Language of document : ECLI:EU:T:2012:667

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

12 décembre 2012 (*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Réductions des charges sociales en faveur des entreprises implantées sur le territoire de Venise et de Chioggia – Décision déclarant le régime d’aide incompatible avec le marché commun et imposant la récupération des aides versées – Recours en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑231/00,

Adriatica di Navigazione SpA, établie à Venise (Italie), et Comitato « Venezia vuole vivere », établie à Venise, représentés par Mes M. Siragusa et F. Moretti, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

République italienne, représentée initialement par M. U. Leanza, puis par M. I. Braguglia, puis par M. R. Adam, et enfin par Mme I. Bruni, en qualité d’agents, assistés de MM. G. Aiello et P. Gentili, avvocati dello Stato,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. V. Di Bucci, en qualité d’agent, assisté de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2000/394/CE de la Commission, du 25 novembre 1999, concernant les mesures d’aides en faveur des entreprises implantées sur le territoire de Venise et de Chioggia, prévues par les lois n° 30/1997 et n° 206/1995 instituant des réductions de charges sociales (JO 2000, L 150, p. 50),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Le 25 novembre 1999, la Commission des Communautés européennes a adopté la décision 2000/394/CE concernant les mesures d’aides en faveur des entreprises implantées sur le territoire de Venise et de Chioggia, prévues par les lois italiennes n° 30/1997 et n° 206/1995 instituant des réductions de charges sociales (JO 2000, L 150, p. 50, ci-après la « décision attaquée »).

2        Le dispositif de la décision attaquée est libellé comme suit :

« Article premier

Sans préjudice des dispositions des articles 3 et 4 de la présente décision, les aides octroyées par l’Italie aux entreprises implantées sur les territoires de Venise et de Chioggia, sous forme des réductions de charges sociales prévues par les lois n° 30/1997 et n° 206/1995, qui renvoient à l’article 2 du décret ministériel du 5 août 1994, sont compatibles avec le marché commun lorsqu’elles ont été accordées aux entreprises suivantes :

a)       des [petites et moyennes entreprises] au sens de l’encadrement communautaire des aides d’État aux petites et moyennes entreprises ;

b)       des entreprises ne répondant pas à cette définition, mais qui sont implantées dans une zone habilitée à bénéficier de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, point c), [CE] ;

c)       toute autre entreprise employant des catégories de travailleurs qui éprouvent des difficultés particulières d’insertion ou de réinsertion sur le marché du travail, conformément aux lignes directrices concernant les aides à l’emploi.

Ces aides constituent des aides incompatibles avec le marché commun si elles ont été accordées à des entreprises qui ne sont pas [des petites et moyennes entreprises] et qui ne sont pas implantées dans des zones habilitées à bénéficier de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, point c), [CE].

Article 2

Sans préjudice des dispositions des articles 3 et 4 de la présente décision, les aides accordées par [la République italienne] aux entreprises implantées sur les territoires de Venise et de Chioggia, sous forme de réductions de charges sociales telles qu’elles sont prévues à l’article 1er du décret ministériel du 5 août 1994, sont incompatibles avec le marché commun.

Article 3

Les aides accordées par [la République italienne] aux entreprises ASPIV et Consorzio Venezia Nuova sont compatibles avec le marché commun en vertu, respectivement, de la dérogation prévue à l’article 86, paragraphe 2, [CE] et de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, point d), [CE].

Article 4

Les mesures mises en œuvre par la [République italienne] en faveur des entreprises ACTV, Panfido SpA et AMAV ne constituent pas des aides au sens de l’article 87 [CE].

Article 5

L[a République italienne] prend toutes les mesures nécessaires pour garantir la restitution, par les bénéficiaires, des aides incompatibles avec le marché commun mentionnées à l’article 1er, paragraphe 2, et à l’article 2 [de la décision attaquée], qui leur ont déjà été illégalement octroyées.

La récupération est effectuée conformément aux procédures prévues par le droit national. Les montants à récupérer sont porteurs d’intérêts courant à compter de la date à laquelle ces montants ont été mis à la disposition des bénéficiaires, jusqu’à leur restitution effective. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l’équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.

[…] »

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 août 2000, les requérants, Adriatica di Navigazione SpA et le Comitato « Venezia vuole vivere », ont formé le présent recours. Ce dernier fait partie d’une série de 59 recours introduits contre la décision attaquée par les bénéficiaires du régime d’aides examiné dans ladite décision.

4        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 19 janvier 2001, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, à l’encontre du présent recours.

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mai 2001, la République italienne a demandé à intervenir au soutien des conclusions des requérants. Par ordonnance du 25 juin 2001, le président de la deuxième chambre élargie du Tribunal a fait droit à cette demande.

6        Le Tribunal a invité la République italienne à préciser, pour chacune des entreprises requérantes dans les 59 affaires mentionnées au point 3 ci-dessus, si elle s’estimait tenue, en exécution de l’article 5 de la décision attaquée, de récupérer les aides litigieuses versées.

