Language of document : ECLI:EU:T:2021:317

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

2 juin 2021 (*)

« Régime linguistique – Avis de concours général pour le recrutement d’administrateurs dans les domaines de l’économie financière et de la macroéconomie – Connaissances linguistiques – Limitation du choix de la langue 2 du concours parmi trois langues – Règlement no 1 – Article 1er  quinquies, paragraphe 1, article 27 et article 28, sous f), du statut – Discrimination fondée sur la langue – Intérêt du service – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑71/18,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

partie requérante,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté par M. S. Jiménez García, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Vernier, G. Gattinara et Mme D. Milanowska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de l’avis de concours général EPSO/AD/339/17, organisé pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (AD 7) dans les domaines suivants : 1) Économie financière et 2) Macroéconomie (JO 2017, C 386 A, p. 1),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. D. Gratsias (rapporteur) et Mme M. Kancheva, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 16 novembre 2017, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO), créé par la décision 2002/620/CE du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, du Comité économique et social, du Comité des régions et du médiateur, du 25 juillet 2002 (JO 2002, L 197, p. 53), a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours général EPSO/AD/339/17, organisé pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (AD 7) dans les domaines suivants : 1) Économie financière et 2) Macroéconomie (JO 2017, C 386 A, p. 1, ci-après l’« avis attaqué »). Ainsi qu’il est précisé dans l’avis attaqué, à partir de la liste de réserve ainsi constituée à l’issue de ce concours (ci-après le « concours en cause »), la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne recruteront de nouveaux membres de la fonction publique de l’Union européenne.

2        Il est également précisé dans l’introduction de l’avis attaqué que ce dernier et ses annexes constituent le cadre juridique contraignant applicable la procédure de sélection concernées (ci-après la « procédure de sélection en cause »).

3        L’avis attaqué vise deux domaines et, plus spécifiquement, 55 lauréats dans le domaine de l’économie financière et 32 lauréats dans le domaine de la macroéconomie. Les candidats doivent choisir un seul domaine, au moment de leur inscription électronique, et ne pourront pas modifier ce choix après avoir validé leur acte de candidature électronique.

4        Le concours concerné par l’avis attaqué se déroule en six étapes.

5        La première étape consiste, pour les intéressés, à remplir un acte de candidature et à valider cette candidature. Pour la deuxième étape, et si, pour chaque domaine, le nombre des candidats inscrits au concours en cause est supérieur à un certain seuil fixé par le directeur de l’EPSO, les candidats sont invités à passer une série de tests de type « questionnaire à choix multiple » (QCM) sur ordinateur, à savoir des tests visant à évaluer leurs capacités de raisonnement verbal, numérique et abstrait. Dans le cadre de la troisième étape, l’EPSO vérifie le respect des conditions d’admission générales définies par l’avis attaqué et le jury contrôle la conformité des candidatures avec les conditions d’admission particulières prévues par cet avis, sur la base des données fournies dans les actes de candidature. La quatrième étape consiste en l’évaluation des candidats jugés admissibles à la troisième étape, sur la base des informations fournies dans la section de l’acte de candidature intitulée « Évaluateur de talent », par référence aux critères de sélection figurant dans l’avis attaqué. À l’issue de cette procédure de sélection sur titres, un nombre de candidats correspondant au maximum à trois fois le nombre de lauréats visé pour chaque domaine sera invité à la cinquième étape, appelée « Centre d’évaluation », dans le cadre de laquelle les candidats seront évalués au moyen de quatre tests, portant sur différentes compétences générales et spécifiques, conformément aux tableaux figurant dans l’avis attaqué. C’est, d’ailleurs, dans le cadre de cette cinquième étape que se dérouleront les tests de type QCM mentionnés ci-dessus, si le nombre de candidats ne dépasse pas le seuil fixé par le directeur de l’EPSO. Enfin, en sixième et dernière étape, après vérification de l’admissibilité des candidats au regard de leurs pièces justificatives, le jury établira, pour chaque domaine, une liste de réserve comportant les noms des candidats admissibles ayant obtenu toutes les notes minimales requises ainsi que les meilleures notes globales, à concurrence du nombre visé de lauréats.

6        Au titre des conditions particulières d’admission au concours en cause, l’avis attaqué exige un « niveau C1 au minimum (connaissance approfondie) » dans une des langues officielles de l’Union, cette langue étant désignée comme la « langue 1 » du concours (ci-après, la « langue 1 ») et un « niveau B2 au minimum (connaissance satisfaisante) » dans une deuxième langue, désignée comme la « langue 2 » du concours (ci-après, la « langue 2 »), à choisir par le candidat parmi l’allemand, l’anglais et le français, étant précisé que cette langue 2 du concours doit obligatoirement être différente de la langue choisie par le candidat en tant que langue 1.

7        Dans la même section de l’avis attaqué, il est indiqué que les candidats seront appelés à utiliser leur langue 1 pour les tests de type QCM sur ordinateur et leur langue 2 pour l’acte de candidature (p. 3), le centre d’évaluation et la communication entre l’EPSO et les candidats ayant présenté une candidature valide (p. 2).

8        Il est, d’ailleurs, précisé ce qui suit dans l’avis attaqué :

« Les lauréats recrutés pour ces domaines particuliers doivent avoir une connaissance satisfaisante (niveau B2 minimum) de l’allemand, de l’anglais ou du français. Si la connaissance d’autres langues peut être un atout, dans le secteur des services financiers, les institutions concernées (dont les sièges sont situés à Bruxelles et à Luxembourg) ont recours à l’allemand, à l’anglais ou au français pour leurs travaux d’analyse, la communication interne et la communication avec les parties prenantes externes, les publications et les rapports, si bien qu’en ce qui concerne ces services, une connaissance satisfaisante d’au moins une de ces trois langues est essentielle. Ce choix est dicté par l’intérêt du service et, par conséquent, un lauréat n’ayant pas une connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais ou du français ne serait pas immédiatement opérationnel. »

9        Enfin, selon l’annexe III de l’avis attaqué, intitulée « Dispositions générales applicables aux concours généraux », toute réclamation ou demande de réexamen liée à la procédure de sélection en cause doit être rédigée dans la langue 2 du concours (p. 14 et 15). Il y est, par ailleurs, précisé que les candidats à ladite procédure risquent d’être disqualifiés s’ils ont omis de déclarer, dans leur acte de candidature, la langue ou l’une des langues requises comme langue 2 du concours en cause, ou le niveau minimal requis pour cette langue (p. 15).

II.    Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 février 2018, la République italienne a introduit le présent recours.

11      Avant l’introduction de ce recours, par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 octobre 2017, la République italienne avait introduit un recours tendant à l’annulation de l’avis de concours généraux EPSO/AD/342/17 (AD 6), organisé pour la constitution d’une liste de réserve d’ingénieurs en gestion de bâtiments (y compris ingénieurs environnementaux et ingénieurs en équipement technique), et EPSO/AST/141/17 (AST 3), pour la constitution d’une liste de réserve, premièrement, de coordinateurs et de techniciens spécialisés en construction de bâtiments (profil 1), deuxièmement, de coordinateurs et de techniciens de bâtiments spécialisés en climatisation et en génie électromécanique et électronique (profil 2) et, troisièmement, d’assistants dans le domaine de la sécurité au travail et de la sécurité des bâtiments (profil 3) (JO 2017, C 242 A, p. 1), enregistrée sous le numéro d’affaire T‑718/17.

12      À l’introduction de ce recours était, par ailleurs, pendant devant la Cour un pourvoi introduit par la Commission le 25 novembre 2016, enregistré sous le numéro d’affaire C‑621/16 P, contre l’arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission (T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495). Par cet arrêt, le Tribunal avait annulé les avis des concours généraux EPSO/AD/276/14, pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (AD 5) (JO 2014, C 74 A, p. 1) et EPSO/AD/294/14, pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (AD 6) dans le domaine de la protection des données pour le Contrôleur européen de la protection des données (JO 2014, C 391 A, p. 1).

13      Le 8 mars 2018, la Commission a demandé la suspension de la procédure dans la présente affaire, sur le fondement de l’article 69 du règlement de procédure du Tribunal, au regard de l’influence que pourrait avoir, sur les questions soulevées dans cette affaire, l’arrêt qu’allait rendre la Cour dans l’affaire C‑621/16 P.

14      La République italienne n’a pas présenté d’observations s’agissant de cette demande.

15      Par décision du président de la cinquième chambre du 9 avril 2018, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt dans l’affaire C‑621/16 P.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 avril 2018, le Royaume d’Espagne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la République italienne.

17      Le 26 mars 2019, la Cour a rendu les arrêts Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249) et Commission/Italie (C‑621/16 P, EU:C:2019:251). Par le premier de ces deux arrêts, la Cour a annulé l’appel à manifestation d’intérêt Agents contractuels – Groupe de fonction I – Chauffeurs (H/F), EP/CAST/S/16/2016 (JO 2016, C 131 A, p. 1), ainsi que la base de données établie en vertu dudit appel à manifestation d’intérêt, dans la mesure où le Parlement n’avait pas établi que la limitation du choix de la langue 2 de la procédure de sélection en question aux seules langues allemande, anglaise et française était objectivement et raisonnablement justifiée au regard d’un objectif légitime d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel (arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 79). Par le second de ces arrêts, la Cour a rejeté le pourvoi introduit par la Commission à l’encontre de l’arrêt du 15 septembre 2016 Italie/Commission (T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495). À la suite du prononcé de ce dernier arrêt de la Cour, la procédure a repris dans la présente affaire et, le 4 avril 2019, le Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations, d’une part, sur les conclusions à tirer des deux arrêts de la Cour susmentionnés dans les écritures qu’elles allaient prochainement déposées auprès du Tribunal et, d’autre part, sur une éventuelle jonction de la présente affaire avec l’affaire T‑718/17, aux fins de la phase orale de la procédure ou de la décision mettant fin à l’instance. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

18      Par décision du 7 mai 2019, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis l’intervention du Royaume d’Espagne.

19      Le 9 juillet 2019, la Commission a déposé le mémoire en défense.

20      Le 17 septembre 2019, la République italienne a déposé la réplique.

21      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

22      Le 30 octobre 2019, le Royaume d’Espagne a déposé son mémoire en intervention.

23      Le 6 novembre 2019, la Commission a déposé la duplique.

24      Le 22 septembre 2020, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre), dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure adoptées en application de l’article 89 du règlement de procédure, d’une part, a invité la Commission à déposer certains documents et, d’autre part, lui a posé des questions pour réponse écrite. La Commission a déféré à ces demandes dans le délai imparti.

