Language of document : ECLI:EU:T:2001:231

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

19 septembre 2001 (1)

«Marque communautaire - Forme d'un produit pour lave-linge ou pour lave-vaisselle - Marque tridimensionnelle - Motif absolu de refus - Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94»

Dans l'affaire T-129/00,

Procter & Gamble Company, établie à Cincinnati, Ohio (États-Unis d'Amérique), représentée par Mes C. van Nispen et G. Kuipers, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. A. von Mühlendahl et D. Schennen et Mme C. Røhl Søberg, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 8 mars 2000 (affaire R 508/1999-1) qui a été notifiée à la requérante le 13 mars 2000,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij, président, A. Potocki et J. Pirrung, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 12 mai 2000,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 27 juillet 2000,

à la suite de l'audience du 5 avril 2001,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1.
    Le 7 octobre 1998, la requérante a présenté une demande de marque communautaire à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l'«Office») en vertu du règlement (CE) n° 40/94 duConseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2.
    La marque tridimensionnelle dont l'enregistrement a été demandé se présente, au regard de la reproduction de celle-ci fournie par la requérante, sous la forme d'une tablette rectangulaire avec une bordure cannelée et des coins légèrement arrondis, comportant des mouchetures et une dépression triangulaire foncée en son centre, sur la face supérieure. Aucune couleur n'a été revendiquée.

3.
    Les produits pour lesquels l'enregistrement de la marque a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante: «préparations pour lessiver et blanchir et autres substances pour lessiver; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser, préparations pour laver, nettoyer et entretenir la vaisselle; savons; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux; dentifrices».

4.
    Par décision du 17 juin 1999, l'examinateur a rejeté la demande au titre de l'article 38 du règlement n° 40/94 au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

5.
    Le 13 août 1999, la requérante a formé un recours auprès de l'Office au titre de l'article 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de l'examinateur.

6.
    Le recours a été rejeté par décision du 8 mars 2000 (ci-après la «décision attaquée»).

7.
    En substance, la chambre de recours a considéré que la marque demandée est dépourvue de tout caractère distinctif. Elle a, d'abord, relevé qu'il résulte de l'article 4 du règlement n° 40/94 que la forme d'un produit peut être enregistrée comme marque communautaire, à condition de présenter des caractéristiques suffisamment inhabituelles et arbitraires pour permettre aux consommateurs concernés de reconnaître le produit, sur la base de son seul aspect, comme provenant d'une entreprise donnée. Compte tenu des avantages présentés par les produits de lessive et de vaisselle conditionnés sous forme de tablettes, elle a, ensuite, souligné que les concurrents de la requérante doivent être libres de les fabriquer également, en utilisant les formes géométriques les plus simples. Après avoir décrit la marque demandée en l'espèce, la chambre de recours a constaté que la forme rectangulaire de la tablette ne lui confère pas de caractère distinctif. Selon la chambre de recours, les formes géométriques de base (carrée, ronde, ou rectangulaire) sont les formes les plus évidentes pour de telles tablettes, et il n'y a aucun élément arbitraire ou de fantaisie dans le choix d'une tablette rectangulaire pour la fabrication de détergents solides. La chambre de recours a indiqué que les caractéristiques supplémentaires invoquées par la requérante, à savoir les coins«repoussés», les bords biseautés et le centre concave sont des variantes banales de la présentation normale des produits. Ces caractéristiques ne permettent pas d'enregistrer la forme revendiquée comme une marque en ce sens que, fixant son attention sur celles-ci, un consommateur ne peut en déduire l'origine de la tablette. Selon la chambre de recours, l'utilisation d'une teinte foncée pour le centre concave ne donne pas à la forme revendiquée un caractère distinctif. Elle a précisé que l'utilisation de couleurs différentes est banale et, hormis l'aspect décoratif, est susceptible d'indiquer la présence de différents agents actifs. La chambre de recours a ajouté que l'Office peut, certes, prendre en compte les décisions des autorités nationales, mais qu'il n'est pas lié par celles-ci.

Conclusions des parties

8.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler la décision attaquée;

- condamner l'Office aux dépens.

9.
    L'Office conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours;

- condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

10.
    À l'audience, la requérante a exposé que le présent recours ainsi que ceux introduits dans les affaires parallèles T-117/00 à T-121/00 et T-128/00 visent essentiellement à obtenir une clarification de la situation juridique relative à la possibilité d'enregistrer les marques demandées. Elle estime que lesdites marques ne méritent pas la protection au titre du règlement n° 40/94. Toutefois, étant donné que des demandes de marques, visant à obtenir cette protection pour des formes analogues à celle revendiquée en l'espèce et dans les affaires parallèles précitées, ont été déposées au nom de certaines entreprises présentes sur le marché, tous les fabricants sont, selon la requérante, contraints d'essayer d'obtenir une protection équivalente pour leurs propres produits.

