Language of document : ECLI:EU:T:2024:102

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

21 février 2024 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant des éléments de toilettes (partie de -) – Dessin ou modèle communautaire antérieur – Motifs de nullité – Caractère individuel – Impression globale différente – Degré de liberté du créateur – Article 6 et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑82/23,

Nextrend GmbH, établie à Flörsheim am Main (Allemagne), représentée par Mes T. Weiland et C. Corbet, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Nicolás Gómez, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Xiamen Axent Corporation Ltd, établie à Haicang (Chine),

Axent Switzerland AG, établie à Rapperswil-Jona (Suisse),

représentées par Mes M. Ring et A. Wan, avocats,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, M. J. Schwarcz (rapporteur) et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Nextrend GmbH, demande, en substance, l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 7 décembre 2022 (affaire R 1604/2021-3) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 6 novembre 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande en nullité relative au dessin ou modèle communautaire enregistré à la suite d’une demande déposée par les intervenantes, Xiamen Axent Corporation Ltd et Axent Switzerland AG, le 9 septembre 2015, revendiquant la priorité au 9 mars 2015. Le dessin ou modèle contesté est représenté dans les vues suivantes :

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Vue 1.1

Vue 1.2

Vue 1.3

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Vue 1.4

Vue 1.5

Vue 1.6

3        Les produits auxquels le dessin ou modèle, dont la nullité était demandée, est destiné à être appliqué relevaient de la classe 32, sous 2), au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspondaient à la description suivante : « Éléments de toilettes (partie de -) ».

4        Les motifs invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient ceux visés à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), lu conjointement avec l’article 6 dudit règlement.

5        Dans la demande en nullité, la requérante a fait valoir que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel, étant donné qu’il ne produisait pas sur l’utilisateur averti une impression globale différente de celle du dessin ou modèle antérieur no 2167882-0002 (ci-après le « dessin ou modèle antérieur D1 »), qui est représenté dans les vues suivantes :

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Vue 2.1

Vue 2.2

Vue 2.3

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Vue 2.4

Vue 2.5

Vue 2.6


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Vue 2.7


6        Le 17 novembre 2020, dans ses observations en réponse aux observations des intervenantes, la requérante a en outre fait valoir que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel dans la mesure où il ne produisait pas sur l’utilisateur averti une impression globale différente de celle produite par le dessin ou modèle antérieur allemand DM/073 640-5, qui a été enregistré le 21 mai 2010 et publié le 13 novembre 2011.

7        Le 19 juillet 2021, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

8        Le 17 septembre 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation. En outre, dans le mémoire exposant les motifs du 19 novembre 2021, elle a fait valoir que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel par rapport au dessin ou modèle antérieur D1 et au dessin ou modèle allemand DM/073 640-6. Elle a fait valoir, dans sa réponse du 1er avril 2022 aux observations des intervenantes, que la référence au dessin ou modèle DM/073 640-5 était une faute de frappe évidente, étant donné que les vues représentées montraient le dessin ou modèle DM/073 640-6.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. En substance, elle a constaté que, compte tenu de la liberté du créateur, qui était limitée en ce qui concerne la forme d’un abattant de toilettes, les différences entre les dessins ou modèles étaient suffisantes pour considérer que le dessin ou modèle contesté produisait sur l’utilisateur averti une impression globale différente de celle produite par le dessin ou modèle antérieur D1. S’agissant des dessins ou modèles allemands DM/073 640-5 et DM/073 640-6, qui n’ont pas été présentés dans la demande en nullité, elle a estimé qu’ils ne pouvaient être pris en considération, étant donné qu’ils étendraient l’objet de la procédure. Enfin, la chambre de recours a considéré qu’étant donné que le dessin ou modèle contesté produisait une impression globale différente sur les utilisateurs avertis, il devait également être considéré comme nouveau, au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler le dessin ou modèle communautaire contesté ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son ensemble ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation des parties à une audience.

12      Les intervenantes concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés devant le Tribunal et devant la chambre de recours.