25      Le 20 octobre 2020, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

26      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’avis attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme dénué de fondement ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

28      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’avis attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

III. En droit

29      À l’appui de son recours, la République italienne invoque sept moyens, tirés, le premier, d’une violation des articles 263, 264 et 266 TFUE, le deuxième, d’une violation de l’article 342 TFUE et des articles 1er et 6 du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié (ci-après le « règlement no 1 »), le troisième, d’une violation de l’article 6, paragraphe 3, TUE, de l’article 18 TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27, deuxième alinéa, et de l’article 28, sous f), du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et de l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de l’annexe III du statut ainsi que d’un défaut de motivation, le quatrième, d’une violation de l’article 6, paragraphe 3, TUE et du principe de protection de la confiance légitime, le cinquième, d’un détournement de pouvoir ainsi que d’une violation des « normes substantielles inhérentes à la nature et à la finalité des avis de concours », en particulier de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27, deuxième alinéa, de l’article 28, sous f), de l’article 34, paragraphe 3, et de l’article 45, paragraphe 1, du statut ainsi que du principe de proportionnalité, le sixième, d’une violation de l’article 18 et de l’article 24, quatrième alinéa, TFUE, de l’article 22 de la Charte, de l’article 2 du règlement no 1 ainsi que de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, du statut et, le septième, d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, et de l’article 28, sous f), du statut, de l’article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous f), de l’annexe III du statut et du principe de proportionnalité ainsi que d’une « dénaturation des faits ».

30      Il convient de constater d’emblée que, par ses moyens, la République italienne conteste, en substance, la légalité de deux volets du régime linguistique du concours en cause. Elle conteste, ainsi, d’une part, les dispositions de l’avis attaqué qui limitent à l’allemand, à l’anglais et au français le choix de la langue 2 de ce concours (ci-après la « limitation litigieuse ») et, d’autre part, l’obligation imposée aux candidats d’utiliser cette langue dans leurs échanges avec l’EPSO (ci-après l’« obligation litigieuse »).

31      Il y a, dès lors, lieu d’examiner successivement, à la lumière des moyens invoqués par la République italienne et des arguments présentés par les parties, la légalité de ces deux volets de l’avis attaqué.

A.      Sur la légalité de la limitation litigieuse

32      Le volet de l’avis attaqué qui porte sur la limitation litigieuse fait, en substance, l’objet de l’ensemble des moyens avancés par la République italienne en dehors du sixième moyen, qui porte, quant à lui, sur le second volet de l’avis attaqué, identifié au point 30 ci-dessus.

33      Avant d’examiner l’argumentation présentée par la République italienne, il y a lieu de présenter le cadre législatif et jurisprudentiel dans lequel se situe la présente affaire.

1.      Sur le cadre législatif et jurisprudentiel

34      L’article 1er du règlement no 1 prévoit ce qui suit :

« Les langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont l’allemand, l’anglais, le bulgare, le croate, le danois, l’espagnol, l’estonien, le finnois, le français, le grec, le hongrois, l’irlandais, l’italien, le letton, le lituanien, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le suédois et le tchèque. »

35      Ainsi qu’il est rappelé au point 67 de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752), si l’article 1er du règlement n1 énonce explicitement quelles sont les langues de travail des institutions de l’Union, son article 6 prévoit que celles-ci peuvent déterminer les modalités d’application du régime linguistique établi par ce règlement dans leurs règlements intérieurs respectifs.

36      Par ailleurs, l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut dispose que, dans l’application de ce dernier, est interdite toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée, notamment, sur la langue.

37      En outre, l’article 28, sous f), du statut dispose que nul ne peut être nommé fonctionnaire s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues de l’Union et une connaissance satisfaisante d’une autre langue de l’Union. Si cette disposition précise que la connaissance satisfaisante d’une autre langue est exigée « dans la mesure nécessaire aux fonctions » que le candidat est appelé à exercer, elle n’indique pas les critères qui peuvent être pris en considération pour limiter le choix de cette langue parmi les langues officielles mentionnées à l’article 1er du règlement no 1 (voir arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 52 et jurisprudence citée).

38      De tels critères ne résultent pas non plus de l’article 27 du statut, dont le premier alinéa dispose, sans faire référence à des connaissances linguistiques, que « [l]e recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique la plus large possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union » et qu’« aucun emploi ne peut être réservé aux ressortissants d’un État membre déterminé ». Il en va de même du deuxième alinéa de cet article qui se borne à énoncer que « [l]e principe de l’égalité des citoyens de l’Union permet à chaque institution d’adopter des mesures appropriées si elle constate un déséquilibre important entre nationalités parmi les fonctionnaires, qui ne se justifie pas par des critères objectifs », en précisant, notamment, que « [c]es mesures appropriées doivent être justifiées et ne peuvent jamais se traduire par des critères de recrutement autres que ceux fondés sur le mérite ».

39      Enfin, selon l’article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous f), de l’annexe III du statut, l’avis de concours peut spécifier éventuellement les connaissances linguistiques requises par la nature particulière des postes à pourvoir. Toutefois, il ne découle pas de cette disposition une autorisation générale pour limiter le choix de la langue 2 d’un concours à un nombre restreint de langues officielles parmi celles mentionnées à l’article 1er du règlement no 1 (voir arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 54 et jurisprudence citée).

40      Il ressort de ce qui vient d’être exposé qu’une limitation du choix de la langue 2 des candidats à un concours à un nombre restreint de langues, à l’exclusion des autres langues officielles, déterminées à l’article 1er du règlement no 1, telle que la limitation litigieuse, constitue une différence de traitement susceptible d’être qualifiée de discrimination fondée sur la langue, en principe interdite en vertu de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 66). Il est en effet évident que, par une telle limitation, certains candidats potentiels, à savoir ceux qui possèdent une connaissance satisfaisante d’au moins une des langues désignées, sont favorisés, en ce qu’ils peuvent participer au concours et être, ainsi, recrutés en tant que fonctionnaires ou agents de l’Union, alors que d’autres, qui ne possèdent pas une telle connaissance, en sont exclus (voir arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 55 et jurisprudence citée).

41      Néanmoins, selon la jurisprudence, il ressort de l’ensemble des dispositions susmentionnées que l’intérêt du service peut constituer un objectif légitime pouvant être pris en considération. Notamment, si l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut interdit, certes, toute discrimination fondée sur la langue, son paragraphe 6, première phrase, prévoit, toutefois, que des limitations à cette interdiction sont possibles, à condition qu’elles soient « objectivement et raisonnablement justifiée[s] » et qu’elles répondent à des « objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel » (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 89).

42      Ainsi, le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union en ce qui concerne l’organisation de leurs services, de même que l’EPSO, lorsque ce dernier exerce, comme en l’espèce, des pouvoirs qui lui sont dévolus par lesdites institutions, se trouve impérativement encadré par l’article 1er quinquies du statut, de telle sorte que les différences de traitement fondées sur la langue résultant d’une limitation du régime linguistique d’un concours à un nombre restreint de langues officielles, telle que celle en cause en l’espèce, ne peuvent être admises que si une telle limitation est objectivement justifiée et proportionnée aux besoins réels du service (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 90 et jurisprudence citée).

43      Dans ce cadre, il appartient au juge de l’Union d’effectuer un examen in concreto des règles établissant le régime linguistique des concours tels que celui concerné par l’avis attaqué, dans la mesure où seul un tel examen est susceptible de permettre d’établir les connaissances linguistiques qui peuvent objectivement être exigées, dans l’intérêt du service, par les institutions, dans le cas de fonctions particulières et, partant, d’examiner si une limitation éventuelle du choix des langues pouvant être utilisées pour participer à ce concours est objectivement justifiée et proportionnée aux besoins réels du service (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 94).

44      Plus particulièrement, le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 104 et jurisprudence citée).

45      C’est au regard de ces considérations qu’il conviendra d’examiner les arguments avancés par la République italienne.

2.      Sur la motivation de l’avis attaqué

46      Selon la République italienne, la lecture de l’avis attaqué ne permet pas d’identifier pour quelle raison le choix de la langue 2 du concours en cause doit se faire uniquement parmi l’allemand, l’anglais et le français. L’avis ne livrerait aucune explication par rapport à l’affirmation selon laquelle, « dans le secteur des services financiers, les institutions concernées (dont les sièges sont situés à Bruxelles [(Belgique)] et à Luxembourg [(Luxembourg)]) ont recours à l’allemand, à l’anglais ou au français pour les travaux d’analyse, la communication interne et la communication avec les parties prenantes externes, les publications et les rapports ». Celle-ci ne saurait être considérée comme une motivation, mais, « tout au plus, comme la conclusion d’une motivation qui (de fait) est totalement absente ». Par ailleurs, en l’absence d’indications essentielles, fonction par fonction, permettant de comprendre « l’importance des besoins de communication et donc de vérifier si [cette motivation] est de nature à justifier » la limitation litigieuse, l’avis attaqué est entaché d’un défaut de motivation.

47      La Commission réfute l’argumentation de la République italienne.

48      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels il repose. Si ces motifs comportent des erreurs, celles-ci affectent la légalité au fond de l’acte en cause, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 44 et jurisprudence citée).

49      De même, il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Cette exigence doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 24 juin 2015, GHC/Commission, T‑847/14, EU:T:2015:428, points 30 et 31 et jurisprudence citée).

50      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des considérations exposées dans l’avis attaqué (voir point 8 ci-dessus), ce dernier comporte bien une motivation tendant à justifier la limitation litigieuse. Plus précisément, il y est indiqué que, dans la mesure où, dans le secteur des services financiers, les institutions concernées ont recours aux trois langues proposées aux candidats pour « les travaux d’analyse, la communication interne et la communication avec les parties prenantes externes, les publications et les rapports », une connaissance satisfaisante d’au moins une de ces langues est essentielle pour qu’un lauréat puisse être immédiatement opérationnel au moment de son recrutement.

51      Cette motivation fait apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’EPSO, auteur de l’avis attaqué. Même si ce dernier ne comporte pas de mentions détaillées, permettant de connaître les « besoins de communication » « fonction par fonction » pour chacun des domaines concernés par le concours en cause (voir point 46 ci-dessus), il ne saurait être considéré que les indications qu’il comporte ne sont pas suffisantes à cet égard. En effet, l’avis attaqué, en se référant à l’ensemble des fonctions que les lauréats du concours en cause seront appelés à exercer, fait état de différents aspects de ces fonctions pour lesquels la connaissance satisfaisante d’une des trois langues proposées aux candidats en ferait des lauréats immédiatement opérationnels. Partant, il y a lieu de conclure qu’il ne saurait être reproché à l’EPSO une violation de l’obligation de motivation. La question du bien-fondé de ces motifs est distincte et sera examinée ci-après.

3.      Sur le bien-fondé des motifs que comporte l’avis attaqué concernant la limitation litigieuse

a)       Observations liminaires

52      Ainsi qu’il vient d’être rappelé (voir point 50 ci-dessus), la limitation litigieuse serait justifiée, selon les motifs que comporte l’avis attaqué, par le fait que les institutions concernées, dont les sièges sont situés à Bruxelles et à Luxembourg, ont recours à l’allemand, à l’anglais et au français pour « les travaux d’analyse, la communication interne et la communication avec les parties prenantes externes, les publications et les rapports ». Pour cette raison, un lauréat n’ayant pas une connaissance satisfaisante d’au moins une de ces trois langues ne serait pas immédiatement opérationnel dès son recrutement. C’est donc cet impératif tenant au fait de disposer des lauréats immédiatement opérationnels qui est à l’origine de la limitation litigieuse.