11.
    L'Office estime que la requérante demande donc, en substance, au Tribunal de rejeter son recours. Il soulève la question de savoir si, dans ces conditions, la requérante a un intérêt à agir.

Appréciation du Tribunal

12.
    Selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n'est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l'acte en cause. Un tel intérêt suppose que l'annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d'avoir des conséquences juridiques (arrêt du Tribunal du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, T-480/93 et T-483/93, Rec. p. II-2305, point 59, et la jurisprudence citée). Il en va de même d'un recours introduit au titre de l'article 63 du règlement n° 40/94.

13.
    En l'espèce, la requérante a sollicité l'enregistrement d'une marque tridimensionnelle ayant la forme d'une tablette, et cette demande a été rejetée par l'examinateur, rejet qui a été confirmé par la chambre de recours. L'intérêt de la requérante à voir annuler la décision de ladite chambre, qui ne fait pas droit à ses prétentions, n'est pas affecté par l'opinion que la requérante peut avoir quant au caractère plus ou moins souhaitable de la protection, par le droit des marques, de la forme choisie pour la marque tridimensionnelle sollicitée. Par conséquent, son intérêt à agir ne saurait être nié en l'espèce.

Sur le fond

14.
    La requérante invoque, en substance, deux moyens. Le premier est tiré d'une violation de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Le second est tiré d'une violation de l'obligation de motivation. Ces deux moyens étant étroitement liés dans le cas présent, il convient de les examiner ensemble.

Arguments des parties

15.
    La requérante affirme, d'abord, que la marque sollicitée, considérée dans son ensemble, est inhabituelle, présente un caractère de fantaisie et revêt le caractère distinctif minimal requis pour être enregistrée.

16.
    Elle formule, ensuite, des observations concernant, d'une part, la forme et le dessin de la marque demandée et, d'autre part, le fait que, lors de l'appréciation de la demande de marque, cette dernière doit être considérée dans son ensemble. Enfin, la requérante développe une argumentation concernant la nécessité d'une application uniforme du règlement n° 40/94.

17.
    S'agissant de la forme de la marque, la requérante affirme qu'il résulte de l'article 4 du règlement n° 40/94 qu'il n'est pas interdit qu'une marque consiste en la forme du produit.

18.
    La requérante critique la chambre de recours pour avoir pris en considération l'intérêt de tous les opérateurs à utiliser librement la forme revendiquée. Selon elle, la prise en compte de cet intérêt n'est pas pertinente lorsqu'il s'agit de déterminersi une marque est dépourvue de caractère distinctif au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, mais l'est uniquement dans le cadre de l'examen de la demande de marque au regard de l'article 7, paragraphe 1, sous e), du même règlement.

19.
    Pour autant que la chambre de recours a fait allusion, dans le cadre de la discussion relative à l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, au motif de refus figurant à l'article 7, paragraphe 1, sous e), du même règlement, la requérante fait observer que d'autres formes de tablettes peuvent être choisies, et paraissent même préférables, telles que la forme ronde. En outre, il existe, selon la requérante, d'autres formes pour présenter les détergents, telles que la poudre ou le liquide.

20.
    La requérante souligne que, dans le cas des tablettes, un aspect différent peut être créé non seulement par l'utilisation de formes basiques différentes et, dans le cas de la forme rectangulaire, par des variations du rapport entre la longueur et la largeur, mais également par des variations de l'épaisseur de la tablette. Elle en déduit que, en l'espèce, la forme de la tablette, à elle seule, peut être considérée comme inhabituelle et présentant un caractère de fantaisie pour un détergent au regard des autres tablettes qui existaient sur le marché au moment où la demande de marque a été présentée. À plus forte raison, la marque demandée a, selon la requérante, un caractère distinctif du fait de l'incrustation au centre de la tablette, plus foncée que l'ensemble, et de ses autres caractéristiques.

21.
    S'agissant de l'appréciation de la marque, la requérante rappelle que le caractère distinctif doit être examiné par rapport à la marque considérée dans son ensemble. Même si les éléments composant la marque, pris isolément, devaient être considérés comme n'étant pas suffisamment inhabituels ou ne présentant pas assez de fantaisie pour lui conférer un caractère distinctif, la combinaison spécifique des éléments (forme, dessin et couleur) crée, selon la requérante, un signe distinctif, susceptible d'être enregistré. Selon la requérante, il n'existe, jusqu'à présent, aucun produit détergent sur le marché avec une forme ressemblant à celle revendiquée en l'espèce.

