Language of document :

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

8 septembre 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Droit d’auteur et droits voisins – Radiodiffusion par satellite et retransmission par câble – Directive 93/83/CEE – Article 1er, paragraphe 3 – Notion de “retransmission par câble” – Prestataire de la retransmission n’ayant pas la qualité de câblodistributeur – Distribution simultanée, inchangée et intégrale d’émissions de télévision ou de radio diffusées par satellite et destinées à être captées par le public, effectuée par l’exploitant d’un établissement hôtelier, au moyen d’une antenne parabolique, d’un câble et de récepteurs de télévision ou de radio – Absence »

Dans l’affaire C‑716/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Supremo Tribunal de Justiça (Cour suprême, Portugal), par décision du 10 novembre 2020, parvenue à la Cour le 31 décembre 2020, dans la procédure

RTL Television GmbH

contre

Grupo Pestana S.G.P.S. SA,

SALVOR – Sociedade de Investimento Hoteleiro SA,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. I. Jarukaitis, M. Ilešič (rapporteur), D. Gratsias et Z. Csehi, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er décembre 2021,

considérant les observations présentées :

–        pour RTL Television GmbH, par Me J. P. de Oliveira Vaz Miranda de Sousa, advogado,

–        pour Grupo Pestana S.G.P.S. SA et SALVOR – Sociedade de Investimento Hoteleiro SA, par Me H. Trocado, advogado,

–        pour la Commission européenne, par MM. É. Gippini Fournier, B. Rechena et Mme J. Samnadda, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/83/CEE du Conseil, du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble (JO 1993, L 248, p. 15).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant RTL Television GmbH (ci-après « RTL ») à Grupo Pestana S.G.P.S. SA (ci‑après « Grupo Pestana ») et à SALVOR – Sociedade de Investimento Hoteleiro SA (ci-après « Salvor ») au sujet de la mise à disposition, dans les chambres d’hôtels exploités par ces dernières, sans l’autorisation préalable de la première, des émissions d’une chaîne de RTL.

 Le cadre juridique

 Le droit international

 L’accord ADPIC

3        L’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après l’« accord ADPIC »), signé le 15 avril 1994 à Marrakech et qui constitue l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a été approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1).

4        L’article 9 de l’accord ADPIC, intitulé « Rapports avec la Convention de Berne », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les Membres se conformeront aux articles premier à 21 de la Convention de Berne [pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (acte de Paris du 24 juillet 1971), dans sa version résultant de la modification du 28 septembre 1979 (ci-après la “convention de Berne”)] et à l’Annexe de ladite Convention. [...] »

5        L’article 14 de cet accord, intitulé « Protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes (enregistrements sonores) et des organismes de radiodiffusion », prévoit, à son paragraphe 3 :

« Les organismes de radiodiffusion auront le droit d’interdire les actes ci-après lorsqu’ils seront entrepris sans leur autorisation : la fixation, la reproduction de fixations et la réémission par le moyen des ondes radioélectriques d’émissions ainsi que la communication au public de leurs émissions de télévision. Dans les cas où les Membres n’accorderont pas de tels droits à des organismes de radiodiffusion, ils donneront aux titulaires du droit d’auteur sur le contenu d’émissions la possibilité d’empêcher les actes susmentionnés, sous réserve des dispositions de la Convention de Berne. »

 La convention de Berne

6        L’article 11 bis, paragraphe 1, de la convention de Berne stipule :

« Les auteurs d’œuvres littéraires et artistiques jouissent du droit exclusif d’autoriser :

[...]

2°      toute communication publique, soit par fil, soit sans fil, de l’œuvre radiodiffusée, lorsque cette communication est faite par un autre organisme que celui d’origine ;

[...] »

 La convention de Rome

7        Aux termes de l’article 3, sous g), de la Convention internationale sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion, faite à Rome le 26 octobre 1961 (ci-après la « convention de Rome »), on entend par « réémission », aux fins de celle-ci, « l’émission simultanée par un organisme de radiodiffusion d’une émission d’un autre organisme de radiodiffusion ».

8        L’article 13 de cette convention, intitulé « Protection minima des organismes de radiodiffusion », est libellé comme suit :

« Les organismes de radiodiffusion jouissent du droit d’autoriser ou d’interdire :

a)      la réémission de leurs émissions ;

b)      la fixation sur un support matériel de leurs émissions ;

c)      la reproduction :

(i)      des fixations, faites sans leur consentement, de leurs émissions ;

(ii)      des fixations, faites en vertu des dispositions de l’article 15, de leurs émissions et reproduites à des fins autres que celles visées par lesdites dispositions ;

d)      la communication au public de leurs émissions de télévision, lorsqu’elle est faite dans des lieux accessibles au public moyennant paiement d’un droit d’entrée ; il appartient à la législation nationale du pays où la protection de ce droit est demandée de déterminer les conditions d’exercice dudit droit. »

 Le droit de lUnion

 La directive 93/83

9        Les considérants 8 à 10, 27 et 28 de la directive 93/83 sont libellés comme suit :

« (8)      [C]onsidérant que [...] la sécurité juridique, qui est une condition préalable de la libre circulation des émissions de radiodiffusion à l’intérieur de la Communauté, fait défaut lorsque des programmes retransmis à travers plusieurs pays sont introduits et diffusés dans des réseaux câblés ;

(9)      considérant que le développement de l’acquisition contractuelle des droits sur la base d’une autorisation contribue déjà activement à la création de l’espace audiovisuel européen souhaité; que la continuation de tels accords contractuels doit être assurée et qu’il convient de tout mettre en œuvre pour que leur application suscite le moins de difficultés possible ;

(10)      considérant que, en particulier, les distributeurs par câble ne peuvent actuellement être certains d’avoir acquis réellement tous les droits liés aux programmes faisant l’objet de tels accords ;

[...]

