Language of document : ECLI:EU:F:2010:115

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

30 septembre 2010 (*)

« Fonction publique — Fonctionnaires — Nomination — Candidats inscrits sur une liste de réserve avant l’entrée en vigueur du nouveau statut — Règles transitoires de classement en grade lors du recrutement — Classement en échelon — Article 32 du statut — Articles 2, 5 et 12 de l’annexe XIII du statut — Discrimination en raison de l’âge — Rémunération égale pour un travail de valeur égale — Principe de bonne administration — Devoir de sollicitude »

Dans l’affaire F‑36/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Gudrun Schulze, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), initialement représentée par Mes S. Rodrigues et A. Jaume, avocats, puis par Mes S. Rodrigues et C. Bernard-Glanz, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et H. Krämer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes M. Arpio Santacruz et I. Šulce, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de MM. P. Mahoney, président, H. Tagaras et S. Van Raepenbusch (rapporteur), juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 mars 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 25 mai 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 26 mai suivant), Mme Schulze demande, à titre principal, l’annulation, d’une part, de la décision de la Commission des Communautés européennes, du 8 février 2005, rejetant sa réclamation et, d’autre part, de la décision de la Commission, du 11 octobre 2004, en ce que cette décision la classe au grade A*6, échelon 2. À titre subsidiaire, la requérante demande la condamnation de la Commission à lui verser une indemnité.

 Cadre juridique

2        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1, ci-après le « statut »), et le régime applicable aux autres agents de l’Union, tel que modifié par le même règlement sont entrés en vigueur, ainsi que prévu par l’article 2 dudit règlement, le 1er mai 2004.

3        Le règlement no 723/2004 a introduit un nouveau système de carrières dans la fonction publique communautaire en substituant les nouveaux groupes de fonctions d’administrateurs (AD) et d’assistants (AST) aux anciennes catégories de fonctionnaires A, B, C et D.

4        L’article 5 du statut dispose :

« 1. Les emplois relevant du présent statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en un groupe de fonctions des administrateurs (ci-après dénommés ‘AD’) et un groupe de fonctions des assistants (ci-après dénommés ‘AST’).

2. Le groupe de fonctions AD comporte douze grades correspondant à des fonctions de direction, de conception et d’étude ainsi qu’à des fonctions linguistiques ou scientifiques. Le groupe de fonctions AST comporte onze grades correspondant à des fonctions d’application, de nature technique et d’exécution.

[…]

5. Les fonctionnaires appartenant au même groupe de fonctions sont soumis à des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière. »

5        L’article 7, paragraphe 1, du statut prévoit :

« L’autorité investie du pouvoir de nomination affecte, par voie de nomination ou de mutation, dans le seul intérêt du service et sans considération de nationalité, chaque fonctionnaire à un emploi de son groupe de fonctions correspondant à son grade. »

6        L’article 32 du statut dispose :

« Le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade.

L’autorité investie du pouvoir de nomination peut, pour tenir compte de l’expérience professionnelle de l’intéressé, lui accorder une bonification d’ancienneté de 24 mois au maximum. Chaque institution arrête les dispositions générales d’exécution du présent article.

L’agent temporaire dont le classement a été fixé conformément aux critères de classement arrêtés par l’institution garde l’ancienneté d’échelon qu’il a acquise en qualité d’agent temporaire lorsqu’il a été nommé fonctionnaire dans le même grade à la suite immédiate de cette période. »

7        L’article 62, premier alinéa, du statut dispose :

« Dans les conditions fixées à l’annexe VII et sauf dispositions expresses contraires, le fonctionnaire a droit à la rémunération afférente à son grade et à son échelon du seul fait de sa nomination. »

8        L’annexe XIII du statut envisage les mesures transitoires consécutives à l’entrée en vigueur du règlement no 723/2004.

9        L’article premier de l’annexe XIII du statut prévoit :

« 1. Pendant la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006, les paragraphes 1 et 2 de l’article 5 du statut sont remplacés par le texte suivant :

‘1. Les emplois relevant du statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en quatre catégories désignées dans l’ordre hiérarchique décroissant par les lettres A*, B*, C*, D*.

2. La catégorie A* comprend douze grades, la catégorie B* neuf grades, la catégorie C* sept grades et la catégorie D* cinq grades.’

2. Toute référence à la date de recrutement s’entend comme faite à la date d’entrée en service. »

10      L’article 12 de l’annexe XIII du statut dispose :

« 1. Pendant la période allant du 1er mai 2004 au 30 avril 2006, toute référence faite aux grades des groupes de fonctions AST et AD à l’article 31, paragraphe[s] 2 et 3, du statut, doit être comprise selon les modalités qui suivent :

–        AST 1 à AST 4 : C*1 à C*2 et B*3 à B*4

–        AD 5 à AD 8 : A*5 à A*8

–        AD 9, AD 10, AD 11, AD 12 : A*9, A*10, A*11, A*12.

[...]