 En droit

 Sur le fond

13      La requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’obligation de motivation prévue par l’article 62 du règlement no 6/2002, le deuxième, de la violation de l’article 63, paragraphe 2, dudit règlement, lu conjointement avec son article 53, paragraphe 2, et, le troisième, de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 6, paragraphe 2, sous b), de ce même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, prévue par l’article 62 du règlement no 6/2002

14      La requérante avance que la chambre de recours a ignoré ses arguments sans donner de raison, en considérant que les toilettes étaient standardisées en ce qui concerne leurs ouvertures et que la liberté du créateur était très limitée à cet égard. Elle prétend avoir démontré que l’utilisateur averti était conscient de la variété des formes d’abattants de toilettes. Le fait que l’abattant de toilettes soit destiné à s’adapter au siège des toilettes ne signifierait pas que sa forme doive correspondre exactement à celle des sièges de toilettes. Les intervenantes n’auraient pas produit de preuve à l’appui de l’affirmation, selon laquelle la forme des abattants de toilettes était standardisée. C’est également sans donner de raison que la chambre de recours aurait estimé que la présence d’une cavité rectangulaire à l’arrière de l’abattant de toilettes constituait une « fixation plutôt inhabituelle », alors même que la requérante avait présenté un grand nombre de modèles antérieurs montrant une telle cavité. Enfin, la chambre de recours aurait limité son appréciation de l’impression globale produite par les dessins ou modèles en cause au critère du degré de liberté du créateur, sans prendre en considération la perspective de l’utilisateur averti dans le cadre de l’utilisation normale du produit. Elle aurait tenu compte de différences minimes, nonobstant son affirmation, selon laquelle l’utilisateur averti ne prêterait pas attention aux détails.

15      L’EUIPO et les intervenantes contestent les allégations de la requérante.

16      En vertu de l’article 62 du règlement no 6/2002, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque, et a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. Toutefois, il ne saurait être exigé des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [voir arrêt du 18 novembre 2015, Liu/OHMI – DSN Marketing (Étui d’ordinateur portable), T‑813/14, non publié, EU:T:2015:868, point 15 et jurisprudence citée].

17      En outre, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 22 mai 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑17/09, non publié, EU:T:2012:243, point 40 et jurisprudence citée).

18      S’agissant, en premier lieu, de la critique de la requérante portant sur l’insuffisance de motivation de la décision attaquée quant au critère du degré de liberté du créateur, force est de constater que ladite décision contient une motivation suffisante à cet égard. En effet, il convient de relever que, tout d’abord, au point 36 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle était défini à partir, notamment, des contraintes imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ou encore des prescriptions légales applicables au produit, et que ces contraintes conduisaient à une normalisation de certaines caractéristiques, devenant alors communes aux dessins ou modèles appliqués sur le produit concerné.

19      Ensuite, la chambre de recours a indiqué, aux points 38 et 39 de la décision attaquée, d’une part, que les toilettes avaient une forme plus ou moins standardisée, notamment en ce qui concernait leur partie supérieure. D’autre part, elle a indiqué quelles étaient les contraintes techniques liées à un abattant de toilettes, en concluant, que la liberté du créateur était limitée, que ce soit dans l’élaboration d’un dessin ou modèle des sièges de toilettes ou des abattants de toilettes (voir points 38, 39 et 50 de la décision attaquée). De surcroît, la chambre de recours a indiqué ne pas vouloir se départir des conclusions figurant dans l’arrêt du 21 juin 2017, Kneidinger/EUIPO – Topseat International (Abattant de toilettes) (T‑286/16, non publié, EU:T:2017:411), selon lesquelles la liberté d’un dessin pour des abattants de toilettes était limitée.

20      Enfin, s’agissant des allégations de la requérante portant sur la variété des formes des abattants de toilettes, invoquée devant l’EUIPO, outre le fait que, comme il a été rappelé au point 16 ci-dessus, il ne saurait être exigé des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles, il convient de constater que, aux points 34 et 35 de la décision attaquée, la chambre de recours, après avoir défini l’utilisateur averti, a indiqué que celui-ci avait des connaissances des sièges de toilettes, sur la base d’inspection de supports publicitaires et de catalogues, ainsi qu’en raison de visites des points de ventes ou de salons professionnels.

21      En deuxième lieu, s’agissant du défaut de mention des motifs pour lesquels la chambre de recours a considéré, au point 44 de la décision attaquée, que la présence d’une cavité rectangulaire à l’arrière de l’abattant de toilettes constituait une “fixation plutôt inhabituelle”, il convient de relever qu’il ressort dudit point de la décision attaquée qu’il s’agit de l’opinion de la chambre de recours. En outre, si comme le soutient la requérante, cette motivation ne se prononce pas sur les éléments de preuve produits à ce titre par la requérante devant l’EUIPO, il suffit d’indiquer que, comme il est rappelé au point 16 ci-dessus, la motivation n’a pas à être exhaustive. Dans la mesure où la critique de la requérante vise les conséquences à tirer d’une prétendue absence de prise en considération de certains éléments de preuve présentés devant l’EUIPO, celle-ci sera analysée dans le cadre du troisième moyen (voir point 58 ci-dessous).

