Language of document : ECLI:EU:T:2016:733

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

15 décembre 2016 (*)

[Texte rectifié par ordonnance du 10 juillet 2017]

« Concurrence – Abus de position dominante – Marchés grecs de la fourniture de lignite et de gros de l’électricité – Décision constatant une infraction à l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE – Octroi ou maintien des droits d’exploitation des gisements publics de lignite en faveur d’une entreprise publique – Délimitation des marchés en cause – Existence d’une inégalité de chances – Obligation de motivation – Confiance légitime – Détournement de pouvoir – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑169/08 RENV,

Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI), établie à Athènes (Grèce), représentée par Me P. Anestis, avocat,

partie requérante,

soutenue par

République hellénique, représentée par MM. P. Mylonopoulos et K. Boskovits, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Christoforou, en qualité d’agent, assisté de Me A. Oikonomou, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

Elpedison Paragogi Ilektrikis Energeias AE (Elpedison Energeiaki), anciennement Energeiaki Thessalonikis AE, établie à Marousi (Grèce),

et

Elliniki Energeia kai Anaptyxi AE (HE & D SA), établie à Kifissia (Grèce),

représentées par Mes P. Skouris et E. Trova, avocats,

et par

Mytilinaios AE, établie à Athènes,

Protergia AE, établie à Athènes,

et

Alouminion tis Ellados VEAE, anciennement Alouminion AE, établie à Athènes,

représentées par Mes N. Korogiannakis, I. Zarzoura, D. Diakopoulos et E. Chrisafis, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2008) 824 final de la Commission, du 5 mars 2008, concernant l’octroi ou le maintien par la République hellénique de droits en faveur de DEI pour l’extraction de lignite,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen (rapporteur), président, Mme I. Pelikánová et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 8 mars 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1.     Sur la requérante

1        La requérante, Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI), a été créée par la loi grecque n° 1468, des 2 et 7 août 1950 (FEK A’ 169), sous la forme d’une entreprise publique appartenant exclusivement à la République hellénique. Elle a été transformée en société par actions en vertu de la loi grecque n° 2414/1996, relative à la modernisation des entreprises publiques (FEK A’ 135), la République hellénique restant toutefois son actionnaire unique.

2        La requérante a bénéficié du droit exclusif de produire, de transporter et de fournir de l’électricité en Grèce jusqu’à l’adoption des premières mesures de libéralisation du marché grec de l’électricité, prises en vertu de la loi grecque n° 2773/1999, relative à la libéralisation du marché de l’électricité (FEK A’ 286), qui a notamment transposé la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (JO 1997, L 27, p. 20). Conformément à cette loi ainsi qu’au décret présidentiel grec n° 333/2000 (FEK A’ 278), la requérante a été transformée en société anonyme à partir du 1er janvier 2001, la participation de la République hellénique ne pouvant être inférieure, aux termes de l’article 43, paragraphe 3, de la loi n° 2773/1999, à 51 % des actions avec droit de vote. Cette participation était de 51,12 % au moment de l’adoption de la décision de la Commission européenne faisant l’objet du présent recours.

2.     Sur le marché du lignite en Grèce

3        Le lignite est un minerai de charbon, essentiellement utilisé comme combustible à des fins de production d’électricité, dont la Grèce, avec des réserves connues d’environ 4 500 millions de tonnes au 1er janvier 2005, était, au moment de l’adoption de la décision de la Commission faisant l’objet du présent recours, le cinquième producteur au monde et le deuxième dans l’Union européenne.

4        Des droits d’exploration et d’exploitation ont été octroyés en Grèce à des entités autres que la requérante avant la Seconde Guerre mondiale pour des mines de lignite de petite et de moyenne taille, dénommées Achlada, Vevi et Amynteon/Vegora, représentant au 1er janvier 2007 des réserves totales de 210,5 millions de tonnes.

5        En application de l’article 22 du décret législatif grec n° 4029/1959 des 12 et 13 novembre 1959 (FEK A’ 250), la requérante détient les droits exclusifs d’exploitation du lignite dans la région de l’Arcadie, dont les réserves sont d’environ 250 millions de tonnes. Ces droits, renouvelés en 1976, expireront le 5 mars 2026 et pourraient être renouvelés pour une durée de 25 ans.

6        Un code minier a été introduit en Grèce par le décret législatif grec n° 210/1973 (FEK A’ 277), puis modifié par la loi grecque n° 274/1976 (FEK A’ 50) (ci-après le « code minier »). Les articles 143 et 144 de ce code prévoient que les droits d’exploration et d’exploitation sur des gisements publics sont octroyés simultanément, soit à l’issue d’une procédure d’appel d’offres, soit par attribution directe dans les cas urgents et pour des raisons relevant de l’intérêt public.

7        L’article 3, paragraphe 3, de la loi n° 134/1975, des 23 et 29 août 1975 (FEK A’ 180), dispose que, « en vertu d’une décision du ministre de l’Industrie [grec], il est possible de déterminer […] les zones […] dans lesquelles [la requérante] a le droit exclusif de rechercher et d’exploiter des combustibles minéraux solides ». En vertu de plusieurs décisions ministérielles adoptées sur la base de cette disposition, la requérante s’est vu octroyer des droits d’exploration et d’exploitation des gisements de lignite dans les régions, d’une part, d’Amynteon, de Prosilion-Trigonikon et de Komnina, jusqu’en 2018, correspondant à 378 millions de tonnes de réserves et, d’autre part, de Flórina, jusqu’en 2024, représentant environ 140 millions de tonnes de réserves.

8        Par la loi n° 134/1975, qui a permis la fusion de l’entreprise Liptol AE avec la requérante, cette dernière a également acquis la totalité des droits d’exploration et d’exploitation du lignite de Liptol dans la région de Ptolemaïs. Ces droits, couvrant des réserves d’environ 1 500 millions de tonnes, ont été renouvelés en 1976 jusqu’au 5 mars 2026 et pourraient être renouvelés pour une durée supplémentaire de 25 ans.

