Language of document : ECLI:EU:T:2024:434

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

3 juillet 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale SANITIEN – Marques de l’Union européenne figurative et verbale antérieures SANYTOL – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Caractère distinctif accru des marques antérieures »

Dans l’affaire T‑345/23,

AC Marca Brands, SL, établie à Alcobendas (Espagne), représentée par Mes D. Pellisé Urquiza et J. C. Quero Navarro, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Stoyanova-Valchanova, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Julia den Ouden, établie à Amsterdam (Pays-Bas),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, M. R. Norkus et Mme L. Spangsberg Grønfeldt (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, AC Marca Brands, SL, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 19 avril 2023 (affaire R 1733/2022-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 27 janvier 2021, Julia den Ouden a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal SANITIEN.

3        La marque demandée désignait des produits et des services relatifs à l’hygiène et à la désinfection, relevant des classes 3, 5, 21, 35 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        Le 18 mai 2021, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était principalement fondée sur les marques de l’Union européenne antérieures suivantes :

–        la marque de l’Union européenne figurative reproduite ci-après, enregistrée le 24 juillet 2008 sous le numéro 6 383 161 pour des produits relatifs à l’hygiène et à la désinfection, compris dans les classes 3 et 5 :

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–        la marque de l’Union européenne verbale SANYTOL, enregistrée le 29 janvier 2021 sous le numéro 18 093 849, pour des produits relatifs à l’hygiène et à la désinfection, compris dans les classes 3 et 5.

6        L’opposition se fondait aussi sur l’enregistrement international no 604 620 désignant l’Espagne pour la marque verbale SANYTOL, ainsi que sur la marque verbale française SANYTOL, enregistrée sous le numéro 1 597 231, pour des produits relatifs à l’hygiène et à la désinfection, compris dans les classes 3 et 5.

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

8        Le 14 juillet 2022, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

9        Le 7 septembre 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours, en fondant son raisonnement principalement sur les marques de l’Union européenne antérieures décrites au point 5 ci-dessus.

11      En premier lieu, en ce qui concerne l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a commencé, pour des raisons d’économie de procédure, par postuler que les produits et services en cause étaient identiques. Puis, elle a constaté que ces produits et ces services s’adressaient à la fois au grand public et à des clients professionnels et que le niveau d’attention des consommateurs variait de moyen à élevé en fonction de la nature spécialisée des produits et de leur incidence sur la santé. S’agissant des signes en conflit, après avoir analysé leurs éléments constitutifs, elle a considéré que leur similitude visuelle, phonétique et conceptuelle était faible. Malgré une certaine renommée des marques antérieures dans l’Union européenne, à tout le moins pour les désinfectants relevant de la classe 5, et le postulat de l’identité des produits et des services en cause, elle a relevé que les signes en conflit coïncidaient uniquement par leurs parties initiales, qui présentaient un caractère distinctif réduit, cette similitude ne prévalant pas sur leurs différences, de telle sorte qu’il n’existait pas de risque de confusion. Elle a extrapolé cette conclusion à l’enregistrement international désignant l’Espagne et à la marque française qui avaient aussi été invoqués à l’appui de l’opposition.

12      En second lieu, la chambre de recours a considéré que, malgré une certaine renommée des marques antérieures dans l’Union, à tout le moins pour les désinfectants relevant de la classe 5, et en dépit du fait que les consommateurs de ces derniers étaient en partie les mêmes que les consommateurs de certains des produits couverts par la marque demandée, la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit portait sur des éléments faiblement distinctifs et qu’elle ne créait donc pas de lien suffisant entre ces signes pour fonder l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens des procédures devant le Tribunal, devant la chambre de recours et devant la division d’opposition.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens qu’il a exposés en cas de convocation à une audience.

 En droit

15      La requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et, le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

16      Au titre du premier moyen, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir constaté le degré élevé de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle existant entre la marque demandée et les marques de l’Union européenne antérieures et d’avoir conclu à l’absence de risque de confusion.

17      L’EUIPO estime que la chambre de recours a conclu à bon droit à un faible degré de similitude entre les marques en conflit et que c’est à juste titre qu’elle a exclu tout risque de confusion.