22.
    L'argument de la chambre de recours, selon lequel la forme de base des tablettes doit être disponible pour pouvoir être utilisée par tous les opérateurs, ne saurait donc être retenu pour s'opposer à l'enregistrement de la marque demandée. Même si un tel argument devait être considéré comme pertinent dans le cadre d'une objection soulevée au titre de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, ce que la requérante conteste, il ne l'est pas en l'espèce, parce que la marque demandée n'est pas constituée par ce seul élément.

23.
    La requérante souligne que ses demandes de marques ne visent à obtenir des droits exclusifs que pour la combinaison spécifique des caractéristiques de chacune des marques et non, par exemple, à empêcher les autres opérateurs d'employer la forme rectangulaire pour leurs détergents. Elle se déclare prête à faire desdéclarations de renonciation à cette fin, si le Tribunal le considère nécessaire. Elle ajoute qu'il résulte des nombreuses demandes d'enregistrement adressées à l'Office pour des marques tridimensionnelles concernant des détergents et se présentant sous la forme de tablettes que la variété des aspects de ces tablettes est presque illimitée.

24.
    S'agissant, enfin, des observations concernant la nécessité d'une application uniforme du règlement n° 40/94, la requérante fait valoir que des marques tridimensionnelles analogues à la sienne ont été acceptées dans un certain nombre d'États membres dont le droit des marques a été harmonisé sur la base de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), dont la France, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, étant précisé que, pour ces trois derniers États, l'enregistrement des marques susvisées a été effectué par le Bureau Benelux des marques. De même, l'Office a, selon la requérante, publié la demande de marque n° 924 829 déposée au nom de la requérante pour une marque se présentant sous la forme d'une tablette rectangulaire comportant les couleurs bleue, verte et blanche.

25.
    En réponse à une question du Tribunal, la requérante a précisé que sa demande de marque ne concerne pas uniquement les produits pour lave-linge et pour lave-vaisselle sous forme de tablettes, mais tous les produits mentionnés dans sa demande qui relèvent non seulement de son département de produits de lessive et de ménage, mais également de son département de produits de beauté. Pour ces derniers produits, la marque tridimensionnelle demandée ne correspond pas nécessairement à la forme du produit lui-même, mais peut, par exemple, constituer un gadget publicitaire rattaché au produit. La requérante fait, en outre, valoir que l'Office n'a pas motivé le refus d'enregistrement de la marque demandée, en ce qu'elle concerne les produits de beauté.

26.
    L'Office relève que la marque tridimensionnelle demandée concerne des produits pour lave-linge ou pour lave-vaisselle se présentant sous forme de tablettes, et constitue le produit lui-même.

27.
    Aux fins de l'appréciation de l'octroi de la marque communautaire demandée pour ce nouveau produit, l'Office décrit, premièrement, le développement des différentes présentations des produits de lessive et de vaisselle sur le marché et les avantages de leur présentation sous forme de tablettes.

28.
    Deuxièmement, l'Office expose les principes régissant l'enregistrement des marques tridimensionnelles, en se référant aux différents motifs de refus susceptibles de jouer un rôle dans ce contexte.

29.
    Selon l'Office, une marque possède un caractère distinctif, au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, si elle permet de différencier lesproduits ou services pour lesquels l'enregistrement de la marque est demandé en fonction de leur origine et non en fonction de leur nature ou d'autres caractéristiques.

30.
    Or, selon l'Office, les consommateurs ne font généralement pas le lien entre la forme d'un produit et son origine. Pour que les consommateurs puissent percevoir la forme même du produit comme un moyen d'identification de l'origine de celui-ci, l'Office prétend que cette forme doit avoir une «particularité» qui attire l'attention des consommateurs, quelle qu'elle soit.

31.
    L'Office indique que cette appréciation du caractère distinctif de la forme d'un produit doit se faire en trois étapes. D'abord, il convient de vérifier quelles sont les formes qui existent pour le produit concerné. Ensuite, il y a lieu de vérifier si la forme revendiquée se différencie de ces dernières de manière perceptible pour le consommateur. Enfin, il convient de déterminer si cette forme particulière est apte à indiquer l'origine du produit.