9        Par des décisions ministérielles de 1985 et de 1994, prises en vertu de la loi n° 134/1975, des droits, uniquement d’exploration, ont été octroyés à la requérante concernant les gisements de lignite de Dráma et d’Elassona, qui représentent environ 1 000 millions de tonnes de réserves. Ces droits ont expiré en 2005.

10      Après 1985, des droits d’exploration et d’exploitation ont également été octroyés à des entreprises autres que la requérante pour sept gisements de lignite de petite taille.

11      Ainsi, à l’époque des faits, sur environ 4 500 millions de tonnes de réserves de lignite en Grèce, les droits d’exploration et d’exploitation octroyés à la requérante s’élevaient à environ 2 200 millions de tonnes ; 85 millions de tonnes appartenaient à des tiers et environ 220 millions de tonnes relevaient des gisements publics explorés et exploités par des tiers, mais approvisionnant en partie les centrales de la requérante. Aucun droit d’exploitation n’avait encore été attribué pour environ 2 000 millions de tonnes de réserves de lignite.

3.     Sur le marché de l’électricité en Grèce

 Licences de production d’électricité et de construction de centrales électriques

12      Le marché grec de l’électricité a été partiellement ouvert à la concurrence en vertu de la loi n° 2773/1999 (voir point 2 ci-dessus), laquelle a instauré, d’une part, une autorisation préalable pour la construction de centrales et pour la production d’électricité, accordée par décision du ministre du Développement grec, après avis de Rythimistiki Archi Energias (RAE, autorité régulatrice de l’énergie, Grèce) et, d’autre part, une entité gestionnaire des réseaux de transport d’électricité, dénommée Hellenic Transmission System Operator SA (HTSO).

13      L’article 15, paragraphe 4, de la loi n° 2773/1999, modifié par l’article 23, paragraphe 9, de la loi n° 3175/2003, a autorisé HTSO à engager des procédures d’appel d’offres, la requérante n’étant pas autorisée à participer à certains de ceux-ci, pour la construction et l’opération, moyennant une subvention, de centrales visant à garantir le maintien d’une capacité de production d’électricité suffisante.

14      Conformément à l’article 42 de la loi n° 2773/1999, la requérante s’est vu octroyer une licence unique pour l’ensemble des centrales électriques lui appartenant, construites ou en cours de construction à la date d’entrée en vigueur de cette loi. En vertu des dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 5, de la loi grecque n° 2941/2001 (FEK A’ 201) et de l’article 24 de la loi grecque n° 3377/2005 (FEK A’ 202), la validité de cette licence a été prorogée jusqu’au 31 décembre 2008.

15      De plus, conformément à l’article 23, paragraphe 12, de la loi n° 3175/2003, la requérante a obtenu une licence pour le remplacement de centrales anciennes, sans que soient précisées les technologies à employer, pour un total de 1 600 mégawatts (MW). La République hellénique indique que ce remplacement concerne 1 200 MW produits par des centrales au gaz et seulement 400 MW produits par des centrales au lignite. En novembre 2007, la requérante aurait annoncé qu’elle allait demander des licences pour deux centrales de 450 MW alimentées au lignite, appelées Florina II et Ptolemaïda V.

16      S’agissant des centrales fonctionnant au lignite, toutes les centrales existantes appartiennent à la requérante. Trois demandes d’entreprises tierces visant la construction de telles centrales ont été rejetées, RAE ayant estimé que la capacité financière des demandeurs et les quantités de lignite prévues étaient insuffisantes ou insuffisamment démontrées. Une quatrième demande, déposée par EFT Hellas AE, était, à l’époque des faits, toujours en cours d’examen. Enfin, une cinquième demande, pour une centrale de 460 MW, avait été déposée par Heron AE le 26 mars 2007.

17      S’agissant des centrales électriques autres que celles fonctionnant au lignite, la requérante a obtenu, le 16 juillet 2003, une licence de production d’électricité pour une centrale à cycle combiné alimentée au gaz, d’une capacité de 400 MW, à Lavrion et, le 4 novembre 2003, une licence pour une centrale à turbines à gaz de 120 MW jusqu’à la mise en service de la centrale susmentionnée de Lavrion.

18      Onze concurrents de la requérante ont obtenu des licences pour des centrales au gaz, pour une capacité totale de 4 114 MW, à la suite d’un appel d’offres lancé par RAE en 2001 excluant, notamment, les centrales au lignite. D’autres licences ont également été délivrées depuis 2001 pour des centrales à cycle combiné alimentées au gaz ainsi que pour une turbine à gaz à circuit ouvert. Globalement, au mois de mars 2006, 21 licences, représentant une capacité totale 5 930 MW, avaient été délivrées à des entreprises autres que la requérante pour des centrales ne fonctionnant pas au lignite. Toutefois, une seule centrale avait été effectivement construite.

19      S’agissant des centrales électrocalogènes et des centrales fonctionnant à partir de sources d’énergie renouvelables, la loi n° 2773/1999 leur a permis de bénéficier d’une priorité en matière de distribution si leur capacité était inférieure à 50 MW, d’un prix de vente de l’électricité réglementé et d’une exemption, pour les petits projets, de l’obligation de licence. Ensuite, en vue de faciliter le développement de ces centrales, la loi grecque n° 3468/2006 (FEK A’ 129) a supprimé le plafond de 50 MW, a rendu le prix de vente plus attractif, a rationalisé le processus d’octroi de licences et a relevé les seuils en dessous desquels une licence n’est pas exigée.

 Importation de l’électricité

20      Le réseau interconnecté de transport de l’électricité grec (ci‑après le « RIG »), qui couvre le territoire continental grec ainsi que certaines îles connectées à celui-ci, était, à l’époque des faits, relié au réseau électrique italien, avec une capacité d’interconnexion maximale de 500 MW, et à celui des pays du nord de la Grèce, à savoir l’Albanie, la Bulgarie et l’ancienne République yougoslave de Macédoine (ci‑après les « pays du nord »), avec une capacité d’interconnexion de 600 MW. La capacité totale d’interconnexion avec d’autres réseaux s’élevait donc à 1 100 MW. Un nouveau dispositif d’interconnexion destiné à relier le RIG au réseau électrique turc, d’environ 200 MW, devait être opérationnel en 2008.