53      La Commission fait valoir, au point 60 du mémoire en défense, que la limitation litigieuse serait, par ailleurs, justifiée par la « nature de la procédure de sélection » en cause, décrite dans l’avis attaqué, « à savoir, principalement, [l’étape de celle-ci appelée] Centre d’évaluation ». Ainsi, afin de procéder à une évaluation homogène des candidats et de leur permettre de communiquer avec le jury et les autres participants, les épreuves devraient se dérouler dans une langue « commune ». Ces épreuves simulant une « journée de travail », elles devraient se dérouler dans « l’une des langues véhiculaires ». La Commission prétend, en outre, à cet égard, que l’utilisation de toutes les langues officielles dans la seconde partie des épreuves du concours en cause obligerait les candidats à avoir recours à l’interprétation simultanée, dès lors que « les membres des jurys ne connaissent pas nécessairement tous l’ensemble des langues officielles de l’Union », ce qui entraînerait un risque très élevé « de participer aux concours avec un lourd handicap ». La Commission invoque, sur ce point, également, le principe d’égalité de traitement des candidats ainsi que le coût économique important qu’impliquerait l’utilisation de l’ensemble des langues officielles dans le cadre des épreuves du concours en cause.

54      Force est de constater qu’aucun des motifs exposés au point 53 ci-dessus n’est mentionné dans l’avis attaqué. Si, certes, les étapes de la procédure de sélection en cause y sont décrites en détail, la motivation y figurant concernant la limitation litigieuse ne fait aucune mention spécifique à ces étapes ou bien aux méthodes employées lors des épreuves prévues par l’avis attaqué. Même à supposer qu’une telle justification puisse ressortir, de manière indirecte, de la description des épreuves du concours en cause, il ne saurait, pourtant, être raisonnablement exigé des personnes intéressées par ce concours de saisir une telle justification implicite. Il convient, à cet égard, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les règles limitant le choix de la langue 2 d’un concours tel que le concours en cause en l’espèce doivent reposer sur des critères « clairs, objectifs et prévisibles » (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 91 et jurisprudence citée).

55      En tout état de cause, force est de constater que les motifs invoqués par la Commission et portant sur les besoins logistiques de la procédure de sélection en cause, et, notamment, sur la constitution du jury, se fondent sur la prémisse selon laquelle les trois langues proposées aux candidats dans l’avis attaqué constitueraient les « langues véhiculaires » ou encore les « langues communes » utilisées au sein des institutions de l’Union concernées par ce dernier avis et seraient, ainsi, des langues connues et parlées par les membres potentiels du jury. En effet, le reste des arguments y afférents présentés par la Commission, à savoir ceux invoquant l’évaluation homogène des candidats, le respect du principe d’égalité de traitement de ceux-ci ainsi que le coût économique important de procédures de sélection multilingues, ne sont pas liés à la limitation litigieuse en particulier, à savoir à la limitation du choix de la langue 2 du concours en cause à l’allemand, à l’anglais et au français, mais seraient, au contraire, valables indépendamment des langues proposées aux candidats dans l’avis attaqué, pourvu que ce dernier limite ledit choix à un nombre restreint de langues.

56      Partant, il convient, afin d’examiner l’ensemble de l’argumentation présentée par la Commission en l’espèce, de se pencher, auparavant, sur les éléments fournis par celle-ci par lesquels elle cherche à établir que les trois langues proposées dans l’avis attaqué constituent des « langues véhiculaires » des services concernés par l’avis attaqué.

57      Or, avant de procéder à cet examen, il y a lieu de constater que, par une série d’arguments auxquels la Commission répond de manière détaillée, la République italienne conteste, en substance, le caractère légitime de l’objectif consistant à sélectionner, par le biais de la procédure de concours en cause, des lauréats opérationnels dès leur recrutement.

b)      Sur l’objectif consistant à sélectionner des lauréats immédiatement opérationnels

58      La République italienne soutient, tout d’abord, que l’objectif de disposer de candidats immédiatement opérationnels ne constitue pas une exigence de nature à justifier une discrimination aussi grave que celle résultant de la limitation litigieuse. En invoquant la période d’essai de plusieurs mois imposée aux personnes recrutées par les institutions de l’Union, la République italienne fait valoir que ces institutions ont l’obligation de consacrer du temps et des ressources à la formation linguistique des fonctionnaires et à la vérification de leur capacité de travail dans plusieurs langues. Cet objectif ne pourrait être envisagé que de manière spécifique et concrète par rapport aux fonctions concernées par le concours en cause et devrait être aussi considéré comme étant secondaire par rapport à la nécessité pour les personnes nouvellement recrutées de faire la preuve de leurs compétences professionnelles. Plus spécifiquement, la connaissance d’une des trois langues proposées dans l’avis attaqué deviendrait décisive pour réussir le concours, étant donné qu’un candidat n’ayant pas une connaissance ou ayant une connaissance moindre d’une de ces trois langues partirait avec « une sorte de handicap linguistique », et cela même s’il disposait de qualifications importantes sur le plan professionnel.

59      La République italienne fait valoir, à cet égard, que, malgré le fait que, pendant cinquante ans, aucune limitation telle que la limitation litigieuse n’était prévue dans le cadre des concours de l’Union, les lauréats desdits concours étaient immédiatement opérationnels dès leur recrutement, même s’ils ne disposaient pas d’une connaissance satisfaisante d’une des trois langues proposées dans l’avis attaqué. En outre, pour les institutions de l’Union, « il devrait être plus facile de résoudre un problème de communication […] qu’un problème de compétence ».

60      Selon la République italienne, ni l’EPSO ni la Commission n’ont effectué la mise en balance exigée par la jurisprudence entre l’objectif invoqué dans l’avis attaqué et les possibilités d’amélioration linguistique des lauréats du concours en cause une fois ceux-ci recrutés.

61      La Commission réfute cette argumentation.

62      Le Royaume d’Espagne soutient les arguments présentés par la République italienne.

63      Selon la jurisprudence, une limitation telle que la limitation litigieuse doit répondre à des « objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel » (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 89). L’intérêt du service peut, par ailleurs, constituer un objectif légitime susceptible d’être pris en considération dans un cas comme celui de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, point 88).

64      Or, il y a lieu de considérer que, sauf stipulation contraire de l’avis de concours y afférent, il existe bien un intérêt du service à ce que les personnes recrutées par les institutions de l’Union au terme d’une procédure de sélection telle que celle en cause puissent être immédiatement opérationnelles et, ainsi, capables d’assumer rapidement les fonctions qu’elles seront appelées à exercer (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 91 et jurisprudence citée).

65      À cet égard, même à supposer qu’il faille toujours nécessairement prévoir un temps d’adaptation à de nouvelles tâches et à de nouvelles habitudes de travail ainsi que le temps nécessaire pour l’intégration dans un nouveau service, il est légitime pour une institution de chercher à recruter des personnes qui soient, dès leur prise de fonctions, capables, à tout le moins, d’une part, de communiquer avec leur hiérarchie et leurs collègues et d’avoir, ainsi, la capacité de saisir aussi rapidement et parfaitement que possible la portée des fonctions qui leur sont confiées et le contenu des tâches qu’elles vont devoir accomplir et, d’autre part, d’échanger avec les collaborateurs et les correspondants externes des services en cause. En effet, ainsi qu’il a été jugé, les connaissances linguistiques des fonctionnaires sont un élément essentiel de leur carrière (arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, point 96). Partant, il doit être considéré comme légitime pour une institution de chercher à recruter des personnes qui puissent utiliser efficacement et comprendre aussi bien que possible la ou les langues utilisées dans le cadre professionnel dans lequel ces personnes vont être intégrées.

66      Par ailleurs, force est de constater que la capacité des lauréats d’un concours tel que le concours en cause à être immédiatement opérationnels ne fait pas obstacle à ce qu’ils disposent des qualités exigées par l’article 27, premier alinéa, du statut (voir point 38 ci-dessus), ces conditions n’étant en aucun cas antinomiques.

67      Certes, la Cour a jugé que, bien que les connaissances linguistiques des candidats puissent, voire doivent, faire l’objet d’une évaluation lors d’une procédure de concours, afin que les institutions s’assurent que lesdits candidats possèdent les connaissances requises par l’article 28, sous f), du statut, cette évaluation poursuit un objectif indépendant de celle visant la détermination des « plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité », au sens de l’article 27, premier alinéa, du statut. Ainsi, les connaissances linguistiques ne sauraient être assimilées aux « compétences » au sens de cette disposition (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 82).

68      En l’espèce, les connaissances linguistiques des candidats ne constituent qu’un parmi les nombreux critères pris en considération dans le cadre de la procédure de sélection en cause. En effet, ainsi qu’il ressort des conditions particulières énoncées dans l’avis attaqué, pour ce qui du domaine de l’économie financière, les candidats doivent disposer d’un diplôme en économie, en mathématiques, en statistiques, en économétrie ou en finances sanctionnant un cycle complet d’études universitaires de quatre ou trois années, suivies, respectivement, de six ou sept années d’expérience professionnelle dans le domaine concerné. Pour ce qui est du domaine de la macroéconomie, les candidats doivent disposer d’un diplôme en économie, en mathématiques ou en statistiques, sanctionnant un cycle complet d’études universitaires de quatre ou de trois années, suivies, respectivement, de six ou sept années d’expérience professionnelle dans le domaine concerné (p. 2 et 3). L’ensemble des candidats doivent, par ailleurs, dans la partie de l’acte de candidature intitulée « Évaluateur de talent », apporter des réponses à des questions portant sur les critères de sélection figurant dans l’avis attaqué (p. 4). Les critères de sélection propres au concours en cause sont, par ailleurs, détaillés dans l’annexe II de l’avis attaqué (p. 8 et 9).

69      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’objectif recherché par le biais de la limitation litigieuse est, en principe, légitime et lié à l’intérêt du service.

70      Il convient, à cet égard, de relever que, selon la jurisprudence, pour autant qu’un objectif d’intérêt général puisse être invoqué et sa réalité démontrée, une différence de traitement telle que celle résultant de la limitation litigieuse doit, en outre, respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire qu’elle doit être de nature à permettre que soit atteint l’objectif visé et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, point 93 et jurisprudence citée).

71      Ainsi, la Cour a jugé que, dans la mesure où l’objectif de recrutement de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité peut être mieux préservé lorsque les candidats sont autorisés à présenter les épreuves de sélection dans leur langue maternelle ou dans la deuxième langue qu’ils considèrent maîtriser le mieux, il appartient aux institutions de l’Union de mettre en balance l’objectif légitime justifiant une limitation telle que la limitation litigieuse et l’objectif d’identification des candidats ayant les plus hautes qualités de compétence. Il en va de même s’agissant de la mise en balance de l’objectif légitime justifiant une limitation telle que la limitation litigieuse et les possibilités d’apprentissage par les fonctionnaires recrutés, au sein des institutions, des langues nécessaires à l’intérêt du service (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, points 94 et 97).

72      Il ressort de ce qui vient d’être exposé que l’examen en l’espèce de la mise en balance des différents objectifs et possibilités invoqués ci-dessus dans le cadre de la procédure de sélection en cause en l’espèce relève, en réalité, de la question de savoir si la limitation litigieuse va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif légitime invoqué. Or, ce contrôle et l’examen des arguments y afférents présentés par la République italienne (voir points 59 et 60 ci-dessus) ne doivent être effectués que s’il est constaté que la limitation litigieuse est apte à réaliser l’objectif en question.