3. Les fonctionnaires inscrits sur une liste d’aptitude avant le 1er mai 2006 et recrutés entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006 sont classés :

–        lorsque la liste a été établie pour la catégorie A*, B* ou C*, dans le grade publié dans l’avis de concours,

–        lorsque la liste a été établie pour la catégorie A, LA, B ou C, selon le tableau suivant :

Grade du concours

Grade du recrutement

A/LA 8

A*5

A/LA 7 et A/LA 6

A*6

A/LA 5 et A/LA 4

A*9

A/LA 3

A*12

A 2

A*14

A 1

A*15

B 5 et B 4

B*3

B 3 et B 2

B*4

C 5 et C 4

C*1

C 3 et C 2

C*2

 »

11      Selon une décision de la Commission, du 13 novembre 1996, relative à la politique des agents temporaires relevant de l’article 2, [sous a),] du RAA, « la durée totale de présence d’un personnel non fonctionnaire à la Commission ne devra pas excéder un total de [six] années ».

 Faits à l’origine du litige

12      La requérante est employée par la Commission depuis 1994. Elle a, notamment, été occupée par celle-ci en qualité d’agent temporaire de grade A 4 du 16 mars au 31 décembre 2000, puis de grade A 6 du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003. Du 1er janvier 2004 au 30 avril suivant, elle a exercé ses fonctions en vertu d’un contrat d’agent auxiliaire et a bénéficié, à ce titre, d’un classement dans le groupe AI 04.

13      La Commission a publié, le 25 juillet 2002, au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 177 A, p. 25), l’avis de concours général COM/A/3/02 visant à constituer une réserve de recrutement d’administrateurs de carrière A 7/A 6 dans le domaine de la recherche (ci-après le « concours COM/A/3/02 »).

14      Au point 5, intitulé « Conditions de recrutement », du titre D « Informations générales », l’avis de concours précisait :

« L’inscription des lauréats sur les listes de réserve leur donne vocation à être recrutés en tant que fonctionnaires stagiaires au fur et à mesure des besoins des services de la Commission […] »

15      En outre, le titre D comportait l’encadré suivant :

« La Commission a formellement transmis au Conseil [de l’Union européenne] une proposition de modification du statut. Cette proposition comporte notamment le nouveau système de carrière. Les lauréats de ce concours pourraient donc se voir proposer un recrutement sur la base des dispositions du nouveau statut, suivant l’adoption de celles-ci par le Conseil. »

16      La requérante s’est portée candidate à ce concours.

17      La requérante a été informée, par lettre du 23 avril 2004, qu’elle figurait parmi les lauréats du concours COM/A/3/02. La liste de réserve a été publiée le 18 mai suivant (JO C 138, p. 11).

18      Par lettre du 10 juin 2004, la Commission a proposé un poste à la requérante et l’a informée qu’elle serait classée au grade A*6, échelon 2, pour un salaire de base de 4 492,73 euros, en vertu de l’article 12 de l’annexe XIII du statut.

19      La requérante a été nommée fonctionnaire stagiaire à ce grade et à cet échelon par une décision du 11 octobre 2004 prenant effet le 16 juin précédent.

20      Le 17 janvier 2005, la requérante a introduit une réclamation contre la décision du 11 octobre 2004, en tant que celle-ci la classait au grade A*6.

21      Par décision du 8 février 2005, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation.

 Conclusions des parties et procédure

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal :

–        déclarer la requête recevable ;

–        prononcer l’annulation de la décision de la Commission, du 8 février 2005, rejetant sa réclamation, « prise ensemble avec la décision de nomination adoptée […] le 11 octobre 2004, en ce que cette décision fixe son grade en application de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du [s]tatut et son échelon en vertu de l’actuel article 32 du [s]tatut » ;

–        « indiquer à l’AIPN les effets qu’emporte l’annulation des décisions attaquées, et notamment le reclassement de la requérante au grade A*10, échelon 4, et ce avec effet rétroactif […] » ;

–        à titre subsidiaire, condamner la Commission à réparer le préjudice qu’elle a subi du fait de ne pas avoir été classée au grade A*10, échelon 4 dès le 16 juin 2004 ;

–        en tout état de cause, condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

24      Par courrier déposé au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 21 juin 2005, le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir dans l’affaire au soutien des conclusions de la Commission. Le président de la quatrième chambre du Tribunal de première instance a fait droit à cette demande par ordonnance du 23 septembre 2005.

25      Par son mémoire en intervention sur le fond, parvenu au greffe du Tribunal de première instance le 17 novembre 2005, la partie intervenante conclut au rejet du recours.

26      Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant ce dernier. Le recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous la référence F‑36/05.

27      Par ordonnance du 23 février 2006, le président de la deuxième chambre du Tribunal a décidé de suspendre la procédure jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal de première instance mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑58/05, Centeno Mediavilla e.a./Commission.

28      Après le prononcé de l’arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission (T‑58/05, Rec. p. II‑2523, ci-après l’« arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla ») et au vu du pourvoi introduit devant la Cour de justice des Communautés européennes, le 21 septembre 2007, le président de la deuxième chambre du Tribunal a, par ordonnance du 7 novembre 2007, décidé de suspendre à nouveau la procédure jusqu’au prononcé de la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑443/07 P, Centeno Mediavilla e.a./Commission.

