Language of document : ECLI:EU:F:2010:7

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

4 février 2010 (*)

« Fonction publique — Concours général — Non-inscription sur la liste de réserve — Note insuffisante — Avis de concours général EPSO/AST/7/05 — Administration de la preuve — Intérêt à agir »

Dans l’affaire F‑15/08,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Valérie Wiame, agent temporaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et É. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, initialement représentée par Mmes L. Lozano Palacios et B. Eggers, en qualité d’agents, puis par M. J. Currall et Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de Mme I. Boruta (rapporteur), faisant fonction de président, MM. H. Kreppel et S. Van Raepenbusch, juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 juin 2009,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 8 février 2008 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 17 février suivant), Mme Wiame demande l’annulation de la décision du jury du concours EPSO/AST/7/05 lui attribuant une note insuffisante pour être inscrite sur la liste de réserve du concours.

 Cadre juridique

2        Le 20 juillet 2005, l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO) a publié l’avis de concours général EPSO/AST/7/05 pour la constitution d’une réserve d’assistants dans les domaines « Gestion financière/comptabilité » et « Gestion des contrats/projets » (JO C 178A, p. 22, ci-après l’« avis de concours »).

3        Le titre A, point I, intitulé « Nature des fonctions », de l’avis de concours dispose notamment :

« Domaine 2 : gestion des contrats/projets

–        rédiger ou vérifier les contrats sur la base des modèles et manuels existants,

–        préparer ou vérifier les appels de propositions, appels d’offres et appels de manifestation d’intérêt en vue de l’établissement des contrats et des conventions liés à des subventions,

–        participer à des comités d’évaluation afin d’assurer le suivi des procédures de sélection et d’attribution des propositions,

–        assurer le suivi administratif et financier des contrats (engagement, paiement, clôture),

–        rédiger les cahiers des charges pour les contrats et les conventions,

–        rédiger ou vérifier les addenda et avenants aux contrats,

–        dispenser des conseils dans les domaines des contrats, des offres et des questions financières,

–        réaliser des analyses budgétaires des offres dans le cadre des contrats de services,

–        fournir une assistance aux unités opérationnelles (y compris les délégations),

–        gérer des projets de coopération. »

4        Le titre A, point II, intitulé « Conditions d’admission (profil requis) », de l’avis de concours dispose :

« Le concours est ouvert aux candidats qui, à la date limite fixée pour l’inscription électronique (voir titre C), remplissent les conditions suivantes :

1. Titres et diplômes

Les candidats doivent avoir :

i)      un niveau d’enseignement supérieur sanctionné par un diplôme dans un domaine en rapport avec la nature des fonctions décrites au titre A, point I,

ou

ii)      un niveau d’enseignement secondaire, général ou professionnel, sanctionné par un diplôme donnant accès à l’enseignement supérieur suivi d’une expérience professionnelle d’une durée minimale de trois ans, à temps complet, en rapport avec la nature des fonctions.

Les jurys tiendront compte à cet égard des différentes structures d’enseignement. Les tableaux annexés au guide à l’intention des candidats […] (voir site internet de l’EPSO) reprennent des exemples de diplômes minimaux requis selon la catégorie, sans préjudice des conditions plus exigeantes imposées par l’avis de concours.

2. Expérience professionnelle

Les candidats doivent avoir :

–        depuis l’obtention du titre/diplôme exigé au titre A, point II 1[, sous] i),

ou

–        depuis l’obtention du titre/diplôme exigé au titre A, point II 1[, sous] ii),

acquis une expérience professionnelle d’une durée minimale de cinq ans à temps complet, en rapport avec la nature des fonctions. »

 Faits à l’origine du litige

5        La requérante s’est portée candidate au concours EPSO/AST/7/05 pour la constitution d’une réserve d’assistants de grade AST 3 (ci-après le « concours »). Lors de son inscription au concours, la requérante a opté pour le domaine « Gestion des contrats/projets » qui prévoyait l’établissement d’une liste de réserve de 110 lauréats.

6        Ayant été admise à concourir, la requérante a passé toutes les épreuves écrites et l’épreuve orale du concours. Sa note globale a été de 68/100 comme celle de cinq autres candidats. Six autres candidats ont obtenu une note de 68,5/100. Les derniers candidats admis sur la liste de réserve ont obtenu une note de 69/100.

7        Par lettre du 29 janvier 2007, la requérante a été informée que, bien que ses notes obtenues lors des épreuves écrites et orale du concours aient été supérieures ou égales au minimum requis, sa note globale était insuffisante pour permettre au jury d’inscrire son nom sur la liste de réserve.

8        Par un courrier en date du 13 février 2007, la requérante a adressé à l’EPSO une demande de réexamen des résultats obtenus. L’EPSO en a accusé réception le 16 février suivant.