(27)      considérant que la retransmission par câble de programmes à partir d’autres États membres constitue un acte relevant du droit d’auteur et, le cas échéant, de droits voisins du droit d’auteur ; qu’un distributeur par câble doit donc obtenir, pour chaque partie d’un programme retransmis, l’autorisation de tous les titulaires de droits ; que, dans le cadre de la présente directive, ces autorisations doivent en principe être accordées par contrat, sauf si une exception temporaire a été prévue pour des régimes de licences légaux ayant déjà cours ;

(28)      considérant que, pour faire en sorte que des personnes extérieures détenant des droits sur certains éléments de programmes ne puissent mettre en cause, en faisant valoir leurs droits, le bon déroulement des arrangements contractuels, il convient, dans la mesure où les caractéristiques de la retransmission par câble l’exigent, de prévoir, avec l’obligation de recours à une société de gestion collective, un exercice exclusivement collectif du droit d’autorisation ; que le droit d’autorisation en tant que tel demeure intact et que seul son exercice est réglementé dans une certaine mesure, ce qui implique que la cession du droit d’autoriser une retransmission par câble reste possible ; que la présente directive n’affecte pas l’exercice du droit moral ».

10      L’article 1er de cette directive, intitulé « Définitions », dispose, à son paragraphe 3 :

« Aux fins de la présente directive, on entend par “retransmission par câble” la retransmission simultanée, inchangée et intégrale par câble ou par un système de diffusion par ondes ultracourtes pour la réception par le public d’une transmission initiale à partir d’un autre État membre, sans fil ou avec fil, notamment par satellite, d’émissions de télévision ou de radio destinées à être captées par le public. »

11      Aux termes de l’article 2 de ladite directive, intitulé « Droit de radiodiffusion » :

« Les États membres prévoient le droit exclusif de l’auteur d’autoriser la communication au public par satellite d’œuvres protégées par le droit d’auteur [...] »

12      L’article 8 de la même directive, intitulé « Droit de retransmission par câble », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que les retransmissions par câble d’émissions provenant d’autres États membres se déroulent sur leur territoire dans le respect des droits d’auteur et droits voisins en vigueur et sur la base de contrats individuels ou collectifs conclus entre les titulaires des droits d’auteur et de droits voisins et les distributeurs par câble. »

13      L’article 9 de la directive 93/83, intitulé « Exercice du droit de retransmission par câble », énonce :

« 1.      Les États membres veillent à ce que le droit des titulaires de droits d’auteur et de droits voisins d’accorder ou de refuser l’autorisation à un câblodistributeur pour la retransmission par câble d’une émission ne puisse être exercé que par une société de gestion collective.

2.      Lorsque le titulaire n’a pas confié la gestion de ses droits à une société de gestion collective, la société de gestion collective qui gère des droits de la même catégorie est réputée être chargée de gérer ses droits. Lorsque plusieurs sociétés de gestion collectives gèrent des droits de cette catégorie, le titulaire peut désigner lui-même la société de gestion collective qui sera réputée être chargée de gérer ses droits. Le titulaire visé au présent paragraphe a les mêmes droits et obligations, dans le cadre du contrat conclu entre le câblodistributeur et la société de gestion collective qui est réputée être chargée de gérer ses droits, que les titulaires qui ont chargé cette société de gestion collective de défendre leurs droits et il peut revendiquer ces droits dans un délai, à fixer par l’État membre concerné, dont la durée n’est pas inférieure à trois ans à compter de la date de la retransmission par câble portant sur son œuvre ou un autre élément protégé.

3.      Un État membre peut prévoir que, lorsque le titulaire autorise la transmission initiale sur son territoire d’une œuvre ou d’un autre élément protégé, il est réputé accepter de ne pas exercer ses droits pour la retransmission par câble sur une base individuelle et les exercer conformément aux dispositions de la présente directive. »

14      L’article 10 de cette directive, intitulé « Exercice du droit de retransmission par câble par les organismes de radiodiffusion », prévoit :

« Les États membres veillent à ce que l’article 9 ne s’applique pas aux droits exercés par un organisme de radiodiffusion à l’égard de ses propres émissions, que les droits en question lui appartiennent ou qu’ils lui aient été transférés par d’autres titulaires de droits d’auteur et/ou de droits voisins. »