18      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

19      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

20      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits ou services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

 Sur le territoire et le public pertinents

21      La chambre de recours a considéré que le territoire pertinent était celui de l’ensemble de l’Union. Elle a également constaté que les produits et services en cause s’adressaient à la fois au grand public et à des clients professionnels et que le niveau d’attention des consommateurs variait de moyen à élevé en fonction de la nature spécialisée des produits et de leur incidence sur la santé.

22      Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces constatations, au demeurant non contestées par la requérante.

 Sur la comparaison des produits et des services

23      La division d’opposition a constaté que certains des produits et des services visés par la marque demandée étaient identiques ou similaires aux produits couverts par les marques antérieures. Toutefois, pour des raisons d’économie de procédure, elle a décidé de partir de l’hypothèse, la plus favorable à la requérante, que les produits et services en cause étaient identiques.

24      La chambre de recours a suivi la même approche, laquelle n’est pas contestée par la requérante.

 Sur la comparaison des signes

25      En premier lieu, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur dans son appréciation des parties initiales des signes en conflit, à savoir l’élément « sanit » dans le signe contesté SANITIEN et l’élément « sanyt » dans les signes antérieurs, dont l’élément verbal complet est « sanytol ». En second lieu, la requérante critique les erreurs affectant la comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit dans la décision attaquée.

26      L’EUIPO répond à la requérante que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les terminaisons différentes des signes en conflit, à savoir « ien » dans le signe contesté et « ol » dans les signes antérieurs, compensaient les éléments communs faiblement distinctifs au début de ces signes. Il a ajouté que, si une entreprise est libre de choisir une marque contenant un composant présentant un faible degré de caractère distinctif, elle doit accepter, en contrepartie, que ses concurrents aient également le droit d’utiliser des marques contenant des éléments descriptifs similaires ou identiques. La chambre de recours aurait donc conclu correctement que les signes en conflit présentaient globalement un faible degré de similitude.

27      Il convient de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

 Sur les éléments distinctifs des signes en conflit

28      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que, du fait de leur lien dans plusieurs langues (dont l’anglais, le français et l’espagnol) avec l’hygiène, la désinfection ou le nettoyage, les parties initiales des signes présentaient un caractère distinctif réduit à l’égard des produits et des services en cause. Selon la requérante, mêmes si ces parties initiales des marques en conflit, c’est-à-dire « sanit » et « sanyt », pouvaient faire allusion à la notion de « sanitaire », elles ne pouvaient pas être négligeables dans l’impression d’ensemble en raison de leur dimension et de leur position.

29      L’EUIPO fait valoir que la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle, pour la majeure partie du public pertinent, les parties initiales des signes en conflit ont un caractère distinctif réduit à l’égard des produits et des services en cause. Il soutient que la requérante critique plutôt la manière dont la chambre de recours a déterminé, dans l’impression d’ensemble suscitée par les signes, quel était le poids relatif des éléments qui coïncident et de ceux qui diffèrent. Selon l’EUIPO, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas considéré que les parties initiales communes aux signes en conflit étaient négligeables ou excluaient toutes similitudes entre ceux-ci, mais elle les a dûment prises en considération dans l’appréciation des similitudes et des différences entre ces signes. Toutefois, ces parties initiales communes ayant un caractère distinctif réduit, la chambre de recours aurait correctement conféré un rôle compensateur aux terminaisons des signes en conflit.

30      Il résulte de la jurisprudence que, nonobstant le fait qu’il convient normalement d’apprécier la similitude des signes en conflit sur la base de l’impression d’ensemble produite par ceux-ci sans se livrer à un examen de leurs différents détails (voir point 27 ci-dessus), le public pertinent décomposera un signe verbal en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît [voir arrêt du 30 mars 2022, SFD/EUIPO – Allmax Nutrition (ALLNUTRITION DESIGNED FOR MOTIVATION), T‑35/21, non publié, EU:T:2022:173, point 41 et jurisprudence citée].