9        Par lettre du 4 avril 2007, l’EPSO a informé la requérante que, après avoir réexaminé son dossier, vérifié ses résultats et s’être assuré qu’aucune erreur administrative n’avait entaché le processus de correction de ses épreuves écrites ou le calcul du résultat de son épreuve orale, le jury du concours avait confirmé la note de 68/100 lui ayant été attribuée.

10      Le 4 juillet 2007, la requérante a introduit une réclamation contre la décision du jury du concours de ne pas inscrire son nom sur la liste de réserve.

11      La réclamation a fait l’objet d’une décision explicite de rejet datée du 5 novembre 2007.

 Conclusions des parties et procédure

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du jury du concours lui attribuant une note insuffisante pour l’inscrire sur la liste des lauréats ;

–        condamner la Commission européenne aux dépens.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable, subsidiairement comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      Par voie de mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a ordonné, eu égard au caractère personnel des informations contenues dans les curriculum vitæ et dans les extraits du guide des services de la Commission et de la base de données du Parlement européen joints par la requérante à sa requête et à son mémoire en réplique, que ces documents soient retirés du dossier.

15      En outre, le Tribunal a demandé à la Commission de produire, sous forme anonymisée, les actes de candidature des lauréats qui travaillent à son service et auxquels s’est référée la requérante dans son mémoire en réplique. La Commission a déféré à la demande du Tribunal par lettre déposée au greffe le 16 avril 2009.

 Sur la recevabilité du recours

 Arguments des parties

16      La Commission soulève l’irrecevabilité du recours pour absence de concordance avec la réclamation, en ce que la requérante changerait la portée de son grief au gré des circonstances, invoquant, lors de la procédure précontentieuse, la circonstance que 20 lauréats ne remplissaient pas les conditions pour être nommés, puis indiquant, dans la requête, 27 noms, avant de se limiter, dans son mémoire en réplique, à fournir 5 curriculum vitæ, dont 3 se réfèrent à des candidats ne figurant pas sur ladite liste de 20 noms.

17      En outre, la Commission soutient expressément dans son mémoire en duplique, que la requérante n’aurait pas précisé à suffisance ses griefs au stade de sa réclamation, puisque, dans celle-ci, elle se borne à écrire que 20 candidats ne remplissaient pas les conditions fixées par l’avis de concours pour être admis à concourir, avant de joindre à cette argumentation, dans sa requête, une simple liste de 20 noms d’agents de la Commission, et, enfin, d’annexer, dans son mémoire en réplique, 5 curriculum vitæ, dont 3 se réfèrent à des candidats ne figurant pas sur ladite liste de 20 noms.

18      Lors de l’audience, la Commission a également affirmé que le recours serait irrecevable au motif que la requérante n’aurait pas d’intérêt à agir. Pour soutenir sa thèse, la Commission a présenté au Tribunal la liste récapitulative des résultats du concours. Or, il ressort de cette liste que les derniers lauréats inscrits sur la liste de réserve ont obtenu une note de 69/100, que six candidats ont obtenu une note de 68,5/100 et que six candidats, dont la requérante, ont obtenu une note de 68/100. La Commission en déduit que, même à considérer que l’inscription sur la liste de réserve de ces cinq lauréats serait irrégulière, la requérante ne pourrait prétendre figurer sur ladite liste.

19      Pour sa part, la requérante prétend, tout d’abord, que la Commission a été en mesure de comprendre quels étaient l’objet et les motifs du litige. Ensuite, elle soutient ne pas avoir invoqué dans la requête de moyens autres que ceux soulevés dans la réclamation, mais avoir uniquement précisé et développé ces derniers. Enfin, la requérante estime, eu égard notamment à la confidentialité entourant un concours, avoir apporté suffisamment d’indices démontrant que le jury aurait admis à concourir des candidats ne satisfaisant pas aux exigences requises. Par conséquent, elle aurait intérêt à agir car, ayant apporté lesdits indices, il appartiendrait ensuite à la Commission d’établir que le jury a correctement sélectionné les candidats et au Tribunal de vérifier que tel est bien le cas.

 Appréciation du Tribunal

20      À titre liminaire, si la requérante ne précise pas laquelle des décisions du jury du concours lui attribuant une note insuffisante pour l’inscrire sur la liste des lauréats elle entend attaquer, celle lui ayant été communiquée le 29 janvier 2007 ou celle adoptée après réexamen, datée du 4 avril 2007, il convient de constater, eu égard à la jurisprudence constante, que fait uniquement grief à la requérante la décision du 4 avril 2007 prise après réexamen (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 13 décembre 2006, Heus/Commission, T‑173/05, RecFP p. I‑A‑2‑329 et II‑A‑2‑1695, point 19 ; arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Van Neyghem/Commission, F‑73/06, RecFP p. I‑A‑1‑441 et II‑A‑1‑2515, point 39) et que partant, c’est à l’encontre de celle-ci que la requérante dirige ses conclusions.