7        Par ordonnances du 10 mars 2005, Gruppo ormeggiatori del porto di Venezia e.a./Commission (T‑228/00, T‑229/00, T‑242/00, T‑243/00, T‑245/00 à T‑248/00, T‑250/00, T‑252/00, T‑256/00 à T‑259/00, T‑265/00, T‑267/00, T‑268/00, T‑271/00, T‑274/00 à T‑276/00, T‑281/00, T‑287/00 et T‑296/00, Rec. p. II‑787) ; Confartigianato Venezia e.a./Commission (T‑266/00, non publiée au Recueil) ; Baglioni Hotels et Sagar/Commission (T‑269/00, non publiée au Recueil) ; Unindustria e.a./Commission (T‑273/00, non publiée au Recueil), et Principessa/Commission (T‑288/00, non publiée au Recueil), le Tribunal a, après avoir recueilli les observations de la République italienne, déclaré 22 recours irrecevables dans leur totalité et 6 recours partiellement irrecevables. Selon lesdites ordonnances, les requérantes concernées n’étaient pas des entreprises justifiant d’un intérêt à agir dans la mesure où les autorités nationales compétentes avaient estimé, dans le cadre de l’exécution de la décision attaquée, qu’elles n’avaient pas bénéficié d’une aide incompatible avec le marché commun, impliquant une obligation de récupération en vertu de cette décision.

8        Le 12 mai 2005, une réunion informelle s’est tenue devant le juge rapporteur, avec la participation des représentants des parties dans les 37 affaires dans lesquelles le recours n’avait pas été déclaré irrecevable dans sa totalité. Les parties représentées ont présenté leurs observations et marqué leur accord sur le choix de quatre affaires pilotes, à savoir les affaires T‑254/00, T‑270/00 et T‑277/00, ainsi que l’affaire T‑221/00, qui a toutefois été radiée du registre du Tribunal à la suite du désistement de la requérante dans l’affaire en cause.

9        Par ordonnance du 12 septembre 2005, le président de la deuxième chambre élargie du Tribunal a ordonné, dans la présente affaire, la suspension de la procédure à la demande conjointe des parties, conformément à l’article 77, sous c), du règlement de procédure.

10      Par arrêt du 28 novembre 2008, Hotel Cipriani e.a./Commission (T‑254/00, T‑270/00 et T‑277/00, Rec. p. II‑3269, ci-après l’« arrêt Hotel Cipriani »), le Tribunal a déclaré recevables les recours introduits dans les trois premières affaires mentionnées au point 8 ci-dessus, mais les a rejetés comme étant non fondés.

11      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre élargie, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

12      Par arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt Comitato “Venezia vuole vivere” »), la Cour a rejeté les pourvois introduits contre l’arrêt Hotel Cipriani. Le même jour, le Tribunal a décidé de reprendre la procédure dans la présente affaire.

13      Par lettre du 27 juin 2011, le Tribunal a, conformément à ce qui avait été convenu avec les représentants des parties lors de la réunion informelle du 12 mai 2005 mentionnée au point 8 ci-dessus, invité les requérants, la Commission et la République italienne à présenter leurs observations quant à l’incidence, sur le présent litige, de l’arrêt Comitato « Venezia vuole vivere ». En particulier, les requérants ont été invités par le Tribunal, dans l’hypothèse où ils maintenaient le présent recours, à préciser de manière circonstanciée les raisons de fait et de droit pour lesquelles ils considéraient que leur situation se distinguait de celle des requérantes dans les affaires pilotes T-254/00, T-270/00 et T‑277/00 et qu’une annulation de la décision attaquée était justifiée en ce qui les concernait. Les requérants et la Commission ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

14      Par décision du 6 juillet 2011, le Tribunal a renvoyé la présente affaire devant la formation restreinte de la quatrième chambre, conformément à l’article 51, paragraphe 1, du règlement de procédure.

 Conclusions des parties

15      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans son intégralité ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée, premièrement, en ce qu’elle qualifie d’aides d’État les réductions de charges sociales accordées à toutes les entreprises bénéficiaires, à la seule exception de celles mentionnées à son article 4, deuxièmement, en ce qu’elle considère ces réductions de charges sociales comme des aides d’État illégales et incompatibles avec le marché commun, à la seule exception de celles visées à l’article 1er, premier alinéa, et à l’article 3, de ladite décision et, troisièmement, en ce qu’elle impose la récupération des aides déclarés illégales à son article 1er, paragraphe 2, et à son article 2 ;

–        à titre plus subsidiaire encore, annuler la décision attaquée, premièrement, en ce qu’elle qualifie implicitement d’aides d’État les réductions de charges sociales accordées à Adriatica di Navigazione, deuxièmement, en ce qu’elle qualifie implicitement ces dernières d’aides d’État illégales et incompatibles avec le marché commun et, troisièmement, en ce qu’elle comporte l’obligation pour Adriatica di Navigazione de restituer les réductions de charges sociales dont celle-ci a bénéficié ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

17      Dans ses observations relatives à l’incidence sur le présent litige de l’arrêt Comitato « Venezia vuole vivere » (voir point 13 ci-dessus), la Commission a conclu au rejet du recours comme non fondé.

 En droit

18      Conformément à l’article 114, paragraphe 4, du règlement de procédure, il convient de joindre au fond la demande de statuer sur l’exception d’irrecevabilité présentée par la Commission.

19      Selon la jurisprudence, il appartient au Tribunal d’apprécier si une bonne administration de la justice justifie, dans les circonstances de l’espèce, de rejeter au fond un recours sans statuer sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse, ce qui ne peut être regardé comme faisant grief à cette dernière (arrêt de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, point 52).

20      En vertu de l’article 111 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

21      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer, conformément à l’article 111 du règlement de procédure et dans un souci d’économie de procédure, sur les moyens invoqués par les requérants sans poursuivre la procédure, dans la mesure où le présent recours apparaît, pour les motifs exposés ci-après, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

22      À l’appui de leur recours, les requérants soulèvent une série de moyens qu’il est opportun de réorganiser et de regrouper en six moyens.