22      En troisième lieu, s’agissant des autres critiques de la requérante identifiées au point 14 ci-dessus, il y a lieu de relever que la motivation des différences entre les dessins ou modèles comparés, telle qu’elle ressort notamment des points 41 à 50 de la décision attaquée, est suffisante au regard de la jurisprudence rappelée au point 16 ci-dessus. En particulier, la chambre de recours a mentionné des éléments concrets portant sur l’impression globale produite par les dessins ou modèles contestés, la prise en compte de l’utilisateur averti, ainsi que sur « l’utilisation normale du produit conformément à sa destination », visée par les critiques de la requérante. Quant aux éventuelles incohérences, critiquées par la requérante dans le contexte de la prétendue prise en compte de détails, elles relèvent d’une analyse du bien-fondé des motifs.

23      Au regard de ce qui précède, il convient de rejeter le moyen de la requérante tiré de la violation de l’obligation de motivation.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, lu conjointement avec l’article 53, paragraphe 2, dudit règlement

24      La requérante soutient que le défaut de prise en compte du « dessin ou modèle antérieur DM 640 » constitue une violation de l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, lu conjointement avec l’article 53, paragraphe 2, dudit règlement. Dans ce contexte, elle demande au Tribunal de reconsidérer sa récente interprétation « restrictive » de l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 et de l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28), présentée dans l’arrêt du 27 avril 2022, Group Nivelles/EUIPO – Easy Sanitary Solutions (Caniveau d’évacuation de douche) (T‑327/20, EU:T:2022:263), selon laquelle un dessin ou modèle qui n’a pas été mentionné dans la demande en nullité, mais présenté à un stade ultérieur de la procédure modifie l’objet de la procédure et doit être écarté. Elle fait valoir que cette jurisprudence entraînerait la perpétuation, pour des raisons formelles, de dessins ou modèles communautaires indûment enregistrés.

25      L’EUIPO et les intervenantes contestent les allégations de la requérante.

26      À titre liminaire, il convient de relever qu’il est constant entre les parties que les dessins ou modèles allemands DM/073 640-5 et DM/073 640-6 n’ont pas été invoqués, ni représentés, au moment du dépôt de la demande en nullité, mais seulement le 17 novembre 2020, dans les observations de la requérante en réponse aux observations des intervenantes.

27      Ensuite, il ressort des points 25 à 29 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré, en substance, que la demande en nullité définissait l’objet du litige comme résultant, d’une part, du dessin ou modèle contesté et, d’autre part, des dessins ou modèles antérieurs revendiqués. Il n’était, ainsi, selon elle, plus possible, après le dépôt de la demande, d’introduire dans la procédure d’autres dessins ou modèles antérieurs, susceptibles de porter préjudice à la nouveauté ou au caractère individuel du dessin ou modèle. Selon la chambre de recours, l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 ne s’opposait pas à une telle interprétation, dès lors que cette disposition ne permettait pas à la demanderesse d’étendre l’objet de la procédure.

28      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 dispose que la demande en nullité doit être présentée par écrit et motivée. L’article 28, paragraphe 1, sous b), i) et vi), du règlement no 2245/2002 précise qu’une demande en nullité doit contenir une déclaration précisant les motifs de nullité ainsi que les faits, preuves et observations présentés à l’appui de cette demande. L’article 28, paragraphe 1, sous b), v), de ce dernier règlement prévoit, en outre, que, lorsque la demande en nullité est fondée sur l’absence de nouveauté ou de caractère individuel du dessin ou modèle communautaire enregistré, elle doit comporter l’indication et la reproduction des dessins ou modèles antérieurs susceptibles de faire obstacle à la nouveauté ou au caractère individuel du dessin ou modèle communautaire enregistré ainsi que les documents prouvant l’existence de ces dessins ou modèles antérieurs (arrêt du 27 avril 2022, Caniveau d’évacuation de douche, T‑327/20, EU:T:2022:263, point 49).

29      Au point 53 de l’arrêt du 27 avril 2022, Caniveau d’évacuation de douche (T‑327/20, EU:T:2022:263), le Tribunal a constaté que le bon déroulement de la procédure et la préservation de l’intérêt légitime du titulaire du dessin ou modèle contesté à ne pas être exposé à un litige dont l’objet serait en perpétuelle mutation s’opposent à la possibilité pour un demandeur d’invoquer, à volonté, d’autres dessins ou modèles antérieurs au fur et à mesure de la procédure de nullité. Pour cette raison, le respect de l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement no 2245/2002, constitue une condition de recevabilité de la demande en nullité, en vertu de l’article 30, paragraphe 1, du même règlement.