73      Partant, il convient, dans un premier temps et à la lumière des arguments présentés par la République italienne, de se pencher sur la question de savoir si l’avis attaqué et les éléments de preuve fournis par la Commission permettent d’établir, objectivement, l’existence d’un tel intérêt du service susceptible de justifier la limitation litigieuse (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 95). Plus spécifiquement, il convient d’examiner les raisons pour lesquelles, selon l’avis attaqué et les éléments fournis, à cet égard, par la Commission, la limitation litigieuse permettrait aux institutions de l’Union concernées par l’avis attaqué de recruter des lauréats immédiatement opérationnels.

c)      Sur le bien-fondé des motifs tendant à justifier la limitation litigieuse

74      Selon la République italienne, les motifs avancés dans l’avis attaqué ne permettraient pas de justifier la limitation litigieuse. Elle se réfère, notamment, à la richesse du patrimoine culturel et technique et de l’expérience dans les domaines concernés par l’avis attaqué, qui s’exprimerait dans toutes les langues de l’Union. Il serait, ainsi, discriminatoire et disproportionné de restreindre la possibilité de puiser dans ce patrimoine au profit des trois langues proposées dans l’avis attaqué. L’avis attaqué se limiterait, d’ailleurs, à cet égard, à de simples affirmations, nullement prouvées.

75      La République italienne indique, à cet égard, que, dans les domaines concernés par l’avis attaqué, « la seule langue véhiculaire utilisée universellement est l’anglais », alors qu’aucun élément ne prouverait que le français et l’allemand y ont « un rôle plus important que toutes les autres langues de l’Union ».

76      Pour ce qui est, plus particulièrement, des publications économiques et financières de l’Union qui seraient, selon l’avis attaqué, uniquement rédigées en allemand, en anglais et en français, une telle pratique ne constituerait « qu’une illégalité supplémentaire », puisqu’elles devraient être rédigées dans toutes les langues de l’Union.

77      S’agissant, en outre, des besoins de « communication interne », la République italienne fait valoir que l’avis attaqué se contente de les mentionner « sans préciser avec qui et dans quel but ». Faute de plus de précisions à cet égard, la référence à ces besoins resterait générale par rapport aux fonctions spécifiques que les lauréats du concours en cause seraient appelés à exercer. La seule donnée qui serait, à cet égard, utile, serait de savoir quelles langues servent le plus de « langues véhiculaires ».

78      La République italienne invoque, par ailleurs, des « statistiques de la Commission » selon lesquelles « les trois langues de communication interne les plus répandues seraient [le français, l’italien et l’allemand] ».

79      Selon la Commission, plusieurs éléments justifient la limitation litigieuse à l’allemand, à l’anglais et au français. Il s’agirait des trois langues « les plus utilisées au quotidien par les services de destination » des lauréats du concours en cause et la limitation litigieuse permettrait aux services en question « de s’organiser de manière “utile et raisonnable” lors de l’arrivée de nouveaux membres du personnel ». La Commission cite, à cet égard, le point 88 de l’arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie (C‑621/16 P, EU:C:2019:251). La Commission produit, à cet égard, divers éléments censés établir, d’une part, la pratique interne de la Commission en matière linguistique et, d’autre part, le fait que la limitation litigieuse correspondrait aux « besoins réels du service » et que les trois langues proposées dans ce dernier avis seraient utilisées en tant que langues de travail des services de destination des lauréats du concours en cause.

80      Le Royaume d’Espagne soutient l’argumentation présentée par la République italienne.

81      Ainsi qu’il a été rappelé au point 52 ci-dessus, la limitation litigieuse serait justifiée, selon la motivation que comporte l’avis attaqué, par le fait que les institutions concernées, dont les sièges se trouvent à Bruxelles et à Luxembourg, ont recours à ces trois langues pour « les travaux d’analyse, la communication interne et la communication avec les parties prenantes externes, les publications et les rapports ». En d’autres termes, il ressortirait de l’avis attaqué que les trois langues proposées aux candidats sont les trois langues utilisées comme langues de travail par les services concernés par la procédure de sélection en cause.

82      Il convient, dès lors, d’examiner les éléments produits par la Commission afin d’établir que tel est bien le cas et que, en effet, les trois langues en question constituent les langues de travail ou les « langues véhiculaires » desdits services.

1)      Sur la pratique interne de la Commission en matière linguistique

83      La Commission fait, en substance, valoir qu’elle a adopté des règles internes configurant son régime linguistique. Elle invoque, à cet égard, la communication SEC(2000) 2071/6 du président de la Commission, du 29 novembre 2000, relative à la simplification du processus décisionnel de la Commission, approuvée par le collège de ses membres lors de sa réunion du 29 novembre 2000.

84      La Commission fournit également, à cet égard, un document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », censé comporter les règles établies par le président de la Commission sur la base des modalités d’exécution du règlement intérieur de cette institution et ayant comme objet l’adoption de décisions de cette dernière par procédure orale ou écrite ou par habilitation. Selon ces règles, tous les documents provenant des services de la Commission, y compris ceux auxquels seront intégrés les lauréats du concours en cause, et adressés au collège des commissaires pour approbation ou même pour information devraient toujours être rédigés en allemand, en anglais ou en français. Il en va de même pour ce qui est des consultations entre les différents services de la Commission.

85      La Commission produit, en outre, d’une part, son règlement intérieur (JO 2000, L 308, p. 26), tel que modifié, en dernier lieu, en 2011, et, d’autre part, les modalités d’exécution dudit règlement, annexées à sa décision C(2010) 1200 final, du 24 février 2010, modifiant son règlement intérieur.

86      Enfin, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure que lui a adressées le Tribunal, la Commission a également fourni certains documents relatifs à la mise en œuvre des « règles » contenues dans le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » ainsi que sa communication SEC(2006) 1489 final, du 20 décembre 2006, relative à « la traduction à la Commission » et assortie d’une annexe exposant les « règles de traduction après 2006 ».

87      Avant de se pencher sur ces éléments, il est utile d’indiquer, d’ores et déjà, que, contrairement à ce que prétend la Commission dans la duplique, la République italienne a bien contesté, certes a minima, mais globalement, les éléments relatifs à la pratique interne de la Commission en matière linguistique, en affirmant, notamment, qu’ils ne renvoyaient qu’au fonctionnement du collège de ses membres. Elle a fait valoir également que, en tout état de cause, il n’était pas démontré que, dans tous les services de l’Union, la communication interne se serait effectuée dans les trois langues concernées.

88      Ensuite, force est de constater, d’une part, que, les éléments en question ne concernant qu’une seule des trois institutions de l’Union visées par la procédure de sélection en cause, leur pertinence est toute relative pour la résolution du présent litige, d’autant plus que ces trois institutions ne sont pas les seules susceptibles d’embaucher des lauréats du concours en cause.

89      Ce caractère relatif se confirme, d’ailleurs, par les éléments que la Commission a présentés en réponse à une mesure d’organisation de la procédure selon lesquels un lauréat du concours en cause a été embauché par une institution de l’Union autre que les trois visées dans l’avis attaqué.

90      D’autre part, s’agissant, premièrement, de l’objet de la communication SEC(2000) 2071/6, produite dans l’annexe B.3 du mémoire en défense (voir point 83 ci-dessus), il consiste, en substance, à évaluer les différents types de procédures de prise de décision par le collège des membres de la Commission, tels qu’ils étaient prévus par son règlement intérieur dans sa version en vigueur au moment où elle a été émise, et à en proposer la simplification. C’est dans un tel contexte et en se référant à la seule procédure écrite que le point 2.2 de la communication en question indique que les « documents doivent être diffusés dans les trois langues de travail de la Commission », sans, par ailleurs, les nommer. Or, ce seul passage, quand bien même il comporte l’expression « langues de travail », ne suffit pas pour établir que l’allemand, l’anglais et le français seraient les langues effectivement utilisées par tous les services de la Commission dans leur travail au quotidien (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 113).

91      En outre, la portée de cette référence est nuancée eu égard à d’autres passages de cette communication.

92      Ainsi, d’une part, il résulte du point 2.2 de la communication SEC(2000) 2071/6 que, dans le cadre de la procédure par habilitation, par le biais de laquelle la Commission peut habiliter un ou plusieurs de ses membres à prendre des décisions en son nom et sous sa responsabilité, le texte de la décision à adopter est « présenté dans une seule langue de travail et/ou dans ses versions qui font foi ».

93      D’autre part, le point 5.2 de la communication SEC(2000) 2071/6, intitulé « Simplifier le régime linguistique », met en évidence le rôle de la direction générale (DG) « Traduction » de la Commission, qui est « pleinement impliqué[e] dans le processus » décisionnel. Il y est, notamment, précisé qu’« une des causes majeures de retard dans le lancement ou l’achèvement des procédures écrites et des procédures par habilitation est l’obtention des traductions, y compris des textes révisés par les juristes-linguistes », ce qui rendrait indispensable une transmission à temps des documents concernés à la DG « Traduction ».

94      Compte tenu de ce qui précède, la communication SEC(2000) 2071/6 ne permet pas de tirer des conclusions utiles quant à l’utilisation effective de l’allemand, de l’anglais et du français dans le travail quotidien des services de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 117) et encore moins dans l’exercice des fonctions visées par l’avis attaqué.

95      Cette constatation ne saurait être remise en cause par les autres textes fournis par la Commission et censés établir l’existence d’une pratique linguistique interne de cette institution (voir point 83 ci-dessus).

96      S’agissant du règlement intérieur de la Commission, il importe de relever d’emblée que celui-ci ne comporte pas de dispositions sur les langues devant être utilisées par les organes visés à son chapitre I, à savoir les membres de la Commission agissant en collège ainsi que son président et son secrétaire général, ni sur les langues de travail devant être utilisées par les services de cette institution visés à son chapitre II. Seul l’article 17 du règlement intérieur, relatif à l’authentification des actes adoptés par la Commission, se borne à énoncer que celle-ci se fait « dans la ou les langues dans lesquelles ils font foi », c’est-à-dire, selon le paragraphe 5 de cet article, « toutes les langues officielles de l’Union […] lorsqu’il s’agit d’actes de portée générale et, pour les autres, celles de leurs destinataires ».

97      Il convient, néanmoins, de tenir compte des articles 6 et 12 à 14 du règlement intérieur de la Commission ainsi que des modalités d’application de ces articles. C’est d’ailleurs sur le fondement de ces modalités qu’aurait été édicté le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », fourni dans l’annexe B.5 du mémoire en défense.

98      L’article 6 du règlement intérieur de la Commission dispose, en son paragraphe 1, que « [l]e président arrête l’ordre du jour de chaque réunion de la Commission » et, en son paragraphe 4, que « l’ordre du jour et les documents nécessaires sont communiqués aux membres de la Commission dans les conditions fixées conformément aux modalités d’application ».

99      En ce qui concerne les articles 12 à 14 du règlement intérieur de la Commission, ceux-ci sont relatifs aux procédures décisionnelles autres que la procédure orale visée à son article 8 et régissent, respectivement, la procédure écrite, la procédure d’habilitation et la procédure de délégation. S’agissant, en particulier, de la procédure écrite, l’article 12, paragraphe 2, du règlement intérieur dispose que « le texte du projet est communiqué par écrit à tous les membres de la Commission, dans les conditions fixées par celle-ci conformément aux modalités d’application ».