21      Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, d’une part, un acte administratif jouit d’une présomption de légalité (voir, notamment, arrêts du Tribunal de première instance du 19 novembre 1996, Brulant/Parlement, T‑272/94, RecFP p. I‑A‑513 et II‑1397, point 35, et du 13 juillet 2000, Griesel/Conseil, T‑157/99, RecFP p. I‑A‑151 et II‑699, point 25) et, d’autre part, la charge de la preuve pèse, par principe, sur celui qui allègue, de sorte qu’il incombe au requérant de fournir à tout le moins des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir la véracité ou la vraisemblance des faits à l’appui de sa prétention (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, Rec. p. I‑1611, points 113 et 114). Par conséquent, un requérant ne disposant ni de preuve ni, à tout le moins, d’un faisceau d’indices doit accepter la présomption de légalité attachée aux décisions adoptées en matière de concours et ne saurait exiger du Tribunal qu’il examine de lui-même les actes de candidature des lauréats aux fins de vérifier si certains lauréats n’auraient pas été irrégulièrement admis à concourir.

22      En l’espèce, il y a lieu de relever que la requérante s’est, d’abord, bornée à alléguer, dans sa réclamation, que 20 candidats ne remplissaient pas les conditions fixées par l’avis de concours, ensuite, dans sa requête et à l’appui de son argumentation, elle a joint une simple liste de 20 noms d’agents de la Commission et, enfin, dans son mémoire en réplique, elle a identifié 5 lauréats qui auraient été irrégulièrement admis, dont 3 ne figurant pas sur ladite liste de 20 noms.

23      Partant, force est de constater que la requérante s’est uniquement conformée aux exigences concernant la charge de la preuve en ce qui concerne ces cinq lauréats. En effet, d’une part, la requérante a précisé ses griefs à l’égard de l’admission à concourir de chacun de ces cinq lauréats lors de l’audience, et, d’autre part, lesdits actes de candidature sont suffisamment détaillés pour que, le cas échéant, le Tribunal ait la possibilité d’examiner la régularité de l’admission à concourir des lauréats concernés.

24      En revanche, les autres éléments fournis par la requérante ne satisfont pas aux exigences concernant la charge de la preuve, car ces derniers se bornent à faire état d’informations laconiques et disparates. Partant les documents fournis ne sauraient constituer un élément de preuve ou même un indice de ce que les personnes qu’ils visent ne remplissaient pas les conditions pour concourir, et ceci d’autant que la requérante n’indique pas sur quels éléments elle se fonde pour soutenir ses allégations.

25      En conséquence, il y a uniquement lieu d’examiner les griefs de la requérante dans la mesure où ils sont dirigés contre les cinq lauréats précités. Cependant, eu égard à la liste récapitulative des résultats produite par la Commission lors de l’audience, il convient d’abord de déterminer si la requérante peut valablement prétendre à figurer sur la liste.

26      Or, en l’espèce, il résulte du dossier que la requérante a obtenu, comme cinq autres candidats, une note de 68/100, que six candidats ont obtenu une note de 68,5/100 et que les derniers candidats admis sur la liste de réserve ont obtenu une note de 69/100. Ainsi, même à supposer que les cinq lauréats susmentionnés aient été à tort admis à concourir, la requérante, pour être inscrite sur la liste de réserve constituée à l’issue du concours, aurait dû encore établir que six autres candidats ne remplissaient pas les conditions posées par l’avis de concours, ce qu’elle n’a pas fait. Dans ces conditions, force est de constater que, même si le Tribunal devait accueillir les griefs de la requérante dirigés contre les cinq lauréats visés au point 23 ci-dessus, un tel résultat ne serait pas pour autant de nature à lui permettre d’être admise sur la liste de réserve.

27      En conséquence, la requérante n’a pas d’intérêt légitime à demander l’annulation de la décision attaquée, puisque dans l’hypothèse où celle-ci serait annulée une nouvelle décision ne pourrait être prise qu’à l’identique (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 11 décembre 1991, Frederiksen/Parlement, T‑169/89, Rec. p. II‑1403, point 53, et du 14 novembre 2006, Neirinck/Commission, T‑494/04, RecFP p. I‑A‑2‑259 et II-A‑2‑1345).

 Sur les dépens

28      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

29      Toutefois, en vertu de l’article 88 du règlement de procédure, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l’autre partie les frais qu’elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

30      En l’espèce, le Tribunal constate que la Commission a tardé à informer le Tribunal et la requérante de ce que le classement de cette dernière ne lui permettait pas, eu égard à ses arguments et à son offre de preuve, de prétendre figurer sur la liste de réserve, constituée à l’issue du concours, ce qui a eu pour effet de faire perdurer inutilement le litige.

31      En conséquence, compte tenu du comportement de la Commission dans le cadre de la présente affaire, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Wiame supporte ses propres dépens.

3)      La Commission européenne supporte ses propres dépens.

Boruta

Kreppel

Van Raepenbusch

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 février 2010.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Tagaras


* Langue de procédure : le français.