32.
    L'Office souligne que, dans le cadre de la troisième étape de l'analyse, le type de produit et la façon dont le consommateur s'en sert sont importants. L'Office précise que, dans le cas des tablettes destinées au lave-linge et au lave-vaisselle, le consommateur les retire de leur emballage pour les introduire immédiatement dans ces machines et a donc recours à l'emballage du produit, qui porte la marque verbale du fabricant, et non à la forme et à la couleur exacte dudit produit, pour reconnaître ce dernier lors d'un achat.

33.
    Selon l'Office, les critères juridiques pour apprécier le caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées, comme en l'espèce, par la forme du produit lui-même ne sont ni différents ni plus stricts que ceux applicables à d'autres marques. L'Office affirme cependant que la forme d'un produit n'indique pas l'origine de ce dernier de la même façon que des mots ou des éléments figuratifs apposés sur le produit ou sur son emballage.

34.
    Troisièmement, l'Office procède à l'analyse de la marque demandée.

35.
    Selon l'Office, la forme rectangulaire de la marque demandée n'est pas inhabituelle et ne présente pas de caractère de fantaisie, mais est, au contraire, banale et courante sur le marché.

36.
    L'Office est d'avis que, la marque demandée n'ayant pas fait l'objet d'une représentation graphique en couleur et aucune couleur n'ayant été revendiquée, le caractère distinctif de ladite marque doit être évalué sur la base des différentes nuances de gris qui ne sauraient être assimilées à des couleurs différentes. Selon l'Office, ces nuances ne sont pas distinctives et le consommateur les considère comme une indication de la présence d'un ingrédient actif supplémentaire. Il estime que le gris n'est pas une couleur susceptible de conférer un caractère distinctif à un objet fonctionnel. À l'audience, il a précisé que le caractère distinctif d'unemarque déposée sans indication de couleur est examiné sans qu'il soit tenu compte de l'utilisation éventuelle de cette marque dans une version colorée. Il a ajouté que, à supposer qu'une telle marque soit enregistrée, le titulaire peut cependant, dans la plupart des cas, s'opposer à l'utilisation, par des tiers, d'une version colorée de cette marque.

37.
    S'agissant des autres caractéristiques de la marque demandée, l'Office affirme que les bords biseautés ne seront pas remarqués par le consommateur, qu'ils ont un caractère fonctionnel et qu'ils sont courants pour ces tablettes. La dépression, presque impossible à distinguer, ne constitue qu'un élément inséré contenant l'ingrédient actif supplémentaire, d'un gris plus foncé que l'ensemble.

38.
    S'agissant de l'examen de la marque dans son ensemble, l'Office considère que la combinaison de toutes ces caractéristiques non distinctives ne rend pas distinctive la marque demandée. Le caractère distinctif ne saurait être déduit, notamment, du fait que toutes les tablettes sont différentes les unes des autres.

39.
    Quant à l'argument selon lequel la requérante ne devrait pas être la seule entreprise autorisée à vendre des produits pour lave-linge et pour lave-vaisselle sous la forme de tablettes, l'Office estime qu'il est pertinent dans le cadre de l'application de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Selon l'Office, le recours à cet argument ne saurait être interprété en ce sens que la chambre de recours aurait appliqué, en l'espèce, un motif de refus autonome, tiré d'un impératif de disponibilité («Freihaltebedürfnis»). Ce dernier implique que, pour refuser une demande de marque, l'Office devrait démontrer un intérêt légitime spécifique et concret de la part des concurrents à utiliser la même marque. Dans le cas présent, l'Office indique que la chambre de recours a simplement souligné que l'enregistrement de la forme revendiquée en tant que marque communautaire aurait des conséquences indésirables pour le fonctionnement du marché. Il est nécessaire, selon l'Office, de prendre en compte, dans le cadre de l'application de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, les conséquences de l'enregistrement de certains mots, signes ou formes de base et banales, sous peine de nier la fonction de base du système de la marque et de la propriété industrielle, qui consiste à encourager une concurrence loyale.

40.
    Quatrièmement, pour ce qui est de la prétendue incohérence de la décision attaquée au regard des autres décisions de l'Office, celui-ci affirme qu'il a refusé toutes les demandes concernant des tablettes pour lave-linge ou pour lave-vaisselle de forme ronde ou rectangulaire et que ces refus ont été confirmés par les chambres de recours dans tous les cas où ces dernières ont été amenées à se prononcer. L'Office affirme que la demande de marque n° 924 829 a été publiée dans le bulletin des marques communautaires, mais que la marque concernée n'a pas été enregistrée. En outre, l'Office soutient que, à supposer même qu'il ait effectivement enregistré cette marque, une telle décision serait erronée et larequérante ne saurait s'appuyer sur celle-ci pour solliciter l'adoption d'une décision qui serait une répétition de l'erreur.