100    L’ensemble des dispositions du règlement intérieur de la Commission mentionnées au point 99 ci-dessus sont explicitées par les modalités d’application de ce règlement, en date du 24 février 2010 (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, points 124 à 126).

101    S’agissant, enfin, du document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », celui-ci fait, notamment, référence à l’utilisation de « langues procédurales », notion qui devrait être comprise comme désignant les langues qui servent à la compréhension du contenu d’un projet d’acte en vue de son adoption par le collège des membres de la Commission ou, le cas échéant, par un organe délégué. Il résulte dudit document que les « langues procédurales » sont l’allemand, l’anglais et le français et que leur utilisation varie selon le type de procédure d’adoption d’acte.

102    Ainsi, en ce qui concerne les procédures orales et écrites, le document en question indique qu’un projet d’acte et ses annexes éventuelles sont soumis aux membres de la Commission dans les trois langues procédurales ainsi que, le cas échéant, dans la ou les langues nécessaires pour l’entrée en vigueur ou la notification de l’acte concerné. Il y est également précisé que, à la suite de l’adoption d’un tel acte, les versions de celui-ci dans les autres langues éventuellement nécessaires pour la publication ou la transmission à d’autres institutions de l’Union doivent être établies le plus rapidement possible.

103    Pour ce qui est des procédures d’adoption d’acte par habilitation ou délégation, il résulte du document en question que l’organe délégué peut accepter d’adopter un acte sur la base d’une seule langue procédurale, mais que, le cas échéant, la ou les versions de celui-ci dans la ou les autres langues nécessaires pour l’entrée en vigueur ou la notification de cet acte doivent également être rendues disponibles. En outre, de même que pour les procédures orales ou écrites, le document en question énonce que les versions dudit acte dans les autres langues éventuellement nécessaires pour la publication ou la transmission à d’autres institutions de l’Union doivent être établies le plus rapidement possible.

104    Par ailleurs, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » prévoit que le président de la Commission peut, dans certaines conditions, accorder, ponctuellement ou à titre permanent, des dérogations quant au nombre de langues procédurales devant être utilisées pour le lancement d’une procédure d’adoption ou à la fois pour le lancement d’une telle procédure et pour l’adoption de l’acte concerné.

105    En ce qui concerne, plus particulièrement, les dérogations permanentes, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » précise que celles-ci peuvent être accordées, par le biais des notes officielles émanant du secrétaire général ou du cabinet du président, pour certains dossiers récurrents, par exemple dans le cas d’adoption de mesures restrictives sur le fondement de l’article 29 TUE, en matière d’aides d’État ou dans le cas de la signature d’accords-cadres avec des organismes internationaux.

106    À cet égard, il convient de relever que, pris dans leur ensemble, les textes fournis dans les annexes B.3 à B.7 du mémoire en défense et mentionnés aux points 83 et 84 ci-dessus ne sauraient s’analyser comme des modalités d’application, dans le règlement intérieur de la Commission, du régime linguistique général établi par le règlement no 1, au sens de l’article 6 de ce dernier. Il y a plutôt lieu de les lire comme reflétant une pratique administrative longuement établie au sein de cette institution, consistant à utiliser l’allemand, l’anglais et le français comme langues dans lesquelles les documents doivent être rendus disponibles pour être soumis à l’approbation du collège des membres (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 132).

107    En ce qui concerne, en particulier, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », la Commission a précisé que celui-ci était extrait du « Manuel des procédures opérationnelles », à savoir un guide électronique interne élaboré par les services de son secrétariat général et ayant pour objet, notamment, de codifier ladite pratique administrative. S’agissant de la date d’adoption et de l’application dans le temps de ce guide, la Commission s’est bornée à se référer à la note SEC(2003) 153 de son secrétaire général à l’attention des directeurs généraux et des chefs de service, du 11 février 2003, relative à la mise à jour dudit guide et à sa diffusion sur son site Intranet.

108    Or, à supposer même que la version dudit document produite par la Commission avec son mémoire en défense fût bien celle existante à la date de la publication de l’avis attaqué, un document extrait du « Manuel des procédures opérationnelles » ne saurait s’analyser comme une décision du président de cette institution de fixer les langues de présentation des documents soumis au collège (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 134). Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de considérer que ce document a été formellement approuvé par le président de la Commission, et encore moins par le collège de ses membres.

109    De manière générale, les éléments fournis par la Commission ne permettent pas de conclure qu’il existait, au moment de la publication de l’avis attaqué, une décision interne fixant les langues de travail au sein de cette institution.

110    Ces précisions liminaires étant faites, il convient de constater que, dans la mesure où ils ont pour seul objet de définir les langues nécessaires au déroulement des différentes procédures décisionnelles de la Commission, l’ensemble des textes produits par cette dernière ne sont pas de nature à justifier la limitation litigieuse au regard des spécificités fonctionnelles des emplois visés par l’avis attaqué.

111    Plus précisément, il ne ressort ni de ces textes ni des autres éléments du dossier qu’il existe un lien nécessaire entre les procédures décisionnelles de la Commission, notamment celles se déroulant au sein du collège de ses membres, et les fonctions que les lauréats des concours en cause par l’avis attaqué seront susceptibles d’exercer. En effet, à supposer même que les membres d’une institution déterminée utilisent exclusivement une ou certaines langues dans leurs délibérations, il ne saurait être présumé, sans davantage d’explications, qu’un fonctionnaire nouvellement recruté, qui ne maîtrise aucune de ces langues, ne serait pas capable de fournir immédiatement un travail utile dans l’institution en question (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 137 et jurisprudence citée). Ainsi, la Commission aurait dû, en l’espèce, établir en quoi chacune des langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 du concours en cause présenterait une utilité particulière pour l’exercice des fonctions visées dans cet avis (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 77).

112    Il ne ressort pas non plus des documents produits par la Commission que l’ensemble des trois langues qualifiées de « langues procédurales » soient effectivement utilisées par ses services, dans leur travail au quotidien. En outre, il résulte de la communication SEC(2000) 2071/6 (voir point 83 ci-dessus) que le service de traduction de cette institution est « pleinement » impliqué dans le processus décisionnel. Cette communication fait également mention du délai nécessaire pour l’obtention des traductions, y compris des textes révisés par les juristes-linguistes, ainsi que de la nécessité d’une transmission à temps des documents concernés au service de traduction. Ces références laissent ainsi entendre que c’est non pas le service matériellement responsable de la rédaction d’un document, mais bien la DG « Traduction » qui établit les versions de ce document dans les langues procédurales nécessaires en vue de leur transmission au collège des membres, le service responsable de l’élaboration de ce document se limitant à une tâche de vérification du texte traduit. Il est, en effet, difficilement envisageable que, hormis cette direction, un service puisse exiger de chaque membre de son personnel de fournir trois versions linguistiques des documents à soumettre pour adoption au collège.

113    Enfin, dans la mesure où aucun fonctionnaire n’est tenu d’avoir une connaissance satisfaisante de l’ensemble des trois langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2, il est tout aussi difficilement envisageable que la mission d’établir un projet d’acte dans les versions linguistiques requises pour sa transmission à ce collège soit simultanément répartie entre un nombre correspondant de fonctionnaires relevant du service responsable pour la rédaction de ce projet. Cela devient encore plus difficile à envisager dans la mesure où il n’existe aucune garantie que des fonctionnaires disposant d’une connaissance satisfaisante de l’ensemble des trois langues concernées soient recrutés au sein de chaque service.

114    L’appréciation qui précède ne saurait être remise en cause par les arguments que la Commission tire de la communication SEC(2006) 1489 final. Selon la Commission, il résulte de cette communication, en particulier de son annexe intitulée « Règles de traduction après 2006 » que, s’agissant des documents à usage interne, seule une traduction en anglais, en français et en allemand serait exigée, en sus d’une éventuelle langue faisant foi.

115    Il convient, à cet égard de relever que le contenu de la communication SEC (2006) 1489 final a pour effet non pas d’infirmer, mais, bien au contraire, de confirmer l’appréciation exposée aux points 111 et 112 ci-dessus. En effet, les « règles de traduction après 2006 », présentées en annexe à cette communication, ne mentionnent l’allemand, l’anglais et le français que comme langues cibles dans lesquelles doivent être traduites certaines catégories de documents, sans aucunement en définir la langue source. Par ailleurs, pour la grande majorité des catégories de documents visées par lesdites règles, une traduction dans toutes les langues officielles est prévue, la traduction vers les seules langues allemande, anglaise et française étant, en réalité, l’exception.

116    Dans ces conditions et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cette pièce, il convient de considérer que la communication SEC (2006) 1489 final ne présente pas de pertinence pour la résolution du présent litige.

117    En tout état de cause et indépendamment même de l’existence d’un lien entre les procédures décisionnelles de la Commission et les fonctions visées par l’avis attaqué, force est de constater que les textes produits par la Commission sont loin d’indiquer une utilisation exclusive des trois langues « procédurales » dans les procédures qu’ils encadrent.

118    En effet, d’une part, certes, ainsi qu’il résulte du document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », le lancement d’une procédure d’adoption nécessite, en règle générale et sans préjudice de la possibilité d’utiliser une seule langue dans les procédures d’habilitation et de délégation, la présentation du projet d’acte dans les trois langues procédurales. Il n’en demeure pas moins que l’adoption de ce projet peut rendre ou rend obligatoirement nécessaire, selon les exigences découlant de la nature de l’acte concerné, la disponibilité de celui-ci également dans une ou plusieurs autres versions linguistiques, voire, lorsque l’acte en question est destiné à être publié au Journal officiel de l’Union européenne ou à être transmis à d’autres institutions, dans toutes les langues officielles de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 145).

119    D’autre part, ainsi qu’il ressort du même document, des dérogations sont possibles quant au nombre de langues procédurales utilisées pour le lancement d’une procédure d’adoption, voire aussi pour l’adoption d’un projet d’acte (voir point 104 ci-dessus).

120    En ce qui concerne, en particulier, les dérogations permanentes dont il a été question au point 105 ci-dessus, le document en question indique, par exemple, que les décisions individuelles en matière d’aides d’État sont établies dans l’une des « langues procédurales », « généralement l’anglais ou le français ». S’agissant des autres domaines visés par ce type de dérogation, des notes émanant du secrétaire général de la Commission que cette dernière a fournies devant le Tribunal en réponse à des mesures d’organisation de la procédure autorisent la présentation de projets d’acte dans une seule « langue procédurale ». Force est, toutefois, de constater que ces notes n’identifient pas celle des trois « langues procédurales » qui peut concrètement être utilisée, ce qui ne permet pas d’en tirer des conclusions utiles.

121    Enfin, il ne faut pas perdre de vue que, selon le document en question, il est toujours possible d’accorder une dérogation ponctuelle relative au régime linguistique d’un projet d’acte donné, et ce quel que soit le type de procédure décisionnelle.

122    Le restant des arguments présentés par la Commission ne saurait non plus suffire à remettre en cause les constatations exposées ci-dessus.

