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ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

22 juin 2022 (*)

Table des matières


I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive « habitats »

2. La directive « oiseaux »

B. Le droit slovaque

1. La loi sur la conservation de la nature

2. La loi sur les forêts

II. La procédure précontentieuse

III. Sur le recours

A. Sur le premier grief, tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », lu en combinaison avec l’article 7 de cette directive

1. Argumentation des parties

2. Appréciation de la Cour

a) Sur la recevabilité

b) Sur le fond

1) Observations liminaires

2) Sur la première branche du premier grief, relative aux PEF

3) Sur la deuxième branche du premier grief, relative aux coupes d’urgence

4) Sur la troisième branche du premier grief, relative aux mesures destinées à prévenir les menaces pesant sur les forêts et à éliminer les conséquences des dommages causés par les agents nuisibles

B. Sur le deuxième grief, tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats », lu en combinaison avec l’article 7 de cette directive

1. Argumentation des parties

2. Appréciation de la Cour

a) Sur la recevabilité

b) Sur le fond

C. Sur le troisième grief, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « oiseaux »

1. Argumentation des parties

2. Appréciation de la Cour

a) Sur la recevabilité

b) Sur le fond

IV. Sur les dépens


« Manquement d’État – Directive 92/43/CEE – Article 6, paragraphes 2 et 3 – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Directive 2009/147/CE – Article 4, paragraphe 1 – Conservation des oiseaux sauvages – Grand tétras (Tetrao urogallus) – Programmes de gestion forestière – Coupes d’urgence – Évaluation appropriée de leurs incidences – Sites Natura 2000 – Zones de protection spéciales désignées pour la conservation du grand tétras – Absence de mesures pour prévenir la détérioration des habitats ainsi que de mesures de conservation spéciales en certaines zones »

Dans l’affaire C‑661/20,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 5 décembre 2020,

Commission européenne, représentée par MM. C. Hermes et R. Lindenthal, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République slovaque, représentée par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (sixième chambre),

composée de Mme I. Ziemele, présidente de chambre, M. A. Arabadjiev (rapporteur), président de la première chambre, et M. P. G. Xuereb, juge,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que :

–        en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7, ci-après la « directive “habitats” »), lu en combinaison avec l’article 7 de celle-ci, en exemptant les programmes d’entretien des forêts (ci-après les « PEF ») et leurs modifications, les coupes d’urgence ainsi que les mesures destinées à prévenir les menaces pesant sur les forêts et à éliminer les conséquences des dommages causés par des catastrophes naturelles de l’obligation, lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter les zones Natura 2000 de manière significative, d’être soumis à une évaluation appropriée de leurs incidences sur la zone concernée eu égard aux objectifs de conservation de cette zone ;

–        en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats », lu en combinaison avec l’article 7 de celle-ci, en ne prenant pas les mesures appropriées pour empêcher la détérioration des habitats et les perturbations aux effets significatifs dans les zones de protection spéciale (ci-après les « ZPS ») désignées pour la conservation du grand tétras (Tetrao urogallus) (ZPS Nízke Tatry SKCHVU018, ZPS Tatry SKCHVU030, ZPS Veľká Fatra SKCHVU033, ZPS Muránska planina-Stolica SKCHVU017, ZPS Chočské vrchy SKCHVU050, ZPS Horná Orava SKCHVU008, ZPS Volovské vrchy SKCHVU036, ZPS Malá Fatra SKCHVU013, ZPS Poľana SKCHVU022, ZPS Slovenský Raj SKCHVU053, ZPS Levočské vrchy SKCHVU051 et ZPS Strážovské vrchy SKCHVU028) ;

–        en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7, ci-après la « directive “oiseaux” »), en ne prenant pas les mesures de conservation spéciale applicables à l’habitat du grand tétras (Tetrao urogallus) dans les ZPS désignées pour sa conservation afin d’assurer sa survie et sa reproduction dans son aire de distribution (ZPS Nízke Tatry SKCHVU018, ZPS Tatry SKCHVU030, ZPS Veľká Fatra SKCHVU033, ZPS Muránska planina-Stolica SKCHVU017, ZPS Volovské vrchy SKCHVU036, ZPS Malá Fatra SKCHVU013 et ZPS Levočské vrchy SKCHVU051),

la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      La directive « habitats »

2        L’article 2, paragraphe 2, de la directive « habitats » prévoit :

« Les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire. »

3        L’article 6 de cette directive est ainsi libellé :

« 1.      Pour les zones spéciales de conservation, les États membres établissent les mesures de conservation nécessaires impliquant, le cas échéant, des plans de gestion appropriés spécifiques aux sites ou intégrés dans d’autres plans d’aménagement et les mesures réglementaires, administratives ou contractuelles appropriées, qui répondent aux exigences écologiques des types d’habitats naturels de l’annexe I et des espèces de l’annexe II présents sur les sites.

2.      Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.

3.      Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.

4.      Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.

Lorsque le site concerné est un site abritant un type d’habitat naturel et/ou une espèce prioritaires, seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur. »

4        Aux termes de l’article 7 de ladite directive :

« Les obligations découlant de l’article 6 paragraphes 2, 3 et 4 de la présente directive se substituent aux obligations découlant de l’article 4 paragraphe 4 première phrase de la directive 79/409/CEE [du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 1979, L 103, p. 1),] en ce qui concerne les zones classées en vertu de l’article 4 paragraphe 1 ou reconnues d’une manière similaire en vertu de l’article 4 paragraphe 2 de ladite directive à partir de la date de mise en application de la présente directive ou de la date de la classification ou de la reconnaissance par un État membre en vertu de la directive [79/409] si cette dernière date est postérieure. »

2.      La directive « oiseaux »

5        L’article 4, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » prévoit :

« Les espèces mentionnées à l’annexe I font l’objet de mesures de conservation spéciale concernant leur habitat, afin d’assurer leur survie et leur reproduction dans leur aire de distribution.

À cet égard, il est tenu compte :

a)      des espèces menacées de disparition ;

b)      des espèces vulnérables à certaines modifications de leurs habitats ;

c)      des espèces considérées comme rares parce que leurs populations sont faibles ou que leur répartition locale est restreinte ;

d)      d’autres espèces nécessitant une attention particulière en raison de la spécificité de leur habitat.

Il sera tenu compte, pour procéder aux évaluations, des tendances et des variations des niveaux de population.

Les États membres classent notamment en zones de protection spéciale les territoires les plus appropriés en nombre et en superficie à la conservation de ces espèces dans la zone géographique maritime et terrestre d’application de la présente directive. »

6        Au nombre des espèces animales faisant l’objet de mesures de conservation spéciale concernant leur habitat, afin d’assurer leur survie et leur reproduction dans leur aire de distribution, dont la liste est établie à l’annexe I de ladite directive, figure, notamment, le grand tétras (Tetrao urogallus).

B.      Le droit slovaque

1.      La loi sur la conservation de la nature

7        Le zákon č. 543/2002 Z. z. o ochrane prírody a krajiny (loi no 543/2002 Rec. sur la conservation de la nature et du paysage), dans sa version applicable au 24 mars 2019 (ci-après la « loi sur la conservation de la nature »), dispose à son article 4, paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Toute personne exécutant des activités susceptibles de mettre en danger, de détériorer ou de détruire des végétaux, des animaux ou leurs habitats est tenue de procéder de manière à éviter de causer leur mort inutile, leur détérioration ou leur destruction.

2.      Si l’une des activités visées au paragraphe 1 met en danger l’existence d’espèces végétales et animales ou entraîne leur dégénérescence, une perturbation de leurs capacités de reproduction ou l’extinction de leur population, le service de l’État compétent en matière de conservation de la nature et du paysage (ci-après dénommé “autorité chargée de la conservation de la nature”) limite ou interdit ces activités, moyennant un avertissement préalable. »

8        L’article 26, paragraphes 5 et 6, de cette loi, telle que modifiée par la loi no 356/2019 Rec., entrée en vigueur le 1er janvier 2020, énonce :

« 5.      Dans une zone de protection des oiseaux, les activités susceptibles d’avoir un effet négatif sur les espèces faisant l’objet des mesures de conservation de la zone sont interdites. Les dispositions de l’article 14, paragraphes 6 et 7, s’appliquent mutatis mutandis à l’exécution des coupes d’urgence et des mesures de protection de la forêt dans toute zone de protection des oiseaux bénéficiant d’un niveau de conservation autre que le cinquième niveau.

6.      Le gouvernement classe, par décret, les habitats des espèces d’oiseaux d’intérêt communautaire et les habitats des espèces d’oiseaux migrateurs figurant sur la liste approuvée des sites ornithologiques en zones de protection des oiseaux et il établit la délimitation des zones de protection des oiseaux, ainsi que la liste des activités visées au paragraphe 5, y compris les restrictions territoriales et temporelles de leur exécution. »

9        L’article 28, paragraphes 4 à 9, de la loi sur la conservation de la nature est ainsi libellé :

« 4.      L’autorité de district du quartier général de la région émet un avis d’expert sur le projet de plan ou de projet visé au paragraphe 3 sur la possibilité d’avoir un impact significatif sur la zone du réseau de zones protégées. Si le plan ou projet doit être réalisé sur le territoire de plusieurs régions, cet avis est émis par l’autorité de district au siège de la région sur le territoire de laquelle la plus grande partie du plan ou projet doit être réalisée. Un avis d’expert peut également être émis par le ministère ou le bureau de district au siège de la région, de sa propre initiative, si l’initiative à émettre un tel avis a été identifiée au cours de la procédure de délivrance d’une dérogation, d’un consentement ou d’une déclaration au titre de la présente loi. Si, selon l’avis de l’expert, un plan ou projet est susceptible, individuellement ou en combinaison avec un autre plan ou projet, d’affecter ce territoire de manière significative, il fait l’objet d’une analyse d’impact conformément à la législation spécifique.

