Language of document : ECLI:EU:T:2010:483

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

25 novembre 2010 *(1)

« Référé – Directive 91/414/CEE – Décision concernant la non-inscription du napropamide à l’annexe I de la directive 91/414 – Prolongation d’une mesure de sursis à exécution »

Dans l’affaire T‑95/09 R III,

United Phosphorus Ltd, établie à Warrington, Cheshire (Royaume-Uni), représentée par Mes C. Mereu et K. Van Maldegem, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Parpala et F. Wilman, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant à obtenir la prolongation de la mesure de sursis à l’exécution de la décision 2008/902/CE de la Commission, du 7 novembre 2008, concernant la non-inscription du napropamide à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil et le retrait des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance (JO L 326, p. 35),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par ordonnance du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission (T‑95/09 R, non publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance du 28 avril 2009 »), le président du Tribunal a fait droit à la demande en référé introduite par la requérante, United Phosphorus Ltd, et prononcé le sursis à l’exécution, jusqu’au 7 mai 2010, de la décision 2008/902/CE de la Commission, du 7 novembre 2008, concernant la non-inscription du napropamide à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil et le retrait des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance (JO L 326, p. 35, ci-après la « décision attaquée »). Dans l’ordonnance du 28 avril 2009, les parties ont été invitées à déposer des observations sur l’évolution de la procédure accélérée entamée, au regard du napropamide, au titre de l’article 13 du règlement (CE) nº 33/2008 de la Commission, du 17 janvier 2008, portant modalités d’application de la directive 91/414/CEE du Conseil relative à une procédure courante et à une procédure accélérée d’évaluation de substances actives prévues dans le programme de travail visé à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive, mais non inscrites à l’annexe I (JO L 15, p. 5, ci-après la « procédure accélérée d’évaluation »).

2        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 décembre 2009, la requérante a sollicité une prolongation de la mesure de sursis à exécution « jusqu’au mois de novembre 2010 ou, au plus tôt, jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la directive établissant l’inscription du napropamide ». La Commission européenne s’est opposée à cette demande, tout en invitant le président du Tribunal, dans l’hypothèse où il y ferait droit, à décider que le sursis à exécution cesserait immédiatement au cas où la procédure accélérée d’évaluation se solderait par un échec pour la requérante.

3        Par ordonnance du 15 janvier 2010, United Phosphorus/Commission (T‑95/09 R II, non publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance du 15 janvier 2010 »), le président du Tribunal a prolongé jusqu’au 30 novembre 2010 la mesure de sursis à exécution édictée par l’ordonnance du 28 avril 2009, en précisant toutefois que ce sursis à exécution ne pouvait s’étendre au-delà de la date de clôture formelle de la procédure accélérée d’évaluation.

4        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 novembre 2010, la requérante demande, sur le fondement de l’article 108 du règlement de procédure du Tribunal, une nouvelle prolongation de la mesure de sursis à exécution susmentionnée.

5        Au soutien de sa demande, la requérante fait valoir que la procédure accélérée d’évaluation a connu une issue positive, la Commission ayant lancé le processus d’adoption d’une directive aux fins de l’inscription du napropamide à l’annexe I de la directive 91/414. Ainsi qu’il ressortirait du projet de directive (joint en annexe à la demande), la nouvelle directive entrerait en vigueur le 1er janvier 2011, les États membres ayant jusqu’au 30 juin 2011 pour transposer ses dispositions en droit interne. Selon la requérante, si la mesure de sursis à exécution susmentionnée n’était pas prolongée au-delà de la date du 30 novembre 2010, la décision attaquée entrerait en vigueur le 1er décembre 2010 et les États membres seraient tenus de retirer les autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant du napropamide avant que la nouvelle directive relative à son inscription ne prenne effet. Selon la requérante, une extension supplémentaire du sursis à exécution est donc justifiée par la nécessité du maintien en vigueur des autorisations de ses produits phytopharmaceutiques dans l’attente de la mise en œuvre complète de la nouvelle directive, afin d’éviter toute rupture dans la commercialisation desdits produits.

