le caractère volatile et non approprié du critère de capitalisation boursière, il suffit de rappeler qu’elle pourra s’adresser, à tout moment, au juge des référés pour attirer son attention sur l’évolution intervenue en la matière et pour suggérer qu’il fasse usage de la faculté qui lui est donnée par l’article 108 du règlement de procédure de modifier ou de rapporter à tout moment l’ordonnance de référé à la suite d’un changement de circonstances (ordonnance du président de la Cour du 22 mai 1992, Commission/Royaume-Uni, C‑40/92 R, Rec. p. I‑3389, point 33).

73      En ce qui concerne le caractère irréparable du préjudice financier invoqué, il est vrai que ce préjudice, dans la mesure où il n’est pas réparé par la seule exécution de l’arrêt au principal, est susceptible d’être réparé dans le cadre des voies de recours prévues par les articles 235 CE et 288 CE (voir ordonnance du président du Tribunal du 16 janvier 2004, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03 R, Rec. p. II‑205, point 75, et la jurisprudence citée), étant entendu que la seule possibilité de former un recours en indemnité suffit à attester du « caractère en principe réparable » d’un tel préjudice financier [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 2001, Commission/Euroalliages e.a., C‑404/01 P(R), Rec. p. I‑10367, points 70 à 75, et ordonnance du président du Tribunal du 27 février 2002, Euroalliages e.a./Commission, T‑132/01 R, Rec. p. II‑777, point 52]. Il convient toutefois de souligner qu’une telle réparation pécuniaire par la voie juridictionnelle n’interviendrait qu’au bout de plusieurs années, soit à l’issue de la procédure dans la présente affaire au principal (suivie, le cas échéant, d’une procédure de pourvoi) et de la procédure dans le litige indemnitaire consécutif (suivie également, le cas échéant, d’une procédure de pourvoi).

74      Or, il y a lieu de souligner qu’il ne s’agit pas pour le juge des référés de faire une application mécanique et rigide de la condition liée au caractère irréparable du préjudice financier invoqué, mais qu’il lui incombe de tenir compte des circonstances de fait et de droit qui caractérisent chaque affaire (ordonnance HFB e.a./Commission, point 32 supra, point 57) et de déterminer, au regard de ces circonstances particulières, la manière dont les conditions de l’urgence doivent être vérifiées (ordonnance Commission/Atlantic Container Line e.a., point 19 supra, point 23).

75      Par conséquent, il importe de vérifier s’il existe des circonstances particulières permettant de constater, malgré le « caractère en principe réparable » du préjudice invoqué par la requérante, une urgence susceptible de justifier l’octroi des mesures provisoires sollicitées, et ce en vue d’éviter la naissance même de ce préjudice.

76      À cet égard, il convient de rappeler que, en date du 16 décembre 2008, la requérante a réintroduit une demande d’évaluation du napropamide en application de la procédure accélérée définie à l’article 13 du règlement nº 33/2008 (voir point 12 ci-dessus). En réponse à une question du juge des référés, la Commission a indiqué que la procédure d’évaluation pouvait durer entre 14 et 29 mois au maximum, mais que cette période pouvait être nettement raccourcie si l’accomplissement des tâches des opérateurs et instances impliqués demandait moins de temps.

77      Il s’ensuit que la procédure de réintroduction pourrait être close quelques mois seulement après le 7 mai 2009, date limite imposée par l’article 2 de la décision attaquée aux États membre pour le retrait des autorisations relatives aux produits phytopharmaceutiques contenant du napropamide. Dans le cadre de cette procédure, la requérante a pu présenter toutes les données scientifiques que l’EFSA et la Commission auraient illégalement négligé de prendre en compte dans le cadre de la procédure aboutissant à la décision attaquée, en méconnaissant ainsi les derniers développements scientifiques et l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques (voir points 23, 24 et 26 ci-dessus). Il ne saurait donc être exclu, au stade du référé, que les chances de succès de la requérante soient plus grandes, dans le cadre de la nouvelle procédure accélérée de réintroduction, qu’elles ne l’aient été dans la procédure administrative précédente. Or, il serait déraisonnable de laisser interdire la commercialisation d’un produit dont il n’est pas improbable que sa mise sur le marché soit autorisée quelques mois seulement plus tard.