5.      Un plan ou projet ne peut être approuvé ou autorisé que s’il est démontré, sur la base des résultats d’une étude d’impact réalisée conformément à la législation spécifique, qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité de la zone du réseau de zones protégées au regard de ses objectifs de conservation (ci-après dénommés “atteinte à l’intégrité de la zone”).

6.      Un plan ou projet susceptible de porter atteinte à l’intégrité du territoire ne peut être approuvé ou autorisé que s’il est démontré qu’il n’existe pas d’autres solutions alternatives et doit être mis en œuvre pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique. Dans ce cas, des mesures compensatoires sont prises pour assurer la protection de la cohérence globale du réseau européen de zones protégées.

7.      Lorsque des habitats prioritaires ou des espèces prioritaires sont présents dans le réseau de zones protégées, un plan ou projet susceptible de porter atteinte à l’intégrité du site ne peut être approuvé ou autorisé que pour des raisons impératives d’intérêt public majeur liées à la santé publique et à la sécurité publiques ou à des conséquences bénéfiques d’importance majeure pour l’environnement et pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur fondées sur l’avis de la Commission européenne.

8.      La question de savoir si l’approbation d’un plan ou l’autorisation d’un projet portant atteinte à l’intégrité du territoire constitue un intérêt public supérieur est décidée par le gouvernement sur la base d’une proposition présentée par le ministère à la demande de l’autorité gouvernementale centrale dont relève le plan ou le projet approuvé. La demande contient des informations sur la portée, la localisation des mesures compensatoires proposées et le montant du financement nécessaire à leur mise en œuvre, ainsi que l’avis du ministère sur la portée et la localisation des mesures proposées visées dans les informations. Les informations sont établies par le maître d’ouvrage et l’avis est émis par le ministère à la demande du maître d’ouvrage.

9.      La proposition de mesures compensatoires est élaborée, aux frais du maître d’ouvrage, par un organisme de conservation de la nature ou une personne professionnelle compétente [article 55] en coopération avec un organisme de conservation de la nature. Pour une proposition de mesures compensatoires, le maître d’ouvrage est tenu de demander l’approbation du ministère avant d’approuver ou d’autoriser le plan ou le projet. »

10      L’article 85, paragraphes 3 et 4, de cette loi précise :

« 3.      Dans le cas d’une procédure ayant pour objet de garantir des obligations en vertu d’une loi spéciale, l’autorité chargée de la conservation de la nature rend une décision au plus tard à la date de l’activité envisagée, si la demande a été présentée conformément à l’article 82, paragraphe 1, au moins 30 jours avant l’activité envisagée.

4.      Lorsque l’autorité chargée de la conservation de la nature ne prend pas de décision en vertu du paragraphe 3, elle est réputée avoir pris une décision faisant droit à la demande. »

11      L’article 104g, paragraphes 4 et 11, de la loi sur la conservation de la nature, telle que modifiée par la loi no 356/2019 Rec., entrée en vigueur le 1er janvier 2020, dispose :

« 4.      Les interdictions prévues à l’article 13, paragraphe 1, sous c), et à l’article 14, paragraphe 1, sous l), ne s’appliquent pas aux activités exécutées dans le cadre de programmes d’entretien des forêts pour lesquels un protocole a été établi, conformément à une réglementation spécifique, avant le 31 décembre 2019.

[...]

11.      L’organisme de conservation de la nature [article 65a] évalue, au plus tard le 31 décembre 2020, l’incidence des coupes que prévoient les programmes d’entretien des forêts approuvés conformément au paragraphe 10 dans les zones du réseau européen de zones de conservation et demande dans ce délai à l’autorité chargée de la conservation de la nature de rendre une décision conformément à l’article 14, paragraphes 6 et 7, si l’exécution de ces coupes est susceptible d’affecter négativement les espèces faisant l’objet des mesures de conservation de la zone, ou propose à l’autorité chargée de la conservation de la nature de soumettre une demande de modification du programme d’entretien des forêts afin d’y intégrer des mesures visant à exclure un tel effet négatif. »

2.      La loi sur les forêts

12      Aux termes de l’article 14 du zákon č. 326/2005 Z. z. o lesoch (loi no 326/2005 Rec. sur les forêts), dans sa version applicable au 24 mars 2019 (ci-après la « loi sur les forêts ») :

« 1.      Les forêts à vocation spéciale sont des forêts déclarées comme telles et dont l’objectif est de répondre aux besoins spécifiques de la société, des personnes morales ou des personnes physiques pour lesquelles les schémas de gestion évoluent sensiblement par rapport à la gestion normale (ci-après dénommé “régime spécial de gestion”).

2.      Les forêts peuvent être déclarées comme forêts à destination spéciale :

a)      dans les zones de protection des phases I et II, où, lors du captage d’eau en surface ou souterraine, l’abondance et la qualité de la source d’eau ne peuvent être assurées que par un mode de gestion spécifique ;

b)      dans les zones de protection de ressources minérales naturelles et dans la zone thermale intérieure du site de spa ;

c)      les forêts périurbaines et autres ayant une importante fonction sanitaire, culturelle ou récréative ;

d)      dans la faisanderie et les enclos pour l’élevage d’animaux artiodactyles ;

e)      dans les zones protégées et les parcelles forestières présentant des habitats d’intérêt communautaire ou des espèces protégées ;

f)      les bases génétiques forestières établies ;

g)      destinées à la recherche et à la formation forestière ;

h)      qui sont indispensables aux besoins de la défense de l’État en vertu de règlements spécifiques (ci-après dénommés “forêts militaires”).

3.      Lorsque des forêts ayant une finalité particulière au sens du paragraphe 2, point e), sont déclarées dans l’intérêt public, une proposition de régime de gestion spécifique est élaborée dans le cadre d’une étude globale de l’état des forêts [article 38, paragraphe 2, sous b)] menée conjointement avec le demandeur ou son organisation autorisée. »

13      L’article 23, paragraphes 6 à 10, de cette loi prévoit :

« 6.      Si la récolte accidentelle dépasse 1/20 du volume total de bois prescrit pour la récolte dans le cadre d’un programme de gestion forestière pour l’unité forestière concernée ou le propriétaire concerné ou ne peut être effectuée par le gestionnaire forestier dans un délai de six mois, il établit un projet de calendrier pour sa mise en œuvre et le soumet à l’administration nationale des forêts pour approbation. L’administration nationale des forêts informe l’autorité nationale de protection de la nature et du paysage de l’ouverture de la procédure. Un recours contre la décision approuvant le programme de récolte accessoire n’a pas d’effet suspensif.

7.      Le volume de bois récolté dans une prairie de plus de 50 ans ne peut être dépassé de plus de 15 % par rapport au montant recommandé dans le programme de gestion forestière. Si le volume de bois récolté, y compris celui des arbres morts et conservés, a atteint le volume de récolte recommandé dans le programme de gestion forestière, augmenté de 15 %, le gestionnaire forestier peut continuer à procéder à des récoltes accidentelles ou à des récoltes supplémentaires.

8.      Le volume total de bois prescrit pour la récolte dans le cadre du programme de gestion forestière pour l’entité forestière [article 39, paragraphe 3] ne peut être dépassé par la récolte. Lorsqu’une entité forestière compte plusieurs gestionnaires forestiers, aucun d’entre eux ne peut dépasser le volume total de bois prescrit pour la récolte dans l’unité ou le stand de propriété.

9.      En cas de dépassement de la quantité totale de bois visée au paragraphe 8 en procédant à des récoltes accidentelles ou extraordinaires, le gestionnaire forestier peut effectuer :

a)      la récolte urgente [article 22, paragraphe 3, sous a)] à la suite d’une modification du programme de gestion forestière [article 43, paragraphes 2 et 3] ;

b)      la récolte accidentelle ;

c)      la production exceptionnelle ; ou

d)      les tâches du plan de mesures économiques [article 40, paragraphe 2, sous c)] sur la base d’une mise à jour du programme de gestion forestière [article 43, paragraphe 4].

10.      La récolte délibérée ne réduit pas la substitution de la couverture forestière à moins de 7/10 de substitution totale ; cette disposition ne s’applique pas si :

a)      l’objectif est de réduire la substitution par l’extraction minière régénérative ;

b)      la forêt est reconstruite ; ou

c)      cela résulte de l’orientation fonctionnelle des forêts de protection ou d’un régime de gestion spécifique. »

14      L’article 28, paragraphes 1 et 2, de ladite loi dispose :

« 1.      Le gestionnaire forestier est tenu de mettre en œuvre des mesures préventives afin de prévenir les dommages causés aux forêts et de mettre en œuvre des mesures de protection et de défense contre les dommages causés par des agents nuisibles, en particulier :

a)      veiller à ce que l’apparition et le développement d’agents nuisibles et de dommages forestiers causés par ceux-ci soient détectés et enregistrés ; en cas d’apparition excessive, en informer sans délai l’administration forestière de l’État et l’organisme professionnel de contrôle de la protection des forêts de l’État [article 29] ;

b)      mettre en œuvre des mesures préventives pour prévenir la propagation excessive de perturbations biotiques, assurer la stabilité et la résilience des peuplements forestiers ;

c)      enlever en priorité les arbres malades et endommagés des peuplements forestiers, qui peuvent être une source de perturbations biotiques accrues autres que les zones bénéficiant d’un cinquième degré de protection ;

d)      favoriser des pratiques et des produits sains en matière de protection des forêts, en mettant particulièrement l’accent sur les pratiques biologiques et biotechniques en matière de protection contre les dommages causés par des agents biotiques ;

e)      gérer les forêts sous l’influence d’immissions conformément aux mesures économiques spécifiées dans les programmes de gestion forestière afin d’atténuer les effets négatifs de leurs effets ;

f)      mettre en œuvre des mesures visant à prévenir les dommages causés par le gibier ;

g)      mettre en œuvre des mesures préventives contre les incendies de forêt ;

h)      gérer la forêt de manière à ne pas mettre en danger les forêts d’autres propriétaires ;

i)      respecter les autres mesures de protection des forêts imposées par l’administration nationale des forêts ou l’organisme professionnel de contrôle de la protection des forêts de l’État [article 29].