29      Après le prononcé de l’arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission (C‑443/07 P, Rec. p. I‑10945, ci-après l’« arrêt de la Cour Centeno Mediavilla »), les parties ont été invitées à la demande du Tribunal, et par lettre du greffe du 26 janvier 2009, à faire part de leurs observations sur les conséquences éventuelles de cet arrêt sur la suite de la procédure. La Commission, le Conseil et la requérante ont déféré à cette demande, respectivement les 6 février, 13 février et 2 mars 2009.

30      Par lettre du 14 janvier 2010, le Tribunal a informé les parties qu’il envisageait la jonction aux fins de la procédure orale de la présente affaire avec l’affaire enregistrée sous la référence F‑76/05, Torijano Montero/Conseil, et les a invitées à présenter leurs observations sur cette jonction. La Commission n’a pas émis d’objection et le Conseil n’a pas présenté d’observations. Sans pour autant s’opposer à la jonction, la requérante a demandé que ce dernier ne puisse avoir accès à deux pièces de son dossier. Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 9 février 2010, les affaires F‑36/05 et F‑76/05 ont été jointes aux fins de la procédure orale et la demande de confidentialité a été rejetée.

 Sur le recours en annulation

 Quant à la recevabilité des chefs de conclusions relatifs au recours en annulation

31      Dans sa requête, la requérante dirige ses conclusions aux fins d’annulation contre la décision de l’AIPN rejetant sa réclamation « prise ensemble » avec la décision du 11 octobre 2004, en ce que celle-ci fixe son grade en application de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut et son échelon en vertu de l’article 32 du statut.

32      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance du 6 avril 2006, Camόs Grau/Commission, T‑309/03, Rec. p. II‑1173, point 43 ; arrêt du Tribunal du 11 décembre 2008, Reali/Commission, F‑136/06, RecFP p. I‑A‑1‑451 et II‑A‑1‑2495, point 37, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑65/09 P).

33      Il convient donc de considérer, même si l’on ne saurait nier l’intérêt légitime du requérant à demander l’annulation de la décision portant rejet de sa réclamation en même temps que celle de l’acte lui faisant grief, que le recours est censé être dirigé contre le ou les actes de cette nature.

34      La requérante demande, par ailleurs, au Tribunal d’« indiquer à l’AIPN les effets qu’emporte[rait] l’annulation des décisions attaquées ».

35      Cependant, si la rédaction des motifs des arrêts d’annulation peut fournir à la partie défenderesse des éléments d’information sur les mesures que comportent leur exécution, le Tribunal n’est pas compétent pour indiquer formellement, dans le dispositif de ses arrêts, les effets qu’emporterait l’annulation des décisions attaquées et adresser, ainsi, des injonctions à la Commission.

36      En conséquence, il y a lieu de considérer en l’espèce que le recours en annulation est seulement recevable en ce qu’il est dirigé contre la décision de nomination du 11 octobre 2004, dans la mesure où celle-ci fixe le classement en grade et l’échelon de la requérante (ci-après la « décision attaquée »).

 Quant au fond

37      Dans une première partie de son recours en annulation, dirigée contre son classement en grade, la requérante soutient, à titre principal, que l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut ne lui serait pas applicable. Elle prétend, à titre subsidiaire, que cette disposition serait illégale. La requérante soulève, à cet égard, six exceptions d’illégalité. Elle invoque, premièrement, une violation du principe de l’égalité de traitement entre les lauréats d’un concours publié avant le 1er mai 2004 et une méconnaissance de l’article 5, paragraphe 5, du statut. Elle se prévaut, deuxièmement, de ce que l’article 12, paragraphe 3, susmentionné, instituerait une discrimination en raison de l’âge. Elle soutient, troisièmement, que cet article implique une discrimination entre administrateurs exerçant les mêmes fonctions et qu’il méconnaît le principe d’équivalence « nature des fonctions/rémunération ». Elle fait valoir, quatrièmement, que ledit article méconnaît aussi l’article 31 du statut. Elle soulève, cinquièmement, une violation du principe de confiance légitime et du principe de sécurité juridique. Elle allègue, sixièmement, une méconnaissance du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude. Il ressort toutefois des développements consacrés à ces cinquième et sixième griefs que la requérante les soulève non seulement en tant qu’exceptions d’illégalité de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, mais qu’elle les soulève aussi directement à l’encontre de la décision attaquée.

38      Dans la seconde partie de son recours en annulation, dirigée contre la détermination de son échelon, la requérante soulève un moyen unique pris de la violation de l’article 32 du statut.

39      À l’audience, la requérante a déclaré se désister de plusieurs moyens et ne maintenir que les moyens suivants :

–        le moyen tiré de ce que l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut ne lui serait pas applicable ;

–        les exceptions d’illégalité à l’encontre de cet article, fondées sur l’interdiction de toute discrimination en raison de l’âge et sur la méconnaissance du principe d’équivalence « nature des fonctions/rémunération » ;

–        le moyen tiré de la méconnaissance du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude, étant précisé que ledit moyen met seulement en cause la légalité de la décision attaquée.