123    La Commission allègue, plus spécifiquement, que la portée des règles qui ressortent des documents fournis dans les annexes B.3 à B.7 du mémoire en défense ne se limite pas au fonctionnement du collège de ses membres, mais concerne « le dépôt de tout projet de décision que la Commission doit approuver, et cela en se fondant sur le postulat évident que ce sont les services de l’institution qui élaborent ce projet de décision ». La Commission renvoie, à cet égard, à l’annexe B.8 du mémoire en défense, qui comporte un courriel envoyé le 29 septembre 2017 à un membre du service des ressources humaines de la Commission par son correspondant au sein de la DG « Concurrence ». Selon ce courriel, qui démontrerait que « au sein de la Commission, les règles internes étaient interprétées et appliquées précisément à l’effet d’établir des langues de travail au sein des différents services », les consultations interservices « sont tou[tes] en EN/FR/DE dans toute la Commission, simplement parce que c’est obligatoire pour toutes les CIS (règle du SG) ».

124    En réponse à une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a indiqué que, dans l’annexe B.8 du mémoire en défense, par le terme « consultations interservices », il était fait référence aux consultations prévues à l’article 23, paragraphes 3 à 7, de son règlement intérieur. Selon la Commission, les consultations prévues dans ces dispositions sont d’application pour toute activité de l’institution concernée, y compris celles de caractère politique, et impliquent non seulement les services ayant un « intérêt légitime », à savoir ceux qui sont susceptibles d’être intéressés en fonction de la matière traitée, mais également les services tels que le secrétariat général ou le service juridique.

125    Selon la Commission, ces consultations ont lieu entre les services aux fins de la préparation de chaque document à soumettre au collège pour approbation. L’objectif de la procédure en question serait d’« obtenir l’avis de tous les services » sur les projets de documents. Tout projet serait, d’ailleurs, rédigé dans l’une des trois langues proposées dans l’avis attaqué, conformément à l’annexe B.5 du mémoire en défense, dans la mesure où il est « destiné à être transmis au collège pour approbation ». Il en irait de même s’agissant de la « consultation qui a lieu sur ce document », et cela « pour permettre au collège de prendre en considération les différentes positions des différents services ».

126    Pour ce qui est, enfin, de la « règle du SG » à laquelle il est fait mention dans l’annexe B.8 du mémoire en défense, il s’agirait, selon la Commission, de la règle « contenue dans l’annexe B.5 » dudit mémoire.

127    Force est de constater que la valeur probatoire de l’annexe B.8 du mémoire en défense reste toute relative, dans la mesure où ce document ne saurait, en réalité, être vu que comme faisant état de la manière avec laquelle ont été interprétées certaines règles relatives au régime linguistique de la Commission par un seul membre du personnel affecté à la DG « Concurrence ». En tout état de cause, même à considérer les éléments factuels que comporte cette annexe comme étant établies, il y a lieu de constater qu’aucun lien entre les fonctions, d’ailleurs hautement spécialisées, comme la Commission le relève elle-même, que les lauréats du concours en cause en l’espèce seront appelés à exercer et la tenue de ces consultations ne ressort des pièces du dossier. Il est, certes, vrai que ces consultations peuvent impliquer, selon l’article 23, paragraphe 3, du règlement intérieur de la Commission, tous les services « ayant un intérêt légitime » pour le projet de document à transmettre au collège et, donc, le cas échéant, les services visés par l’avis attaqué. Toutefois, il n’est pas précisé, dans les écritures de la Commission, quel est le rôle spécifique de la DG « Traduction » dans le cadre de ces consultations. Ainsi, dans la mesure où les services de cette direction générale pourraient être susceptibles d’intervenir pour garantir que les documents destinés au collège soient disponibles en allemand, en anglais et en français, il n’est pas exclu que les services de la Commission impliqués dans ces consultations ne travaillent pas dans les trois langues en question, mais dans une de celles-ci ou, encore, dans une quatrième langue. Les constatations exposées aux points 112 et 113 ci-dessus valent, par ailleurs, également en ce qui concerne les procédures de consultations auxquelles il est fait mention dans l’annexe B.8 du mémoire en défense.

128    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les éléments fournis par la Commission ne sont pas susceptibles de démontrer une pratique interne concernant l’utilisation des trois langues proposées dans l’avis attaqué dans le travail au quotidien de l’ensemble des services de cette institution, et encore moins, en particulier, des services concernés par l’avis attaqué.

2)      Sur les éléments relatifs aux « langues de travail » des services concernés par l’avis attaqué.

129    Ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus (voir point 79 ci-dessus), la Commission produit différents éléments censés établir que les trois langues proposées dans l’avis attaqué constituent les langues « de travail » ou bien les langues « véhiculaires » des services concernés par l’avis attaqué, à savoir les langues utilisées par ces services dans leur travail au quotidien.

130    Il convient de constater, d’emblée, que, contrairement à ce que prétend la Commission dans la duplique, la République italienne a bien contesté, certes a minima, mais globalement, les éléments produits par elle avec le mémoire en défense. En effet, la République italienne a soutenu, dans la réplique, que ces éléments ne démontraient pas que, dans tous les services des institutions de l’Union, la communication interne se serait effectuée dans les trois langues proposées dans l’avis attaqué (voir point 87 ci-dessus), alors que, déjà dans la requête, elle affirmait que le nombre absolu de personnes parlant les différentes langues officielles au sein des services de l’Union ne pouvait être pertinent en l’espèce, dans la mesure où « la seule donnée » qui aurait été « utile » aurait été de savoir « quelles [étaie]nt les langues utilisées dans la communication entre personnes de langue maternelle différente » (voir point 77 ci-dessus).

131    Il y a lieu, en tout état de cause, d’examiner ces éléments en fonction de l’institution de l’Union aux services de laquelle ils se réfèrent.

i)      En ce qui concerne les services de la Commission concernés par l’avis attaqué

132    S’agissant des services de la Commission concernés par l’avis attaqué, cette dernière produit, premièrement, dans l’annexe B.9 du mémoire en défense, un tableau intitulé « Deuxième et troisième langue parlée par les membres du personnel de la DG ECFIN », à savoir les fonctionnaires, les agents temporaires et les agents contractuels de la DG « Affaires économiques et financières », au 13 juin 2019.

133    Il ressort de ce tableau que 419 personnes sur un total de 554 ont déclaré l’anglais comme étant leur deuxième langue, 93 le français et 16 l’allemand. Ces trois langues sont suivies par le néerlandais et l’espagnol, déclarés respectivement par 9 et 7 personnes. Concernant le niveau de connaissance des langues déclarées en tant que deuxième langue, il convient de considérer qu’il s’agit d’une connaissance satisfaisante, étant donné que, ainsi que la Commission l’a confirmé dans ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure que le Tribunal lui a adressées, une telle connaissance d’une deuxième langue de l’Union constitue une condition de recrutement selon l’article 28, sous f), du statut.

134    Pour ce qui est de la troisième langue, 257 personnes sur un total de 479 ont déclaré le français, 65 personnes l’anglais et 54 l’allemand, alors que le néerlandais et l’espagnol ont été déclarés chacun par 33 personnes.

135    La Commission fournit, deuxièmement, dans l’annexe B.10 du mémoire en défense, un tableau intitulé « Langues parlées par le personnel de la DG COMP », qui, selon la Commission, comporte des données se rapportant au 1er juin 2019 et concernant l’ensemble du personnel affecté à la DG « Concurrence », y compris les agents locaux, catégorie du personnel qui n’est pas soumise aux exigences du statut.

136    Il ressort de ce deuxième tableau que, sur 1 032 personnes, 143 ont déclaré le français comme étant leur première langue, 110 l’allemand, 97 l’anglais, 84 l’italien et 70 le néerlandais. Pour ce qui est de la deuxième langue, concernant le niveau de connaissance satisfaisant mentionné au point 133 ci-dessus, sur 1 032 personnes, 581 personnes ont déclaré l’anglais, 172 le français, 30 l’allemand, 12 le néerlandais et 9 l’espagnol. S’agissant, enfin, de la troisième langue, sur 395 personnes, 309 personnes ont déclaré le français, 104 l’anglais, 80 l’allemand, 50 l’espagnol et 35 le néerlandais.

137    Tout d’abord, il y a lieu de constater que les tableaux en question ne font, à première vue, que présenter des données concernant les connaissances linguistiques du personnel affecté à la DG « Affaires économiques et financières » et à la DG « Concurrence ».

138    Or, force est de constater que des éléments se rapportant aux connaissances linguistiques du personnel en activité ne sont pas, à eux seuls, de nature à justifier une limitation du choix de la langue 2 d’un concours à un nombre restreint de langues officielles, dans la mesure où un tableau tel que ceux en cause en l’espèce ne permet pas d’établir quelles sont les langues effectivement utilisées par les services concernés dans leur travail au quotidien, voire la ou les langues qui seraient indispensables à l’exercice des fonctions visées par l’avis attaqué.

139    Certes, la Commission fait valoir à la fois que les langues qui apparaissent sur ces documents sont « les langues de travail utilisées comme deuxième et troisième langue en plus d’une langue principale », que ces langues constituent les langues « les plus couramment utilisées, que ce soit comme langues véhiculaires ou comme langues principales du personnel », et que les données figurant sur ces tableaux attestent des « connaissances linguistiques professionnelles » des fonctionnaires concernés.

140    Toutefois, les annexes B.9 et B.10 du mémoire en défense qui, par ailleurs, comportent, selon la Commission, des données recueillies quasiment deux ans après la publication de l’avis attaqué (voir points 132 et 135 ci-dessus), ne sauraient établir ni à eux seuls ni pris conjointement avec les autres éléments fournis par la Commission que les langues qui ont été déclarées par les fonctionnaires en tant que deuxième et troisième langues constitueraient des « langues véhiculaires » ou des « langues de travail » des services en cause.

141    Par ailleurs, il importe de rappeler qu’une limitation du choix de la deuxième langue des candidats à un concours à un nombre restreint des langues officielles ne saurait être considérée comme objectivement justifiée et proportionnée lorsque figurent, parmi ces langues, outre une langue dont la connaissance est souhaitable, voire nécessaire, d’autres langues dont la connaissance ne confère aucun avantage particulier aux lauréats potentiels d’un concours par rapport à celle d’une autre langue officielle. En effet, s’il est admis, comme alternative à la seule langue dont la connaissance constitue un avantage pour un fonctionnaire nouvellement recruté, d’autres langues dont la connaissance ne constitue pas un atout, il n’existe aucune raison valable de ne pas admettre également toutes les autres langues officielles (voir arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 159 et jurisprudence citée).

142    Ainsi, même s’il devait être considéré que les connaissances linguistiques du personnel en activité peuvent indiquer que, pour être immédiatement opérationnel sur le plan de la communication interne, un lauréat du concours en cause en l’espèce devrait maîtriser une langue bénéficiant d’un degré de diffusion particulièrement élevé au sein de ce personnel, les données produites par la Commission, en l’espèce, ne sauraient justifier la limitation litigieuse.

143    S’agissant, d’une part, des données relatives à la troisième langue déclarée par les personnes concernées, elles ne sauraient, en tout état de cause, être prises en compte. En effet, conformément à l’article 28, sous f), du statut, la connaissance de deux langues officielles uniquement est exigée pour le recrutement des fonctionnaires de l’Union. Par ailleurs, il résulte de l’article 45, paragraphe 2, du statut que la capacité à travailler dans une troisième langue est une condition préalable à la première promotion après le recrutement d’un fonctionnaire. Or, en l’occurrence, il ne ressort nullement de l’annexe fournie par la Commission que l’ensemble du personnel concerné a déjà fait preuve d’une telle capacité ou bien que ces personnes ont obtenu leur première promotion. Il ne saurait, ainsi, être considéré, à partir des seuls éléments figurant sur les annexes B.9 et B.10 du mémoire en défense, que les personnes concernées sont capables de travailler dans les langues qu’elles ont déclarées comme troisième langue.