2.      En cas de menace pesant sur les forêts ou de dommages causés par des agents nuisibles, le gestionnaire forestier est tenu de mettre en œuvre, à ses propres frais, des mesures urgentes pour prévenir les menaces pesant sur les forêts et réparer les conséquences des dommages ; sur les sites protégés bénéficiant d’un cinquième degré de protection, cette obligation n’est soumise qu’après l’entrée en vigueur de la décision de l’autorité nationale de conservation de la nature et du paysage autorisant la dérogation. »

15      Aux termes de l’article 41, paragraphe 13, de la même loi, telle que modifiée par la loi no 355/2019 Rec., entrée en vigueur le 1er janvier 2020 :

« La proposition de programme d’entretien est approuvée par l’autorité chargée de l’administration des forêts par l’intermédiaire d’une décision reprenant en annexe le programme d’entretien après délivrance par l’administrateur du système d’information de l’administration des forêts [article 45] d’un certificat attestant l’exactitude et la conformité des liens entre les données numériques et graphiques de la proposition de programme d’entretien et après avis contraignant des services concernés portant sur le contrôle du respect des observations et des exigences formulées conformément au paragraphe 8 ; s’il s’agit de zones du réseau européen de zones de conservation, l’autorité chargée de l’administration des forêts rend également sa décision sur la base d’une évaluation réalisée conformément à une réglementation spécifique [note no 57 aa, qui renvoie à l’article 28 de la loi sur la conservation de la nature, telle que modifiée], comprenant une proposition de mesures visant à garantir que l’exécution du programme d’entretien n’aura pas d’effet négatif sur ces zones. [...] »

II.    La procédure précontentieuse

16      Au cours de l’année 2017, la Commission a reçu plusieurs plaintes faisant état d’une surexploitation forestière dans les douze ZPS désignées pour la conservation du grand tétras (Tetrao urogallus) en Slovaquie qui aurait affecté l’état de conservation de cette espèce protégée.

17      Lors de réunions qui se sont tenues aux mois d’octobre 2017, de février 2018 ainsi que du 31 mai au 1er juin 2018, la Commission a invité à plusieurs reprises la République slovaque à se conformer à l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ».

18      Le 19 juillet 2018, la Commission a adressé à cet État membre, conformément à l’article 258 TFUE, une lettre de mise en demeure, aux termes de laquelle elle estimait que ledit État membre avait manqué aux obligations lui incombant en vertu des directives « habitats » et « oiseaux » en ce que les PEF, les coupes d’urgence ainsi que les mesures destinées à prévenir les menaces pesant sur les forêts et à éliminer les conséquences des dommages causés par des catastrophes naturelles, celles-ci visant les agents nuisibles, n’étaient pas soumis à une évaluation appropriée de leurs incidences eu égard aux objectifs de conservation des ZPS concernées.

19      Les autorités slovaques ont répondu à la lettre de mise en demeure le 12 septembre 2018, en admettant que l’état et les tendances actuels de la population du grand tétras (Tetrao urogallus) étaient défavorables à la conservation de cette espèce protégée et qu’il était nécessaire de prendre des mesures pour améliorer la situation, y compris la modification de la législation pertinente en vigueur, à savoir la loi sur la conservation de la nature et la loi sur les forêts.

20      Par lettre du 24 janvier 2019, la Commission a adressé un avis motivé à la République slovaque, lui reprochant de ne pas avoir correctement transposé l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », lu en combinaison avec l’article 7 de cette directive, ainsi que d’avoir manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats », lu en combinaison avec son article 7, et de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « oiseaux ». La Commission a invité cet État membre à se conformer à l’avis motivé dans un délai de deux mois.

21      Par lettres du 21 mars 2019, du 21 juin 2019, du 20 décembre 2019 et du 2 juillet 2020, la République slovaque a répondu à l’avis motivé, alléguant que les manquements lui étant reprochés n’étaient pas fondés.

22      Au mois de septembre 2019, la loi sur la conservation de la nature et la loi sur les forêts ont été modifiées, avec effet au 1er janvier 2020, de telle sorte que la République slovaque considérait que la conformité de la législation nationale avec le droit de l’Union était pleinement garantie à compter de cette date.

23      Aux mois de novembre 2019, de juin 2020 et d’octobre 2020, la Commission a reçu des informations actualisées de la part des plaignants, confirmant la destruction d’habitats du grand tétras (Tetrao urogallus), le déclin de cette espèce entre les années 2015 et 2018 et des coupes de bois réalisées au cours de l’année 2019 dans des ZPS désignées pour la conservation de ladite espèce.

24      Au cours des mois de mai à juillet 2020, la Commission a reçu des informations sur l’évaluation des coupes d’urgence telle qu’effectuée conformément aux modifications législatives entrées en vigueur le 1er janvier 2020 dans l’ordre juridique slovaque.

25      Considérant que les mesures ainsi communiquées par la République slovaque étaient insuffisantes pour mettre un terme à la situation de manquement allégué, la Commission a décidé, le 5 décembre 2020, d’introduire le présent recours.

III. Sur le recours

26      À l’appui de son recours, la Commission invoque trois griefs, tirés d’une violation, premièrement, de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », deuxièmement, de l’article 6, paragraphe 2, de cette directive ainsi que, troisièmement, de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « oiseaux ».

A.      Sur le premier grief, tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », lu en combinaison avec l’article 7 de cette directive

1.      Argumentation des parties

27      La Commission considère que la République slovaque a violé l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », lu en combinaison avec l’article 7 de cette directive, en exemptant les PEF et leurs modifications, les coupes d’urgence ainsi que les mesures destinées à prévenir les menaces pesant sur les forêts et à éliminer les conséquences des dommages causés par des catastrophes naturelles de l’obligation, lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter les zones Natura 2000 de manière significative, d’être soumis à une évaluation appropriée de leurs incidences sur la zone concernée eu égard aux objectifs de conservation de cette zone.

28      À cet égard, en premier lieu, la Commission estime, concernant les PEF, que ceux-ci devraient être considérés comme des plans ou des projets qui ne sont pas directement liés ou ne sont pas nécessaires à la gestion du site dans la mesure où ils ne fixent aucun objectif ni aucune mesure de conservation.

29      Selon cette institution, les PEF sont susceptibles de compromettre les objectifs de conservation des sites Natura 2000 étant donné que leur exécution peut, notamment, déboucher sur des coupes de bois ou la construction de chemins forestiers dans lesdits sites, ou affecter ces derniers. Dès lors, conformément à l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », les autorités slovaques seraient tenues de les soumettre à une évaluation appropriée de leurs incidences et de ne les approuver qu’à la condition qu’ils ne porteront pas atteinte à l’intégrité des sites concernés.

30      Or, la Commission relève que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, à savoir le 24 mars 2019, la législation slovaque n’était pas conforme à cette disposition, puisque, d’une part, les PEF étant considérés comme des documents servant à la conservation de la nature, ils étaient ainsi exemptés d’une évaluation appropriée de leurs incidences sur les sites affectés et que, d’autre part, à compter du 1er janvier 2015, a été supprimée l’obligation préexistante d’inclure dans l’avis de l’autorité chargée de la conservation de la nature un avis sur l’évaluation appropriée des incidences. En particulier, il ressortirait de la procédure prévue à l’article 41, paragraphe 13, de la loi sur les forêts que l’autorité chargée de la conservation de la nature était consultée sur la proposition de plan et non sur sa version finale, alors que celle-ci pouvait différer de celle sur laquelle cette autorité avaient émis son avis et qu’il n’y avait aucune évaluation appropriée des incidences si cette dernière ne répondait pas dans un délai de quinze jours.

31      En outre, la Commission expose l’état des faits à la date de l’introduction du présent recours, tout en tenant compte des modifications législatives entrées en vigueur le 1er janvier 2020, telles que mentionnées au point 22 du présent arrêt. À cet égard, elle constate, d’une part, que ces modifications garantissent que les PEF sont soumis à une évaluation appropriée de leurs incidences s’il n’est pas possible d’exclure qu’ils puissent affecter les sites Natura 2000 de manière significative et ont donc remédié au problème de la non-conformité à l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » pour ce qui est des PEF élaborés et approuvés après l’entrée en vigueur de ces modifications législatives. En revanche, les PEF existants et déjà approuvés seraient soustraits à l’obligation de réaliser une évaluation appropriée de leurs incidences.

32      D’autre part, la Commission estime que les dispositions transitoires prévues par ces modifications législatives ne sont pas suffisantes pour garantir la conformité de la législation nationale à l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ». Premièrement, ces dispositions n’indiqueraient pas clairement sur quelle base l’organisme de conservation de la nature est tenu d’engager la modification d’un PEF déjà approuvé. Deuxièmement, il n’y aurait pas d’obligation explicite d’évaluer si un tel PEF est susceptible d’affecter le site concerné de manière significative, ni d’obligation explicite de procéder à une évaluation appropriée de ses incidences. Troisièmement, il ne serait pas garanti qu’une suite soit donnée à une telle demande de l’organisme de conservation de la nature visant à faire modifier un PEF déjà approuvé. Quatrièmement, seule l’incidence des coupes prévues par les PEF serait évaluée, et non l’incidence du PEF dans son ensemble. Cinquièmement, il ne serait pas précisé que les PEF approuvés ne peuvent être mis en œuvre que pour autant qu’ils ne porteront pas atteinte à l’intégrité des sites Natura 2000.

33      En deuxième lieu, s’agissant des coupes d’urgence, la Commission fait observer, tout d’abord, qu’elles doivent être considérées comme constituant des plans ou des projets qui ne sont pas nécessaires pour le sites Natura 2000 étant donné qu’elles ne poursuivent pas l’objectif de conserver des habitats ou des espèces justifiant la désignation d’un site en « site protégé du réseau Natura 2000 ».