 La directive 2001/29/CE

15      Aux termes du considérant 23 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO 2001, L 167, p. 10) :

« La présente directive doit harmoniser davantage le droit d’auteur de communication au public. Ce droit doit s’entendre au sens large, comme couvrant toute communication au public non présent au lieu d’origine de la communication. Ce droit couvre toute transmission ou retransmission, de cette nature, d’une œuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion. Il ne couvre aucun autre acte. »

16      L’article 1er de cette directive, intitulé « Champ d’application », prévoit, à son paragraphe 2 :

« [...] [L]a présente directive laisse intactes et n’affecte en aucune façon les dispositions communautaires existantes concernant :

[...]

c)      le droit d’auteur et les droits voisins applicables à la radiodiffusion de programmes par satellite et à la retransmission par câble ;

[...] »

17      L’article 2 de ladite directive, intitulé « Droit de reproduction », dispose :

« Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie :

[...]

e)      pour les organismes de radiodiffusion, des fixations de leurs émissions, qu’elles soient diffusées par fil ou sans fil, y compris par câble ou par satellite. »

18      Aux termes de l’article 3 de la même directive, intitulé « Droit de communication d’œuvres au public et droit de mettre à la disposition du public d’autres objets protégés » :

« 1.      Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.

2.      Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la mise à la disposition du public, par fil ou sans fil, de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement :

[...]

d)      pour les organismes de radiodiffusion, des fixations de leurs émissions, qu’elles soient diffusées par fil ou sans fil, y compris par câble ou par satellite.

[...] »

 La directive 2006/115/CE

19      Aux termes du considérant 16 de la directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO 2006, L 376, p. 28) :

« Les États membres devraient pouvoir prévoir, pour les titulaires de droits voisins du droit d’auteur, des dispositions plus protectrices que celles qui sont prévues par la présente directive en ce qui concerne la radiodiffusion et la communication au public. »

20      L’article 7 de cette directive, intitulé « Droit de fixation », prévoit, à ses paragraphes 2 et 3 :

« 2.      Les États membres prévoient pour les organismes de radiodiffusion le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la fixation de leurs émissions, qu’elles soient diffusées sans fil ou avec fil, y compris par câble ou par satellite.

3.      Le droit prévu au paragraphe 2 n’est pas prévu pour un distributeur par câble, lorsque celui-ci se borne à retransmettre par câble des émissions d’organismes de radiodiffusion. »

21      L’article 8 de ladite directive, intitulé « Radiodiffusion et communication au public », dispose, à son paragraphe 3 :

« Les États membres prévoient pour les organismes de radiodiffusion le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la rediffusion de leurs émissions par le moyen des ondes radioélectriques, ainsi que la communication au public de leurs émissions lorsque cette communication est faite dans des lieux accessibles au public moyennant paiement d’un droit d’entrée. »

22      L’article 9 de la même directive, intitulé « Droit de distribution », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les États membres prévoient un droit exclusif de mise à la disposition du public [...] :

[...]

d)      pour les organismes de radiodiffusion, en ce qui concerne les fixations de leurs émissions, au sens de l’article 7, paragraphe 2. »

23      L’article 12 de la directive 2006/115, intitulé « Relations entre droit d’auteur et droits voisins », dispose :

« La protection des droits voisins du droit d’auteur par la présente directive n’affecte en aucune façon la protection du droit d’auteur. »

 Le droit portugais

24      L’article 176 du Código do Direito de Autor e dos Direitos Conexos (code du droit d’auteur et des droits voisins, ci-après le « CDADC ») prévoit, à ses paragraphes 9 et 10 :

« 9.      L’organisme de radiodiffusion est l’entité qui émet du son ou des images, l’émission s’entendant comme la transmission de sons ou d’images, ou leur représentation, séparément ou cumulativement, [avec] ou sans fil, notamment par ondes hertziennes, fibres optiques, câble ou satellite, destinée à la réception par le public.

10.      La retransmission est l’émission simultanée par un organisme de radiodiffusion d’une émission provenant d’un autre organisme de radiodiffusion. »

25      L’article 187 du CDADC, intitulé « Droits des organismes de radiodiffusion », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les organismes de radiodiffusion jouissent du droit d’autoriser ou d’interdire :

a)      la retransmission de leurs émissions par ondes radioélectriques ;

[...]

e)      la communication au public de leurs émissions, lorsque cette communication est faite dans un lieu public et moyennant le paiement de droits d’entrée. »

26      L’article 3 du Decreto-Lei no 333/97 (décret-loi no 333/97), du 27 novembre 1997 (Diário da República I, série I-A, no 275, du 27 novembre 1997), est libellé comme suit :

« Aux fins du présent décret :

[...]

c)      On entend par “retransmission par câble” la distribution au public, effectuée de façon simultanée et intégrale par câble, d’une transmission initiale d’émissions de télévision ou de radio destinées à être captées par le public. »

27      L’article 8 du décret-loi no 333/97, intitulé « Extension aux titulaires des droits voisins », prévoit :

« Les articles 178, 184 et 187 du [CDADC] ainsi que les articles 6 et 7 de ce décret-loi sont applicables aux artistes ou exécutants, producteurs de phonogrammes et vidéogrammes et organismes de radiodiffusion, lors de la communication au public par satellite de leurs prestations, phonogrammes, vidéogrammes et émissions et lors de la retransmission par câble. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

28      RTL, établie en Allemagne, fait partie d’un conglomérat d’entreprises de diffusion de contenus télévisuels, connu sous la dénomination commerciale « Mediengruppe RTL Deutschland ». La chaîne RTL est l’une des chaînes de télévision en langue allemande les plus connues et les plus regardées par le public germanophone de l’Union européenne, et ses programmes proposent une très large gamme de formats télévisuels (films, séries, spectacles, documentaires, événements sportifs, actualités et magazines).