6        La requérante précise que, à défaut d’une telle prolongation, elle devra introduire, auprès des autorités nationales, de nouvelles demandes d’autorisation pour ses produits phytopharmaceutiques contenant du napropamide et fournir de nouvelles informations sur ces produits. Or, l’évaluation des nouvelles données et l’octroi des nouvelles autorisations par les États membres constitueraient un processus pouvant durer plus d’un an avant d’arriver à son terme, et, dans l’intervalle, les produits de la requérante contenant du napropamide seraient retirés du marché.

7        En conséquence, la requérante conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal de prolonger le sursis à l’exécution de la décision attaquée jusqu’à ce qu’elle obtienne de nouvelles autorisations de produits conformément à la nouvelle directive ou jusqu’au prononcé de la décision au principal, si celle-ci intervient auparavant, et d’adopter toute autre mesure nécessaire pour préserver l’effet utile des ordonnances du 28 avril 2009 et du 15 janvier 2010 ayant octroyé et prolongé la mesure provisoire.

8        Dans ses observations écrites déposées au greffe du Tribunal le 11 novembre 2010, la Commission, tout en confirmant qu’elle est sur le point d’adopter une directive qui prévoira l’inscription du napropamide à l’annexe I de la directive 91/414 et qui entrera en vigueur le 1er janvier 2011, conclut au rejet de la présente demande. Dans l’hypothèse où cette demande serait néanmoins retenue, elle considère que la durée du sursis à exécution prolongé devrait être clairement déterminée et limitée au strict minimum, sans pouvoir dépendre d’actes unilatéraux pris par la requérante.

9        Selon la Commission, la présente demande vise non pas la clôture de la procédure accélérée d’évaluation au niveau de l’Union, mais celle des nombreuses procédures nationales nécessaires pour obtenir les autorisations de commercialiser des produits phytopharmaceutiques contenant du napropamide. Or, après avoir adopté une directive établissant l’inscription d’une substance active à l’annexe I de la directive 91/414, la Commission n’aurait aucune influence légale sur les États membres en ce qui concerne l’octroi ou non, par ceux-ci, de nouvelles autorisations pour les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance. La présente demande ne tendrait donc plus à prolonger le sursis à exécution déjà octroyé, mais s’apparenterait à une demande en référé entièrement nouvelle.

10      La Commission souligne que, si le juge des référés faisait droit à la présente demande, la requérante aurait la faculté de décider si et à quel moment un acte de l’Union devient applicable. En effet, les procédures nationales d’autorisation ne seraient entamées qu’à l’initiative de la requérante. Par conséquent, dans l’hypothèse où cette dernière s’abstiendrait de solliciter ces autorisations, le sursis à exécution demandé aurait un effet quasi permanent, du fait que les autorisations nationales existantes continueraient à être applicables. La Commission est donc d’avis que la date à partir de laquelle de telles mesures provisoires doivent cesser leurs effets ne saurait dépendre de plusieurs actes unilatéraux, décrits vaguement, que la requérante serait amenée à prendre.

 En droit

11      Il y a lieu de rappeler que, dans l’ordonnance du 28 avril 2009 (point 31), le président du Tribunal a admis l’existence d’un fumus boni juris au motif que les questions soulevées par le recours au principal méritaient un examen approfondi, qui devait faire l’objet de la procédure principale. Cette appréciation n’est remise en cause ni par la demande de la requérante du 2 novembre 2010 ni par les observations de la Commission du 11 novembre 2010.

12      En outre, le président du Tribunal a examiné la condition relative à l’urgence (ordonnance du 28 avril 2009, points 67 à 82) au regard des circonstances concrètes du cas d’espèce. Dans ce contexte, il a considéré comme déterminant le fait que, à la suite de l’adoption de la décision attaquée, la requérante avait engagé la procédure accélérée d’évaluation – dans le cadre de laquelle ses chances de succès semblaient être plus grandes qu’elles ne l’avaient été dans le cadre de la procédure aboutissant à la décision attaquée – et que cette procédure accélérée d’évaluation était susceptible d’être close quelques mois seulement après la date imposée pour le retrait du marché des produits contenant du napropamide. Il en a conclu qu’il serait déraisonnable de laisser interdire la commercialisation d’une substance dont il n’était pas improbable que la mise sur le marché soit autorisée quelques mois plus tard seulement.