34      Ensuite, la Commission relève que, à l’expiration du délai fixé dans son avis motivé, l’article 23, paragraphe 9, de la loi sur les forêts prévoyait la possibilité d’exécuter une coupe d’urgence au-delà du cadre convenu dans le PEF, sans que l’autorisation de l’autorité chargée de la conservation de la nature soit requise.

35      En outre, cette institution précise que, conformément aux dispositions nationales applicables, il ne serait nécessaire d’informer l’autorité chargée de la conservation de la nature que si le volume de bois coupé dépassait 20 % du peuplement dans la zone couverte par le PEF, ou s’il était coupé sur une superficie continue de plus de 0,5 hectare. Par ailleurs, le consentement de cette autorité était présumé acquis si celle‑ci n’émettait pas d’avis dans les 30 jours.

36      Au cours de la phase précontentieuse, les autorités slovaques auraient également reconnu, à cet égard, la non-conformité de la législation pertinente avec l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » et fait part des modifications législatives entrées en vigueur le 1er janvier 2020 qui introduisent de nouvelles règles concernant les coupes d’urgence pour chaque niveau de protection, mais qui, de l’avis de la Commission, demeurent insuffisantes.

37      En particulier, les gestionnaires forestiers conserveraient, aux termes de l’article 23, paragraphe 14, de la loi sur les forêts, la possibilité d’exécuter des coupes d’urgence au-delà du volume total de bois établi dans le PEF. Pour les sites des deuxième à quatrième niveaux, où sont situés la plupart des sites Natura 2000, bien que l’autorité chargée de la conservation de la nature puisse, sous certaines conditions, interdire ou limiter une coupe d’urgence, aucune évaluation appropriée des incidences ne serait prévue. De plus, les autorités slovaques auraient confirmé que, même pour le cinquième niveau de protection, il était possible, jusqu’au 1er janvier 2020, de déroger à l’interdiction de ces mesures avec le consentement présumé acquis de l’autorité chargée de la conservation de la nature.

38      Enfin, la Commission observe que les coupes d’urgence représentaient environ 52 % du volume total des coupes réalisées en Slovaquie au cours de l’année 2017. Entre les années 2014 et 2017, leur part dans le volume total des coupes réalisées en Slovaquie était en moyenne de plus de 55 % par rapport aux coupes prévues dans les PEF et, au cours de la dernière décennie, les coupes d’urgence représentaient entre 40 % et 65 % de l’extraction de bois dans cet État membre.

39      En troisième lieu, en ce qui concerne les mesures destinées à prévenir les menaces pesant sur les forêts et à éliminer les conséquences des dommages causés par des agents nuisibles, qui, pour les mêmes raisons que celles mentionnées au point 33 du présent arrêt, ne seraient pas directement liées à la gestion des sites, la Commission relève que, de la même manière que pour les coupes d’urgence, la décision de l’autorité chargée de la conservation de la nature n’était requise qu’au cinquième niveau de protection et, même dans ce cas, l’autorisation de ladite autorité était présumée accordée dès lors que celle-ci n’avait pas adopté de décision dans les 30 jours, de sorte qu’aucune évaluation appropriée de leurs incidences n’était réalisée.

40      La République slovaque conteste l’allégation de la Commission selon laquelle les PEF seraient exemptés de l’obligation d’être soumis à une évaluation appropriée de leurs incidences. À cet égard, cet État membre se félicite que le grief de la Commission ne concerne plus les PEF élaborés et approuvés après le 1er janvier 2020 et admet, dans son mémoire en duplique, que les PEF adoptés avant le 1er janvier 2020 n’ont pas fait l’objet, entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2019, d’évaluations appropriées de leurs incidences en raison de lacunes dans l’application pratique de la réglementation en vigueur à cette période.

41      Toutefois, les autorités slovaques relèvent que, d’une part, ces PEF n’étaient pas pour autant exemptés de l’obligation d’évaluation appropriée énoncée à l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », puisque l’article 28 de la loi sur la conservation de la nature, qui transpose cette disposition dans l’ordre juridique slovaque, leur était applicable. D’autre part, conformément à l’article 104g, paragraphe 11, de la loi sur la conservation de la nature, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, l’organisme de conservation de la nature avait l’obligation de procéder, avant le 31 décembre 2020, à une évaluation de l’incidence d’une coupe délibérée dans le cadre des anciens PEF sur les sites du réseau Natura 2000.

42      En outre, en ce qui concerne les coupes d’urgence et les autres mesures de protection de la forêt, la République slovaque relève que, depuis le 1er janvier 2020, il a été mis fin à la présomption de consentement de l’autorité chargée de la conservation de la nature, telle que mentionnée au point 35 du présent arrêt.

43      Enfin, la République slovaque conteste la recevabilité de l’argument soulevé par la Commission au stade du mémoire en réplique, selon lequel la préévaluation, par l’autorité chargée de la conservation de la nature, de l’éventualité d’une incidence significative sur le site n’aboutirait pas à l’adoption d’une décision établissant si les coupes d’urgence sont susceptibles d’affecter les sites Natura 2000 de manière significative, excède le cadre des violations alléguées et serait, en conséquence, irrecevable.

2.      Appréciation de la Cour

a)      Sur la recevabilité

44      Afin de déterminer la portée du présent grief, il y a lieu de relever que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements éventuels intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour [arrêt du 27 février 2020, Commission/Belgique (Comptables), C‑384/18, EU:C:2020:124, point 18 et jurisprudence citée]. Ainsi, l’objet d’un recours en manquement, en application de l’article 258 TFUE, est fixé par l’avis motivé de la Commission, de telle sorte que le recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que cet avis [arrêt du 24 juin 2021, Commission/Espagne (Détérioration de l’espace naturel de Doñana), C‑559/19, EU:C:2021:512, point 160 et jurisprudence citée].

45      En cas de modification postérieure de la réglementation nationale mise en cause dans le cadre d’une procédure en manquement, la Commission ne modifie pas l’objet de son recours en imputant les griefs formulés à l’égard de la réglementation antérieure à celle résultant de la modification adoptée, lorsque les deux versions de la réglementation nationale ont un contenu identique [arrêt du 27 février 2020, Commission/Belgique (Comptables), C‑384/18, EU:C:2020:124, point 19 et jurisprudence citée].

46      En revanche, l’objet du litige ne saurait être étendu à des obligations qui découlent de nouvelles dispositions n’ayant pas d’équivalent dans la version initiale de l’acte en cause, sous peine de constituer une violation des formes substantielles de la régularité de la procédure constatant le manquement [arrêt du 27 février 2020, Commission/Belgique (Comptables), C‑384/18, EU:C:2020:124, point 20 et jurisprudence citée].

47      En l’occurrence, dans la mesure où la Commission a imputé, dans sa requête et dans son mémoire en réplique, son premier grief avancé initialement dans son avis motivé également sur les modifications législatives mentionnées au point 22 du présent arrêt, il y a lieu de déterminer si cette imputation implique, en tant que telle, une modification de la portée dudit grief.

48      En premier lieu, en ce qui concerne la première branche du premier grief, relative à l’absence d’évaluation appropriée des incidences des PEF, il convient de relever que l’article 41, paragraphe 13, de la loi sur les forêts, dans sa version issue des modifications entrées en vigueur le 1er janvier 2020, comprend désormais une obligation expresse de soumettre les PEF à une évaluation appropriée, laquelle est toutefois sans incidence sur les PEF existants et approuvés avant cette date, qui demeurent soustraits à l’obligation d’une telle évaluation. Cette disposition n’a dès lors pas d’équivalent dans la législation antérieure.

49      En deuxième lieu, s’agissant de la deuxième branche du premier grief, tirée de l’absence d’évaluation appropriée des coupes d’urgence, la Commission admet elle-même que la modification de la loi sur la conservation de la nature a introduit de nouvelles règles concernant ces coupes d’urgence pour chaque niveau de protection, qui ne trouvent dès lors pas d’équivalent dans la législation antérieure.

50      En troisième lieu, à l’égard de la troisième branche du premier grief, portant sur l’absence d’évaluation appropriée des mesures destinées à prévenir les menaces pesant sur les forêts et à éliminer les conséquences des dommages causés par les agents nuisibles, il ressort du libellé de l’article 26, paragraphe 5, de la loi sur la conservation de la nature, dans sa version issue des modifications entrées en vigueur le 1er janvier 2020, que cette disposition introduit une nouvelle règle, à savoir l’application aux zones protégées pour les oiseaux des règles relatives au troisième niveau de protection.

51      Ainsi, dans la mesure où les modifications de la loi sur la conservation et de la loi sur les forêts, telles qu’entrées en vigueur le 1er janvier 2020, ont remanié de manière significative le cadre législatif de protection des forêts sur le territoire slovaque, leur contenu ne saurait être considéré comme étant identique à celui de la législation antérieure.

52      Partant, pour autant que le premier grief porte également sur lesdites modifications législatives, celles-ci modifient la portée de ce grief de telle sorte qu’il y a lieu de l’examiner sans tenir compte de l’extension effectuée par la Commission dans la requête et le mémoire en réplique et de s’en tenir, ainsi, à la portée dudit grief telle que déterminée dans l’avis motivé.

53      Dans ces conditions, il convient de rejeter en tant qu’irrecevable le premier grief en ce qu’il vise les modifications de la loi sur la conservation de la nature et de la loi sur les forêts, telles qu’entrées en vigueur le 1er janvier 2020, et de se limiter au seul examen de la compatibilité avec l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » de la législation nationale dans sa version applicable au terme du délai fixé dans l’avis motivé.

54      En qui concerne, en quatrième et dernier lieu, l’irrecevabilité soulevée par la République slovaque à l’égard de l’argument développé par la Commission dans son mémoire en réplique relativement à la procédure de préévaluation, il y a lieu de relever que le fait que cette institution a détaillé, dans ce mémoire, la première branche de son premier grief qu’elle avait déjà fait valoir de manière plus générale dans la requête afin de répondre aux arguments développés par les autorités slovaques dans leur mémoire en défense n’a pas modifié l’objet du manquement allégué et n’a donc eu aucune incidence sur la portée du litige [voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 68 et jurisprudence citée].