41.
    En ce qui concerne la pratique des offices nationaux, l'Office reconnaît que l'enregistrement au nom de la requérante d'une marque identique à celle demandée en l'espèce, dans plusieurs ou dans tous les États membres, constitue un élément qui, sans être déterminant, pouvait être pris en considération pour l'enregistrement de la marque communautaire. À cet égard, l'Office affirme que la requérante n'a jamais fait valoir qu'elle avait obtenu l'enregistrement de la marque sollicitée en l'espèce dans des États membres de la Communauté européenne.

42.
    Quant à l'enregistrement de marques analogues à celle demandée dans le cas présent par des offices nationaux des États membres, l'Office indique que la pratique desdits offices n'est pas uniforme.

43.
    L'Office estime que, même si la requérante a été la première à commercialiser des produits pour lave-linge et pour lave-vaisselle sous forme de tablettes, il est établi que la forme rectangulaire est désormais courante. Il considère que, même si cette forme n'est devenue courante qu'après la date de dépôt de la demande de marque communautaire, ladite marque ne peut être enregistrée. À cet égard, il relève, d'une part, que la première utilisation d'une forme banale ou courante ne rend pas en soi cette forme distinctive et, d'autre part, que le caractère distinctif doit exister également à la date d'enregistrement de la marque.

44.
    Enfin, la requérante ayant précisé que sa demande de marque visait également des produits de beauté, l'Office a affirmé à l'audience être prêt à réexaminer les motifs de refus à l'égard de ces autres produits visés par la demande.

Appréciation du Tribunal

45.
    Le caractère distinctif d'une marque doit être apprécié par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l'enregistrement de la marque est demandé.

46.
    En l'espèce, en ce qui concerne les produits de ménage visés par la requérante dans sa demande de marque communautaire, à savoir les «préparations pour lessiver et blanchir et autres substances pour lessiver; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser, préparations pour laver, nettoyer et entretenir la vaisselle; savons», relevant de la classe 3 au sens de l'arrangement de Nice, la marque demandée est constituée par la forme et le dessin du produit lui-même. Pour ce qui est, en revanche, des produits destinés aux soins de la personne pour lesquels l'enregistrement de la marque a été demandé, relevant également de la classe 3, précitée, sous l'intitulé «parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux; dentifrices», il est difficilement concevable que la marque demandée soit constituée par la forme du produit lui-même.

47.
    S'agissant des produits de ménage, il découle de l'article 4 du règlement n° 40/94 que la forme du produit compte parmi les signes susceptibles de constituer une marque communautaire. L'aptitude générale d'une catégorie de signes à constituer une marque n'implique cependant pas que les signes appartenant à cette catégorie possèdent nécessairement un caractère distinctif au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 par rapport à un produit ou à un service déterminé.

48.
    Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l'enregistrement «les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif». Il convient de considérer qu'est pourvue d'un caractère distinctif la marque qui permet de distinguer, selon leur origine, les produits ou services pour lesquels l'enregistrement de la marque a été demandé. À cet effet, il n'est pas nécessaire qu'elle transmette une information précise quant à l'identité du fabricant du produit ou du prestataire de services. Il suffit que la marque permette au public concerné de distinguer le produit ou service qu'elle désigne de ceux qui ont une autre origine commerciale et de conclure que tous les produits ou services qu'elle désigne ont été fabriqués, commercialisés ou fournis sous le contrôle du titulaire de cette marque, auquel peut être attribuée la responsabilité de leur qualité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, Rec. p. I-5507, point 28).

49.
    Il découle des termes de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 qu'un minimum de caractère distinctif suffit pour que le motif de refus défini dans cet article ne soit pas applicable. Il convient donc de rechercher - dans le cadre d'un examen a priori et en dehors de toute prise en considération de l'usage du signe au sens de l'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 - si la marque demandée permettra, au public ciblé, de distinguer les produits visés de ceux ayant une autre origine commerciale lorsqu'il sera appelé à arrêter son choix lors d'un achat.

50.
    L'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 ne fait pas de distinction entre différentes catégories de marques. Les critères d'appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit lui-même ne sont donc pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques.

51.
    Il y a lieu néanmoins de tenir compte, dans le cadre de l'application de ces critères, du fait que la perception du public concerné n'est pas nécessairement la même, dans le cas d'une marque tridimensionnelle constituée par la forme et les couleurs du produit lui-même, que dans le cas d'une marque verbale, figurative ou tridimensionnelle qui n'est pas constituée par la forme du produit. En effet, alors que le public a l'habitude de percevoir, immédiatement, ces dernières marques comme des signes identificateurs du produit, il n'en va pas nécessairement de même lorsque le signe se confond avec l'aspect du produit lui-même.