31      En l’espèce, la chambre de recours a commencé par analyser le signe verbal contesté SANITIEN, en relevant que, dans son ensemble, il n’avait de signification dans aucune des langues de l’Union et possédait donc un caractère distinctif normal à l’égard des produits et des services qu’il couvrait. Toutefois, comme la division d’opposition, elle a également considéré qu’il était probable qu’une grande majorité du public pertinent percevrait séparément la partie initiale « sanit » du signe contesté et que, du fait de sa proximité avec le terme anglais de base « sanitary », il comprendrait cette partie initiale du signe comme faisant allusion à l’hygiène. Par conséquent, pour cette partie du public pertinent, elle a conclu que la partie initiale du signe contesté présentait un caractère distinctif réduit par rapport aux produits et aux services couverts par ce signe. Elle a néanmoins précisé qu’une autre partie du public pertinent, celle de langue grecque ou hongroise, mais ne parlant pas l’anglais, verrait cette partie initiale du signe contesté comme étant dépourvue de signification et possédant donc un caractère distinctif normal. Enfin, la terminaison « ien » du signe contesté n’aurait aucune signification aux yeux du public pertinent et présenterait donc un degré normal de caractère distinctif.

32      S’agissant des signes antérieurs, la chambre de recours a noté que l’un était figuratif et l’autre verbal. Par un raisonnement analogue à celui relatif au signe contesté, elle a constaté que l’élément verbal identique « sanytol » dans les signes antérieurs avait un caractère distinctif normal si on le prenait dans son ensemble, mais que sa partie initiale « sanyt » était allusive et présentait un degré réduit de caractère distinctif pour une partie du public pertinent. Quant à la terminaison « ol », selon la chambre de recours, elle présente un caractère distinctif réduit pour les consommateurs lui attribuant un lien avec l’alcool dans le domaine de la chimie, mais ce caractère distinctif est normal pour ceux y voyant un élément fantaisiste. En ce qui concerne les éléments figuratifs de l’un des signes antérieurs, consistant en trois polygones colorés et une police de caractères stylisée de couleur blanche, ils n’auraient qu’une valeur décorative et, partant, ne bénéficieraient que d’un faible degré de caractère distinctif.

33      Tout d’abord, il convient de noter que, contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours n’a pas considéré que les parties initiales des signes en conflit, à savoir « sanit » et « sanyt », étaient négligeables dans l’impression d’ensemble produite par ces signes. Elle a en effet simplement conclu que ces parties initiales avaient un caractère faiblement distinctif eu égard aux produits et aux services visés par les marques en conflit.

34      Ensuite, il convient de relever que tant les produits et services visés par la marque demandée que les produits couverts par les marques antérieures ont trait à l’hygiène et à la désinfection.

35      Partant, compte tenu de la signification du mot anglais de base « sanitary » et de mots équivalents dans plusieurs langues de l’Union dérivés du même mot latin « sanitas », la chambre de recours a pu constater à juste titre que la grande majorité du public pertinent percevrait dans les signes en conflit, en raison de leur partie initiale « sanit » et « sanyt », une allusion à la nature et aux caractéristiques des produits et des services en cause dans les domaines de l’hygiène et de la désinfection.

36      Le Tribunal relève toutefois que ce n’est pas parce qu’une grande partie du public percevra une telle allusion à l’hygiène en raison de la partie initiale « sanit » et « sanyt » des signes en conflit qu’il décomposera les mots « sanytol » et « sanitien » respectivement en un premier élément « sanyt » ou « sanit » et en un second élément « ol » ou « ien ». En effet, premièrement, aucun élément tel que, pour la marque figurative antérieure, la police de caractère utilisée, ne conduit à scinder ainsi lesdits mots. Deuxièmement, l’identification de deux éléments « sanyt » et « ol » ou « sanit » et « ien » ne correspond pas au découpage syllabique des mots « sanytol » et « sanitien ». Troisièmement, à tout le moins pour une partie du public pertinent, les prétendus éléments « ol » ou « ien » n’ont pas de signification.

37      Il y a donc lieu de considérer que le public pertinent appréhendera les mots « sanytol » et « sanitien » comme constituant un tout indivisible et non comme étant composés de deux éléments distincts dont l’un, « sanyt » ou « sanit », revêtirait un caractère faiblement distinctif et l’autre, « ol » ou « ien », un caractère distinctif normal. Partant, c’est à tort que la chambre de recours a considéré que le public pertinent concentrerait son attention sur la terminaison « ol » ou « ien » des signes en conflit dès lors qu’elle en constituerait l’élément le plus distinctif.