13      Il a été relevé, aux points 83 à 87 de l’ordonnance du 28 avril 2009, que cette conclusion était corroborée, au niveau de la balance des intérêts, par la constatation que la Commission ne voyait, elle-même, aucune raison particulière pour que le napropamide doive être retiré du marché aussi rapidement que possible et par la circonstance que la décision attaquée prévoyait un délai de 13 mois pour l’écoulement des stocks existants, ce qui indiquait que l’utilisation du napropamide n’était guère de nature à entraîner des risques sérieux pour la santé publique.

14      S’agissant de la présente demande visant à obtenir une nouvelle prolongation, au-delà de la date du 30 novembre 2010, du sursis à l’exécution de la décision attaquée, il est constant qu’une directive de la Commission, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2011, modifiera la directive 91/414 en ce sens que le napropamide sera inscrit à l’annexe 1 de cette dernière directive, et ce au motif que les sujets de préoccupation ayant entraîné la non-inscription du napropamide, au titre de la décision attaquée, ont été levés et qu’aucun autre problème d’ordre scientifique n’est apparu (neuvième considérant de la future directive). Il s’avère donc que, seulement huit mois après l’expiration du délai de grâce prévu à l’article 3 de la décision attaquée pour l’écoulement des stocks existants de produits contenant du napropamide, à savoir le 7 mai 2010, la commercialisation de cette substance active sera autorisée à nouveau.

15      Or, il serait déraisonnable de laisser interdire, à partir du 1er décembre 2010, la commercialisation de ladite substance, alors qu’il est constant que sa mise sur le marché sera autorisée à partir du 1er janvier 2011. Par conséquent, il convient de prolonger jusqu’à cette dernière date le sursis à l’exécution de la décision attaquée, dans la mesure où elle dispose, en son article 1er, que le napropamide n’est pas inscrit en tant que substance active à l’annexe I de la directive 91/414.

16      En ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques contenant du napropamide, il convient de rappeler, d’une part, que la décision attaquée impose aux États membres, en ses articles 2 et 3, de retirer les autorisations de tels produits, tout en prévoyant le délai de grâce mentionné au point 14 ci-dessus, et, d’autre part, que le sursis à exécution octroyé par les ordonnances du 28 avril 2009 et du 15 janvier 2010 porte également sur le retrait des autorisations desdits produits. Dans ce contexte, la requérante a souligné, sans être contredite par la Commission, que, même après l’entrée en vigueur de la nouvelle directive portant autorisation du napropamide, elle devrait introduire, auprès des autorités nationales, de nouvelles demandes d’autorisation pour ses produits phytopharmaceutiques contenant ladite substance active et que, avant l’octroi de ces autorisations, les produits en cause devraient, en toute hypothèse, être retirés du marché.

17      À cet égard, il y a lieu de relever que la nouvelle directive soumettra effectivement l’autorisation du napropamide à certaines conditions, à savoir la communication de certaines informations supplémentaires, avant que les autorités nationales puissent autoriser un produit phytopharmaceutique contenant du napropamide (huitième considérant de la future directive). S’il est vrai que la légalité et les effets de ces conditions ne font pas l’objet du présent litige, force est de constater que la nouvelle directive ne contiendra aucune disposition abrogeant la décision attaquée, de sorte que celle-ci ordonnerait, à défaut de prolongation du sursis à exécution déjà accordé, le retrait des autorisations de produits dont bénéficie actuellement la requérante. En outre, la nouvelle directive ne comportera aucune disposition qui tiendrait compte de la mesure de sursis à exécution octroyée par les ordonnances du 28 avril 2009 et du 15 janvier 2010, aux fins d’éviter une rupture dans la commercialisation des produits phytopharmaceutiques de la requérante contenant du napropamide, en assurant une phase de transition raisonnable entre la décision attaquée et la mise en œuvre de la nouvelle directive.