144    D’autre part, il résulte d’une analyse des données relatives aux langues déclarées à titre de première et deuxième langues (voir points 133 et 136 ci-dessus) que seule une connaissance satisfaisante de l’anglais, et dans une bien moindre mesure du français, pourrait être considérée comme conférant un avantage aux lauréats potentiels du concours en cause. Au total, 1 007 et 408 personnes affectées aux directions générales concernées ont une connaissance à tout le moins satisfaisante, respectivement, de l’anglais et du français, alors que seulement 156 personnes disposent d’une telle connaissance de l’allemand, parmi lesquelles d’ailleurs 110 personnes ont déclaré l’allemand comme étant leur première langue, à savoir leur langue principale ou maternelle.

145    À cet égard, en ce qui concerne plus particulièrement l’allemand, la Commission fait valoir qu’il est nécessaire, pour apprécier son importance « comme éventuelle deuxième langue du candidat, de prendre en considération » le fait qu’il s’agit de la « langue la plus étudiée en Europe en tant que langue étrangère », afin de ne pas « fixer des niveaux de compétence qui limitent de manière excessive l’entrée des candidats dans la fonction publique de l’Union ». Sur ce point, la Commission fournit les annexes B.15, B.16 et B.17 du mémoire en défense. Il s’agit, respectivement, du rapport spécial Eurobaromètre no 386 de juin 2012, du communiqué de presse no 144/2014 d’Eurostat, du 25 septembre 2014, relatif aux langues les plus étudiées en 2012 au niveau de l’enseignement secondaire inférieur et d’un document établi par Eurostat et se rapportant à des données statistiques de l’année 2016, relatif aux langues les plus étudiées en cette année au niveau de l’enseignement secondaire supérieur.

146    Il convient de relever, d’emblée, que, en toute hypothèse, les données produites par la Commission seraient éventuellement susceptibles de démontrer le caractère proportionné stricto sensu de la limitation litigieuse, s’il était avéré que celle-ci répondait effectivement à l’intérêt du service invoqué (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 195). Or, ainsi qu’il a été constaté aux points 137 à 144 ci-dessus, cette dernière n’a pas été en mesure de démontrer que cette condition était remplie.

147    En tout état de cause, les données relevant des éléments mentionnés au point 145 ci-dessus se réfèrent à l’ensemble des citoyens de l’Union, y compris des personnes n’ayant pas atteint l’âge de la majorité, si bien qu’il ne saurait être présumé qu’elles reflètent correctement les connaissances linguistiques des candidats potentiels au concours concerné par l’avis attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 193 et jurisprudence citée).

148    La Commission produit, en outre, dans l’annexe B.11 du mémoire en défense, un tableau intitulé « Nombre de documents reçus de la DG ECFIN en 2018 ». Il s’agirait de « demandes d’avis » provenant, selon la Commission, « de l’extérieur » et il résulterait de ce tableau que la plupart de ces documents seraient « de fait, principalement rédigés dans [l]es trois langues [proposées dans l’avis attaqué] ». Selon les chiffres qui y sont présentés, la DG « Affaires économiques et financières » aurait reçu, en 2018, parmi d’autres, 23 893 documents rédigés en anglais, 429 rédigés en français, 216 en grec, 98 en espagnol, 94 en allemand et 65 en italien.

149    Force est de constater que ces chiffres ne sauraient être déterminants pour la résolution du présent litige, et cela indépendamment de la question de savoir si ces éléments, se rapportant à l’année 2018, sont susceptibles d’être pris en compte en l’espèce. En effet, même à considérer que les « documents » auxquels ces chiffres se réfèrent constituent, comme le prétend la Commission, des « demandes d’avis » « provenant de l’extérieur », il ne ressort du dossier ni que les lauréats du concours en cause seraient appelés à traiter ces « demandes » directement ni quel pourrait être le rôle des services de traduction de cette institution à cet égard. Par ailleurs, même à supposer que ces chiffres auraient pu fournir certaines informations s’agissant des langues utilisées par les fonctionnaires et les agents des services concernés par l’avis attaqué dans leur travail, ces informations ne seraient, en réalité, que circonstancielles et dépendraient, en toute logique, des aléas économiques et des hasards du calendrier des différents acteurs externes aux institutions susceptibles de présenter des « demandes d’avis » telles que celles mentionnées par la Commission. Cette constatation se confirme par le grand nombre de documents reçus par la direction générale en question en 2018 en grec, nombre lié, en toute probabilité, aux retombées de la crise de la dette grecque. Certes, la prépondérance écrasante du nombre de documents reçus par la DG « Affaires économiques et financières » en anglais semble être claire au vu des éléments présentés ci-dessus et il est, ainsi, permis de considérer qu’elle présente, globalement, une certaine pérennité. Or, il n’en va certainement pas de même s’agissant du nombre des documents rédigés en français ou en allemand. Enfin et indépendamment du caractère circonstanciel ou pérenne des éléments fournis par la Commission, force est de constater que le nombre de documents reçus par la direction générale concernée en allemand reste très réduit par rapport au nombre de documents reçus en anglais et même en français, alors que ce nombre est inférieur au nombre de documents reçus en espagnol et, toute proportion gardée, ne se distingue que de très peu du nombre de documents reçus en italien. Partant, ces éléments ne sauraient être pris en compte afin de justifier la limitation litigieuse.

ii)    En ce qui concerne les services du Conseil concernés par l’avis attaqué

150    S’agissant des services du Conseil concernés par l’avis attaqué, la Commission fournit, dans l’annexe B.12 du mémoire en défense, un tableau intitulé « Council – Officials in DG ECOMP », censé comporter une liste des agents affectés à la DG « Affaires économiques et compétitivité » du Conseil, recensés par ce qui semble être leur numéro de service, et renseignant sur leur langue maternelle, leur langue de travail et la langue dans laquelle ils correspondent avec les autres services du Conseil. Selon la Commission, il ressort de ce tableau, qui comporte, selon les informations complémentaires fournies par cette dernière en réponse à une mesure d’organisation de la procédure, des éléments se rapportant au 15 juin 2019, que les trois langues proposées dans l’avis attaqué sont les « plus utilisées par le personnel [du Conseil] occupant des fonctions d’économiste ».

151    Le tableau en question comporte des données concernant 98 personnes. Ainsi qu’il ressort de celui-ci, mais également des informations supplémentaires qu’a fournies la Commission en réponse à une mesure d’organisation de la procédure, l’allemand a été déclaré comme étant la langue maternelle de 14 personnes, le français de 12 personnes et l’anglais de 6 personnes. En tant que « langue de travail », 68 personnes ont déclaré l’anglais, 24 personnes le français, 3 personnes l’allemand, 1 personne le suédois et 1 personne le néerlandais. Enfin, pour ce qui est des langues de communication avec les autres services du Conseil, 28 personnes ont déclaré le français alors que toutes les autres ont déclaré l’anglais.

152    Les informations qui semblent ressortir de ce tableau sont d’une pertinence toute relative, dans la mesure où elles ne concernent qu’une seule direction générale du Conseil (voir points 88 et 89 ci-dessus).

153    Force est, d’ailleurs, de constater qu’il ressort de ce document que les personnes affectées à la direction générale en cause ne travaillent, en principe, pas dans leur langue maternelle, dans la mesure où elles ont, toutes, déclaré une « langue de travail » différente de leur langue maternelle. C’est, dès lors, aux données concernant cette « langue de travail » qu’il conviendra de s’intéresser par la suite, laquelle consiste, selon les explications fournies par la Commission en réponse à une mesure d’organisation de la procédure, en la langue « utilisée par [les fonctionnaires en question] pour la communication écrite et orale avec leurs collègues du même service […] ainsi que pour la rédaction d’actes et de documents individuels ».

154    Cette affirmation de la Commission est, pourtant, contredite par le tableau en question, dans la mesure où, parmi les 98 agents, il y en a un qui a déclaré le suédois et un autre qui a déclaré le néerlandais comme « langue de travail ». Or, il est difficilement envisageable que ces personnes n’aient pas besoin, dans le cadre de leurs fonctions, de communiquer à l’écrit ou à l’oral avec leurs collègues dans une langue commune. Partant, la fiabilité et la pertinence du tableau en question en ce qui concerne la langue déclarée comme « langue de travail » sont contestables et ne sauraient être que relatives.

155    En ce qui concerne, en outre, les données sur la « langue de correspondance avec les autres services du Conseil », force est de constater que, dans la mesure où les seules langues déclarées par les personnes concernées sont l’anglais et le français et que la colonne dédiée ne contient aucune mention de l’allemand, ces données ne sauraient être susceptibles à elles seules de justifier la limitation litigieuse.

156    En tout état de cause, les analyses exposées aux points 141 à 147 ci-dessus s’agissant des annexes B.10 et B.11 du mémoire en défense valent, par analogie, en ce qui concerne l’annexe B.12 dudit mémoire.

157    En effet, même s’il devait être considéré que les connaissances linguistiques du personnel en activité telles qu’elles ressortent de l’annexe B.12 du mémoire en défense peuvent indiquer que, pour être immédiatement opérationnelle, une nouvelle personne recrutée devrait maîtriser une langue bénéficiant d’un degré de diffusion particulièrement élevé parmi les membres de ce personnel, les données présentées dans cette annexe ne sauraient justifier la limitation litigieuse.

158    Il résulte, ainsi, d’une analyse de ces données que seule une connaissance de l’anglais et, dans une moindre mesure, du français, peut être considérée comme conférant un avantage aux lauréats potentiels du concours en cause. Au total, étant donné que, parmi les 28 personnes qui ont déclaré le français comme « langue de correspondance avec les autres services du Conseil », 11 ont déclaré comme « langue de travail » l’anglais, un total de 81 sur les 98 agents concernés par l’annexe B.12 du mémoire en défense disposent d’une connaissance de l’anglais leur permettant soit de travailler, soit de communiquer avec les autres services du Conseil dans cette langue. Dès lors, en outre, que 9 personnes sur les 70 ayant déclaré l’anglais comme « langue de correspondance avec les autres services du Conseil » ont déclaré le français comme « langue de travail », un total de 37 agents sur 98 disposent d’une telle connaissance du français. Or, il n’y a, au total, que 16 agents sur 98 qui disposent d’une connaissance à tout le moins satisfaisante de l’allemand et, ainsi qu’il ressort des données concernant les langues utilisées par les agents en question pour communiquer avec les autres services du Conseil (voir points 150 et 151 ci-dessus), ces 16 personnes disposent, également, d’une connaissance de l’anglais ou du français leur permettant à tout le moins de communiquer avec les autres services du Conseil. Au regard de ces constatations, la raison pour laquelle un lauréat du concours visé par l’avis attaqué ayant une connaissance satisfaisante de l’allemand et ayant déclaré cette langue comme langue 2 du concours serait immédiatement opérationnel au sein de la DG « Affaires économiques et compétitivité » du Conseil ne ressort pas de manière claire des données en cause, sauf à supposer que tel candidat disposerait, concomitamment, d’une connaissance à tout le moins satisfaisante de l’anglais ou, dans une bien moindre mesure, du français.

iii) En ce qui concerne les services du Parlement concernés par l’avis attaqué

159    Enfin, la Commission produit, dans l’annexe B.13 du mémoire en défense, un courriel rédigé par un membre du personnel du Parlement sur le sujet « Concours ECFIN ». Selon ce courriel, « [l]es économétriciens, lauréats du concours ECFIN devront, pour la plupart, travailler dans la DG EPRS et IPOL », à savoir dans les directions générales, respectivement, des services de recherche parlementaire et des politiques internes de l’Union. En ce qui concerne les langues utilisées dans ces deux directions générales, ledit courriel mentionne qu’elles sont celles de « la moyenne du [Parlement] dans son ensemble », qui était, en 2016, de 95 % pour l’anglais, de 90 % pour le français et de 30 % pour l’allemand.