38      Par conséquent, il y a lieu de procéder à la comparaison des signes en conflit en tenant compte des mots « sanytol » et « sanitien » envisagés globalement.

 Sur la comparaison visuelle

39      La requérante fait observer que le début de la marque demandée SANITIEN coïncide avec l’élément verbal « sanytol » des marques antérieures, sauf en ce qui concerne les lettres « i » et « y ». Elle reconnaît que la fin de la marque demandée (« ien ») diffère de celle de l’élément verbal des marques antérieures (« ol »), mais, selon elle, la chambre de recours aurait omis de relever le rôle important des parties initiales des signes en conflit, notamment le fait que, malgré leur caractère allusif, elles représentent les deux tiers de ces signes. Partant, le degré de similitude visuelle entre les marques en conflit serait élevé.

40      L’EUIPO est d’avis que la chambre de recours a constaté à juste titre un faible degré de similitude visuelle entre les signes en conflit.

41      En l’espèce, la chambre de recours a constaté que la faible similitude visuelle des signes en conflit découlait du fait que ceux-ci coïncidaient par la présence des lettres « s », « a », « n » et « t » dans leurs parties initiales, « sanit » et « sanyt », et qu’ils étaient différents par leur quatrième lettre, « i » et « y » ainsi que par leurs terminaisons, « ien » et « ol ». Elle a considéré que les parties initiales des deux signes étaient faiblement distinctives, alors que les terminaisons constituaient leurs parties les plus distinctives. Elle a aussi souligné les différences résultant de la stylisation et des éléments figuratifs de la marque figurative antérieure.

42      Force est de constater, à l’instar de la chambre de recours, que les signes en conflit partagent la même suite initiale de trois lettres placées dans le même ordre, à savoir les lettres « s », « a » et « n », ainsi que la cinquième lettre « t », ce qui revêt une certaine importance dans l’appréciation des similitudes visuelles entre ces signes [voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2022, Copal Tree Brands/EUIPO – Sumol + Compal Marcas (COPAL TREE), T‑572/21, non publié, EU:T:2022:594, point 39 et jurisprudence citée]. Par ailleurs, si les éléments verbaux des signes en conflit diffèrent par leur quatrième lettre, à savoir la lettre « i » dans le signe contesté et la lettre « y » dans l’élément verbal des signes antérieurs, cette différence n’est toutefois pas visuellement significative. En revanche, ces éléments diffèrent clairement par leur terminaison, à savoir « ien » dans le signe contesté et « ol » dans l’élément verbal des signes antérieurs.

43      À cet égard, il a été constaté au point 37 ci-dessus que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que le public pertinent concentrerait son attention sur la terminaison « ol » ou « ien » des signes en conflit.

44      Il y a également lieu de rappeler que les éléments figuratifs de l’un des signes antérieurs ont été considérés comme décoratifs, et donc faiblement distinctifs, sans que cela ait été contesté par aucune des parties. À cet égard, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque (voir arrêt du 28 septembre 2022, COPAL TREE, T‑572/21, non publié, EU:T:2022:594, point 31 et jurisprudence citée).

45      Partant, il convient de considérer que, compte tenu des similitudes constatées dans les éléments verbaux des signes en conflit, ceux-ci présentent un degré moyen de similitude visuelle et que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation lorsqu’elle a estimé que cette dernière était faible.

 Sur la comparaison phonétique

46      La requérante estime que les similitudes révélées par la comparaison visuelle des signes en conflit sont encore plus évidentes sur le plan phonétique, compte tenu notamment du fait que les parties initiales « sanit » et « sanyt » seront prononcées de manière identique et que tous les signes sont constitués de trois syllabes.

47      L’EUIPO ne relève aucune erreur dans la décision attaquée en ce qui concerne la comparaison phonétique des signes en conflit.

48      En l’espèce, comme dans le cadre de la comparaison visuelle, la chambre de recours s’est principalement appuyée sur le caractère distinctif réduit des parties initiales des signes en conflit pour conclure à une faible similitude phonétique.