40      Il ne reste, dès lors, plus à statuer que sur les moyens énoncés ci-dessus.

 Sur l’inapplicabilité de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut

–       Arguments des parties

41      Selon la requérante, la décision attaquée ne pouvait être fondée sur l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, parce que cette disposition viserait seulement les « fonctionnaires inscrits sur une liste d’aptitude », de sorte qu’elle ne saurait s’appliquer au recrutement de lauréats d’un concours qui, comme elle, n’avaient pas déjà la qualité de fonctionnaire.

42      À défaut de disposition applicable à sa situation, la requérante considère que son grade aurait dû être déterminé sur la base du tableau d’équivalence prévu à l’article 2 de l’annexe XIII du statut, parce que celui-ci constituerait une disposition générale. Elle estime qu’elle aurait dû être classée au grade A*8 ou A*10 en vertu de ce tableau.

43      À titre subsidiaire, elle justifie l’application de l’article 2, susmentionné, par le fait que, au vu de sa situation, elle aurait dû être traitée comme un fonctionnaire en activité au sens de cette disposition. En effet, elle aurait enchaîné sept contrats à durée déterminée sans interruption et toujours pour le même poste. Elle considère, dès lors, que cette succession de contrats méconnaît la décision de la Commission du 12 novembre 1996 relative à la politique des agents temporaires relevant de l’article 2, sous a), du RAA. Prenant appui sur la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43), ainsi que sur des pratiques nationales, elle suggère qu’elle aurait dû, en conséquence, bénéficier d’un contrat à durée indéterminée. De plus, elle n’aurait pas cessé de travailler entre le 1er mai 2004 et la date de sa nomination comme fonctionnaire stagiaire. Aussi aurait-elle dû être titularisée avant l’entrée en vigueur de la réforme du statut.

44      La Commission répond qu’il ressort des articles 31 et 32 du statut, de l’économie de celui-ci et de ses annexes que le terme « fonctionnaires » figurant à l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut doit être compris comme signifiant « candidats nommés fonctionnaires ». Elle souligne, en outre, que dans son arrêt Centeno Mediavilla (point 110), le Tribunal de première instance a jugé que le législateur avait adopté cette disposition « aux fins de déterminer le classement en grade de lauréats de concours inscrits sur des listes d’aptitude avant le 1er mai 2004, mais nommés fonctionnaires stagiaires à partir de cette date ». La Commission en déduit que l’article 12, paragraphe 3, susmentionné, était bien applicable à la requérante.

45      Par ailleurs, la Commission conteste que la requérante puisse se prévaloir de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut. Cet article viserait uniquement les personnes qui, au 1er mai 2004, étaient déjà fonctionnaires, alors que tel ne serait pas le cas de l’intéressée. De plus, à supposer même que son occupation sous différents régimes contractuels ait été illégale, cette prétendue illégalité n’impliquerait pas qu’il aurait fallu la traiter comme une fonctionnaire.

–       Appréciation du Tribunal

46      Le Tribunal de première instance a jugé, dans son arrêt Centeno Mediavilla (points 50 et 110), que l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut détermine le classement en grade des lauréats de concours inscrits sur des listes d’aptitude avant le 1er mai 2004 et qui ont été nommés fonctionnaires stagiaires à partir de cette date. Cette situation correspond à celle de la requérante, de sorte que cette disposition lui était effectivement applicable.

47      Par ailleurs, l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut a pour seul objet de renommer, durant la période transitoire du 1er mai 2004 au 30 avril 2006, les grades détenus par les personnes qui, contrairement à la requérante, avaient déjà la qualité de fonctionnaire au 30 avril 2004.

48      Le Tribunal de première instance a, en outre, rappelé, dans son arrêt Centeno Mediavilla (points 54 et 55), premièrement, qu’il ressort de l’article 3 du statut que la nomination d’un fonctionnaire trouve nécessairement son origine dans un acte unilatéral de l’AIPN précisant la date à laquelle cette nomination prend effet, ainsi que l’emploi auquel l’intéressé est affecté et, deuxièmement, que ce n’est qu’après avoir fait l’objet d’une telle décision que le lauréat d’un concours général peut revendiquer la qualité de fonctionnaire et, partant, réclamer le bénéfice de dispositions statutaires.

49      En tout état de cause, la requérante ne saurait se prévaloir de la circonstance qu’elle a été employée par la Commission sans interruption depuis 1994, en vertu de relations de travail successives à durée déterminée, prétendument en violation d’une décision interne du 13 novembre 1996. En effet, à supposer que cette situation ait été en contradiction avec cette décision, force est d’observer que la directive 1999/70 et l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée qui y est annexé, sur lesquels la requérante se fonde, n’édictent pas, en tout état de cause, une obligation générale de prévoir, après un certain nombre de renouvellements de contrats à durée déterminée, la transformation desdits contrats en un contrat à durée indéterminée (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, Rec. p. I‑6057, point 91 ; du 7 septembre 2006, Marrosu et Sardino, C‑53/04, Rec. p. I‑7213, point 47, et du 23 avril 2009, Angelidaki e.a., C‑378/07 à C‑380/07, Rec. p. I‑3071, point 183 ; ordonnance de la Cour du 24 avril 2009, Koukou, C‑519/08, non publiée au Recueil, point 53 ; arrêts du Tribunal du 30 avril 2009, Aayhan e.a./Parlement, F‑65/07, RecFP p. I‑A‑1‑1054 et II‑A‑1‑567, point 130, et du 29 septembre 2009, O/Commission, F‑69/07 et F‑60/08, RecFP p. I‑A‑1‑349 et II‑A‑1‑1833, point 75).