23      Les deux premiers moyens ont trait à la qualification d’aides d’État des mesures en cause. Le premier moyen est, en substance, tiré de violations de l’article 87, paragraphe 1, CE, en raison de l’absence d’avantage conféré par les mesures en cause compte tenu de leur caractère compensatoire. Le deuxième moyen est tiré de violations de la même disposition liées à l’absence d’effets des mesures en cause sur la concurrence et sur les échanges intracommunautaires.

24      Les troisième, quatrième et cinquième moyens concernent la compatibilité des mesures en cause avec le marché commun. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 87, paragraphes 2 et 3, sous a), b), d) et e), CE. Le quatrième moyen est tiré de la violation et de l’application erronée de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. Le cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 86, paragraphe 2, CE.

25      Le sixième moyen a trait à la récupération de l’aide ayant bénéficié à Adriatica di Navigazione ainsi qu’à la qualification des mesures en cause comme aides « existantes ».

26      En outre, dans leurs observations relatives à l’incidence sur le présent litige de l’arrêt Comitato « Venezia vuole vivere » (voir point 13 ci-dessus), les requérants renoncent expressément au grief tiré de ce que la Commission a commis une erreur de droit et excédé les limites de son pouvoir d’appréciation en imposant la récupération des aides illégales déclarées incompatibles avec le marché commun. Ils insistent en revanche sur les arguments spécifiques ayant trait, pour l’essentiel, à la situation d’Adriatica di Navigazione. Ces arguments se rapportent, à titre principal, à la qualification des mesures en cause d’aides d’État et, à titre subsidiaire, à leur compatibilité avec le marché commun. Ils font valoir en outre que la Commission ne s’est pas prononcée sur les arguments relatifs à la qualification des mesures en cause comme aides existantes.

 Sur la recevabilité du grief tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 2, CE

27      S’agissant du troisième moyen, il y a d’emblée lieu de relever que le grief tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 2, CE n’est accompagné d’aucun exposé sommaire des arguments de fait et de droit sur lesquels il s’appuie et doit, dès lors, être rejeté comme manifestement irrecevable en application de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

 Sur le fond

 Sur le premier moyen, relatif à l’absence d’avantage conféré par les mesures en cause compte tenu de leur caractère compensatoire

28      En premier lieu, les requérants font valoir que les mesures en cause n’affectent pas la concurrence en raison de leur caractère compensatoire et ne sauraient, partant, être qualifiées d’aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. En effet, lesdites mesures ne leur auraient procuré aucun avantage, étant donné qu’elles viseraient uniquement à compenser partiellement les désavantages structurels représentés par les surcoûts supportés par les entreprises opérant sur le territoire de la lagune de Venise (Italie), du fait notamment des charges logistiques, structurelles, opérationnelles et de personnel ainsi que des désavantages commerciaux liés au dépeuplement de ladite lagune.

29      En outre, les requérants font observer que, sur les lignes maritimes internationales exploitées par Adriatica di Navigazione, la plupart des concurrents de cette dernière exploitaient des navires enregistrés sous un pavillon extracommunautaire et supportaient de ce fait des coûts moindres en termes de personnel et de sécurité des navires. Les mesures en cause n’auraient dès lors pas pu conférer un avantage à Adriatica di Navigazione, au détriment de ses concurrents.

30      Premièrement, s’agissant des arguments des requérants relatifs à la compensation partielle des coûts structurels supportés par les entreprises opérant sur le territoire de la lagune de Venise, il convient de rappeler, à l’instar de ce que la Cour a constaté, aux points 94 et 95 de l’arrêt Comitato « Venezia vuole vivere », que, selon la jurisprudence, les motifs qui sous-tendent une mesure d’aide ne suffisent pas à faire échapper d’emblée une telle mesure à la qualification d’aide d’État au sens de l’article 87 CE. En effet, le paragraphe 1 de cette disposition ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais définit celles-ci en fonction de leurs effets (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 mars 2005, Heiser, C‑172/03, Rec. p. I‑1627, point 46, et la jurisprudence citée). En outre, la circonstance qu’un État membre cherche à rapprocher, par des mesures unilatérales, les conditions de concurrence existant dans un certain secteur économique de celles prévalant dans d’autres États membres ne saurait enlever à ces mesures le caractère d’aide (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, Rec. p. I‑3679, point 67, et la jurisprudence citée, et arrêt Heiser, précité, point 54). Comme la Cour l’a jugé au point 96 de l’arrêt Comitato « Venezia vuole vivere », cette jurisprudence vaut également pour les mesures destinées à compenser d’éventuels désavantages auxquels les entreprises installées dans une certaine région d’un État membre sont exposées.

31      Dès lors, en l’espèce, il convient de considérer que, comme la Cour l’a relevé au point 100 de l’arrêt Comitato « Venezia vuole vivere », l’objectif de compensation des désavantages structurels des entreprises établies à Venise et à Chioggia (Italie), tel qu’il est poursuivi par les réductions de charges sociales en cause, ne peut priver les avantages ainsi conférés de leur caractère d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

32      Deuxièmement, pour les mêmes motifs, force est de constater que le fait que, sur les lignes maritimes internationales, les mesures en cause compensaient partiellement les coûts supplémentaires supportés par Adriatica di Navigazione par rapport à ses concurrents exploitant des navires battant pavillon extracommunautaire n’est pas de nature à faire échapper ces mesures à la qualification d’aides d’État.