55      Il s’ensuit que cet argument est recevable.

b)      Sur le fond

1)      Observations liminaires

56      Il convient de rappeler que l’article 6 de la directive « habitats » impose aux États membres une série d’obligations et de procédures spécifiques visant à assurer, ainsi qu’il ressort de l’article 2, paragraphe 2, de cette directive, le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt pour l’Union européenne, en vue d’atteindre l’objectif plus général de ladite directive qui est de garantir un niveau élevé de protection de l’environnement s’agissant des sites protégés en vertu de celle-ci (arrêt du 7 novembre 2018, Holohan e.a., C‑461/17, EU:C:2018:883, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

57      Ainsi, les dispositions de la directive « habitats » visent à ce que les États membres prennent des mesures de protection appropriées afin de maintenir les caractéristiques écologiques des sites qui abritent des types d’habitats naturels [arrêt du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża), C‑441/17, EU:C:2018:255, point 107 et jurisprudence citée].

58      À cette fin, l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » prévoit une procédure d’évaluation visant à garantir, à l’aide d’un contrôle préalable, qu’un plan ou un projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site concerné, mais susceptible d’affecter ce dernier de manière significative, ne soit autorisé que pour autant qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité de ce site [arrêt du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża), C‑441/17, EU:C:2018:255, point 108 et jurisprudence citée].

59      En particulier, compte tenu du principe de précaution, lorsqu’un plan ou un projet non directement lié ou nécessaire à la gestion d’un site risque de compromettre les objectifs de conservation de celui-ci, il doit être considéré comme étant susceptible d’affecter ce site de manière significative. L’appréciation dudit risque doit être effectuée, notamment, à la lumière des caractéristiques et des conditions environnementales spécifiques du site concerné par un tel plan ou projet [arrêt du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża), C‑441/17, EU:C:2018:255, point 112 et jurisprudence citée].

60      L’évaluation appropriée des incidences d’un plan ou d’un projet sur le site concerné devant être effectuée en vertu de l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive « habitats » implique que doivent être identifiés, compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière, tous les aspects du plan ou du projet en cause pouvant, par eux‑mêmes ou en combinaison avec d’autres plans ou projets, affecter les objectifs de conservation de ce site [arrêt du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża), C‑441/17, EU:C:2018:255, point 113].

61      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner si, comme la Commission le soutient par son premier grief, la République slovaque a méconnu l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ».

2)      Sur la première branche du premier grief, relative aux PEF

62      D’emblée, il convient de relever que la République slovaque ne conteste pas que les PEF constituent des plans qui ne sont pas directement liés ou nécessaires à la gestion des douze ZPS désignées pour la conservation du grand tétras (Tetrao urogallus) sur son territoire qui doivent, en cette qualité, être soumis à une évaluation appropriée de leurs incidences.

63      Or, il convient de relever que, selon les propres affirmations de cet État membre, les PEF n’étaient pas soumis, depuis le 1er janvier 2015, à une évaluation appropriée de leurs incidences en raison de l’absence de procédures et de processus suffisamment complets et harmonisés.

64      En particulier, il ressort des éléments du dossier que, à compter de cette date, l’obligation préexistante, prévue à l’article 28, paragraphe 4, de la loi sur la conservation de la nature, d’inclure dans l’avis des autorités chargées de la conservation de la nature un avis scientifique sur le risque qu’un PEF affecte de manière significative un site Natura 2000, a été supprimée.

65      Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir la première branche du premier grief.

3)      Sur la deuxième branche du premier grief, relative aux coupes d’urgence

66      En premier lieu, il convient de relever qu’il n’est pas contesté que les coupes d’urgence constituent des plans qui ne sont pas directement liés ou nécessaires à la gestion des douze ZPS désignées pour la conservation du grand tétras (Tetrao urogallus) en Slovaquie, au sens de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », qui doivent, dès lors, être soumises à une évaluation appropriée de leurs incidences.

67      En deuxième lieu, il importe de souligner, d’une part, que l’article 23, paragraphe 9, de la loi sur les forêts, lu en combinaison avec le paragraphe 8 de ladite disposition, autorise les coupes qui excèdent la quantité totale de bois prescrite pour la récolte dans le cadre du PEF sans que figure une quelconque mention d’une évaluation préalable des incidences de telles coupes et sans que l’autorisation de l’organisme de conservation de la nature soit requise. D’autre part, si le cinquième niveau de protection, associé à un régime de non-intervention, ne relève pas des dispositions précitées, force est de constater que, conformément à l’article 85, paragraphe 4, de la loi sur la conservation de la nature, le consentement de l’autorité chargée de la conservation de la nature à une coupe d’urgence dans un site relevant de ce niveau de protection était présumé acquis lorsque celui-ci n’avait pas adopté de décision au moins 30 jours avant l’activité envisagée.

68      Or, la République slovaque indique, dans son mémoire en défense, que ce consentement présumé de l’organisme de conservation de la nature a seulement été supprimé à compter du 1er janvier 2020.

69      À cet égard, il convient de rappeler que la possibilité de dispenser de manière générale certaines activités, conformément à la réglementation en vigueur, de la nécessité d’une évaluation de leurs incidences sur le site concerné n’est pas de nature à garantir que ces activités ne portent pas atteinte à l’intégrité du site protégé. Ainsi, l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » ne saurait autoriser un État membre à édicter des règles nationales qui feraient échapper, de manière générale, certains types de plans ou de projets à l’obligation d’une évaluation de leurs incidences sur le site concerné (arrêt du 7 novembre 2018, Coöperatie Mobilisation for the Environment e.a., C‑293/17 et C‑294/17, EU:C:2018:882, point 114 ainsi que jurisprudence citée).

70      Il découle de ce qui précède que, en dispensant de manière générale les coupes d’urgence d’une évaluation de leurs incidences dans les ZPS désignées pour la conservation du grand tétras (Tetrao urogallus), la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ».

71      Partant, il y a lieu d’accueillir la deuxième branche du premier grief.

4)      Sur la troisième branche du premier grief, relative aux mesures destinées à prévenir les menaces pesant sur les forêts et à éliminer les conséquences des dommages causés par les agents nuisibles

72      Il convient d’emblée de relever que les autorités slovaques ont développé leur argumentation à cet égard uniquement à l’aune de la situation prévalant à la suite des modifications législatives intervenues avec effet au 1er janvier 2020, de sorte que, pour les motifs énoncés au points 52 et 53 du présent arrêt, celle-ci ne saurait être prise en compte dans le cadre de l’appréciation de la troisième branche du premier grief.

73      En tout état de cause, il y a lieu de constater que la République slovaque ne conteste pas la qualification des mesures destinées à prévenir les menaces pesant sur les forêts et à éliminer les conséquences des dommages causés par les agents nuisibles en tant que plan ou projet qui ne serait pas directement lié ou nécessaire à la gestion des sites Natura 2000.

74      Or, ainsi que le relève la Commission, la décision de l’autorité chargée de la conservation de la nature n’était requise que pour le cinquième niveau de protection, associé à un régime de non-intervention, de sorte que les mesures destinées à prévenir les menaces pesant sur les forêts et à éliminer les conséquences des dommages causés par les agents nuisibles dans les quatre premiers niveaux de protection n’étaient soumises à aucune autorisation et, partant, à aucune évaluation appropriée de leurs incidences dans les ZPS désignées pour la conservation du grand tétras (Tetrao urogallus).

75      En outre, pour les raisons mentionnées aux points 67 et 68 du présent arrêt, il y a lieu de considérer que, à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, le régime de non-intervention associé au cinquième niveau de protection ne permettait pas davantage d’assurer la conformité de la législation nationale à l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ».

76      Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir la troisième branche du premier grief.

77      Il découle des considérations qui précèdent que, en exemptant les PEF et leurs modifications, les coupes d’urgence et les mesures destinées à prévenir les menaces pesant sur les forêts et à éliminer les conséquences des dommages causés par des catastrophes naturelles de l’obligation, lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter les zones de protection spéciale désignées pour la conservation du grand tétras (Tetrao urogallus), d’être soumis à une évaluation appropriée de leurs incidences sur la zone concernée eu égard aux objectifs de conservation de cette zone, la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », lu en combinaison avec l’article 7 de cette directive.

B.      Sur le deuxième grief, tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats », lu en combinaison avec l’article 7 de cette directive

1.      Argumentation des parties

78      Par son deuxième grief, la Commission reproche à la République slovaque d’avoir méconnu l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » en ne prenant pas les mesures appropriées pour empêcher la détérioration des habitats et les perturbations aux effets significatifs dans les ZPS désignées pour la conservation du grand tétras (Tetrao urogallus).

79      À cet égard, en premier lieu, cette institution soutient que l’exploitation intensive des forêts, les coupes rases sur de grandes surfaces avec plantation de monocultures sombres et le recours aux pesticides ont endommagé l’habitat du grand tétras (Tetrao urogallus) dans les douze ZPS concernées en réduisant la superficie de cet habitat ainsi que sa structure spécifique et ses fonctions, contribuant ainsi à un déclin significatif de la population de cette espèce dans ces ZPS.

80      La Commission fait observer, en outre, que la plus grande réduction de l’habitat du grand tétras (Tetrao urogallus) a été constatée dans l’une des cinq ZPS principales, en l’occurrence la ZPS Nízke Tatry, dans laquelle une grande quantité de bois a été coupée pour résoudre le problème des insectes sous-corticaux.

81      Cette institution souligne que la République slovaque aurait elle-même reconnu la détérioration des habitats du grand tétras (Tetrao urogallus) dans le cadre du Programme de conservation du Grand tétras 2018/2022 approuvé par le ministère de l’Environnement au mois d’avril 2018 (ci‑après le « Programme de conservation »).