52.
    Il convient de relever que les produits de ménage pour lesquels la marque a été demandée en l'espèce sont des biens de consommation largement répandus. Le public concerné par ces produits est celui de tous les consommateurs. Il y a donc lieu d'apprécier le caractère distinctif de la marque demandée en tenant compte de l'attente présumée d'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, Rec. p. I-4657, points 30 à 32).

53.
    La perception de la marque par le public concerné est influencée par le niveau d'attention du consommateur moyen, qui est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou services en cause (voir arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, Rec. p. I-3819, point 26). À cet égard, il convient de constater que, s'agissant de produits de consommation quotidienne, le niveau d'attention du consommateur moyen à l'égard de la forme et du dessin des tablettes pour lave-linge et pour lave-vaisselle n'est pas élevé.

54.
    Pour apprécier si la combinaison de la forme et du dessin de la tablette litigieuse peut être perçue par le public comme une indication d'origine, il y a lieu d'analyser l'impression d'ensemble produite par cette combinaison (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C-251/95, Rec. p. I-6191, point 23), ce qui n'est pas incompatible avec un examen successif des différents éléments de présentation utilisés.

55.
    Aucune couleur n'ayant été revendiquée en l'espèce par la requérante, la marque demandée ne peut exercer sa fonction d'identificateur des produits selon leur origine que si le consommateur moyen, lorsqu'il aperçoit une tablette rectangulaire avec une bordure cannelée, des mouchetures et une incrustation triangulaire, est amené à la reconnaître indépendamment de sa couleur et à attribuer tous les produits ainsi présentés à la même origine.

56.
    La forme tridimensionnelle dont l'enregistrement a été demandé, à savoir une tablette rectangulaire, compte parmi les formes géométriques de base et est une des formes venant naturellement à l'esprit pour un produit destiné au lave-linge ou au lave-vaisselle. Les coins légèrement arrondis de la tablette correspondent à des considérations pratiques et ne sont pas susceptibles d'être perçus par le consommateur moyen comme une particularité de la forme revendiquée, apte à la différencier d'autres tablettes pour lave-linge ou pour lave-vaisselle. De même, la bordure cannelée constitue une variante à peine perceptible de la forme de base et n'a pas d'influence sur l'impression d'ensemble donnée par la tablette.

57.
    Quant à la présence de mouchetures et d'une incrustation triangulaire foncée au centre de la tablette, il y a lieu d'examiner d'abord le grief de la requérante selon lequel la chambre de recours n'a pas pris en compte lesdites mouchetures. S'il est vrai que, dans la décision attaquée, la chambre de recours ne les examine pas explicitement, elle a toutefois relevé, en se référant à l'incrustation triangulaire, que l'utilisation de différentes couleurs pour les produits concernés est courante (point18). Cette affirmation permet de comprendre que la chambre de recours a considéré que les mouchetures n'étaient pas susceptibles de rendre la marque demandée distinctive parce qu'il s'agit d'un élément de présentation courant. À cet égard, la décision attaquée est donc suffisamment motivée.

58.
    Ensuite, il convient de relever que le public concerné est habitué à la présence d'éléments clairs et foncés dans un produit détergent. Les poudres, qui correspondent à la présentation traditionnelle de ces produits, sont le plus souvent de couleur grise ou beige très claire et apparaissent presque blanches. Comme la requérante elle-même l'a exposé à l'audience, elles contiennent souvent des particules d'une ou de plusieurs couleurs pouvant être plus foncées ou plus claires que la couleur de base du produit. La publicité réalisée par la requérante et les autres producteurs de détergents met en exergue le fait que ces particules matérialisent la présence de différentes substances actives. Ces particules évoquent donc, sans qu'elles puissent pour autant être considérées comme une indication descriptive au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, certaines qualités du produit. Il ne saurait toutefois être déduit de l'inapplicabilité de ce dernier motif de refus que les éléments clairs ou foncés confèrent nécessairement un caractère distinctif à la marque demandée. En effet, ce caractère fait défaut lorsque le public ciblé est amené, comme en l'espèce, à percevoir la présence des éléments clairs et foncés comme la suggestion de certaines qualités du produit, et non l'indication de son origine.