160    En réponse à une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a indiqué que ces pourcentages se référaient « soit à la deuxième[,] soit à la troisième langue [des membres du personnel concernés] » et correspondaient à l’utilisation de l’anglais, du français et de l’allemand « soit comme deuxième[,] soit comme troisième langue de la part du personnel du Parlement ».

161    À cet égard, force est de constater que, au vu des constatations concernant la connaissance d’une troisième langue par les fonctionnaires et par les agents de l’Union exposées au point 143 ci-dessus, les données en question ne sauraient être prises en compte, dans la mesure où la Commission ne prétend pas que l’ensemble des fonctionnaires ou des agents en question ont une connaissance satisfaisante d’une troisième langue officielle de l’Union et qu’ils sont, ainsi, capables de travailler dans cette troisième langue.

162    Les pourcentages mentionnés ci-dessus ne sauraient, en réalité, être lus que comme portant sur les connaissances linguistiques du personnel affecté aux services du Parlement concernés par l’avis attaqué. Or, les conclusions exposées aux points 88 et 89, 137 à 139 et 152 à 158 ci-dessus à propos des services de la Commission et du Conseil valent par analogie en ce qui les concerne.

163    Au vu de tout ce qui a été exposé, il y a lieu de conclure que les éléments produits par la Commission et visant à établir que les trois langues proposées dans l’avis attaqué sont les langues utilisées dans le travail au quotidien des services concernés par l’avis attaqué ne sauraient suffire, ni pris isolément ni pris dans leur ensemble, à justifier la limitation litigieuse. Il n’y a, ainsi, pas besoin d’examiner l’argumentation présentée par la République italienne concernant les langues de rédaction des « publications économiques et financières de l’Union » (voir point 76 ci-dessus).

164    Partant, en tenant compte de ce qui a été exposé aux points 53 à 56 ci-dessus, il n’y a pas lieu, en l’espèce, d’examiner non plus l’argumentation avancée par la Commission liée à l’organisation du concours en cause et, notamment, à la composition des jurys. Ainsi que la République italienne le fait valoir au point 72 de la réplique, dans la mesure où la réalité de l’objectif légitime poursuivi par la limitation litigieuse n’a pas été établie, il en va de même s’agissant des arguments avancés par la Commission et visant à prouver la proportionnalité de cette limitation.

165    Il y a, dès lors, lieu de conclure qu’il n’y a pas, en l’espèce, été établi que l’objectif légitime invoqué dans l’avis attaqué, à savoir l’objectif de recruter des lauréats immédiatement opérationnels, pouvait être atteint par le biais de la limitation litigieuse, sans qu’il soit besoin d’examiner en détail l’ensemble des arguments avancés par la République italienne dans le cadre des divers moyens invoqués par cette dernière devant le Tribunal visant à contester la limitation litigieuse.

B.      Sur l’obligation litigieuse

166    Ainsi qu’il a été indiqué au point 32 ci-dessus, c’est par son sixième moyen que la République italienne remet en cause la légalité du second volet de l’avis attaqué identifié au point 30 ci-dessus.

167    Selon la République italienne, l’obligation litigieuse, et notamment l’obligation imposée aux candidats d’utiliser la langue 2 du concours en cause pour la rédaction de leur acte de candidature, constitue une violation manifeste des dispositions qu’elle invoque et dont il découle clairement que les citoyens de l’Union ont le droit de s’adresser aux institutions en utilisant n’importe laquelle des langues officielles de l’Union. La République italienne invoque, à cet égard, l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752).

168    La République italienne fait valoir, plus particulièrement, que les citoyens dont la langue principale n’est pas une des trois langues proposées dans l’avis attaqué sont discriminés en raison de l’obligation litigieuse, ce qui serait contraire aux principes du multilinguisme ainsi qu’au droit des citoyens d’accéder à la fonction publique de l’Union. Les institutions ne sauraient imposer à leurs fonctionnaires n’importe quelle restriction linguistique, ce qui vaut d’autant plus en ce qui concerne les candidats à un concours tel que celui en cause en l’espèce.

169    À titre subsidiaire, la République italienne fait valoir un défaut de motivation manifeste, l’avis attaqué ne comportant aucune justification quant à l’obligation litigieuse.

170    La Commission réfute l’argumentation présentée par la République italienne en faisant valoir que le régime linguistique du concours en cause est approprié pour répondre aux besoins réels des services concernés et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. La Commission ajoute que le niveau de compréhension linguistique exigé pour les échanges entre l’EPSO et les candidats est bien moindre que celui nécessaire pour les épreuves du concours. En ce qui concerne, plus spécifiquement, l’acte de candidature, la Commission fournit, dans l’annexe B.18 du mémoire en défense, un manuel pour la préparation des candidats à cet égard, lequel est disponible dans toutes les langues officielles.

171    Dans la duplique, la Commission relève que, selon les arrêts du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), et du 26 mars 2019, Commission/Italie (C‑621/16 P, EU:C:2019:251), la question des échanges entre les candidats à un concours tel que celui en cause en l’espèce et l’EPSO relève uniquement de l’article 1er quinquies, paragraphe 6, du statut. Elle précise, d’ailleurs, que l’obligation imposée aux candidats à cet égard est justifiée par les mêmes considérations que celles ayant justifié la limitation litigieuse. Le régime linguistique ainsi complété serait, par ailleurs, proportionné, compte tenu des pourcentages de diffusion des trois langues proposées dans l’avis attaqué en tant que langues étudiées par ceux qui « comme les jeunes citoyens [de l’Union], se portent candidats à la fonction publique [de l’Union] ».

172    Le Royaume d’Espagne soutient l’argumentation présentée par la République italienne. Il fait valoir, plus spécifiquement, que l’avis attaqué ne comporte aucune justification démontrant l’existence d’un objectif légitime d’intérêt général qui permettrait de considérer que l’obligation litigieuse est justifiée.

173    Il convient, sur ce point, de rappeler qu’il ne saurait être inféré de l’obligation incombant à l’Union de respecter la diversité linguistique qu’il existe un principe général du droit assurant à chaque personne le droit à ce que tout ce qui serait susceptible d’affecter ses intérêts soit rédigé dans sa langue en toutes circonstances et selon lequel les institutions seraient tenues, sans qu’aucune dérogation y soit autorisée, à utiliser l’ensemble des langues officielles dans toute situation (voir arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 37 et jurisprudence citée).

174    En particulier, dans le cadre spécifique des procédures de sélection du personnel de l’Union, la Cour a jugé que les institutions ne sauraient se voir imposer des obligations allant au-delà des exigences prévues à l’article1er quinquies du statut (voir arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 39 et jurisprudence citée).

175    À cet égard, s’il n’est pas exclu que l’intérêt du service puisse justifier la limitation du choix de la langue 2 d’un concours organisé par l’EPSO à un nombre restreint de langues officielles, et ce même dans le cadre des concours ayant une nature général et y compris pour ce qui est de la langue des communications entre les candidats et l’EPSO, une telle limitation doit, néanmoins, impérativement reposer sur des éléments objectivement vérifiables, tant par les candidats aux concours que par les juridictions de l’Union, de nature à justifier les connaissances linguistiques exigées, qui doivent être proportionnées aux besoins réels du service (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 124 et jurisprudence citée).

176    En l’espèce, en ce qui concerne, d’une part, le défaut de motivation allégué par la République italienne, force est de constater que l’avis attaqué ne comporte aucune motivation spécifique s’agissant de l’obligation litigieuse.

177    Or, il y a lieu de considérer, à la lumière des arguments avancés par la Commission, que l’obligation litigieuse est corrélée à la limitation litigieuse concernant le choix de la langue 2 du concours en cause et qu’elle est, en réalité, imposée pour les mêmes raisons que l’est cette limitation. En effet, il ne saurait être déduit de la jurisprudence que la justification fournie dans un avis tel que l’avis attaqué concernant le régime des communications entre les candidats et l’EPSO devrait obligatoirement être distincte des motifs justifiant le régime linguistique des concours concernés en général.

178    En ce qui concerne, d’autre part, le bien-fondé des motifs, et selon ce qui a été exposé aux points 81 et suivants ci-dessus, la Commission n’a pas été en mesure d’établir que la limitation litigieuse était, en l’espèce, justifiée par rapport à l’objectif légitime qu’elle était censée faire réaliser. Ainsi et au vu de ce qui vient d’être exposé, il en va de même s’agissant de l’obligation litigieuse.

179    Il y a, dès lors, lieu d’accueillir le sixième moyen présenté par la République italienne et d’annuler, ainsi, l’avis attaqué dans son ensemble.

180    S’agissant des effets de cette annulation, il y a lieu de relever que, pour des raisons analogues à celles exposées aux points 83 à 87 de l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), l’annulation de l’avis attaqué ne saurait avoir d’incidence sur d’éventuels recrutements déjà effectués sur la base des listes de réserve établies à l’issue de la procédure de sélection en cause, au regard de la confiance légitime dont bénéficient les lauréats qui se seraient d’ores et déjà vu offrir un poste sur le fondement de leur inscription sur lesdites listes (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 230 et jurisprudence citée).

 Sur les dépens

181    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la République italienne.

182    Selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’avis de concours général EPSO/AD/339/17, organisé pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (AD 7) dans les domaines suivants : 1) Économie financière et 2) Macroéconomie, est annulé.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la République italienne.

3)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Costeira

Gratsias

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 juin 2021.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la légalité de la limitation litigieuse

1. Sur le cadre législatif et jurisprudentiel

2. Sur la motivation de l’avis attaqué

3. Sur le bien-fondé des motifs que comporte l’avis attaqué concernant la limitation litigieuse

a) Observations liminaires

b) Sur l’objectif consistant à sélectionner des lauréats immédiatement opérationnels

c) Sur le bien-fondé des motifs tendant à justifier la limitation litigieuse

1) Sur la pratique interne de la Commission en matière linguistique

2) Sur les éléments relatifs aux « langues de travail » des services concernés par l’avis attaqué.

i) En ce qui concerne les services de la Commission concernés par l’avis attaqué

ii) En ce qui concerne les services du Conseil concernés par l’avis attaqué

iii) En ce qui concerne les services du Parlement concernés par l’avis attaqué

B. Sur l’obligation litigieuse

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’italien.