82      En deuxième lieu, la Commission observe que, quand bien même, comme la République slovaque l’a fait valoir au cours de la phase précontentieuse, les autorités chargées de la conservation de la nature ont, entre les années 2015 et 2018, rendu sept décisions, sur 33 demandes, tendant à limiter ou à interdire l’exploitation forestière et mené dix inspections après une mise en alerte émanant d’une organisation non gouvernementale (ONG) qui ont conduit à l’interruption de coupes de bois dans cinq ZPS, ces décisions et ces contrôles individuels ne sont pas suffisants ou appropriés pour la conservation du grand tétras (Tetrao urogallus) en ce qu’ils se limitent à des cas isolés et n’ont été réalisés qu’en réponse à des demandes émanant de particuliers ou d’ONG. Alors que l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » exige un régime de protection juridique cohérent, spécifique et complet, la République slovaque n’aurait pas introduit un système structurel permettant d’exécuter des coupes seulement si celles-ci n’affectent pas les sites Natura 2000 de manière significative.

83      En troisième lieu, la Commission fait remarquer que cette situation perdurait encore lors de l’introduction du présent recours. Premièrement, si les autorités slovaques ont souligné qu’elles avaient émis des avis sur 1 599 coupes d’urgence, en donnant un avis négatif dans presque 150 cas, il n’y aurait cependant eu, dans les 1 000 cas où des conditions strictes et spécifiques auraient été fixées, ni examen de la probabilité que les sites soient affectés de manière significative ni évaluation appropriée de leurs incidences. En outre, dans environ 450 cas, aucune limitation n’aurait été imposée et il aurait donc été possible d’exécuter une coupe d’urgence sans examen de la probabilité que les sites soient affectés de manière significative et sans évaluation appropriée de leurs incidences.

84      Deuxièmement, la Commission avance que les mesures les plus importantes du Programme de conservation, telles que les modifications des décrets désignant les ZPS afin d’interdire les activités nuisibles, l’adoption de programmes d’entretien des ZPS, le zonage des plus grandes zones protégées et l’introduction d’un régime de non‑intervention associé au cinquième niveau de protection, n’ont toujours pas été adoptées par la République slovaque.

85      Troisièmement, alors que la République slovaque a expliqué qu’une gestion des forêts favorable au grand tétras (Tetrao urogallus) serait possible si les forêts concernées étaient classées « forêts à usage spécial », en vertu de l’article 14, paragraphe 2, point e), de la loi sur les forêts, la Commission constate que la procédure de désignation prévue à cette disposition n’a pas encore débuté.

86      Quatrièmement, cette institution relève que l’adoption de mesures provisoires, au titre du nouvel article 104g, paragraphe 4, de la loi sur la conservation de la nature, en attendant le terme du processus de modification de la législation n’est pas conforme à l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » qui édicte des obligations ayant vocation à s’appliquer en permanence aux zones spéciales de conservation.

87      La République slovaque répond, en premier lieu, que, afin de prévenir la détérioration des habitats du grand tétras (Tetrao urogallus) ainsi que les perturbations aux effets significatifs dans les ZPS désignées pour la conservation de cette espèce, les autorités chargées de la conservation de la nature ont adopté des décisions au titre de l’article 4, paragraphe 2, de la loi sur la conservation de la nature, y compris avant l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation.

88      Cet État membre souligne, en deuxième lieu, qu’il intervient de manière continue pour évaluer et approuver les plans et les projets dont la réalisation pourrait avoir un effet négatif sur les habitats du grand tétras (Tetrao urogallus), comme l’attesteraient, d’une part, l’arrêt de la construction réalisée dans le cadre du projet de la société STIV Čertovica, s. r. o. sur le site de la ZPS Nízke Tatry relatif à l’élargissement des pistes de ski et aux constructions y afférentes et, d’autre part, l’évaluation en cours des incidences du projet « Optimisation des infrastructures de transport à la montagne et du transport à Štrbské Pleso ».

89      En troisième lieu, la République slovaque recense un certain nombre de mesures, adoptées entre les années 2018 et 2020, qui démontrent, selon elle, les progrès réalisés dans la procédure de préparation, de prénégociation et d’approbation des programmes d’entretien des ZPS. À ce titre, sont notamment cités :

–        l’approbation du PEF pour la ZPS Horná Orava qui fait l’objet d’une proposition demandant son passage en catégorie « forêt à usage spécial », au sens de l’article 14, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous e), de la loi sur les forêts ;

–        l’élaboration, au cours de l’année 2019, par l’organisme de conservation de la nature du projet de PEF pour la ZPS Muránska planina-Stolica ;

–        l’élaboration, entre les mois de septembre 2020 et de janvier 2021, par l’organisme de conservation de la nature de propositions scientifiques de PEF pour six ZPS (Nízke Tatry, Tatry, Veľká Fatra, Malá Fatra, Volovské vrchy et Levočské vrchy) ;

–        la finalisation, au mois d’août 2020, du processus de préparation et de consultations scientifiques sur le projet de réserve naturelle Pralesy Slovenska (Forêts primaires en Slovaquie) qui devrait permettre à cette réserve naturelle de bénéficier du cinquième niveau de protection ;

–        la préparation, au mois d’octobre 2020, d’un projet de protection afin de créer la réserve naturelle du Hluchánia, dont l’objectif est de protéger les peuplements forestiers résiduels sur ce site initial d’habitat du grand tétras (Tetrao urogallus).

90      En outre, la République slovaque relève que, ainsi que cela ressort d’une analyse réalisée par l’organisme de conservation de la nature au mois de juillet 2020, sur une superficie totale de 54 346,17 hectares, les habitats du grand tétras (Tetrao urogallus) bénéficient, à hauteur de 23 952,19 hectares, du régime de non-intervention. Toutefois, un tel régime, qui ne serait d’ailleurs pas requis à l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats », pourrait s’avérer manifestement inapproprié pour cette espèce en fonction des conditions concrètes de l’habitat en cause, notamment si la forêt est devenue trop vieille et uniforme.

91      En quatrième et dernier lieu, selon cet État membre, le caractère adéquat et proportionné des mesures adoptées dans les ZPS désignées pour la conservation du grand tétras (Tetrao urogallus) sont déjà partiellement visibles. Ainsi, au cours des deux dernières années, aurait pu être observée une tendance à la stabilisation de la population des individus de cette espèce, même si elle continuerait à légèrement décliner.

2.      Appréciation de la Cour

a)      Sur la recevabilité

92      Il convient d’emblée de relever que la Commission vise, dans le cadre du présent grief, tant des faits antérieurs que des faits postérieurs à l’avis motivé.

93      Selon une jurisprudence constante, telle que rappelée au point 44 du présent arrêt, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé.

94      Il ressort également d’une jurisprudence constante que, dans la mesure où un recours vise à dénoncer un manquement systématique et persistant à l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats », la production d’éléments complémentaires visant, au stade de la procédure devant la Cour, à étayer la généralité et la constance du manquement ainsi allégué ne saurait être exclue en principe (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2017, Commission/Bulgarie, C‑488/15, EU:C:2017:267, point 42 et jurisprudence citée).

95      En particulier, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que l’objet d’un recours en manquement peut s’étendre à des faits postérieurs à l’avis motivé pour autant qu’ils sont de même nature et constitutifs d’un même comportement que les faits visés par ledit avis (arrêt du 5 avril 2017, Commission/Bulgarie, C‑488/15, EU:C:2017:267, point 43 et jurisprudence citée).

96      En l’occurrence, il convient de relever que, alors que la date d’expiration du délai imparti dans l’avis motivé adressé à la République slovaque a été fixée au 24 mars 2019, l’ensemble des faits invoqués par la Commission dans sa requête, portant exclusivement sur l’absence ou l’insuffisance de mesures appropriées destinées à protéger les habitats du grand tétras (Tetrao urogallus) dans les ZPS désignées pour sa conservation, sont postérieurs à cette date.

97      Or, bien que n’ayant pas été évoqués durant la procédure précontentieuse, ces faits, dont la Commission a eu connaissance après l’émission de cet avis motivé, ont pu être valablement mentionnés par cette institution à l’appui de sa requête, à titre d’illustration du manquement d’ordre général qu’elle dénonce.

b)      Sur le fond

98      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’une activité n’est conforme à l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » que s’il est garanti qu’elle n’engendre aucune perturbation susceptible d’affecter de manière significative les objectifs de ladite directive, en particulier les objectifs de conservation de celle-ci (arrêt du 24 novembre 2011, Commission/Espagne, C‑404/09, EU:C:2011:768, point 126 et jurisprudence citée).

99      En vertu de cette disposition, le statut juridique de protection des ZPS doit également garantir que soient évitées, dans celles-ci, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations significatives touchant les espèces pour lesquelles lesdites zones ont été classées (arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Grèce, C‑293/07, non publié, EU:C:2008:706, point 24 et jurisprudence citée).

100    Il ressort d’une jurisprudence de la Cour que, d’une part, la protection des ZPS ne doit pas se limiter à des mesures destinées à obvier aux atteintes et aux perturbations externes causées par l’homme, mais doit aussi, selon la situation qui se présente, comporter des mesures positives visant à conserver et à améliorer l’état du site (arrêt du 24 novembre 2011, Commission/Espagne, C‑404/09, EU:C:2011:768, point 135).

101    D’autre part, afin d’établir un manquement à l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats », la Commission n’a pas à prouver une relation de cause à effet entre une activité de gestion forestière et une perturbation significative causée au grand tétras (Tetrao urogallus). Compte tenu du fait que le paragraphe 2 de l’article 6 de la directive « habitats » et le paragraphe 3 de cet article visent à assurer le même niveau de protection, il suffit que la Commission établisse l’existence d’une probabilité ou d’un risque que cette activité provoque des perturbations significatives pour cette espèce (arrêt du 24 novembre 2011, Commission/Espagne, C‑404/09, EU:C:2011:768, point 142).