29      Techniquement, cette chaîne peut être captée en Allemagne, en Autriche et en Suisse, à travers toutes les options existantes de réception d’émissions télévisuelles, à savoir par satellite, par câble, par IP, par OTT/Internet ainsi que par le réseau de télévision terrestre. Elle est, en outre, gratuite, aucune redevance n’étant facturée pour sa réception dans les domiciles privés et, dans la majorité des options de réception, le signal n’est pas crypté. Par ailleurs, toutes les sources de financement de la publicité proviennent de ces trois pays.

30      Compte tenu de la diffusion du signal satellite (satellite ASTRA 19, 2° Est), cette chaîne peut techniquement être captée dans plusieurs autres pays européens, notamment au Portugal, au moyen d’une antenne parabolique.

31      En ce qui concerne la réception et l’utilisation de ce signal, RTL a déjà conclu plusieurs contrats de licence tant avec des opérateurs de télévision par câble qu’avec certains hôtels situés dans l’Union, notamment au Portugal.

32      Grupo Pestana, établie au Portugal, est une société qui opère dans la gestion de participations d’autres entreprises. Elle détient des participations majoritaires dans des sociétés qui, à leur tour, possèdent ou exploitent les établissements hôteliers.

33      Grupo Pestana détient une participation directe d’au moins 98,98 % dans le capital de Salvor, société dont l’objet social est l’exercice et la promotion de l’industrie hôtelière, en construisant ou en finançant la construction d’hôtels et en se chargeant directement ou indirectement de l’exploitation des hôtels et des établissements similaires.

34      Par lettre du 7 août 2012, le directeur du département international de la distribution et des droits d’auteur et droits voisins de Mediengruppe RTL Deutschland a exigé de Grupo Pestana le paiement de la redevance pour la mise à la disposition du public de plusieurs chaînes appartenant à ce groupe, notamment la chaîne RTL, dans les chambres des hôtels exploités par des sociétés appartenant à Grupo Pestana.

35      Le 12 novembre 2012, Grupo Pestana a répondu à cette lettre en indiquant, notamment, que, conformément au droit portugais, les hôtels n’étaient pas tenus de payer les droits d’auteur et les autres droits dans le cas de la simple réception du signal de télévision.

36      Estimant être en droit d’autoriser ou de refuser la réception et la mise à disposition des émissions de la chaîne éponyme, RTL a introduit un recours contre Salvor et Grupo Pestana devant le Tribunal da Propriedade Intelectual (tribunal de la propriété intellectuelle, Portugal), en demandant à cette juridiction, notamment, de déclarer que cette mise à disposition nécessitait son autorisation préalable.

37      En outre, à titre de compensation pour la retransmission et/ou la communication au public des émissions de la chaîne RTL, elle a demandé, d’une part, la condamnation solidaire de Salvor et de Grupo Pestana au paiement d’un montant de 0,20 euros par chambre et par mois pour la période où Salvor avait mis ladite chaîne à disposition dans les chambres de ses hôtels, majoré des intérêts au taux légal, ainsi que, d’autre part, la condamnation de Grupo Pestana au paiement d’une pareille compensation pour la période où les hôtels exploités par les autres sociétés qu’elle possède mettaient ou mettent ladite chaîne à disposition dans leurs chambres.

38      Enfin, RTL a demandé la condamnation de Grupo Pestana, en tant que société mère, à prendre les mesures intragroupes appropriées afin que les sociétés qu’elle détient ne mettent pas à disposition la chaîne RTL dans les hôtels que celles-ci exploitent, sans avoir obtenu l’autorisation préalable de RTL.

39      Le Tribunal da Propriedade Intelectual (tribunal de la propriété intellectuelle) a constaté que la réception et la mise à disposition des émissions de la chaîne RTL dans les chambres d’hôtels en cause constituaient un acte de communication au public, au sens de l’article 187, paragraphe 1, sous e), du CDADC, nonobstant l’absence de paiement d’une contrepartie spécifique destinée à rémunérer la visualisation de cette chaîne, tel qu’un droit d’entrée. Toutefois, ladite juridiction a jugé que la distribution de ladite chaîne ne pouvait être considérée comme une « retransmission d’émissions », puisque ni les défenderesses au principal ni les hôtels identifiés dans le recours n’étaient des organismes de radiodiffusion. Par conséquent, elle a rejeté les prétentions de RTL, en particulier celles de nature indemnitaire ou fondées sur l’enrichissement sans cause.