33      En second lieu, les requérants font valoir que la Commission n’a pas suffisamment motivé son allégation selon laquelle les entreprises vénitiennes avaient été placées dans une situation plus favorable que celle de leurs concurrents. En particulier, la décision attaquée ne contiendrait aucun examen concret permettant de réfuter l’argument tiré du caractère compensatoire des mesures en cause, reposant sur une analyse des surcoûts auxquels sont confrontées les entreprises de la lagune de Venise par rapport à celles implantées sur la terre ferme.

34      Cet argument ne saurait être accueilli. En effet, dans la mesure où les arguments des requérants se réfèrent à l’absence d’avantage conféré par les mesures en cause aux entreprises bénéficiaires, au motif que lesdites mesures viseraient à compenser les surcoûts auxquels elles sont confrontées, il suffit de rappeler que, aux points 181 et 197 de l’arrêt Hotel Cipriani, confirmé par la Cour, il a été jugé que, dans la décision attaquée, la Commission avait motivé à suffisance de droit sa conclusion selon laquelle l’objectif compensatoire des mesures en cause n’excluait pas l’octroi d’un avantage économique.

35      De même, en exposant, aux considérants 53 et 54 de la décision attaquée, que la comparaison des coûts aurait dû être effectuée par rapport à une situation « type », en se référant à une entreprise européenne, la Commission a suffisamment motivé sa décision selon laquelle la comparaison des coûts avancés par les parties intéressées n’était pas satisfaisante.

36      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les deux griefs et, partant, le premier moyen comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur le deuxième moyen, relatif aux effets des mesures en cause sur la concurrence et sur les échanges intracommunautaires

37      En premier lieu, les requérants contestent la qualification de « régime » d’aides d’État des mesures en cause, sur laquelle la Commission s’appuie pour affirmer l’existence d’un impact potentiel sur les échanges intracommunautaires. Ils considèrent que ces mesures constituaient des mesures ad hoc, en raison du caractère très restreint des zones concernées et de la spécificité des mesures considérées. En outre, la Commission n’aurait pas motivé à suffisance de droit cette qualification de « régime » d’aides d’État.

38      En second lieu, les requérants estiment que la Commission a commis une erreur de droit et n’a pas respecté son obligation de motivation en ne tenant pas compte de la situation individuelle d’Adriatica di Navigazione. À cet égard, ils allèguent, premièrement, qu’il incombait à la Commission de vérifier, ou du moins de prévoir, que certains bénéficiaires des mesures en cause bénéficiaient de droits spéciaux ou exclusifs ou exerçaient leur activité dans des secteurs non libéralisés. Tel serait le cas d’Adriatica di Navigazione, puisque cette dernière bénéficiait d’une réserve légale en ce qui concerne l’activité de cabotage en mer Adriatique, laquelle n’était pas ouverte à la concurrence lors de la période considérée. En conséquence, les réductions de charges sociales octroyées à Adriatica di Navigazione en ce qui concerne le personnel employé dans le cadre de son activité de cabotage ne seraient pas des aides d’État, puisque toute affectation de la concurrence ou des échanges intracommunautaires y serait exclue. Deuxièmement, ils soulignent à nouveau que les réductions de charges sociales sur les lignes maritimes internationales ne plaçaient pas Adriatica di Navigazione dans une position concurrentielle plus favorable que celle de ses concurrents.

39      À titre liminaire, il convient de rappeler que la Cour a jugé, aux points 63 et 130 de l’arrêt Comitato « Venezia vuole vivere », que la Commission pouvait se borner à étudier les caractéristiques générales d’un programme d’aides pour apprécier, dans les motifs de la décision, si, en raison des modalités que ce programme prévoyait, celui-ci assurait un avantage sensible aux bénéficiaires par rapport à leurs concurrents et était de nature à profiter essentiellement à des entreprises qui participaient aux échanges entre États membres, sans être tenue d’examiner chaque cas d’application particulier. La Cour a également considéré, aux points 63, 64 et 115 du même arrêt, que, lorsque la Commission se prononçait, par voie générale et abstraite, sur un régime d’aides d’État qu’elle déclarait incompatible avec le marché commun et ordonnait la récupération des montants perçus au titre de ce régime, il incombait à l’État membre de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée par une telle opération de récupération, afin d’établir si les conditions d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE relatives à l’affectation des échanges intracommunautaires et à l’incidence sur la concurrence étaient réunies.

40      En outre, comme il a été rappelé au point 238 de l’arrêt Hotel Cipriani, la légalité de la décision de la Commission doit être appréciée en fonction des seuls éléments dont ladite institution disposait au moment de l’adoption de cette décision, et non sur la base d’arguments factuels inconnus de cette institution et qui ne lui auraient pas été signalés au cours de la procédure administrative.

41      Dès lors, ainsi qu’il ressort du point 239 de l’arrêt Hotel Cipriani, c’est sur la base des données disponibles, qui avaient été communiquées à la Commission dans le cadre de la procédure administrative, qu’il y a lieu d’apprécier si cette institution a établi à suffisance de droit que les réductions de charges sociales en cause étaient susceptibles d’affecter les échanges intracommunautaires et d’avoir une incidence sur la concurrence et si la décision attaquée est suffisamment motivée sur ce point.

42      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les arguments des requérants relatifs à la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE concernant l’affectation de la concurrence et des échanges intracommunautaires.

43      En premier lieu, s’agissant de la qualification de « régime » d’aides d’État, il y a lieu de constater que, au considérant 48 de la décision attaquée, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle considérait que les mesures en cause constituaient un régime d’aide et a donc apporté une motivation suffisante à cet égard.