50      De plus, même si la succession de contrats à durée déterminée avait pu créditer la requérante d’un régime de travail à durée indéterminée, elle aurait pu tout au plus bénéficier d’un contrat à durée indéterminée en tant qu’agent temporaire, comme elle le suggère elle-même, et non obtenir la qualité de fonctionnaire au 30 avril 2004. Pour le même motif, la circonstance que la requérante a continué à travailler du 1er mai au 15 juin 2004 au sein de la Commission à titre bénévole, ainsi qu’elle l’a concédé à l’audience, et donc en marge de tous régimes juridiques, ne saurait lui avoir conféré le statut de fonctionnaire avant que sa nomination ait pris effet.

51      Le moyen tiré de l’inapplicabilité de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut n’est donc pas fondé.

 Sur la violation par l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut de l’interdiction de toute discrimination en raison de l’âge

–       Arguments des parties

52      La requérante rappelle que l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée à Nice le 7 décembre 2000 (JO C 364, p. 1, ci-après la « charte des droits fondamentaux »), et l’article 1er quinquies du statut interdisent toute discrimination fondée sur l’âge. Elle relève aussi que, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16), il y a une discrimination indirecte lorsqu’une disposition est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’un âge déterminé.

53      La requérante fait valoir, à ce sujet, que la Commission lui a reconnu 23 années d’expérience professionnelle lorsqu’elle l’a nommée agent temporaire le 16 mars 2000 et l’a classée au grade A 4, échelon 2. Le classement litigieux au grade A*6 lui ferait, en revanche, perdre un tiers de son traitement. Elle soutient, dès lors, que ce dernier classement, imposé par l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, ne lui permet pas d’obtenir un salaire en rapport avec son expérience professionnelle et avec son âge. Elle signale, en outre, qu’elle n’a pu bénéficier d’une procédure de titularisation par la voie d’un concours interne et que le concours COM/A/3/02 était le premier concours spécialisé organisé dans son domaine de compétence depuis des années. Elle estime donc n’avoir eu d’autre choix que de s’y présenter. Enfin, la requérante souligne qu’au moment de l’introduction de son recours elle était âgée de 51 ans et que, dans l’hypothèse d’un développement normal de sa carrière, elle n’atteindra vraisemblablement pas le grade AD 10 avant l’âge de sa retraite. De plus, compte tenu de son âge et du caractère spécialisé de son expérience au sein du secteur public, elle n’aurait que peu de chances de trouver un travail comparable en dehors des institutions.

54      Elle en déduit que son classement au grade A*6 en application de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut constitue une discrimination indirecte en raison de l’âge par rapport aux administrateurs nommés plus jeunes dans le même grade.

55      La Commission et le Conseil observent qu’il ressort de l’avis du concours COM/A/3/02 que seule une expérience professionnelle de trois ans était requise et que les grades A 7/A 6, annoncés dans ledit avis comme étant les grades auxquels les recrutements seraient effectués, étaient, respectivement, le deuxième et le troisième grades les plus bas de la catégorie A. La Commission ajoute que l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut remplace les anciens grades par de nouveaux grades et que, dans la nouvelle structure de carrière, le grade A*6 est aussi le deuxième grade le plus bas de la catégorie A*, de sorte que cette disposition maintient, en substance, le niveau de recrutement prévu par l’avis de concours susmentionné.

56      En conséquence, le fait que l’expérience professionnelle de la requérante n’est que partiellement valorisée par son classement en grade résulterait de son propre choix de participer à un concours visant à constituer une réserve de recrutement d’administrateurs de carrière A 7/A 6 et non pas de l’application de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII.

57      Enfin, la Commission fait valoir que, dans son arrêt Centeno Mediavilla (point 83), la Cour a considéré que les critères de classement prévus par cette disposition sont étrangers à toute discrimination fondée sur l’âge.

–       Appréciation du Tribunal

58      Il convient de rappeler que, sous peine d’empêcher toute évolution législative, le principe d’égalité ne saurait entraver la liberté du législateur d’apporter à tout moment aux règles du statut les modifications qu’il estime conformes à l’intérêt du service, même si ces dispositions s’avèrent moins favorables que les anciennes (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 30 septembre 1998, Ryan/Cour des comptes, T‑121/97, Rec. p. II‑3885, points 98 et 104 ; du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, RecFP p. I‑A‑2‑297 et II‑A‑2‑1527, point 105, et Centeno Mediavilla, points 86 et 113 ; arrêt du Tribunal du 19 juin 2007, Davis e.a./Conseil, F‑54/06, RecFP p. I‑A‑1‑165 et II‑A‑1‑911, point 81).