59.
    S'agissant du fait que, outre les mouchetures, la tablette litigieuse présente, en son centre et sur sa face supérieure, une incrustation triangulaire, il y a lieu de relever que l'appréciation de la chambre de recours, selon laquelle la présence d'une telle incrustation ne suffit pas pour que l'aspect de la tablette puisse être perçu comme une indication de l'origine du produit, est justifiée. En effet, lorsqu'il s'agit de combiner différentes substances dans un produit pour lave-linge ou pour lave-vaisselle ayant la forme d'une tablette, l'adjonction d'une incrustation au milieu de la tablette fait partie des solutions venant le plus naturellement à l'esprit. Le fait que cette incrustation constitue une légère dépression au centre de la tablette ne modifie pas significativement l'aspect de celle-ci et n'est donc pas susceptible d'influencer la perception du consommateur.

60.
    Le choix de la forme triangulaire pour l'incrustation n'est pas non plus suffisant pour conférer à la marque demandée un caractère distinctif. En effet, l'association de deux formes géométriques de base, telle que la tablette litigieuse la fait apparaître, fait partie des variantes de la présentation du produit concerné venant naturellement à l'esprit. En l'absence de tout élément de présentation supplémentaire, susceptible d'influencer la perception du consommateur, cette combinaison de formes ne permet pas au public concerné de distinguer les produits ainsi présentés de ceux ayant une origine commerciale différente.

61.
    La possibilité que les consommateurs puissent néanmoins acquérir l'habitude de reconnaître le produit sur la base d'une telle combinaison de formes ne suffit pas, à elle seule, pour écarter le motif de refus tiré de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Une telle évolution de la perception du signe par le public ne peut être prise en considération, si elle est établie, que dans le cadre de l'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

62.
    Il est sans incidence à cet égard que la combinaison spécifique des formes géométriques susvisées ne soit pas utilisée actuellement pour des produits pour lave-linge ou pour lave-vaisselle. En effet, des combinaisons différentes de ces éléments de présentation obtenues par une variation des formes géométriques de base et par l'adjonction d'incrustations et de mouchetures sont possibles. Les divergences qui en résultent quant à l'aspect des différentes tablettes ne suffisent pas pour permettre, à chacune de ces tablettes, de fonctionner comme un indicateur de l'origine du produit dès lors qu'il s'agit, comme en l'espèce, de variations venant naturellement à l'esprit des formes de base du produit.

63.
    Au regard de l'impression d'ensemble qui se dégage de la combinaison de la forme et du dessin de la tablette litigieuse, la marque demandée ne permettra pas, au public concerné, de distinguer les produits visés de ceux ayant une autre origine commerciale, lorsqu'il sera appelé à arrêter son choix lors d'un achat.

64.
    Il y a lieu d'ajouter que l'inaptitude de la marque demandée à indiquer, a priori et indépendamment de son usage au sens de l'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, l'origine du produit n'est pas remise en cause par le nombre plus ou moins grand de tablettes similaires déjà présentes sur le marché. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de trancher, en l'espèce, la question de savoir si le caractère distinctif de la marque doit être apprécié à la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou à la date de l'enregistrement effectif.

65.
    Pour ce qui est, ensuite, des arguments tirés, par la requérante, de la pratique des offices nationaux des marques, il convient de rappeler que les enregistrements d'ores et déjà effectués dans des États membres ne constituent qu'un élément qui, sans être déterminant, peut seulement être pris en considération aux fins de l'enregistrement d'une marque communautaire [arrêts du Tribunal du 16 février 2000, Procter & Gamble/OHMI (Forme d'un savon), T-122/99, Rec. p. II-265, point 16, et du 31 janvier 2001, Sunrider/OHMI (VITALITE), T-24/00, Rec. p. II-449, point 33]. De plus, la requérante ne prétend pas qu'une marque identique à celle demandée a été enregistrée par un office national. S'agissant plus généralement de la pratique des offices nationaux des marques à l'égard des marques tridimensionnelles constituées par des tablettes pour lave-linge et pour lave-vaisselle, il ressort des réponses de l'Office aux questions du Tribunal qu'elle n'est pas uniforme. Par conséquent, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d'avoir méconnu ladite pratique.

66.
    Pour ce qui est de la pratique de l'Office lui-même, il résulte des réponses de celui-ci aux questions du Tribunal que la demande de marque communautaire dont la requérante a invoqué la publication n'a pas abouti à un enregistrement et que son rejet est envisagé. Dans ces conditions, l'argument tiré de la publication de cette demande est, en tout état de cause, devenu sans objet.

67.
    Par conséquent, les arguments de la requérante concernant la pratique de l'Office et de certains offices nationaux doivent être écartés.