44      En outre, la Commission a pu à juste titre considérer que lesdites mesures constituaient un régime d’aides dès lors que, conformément à l’article 1er sous d), du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [87] [CE] (JO L 83, p. 1), elles ont été prévues en faveur d’un ensemble d’entreprises définies de manière générale et abstraite et non en faveur d’entreprises nommément désignées. En effet, pour qu’une entreprise bénéficie des avantages prévus par les articles 1er et 2 du décret ministériel du 5 août 1994, il suffisait qu’elle soit implantée sur le territoire de Venise ou sur celui de Chioggia.

45      En deuxième lieu, les arguments des requérants relatifs à la situation particulière d’Adriatica di Navigazione tant sur le secteur du cabotage national que sur celui des transports maritimes internationaux, ne sauraient prospérer. D’une part, s’agissant du secteur du cabotage maritime, il suffit de constater que les requérants n’avancent, dans leurs écritures devant le Tribunal, aucun argument ou élément démontrant que, lors de la procédure administrative, des informations spécifiques relatives au secteur d’activité d’Adriatica di Navigazione ou à la situation individuelle de cette dernière ont été communiquées à la Commission en relation avec l’absence d’effets des mesures en cause sur les échanges intracommunautaires et sur la concurrence. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier devant le Tribunal que de telles informations aient été communiquées à la Commission.

46      Il en découle, à l’instar de ce qui ressort du point 245 de l’arrêt Hotel Cipriani, que, en l’absence d’informations spécifiques relatives à l’entreprise requérante et au secteur du cabotage maritime dans lequel elle opérait, la Commission n’était pas tenue de procéder à une analyse individuelle de ce secteur d’activité, mais pouvait se limiter à examiner les caractéristiques générales du régime d’aides en cause, aux fins de l’appréciation des conditions d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE. Les requérants ne sont dès lors pas recevables à invoquer l’absence d’ouverture à la concurrence du marché du cabotage maritime au cours de la période considérée.

47      D’autre part, s’agissant du secteur des transports maritimes internationaux, il suffit de rappeler, conformément à ce qui a été jugé au point 32 ci-dessus, que le caractère compensatoire des mesures en cause, au regard des conditions de concurrence moins favorables dans lesquelles se serait retrouvée Adriatica di Navigazione par rapport à ses concurrents, ne permet pas d’exclure l’octroi d’un avantage économique et d’écarter de ce fait la qualification d’aides d’État.

48      En troisième lieu, s’agissant du grief tiré du défaut de motivation, il convient de rappeler qu’il a été jugé, aux points 250, qui renvoie au point 223, et 253 de l’arrêt Hotel Cipriani, que la Commission avait motivé à suffisance de droit la décision attaquée en estimant, au considérant 49 de cette décision, ce qui suit :

« [L]a concurrence et les échanges entre États membres sont faussés du fait que les réductions de charges sociales sont accordées à toutes les entreprises, parmi lesquelles des entreprises qui exercent des activités économiques faisant l’objet d’échanges entre ces États. Sur la base des renseignements fournis par les autorités italiennes, on constate que les entreprises bénéficiaires opèrent notamment dans des secteurs qui font l’objet d’échanges intensifs, comme par exemple le secteur manufacturier et celui des services. »

49      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous a), b), d) et e), CE

50      Les requérants estiment que, compte tenu des particularités de la zone dans laquelle elles devaient produire leurs effets, les mesures en cause présentent, au moins partiellement, des aspects répondant aux conditions d’octroi d’une dérogation au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous a), b), d), et e), CE. En ce qui concerne en particulier l’article 87, paragraphe 3, sous d), CE, ils font valoir que le siège d’Adriatica di Navigazione est soumis à de fortes contraintes de nature architecturale.

51      Il y a lieu de considérer qu’aucune des dispositions mentionnées au point 50 ci-dessus ne saurait trouver application en l’espèce.

52      En effet, s’agissant de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE, force est de constater que les requérants reconnaissent eux-mêmes, dans leurs écritures devant le Tribunal, que la condition d’application de la dérogation prévue par cette disposition, relative au niveau de vie anormalement bas ou à une forme grave de sous-emploi, n’est pas remplie sur le territoire de la lagune Venise.

53      S’agissant de l’article 87, paragraphe 3, sous b), CE, il y a lieu de relever que, comme la Cour l’a confirmé au point 176 de l’arrêt Comitato « Venezia vuole vivere », la Commission n’a pas excédé les limites de son pouvoir d’appréciation en estimant que la dérogation destinée à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun, prévue par la disposition susvisée, ne devait pas être appliquée en l’espèce, au motif que seuls des opérateurs implantés à Venise profitent du régime d’aide en cause.

54      S’agissant de l’article 87, paragraphe 3, sous d), CE, relatif à la promotion de la culture et à la conservation du patrimoine, il convient de considérer que, ainsi que la Cour l’a confirmé au point 170 de l’arrêt Comitato « Venezia vuole vivere », la Commission pouvait écarter l’application de ladite disposition en raison de l’absence d’un lien suffisamment étroit entre les allègements de charges sociales et la préservation du patrimoine culturel. Par ailleurs, il y a lieu de constater que les requérants n’ont apporté dans leurs écritures devant le Tribunal aucun élément de nature à démontrer que des informations spécifiques à Adriatica di Navigazione, en lien avec l’article 87, paragraphe 3, sous d), CE ont été communiquées à la Commission au cours de la procédure administrative. Dès lors, à l’instar de ce que le Tribunal a constaté au point 326 de l’arrêt Hotel Cipriani, il y a lieu de considérer que les requérants en l’espèce ne sont pas recevables à invoquer de tels éléments factuels.