59      Par conséquent, le législateur a pu, dans le cadre de la réforme du statut, d’une part, disposer que les lauréats des concours pour lesquels un recrutement au grade A 7 ou A 6 avait été prévu avant le 1er mai 2004 seraient désormais engagés au grade A*6 et, d’autre part, réduire, à cette occasion, les rémunérations afférentes à ces grades.

60      En procédant de la sorte, le législateur n’a pas violé le principe d’égalité et, en particulier, l’interdiction de toute discrimination en raison de l’âge, dès lors que le tableau de correspondance des grades figurant à l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut et les traitements mensuels de base sont manifestement étrangers à toute prise en considération, directe ou indirecte, de l’âge des intéressés (voir, en ce sens, arrêt de la Cour Centeno Mediavilla, point 83 ; arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, point 89).

61      De plus, conformément à la règle qui découle de l’article 7, paragraphe 1, de l’article 27, premier alinéa, et de l’article 29, paragraphe 1, du statut, en vertu de laquelle le niveau des emplois est fixé en fonction de leur nature, de leur importance et de leur ampleur, indépendamment des qualifications des intéressés, le tableau de correspondance des grades figurant à l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut distingue le grade de base A*5 du grade supérieur A*6, auquel la requérante a, d’ailleurs, été nommée, afin de tenir compte de l’expérience requise pour les emplois de ce niveau.

62      Il ne saurait, dès lors, être soutenu que l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut s’oppose à la prise en considération de l’expérience professionnelle ; il impose au contraire à l’AIPN d’en tenir compte dans l’intérêt du service, lors de la détermination, de manière objective, du niveau des emplois à pourvoir.

63      Au demeurant, force est d’observer que l’absence de valorisation des 28 années d’expérience professionnelle que la requérante revendique en raison de son « âge avancé » résulte de son libre choix de participer à un concours qui exigeait seulement « une expérience professionnelle [...] d’une durée minimale de trois ans ».

64      Par ailleurs, la circonstance particulière selon laquelle la requérante aurait été exclue, fut-ce irrégulièrement, d’épreuves de titularisation et le fait que le concours COM/A/3/02 était le seul concours organisé par la Commission dans son domaine de spécialisation ne sauraient entacher d’illégalité l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut. En effet, le législateur ne saurait, en toute hypothèse, être tenu d’adopter des dispositions transitoires spécifiques en l’absence de droits acquis (voir arrêt du Tribunal Davis e.a./Conseil, point 58 supra, point 82). Or, la qualité d’agent temporaire ou de bénévole n’emporte au profit des intéressés aucun droit à être nommés fonctionnaires stagiaires ni, a fortiori, à l’être dans un grade déterminé.

65      En conséquence, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la portée de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux au moment de l’adoption de la décision attaquée, ainsi que sur l’opposabilité aux institutions de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78, l’exception d’illégalité tirée de l’interdiction de toute discrimination en raison de l’âge n’est pas fondée.

 Sur la violation par l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut d’un principe d’équivalence « nature des fonctions/rémunération »

–       Arguments des parties

66      La requérante considère que l’article 7 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966 et entré en vigueur le 3 janvier 1976, l’article 23 de la déclaration universelle des droits de l’homme et la convention no 111 de l’Organisation internationale du travail (OIT) concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, adoptée le 25 juin 1958, expriment un principe selon lequel un même travail doit être rémunéré par un même salaire. À l’audience, elle a précisé que ce principe s’appliquerait même en cas de modification législative.

67      Or, la requérante soutient que son classement méconnaît le principe « à travail égal, salaire égal ».

68      Elle fait, à cet égard, valoir que des collègues se trouvant dans une situation comparable à la sienne ont été recrutés, dans la même unité, au grade A*12, alors qu’elle n’a été classée qu’au grade A*6.

69      Elle prétend, en outre, que son poste nécessitait cinq années d’expérience dans le domaine du management des projets, en plus de l’expérience requise pour présenter le concours COM/A/3/02. Elle occuperait ainsi un emploi d’un niveau de responsabilité plus élevé que des collègues bénéficiant d’une rémunération double de la sienne. De plus, son classement ne lui permettrait pas d’accéder formellement aux fonctions d’encadrement dans un avenir proche.

70      La requérante relève aussi qu’elle a exercé les mêmes fonctions pendant neuf années avant de devenir fonctionnaire et que la décision attaquée entraîne une diminution considérable de son salaire.

71      Elle prétend, enfin, que des administrateurs plus jeunes et des assistants reçoivent aujourd’hui une rémunération supérieure à la sienne.

72      La Commission et le Conseil contestent l’existence d’un principe consacrant l’obligation d’octroyer un « salaire égal à travail égal ». En particulier, il n’existerait pas de principe selon lequel les fonctionnaires exerçant les mêmes fonctions devraient être classés dans le même grade et recevoir le même salaire. En effet, des fonctions identiques pourraient être accomplies sous des emplois types différents.

73      Selon le Conseil, il conviendrait, en outre, de tenir compte de la circonstance que des fonctionnaires qui ont été recrutés sous des législations différentes ne se trouvent pas dans la même situation.