30      Ainsi qu’il ressort des points 57 à 59 de l’arrêt du 27 avril 2022, Caniveau d’évacuation de douche (T‑327/20, EU:T:2022:263), le pouvoir d’appréciation conféré à l’EUIPO par l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 pour tenir compte « des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile » ne peut s’appliquer qu’aux « faits et preuves » visés à l’article 28, paragraphe 1, sous b), vi), du règlement no 2245/2002, et non à « l’indication et la reproduction des dessins ou modèles antérieurs » requises en vertu de l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du même règlement. En particulier, l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 n’est pas applicable à la question de l’identification du dessin ou modèle antérieur.

31      Or, les arguments de la requérante visant à remettre en cause la jurisprudence rappelée aux points 28 à 30 ci-dessus ne sauraient être retenus.

32      En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, l’article 53, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 63, paragraphe 2, de ce même règlement, ne sauraient être interprétés comme permettant à une partie de répondre « aussi souvent qu’il est nécessaire » aux arguments des autres parties à la procédure devant l’EUIPO même en invoquant des dessins ou modèles antérieurs additionnels, non mentionnés dans la demande en nullité. L’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, s’il permet de prendre en considération des preuves supplémentaires, par exemple une représentation plus précise ou une preuve de la publication d’un dessin ou modèle déjà invoqué dans la demande en nullité, ne permet pas, en revanche, d’élargir le cadre juridique de cette demande par la production de preuves totalement nouvelles, en autorisant le demandeur à fonder ladite demande sur d’autres dessins ou modèles antérieurs, car un tel procédé modifierait l’objet du litige, outre le fait qu’il prolongerait la durée de la procédure (arrêt du 27 avril 2022, Caniveau d’évacuation de douche, T‑327/20, EU:T:2022:263, point 60). C’est à bon droit que l’EUIPO et les intervenantes soutiennent devant le Tribunal que si un demandeur en nullité pouvait continuer à introduire de nouveaux motifs de nullité ou des nouveaux dessins ou modèles antérieurs durant la procédure de nullité devant l’EUIPO, il pourrait indûment prolonger ladite procédure, entravant l’activité économique du titulaire du dessin ou modèle contesté. Le bon déroulement de la procédure et la préservation de l’intérêt légitime dudit titulaire à ne pas être exposé à un litige dont l’objet serait en perpétuelle mutation s’oppose à l’interprétation susmentionnée, proposée par la requérante.

33      En second lieu, cette conclusion n’est pas invalidée par l’argument de la requérante tiré de l’article 52, paragraphe 3, du règlement no 6/2002. La requérante soutient que cette disposition empêche au demandeur en nullité d’engager une autre procédure de nullité ayant le même objet et la même cause, ce qui, pris ensemble avec les autres dispositions rappelées au point 32 ci-dessus, ainsi qu’avec l’article 91, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, portant sur des règles spécifiques en matière de connexité, impliquerait d’invoquer tous les motifs de nullité dans une seule procédure pour des motifs d’efficacité procédurale.

34      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 52, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, la demande en nullité est irrecevable si un tribunal des dessins ou modèles communautaires a statué entre les mêmes parties sur une demande ayant le même objet et la même cause et que cette décision a acquis l’autorité de la chose jugée.

35      Tout d’abord, il y a lieu de relever que les contraintes imposées lors de l’introduction d’une demande en nullité ne sont aucunement inhabituelles dans le contexte de procédures judiciaires, y compris lorsqu’une telle demande est présentée en réaction à une action en contrefaçon. C’est en effet à la partie demanderesse en nullité qu’il appartient de fixer l’objet du litige dès la phase initiale, en présentant l’ensemble des dessins ou modèles antérieurs dont elle entend se prévaloir.

36      Ensuite, l’allégation de la requérante fondée sur l’article 52, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 est inopérante en raison du fait que, en l’espèce, la requérante n’a nullement invoqué une décision d’un tribunal des dessins ou modèles communautaires ayant le même objet et la même cause et qui aurait acquis l’autorité de la chose jugée.

37      Enfin, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle, lorsqu’une décision rejetant une demande en nullité a acquis l’autorité de la chose jugée, le titulaire du dessin ou modèle contesté doit avoir une certitude juridique quant à la validité de celui-ci, il suffit de relever que l’autorité de chose jugée ainsi acquise ne fait pas obstacle à ce que ledit dessin ou modèle puisse être contesté par un tiers sur la base d’autres droits antérieurs.