21      Dans la mesure où, d’une part, une partie substantielle de la capacité d’interconnexion avec les pays du nord était réservée à la requérante jusqu’au 1er juillet 2007 et, d’autre part, une partie de la capacité d’interconnexion avec l’Italie était gérée par l’entité de gestion du réseau électrique italienne, un maximum de 500 MW (200 MW provenant des pays du nord et 300 MW provenant de l’Italie) pouvait théoriquement être importé, à l’époque des faits, par les concurrents de la requérante, lesquels devaient avoir accès à 900 MW dans un avenir proche, ce qui représentait 7,5 % de la capacité intérieure totale installée et 6,9 % de la somme de la capacité intérieure totale et de la capacité d’importation.

 Marché journalier obligatoire

22      La loi n° 3175/2003 a prévu la mise en œuvre, à partir de mai 2005, d’un marché journalier obligatoire pour tous les vendeurs et acheteurs d’électricité dans le RIG. Sur ce marché, les producteurs et les importateurs d’électricité soumettent des offres (comprenant l’indication d’un prix et d’une quantité d’électricité) la veille de chaque jour, tandis que les fournisseurs et les clients soumettent des prévisions de charge pour couvrir les besoins de leurs clients. Tenant compte de ces éléments, HTSO élabore le programme horaire de chargement des centrales pour le lendemain. À cet égard, elle prend préalablement en considération la prévision des injections d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables, de centrales électrocalogènes et de certaines centrales hydroélectriques, qui bénéficient d’une priorité. Elle prend en considération, ensuite, l’électricité offerte par les centrales thermiques, dont celles alimentées au lignite, au gaz et au pétrole. Pour ces dernières, les tarifs horaires offerts par les producteurs doivent être au moins égaux au coût variable de la centrale. Les offres des centrales électriques ayant le coût variable le plus bas sont donc les premières à être retenues. Le prix offert par la centrale de production la plus chère qui finit par être intégrée dans le programme de distribution en vue de satisfaire la demande, appelé « prix plafond du système » (ci-après le « PPS »), est le prix finalement payé à tous les producteurs et importateurs dont les offres ont été retenues.

 Procédure administrative

23      En 2003, la Commission a reçu une plainte selon laquelle la République hellénique avait octroyé à la requérante une licence exclusive d’exploration et d’exploitation du lignite en Grèce, en violation de l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE.

24      Le 1er avril 2004, la Commission a envoyé une lettre de mise en demeure à la République hellénique concernant, notamment, l’octroi à la requérante des droits exclusifs d’exploitation des gisements de lignite, ce qui lui aurait permis de maintenir ou d’étendre sa position dominante sur le marché de gros de l’électricité. Il s’agirait d’une violation de l’article 86 CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE. Le 3 mai 2004, la Commission a envoyé une copie de cette lettre à la requérante en lui offrant la possibilité de formuler ses observations. La République hellénique et la requérante ont répondu par lettres du 5 juillet 2004.

25      Par lettre du 21 septembre 2005, la Commission a demandé certaines précisions à la République hellénique, qui a répondu par lettres des 22 et 28 novembre 2005 et du 19 juin 2006.

26      Le 18 octobre 2006, la Commission a envoyé une lettre de mise en demeure complémentaire à la République hellénique, dans laquelle elle indiquait que les nouveaux éléments d’information communiqués par celle-ci ne modifiaient pas les griefs exposés dans la première lettre de mise en demeure.

27      La requérante et la République hellénique ont présenté leurs observations sur la lettre de mise en demeure complémentaire, respectivement, le 19 et le 24 janvier 2007.

28      Le 8 février 2008, la requérante a soumis à la Commission des données sur le marché grec de l’électricité mises à jour pour la période 2006-2007.

29      Le 5 mars 2008, la Commission a adopté la décision C(2008) 824 final concernant l’octroi ou le maintien par la République hellénique de droits en faveur de la requérante pour l’extraction de lignite (ci‑après la « décision attaquée »).

 Décision attaquée

30      Dans la décision attaquée, la Commission a examiné l’impact de certaines mesures adoptées par la République hellénique sur deux marchés distincts, à savoir, d’une part, celui de la fourniture de lignite en Grèce (ci-après le « marché en amont ») et, d’autre part, celui de gros de l’électricité dans le RIG (ci-après le « marché en aval »). La Commission a indiqué que ce dernier devait être libéralisé, conformément à la directive 96/92, à partir du 19 février 2001 et comprenait la fourniture aux clients éligibles de l’électricité produite à l’échelon national et importée (considérants 60, 150 et 158 à 172 de la décision attaquée).

31      La Commission a considéré que la requérante détenait une position dominante sur le marché en amont, sa part de marché étant supérieure à 97 % depuis 2000. Elle détiendrait également une position dominante sur le marché en aval, car, premièrement, sa part de marché serait supérieure à 85 %, deuxièmement, il n’y aurait pas de perspective de nouvelle entrée significative d’un concurrent et, troisièmement, les importations, représentant 7 % de la consommation totale, ne constitueraient pas une réelle contrainte concurrentielle. En outre, le marché en aval, qui représenterait plus de 90 % de la consommation totale d’électricité de la Grèce, constituerait une partie substantielle du marché intérieur (considérants 177 et 179 de la décision attaquée).

32      Quant aux mesures adoptées par la République hellénique, la Commission a constaté que celle-ci, d’une part, en vertu du décret législatif n° 4029/1959 et de la loi n° 134/1975, avait octroyé à la requérante des droits d’exploitation pour 91 % des gisements publics de lignite pour lesquels des droits avaient été accordés et, d’autre part, n’avait, en dépit des possibilités offertes par le code minier, accordé un droit sur un gisement significatif à aucun de ses concurrents. La Commission a indiqué que, grâce au maintien de droits d’exploitation du lignite quasi monopolistiques en faveur de la requérante, la République hellénique avait maintenu ou renforcé sa position dominante sur le marché en aval, dans la mesure où les centrales fonctionnant au lignite étaient les moins coûteuses sur ce marché et, donc, les plus utilisées (considérants 185 à 188 et 238 de la décision attaquée).