55      S’agissant, enfin, de l’article 87, paragraphe 3, sous e), CE, il suffit de relever, comme cela a été constaté au point 332 de l’arrêt Hotel Cipriani, qu’il n’existait aucune décision ad hoc du Conseil, prise sur le fondement de cet article, permettant d’autoriser le régime d’aide considéré.

56      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur le quatrième moyen, relatif à l’application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE

57      Premièrement, les requérants considèrent que la Commission aurait pu autoriser les mesures en cause au titre des aides à finalité régionale. À cet égard, ils reprochent à la Commission, tout d’abord, d’avoir adopté une approche trop formaliste en s’intéressant uniquement aux modalités d’octroi des mesures en cause et en négligeant de tenir compte de leurs objectifs. En effet, ils insistent sur le fait que lesdites mesures ont pour finalité le développement régional de la lagune de Venise, conformément aux objectifs visés à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

58      Dans ce contexte, la Commission se serait retranchée derrière une application rigide des lignes directrices alors que ces dernières comporteraient également une marge de flexibilité, lui permettant d’apprécier la particularité du cas soumis à son examen et de tenir compte des contraintes particulières de la zone considérée. Ainsi, la Commission aurait pu autoriser les mesures en cause par une décision ad hoc fondée sur une application par analogie des principes sur lesquels reposent les encadrements communautaires relatifs à l’application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, en particulier l’encadrement des aides d’État aux quartiers urbains défavorisés, ou bien en application de la déclaration n° 30 annexée à l’acte final du traité d’Amsterdam, relative aux régions insulaires.

59      Il convient de rappeler, que, comme cela a été relevé au point 287 de l’arrêt Hotel Cipriani, la Commission a, d’abord, souligné qu’une partie seulement du territoire de Venise était comprise dans la liste des régions italiennes admises au bénéfice de la dérogation régionale prévue à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. Ensuite, elle a constaté que les exonérations en faveur de la création d’emplois visées dans la décision attaquée constituaient des aides au fonctionnement et ne pouvaient pas être qualifiées de mesures à finalité régionale. Enfin, s’agissant de l’objectif de développement régional allégué, la Commission a relevé que, compte tenu des caractéristiques du régime d’aide considéré, il n’y avait aucun lien entre ce régime et les difficultés structurelles invoquées.

60      À cet égard, il y a lieu de considérer que, comme la Cour l’a relevé au point 168 de l’arrêt Comitato « Venezia vuole vivere », la Commission pouvait légitimement se fonder, pour refuser d’autoriser l’octroi des mesures en cause au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, sur la circonstance qu’il s’agissait d’aides au fonctionnement des entreprises. En effet, de telles aides, qui faussaient en principe les conditions de concurrence, ne pouvaient être autorisées, conformément à la communication de la Commission sur la méthode pour l’application de l’article [87], paragraphe 3, sous a) et c), [CE] aux aides régionales (JO 1988, C 212, p. 2) et aux lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9) que de manière exceptionnelle. Or, en l’espèce, à l’instar de ce qui a été constaté au point 309 de l’arrêt Hotel Cipriani, à l’égard des requérantes dans les affaires pilotes T‑254/00, T‑270/00 et T‑277/00, les requérants dans la présente affaire n’ont avancé aucun argument visant à démontrer l’existence de circonstances particulières permettant de considérer que, nonobstant la nature d’aides au fonctionnement des mesures en cause, leur octroi aurait dû être autorisé en application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

61      Par ailleurs, il y a également lieu d’écarter l’argument des requérants selon lequel la Commission aurait dû s’appuyer sur les principes énoncés dans l’encadrement des aides d’État aux entreprises dans les quartiers urbains défavorisés pour autoriser les mesures en cause. En effet, comme cela a été constaté aux points 303 à 305 de l’arrêt Hotel Cipriani, les réductions de charges sociales, qui avaient bénéficié à l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire de Venise et de Chioggia, ne répondaient pas aux critères spécifiques d’octroi d’une dérogation au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE prévus par cet encadrement. En outre, la circonstance que la Commission a pris en considération, dans ledit encadrement, les difficultés économiques spécifiques rencontrées par les entreprises dans les quartiers urbains défavorisés ne permettait pas de considérer qu’elle aurait dû tenir compte, aux fins de l’octroi d’une dérogation régionale au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, des problèmes structurels particuliers existant à Venise, lesquels n’ont aucun rapport avec les difficultés des quartiers urbains défavorisés. Ces constats ne sont pas remis en cause par la nécessité de tenir compte des handicaps structurels liés à l’insularité, conformément à la déclaration n° 30 annexée à l’acte final du traité d’Amsterdam, que les requérants invoquent par ailleurs.

62      Deuxièmement, les requérants estiment que la Commission a insuffisamment motivé la décision attaquée en n’expliquant pas les raisons pour lesquelles les mesures en cause ne sont pas susceptibles de bénéficier d’une dérogation au titre des aides à finalité régionale.

63      Toutefois, cet argument ne saurait prospérer. En effet, il importe de constater, à l’instar de ce qui a été jugé par la Cour au point 169 de l’arrêt Comitato « Venezia vuole vivere », que le Tribunal avait considéré à bon droit, aux points 310 et 311 de l’arrêt Hotel Cipriani, que la décision attaquée était suffisamment motivée à cet égard, notamment en ce que la Commission y a relevé que le régime d’aides en cause constituait des aides au fonctionnement accordées dans une région ne présentant pas de problèmes aigus de cohésion économique et sociale.