78      Il convient d’ajouter que la requérante a établi que le napropamide était produit dans une [confidentiel] et que la quasi-totalité de cette production est utilisée par la requérante dans [confidentiel] (voir point 38 ci-dessus). Il s’ensuit que sa source d’approvisionnement dépend fortement des ventes de napropamide sur le marché communautaire, à tel point qu’il apparaît suffisamment probable que la baisse énorme de sa production en raison de l’interdiction de ces ventes entraînerait l’immobilisation de ladite usine pendant plusieurs années, voire même sa fermeture totale.

79      En outre, la requérante a affirmé, sans être contredite par la Commission, se trouver dans l’impossibilité d’offrir des produits de substitution à ses clients pendant toute la période où le napropamide serait absent du marché. Enfin, elle a démontré, à suffisance de droit, que, dans l’hypothèse où cette substance active serait finalement inscrite à l’annexe I de la directive, il ne serait pas possible de la commercialiser immédiatement. En effet, elle a indiqué, pièces à l’appui, que le délai pour obtenir les autorisations nationales nécessaires après cette inscription pouvait être supérieur à un an dans certains États membres où elle effectuait l’essentiel de ses ventes. Sans qu’il soit nécessaire de déterminer s’il s’agit de réels obstacles (à long terme) de nature juridique, il convient, en tout état de cause, d’en tenir compte dans l’appréciation de l’urgence, eu égard notamment au déroulement simultané de la procédure accélérée susmentionnée.

80      Par ailleurs, dans la mesure où la Commission soutient que la requérante n’a pas démontré le degré de difficulté de relancer la production du napropamide dans l’usine [confidentiel] et/ou d’obtenir cette substance à partir d’autres sources si elle devait être inscrite à l’annexe I de la directive, il ne saurait être exigé que la requérante fournisse la preuve négative que, dans cette hypothèse, elle ne serait pas en mesure de se procurer du napropamide auprès de sa source d’approvisionnement actuelle ou auprès d’autres fournisseurs. À cet égard, il suffit de souligner le rôle important de sa source d’approvisionnement indienne actuelle, étant rappelé que la société [confidentiel], un concurrent de la requérante, se procure le napropamide dont elle a besoin auprès de celle-ci et donc à partir de la source en cause (voir point 4 ci-dessus).

81      Il s’ensuit qu’un retour de la requérante sur le marché en cause – après une éventuelle annulation de la décision attaquée et l’octroi des autorisations nationales de commercialisation du napropamide – semble difficile du fait que, au moment crucial, elle ne disposerait probablement pas de source d’approvisionnement de napropamide prête à l’emploi.

82      Force est donc de constater que le cas d’espèce est caractérisé par des particularités établissant l’existence d’une urgence.

83      Cette solution est cohérente avec la mise en balance des différents intérêts en présence, dans le cadre de laquelle le juge des référés doit examiner, notamment, si l’intérêt de la requérante à obtenir les mesures provisoires demandées prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de la décision attaquée (ordonnance du président de la Cour du 26 juin 2003, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 R et C‑217/03 R, Rec. p. I‑6887, point 142).

84      En effet, s’il est vrai que les exigences liées à la protection de la santé publique doivent, en principe, se voir reconnaître un caractère prépondérant par rapport aux considérations économiques (voir ordonnance du président du Tribunal du 30 juin 1999, Alpharma/Conseil, T‑70/99 R, Rec. p. II‑2027, point 152, et la jurisprudence citée), force est de constater que plusieurs éléments fournis en l’espèce au juge des référés indiquent que le sursis à l’exécution de la décision attaquée n’entraînerait pas de risque sérieux pour la santé publique ou pour l’environnement.

85      Ainsi, premièrement, c’est en réponse au grief tiré d’un dépassement énorme par l’EFSA du délai fixé à l’article 11, paragraphe 4, du règlement nº 1490/2002 (voir point 28 ci-dessus) que la Commission a souligné que la flexibilité dans l’application de ce délai avait permis à la requérante de bénéficier de presque deux années supplémentaires pour commercialiser le napropamide sur le marché. Il s’ensuit que la Commission ne voit, elle-même, aucune raison particulière et objective pour que le napropamide doive être retiré du marché aussi rapidement que possible.

86      Deuxièmement, la décision attaquée prévoit, en son article 3 et son considérant 9, un délai de grâce jusqu’au 7 mai 2010 pour la mise sur le marché et pour l’utilisation des stocks existants de produits phytopharmaceutiques contenant du napropamide. C’est un indice supplémentaire de ce que l’utilisation de la substance active en cause n’est guère de nature à entraîner des risques sérieux pour la santé publique ou pour l’environnement.