40      La requérante au principal a interjeté appel de ce jugement auprès du Tribunal da Relação de Lisboa (cour d’appel de Lisbonne, Portugal), qui a confirmé le jugement de première instance. La juridiction d’appel a considéré, en substance, que la distribution par câble coaxial des émissions de la chaîne RTL vers des multiples téléviseurs installés dans les chambres des établissements hôteliers exploités par les défenderesses au principal ne constituait pas une retransmission d’émissions, au regard de la définition contenue à l’article 176, paragraphe 10, du CDADC.

41      La requérante au principal a alors saisi la juridiction de renvoi, le Supremo Tribunal de Justiça (Cour suprême, Portugal), d’un recours en révision exceptionnel, qui a été admis par celui-ci.

42      Selon cette juridiction, la question essentielle à trancher dans le cadre de ce recours est celle de savoir si la distribution par câble coaxial des émissions de la chaîne RTL dans les chambres des hôtels concernés constitue une retransmission de ces émissions, subordonnée, en vertu de l’article 187, paragraphe 1, sous a), du CDADC, à l’autorisation de l’organisme de radiodiffusion, en l’occurrence RTL.

43      D’une part, les deux instances inférieures ont estimé qu’il n’y avait pas retransmission, au sens de l’article 176, paragraphes 9 et 10, du CDADC et de l’article 3, sous g), de la convention de Rome, les parties défenderesses n’ayant pas la qualité d’organisme de radiodiffusion.

44      D’autre part, RTL a objecté que le droit accordé aux organismes de radiodiffusion d’autoriser et d’interdire la retransmission de leurs émissions – consacré à l’article 187, paragraphe 1, sous a), du CDADC, lu conjointement avec les articles 3 et 8 du décret-loi no 333/97 – couvre non seulement la diffusion simultanée d’émissions, au moyen d’ondes radioélectriques, par un organisme de radiodiffusion autre que celui dont elles émanent, mais aussi la distribution au public, traitée simultanément et entièrement par câble, d’une émission primaire de programmes de télévision ou de radio destinés à la réception par le public, que la personne qui effectue cette distribution au public soit ou non un organisme de radiodiffusion.

45      À cet égard, la juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à la compatibilité de l’interprétation effectuée par les deux instances inférieures des règles applicables du CDADC et du décret-loi no 333/97 avec la directive 93/83, notamment sur la question de savoir si, nonobstant le libellé de l’article 187, paragraphe 1, sous a), du CDADC, la liste des droits conférés aux organismes de radiodiffusion doit être considérée comme ayant été élargie, compte tenu notamment des dispositions du décret-loi no 333/97 et de sa source originale, la directive 93/83.

46      Dans ces conditions, le Supremo Tribunal de Justiça (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La notion de “retransmission par câble”, figurant à l’article 1er, paragraphe 3, de la directive [93/83], doit‑elle être interprétée en ce sens qu’elle couvre non seulement la diffusion simultanée d’émissions par un organisme de radiodiffusion autre que celui dont elles émanent, mais aussi la distribution au public, traitée simultanément et entièrement par câble, d’une émission primaire de programmes de télévision ou de radio destinés à la réception par le public (que la personne qui effectue cette distribution au public soit ou non un organisme de radiodiffusion) ?

2)      La distribution, simultanément, des émissions d’une chaîne de télévision, diffusées par satellite, au moyen des différents téléviseurs installés dans les chambres d’hôtel, par câble coaxial, constitue-t-elle une “retransmission”  de ces émissions, assimilable à la notion énoncée à l’article 1er, paragraphe 3, de la directive [93/83] ? »

 Sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure

47      À la suite du prononcé des conclusions de M. l’avocat général, RTL a, par acte déposé au greffe de la Cour le 7 juin 2022, demandé que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure, en application de l’article 83 du règlement de procédure de la Cour.

48      Au soutien de sa demande, elle a fait valoir, en substance, que les conclusions présentées par M. l’avocat général reposaient sur un examen déficient de plusieurs aspects du contexte factuel, technologique et juridique du litige au principal.

49      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 252, second alinéa, TFUE, l’avocat général présente publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui, conformément au statut de la Cour de justice de l’Union européenne, requièrent son intervention. La Cour n’est liée ni par ces conclusions ni par la motivation au terme de laquelle l’avocat général parvient à celles‑ci (arrêt du 12 mai 2022, Schneider Electric e.a., C‑556/20, EU:C:2022:378, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

50      Conformément à l’article 83 du règlement de procédure, la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner l’ouverture ou la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

51      En revanche, le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure ne prévoient pas la possibilité pour les parties de déposer des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général (arrêts du 2 avril 2020, Stim et SAMI, C‑753/18, EU:C:2020:268, point 22 et jurisprudence citée, ainsi que du 3 septembre 2020, Supreme Site Services e.a., C‑186/19, EU:C:2020:638, point 37 et jurisprudence citée).

52      En l’espèce, la demande de réouverture de la phase orale de la procédure présentée par RTL vise, en substance, à lui permettre de répondre aux constatations effectuées par M. l’avocat général dans ses conclusions.

53      À cet égard, la Cour considère, l’avocat général entendu, qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi et que tous les arguments pertinents pour trancher la présente affaire ont été débattus entre les parties, tant dans la procédure écrite que dans la procédure orale devant la Cour.