38      Dans ces circonstances, et sans qu’il soit besoin de statuer sur l’irrecevabilité opposée par les intervenantes en vertu de laquelle le dessin ou modèle présenté pour la première fois dans le mémoire du 17 novembre 2020 était irrecevable également en raison de son caractère non identifiable, il convient de rejeter le deuxième moyen de la requérante.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), durèglement no 6/2002, lu conjointement avec l’article 6, paragraphe 1, sous b), dudit règlement

39      Les arguments de la requérante s’articulent, en substance, en trois branches, portant, premièrement, sur l’utilisateur averti, deuxièmement, sur le degré de liberté du créateur et, troisièmement, sur l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté. Selon la requérante, la chambre de recours aurait méconnu le cadre juridique applicable en ce qui concerne la perspective de l’utilisateur averti et sa connaissance des dessins ou modèles existants. Elle aurait fondé sa décision sur l’existence d’un degré restreint de liberté du créateur, bien que la requérante ait présenté une grande variété de modèles d’abattants de toilettes démontrant le contraire. Enfin, selon la requérante, le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur D1 produisaient la même impression globale de sorte que le premier était ainsi dépourvu de caractère individuel. La chambre de recours aurait limité son appréciation de l’impression globale produite par les dessins ou modèles à des différences minimes, nonobstant le fait qu’elle avait confirmé les conclusions de la division d’annulation, selon lesquelles les restrictions à la liberté du créateur ne s’appliquaient pas à la forme générale de l’abattant et à ses autres caractéristiques.

40      L’EUIPO et les intervenantes contestent les allégations de la requérante.

–       Sur l’utilisateur averti

41      En ce qui concerne l’interprétation de la notion d’« utilisateur averti », il y a lieu de considérer que la qualité d’« utilisateur » implique que la personne concernée utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce même produit est destiné. Le qualificatif « averti » suggère en outre que, sans être un concepteur ou un expert technique, l’utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissances quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise (voir arrêt du 21 juin 2017, Abattant de toilettes, T‑286/16, non publié, EU:T:2017:411, point 19 et jurisprudence citée).

42      La notion d’« utilisateur averti » doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle du consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui en général n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme de l’art, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d’utilisateur averti peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non pas d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (voir arrêt du 21 juin 2017, Abattant de toilettes, T‑286/16, non publié, EU:T:2017:411, point 20 et jurisprudence citée).

43      En l’espèce, la chambre de recours, aux points 34 et 35 de la décision attaquée, après avoir rappelé la jurisprudence pertinente, a indiqué que les dessins ou modèles en cause concernaient des sièges de toilettes et que l’utilisateur averti connaissait les sièges de toilettes. Selon elle, l’utilisateur averti avait obtenu ses connaissances en consultant des supports publicitaires et des catalogues, et en visitant des points de vente ou des salons professionnels.

44      La requérante soutient que la chambre de recours a erronément limité les connaissances d’un utilisateur averti aux éléments évoqués au point 35 de la décision attaquée (connaissances obtenues en consultant des supports publicitaires et des catalogues, et en visitant des points de vente ou des salons professionnels), alors même qu’elle aurait dû prendre en considération les nombreux exemples de dessins ou modèles préexistants produits par ses soins. Si la chambre de recours avait pris en considération ces éléments, elle aurait constaté que l’utilisateur averti connaissait une grande variété de formes d’abattants de toilettes, ainsi qu’une grande variété de positions et de formes des boutons uniques sur les côtés des abattants. En outre, selon la requérante, la chambre de recours n’aurait pas déterminé la perspective de l’utilisateur averti dans le contexte d’une utilisation normale du produit dans lequel le dessin ou modèle contesté était incorporé, cet utilisateur percevant essentiellement la vue de face, la vue de dessus et les vues légèrement latérales des abattants de toilettes.

45      Or, à cet égard, contrairement à ce qui est soutenu par la requérante, l’approche de la chambre de recours ne saurait être considérée comme « limitative ». D’une part, au point 34 de la décision attaquée, en se référant à la jurisprudence pertinente, la chambre de recours a relevé que l’utilisateur averti possédait un certain degré de connaissance des différents dessins et modèles existant dans le secteur concerné et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, faisait preuve d’un degré d’attention relativement élevé. Ainsi, la chambre de recours n’a pas omis de prendre en considération le fait que l’utilisateur averti connaissait différents modèles d’abattants de toilettes. D’autre part, il ne ressort pas des considérations énoncées au point 35 de la décision attaquée, concernant les situations dans lesquelles l’utilisateur averti a pu acquérir ses connaissances du secteur concerné, que la chambre de recours ait exclu que cet utilisateur puisse avoir connaissance des exemples de dessins ou modèles présentés par la requérante durant la procédure administrative devant l’EUIPO. Enfin, il ressort de la partie de la décision attaquée portant sur l’impression globale que la chambre de recours a tenu compte des situations d’utilisation normale du produit, dans lequel le dessin ou modèle contesté était incorporé, lors de l’examen de la perception par l’utilisateur averti (voir points 63 et 64 ci-après).