87      Troisièmement, il en va de même du fait que l’État membre rapporteur avait recommandé l’inscription du napropamide dans l’annexe I de la directive. Si une telle recommandation n’est décisive ni pour la proposition qui sera soumise à la Commission par l’EFSA ni pour la décision finale qui sera adoptée par la Commission, rien n’empêche le juge des référés d’en tenir compte dans la mise en balance des différents intérêts en présence.

88      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de surseoir à l’exécution de la décision attaquée jusqu’à la clôture de la procédure accélérée de réintroduction du napropamide, visée à l’article 13 du règlement nº 33/2008. Puisque la date de clôture de cette procédure ne peut être prévue avec précision, il apparaît opportun de faire coïncider le délai du sursis à exécution avec celui du délai de grâce mentionné au point 87 ci-dessus, c’est-à-dire jusqu’au 7 mai 2010.

89      Il convient d’ajouter que le juge des référés décidera, après avoir reçu des observations écrites éventuelles des parties, déposées au plus tard le 15 mars 2010, et, si nécessaire, après avoir entendu oralement les parties, si le maintien du sursis à exécution et l’octroi de mesures provisoires supplémentaires dans la présente procédure sont justifiés.

90      Il y a lieu de rappeler, au demeurant, l’article 108 du règlement de procédure, en vertu duquel le juge des référés peut modifier ou rapporter à tout moment l’ordonnance de référé à la suite d’un changement de circonstances (voir point 72 ci-dessus). Il appartiendra donc, le cas échéant, aux parties de s’adresser au Tribunal au cas où, notamment, l’évolution de la procédure accélérée susmentionnée aurait des conséquences sur l’urgence dans la présente affaire (voir, par analogie, ordonnance du président du Tribunal du 4 avril 2002, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01 R, Rec. p. II‑2153, point 124).

91      Enfin, l’article 2 de la décision attaquée impose aux autorités nationales de retirer « avant » le 7 mai 2009 les autorisations de mise sur le marché de produits contenant du napropamide, ce qui implique le risque, ainsi que la requérante l’a relevé à juste titre, que certaines de ces autorisations aient déjà été annulées, retirées ou refusées avant l’adoption de la présente ordonnance. À cet égard, il convient de rappeler que l’article 243 CE, aux termes duquel le juge des référés « peut prescrire les mesures provisoires nécessaires », vise à garantir à ce juge des compétences suffisantes pour ordonner toute mesure qu’il estime nécessaire pour assurer la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 18 mars 2008, Aer Lingus Group/Commission, T‑411/07 R, Rec. p. II‑411, point 56). Il ne saurait donc être exclu que le juge des référés puisse enjoindre à la Commission, dans des circonstances telles qu’elles se présentent en l’espèce, de faire le nécessaire pour assurer le plein effet de son ordonnance de référé vis-à-vis des États membres.

92      Par conséquent, il convient d’ordonner à la Commission de prendre les mesures qui s’imposent pour garantir le plein effet de la présente ordonnance vis-à-vis des États membres qui auraient déjà, avant le 7 mai 2009, annulé, retiré ou refusé, en application de l’article 2 de la décision attaquée, des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant du napropamide, dans l’hypothèse où, se heurtant à des obstacles de la part d’autorités nationales, la requérante en ferait la demande.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Il est sursis à l’exécution jusqu’au 7 mai 2010 – mais au plus tard jusqu’au jour du prononcé de la décision au principal – de la décision 2008/902/CE de la Commission, du 7 novembre 2008, concernant la non-inscription du napropamide à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil et le retrait des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance.

2)      Ledit sursis s’assortit de la condition selon laquelle United Phosphorus Ltd et la Commission déposeront, au plus tard le 15 mars 2010, au greffe du Tribunal des observations sur l’évolution de la procédure accélérée entamée, au regard du napropamide, au titre de l’article 13 du règlement (CE) nº 33/2008 de la Commission, du 17 janvier 2008, portant modalités d’application de la directive 91/414 du Conseil relative à une procédure courante et à une procédure accélérée d’évaluation de substances actives prévues dans le programme de travail visé à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive, mais non inscrites à l’annexe I.

3)      Il est ordonné à la Commission de prendre, sur demande éventuelle de United Phosphorus, les mesures qui s’imposent pour garantir le plein effet de la présente ordonnance vis-à-vis des États membres qui auraient déjà, avant le 7 mai 2009, annulé, retiré ou refusé, en application de l’article 2 de la décision 2008/902, des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant du napropamide.




4)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 28 avril 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.


1 – Données confidentielles occultées.