102    Au vu des éléments qui précèdent, il y a lieu de considérer que, en l’occurrence, le deuxième grief ne saurait être fondé que pour autant que la Commission démontre à suffisance de droit que la République slovaque n’a pas pris les mesures de protection appropriées, consistant à éviter que les activités de gestion forestière ne produisent des détériorations des habitats du grand tétras (Tetrao urogallus) ainsi que des perturbations susceptibles d’affecter de manière significative l’objectif poursuivi par la directive « habitats » d’assurer la conservation de ladite espèce.

103    À cet égard, en premier lieu, il ressort du dossier soumis à la Cour et, notamment, du Programme de conservation que des coupes intensives de bois sur de grandes surfaces et le recours à des pesticides pour lutter contre les insectes sous-corticaux, y compris pendant la période de reproduction du grand tétras (Tetrao urogallus), ont contribué à un déclin significatif de la population de cette espèce dans les douze ZPS désignées pour sa conservation, à savoir une chute de 49,4 % entre les années 2004 et 2019.

104    En particulier, s’agissant de la ZPS Nízke Tatry où la plus grande perte d’habitat du grand tétras (Tetrao urogallus) a été constatée à la suite de coupes d’urgence, la population de cette espèce a diminué de 42,5 % entre les années 2004 et 2015.

105    Or, force est de constater que la République slovaque demeure en défaut d’établir qu’elle a adopté des mesures appropriées afin d’éviter que de telles activités de gestion forestière provoquent des perturbations significatives pour le grand tétras (Tetrao urogallus).

106    Certes, cet État membre a démontré, par l’approbation du Programme de conservation, qu’il a conscience du déclin de l’habitat et de la population de cette espèce et qu’il envisage de remédier à cette situation, comme en témoignent les décisions adoptées par les autorités chargées de la protection de la nature jusqu’au 20 juin 2020 pour limiter ou interdire l’exploitation forestière dans les zones d’habitat du grand tétras (Tetrao urogallus) et les inspections menées dans certaines ZPS.

107    Toutefois, ces mesures s’avèrent lacunaires, en ce qu’elles ne comportent pas de mesures de conservation établies de manière systématique, en fonction des exigences écologiques de cette espèce et de chaque type d’habitat présent dans chacune des douze ZPS désignées pour sa conservation. En effet, comme le relève la Commission, lesdites mesures se limitent à des cas isolés et ont été adoptées, le plus souvent, uniquement à la suite de plaintes émanant de particuliers ou d’ONG, de sorte qu’elles revêtent un caractère partiel et attestent de l’absence de système structurel visant à assurer la conservation du grand tétras (Tetrao urogallus) en mettant un terme aux détériorations de son habitat.

108    En second lieu, il convient de souligner que la République slovaque fait état, dans son mémoire en défense, d’un ensemble de mesures qui, selon elle, sont appropriées pour prévenir la détérioration des habitats du grand tétras (Tetrao urogallus) ainsi que les perturbations ayant un effet significatif sur cette espèce, à savoir le projet « Optimisation des infrastructures de transport à la montagne et du transport à Štrbské Pleso », la proposition de requalification de la ZPS Horná Orava en « forêt à usage spécial », le projet de zonage du parc national pour la ZPS Muránska planina-Stolica, les propositions scientifiques de PEF pour six ZPS, les projets de réserve naturelle Pralesy Slovenska (Forêts primaires de Slovaquie) et Hluchánia et le projet intégré Natura 2000 SVK.

109    Or, ainsi que la Commission le souligne, à l’exception du projet Natura 2000 SVK, dont la réalisation a débuté au mois de janvier 2021, toutes les mesures mentionnées au point précédent sont à l’état de projet et n’ont, en conséquence, pas été mises en œuvre tant au terme du délai fixé dans l’avis motivé qu’à la date de l’introduction du présent recours. Ainsi, pour autant qu’elles comportent des obligations ne valant que pour l’avenir, ces mesures ne sauraient être qualifiées de « mesures appropriées », au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats ».

110    Il s’ensuit que la Commission a démontré, de manière suffisamment documentée et circonstanciée, l’absence constante et quasi généralisée de mesures de protection appropriée, consistant à éviter que les activités de gestion forestière ne produisent des détériorations des habitats du grand tétras (Tetrao urogallus) ainsi que des perturbations de cette espèce susceptibles d’avoir des effets significatifs eu égard à l’objectif de conservation de ladite espèce.

111    Il résulte des considérations qui précèdent que, en ne prenant pas les mesures appropriées pour empêcher la détérioration des habitats et les perturbations aux effets significatifs dans les ZPS désignées pour la conservation du grand tétras (Tetrao urogallus), la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats », lu en combinaison avec l’article 7 de cette directive.

C.      Sur le troisième grief, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « oiseaux »

1.      Argumentation des parties

112    Par son troisième grief, la Commission reproche à la République slovaque d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » en ne prenant pas les mesures de conservation spéciale applicables à l’habitat du grand tétras (Tetrao urogallus) dans les ZPS désignées pour sa conservation afin d’assurer sa survie et sa reproduction dans son aire de distribution.

113    En particulier, la Commission souligne que cette disposition établit un mode de gestion des ZPS apparenté à celui de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats », de sorte que les ZPS sont soumises à un régime de protection analogue à celui des zones spéciales de conservation visées à cette dernière disposition. En conséquence, l’obligation de prévoir des mesures de conservation spéciale visée à l’article 4, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » comprendrait l’obligation de fixer des objectifs de conservation et des mesures spécifiques au site concerné, lesquelles doivent être effectivement mises en œuvre.

114    Or, la Commission fait observer que, à la date de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, la République slovaque n’avait pas adopté de mesures de conservation spéciale concernant l’habitat du grand tétras (Tetrao urogallus) dans onze des douze ZPS désignées pour sa conservation. En outre, cette institution note que, à la date de l’introduction du présent recours, sept ZPS désignées pour la conservation de cette espèce, en ce compris le site le plus important pour cette espèce, à savoir la ZPS Nizke Tatry, ne disposaient pas de programmes d’entretien des zones de conservation.

115    En particulier, la Commission relève que, bien que l’article 26, paragraphe 6, de la loi sur la conservation de la nature permette d’instituer par décret du gouvernement l’interdiction des activités qui ont un effet négatif sur la conservation du grand tétras (Tetrao urogallus), cet État membre n’a pas mis en place de telles interdictions. Cette défaillance aurait été admise par les autorités slovaques elles-mêmes, puisque le Programme de conservation exige que les décrets désignant les ZPS soient modifiés afin d’instaurer des interdictions pour les activités ayant un effet négatif sur cette espèce, ce qui, à la date de l’introduction du présent recours, ne serait toujours pas le cas.

116    D’emblée, s’agissant de la recevabilité, la République slovaque soutient que, contrairement à ce qui ressort de la requête de la Commission, le troisième grief soulevé par cette institution vise, en réalité, seulement sept ZPS et non pas onze ou douze ZPS.

117    Par ailleurs, cet État membre fait valoir, dans son mémoire en duplique, que l’évocation par la Commission, au stade du mémoire en réplique, de la jurisprudence, telle que mentionnée au point 100 du présent arrêt, selon laquelle les mesures de conservation spéciale ne doivent pas se limiter à des mesures destinées à obvier aux atteintes et aux perturbations externes causées par l’homme, mais doivent aussi, selon la situation qui se présente, comporter des mesures positives visant à conserver et à améliorer l’état du site, est irrecevable en ce qu’elle constituerait un nouveau grief.

118    Quant au fond, la République slovaque rétorque, en premier lieu, que l’organisme de conservation de la nature a préparé une proposition de sites surveillés permanents pour la surveillance du grand tétras (Tetrao urogallus) dans le cadre du projet du PO QE intitulé « Surveillance des espèces et des habitats d’intérêt communautaire au sens de la directive sur les habitats et de la directive sur les oiseaux ». Au total, 54 sites de cette espèce auraient été proposés à la surveillance, au sein des ZPS comme en dehors de celles-ci, de sorte que, selon cet État membre, la surveillance inclurait un échantillon représentatif de la population. La République slovaque précise que cette surveillance est assurée par l’intermédiaire d’un fournisseur sélectionné dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres non encore finalisée.

119    En deuxième lieu, la République slovaque souligne, d’une part, que l’exécution des programmes d’entretien approuvés est régulièrement évaluée et, d’autre part, à la date du 10 mars 2021, sur 72 mesures proposées afin d’atteindre les objectifs de protection du grand tétras (Tetrao urogallus) dans les ZPS désignées pour sa conservation, 68 d’entre elles sont en cours d’exécution.

120    En troisième lieu, cet État membre fait valoir que la préparation des projets scientifiques de programmes d’entretien de six ZPS a été achevée entre les mois de septembre 2020 et de janvier 2021. Pour la ZPS restante, la ZPS Muránska planina-Stolica, aurait été annoncé, le 24 janvier 2020, un projet de création de parc national qui bénéficierait d’une protection provisoire de deux ans. Cette protection s’appliquerait également aux 76 sites concernés par le projet de réserve naturelle « Pralesy Slovenska » depuis la communication, entre les mois de septembre et de novembre 2020, des avis publics les concernant.

121    La République slovaque en conclut que l’absence temporaire de programmes d’entretien ne signifie pas pour autant que, dans l’attente de leur approbation, les mesures de conservation n’ont pas été mises en œuvre sur les sites concernés pour protéger le grand tétras (Tetrao urogallus).

2.      Appréciation de la Cour 

a)      Sur la recevabilité

122    En premier lieu, s’agissant de l’objet du troisième grief, il convient de constater que le présent grief vise à dénoncer un manquement systématique et persistant de la République slovaque à l’article 4, paragraphe 1, de la directive « oiseaux ». Eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 94 et 95 du présent arrêt, il y a lieu de considérer que les faits dont la Commission a eu connaissance après l’émission de son avis motivé ont pu être valablement relevés par cette institution à l’appui de sa requête.