33      Enfin, la Commission a constaté que la République hellénique n’avait pas invoqué l’article 86, paragraphe 2, CE pour justifier l’adoption des mesures en cause et a considéré que ces mesures affectaient les échanges interétatiques (considérants 239 à 244 de la décision attaquée).

34      L’article 1er de la décision attaquée est rédigé comme suit :

« L’article 1er et l’article 22, paragraphe 1, du décret législatif n° 4029/1959, l’article 3, paragraphe 1, de la loi n° 134/1975 et les décisions du ministre de l’Industrie, de l’Énergie et des Technologies grec de 1976 (FEK B’ 282), de 1988 (FEK B’ 596) et de 1994 (FEK B’ 633) sont contraires à l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE, dans la mesure où ils accordent et maintiennent des droits privilégiés en faveur de [la requérante] pour l’exploitation de lignite en Grèce, créant ainsi une situation d’inégalité des chances entre les opérateurs économiques en ce qui concerne l’accès aux combustibles primaires aux fins de la production d’électricité et permettant à [la requérante] de maintenir ou de renforcer sa position dominante sur le marché de gros de l’électricité de la Grèce en excluant toute nouvelle entrée sur le marché ou en y faisant obstacle. »

35      Il y a lieu de relever que l’article 1er de la décision attaquée contient une erreur matérielle, en ce qu’il fait référence à l’article 3, paragraphe 1, de la loi n° 134/1975, alors qu’il ressort du dossier que c’est l’article 3, paragraphe 3, de ladite loi qui est en réalité visé.

36      L’article 2 de la décision attaquée indique, d’une part, que la République hellénique doit informer la Commission, dans un délai de deux mois, des mesures qu’elle a l’intention de prendre pour corriger les effets anticoncurrentiels des mesures étatiques visées à l’article 1er de cette même décision et, d’autre part, que ces mesures doivent être adoptées et mises en œuvre dans un délai de huit mois à compter de la notification de ladite décision.

 Procédure devant le Tribunal et la Cour

37      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mai 2008, la requérante a demandé l’annulation de la décision attaquée et la condamnation de la Commission aux dépens.

38      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 5 septembre 2008, la République hellénique a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

39      Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 9 septembre 2008, Elpedison Paragogi Ilektrikis Energeias AE [(Elpedison Energeiaki), anciennement Energeiaki Thessalonikis AE] et Elliniki Energeia kai Anaptyxi AE (HE & D SA), entreprises actives dans le domaine de la production d’électricité en Grèce (ci-après les « entreprises intervenantes »), ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, ces demandes ont été signifiées aux parties.

40      La Commission a déposé un mémoire en défense au greffe du Tribunal le 11 septembre 2008, par lequel elle a demandé au Tribunal de rejeter le recours et de condamner la requérante aux dépens.

41      La Commission a ensuite déposé ses observations sur les demandes d’intervention des entreprises intervenantes le 23 octobre 2008. Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 7 et le 10 novembre 2008, la requérante a soulevé des objections à l’encontre de chacune de ces deux demandes en intervention.

42      Par ordonnance du 3 décembre 2008, le président de la septième chambre du Tribunal a admis la demande d’intervention de la République hellénique.

43      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 décembre 2008, la requérante a demandé, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991, que le Tribunal ordonne, dans l’hypothèse où la Commission n’accepterait pas de modifier le mémoire en défense de sa propre initiative, le remplacement d’une certaine formulation apparaissant dans celui-ci.

44      Dans ses observations, déposées au greffe du Tribunal, en date du 23 janvier 2009, sur la demande de mesures d’organisation de la procédure de la requérante, la Commission a accepté, comme l’a proposé la requérante, de modifier une certaine formulation du mémoire en défense.

45      La République hellénique a déposé son mémoire en intervention au greffe du Tribunal le 18 février 2009.

46      Par ordonnances du 18 septembre 2009, le président de la septième chambre du Tribunal a admis l’intervention des entreprises intervenantes. Celles-ci ont déposé leur mémoire en intervention au greffe du Tribunal le 13 novembre 2009.

47      La Commission, par lettres des 23 octobre 2008, 19 février et 16 mars 2009, et la requérante, par lettres des 7 et 10 novembre 2008, 8 janvier et 23 juin 2009 et 28 janvier 2010, ont demandé que certains éléments confidentiels contenus dans la requête, le mémoire en défense, la réplique, la duplique, les observations sur les mémoires en intervention de la République hellénique et les observations sur le mémoire en intervention des entreprises intervenantes soient exclus de la communication à ces dernières. La communication aux entreprises intervenantes desdits actes de procédure a été limitée à la version non confidentielle, ce qu’elles n’ont pas contesté.

48      Par arrêt du 20 septembre 2012, DEI/Commission (T‑169/08, EU:T:2012:448), le Tribunal a annulé la décision attaquée et a condamné la Commission à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante. La République hellénique et les entreprises intervenantes ont été condamnées à supporter leurs propres dépens.

49      Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 novembre 2012, la Commission a formé un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal, en vertu de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

50      Par actes déposés au greffe de la Cour le 25 mars 2013, les entreprises actives dans le secteur électrique grec Mytilinaios AE, Protergia AE et Alouminion AE (ci-après les « parties intervenantes au pourvoi ») ont demandé à intervenir dans la procédure relative au pourvoi visé au point 49 ci‑dessus au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 11 juillet 2013, le vice-président de la Cour a fait droit à cette demande.

51      Par arrêt du 17 juillet 2014, Commission/DEI (C‑553/12 P, ci‑après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2014:2083), la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal, rejeté les deuxième et quatrième branches du premier moyen, renvoyé l’affaire devant le Tribunal afin que celui-ci statue sur les questions qu’elle n’a pas tranchées et réservé les dépens.