54      Par conséquent, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

 Sur les questions préjudicielles

55      Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises [arrêt du 26 avril 2022, Landespolizeidirektion Steiermark (Durée maximale du contrôle aux frontières intérieures), C‑368/20 et C‑369/20, EU:C:2022:298, point 50 et jurisprudence citée]. En outre, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (arrêt du 24 février 2022, Glavna direktsia « Pozharna bezopasnost i zashtita na naselenieto », C‑262/20, EU:C:2022:117, point 33 et jurisprudence citée).

56      Il ressort de la décision de renvoi que la juridiction de renvoi cherche à savoir si les États membres sont tenus, en vertu du droit de l’Union – eu égard à la définition de la notion de « retransmission par câble », figurant à l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/83 – de reconnaître, dans le chef des organismes de radiodiffusion, un droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la retransmission de leurs émissions, lorsque cette retransmission est effectuée au moyen d’un câble par une entité qui n’est pas un organisme de radiodiffusion, tel qu’un hôtel. En effet, la juridiction de renvoi estime que, en cas de réponse affirmative à cette question, elle devra interpréter le droit national d’une manière qui garantit l’exercice effectif d’un tel droit.

57      À cet égard, il convient de relever que, en vertu du droit de l’Union, les États membres sont tenus de prévoir, dans leur droit national, un certain nombre de droits voisins qu’un organisme de radiodiffusion tel que RTL doit pouvoir exercer.

58      En l’état actuel du droit de l’Union et conformément aux obligations de l’Union découlant du droit international applicable en matière de propriété intellectuelle, en particulier de l’article 13 de la convention de Rome et de l’article 14, paragraphe 3, de l’accord ADPIC, constituent de tels droits, notamment :

–        le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction des fixations des émissions des organismes de radiodiffusion, qu’elles soient diffusées par fil ou sans fil, y compris par câble, consacré à l’article 2, sous e), de la directive 2001/29 ;

–        le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la mise à la disposition du public des fixations de leurs émissions, qu’elles soient diffusées par fil ou sans fil, y compris par câble, de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement, consacré à l’article 3, paragraphe 2, sous d), de la directive 2001/29 ;

–        le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la fixation de leurs émissions, qu’elles soient diffusées par fil ou sans fil, y compris par câble ou par satellite, consacré à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2006/115 ;

–        le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la rediffusion de leurs émissions par le moyen des ondes radioélectriques, ainsi que la communication au public de ces émissions lorsque cette communication est faite dans des lieux accessibles au public moyennant paiement d’un droit d’entrée, consacré à l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2006/115, ainsi que

–        le droit exclusif de mise à la disposition du public, en ce qui concerne les fixations de leurs émissions, au sens de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2006/115, consacré à l’article 9, paragraphe 1, sous d), de celle-ci.

59      Si les circonstances factuelles visées au point 56 du présent arrêt ne satisfont manifestement pas aux conditions d’application de ces dispositions, la question se pose toujours de savoir si un droit exclusif, tel que celui décrit à ce même point, pourrait découler, le cas échéant, de l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/83, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, de celle-ci.

60      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/83, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, de celle-ci, doit être interprété en ce sens, d’une part, qu’il oblige les États membres à prévoir, dans le chef des organismes de radiodiffusion, un droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la retransmission par câble, au sens de cette disposition, et, d’autre part, que constitue une telle retransmission la distribution simultanée, inchangée et intégrale d’émissions de télévision ou de radio diffusées par satellite et destinées à être captées par le public, lorsque cette transmission est effectuée par un établissement, tel qu’un hôtel.

61      Aux termes de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/83, la notion de « retransmission par câble » est définie comme étant la retransmission simultanée, inchangée et intégrale par câble ou par un système de diffusion par ondes ultracourtes pour la réception par le public d’une transmission initiale à partir d’un autre État membre, sans fil ou avec fil, notamment par satellite, d’émissions de télévision ou de radio destinées à être captées par le public.

62      Ainsi, ne relèvent pas de cette notion les retransmissions en différé, changées ou incomplètes ainsi que les retransmissions s’effectuant dans un même État membre, à savoir dans celui d’origine de la transmission initiale (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2017, ITV Broadcasting e.a., C‑275/15, EU:C:2017:144, point 21).

63      S’agissant, plus précisément, de la notion de « retransmission », il découle de la même disposition que celle-ci ne concerne qu’une retransmission effectuée par câble ou par un système de diffusion par ondes ultracourtes, cette dernière se substituant dans quelques États membres, ainsi qu’il ressort du point 11 de la seconde partie de l’exposé des motifs de la proposition de directive du Conseil relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble présentée par la Commission le 11 septembre 1991 [COM(1991) 276 final], à l’origine de la directive 93/83, à la retransmission par câble quand celle-ci n’est pas économiquement viable. Par ailleurs, la transmission initiale peut être effectuée sans fil ou avec fil, notamment par satellite.

64      En outre, ainsi que la juridiction de renvoi l’a souligné à bon droit, la retransmission par câble, au sens de cette disposition, n’implique pas que l’entité qui effectue cette retransmission soit un organisme de radiodiffusion.