64      Troisièmement, les requérants soutiennent, à titre subsidiaire, que, même à supposer que les mesures en cause ne constituaient pas des aides régionales, mais des aides à l’emploi, de telles aides n’auraient pas relevé du champ d’application ratione temporis des lignes directrices concernant les aides à l’emploi (JO 1995, C 334, p. 4), puisqu’elles sont antérieures auxdites lignes directrices. En outre, en admettant que ces lignes directrices aient été applicables, la Commission les aurait appliquées de manière inappropriée.

65      Tout d’abord, s’agissant de l’application ratione temporis des lignes directrices concernant les aides à l’emploi, il y a lieu de constater qu’il ressort expressément de leur paragraphe 3 qu’elles visaient notamment à rendre explicite l’approche couramment suivie par la Commission, les requérants n’ayant d’ailleurs pas allégué qu’elles avaient introduit de nouveaux critères d’interprétation des conditions d’application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, en ce qui concerne les aides à l’emploi, qui leur auraient été moins favorables que la pratique antérieure de la Commission.

66      Ensuite, s’agissant de l’application par la Commission des lignes directrices concernant les aides à l’emploi, il convient de relever, comme cela a été jugé au point 313 de l’arrêt Hotel Cipriani, que la Commission s’est pleinement conformée aux critères qu’elle a définis dans ses lignes directrices, en particulier au paragraphe 21 de ces dernières, dans lequel la Commission indique qu’elle réserve un préjugé favorable aux aides à la création d’emplois en faveur notamment des grandes entreprises implantées dans des zones éligibles aux aides à finalité régionale en application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. En effet, la Commission s’est à bon droit référée aux régions éligibles à de telles aides, sans spécifier davantage les régions, dans la mesure où cette référence renvoie manifestement aux cartes nationales des aides à finalité régionale, notifiées par les États membres concernés à la Commission, conformément à la communication de la Commission sur la méthode pour l’application de l’article [87], paragraphe 3, sous a) et c), [CE] aux aides régionales, et approuvées par décisions de la Commission. En l’occurrence, la carte italienne des aides à finalité régionale applicable au cours de la période considérée avait été approuvée par la Commission en mai 1995 et était valable jusqu’au 31 décembre 1999.

67      Enfin, en n’étendant pas, dans la décision attaquée, la dérogation accordée en ce qui concerne les réductions de charges sociales pour la création d’emplois, à toutes les entreprises établies à Venise ou à Chioggia, y compris à l’ensemble des grandes entreprises qui n’étaient pas établies dans une zone éligible à la dérogation régionale, la Commission n’a pas outrepassé les limites de son pouvoir d’appréciation au regard de la finalité des lignes directrices concernant les aides à l’emploi. Elle s’est, au contraire, conformée au critère relatif à l’implantation dans une zone éligible aux aides à finalité régionale, auquel renvoie expressément le paragraphe 21 de ces lignes directrices. Or, en l’espèce, les requérants n’invoquent aucune circonstance particulière permettant de considérer que, pour répondre aux finalités desdites lignes directrices, la Commission aurait dû s’écarter de ce critère.

68      Quatrièmement, les requérants font valoir que les réductions de charges sociales octroyées à Adriatica di Navigazione sont compatibles avec le marché commun en vertu des orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime (JO 1997, C 205, p. 5). En effet, dans ces orientations, la Commission indiquerait que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun les aides octroyées en matière de sécurité sociale et d’impôts sur le revenu des gens de mer employés sur des navires enregistrés dans un État membre. En outre, lesdites orientations exposeraient les conditions dans lesquelles la compensation d’obligations de service public ne constitue pas une aide d’État et n’est pas soumise à l’obligation de notification.

69      Ces arguments ne sauraient convaincre. En effet, les requérants ne soutiennent, ni dans la requête, ni dans leurs observations sur l’incidence de l’arrêt Comitato « Venezia vuole vivere » sur le présent litige, que l’attention de la Commission a été attirée lors de la procédure administrative sur la situation spécifique d’Adriatica di Navigazione et du secteur du transport maritime, si bien que la Commission n’était pas tenue d’examiner si la situation d’Adriatica di Navigazione justifiait l’octroi d’une dérogation sectorielle, au regard des orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime, et les requérants ne sont pas recevables à invoquer de tels arguments.

70      De même, il n’incombait pas à la Commission de vérifier si, en application de ces orientations relatives au transport maritime, les réductions de charges sociales en cause octroyées à Adriatica di Navigazione pouvaient être considérées comme une compensation d’obligations de service public et n’étaient de ce fait pas soumises à l’obligation de notification.

71      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission s’est limitée à bon droit à examiner les caractéristiques générales du régime d’aides en cause, aux fins de l’octroi d’une dérogation au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

72      En conséquence, le quatrième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 86, paragraphe 2, CE

73      Les requérants font observer que la Commission a enfreint l’article 86, paragraphe 2, CE en n’appliquant pas cette disposition à Adriatica di Navigazione, alors que cette dernière aurait été chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général. Ils précisent à cet égard que la quasi-totalité du montant des réductions de charges sociales accordées à Adriatica di Navigazione a été soustraite du montant de la compensation qui était due à cette compagnie en contrepartie de l’exécution de ses obligations de service public.