 Procédure et conclusions après renvoi

52      À la suite de l’arrêt sur pourvoi et conformément à l’article 118, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, l’affaire a été attribuée à la première chambre, par décision du président du Tribunal du 3 septembre 2014. Conformément à l’article 119, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, la requérante, la Commission, la République hellénique, Elpedison Energeiaki et les parties intervenantes au pourvoi ont déposé des mémoires d’observations écrites au greffe du Tribunal, respectivement, le 3 octobre 2014, le 27 novembre 2014, le 30 mars 2015, le 2 avril 2015 et le 17 avril 2015.

53      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, le 26 janvier 2016, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, a invité les parties à répondre à certaines questions, ce qu’elles ont fait dans le délai imparti.

54      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 8 mars 2016.

55      La requérante, soutenue par la République hellénique, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

56      La Commission, soutenue par les entreprises intervenantes et par les parties intervenantes au pourvoi, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

57      La requérante invoque quatre moyens à l’appui du recours, tirés, premièrement, d’une erreur de droit lors de l’application des dispositions combinées de l’article 86, paragraphe 1, CE et de l’article 82 CE ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation, deuxièmement, de la violation de l’obligation de motivation, troisièmement, d’une part, de la violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de protection de la propriété privée et, d’autre part, de l’existence d’un détournement de pouvoir et, quatrièmement, d’une violation du principe de proportionnalité.

1.     Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit lors de l’application des dispositions combinées de l’article 86, paragraphe 1, CE et de l’article 82 CE ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation

58      Ce moyen s’articule autour de cinq branches, tirées :

–        premièrement, d’une erreur manifeste d’appréciation dans la définition des marchés en cause ;

–        deuxièmement, de l’absence d’extension de la position dominante sur le marché en amont au marché en aval, en ce qui concerne l’interprétation de la condition relative à l’existence de droits exclusifs ou spéciaux pour la violation combinée de l’article 86, paragraphe 1, CE et de l’article 82 CE ;

–        troisièmement, de l’absence d’une inégalité des chances au détriment des concurrents de la requérante ;

–        quatrièmement, de l’absence d’extension de la position dominante sur le marché en amont au marché en aval, en ce qui concerne le prétendu accès privilégié à un combustible primaire ;

–        et, cinquièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission n’aurait pas pris en compte l’évolution du marché en aval.

59      La Cour ayant rejeté les deuxième et quatrième branches dans l’arrêt sur pourvoi, il y a lieu d’examiner seulement les première, troisième et cinquième branches.

 Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation dans la définition des marchés en cause

 Observations liminaires

60      Avant de pouvoir apprécier si une entreprise, telle que la requérante, détient une position dominante au sens de l’article 82 CE, il y a lieu de délimiter le marché en cause, tant du point de vue du produit ou du service concerné que du point de vue géographique (arrêt du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, EU:C:1978:22, point 10). Cette délimitation est opérée en vue de définir le périmètre à l’intérieur duquel il doit être apprécié si une entreprise est à même de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, EU:C:1983:313, point 37).

61      Afin de délimiter le marché en cause en vue d’appliquer l’article 82 CE, les possibilités de concurrence doivent être appréciées dans le cadre du marché regroupant l’ensemble des produits ou des services qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et sont peu interchangeables avec d’autres produits ou services, ces possibilités de concurrence devant également être appréciées à la lumière des conditions de concurrence et de la structure de l’offre et de la demande (arrêts du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, EU:C:1983:313, point 37, et du 17 décembre 2003, British Airways/Commission, T‑219/99, EU:T:2003:343, point 91). Ainsi qu’il ressort notamment du paragraphe 7 de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5), le marché en cause comprend donc tous les produits ou services que les consommateurs considèrent comme substituables en raison de leurs caractéristiques, de leurs prix et de l’usage auquel ils sont destinés.

62      Quant au marché géographique concerné, il peut être défini comme le territoire sur lequel tous les opérateurs économiques se trouvent dans des conditions de concurrence similaires en ce qui concerne les produits ou les services concernés. Dans cette perspective, il n’est pas nécessaire que les conditions objectives de concurrence entre les opérateurs soient parfaitement homogènes. Il suffit qu’elles soient similaires ou suffisamment homogènes (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, EU:C:1978:22, points 44 et 53). En outre, ce marché peut être limité à un seul État membre (voir, en ce sens, arrêts du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, EU:C:1983:313, point 28, et du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, point 34).

63      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que, au considérant 158 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les mesures visées à l’article 1er de cette décision (ci-après les « mesures litigieuses ») concernaient deux marchés distincts, le marché en amont et le marché en aval. Selon la Commission, lesdites mesures, en octroyant des droits d’exploitation du lignite quasi exclusivement à la requérante et en excluant toute nouvelle entrée de concurrents sur le marché en amont ou en y faisant obstacle, permettaient à la requérante de maintenir ou de renforcer sa position dominante sur le marché en aval. La requérante, soutenue par la République hellénique, conteste, en substance, la définition des marchés opérée par la Commission. Elle divise ses arguments en deux sous‑branches.

 Sur la première sous‑branche, relative à la délimitation du marché en amont

64      La Commission a indiqué, aux considérants 161, 168 et 169 de la décision attaquée, que le marché en amont était un marché de produit distinct dont la dimension géographique était nationale.

65      La requérante et la République hellénique relèvent que cette délimitation du marché en amont est erronée, la Commission n’ayant pas appliqué les critères qu’elle-même avait retenus dans la communication sur la définition du marché (voir point 61 ci-dessus), à savoir la substituabilité, d’une part, de la demande et, d’autre part, de l’offre ainsi que la concurrence potentielle. Elles invoquent quatre griefs, que la Commission conteste, tendant à réfuter cette délimitation.