–       Appréciation du Tribunal

74      Il y a lieu d’observer que le droit pour les salariés d’un même employeur, qui effectuent un travail de même valeur, de recevoir la même rémunération constitue l’expression spécifique du principe général d’égalité, dont le Tribunal a pour mission d’assurer le respect. Ce droit est, d’ailleurs, énoncé à l’article 7 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et dans la convention no 111 de l’OIT.

75      Toutefois, le principe d’égalité de traitement n’interdit pas de traiter de manière différente des situations comparables si la différenciation est justifiée par des éléments objectifs et pertinents que le juge contrôle (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 juin 2001, Brunnhofer, C‑381/99, Rec. p. I‑4961, point 28).

76      Or, dans le cadre de la réforme du statut, dont la requérante ne prétend pas qu’elle n’était pas justifiée par des raisons objectives, le législateur a pu modifier la correspondance entre les grades et les emplois (arrêt de la Cour Centeno Mediavilla, point 105 ; arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, points 126 et 129), notamment en adoptant l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, puisqu’il est inhérent à une disposition transitoire d’emporter exception à certaines règles statutaires dont l’application est nécessairement affectée par le changement de régime (arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, point 114).

77      Dans ces conditions, les fonctionnaires dans la situation de la requérante qui ont été nommés, en cette qualité, après l’entrée en vigueur de la réforme statutaire ne peuvent être regardés comme s’étant trouvés dans la même situation juridique que ceux qui ont été recrutés avant le 1er mai 2004 et dont la nomination était régie par l’ancien statut (arrêt de la Cour Centeno Mediavilla, points 77 à 79 ; arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, points 75 à 80).

78      Aussi, eu égard à la réforme de la structure des grades, le législateur n’a-t-il pas méconnu le principe d’une rémunération égale pour un travail de même valeur en octroyant aux fonctionnaires engagés après ladite réforme une rémunération liée au grade auquel ils ont été classés en application de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, qui est moins favorable que celle afférente aux anciens grades auxquels avaient été classés les fonctionnaires recrutés avant le 1er mai 2004.

79      Par conséquent, la circonstance que des assistants ou des administrateurs plus jeunes que la requérante et recrutés avant le 1er mai 2004 seraient mieux rémunérés que celle-ci, qui a été recrutée en qualité de fonctionnaire après cette date, ne viole-t-elle pas le principe d’une rémunération égale pour un travail de même valeur.

80      De plus, il résulte de la combinaison de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 62, premier alinéa, du statut, en vertu duquel le fonctionnaire a droit à la rémunération afférente à son grade et à son échelon, que, après la détermination du grade, et donc du niveau salarial du fonctionnaire, celui-ci ne peut pas se voir confier un emploi ne correspondant pas à ce grade. En d’autres termes, le grade, et donc le salaire auquel un fonctionnaire a droit, détermine les tâches dont il peut être chargé. Par conséquent, le principe de la correspondance entre le grade et l’emploi autorise aussi tout fonctionnaire à refuser une affectation à un emploi ne correspondant pas à son grade (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 7 mai 1991, Jongen/Commission, T‑18/90, Rec. p. II‑187, point 27) et donc, en définitive, à refuser des fonctions ne correspondant pas à sa rémunération.

81      Ce qui précède n’est pas infirmé par la circonstance que l’article 5, paragraphe 4, du statut et l’annexe I de celui-ci, dans sa version résultant du règlement no 723/2004, n’établissent pas de correspondance fixe entre une fonction déterminée et un grade déterminé. En effet, ces dispositions ne modifient pas le principe, découlant de l’article 7, paragraphe 1, du statut, selon lequel le niveau d’un poste à pourvoir doit être décidé en considération de l’importance des tâches conférées à la fonction en cause et au regard du seul intérêt du service. Elles impliquent seulement que l’AIPN n’est pas tenue de fixer le grade précis d’un poste à pourvoir dans un avis de vacance. L’AIPN demeure, cependant, obligée, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, de veiller, d’une part, à ce que la gamme de grades à laquelle elle fait référence dans l’avis de vacance reflète à suffisance l’importance des tâches en question et, d’autre part, à ce que la nomination dans l’un de ces grades conserve un caractère objectif au vu, en particulier, de l’importance des tâches à assumer (arrêts du Tribunal de première instance du 8 juillet 2008, Commission/Economidis, T‑56/07 P, RecFP p. I‑B‑1‑31 et II‑B‑1‑213, points 82 à 86, et du 18 juin 2009, Commission/Traore, T‑572/08 P, RecFP p. I‑B‑1‑39 et II‑B‑1‑223, points 38, 40 et 41).

82      De surcroît, la circonstance que, dans sa mise en œuvre du statut, l’AIPN a confié à la requérante des attributions nécessitant cinq années d’expérience en sus des années requises pour présenter le concours COM/A/3/02, de sorte que celle-ci assumerait des responsabilités supérieures à celles incombant à d’autres fonctionnaires de grade plus élevé et bénéficiant d’une rémunération sensiblement plus importante, ne saurait, en toute hypothèse, remettre en cause la légalité de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII, comme tel. Il en va de même du fait que la requérante aurait antérieurement exercé les mêmes fonctions comme agent temporaire, puis auxiliaire, pour un salaire plus attractif. Au demeurant, celle-ci n’a pas contesté les fonctions qui lui ont été attribuées.