74      S’agissant des arguments des requérants selon lesquels la Commission aurait dû appliquer l’article 86, paragraphe 2, CE à Adriatica di Navigazione, force est de constater que, dans leurs écritures devant le Tribunal, ceux-ci n’avancent aucun élément de nature à démontrer que des informations relatives au fait qu’Adriatica di Navigazione était chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général ont été communiquées à la Commission lors de la procédure administrative. Il s’ensuit que la Commission n’était pas tenue de vérifier cet élément, aux fins de l’application, à l’égard d’Adriatica di Navigazione, de l’article 86, paragraphe 2, CE.

75      Quant à l’affirmation imprécise et non étayée des requérants, selon laquelle la quasi-totalité du montant des réductions de charges sociales accordées à Adriatica di Navigazione avait été soustrait de la compensation qui lui était due en contrepartie de ses obligations de service public, il y a lieu de constater qu’elle ne permet pas de remettre en cause la légalité de la décision attaquée. En effet, d’une part, il convient de relever que, dans la mesure où aucune information relative à la situation individuelle d’Adriatica di Navigazione n’a été communiquée à la Commission dans le cadre de la procédure administrative, cette dernière n’était pas tenue de vérifier si les réductions de charges sociales susmentionnées ne relevaient pas de l’article 87, paragraphe 1, CE, car ils correspondaient à la compensation de la gestion d’un service public, et les requérants ne sont pas recevables à soutenir cet argument.

76      D’autre part, si l’argument des requérants doit être compris dans le sens que le montant des réductions de charges sociales octroyées à Adriatica di Navigazione a été déduit d’une compensation due à cette entreprise au titre d’une prestation de service public, il convient de relever qu’une telle circonstance, à supposer qu’elle soit établie, ne pourrait être prise en considération, le cas échéant, que lors de la détermination du montant des aides à récupérer par les autorités nationales auprès de ladite entreprise.

77      Le cinquième moyen doit, par suite, être rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur le sixième moyen, relatif à la qualification d’aides « existantes »

78      Les requérants exposent que les réductions de charges sociales octroyées à Adriatica di Navigazione s’agissant du domaine du cabotage national ont été instituées dans un marché initialement fermé à la concurrence et auraient dû être considérées, lors de la libéralisation de ce marché le 1er janvier 1999, comme un régime d’aide existant. La Commission n’aurait donc pas eu le pouvoir d’en constater l’illégalité rétroactive et les mesures concernées ne seraient pas soumises à une obligation de restitution.

79      Cette argumentation ne saurait être accueillie. Premièrement, ainsi qu’il a été constaté au point 46 ci-dessus, la Commission n’était pas tenue d’examiner, en l’espèce, la situation concurrentielle sur le marché du cabotage national dans la mesure où aucune demande ne lui avait été adressée en ce sens et où aucune information relative à la situation particulière d’Adriatica di Navigazione ne lui avait été communiquée. Il ne lui incombait dès lors pas d’apprécier si les aides en cause, versées à Adriatica di Navigazione dans le secteur du cabotage, constituaient des aides existantes. En l’occurrence, il convient d’ailleurs de relever que la Commission a uniquement qualifié les mesures en cause d’aides d’État au regard de leurs caractéristiques générales, et n’a pas constaté l’illégalité rétroactive des aides accordées spécifiquement à Adriatica di Navigazione dans le secteur du cabotage.

80      Deuxièmement et en tout état de cause, force est de constater que le régime d’aide en cause a été mis en œuvre de 1995 à 1997, et que le marché du cabotage n’a été libéralisé que le 1er janvier 1999. L’octroi des réductions de charges sociales concernées à Adriatica di Navigazione est ainsi antérieur à la libéralisation dudit marché et ne s’est pas poursuivi après sa libéralisation. Il s’ensuit que la question de savoir si de telles mesures pouvaient constituer, après la libéralisation du marché concerné, des aides « existantes », n’était pas susceptible de se poser en l’espèce. À cet égard, l’arrêt du Tribunal du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission (T‑298/97, T‑312/97, T‑313/97, T‑315/97, T‑600/97 à T‑607/97, T‑1/98, T‑3/98 à T‑6/98 et T‑23/98, Rec. p. II‑2319, points 142 et 143), invoqué par les requérants, dans lequel le Tribunal avait qualifié d’aides existantes des avantages accordés après la libéralisation du marché concerné, dans le cadre d’un régime d’aide entré en vigueur avant cette libéralisation, est dénué de pertinence en l’espèce.

81      Il y a lieu, partant, de rejeter le cinquième moyen comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

82      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent recours comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur les dépens

83      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

84      En vertu de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus à un litige supportent leurs dépens. Il s’ensuit que la République italienne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      L’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission européenne est jointe au fond.

2)      Le recours est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

3)      Adriatica di Navigazione SpA et le Comitato « Venezia vuole vivere » supporteront, outre leurs propres dépens, ceux de la Commission.

4)      La République italienne supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 12 décembre 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       I. Pelikánová

Table des matières


Faits et procédure

Conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité du grief tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 2, CE

Sur le fond

Sur le premier moyen, relatif à l’absence d’avantage conféré par les mesures en cause compte tenu de leur caractère compensatoire

Sur le deuxième moyen, relatif aux effets des mesures en cause sur la concurrence et sur les échanges intracommunautaires

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous a), b), d) et e), CE

Sur le quatrième moyen, relatif à l’application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 86, paragraphe 2, CE

Sur le sixième moyen, relatif à la qualification d’aides « existantes »

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.