46      Dans ces circonstances, il convient de rejeter les allégations de la requérante, selon lesquelles la chambre de recours aurait excessivement circonscrit la notion d’« utilisateur averti ».

–       Sur le degré de liberté du créateur

47      Il ressort de la jurisprudence que le degré de liberté du créateur d’un dessin ou modèle est défini, à partir, notamment, des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ou encore des prescriptions légales applicables au produit. Ces contraintes conduisent à une normalisation de certaines caractéristiques, devenant alors communes à plusieurs dessins ou modèles appliqués au produit concerné (voir arrêt du 21 juin 2017, Abattant de toilettes, T‑286/16, non publié, EU:T:2017:411, point 25 et jurisprudence citée).

48      Partant, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti. Ainsi, un degré élevé de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles ne présentant pas de différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti (voir arrêt du 21 juin 2017, Abattant de toilettes, T‑286/16, non publié, EU:T:2017:411, point 26 et jurisprudence citée).

49      La requérante soutient que les constatations de la chambre de recours, selon lesquelles « les toilettes [étaient] standardisées en ce qui concerne leurs ouvertures » et que « la liberté du créateur [était] très limitée à cet égard » n’étaient pas en adéquation avec les dessins ou modèles existants. La chambre de recours, en déclarant que « d’éventuelles différences dans d’autres aspects, qui [relevaient] d’un choix purement esthétique du créateur, [avaient] une incidence plus importante » dans l’impression globale du dessin ou modèle contesté, n’aurait pas fait de distinction entre les caractéristiques dont la forme était due à leur fonction technique et les autres caractéristiques. Le créateur resterait libre de déterminer la forme de l’abattant de toilettes, ses dimensions, son épaisseur, ainsi que, le cas échéant, l’emplacement de boutons.

50      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 19 ci-dessus, la chambre de recours a défini la liberté du créateur comme étant limitée en ce qui concerne les sièges et les abattants de toilettes. À cet effet, elle s’est référée, à juste titre, tant aux contraintes liées à la forme d’ensemble et à l’usage des produits incorporant les dessins ou modèles en cause, qu’à la jurisprudence pertinente. En effet, il ressort du point 27 de l’arrêt du 21 juin 2017, Abattant de toilettes (T‑286/16, non publié, EU:T:2017:411), que le degré de liberté d’un créateur d’un abattant de toilettes est limité à la conception de l’abattant dans la mesure où la forme extérieure est imposée par les dimensions de la cuvette et par la fonction technique, à savoir la couverture du siège de la cuvette.

51      Certes, la requérante a présenté devant l’EUIPO une certaine variété de modèles d’abattants de toilettes. Toutefois, le fait qu’il puisse exister des variantes d’abattants de forme asymétrique ou extravagante ne s’oppose pas aux considérations de la chambre de recours qui, tenant compte des fonctions et contraintes techniques, conclut à une limitation du degré de liberté du créateur, dont il ressort une incidence plus importante d’aspects mineurs, y compris ceux relevant d’un choix purement esthétique.

52      En outre, force est de constater que même les exemples, présentés par la requérante devant les instances de l’EUIPO, reprennent à de multiples reprises la forme typique d’abattants de toilettes, à savoir celle présentant, outre une partie arrière droite, des côtés parallèles qui se réunissent dans une sorte d’arrondi ou de demi-cercle, ce qui constitue un indice supplémentaire confirmant les restrictions imposées par la fonction technique. Par ailleurs, lors la procédure administrative devant l’EUIPO, notamment au point 2.2 de son mémoire présentant les motifs de la demande en nullité, du 11 juin 2019, la requérante elle-même avait également accepté l’existence d’une certaine limitation de la liberté du créateur dans ce contexte, tout en estimant que les abattants de toilettes pouvaient présenter des formes diverses.

53      Dans ces circonstances, il convient de rejeter les allégations de la requérante, selon lesquelles la chambre de recours aurais commis une erreur d’appréciation dans la définition du degré de liberté du créateur.

–       Sur l’appréciation du caractère individuel

54      Selon la requérante, le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur D1 produisaient la même impression globale de sorte que le premier était ainsi dépourvu de caractère individuel (voir point 39 ci-dessus).