18      Dans ces circonstances, il convient de prolonger au-delà du 1er janvier 2011 la mesure de sursis à exécution octroyée par les ordonnances du 28 avril 2009 et du 15 janvier 2010, en ce qui concerne le retrait des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant du napropamide, autorisations dont bénéficie actuellement la requérante. En effet, si une telle mesure ne préjuge en rien de la décision relative à la légalité de la décision attaquée, elle tient compte de l’innocuité du napropamide, telle qu’elle est apparue à l’issue de la procédure accélérée d’évaluation.

19      Cette solution n’est pas remise en cause par le fait que, au point 88 de l’ordonnance du 28 avril 2009, la date limite du sursis à l’exécution de la décision attaquée a expressément été liée à la clôture de la procédure accélérée d’évaluation et que, au point 14 de l’ordonnance du 15 janvier 2010, il a été décidé que toute prolongation de ce sursis devait impérativement cesser à la date de clôture formelle de cette procédure. En effet, outre le fait qu’il est loisible au juge des référés, dans le cadre d’une nouvelle saisine, de modifier, en fonction des nouvelles circonstances de fait et de droit qui se présentent à lui, les mesures provisoires qu’il a précédemment ordonnées, il importe de préciser que ces restrictions du sursis à exécution octroyé ont essentiellement été déterminées par la perspective d’une issue négative, pour la requérante, de la procédure accélérée d’évaluation, ainsi qu’il ressort du point 14 de l’ordonnance du 15 janvier 2010, qui prévoit la cessation du sursis à exécution à ladite date de clôture « indépendamment des voies de droit auxquelles la requérante pourrait recourir dans l’hypothèse où la procédure accélérée d’évaluation aboutirait à la non-inscription du napropamide à l’annexe I de la directive 91/414 ». Par ailleurs, lorsqy’il a rendu les ordonnances du 28 avril 2009 et du 15 janvier 2010, le juge des référés ignorait nécessairement le contenu précis de la future directive autorisant le napropamide et ne pouvait donc préjuger des modalités de l’autorisation qu’il serait éventuellement amené à prendre en considération en vue d’adapter ses mesures provisoires.

20      S’agissant de la durée de la prolongation de la mesure de sursis à l’exécution de la décision attaquée, il y a lieu de rappeler que la requérante a indiqué, sans être contredite par la Commission, que les procédures nationales d’évaluation nécessaires, après l’entrée en vigueur de la nouvelle directive, pour l’obtention d’autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant du napropamide pourraient durer plus d’un an et que, dans l’intervalle, lesdits produits devraient être retirés du marché à défaut d’une prolongation du sursis à exécution déjà accordé. Dans ces circonstances, il apparaît approprié de prolonger jusqu’au 31 décembre 2011 la mesure de sursis à exécution édictée au point 1 du dispositif de l’ordonnance du 28 avril 2009. Au demeurant, cette date limite correspond à celle prévue, dans un contexte comparable, par le règlement (UE) nº 741/2010 de la Commission, du 17 août 2010, modifiant les règlements (CE) nº 1490/2002 et (CE) nº 2229/2004 en ce qui concerne la date jusqu’à laquelle les autorisations peuvent rester en vigueur lorsque le notifiant a présenté une demande conformément à la procédure accélérée prévue par le règlement (CE) nº 33/2008 (JO L 217, p. 2) (voir les deuxième à quatrième considérants du règlement nº 741/2010).

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La mesure de sursis à exécution édictée au point 1 du dispositif de l’ordonnance du président du Tribunal du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission (T‑95/09 R, non publiée au Recueil) est prolongée jusqu’à la date du 31 décembre 2011, mais au plus tard jusqu’au jour de l’adoption de la décision au principal si celle-ci intervient avant cette date.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 25 novembre 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


1* Langue de procédure : l’anglais.