65      Certes, du point de vue du droit international, la qualité d’« organisme de radiodiffusion » est exigée pour qu’il y ait « réémission », au sens de l’article 3, sous g), de la convention de Rome, cette dernière notion correspondant, en substance, à celle de « rediffusion par le moyen des ondes radioélectriques », visée à l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2006/115.

66      Néanmoins, force est de constater que l’article 3, sous g), et l’article 13, sous a), de cette convention ne sont pas pertinents pour l’interprétation de la notion de « retransmission par câble », ladite convention, tout comme l’accord ADPIC, concernant exclusivement la radiodiffusion classique au moyen des ondes radioélectriques (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2014, Commission/Conseil, C‑114/12, EU:C:2014:2151, points 3 et 91).

67      Il est vrai que, à la date de son adoption, la directive 93/83 visait, en substance, à élargir la notion d’« autre organisme que celui d’origine », figurant à l’article 11 bis, paragraphe 1, point 2, de la convention de Berne, pour y inclure également les câblodistributeurs, quoique de manière limitée au champ d’application de cette directive.

68      Ainsi, la définition de la notion « retransmission par câble » figurant à l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/83 est explicitement prévue « aux fins de » cette directive.

69      Cela étant précisé, il ressort de l’article 8 et du considérant 27 de la directive 93/83 que celle-ci n’impose pas aux États membres d’instituer un droit spécifique de retransmission par câble ni ne définit la portée d’un tel droit. Elle se contente de prévoir l’obligation pour les États membres de veiller à ce que les retransmissions par câble d’émissions provenant d’autres États membres se déroulent sur leur territoire dans le respect des droits d’auteur et des droits voisins en vigueur (arrêt du 3 février 2000, Egeda, C‑293/98, EU:C:2000:66, point 24).

70      En effet, cette directive a été adoptée principalement aux fins de faciliter, d’une part, la radiodiffusion par satellite et, d’autre part, la retransmission par câble, en promouvant, à son article 9, l’octroi des autorisations, par les auteurs et les titulaires de droits voisins, pour la retransmission par câble d’une émission par des sociétés de gestion collective, étant entendu que, conformément à l’article 10 de ladite directive, cet article 9 ne s’applique pas aux droits exercés par un organisme de radiodiffusion à l’égard de ses propres émissions.

71      En particulier, selon l’article 8, paragraphe 1, de la directive 93/83, les États membres veillent à ce que les retransmissions par câble d’émissions provenant d’autres États membres se déroulent sur leur territoire dans le respect des droits d’auteur et des droits voisins en vigueur et sur la base de contrats individuels ou collectifs conclus entre les titulaires des droits d’auteur et de droits voisins et les distributeurs par câble.

72      À cet égard, il ressort d’une lecture combinée des considérants 8, 9 et 27 de la directive 93/83 qu’un distributeur par câble doit obtenir, pour chaque partie d’un programme retransmis, l’autorisation de tous les titulaires de droits d’auteur et des droits voisins et que, sauf exception temporaire pour certains régimes de licences légaux, cette autorisation doit être accordée par contrat, qui est le moyen le plus approprié à la création de l’espace audiovisuel européen souhaité dans un cadre garantissant la sécurité juridique.

73      Dans ce contexte, le considérant 28 de la directive 93/83 énonce que cette dernière a pour objet de réglementer dans une certaine mesure l’exercice du droit exclusif d’accorder une autorisation, le droit d’autorisation en tant que tel demeurant intact. Ainsi, l’article 9 de cette directive prévoit, en substance, que les États membres veillent à ce que le droit des titulaires de droits d’auteur et de droits voisins d’accorder ou de refuser l’autorisation à un câblodistributeur pour la retransmission par câble d’une émission ne puisse être exercé que par une société de gestion collective. Toutefois, l’article 10 de ladite directive précise que les États membres veillent à ce que cet article 9 ne s’applique pas aux droits exercés par un organisme de radiodiffusion à l’égard de ses propres émissions, le câblodistributeur devant, dès lors, négocier individuellement avec l’organisme de radiodiffusion concerné aux fins d’obtenir une autorisation, que les droits en question lui appartiennent ou qu’ils lui aient été transférés par d’autres titulaires de droits d’auteur ou de droits voisins.

74      Si les accords prévus à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 93/83 sont donc conclus, selon les modalités prévues aux articles 9 et 10 de celle-ci, avec les distributeurs par câble, il résulte de ces éléments que l’article 8, paragraphe 1, de cette directive n’affecte pas la portée exacte des droits d’auteur ou des droits voisins, qui est établie en vertu d’autres instruments du droit de l’Union, tels les directives 2001/29 et 2006/115, ainsi que des droits nationaux.

75      En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 16 de la directive 2006/115, il reste loisible aux États membres de prévoir, s’agissant de la radiodiffusion et de la communication au public d’émissions effectuées par des organismes de radiodiffusion, des dispositions plus protectrices que celles devant être mises en place conformément à l’article 8, paragraphe 3, de cette directive. Une telle faculté implique que les États membres peuvent accorder aux organismes de radiodiffusion le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire des actes de communication au public de leurs émissions effectués dans des conditions qui diffèrent de celles prévues à cet article 8, paragraphe 3, étant entendu qu’un tel droit ne doit, comme le prévoit l’article 12 de la directive 2006/115, en aucune façon affecter la protection du droit d’auteur (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2015, C More Entertainment, C‑279/13, EU:C:2015:199, point 35).