83      L’exception d’illégalité tirée d’une méconnaissance du principe d’équivalence « nature des fonctions/rémunération » n’est donc pas fondée.

 Sur la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude

–       Arguments des parties

84      La requérante prétend que l’AIPN aurait dû lui réserver un traitement personnalisé en raison de son parcours professionnel en n’appliquant pas l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut. Elle en déduit une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude.

85      La Commission fait valoir que l’AIPN ne pouvait refuser d’appliquer l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut de sa propre autorité.

–       Appréciation du Tribunal

86      Il convient de relever que le principe de bonne administration n’a pas une intensité de force obligatoire supérieure à celle d’un règlement (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 22 juin 1994, Rijnoudt et Hocken/Commission, T‑97/92 et T‑111/92, RecFP p. I‑A‑159 et II‑511, point 104, et Campoli/Commission, point 58 supra, point 149 ; arrêt du Tribunal du 23 janvier 2007, Chassagne/Commission, F‑43/05, RecFP p. I‑A‑1‑27 et II‑A‑1‑139, point 111). Il en va de même du devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents, devoir qui reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public et qui, dès lors, doit toujours trouver sa limite dans le respect des normes en vigueur (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 27 mars 1990, Chomel/Commission, T‑123/89, Rec. p. II‑131, point 32).

87      Par conséquent, en raison de la place qu’occupent ainsi le principe de bonne administration et le devoir de sollicitude dans la hiérarchie des normes, la requérante ne peut prétendre obtenir sur leur base un résultat différent de celui découlant de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, dès lors que la compétence de la Commission est liée par celui-ci (voir, en ce qui concerne le devoir de sollicitude, arrêt du Tribunal de première instance du 17 juin 1993, Arauxo-Dumay/Commission, T‑65/92, Rec. p. II‑597, point 37).

88      Le grief tiré de la méconnaissance du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude n’est, par conséquent, pas fondé.

89      Au vu de tout de ce qui précède, le recours en annulation doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le recours en indemnité

 Arguments des parties

90      La requérante prétend avoir subi un préjudice en raison de son classement au grade A*6, échelon 2, au lieu du grade A*10, échelon 4.

91      Son préjudice financier résulterait de la perte d’une partie de sa rémunération jusqu’à sa retraite et d’une fraction de sa pension. Il s’élèverait globalement à un million d’euros.

92      Elle subirait, en outre, un préjudice en termes de développement de sa carrière. Premièrement, elle se verrait refuser l’accès à des postes d’encadrement intermédiaire, alors qu’elle a toujours fait preuve d’un haut niveau d’efficacité et qu’elle a été un des premiers acteurs à la Commission dans le domaine des réseaux transeuropéens de transport. Deuxièmement, elle serait progressivement exclue des tâches de coordination, de supervision et de représentation. Troisièmement, elle serait écartée de certaines formations. Quatrièmement, ses perspectives de carrière jusqu’à sa retraite seraient limitées. En définitive, âgée de 51 ans à la date de l’introduction du recours, elle serait, en quelque sorte, traitée comme un fonctionnaire de seconde catégorie, dans la mesure où elle a été classée à un grade inférieur à celui de collègues plus jeunes, recrutés avant le 1er mai 2004. Pour ces raisons et parce qu’elle estime, enfin, avoir été atteinte dans son droit à la dignité dans ses conditions de travail, consacré par l’article 31 de la charte des droits fondamentaux, la requérante réclame provisoirement un euro symbolique au titre d’un préjudice moral.

93      La Commission répond que sa responsabilité ne peut être engagée dans la mesure où il ressort de l’examen du recours en annulation que la décision attaquée n’est pas illégale. De plus, la requérante ne fournirait aucun élément justifiant le caractère certain de son préjudice financier. Ainsi, l’hypothèse à la base de son évaluation selon laquelle elle aurait pu atteindre le grade AD 13 si elle avait été nommée au grade A*10 serait purement spéculative. En outre, la perte qu’elle fait valoir en ce qui concerne le montant de sa future pension serait la conséquence d’autres dispositions statutaires que celles qui constituent le fondement de l’acte attaqué.

 Appréciation du Tribunal

94      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité de la Communauté suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec. p. 5345, point 30 ; arrêt du Tribunal Aayhan e.a./Parlement, point 49 supra, point 142).

95      Or, il ressort de l’examen du recours en annulation que la Commission n’a commis aucune irrégularité susceptible d’engager sa responsabilité à l’égard de la requérante.

96      En conséquence, la condition relative à l’existence d’un comportement illégal de la part de la Commission faisant défaut, il y a lieu de rejeter le recours en indemnité.

 Sur les dépens

97      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

98      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre l’Union et ses agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

99      Selon l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de l’Union, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens.

100    Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Mahoney

Tagaras

Van Raepenbusch

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 2010.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      P. Mahoney


* Langue de procédure : le français.