–       Sur le premier grief

66      La requérante et la République hellénique font valoir que, le marché en aval, sur lequel la prétendue violation de l’article 82 CE serait commise, étant le marché de gros de la fourniture d’électricité dans le RIG, le marché en amont ne peut pas se limiter à la fourniture de lignite, mais doit être constitué de tous les combustibles sur la base desquels est produite l’électricité. Si le marché en amont était défini comme la Commission le prétend, alors le marché en aval devrait lui aussi être divisé en fonction du combustible dont provient l’énergie fournie. Elles ajoutent que les producteurs d’électricité choisissent parmi les combustibles en concurrence celui avec lequel opérer dans une centrale donnée en tenant notamment compte, premièrement, des conditions de « sous-capacité » sur le RIG, où l’offre est inférieure à la demande, deuxièmement, du coût fonctionnel d’une centrale, qui inclut le coût du combustible, le coût de fonctionnement et de maintenance et le coût environnemental et, troisièmement, des investissements et des délais de construction nécessaires, qui seraient moindres pour une centrale au gaz que pour une centrale au lignite. La Commission aurait donc dû inclure dans la définition du marché en amont la houille, le nucléaire et le gaz. Les centrales fonctionnant au gaz seraient, d’ailleurs, utilisées sur une base continue et représenteraient une capacité installée importante.

67      La Commission conteste les arguments de la requérante et de la République hellénique.

68      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il est, certes, exact qu’un producteur d’électricité qui décide d’entamer la construction d’une centrale est libre de la concevoir afin qu’elle soit alimentée avec le combustible de son choix, cette décision étant prise en fonction de plusieurs paramètres économiques, dont, éventuellement, ceux visés par la requérante au point 66 ci‑dessus.

69      Or, la requérante ne conteste pas le constat de la Commission, au considérant 13 de la décision attaquée, selon lequel, d’une part, les centrales alimentées au lignite ont été conçues spécifiquement pour fonctionner à partir de ce seul combustible et, d’autre part, les adaptations nécessaires pour transformer ces centrales en centrales alimentées à la houille sont très onéreuses. Dès lors, si un producteur d’électricité décide de construire une centrale alimentée au lignite, il sera par la suite tenu de se procurer ce seul combustible pour produire de l’électricité dans cette centrale pendant la totalité de sa vie utile.

70      Les fournisseurs de lignite ne se trouvent donc pas en concurrence avec les fournisseurs des autres combustibles utilisés aux fins de production d’électricité lorsqu’il s’agit des ventes aux centrales électriques alimentées au lignite, celles-ci constituant un marché captif. Or, il ressort du considérant 12 de la décision attaquée, sans que cela soit contredit par la requérante, que la quasi-totalité du lignite exploité en Grèce est utilisé aux fins de production d’électricité. Les centrales fonctionnant à partir de ce combustible ne représentent donc pas une partie négligeable des clients des fournisseurs de lignite, mais leur marché principal, voire exclusif. Il s’agit, par ailleurs, d’un marché d’une taille considérable, dès lors qu’il ressort des tableaux nos 11 et 14 de la décision attaquée que, respectivement, 43 % de la capacité installée de production d’électricité au sein du RIG et 59,7 % de la production totale correspondaient à de telles centrales en 2006.

71      Par ailleurs, les investissements nécessaires pour construire une centrale alimentée au lignite étant, selon la requérante elle-même, très importants, il est raisonnable de considérer que l’opération d’une telle centrale, une fois en fonctionnement, serait difficilement abandonnée pour des raisons liées à une augmentation, même significative, du prix du lignite, ce qui renforce le pouvoir de marché des fournisseurs de ce combustible et leur capacité à agir relativement indépendamment de l’évolution du prix des autres combustibles utilisés aux fins de production d’électricité.

72      L’argument de la requérante et de la République hellénique selon lequel tous ces autres combustibles devraient relever du marché en amont ne saurait donc remettre en cause la délimitation dudit marché à laquelle la Commission est parvenue. En effet, la concurrence exercée par l’électricité produite à partir de tout autre combustible avec l’électricité produite à partir du lignite se manifeste plutôt sur le marché en aval. Ladite délimitation relève donc des questions relatives à ce marché, ainsi que cela sera examiné ci-après.

73      Le présent grief doit donc être rejeté.

–       Sur le deuxième grief

74      La requérante fait valoir que, dans sa délimitation du marché en amont, la Commission aurait dû prendre en considération la pression concurrentielle exercée par l’électricité importée.

75      La Commission conteste l’argument de la requérante.

76      À cet égard, il suffit de relever que, nonobstant la possibilité d’importer de l’électricité en provenance de l’Italie ou des pays du nord, les exploitants des centrales fonctionnant au lignite restent, en pratique, tenus de se procurer le combustible nécessaire pour assurer le fonctionnement de ces centrales auprès des fournisseurs de lignite.

77      Dès lors, le fait que l’importation d’électricité soit possible ne permet pas de considérer que la délimitation du marché en amont effectuée par la Commission est erronée, indépendamment de la question de savoir si ce fait est susceptible d’exercer une pression concurrentielle significative sur le marché en aval.

78      Le présent grief doit ainsi être rejeté.

–       Sur le troisième grief

79      La requérante et la République hellénique relèvent que la Commission a commis une erreur en définissant le lignite comme un « combustible primaire », ce qui aurait eu un impact sur la délimitation du marché en amont. Si cette notion visait un combustible utilisé pour la production d’électricité dans les « centrales de base », qui injectent d’une manière permanente de l’électricité dans le réseau, alors le marché en amont devrait inclure la houille et le gaz, qui peuvent également être utilisés comme combustibles pour des « centrales de base ».

80      La Commission conteste les arguments de la requérante et de la République hellénique.

81      Sur ce point, il y a lieu de rappeler que, au considérant 189 et à l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le maintien des droits d’exploitation du lignite en faveur de la requérante créerait une situation d’inégalité des chances entre les opérateurs économiques en ce qui concerne l’accès aux « combustibles primaires » aux fins de la production d’électricité (voir point 34 ci‑dessus). Or, par l’utilisation de l’expression « combustibles primaires », qui est dénuée d’acception technique dans le contexte de la décision attaquée, la Commission n’a cherché qu’à évoquer l’importance et le rôle essentiel du lignite dans le marché en aval, et non pas à délimiter le marché en amont.