55      À cet égard, le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence, ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport au dessin ou modèle antérieur invoqué, sans tenir compte de différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu’excédant des détails insignifiants, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [arrêt du 21 avril 2021, Bibita Group/EUIPO – Benkomers (Bouteille pour boissons), T‑326/20, EU:T:2021:208, point 42].

56      La comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles en conflit doit être synthétique et ne peut se borner à la comparaison analytique d’une énumération de similitudes et de différences. Cette comparaison doit prendre pour base les caractéristiques divulguées du dessin ou modèle contesté et doit porter uniquement sur les caractéristiques protégées, sans tenir compte des caractéristiques, notamment techniques, exclues de la protection (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2022, Caniveau d’évacuation de douche, T‑327/20, EU:T:2022:263, point 114 et jurisprudence citée).

57      La chambre de recours a, tout d’abord, considéré que certaines coïncidences entre les dessins ou modèles en cause, en ce qui concerne la partie mobile des abattants de toilettes, principalement dues au fait que les toilettes étaient standardisées en ce qui concerne leurs ouvertures et que la liberté du créateur était très limitée, ne menaient pas à la conclusion d’une même impression globale. Par conséquent, d’éventuelles différences dans d’autres aspects, qui relevaient d’un choix purement esthétique du créateur, avaient, selon elle, une incidence plus importante. Ensuite, elle a mis en exergue la présence d’une cavité rectangulaire à l’arrière de l’abattant de toilettes et d’un couvercle rectangulaire arrière fixe sur l’abattant de toilettes, constituant deux différences qui n’étaient pas négligeables et qui ne seraient pas ignorées. Enfin, la chambre de recours a encore souligné l’existence de trois autres différences, à savoir :

–        la présence d’un seul bouton de contrôle dans le dessin ou modèle contesté, par rapport aux deux boutons situés sur les deux bords latéraux du dessin ou modèle antérieur ;

–        le fait que le bouton du dessin ou modèle contesté était de la même épaisseur et sa forme correspondait à la courbure du bord arrière de l’abattant de toilettes, tandis que les boutons latéraux du dessin ou modèle antérieur étaient plus petits et n’étaient pas placés à l’extrémité de la courbure arrière de l’abattant de toilettes ;

–        la différence dans les bords arrière des abattants : tandis que le bord arrière du dessin ou modèle contesté avait une courbe semi-circulaire, la partie supérieure du bord arrière du dessin ou modèle antérieur D1 formait un angle droit avec le dos de l’abattant et se poursuivait sur une partie légèrement incurvée de la partie inférieure de l’abattant.

58      En premier lieu, il convient de rejeter l’allégation de la requérante, fondée sur des éléments de preuve que cette dernière avait présentés devant l’EUIPO et consistant en des exemples d’abattants de toilettes, selon laquelle l’utilisateur averti comprendrait que la présence d’une cavité rectangulaire à l’arrière de l’abattant de toilettes était une caractéristique commune, et, partant, insignifiante. À cet égard, l’examen du caractère individuel du dessin ou modèle contesté doit être apprécié uniquement au regard du dessin ou modèle antérieur, choisi par la demanderesse en nullité à l’appui de sa demande en nullité [arrêt du 15 octobre 2020, Dvectis CZ/EUIPO – Yado (Coussin de soutien), T‑818/19, non publié, EU:T:2020:486, point 57]. À supposer même qu’un utilisateur averti, ayant une connaissance étendue du secteur considéré, ait connaissance d’exemples d’abattants de toilettes comportant une cavité rectangulaire, il n’en demeure pas moins que, étant d’une vigilance particulière, il n’omettrait pas de noter cet élément dans le dessin ou modèle contesté, qui contribue à le différencier du dessin ou modèle antérieur D1.

59      Dans ces circonstances, contrairement à ce que soutient la requérante, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté, au point 45 de la décision attaquée, que, dans le cadre de la comparaison des dessins ou modèles en cause, ladite cavité rectangulaire n’était pas un élément négligeable ou qui serait ignoré. Cette constatation vaut également pour le couvercle rectangulaire arrière fixe sur l’abattant de toilettes.

60      En deuxième lieu, s’agissant des différences portant sur les boutons de contrôle, ainsi que sur la différence concernant les bords arrières des abattants, elles ne sauraient non plus être négligées dans l’appréciation de l’impression globale, dans la mesure où ces éléments demeurent visibles et, partant, relevés par l’utilisateur averti. Cette conclusion n’est pas invalidée par l’allégation de la requérante, selon laquelle l’utilisateur averti aurait l’habitude d’être confronté à une grande variété de formes d’abattants de toilettes, ainsi que de formes de boutons uniques sur le côté des abattants de toilettes.