123    En outre, il importe de relever, à l’instar de la République slovaque, que si la Commission a développé, dans la requête, des arguments relatifs à l’absence de mesures de conservation spéciale concernant l’habitat du grand tétras (Tetrao urogallus) dans onze des douze ZPS désignées pour sa conservation, le point conclusif de la requête à cet égard ainsi que ses chefs de conclusions visent, en revanche, non pas ces onze ZPS, mais seulement sept d’entre elles, à savoir la ZPS Nízke Tatry SKCHVU018, la ZPS Tatry SKCHVU030, la ZPS Veľká Fatra SKCHVU033, la ZPS Muránska planina-Stolica SKCHVU017, la ZPS Volovské vrchy SKCHVU036, la ZPS Malá Fatra SKCHVU013 et la ZPS Levočské vrchy SKCHVU051.

124    Partant, il y a lieu, dans le cadre de l’appréciation du troisième grief, de tenir compte des seuls arguments que la Commission a soulevés à l’égard de ces sept ZPS.

125    En second lieu, en ce qui concerne l’exception d’irrecevabilité soulevée par la République slovaque, il suffit de constater que la Commission s’est bornée, dans son mémoire en réplique, à reproduire une citation jurisprudentielle qui a pour seul effet de détailler un argument que cette institution avait déjà fait valoir de manière plus générale dans la requête, consistant à rappeler que les mesures spécifiques aux ZPS prévues à l’article 4, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » doivent être mises en œuvre de manière effective, par des mesures complètes, claires et précises.

126    Dès lors, il convient de considérer que cette citation jurisprudentielle ne modifie pas l’objet du manquement allégué et n’a aucune incidence sur la portée du litige [voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 68 et jurisprudence citée], de telle sorte qu’il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la République slovaque.

b)      Sur le fond

127    Il convient, d’emblée, de rappeler que, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive « oiseaux », la désignation d’un territoire en ZPS pour la conservation d’une espèce implique le maintien durable des caractéristiques constitutives de l’habitat de cette zone, dont l’objectif ayant justifié la désignation de ladite zone est la survie de l’espèce en question et sa reproduction (arrêt du 25 juillet 2018, Grace et Sweetman, C‑164/17, EU:C:2018:593, point 35).

128    En particulier, cette disposition, sous peine d’être privée de tout effet utile, exige non seulement l’adoption des mesures de conservation nécessaires au maintien d’un état de conservation favorable des habitats et des espèces protégés au sein du site concerné, mais également, et surtout, leur mise en œuvre effective [voir, en ce sens, arrêt du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża), C‑441/17, EU:C:2018:255, point 213].

129    Sous le bénéfice de ces précisions liminaires, il y a lieu d’examiner si, comme la Commission le soutient, les autorités slovaques ont manqué à leur obligation d’adopter des mesures de conservation spéciale concernant l’habitat du grand tétras (Tetrao urogallus).

130    À cet égard, premièrement, il convient de relever que la République slovaque admet, dans son mémoire en défense, que les sept ZPS visées par le troisième grief sont précisément celles pour lesquelles les programmes d’entretien n’ont pas encore été adoptés.

131    En revanche, cet État membre fait valoir qu’il a conscience de la nécessité et de l’urgence d’assurer une protection suffisante du grand tétras (Tetrao urogallus) et qu’il a ainsi eu recours, de manière efficace, à tous les outils juridiques mis à sa disposition par la loi sur la conservation de la nature.

132    Cette affirmation n’est, toutefois, étayée par aucun renvoi à un programme d’entretien effectivement adopté et exécuté au sein des sept ZPS concernées. S’il est vrai, ainsi que cela ressort du mémoire en défense de la République slovaque et des documents qui y sont annexés, que cet État membre a élaboré et préparé un certain nombre de projets visant à assurer la conservation des habitats du grand tétras (Tetrao urogallus) dans les ZPS désignées à cet effet, tels que, en particulier, le zonage du parc national « Muránska planina-Stolica » ainsi que la création de la réserve naturelle « Pralesy Slovenska », il n’en demeure pas moins qu’il s’agit uniquement de projets qui, tant à la date de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé qu’à la date de l’introduction du présent recours, n’ont été ni finalisés ni, à plus forte raison, mis en œuvre.

133    Deuxièmement, s’agissant des mesures de conservation spéciale adoptées à la suite de décisions des autorités chargées de la protection de la nature prises sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, de la loi sur la conservation de la nature, il ressort des éléments du dossier soumis à la Cour que ces mesures revêtent un caractère temporaire et doivent être prolongées par l’adoption de décisions ultérieures, de sorte que la protection assurée par cette disposition ne saurait offrir la garantie durable du maintien d’un état de conservation favorable des habitats et de l’espèce du grand tétras (Tetrao urogallus) au sein des ZPS concernées.

134    Il s’ensuit que la Commission a démontré, à suffisance de droit, que la République slovaque ne s’était pas conformée aux exigences de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « oiseaux ». En conséquence, le troisième grief, tiré d’une violation de cette disposition, est fondé.

135    Il résulte des considérations qui précèdent que, en ne prenant pas les mesures de conservation spéciale applicables à l’habitat du grand tétras (Tetrao urogallus) dans les ZPS désignées pour sa conservation afin d’assurer sa survie et sa reproduction dans son aire de distribution (ZPS Nízke Tatry SKCHVU018, ZPS Tatry SKCHVU030, ZPS Veľká Fatra SKCHVU033, ZPS Muránska planina-Stolica SKCHVU017, ZPS Volovské vrchy SKCHVU036, ZPS Malá Fatra SKCHVU013 et ZPS Levočské vrchy SKCHVU051), la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « oiseaux », 

136    Il convient, dès lors, d’accueillir le recours introduit par la Commission dans son intégralité.

137    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que :

–        en exemptant les PEF et leurs modifications, les coupes d’urgence et les mesures destinées à prévenir les menaces pesant sur les forêts et à éliminer les conséquences des dommages causés par des catastrophes naturelles de l’obligation, lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter les zones Natura 2000 de manière significative, d’être soumis à une évaluation appropriée de leurs incidences sur la zone concernée eu égard aux objectifs de conservation de cette zone ;

–        en ne prenant pas les mesures appropriées pour empêcher la détérioration des habitats et les perturbations aux effets significatifs dans les ZPS désignées pour la conservation du grand tétras (Tetrao urogallus) (ZPS Nízke Tatry SKCHVU018, ZPS Tatry SKCHVU030, ZPS Veľká Fatra SKCHVU033, ZPS Muránska planina-Stolica SKCHVU017, ZPS Chočské vrchy SKCHVU050, ZPS Horná Orava SKCHVU008, ZPS Volovské vrchy SKCHVU036, ZPS Malá Fatra SKCHVU013, ZPS Poľana SKCHVU022, ZPS Slovenský Raj SKCHVU053, ZPS Levočské vrchy SKCHVU051 et ZPS Strážovské vrchy SKCHVU028) ;

–        en ne prenant pas les mesures de conservation spéciale applicables à l’habitat du grand tétras (Tetrao urogallus) dans les ZPS désignées pour sa conservation afin d’assurer sa survie et sa reproduction dans son aire de distribution (ZPS Nízke Tatry SKCHVU018, ZPS Tatry SKCHVU030, ZPS Veľká Fatra SKCHVU033, ZPS Muránska planina-Stolica SKCHVU017, ZPS Volovské vrchy SKCHVU036, ZPS Malá Fatra SKCHVU013 et ZPS Levočské vrchy SKCHVU051),

la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu, respectivement, de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », lu en combinaison avec l’article 7 de celle-ci, de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats », lu en combinaison avec l’article 7 de celle-ci, ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « oiseaux ».

IV.    Sur les dépens

138    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République slovaque et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

1)      Il y a lieu de constater que :

–        en exemptant les programmes d’entretien des forêts et leurs modifications, les coupes d’urgence ainsi que les mesures destinées à prévenir les menaces pesant sur les forêts et à éliminer les conséquences des dommages causés par des catastrophes naturelles de l’obligation, lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter les zones Natura 2000 de manière significative, d’être soumis à une évaluation appropriée de leurs incidences sur la zone concernée eu égard aux objectifs de conservation de cette zone ;

–        en ne prenant pas les mesures appropriées pour empêcher la détérioration des habitats et les perturbations aux effets significatifs dans les zones de protection spéciale (ZPS) désignées pour la conservation du grand tétras (Tetrao urogallus) (ZPS Nízke Tatry SKCHVU018, ZPS Tatry SKCHVU030, ZPS Veľká Fatra SKCHVU033, ZPS Muránska planina-Stolica SKCHVU017, ZPS Chočské vrchy SKCHVU050, ZPS Horná Orava SKCHVU008, ZPS Volovské vrchy SKCHVU036, ZPS Malá Fatra SKCHVU013, ZPS Poľana SKCHVU022, ZPS Slovenský Raj SKCHVU053, ZPS Levočské vrchy SKCHVU051 et ZPS Strážovské vrchy SKCHVU028) ;

–        en ne prenant pas les mesures de conservation spéciale applicables à l’habitat du grand tétras (Tetrao urogallus) dans les ZPS désignées pour sa conservation afin d’assurer sa survie et sa reproduction dans son aire de distribution (ZPS Nízke Tatry SKCHVU018, ZPS Tatry SKCHVU030, ZPS Veľká Fatra SKCHVU033, ZPS Muránska planina-Stolica SKCHVU017, ZPS Volovské vrchy SKCHVU036, ZPS Malá Fatra SKCHVU013 et ZPS Levočské vrchy SKCHVU051),

la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu, respectivement, de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, lu en combinaison avec l’article 7 de celle-ci, de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43, lu en combinaison avec l’article 7 de celle-ci, ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages.

2)      La République slovaque est condamnée aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : le slovaque.