68.
    Il s'ensuit que la chambre de recours a conclu à juste titre que la marque tridimensionnelle demandée est dépourvue de caractère distinctif pour les produits relevant de la classe 3 au sens de l'arrangement de Nice et correspondant à la description suivante: «préparations pour lessiver et blanchir et autres substances pour lessiver; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser, préparations pour laver, nettoyer et entretenir la vaisselle; savons».

69.
    S'agissant de l'argumentation de la requérante relative à la prise en considération, par la chambre de recours, de la nécessité de maintenir disponible la forme de la tablette litigieuse, il convient d'observer que les motifs absolus de refus figurant à l'article 7, paragraphe 1, sous b) à e), du règlement n° 40/94 traduisent le souci du législateur communautaire d'éviter la reconnaissance au profit d'un opérateur de droits exclusifs qui pourraient entraver la concurrence sur le marché des produits ou des services concernés (voir, pour ce qui est du motif de refus lié au caractère descriptif du signe, arrêt de la Cour du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee C-108/97 et C-109/97, Rec. p. I-2779, point 25). Cependant, l'intérêt que peuvent avoir les concurrents du demandeur d'une marque tridimensionnelle constituée par la présentation d'un produit de pouvoir choisir librement la forme et le dessin de leurs propres produits n'est pas, en soi, un motif susceptible de justifier le refus d'enregistrer une telle marque, ni un critère d'appréciation, à lui seul suffisant, du caractère distinctif de celle-ci. En excluant l'enregistrement de signes dépourvus de caractère distinctif, l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 ne protège l'intérêt à la disponibilité de différentes variantes de la présentation d'un produit que dans la mesure où la présentation du produit dont l'enregistrement est demandé ne peut pas, a priori et indépendamment de son usage au sens de l'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, remplir la fonction d'une marque, c'est-à-dire permettre au public concerné de distinguer le produit visé de ceux ayant une autre origine commerciale.

70.
    Il convient de relever que, si la chambre de recours s'est référée, dans la décision attaquée, à l'intérêt qu'il y a d'éviter la monopolisation d'un produit par le biais du droit des marques, il n'en résulte toutefois pas qu'elle ait méconnu, en l'espèce, les critères applicables pour apprécier le caractère distinctif de la marque demandée. En effet, au point 11 de la décision attaquée, la chambre de recours affirme que la forme d'un produit peut être enregistrée comme marque communautaire «à condition que la forme ait des caractéristiques suffisamment inhabituelles etarbitraires pour que les consommateurs concernés puissent reconnaître le produit, uniquement sur la base de son aspect, comme émanant d'une entreprise donnée». Son examen, au point 18 de la décision attaquée, de la perception des caractéristiques de la marque demandée par le public concerné est donc conforme aux principes énoncés ci-dessus.

71.
    S'agissant, enfin, des produits relevant de la classe 3 de l'arrangement de Nice, sous l'intitulé «parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux; dentifrices», la chambre de recours n'expose pas, dans la décision attaquée, les motifs pour lesquels elle a considéré que la marque demandée est dépourvue de caractère distinctif.

72.
    Il s'ensuit que le Tribunal n'est pas en mesure, en l'espèce, d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée au regard de ces derniers produits. Il convient donc de constater que la décision attaquée est entachée, à cet égard, d'une violation de l'obligation de motivation inscrite à l'article 73 du règlement n° 40/94. Le fait que la requérante n'a invoqué cette violation qu'à l'audience ne s'oppose pas à son examen par le Tribunal, étant donné que le défaut de motivation constitue un moyen d'ordre public qui doit être soulevé d'office (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367/95 P, Rec. p. I-point 67).

73.
    Par conséquent, il y a lieu d'annuler la décision attaquée pour autant qu'elle concerne les produits relevant de la classe 3 de l'arrangement de Nice et correspondant à la description suivante: «parfumerie, huiles essentielles cosmétiques, lotions pour les cheveux; dentifrices», le recours étant rejeté pour le surplus.

Sur les dépens

74.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels. Étant donné que la décision attaquée doit être partiellement annulée, il convient de décider que chacune des parties supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la première chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 8 mars 2000 (affaire R 508/1999-1) est annulée en ce qui concerne les produits relevant de la classe 3 au sens de l'arrangement de Nice correspondant à la description suivante: «parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux; dentifrices».

2)    Le recours est rejeté pour le surplus.

3)    Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Meij Potocki Pirrung

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 septembre 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. W. H. Meij


1: Langue de procédure: l'anglais.