61      En effet, d’une part, l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle doit s’effectuer par rapport à un ou plusieurs dessins ou modèles antérieurs, pris individuellement parmi l’ensemble des dessins ou modèles divulgués au public antérieurement, et non par rapport à une combinaison d’éléments isolés, tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs (voir arrêt du 27 avril 2022, Caniveau d’évacuation de douche, T‑327/20, EU:T:2022:263, point 109 et jurisprudence citée).

62      D’autre part, en raison de la limitation de la liberté du créateur et du degré de vigilance de l’utilisateur averti, celui-ci se rendrait compte des éléments mentionnés au point 60 ci-dessus, dans une vue d’ensemble, lors d’une utilisation usuelle du produit en cause.

63      À ce dernier égard, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas omis de tenir compte de la perspective de l’utilisateur averti dans le contexte d’une utilisation normale du produit dans lequel le dessin ou modèle contesté était incorporé, comme cela ressort de la jurisprudence prise en compte au point 40 de la décision attaquée, ainsi que des considérations énoncées au point 38 de la décision attaquée.

64      Par ailleurs, les éléments de différenciation pris en compte par la chambre de recours aux points 42 à 46 de la décision attaquée demeureraient tous visibles même selon l’approche préconisée par la requérante, à savoir celle selon laquelle l’utilisateur averti se concentrerait uniquement sur la vue de face, la vue de dessus et les vues légèrement latérales du produit incorporant le dessin ou modèle contesté.

65      En troisième lieu, pour soutenir qu’une même impression globale ressort des dessins ou modèles en cause, la requérante renvoie, tout d’abord, à une face arrière droite, à deux côtés droits parallèles, qui sont perpendiculaires à la face arrière et se rejoignent au milieu en formant un demi-cercle, et à un côté arrière plus court que la distance entre le côté arrière et la partie avant. Or, ces caractéristiques des dessins ou modèles en cause sont directement liées aux nécessités techniques que doivent remplir les abattants de toilettes. D’ailleurs, ces formes se répètent à de multiples reprises, y compris dans les exemples de dessins et modèles antérieurs, fournis par la requérante devant l’EUIPO.

66      Ensuite, l’épaisseur de l’abattant, qui se réduirait légèrement vers l’avant, est un élément minime, dont le détail ne serait pas noté par un utilisateur averti ou, en tout état de cause, ne serait pas pris en considération comme étant décisif dans l’impression d’ensemble. Enfin, il convient de rejeter comme non fondée l’allégation de la requérante, tirée d’une prétendue similarité due à la « présence de boutons ronds positionnés symétriquement de part et d’autre de l’axe de rotation de l’abattant ». Force est de constater qu’il ressort des représentations du dessin ou modèle contesté, présentés dans la demande d’enregistrement, que celui-ci ne contient qu’un seul bouton rond. Ainsi, il s’agit bien d’un élément de différenciation par rapport au dessin ou modèle antérieur D1.

67      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater, d’une part, que les différences identifiées par la chambre de recours aux points 43 à 46 de la décision attaquée (voir point 57 ci-dessus) sont suffisantes pour considérer que le dessin ou modèle contesté produit sur l’utilisateur averti une impression globale différente de celle du dessin ou modèle antérieur D1 et, d’autre part, que les éléments de différenciation identifiés par la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause cette impression globale différente. Dans ces circonstances, il convient de rejeter les allégations de la requérante, selon lesquelles la chambre de recours aurait commis une erreur dans l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

68      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme non fondé le troisième moyen, ainsi que le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions formulé par la requérante.

 Sur les dépens

69      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

70      En l’espèce, bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO a demandé sa condamnation aux dépens uniquement dans le cas où une audience serait organisée. En l’absence de tenue d’une audience, il y a lieu de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

71      En revanche, la requérante ayant, comme indiqué précédemment, succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par les intervenantes dans la procédure devant le Tribunal, conformément aux conclusions de ces dernières. En ce que la demande des intervenantes concerne les dépens de la procédure devant la chambre de recours, il suffit de relever que, étant donné que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le dispositif de celle-ci qui continue à régler les dépens en cause [voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Lotte/EUIPO – Générale Biscuit-Glico France (PEPERO original), T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 194].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Nextrend GmbH est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Xiamen Axent Corporation Ltd et Axent Switzerland AG, au cours de la procédure devant le Tribunal.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 février 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.