49      À cet égard, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que le public francophone, italophone ou hispanophone prononcera de manière identique les parties « sanit » et « sanyt » des signes en conflit, c’est-à-dire une partie substantielle de ces derniers. Il y a également lieu de rappeler que, contrairement à ce que la chambre de recours a considéré, le public pertinent ne concentrera pas son attention sur la terminaison des signes en conflit. Dans ce contexte, la circonstance que la prononciation de la terminaison « ol » et « ien » diffère n’est pas de nature à établir un niveau seulement faible de similitude phonétique.

50      Il s’ensuit que les signes en conflit doivent se voir attribuer un degré moyen de similitude phonétique, et non faible, comme la chambre de recours l’a erronément considéré.

 Sur la comparaison conceptuelle

51      Sur le plan conceptuel, comme la chambre de recours, la requérante divise le public pertinent en deux groupes : le premier est constitué de la partie du public pertinent qui peut percevoir le début des marques en conflit comme faisant allusion à la notion véhiculée par le mot « sanitaire » ; le second groupe est celui qui n’aura pas une telle perception, par exemple le public de langue grecque ou hongroise. En tout état de cause, quel que soit le groupe, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas constaté un degré suffisant de similitude conceptuelle.

52      L’EUIPO répond à la requérante que le raisonnement de la chambre de recours concernant la similitude conceptuelle des signes n’est pas entaché d’erreur, parce que, comme indiqué dans la décision attaquée, le public de langue hongroise ou grecque ne percevrait aucune allusion dans ces parties initiales communes, qui posséderaient alors, pour le public parlant l’une de ces deux langues, un caractère distinctif normal. En effet, ce public ne constituerait qu’une partie négligeable du public pertinent.

53      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que, si les signes ne pouvaient être comparés d’un point de vue conceptuel au motif qu’ils étaient dépourvus de signification, ils pourraient être considérés comme étant faiblement similaires pour la partie du public pertinent qui percevrait leur partie initiale comme une allusion à la nature et aux caractéristiques des produits et des services en cause.

54      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante qu’une similitude conceptuelle découle du fait que deux marques utilisent des images qui concordent dans leur contenu sémantique, en ce sens que ces images véhiculent la même idée ou le même concept [voir arrêt du 29 novembre 2023, Beauty Boutique/EUIPO – Lightningbolt Europe (Représentation d’un éclair), T‑12/23, non publié, EU:T:2023:768, point 42 et jurisprudence citée].

55      Dès lors, pour la partie du public pertinent qui peut percevoir le début des marques en conflit comme faisant allusion à la notion véhiculée par le mot « sanitaire », la similitude conceptuelle entre celles-ci est moyenne et c’est donc à tort que la chambre de recours a constaté une similitude conceptuelle faible. Quant à la partie du public pertinent n’ayant pas cette perception, la comparaison conceptuelle ne sera pas possible.

 Sur le caractère distinctif des marques antérieures

56      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a confirmé les constatations de la division d’opposition selon lesquelles les éléments de preuve produits par la requérante avaient établi que les marques antérieures bénéficiaient d’une renommée considérable en Espagne et en France et, à tout le moins en ce qui concerne les « désinfectants » relevant de la classe 5, d’une certaine renommée dans l’Union.

57      Il convient de noter que ni la requérante ni l’EUIPO ne contestent ces constatations.

 Sur le risque de confusion

58      La requérante soutient que la chambre de recours aurait dû conclure à l’existence d’un risque de confusion, compte tenu, selon elle, de l’identité des produits et des services en cause, du fait que ces produits et ces services appartiennent aux mêmes marchés ou à des marchés étroitement liés, ainsi que du degré élevé de similitude entre les signes. Selon la requérante, il existe également un risque que le public pertinent pense que la marque demandée SANITIEN désigne des produits et des services faisant partie d’une gamme secondaire liée aux marques antérieures.

59      L’EUIPO estime que, du fait que les similitudes entre les signes se limitent aux éléments présentant un caractère distinctif réduit et que la chambre de recours a procédé à un examen complet de ces signes, il était justifié de conclure à l’absence de risque de confusion. Il soutient aussi que, en l’espèce, la renommée des marques antérieures n’a pas d’incidence sur cette conclusion, la requérante n’ayant d’ailleurs apporté aucun élément de preuve démontrant une renommée exceptionnelle. De plus, la requérante ne tiendrait pas compte du fait que le caractère distinctif accru des marques antérieures et leur renommée feraient référence à celles-ci en tant que telles et dans leur ensemble, et non à un seul élément particulier.