82      Il en va de même en ce qui concerne l’utilisation, dans la décision attaquée, de l’expression « centrales de base ». Si celles-ci sont, ainsi que l’affirme la requérante, les centrales qui injectent d’une manière permanente de l’électricité dans le réseau, il ressort de la décision attaquée que la Commission a analysé toutes les sources de production d’électricité, ainsi que tous les types de technologie utilisés, pour conclure que l’accès au lignite restait en Grèce essentiel afin de permettre une concurrence effective ou potentielle sur le marché en aval et qu’elle n’a pas considéré que le marché en amont était celui du lignite au motif que seul ce combustible pourrait être utilisé pour alimenter les centrales qui injectent d’une manière permanente de l’électricité dans le réseau.

83      Il y a donc lieu de rejeter le présent grief.

–       Sur le quatrième grief

84      La requérante fait valoir que la délimitation du marché en amont est erronée en ce que, sur le plan géographique, ce marché ne devrait pas être limité au lignite produit en Grèce, mais devrait comprendre également le lignite en provenance de gisements situés dans certains pays et territoires voisins. La République hellénique ajoute que la prévision de la Commission sur le caractère improbable d’importations de lignite est erronée, puisque, au début de l’année 2009, elle a délivré une autorisation de production d’électricité à partir du lignite à un concurrent de la requérante, lequel pouvait assurer une alimentation à long terme en lignite importé.

85      La Commission conteste les arguments de la requérante.

86      Il y a lieu de relever que la Commission a indiqué, au considérant 13 de la décision attaquée, que, en raison du fait que le lignite a le pouvoir calorique le plus faible de toutes les catégories de charbon, il ne peut pas être transporté sur de longues distances, le commerce de lignite étant quasi inexistant en dehors des approvisionnements directs entre des gisements situés à proximité des centrales électriques de consommation et celles-ci. La Commission a également indiqué, sans être contredite par la requérante ou par la République hellénique, d’une part, que toutes les centrales fonctionnant au lignite dans l’Union se trouvent à proximité des gisements de lignite et, d’autre part, que la consommation de lignite importé était de 0,1 % dans l’ensemble des États membres et inexistante en Grèce.

87      Par ailleurs, s’agissant du lignite en provenance des territoires voisins de la Grèce, la Commission a observé, au considérant 16 de la décision attaquée, que les gisements existant dans ces territoires, d’une part, étaient à plus de 100 km de la frontière grecque et, donc, trop loin pour pouvoir représenter une source potentielle d’approvisionnement pour les centrales au lignite situées dans le RIG et, d’autre part, étaient déjà exploités par des entreprises locales pour produire de l’électricité sur les réseaux électriques locaux. C’est pourquoi, même si elle admet, au considérant 161 de la décision attaquée, la possibilité théorique que la fourniture de lignite puisse être effectuée, en vue d’alimenter les centrales situées sur le RIG, à partir des gisements existant dans ces territoires, au considérant 169 de la décision attaquée, elle a exclu que cette possibilité puisse constituer une alternative réaliste au lignite grec.

88      La requérante fait toutefois valoir que les difficultés et le coût du transport du lignite sont considérablement atténués en ce qui concerne les offres de lignite provenant de certains territoires voisins de la Grèce, à cause de la valeur calorique élevée du produit et de son prix. Pour étayer cette affirmation, la requérante renvoie à un courriel adressé à la Commission le 8 février 2008. Or, ce courriel ne contient aucune analyse relative à la rentabilité économique de l’importation de lignite en provenance de ces territoires. En effet, dans ledit courriel, la requérante se limite à affirmer que le marché en amont est d’une dimension plus grande que celle retenue par la Commission dans la décision attaquée et présente, comme preuve de cette affirmation, trois offres qu’elle avait reçues de trois entreprises relatives à la fourniture de lignite en provenance de l’ancienne République yougoslave de Macédoine et du Kosovo.

89      Premièrement, s’agissant des deux premières offres, relatives à la fourniture, d’une part, de 300 000 tonnes de lignite par an provenant du Kosovo, présentant un pouvoir calorifique de 1 800 kcal/kg, ainsi que de 600 000 tonnes par an provenant de l’ancienne République yougoslave de Macédoine, présentant un pouvoir calorifique compris entre 2 800 et 3 000 kcal/kg, et, d’autre part, de 1 000 000 de tonnes en provenance du Kosovo, dont le pouvoir calorifique n’est pas précisé, à fournir en 2007, il y a lieu de relever que le prix à payer pour ces quantités de lignite ne ressort pas du dossier. L’existence de ces offres ne suffit donc pas à prouver que l’importation de ce lignite serait économiquement rentable.

90      Quant à la troisième offre, relative à une quantité de xylite en provenance de l’ancienne République yougoslave de Macédoine de 300 000 tonnes par an, à fournir à deux centrales situées à proximité de la frontière avec ce pays, présentant un pouvoir calorifique de 2 700 kcal/kg, elle précise le prix que la requérante devrait payer, à savoir 37,5 euros par tonne, ce prix pouvant varier en fonction de la qualité du produit finalement fourni selon une règle prédéterminée. Toutefois, la requérante n’explique pas si, compte tenu de ce prix, l’importation du xylite, à supposer qu’il soit utilisable dans des centrales fonctionnant au lignite, serait en effet rentable. Par ailleurs, il y a lieu de signaler que la lettre contenant cette troisième offre fait état des difficultés que l’importation de ces quantités poserait à la frontière, dans la mesure où, nécessitant un transit de 60 camions par jour, elle épuiserait la capacité de dédouanement de la douane la plus proche des centrales desservies.

91      Deuxièmement, il convient de noter que les entreprises à l’origine des offres reçues par la requérante ne se sont pas engagées, dans ces offres, à assurer une livraison de combustible sur une longue durée. Or, la requérante ne conteste pas l’observation effectuée par la Commission au considérant 203 de la décision attaquée selon laquelle la quantité de lignite requise par une centrale fonctionnant à partir de ce combustible pendant toute la durée de son cycle de vie, soit de 40 à 45 ans, est de plusieurs millions de tonnes. La Commission a, par exemple, indiqué que le gisement de Vevi, qui présente des réserves de 90 millions de tonnes, était censé alimenter une centrale de 400 MW pendant la durée de son cycle de vie, à raison d’environ 2 000 000 de tonnes par an.