76      Or, même dans l’hypothèse où le droit national prévoirait un droit exclusif, dans le chef des organismes de radiodiffusion, d’autoriser ou d’interdire des transmissions par câble, la directive 93/83 ne régit que l’exercice du droit de retransmission par câble dans la relation entre les titulaires des droits d’auteur et de droits voisins, d’une part, et les « distributeurs par câble » ou les « câblodistributeurs », d’autre part.

77      En outre, eu égard aux circonstances particulières entourant la genèse de la directive 93/83, il convient de constater que les notions de « distributeur par câble » ou de « câblodistributeur », figurant dans celle-ci, désignent, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 73 de ses conclusions, les opérateurs des réseaux câblés traditionnels.

78      En effet, une interprétation qui inclurait dans la notion de « distributeur par câble », au sens de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 93/83, toute personne effectuant une retransmission par câble répondant aux caractéristiques techniques décrites à l’article 1er, paragraphe 3, de cette directive, même lorsque l’activité professionnelle de cette personne ne consiste pas en l’exploitation d’un réseau câblé de distribution télévisuelle classique, aurait en réalité pour effet d’élargir la portée du droit voisin prévu à l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2006/115, assimilant celui-ci au droit exclusif de communication au public, tel que prévu à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 en faveur d’auteurs.

79      À cet égard, il ressort de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2006/115 que le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la communication au public des émissions des organismes de radiodiffusion n’est opposable aux tiers que lorsque cette communication est faite dans des lieux accessibles au public moyennant le paiement d’un droit d’entrée. Cependant, la Cour a jugé que la condition relative au paiement d’un droit d’entrée n’est pas remplie lorsque cette communication constitue un service supplémentaire indistinctement inclus dans le prix d’un service principal de nature différente, tel le service d’hébergement hôtelier (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2017, Verwertungsgesellschaft Rundfunk, C‑641/15, EU:C:2017:131, points 23 à 26).

80      Or, ainsi qu’il a été exposé au point 74 du présent arrêt, l’article 8, paragraphe 1, de la directive 93/83 n’a pas pour objet d’affecter la portée des droits d’auteur et des droits voisins tels que définis par le droit de l’Union ainsi que par les droits des États membres.

81      Enfin, l’interprétation selon laquelle la notion de « retransmission par câble », au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/83, ne s’applique qu’aux relations entre les titulaires des droits d’auteur et de droits voisins avec les « distributeurs par câble » ou les « câblodistributeurs », au sens traditionnel de ces termes, est conforme aux objectifs poursuivis par la directive 93/83.

82      Or, ainsi qu’il ressort de l’analyse figurant aux points 70 à 73 du présent arrêt, il est constant que celle-ci a été adoptée principalement aux fins de faciliter, notamment, la retransmission par câble, en promouvant l’octroi des autorisations.

83      Cette constatation est corroborée par les considérants 8 et 10 de la directive 93/83, dont il ressort, d’une part, que, à l’époque de l’adoption de celle-ci, la sécurité juridique, qui est une condition préalable de la libre circulation des émissions de radiodiffusion à l’intérieur de l’Union, faisait défaut lorsque des programmes retransmis à travers plusieurs pays étaient introduits et diffusés dans des réseaux câblés et, d’autre part, que les distributeurs par câble ne pouvaient être certains d’avoir acquis réellement tous les droits liés aux programmes faisant l’objet d’accords contractuels.

84      Il convient dès lors de considérer que les établissements tels que les hôtels ne relèvent pas des notions de « distributeur par câble » ou de « câblodistributeur », au sens de la directive 93/83.

85      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées, telles que reformulées, que l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/83, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, de celle-ci, doit être interprété en ce sens que :

–        dans le chef des organismes de radiodiffusion, il ne prévoit aucun droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la retransmission par câble, au sens de cette disposition, et

–        ne constitue pas une telle retransmission par câble la distribution simultanée, inchangée et intégrale d’émissions de télévision ou de radio diffusées par satellite et destinées à être captées par le public, lorsque cette retransmission est effectuée par une personne autre qu’un distributeur par câble, au sens de cette directive, tel qu’un hôtel.

 Sur les dépens

86      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

L’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/83/CEE du Conseil, du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, de celle-ci,

doit être interprété en ce sens que :

–        dans le chef des organismes de radiodiffusion, il ne prévoit aucun droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la retransmission par câble, au sens de cette disposition, et

–        ne constitue pas une telle retransmission par câble la distribution simultanée, inchangée et intégrale d’émissions de télévision ou de radio diffusées par satellite et destinées à être captées par le public, lorsque cette retransmission est effectuée par une personne autre qu’un distributeur par câble, au sens de cette directive, tel qu’un hôtel.

Signatures


*      Langue de procédure : le portugais.