60      Il convient de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

61      Ainsi qu’il découle du considérant 11 du règlement 2017/1001, l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance qu’a le public de la marque sur le marché en cause. Comme le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 20).

62      En l’espèce, la chambre de recours a conclu que, même en supposant que les produits et services en cause étaient identiques, les différences entre les signes, notamment leur terminaison clairement perceptible par les consommateurs, permettraient au public pertinent de les distinguer sans risque de confusion ou d’association. La similitude de leur partie initiale faiblement distinctive ne serait pas suffisante pour compenser ces différences. Compte tenu de leur faible similitude visuelle, phonétique et conceptuelle, et en dépit d’un certain degré de renommée des marques antérieures dans l’Union, à tout le moins pour les « désinfectants » relevant de la classe 5, il n’existerait pas de risque de confusion.

63      Il convient de rappeler que le Tribunal a constaté, aux points 45, 50 et 55 ci-dessus, que la chambre de recours avait commis des erreurs dans l’appréciation des similitudes des signes en conflit, celles-ci étant moyennes sous chacun des trois angles pertinents, à savoir visuellement, phonétiquement et conceptuellement.

64      Certes, le niveau moyen de similitude des signes en conflit découle de leur partie initiale « sanyt » et « sanit », laquelle fait allusion à l’hygiène et donc à la nature et aux caractéristiques des produits et des services en cause (voir point 35 ci-dessus). Or, lorsque les éléments de similitude existant entre deux signes tiennent au fait que, comme en l’espèce, ils partagent un composant présentant un faible caractère distinctif intrinsèque, l’impact de tels éléments de similitude sur l’appréciation globale du risque de confusion est lui-même faible [voir arrêt du 20 janvier 2021, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – M. J. Dairies (BBQLOUMI), T‑328/17 RENV, non publié, EU:T:2021:16, point 64 et jurisprudence citée].

65      Toutefois, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il y a également lieu de tenir compte du caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures qui, ainsi que cela a été relevé au point 56 ci-dessus, bénéficient d’une renommée établie particulièrement en Espagne et en France, mais aussi, dans une moindre mesure, dans l’ensemble de l’Union. Or, conformément à la jurisprudence rappelée au point 61 ci-dessus, le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure, notamment en raison de son usage, s’avère important.

66      Partant, en vertu du principe d’interdépendance rappelé au point 60 ci-dessus, compte tenu du degré moyen de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle entre les signes en conflit, ainsi que du caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures, et en dépit du niveau d’attention élevé des consommateurs de certains produits visés, la chambre de recours ne pouvait pas, en se fondant sur l’hypothèse de l’identité des produits et des services en cause, exclure l’existence d’un risque de confusion en l’espèce.

67      Il s’ensuit que c’est à tort que la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

68      Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen comme étant fondé, et donc d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le second moyen.

 Sur les dépens

69      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

70      L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante aux fins de la procédure devant le Tribunal, conformément aux conclusions de celle-ci.

71      Par ailleurs, dans la mesure où la requérante a également conclu à ce que l’EUIPO soit condamné aux dépens afférents à la procédure devant la division d’opposition et devant la chambre de recours, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’opposition. Partant, la demande de la requérante concernant les dépens afférents à la procédure devant la division d’opposition, qui ne constituent pas des dépens récupérables, est irrecevable. S’agissant de la demande formulée par la requérante relative aux dépens de la procédure devant la chambre de recours, il appartiendra à la chambre de recours de statuer, à la lumière du présent arrêt, sur les frais afférents à cette procédure [voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2018, Glaxo Group/EUIPO – Celon Pharma (SALMEX), T‑803/16, non publié, EU:T:2018:330, points 37 à 39 et jurisprudence citée].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 19 avril 2023 (affaire R 1733/2022-1) est annulée.

2)      L’EUIPO supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par AC Marca Brands, SL aux fins de la procédure devant le Tribunal.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

Marcoulli

Norkus

Spangsberg Grønfeldt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 juillet 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.