92      Il n’est donc pas réaliste de considérer qu’un investisseur moyennement avisé s’engagerait dans les lourds frais qui, selon la requérante elle‑même, sont liés à la construction d’une centrale alimentée au lignite pour produire de l’électricité sur le RIG sans avoir assuré un approvisionnement de longue durée.

93      Troisièmement, il y a lieu de relever que la requérante n’indique pas avoir accepté l’une ou l’autre des offres reçues, ce qui constitue plutôt un indice de ce que celles-ci n’avaient pas été jugées à l’époque comme étant suffisamment compétitives. Un fort indice supplémentaire en ce sens est l’absence d’importations de lignite en Grèce (voir point 86 ci-dessus). En effet, le lignite étant le combustible le plus utilisé pour la génération d’électricité sur le RIG, cette absence serait difficilement explicable si, comme la requérante le fait valoir en substance, le transport du lignite provenant des territoires voisins de la Grèce était économiquement rentable.

94      Dès lors, si on ne saurait exclure que l’importation de lignite en provenance de certains territoires voisins de la Grèce et à destination des centrales situées à proximité de la frontière entre celle-ci et les pays du nord puisse avoir occasionnellement lieu, il y a lieu de considérer que la requérante n’est pas parvenue à démontrer qu’une telle importation était une source d’approvisionnement alternative réelle aux gisements de lignite existant sur le RIG.

95      Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument de la République hellénique tiré du fait que, le 7 janvier 2009, Heron s’est vu octroyer la licence pour la construction d’une centrale alimentée au lignite demandée le 26 mars 2007 (voir point 16 ci-dessus), alors qu’elle aurait indiqué comme sources de combustible des gisements situés en dehors de la Grèce.

96      [Tel que rectifié par ordonnance du 10 juillet 2017] En effet, comme la Commission le fait valoir à juste titre, la licence octroyée à Heron le 7 janvier 2009 n’explique pas de façon détaillée la manière dont cette entreprise devait s’approvisionner en lignite. Comme la Commission le souligne, une explication plus développée figure dans l’avis fourni par RAE dans la procédure ayant abouti à l’octroi de cette licence. Or, il ressort de cet avis que Heron avait présenté comme source principale de lignite de la centrale projetée deux gisements situés à l’intérieur du RIG, dont un, celui de Vevi, localisé à 20 km de l’emplacement prévu de la centrale. RAE a mentionné la construction d’une ligne de chemin de fer entre ce gisement et la nouvelle centrale. L’importation d’une quantité de 3 000 000 de tonnes en provenance du territoire du Kosovo est, certes, mentionnée en tant que source alternative de lignite pour la centrale projetée, mais cela ne permet pas de considérer que Heron aurait demandé et obtenu une licence de construction d’une centrale fonctionnant au lignite sans avoir l’espoir, fondé, de s’approvisionner à partir d’un gisement situé à proximité, comme celui de Vevi.

97      Par ailleurs, dans sa réponse aux questions posées par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du 26 janvier 2016 ainsi que lors de l’audience, la République hellénique a confirmé que Heron n’était pas soumise à une obligation légale de construction de la centrale projetée. La seule conséquence possible d’une éventuelle décision de cette entreprise de renoncer à son projet était le retrait de la licence de construction. Dès lors, la simple obtention par Heron de cette licence ne démontre pas qu’elle estimait que la construction de la centrale projetée était possible dans l’hypothèse où elle n’obtiendrait pas les droits d’exploitation du gisement de Vevi.

98      [Tel que rectifié par ordonnance du 10 juillet 2017] L’existence de la licence accordée à Heron ne suffit donc pas à établir que la construction d’une centrale fonctionnant au lignite sur le RIG serait économiquement rentable sans avoir accès aux gisements de lignite existant sur ce territoire. Le fait que le seul cas figurant dans le dossier dans lequel une entreprise a mentionné le lignite importé comme source possible d’approvisionnement pour une centrale à construire est celui dans lequel cette même entreprise avait demandé l’attribution des droits d’exploitation d’un gisement situé à 20 km de cette centrale est plutôt un indice de la nécessité économique de l’existence de gisements situés à proximité des centrales fonctionnant au lignite. Un indice supplémentaire est le fait que, comme la Commission l’a indiqué lors de l’audience sans être contredite par la requérante ou la République hellénique, Heron, laquelle ne s’est finalement pas vu attribuer des droits d’exploitation pour les gisements de Vevi, n’a pas débuté la construction de la centrale projetée à ce jour.

99      Enfin, d’une part, comme la Commission le relève, rien dans la licence accordée à Heron ou dans l’avis de RAE relatif à celle-ci n’indique que les quantités de lignite pouvant être importées seraient assurées pendant la totalité de la vie utile de la centrale projetée et, d’autre part, la République hellénique ne fournit aucun élément relatif au prix du lignite à importer par Heron permettant de comparer sa rentabilité, aux fins de production d’électricité dans le RIG, avec le lignite existant dans les gisements grecs.

100    Compte tenu de l’ensemble des considérations précédentes, le présent grief doit être rejeté.

101    Il y a donc lieu de conclure que la requérante n’est pas parvenue à établir l’existence d’une erreur dans la délimitation du marché en amont effectuée par la Commission dans la décision attaquée. Dès lors, la première sous‑branche n’est pas fondée.

 Sur la seconde sous‑branche, relative à la délimitation du marché en aval

102    Il y a lieu de rappeler que la Commission, au considérant 162 de la décision attaquée, a délimité le marché en aval comme étant le marché de production d’électricité dans les centrales électriques du RIG et d’importation d’électricité par le biais des dispositifs d’interconnexion aux fins de la revente.

103    Pour contester cette délimitation du marché en aval, la requérante invoque en substance deux griefs, que la Commission conteste.

–       Sur le premier grief

104    La requérante affirme que la Commission, pour délimiter le marché en aval, s’est fondée, à tort, sur des données antérieures à la création du système journalier obligatoire et qu’elle n’a pas pris en considération le degré de libéralisation de ce marché.

105    La Commission conteste l’affirmation de la requérante.

106    Il y a lieu de relever, d’emblée, que, à supposer même que cette affirmation soit avérée, cela ne permettrait pas de considérer que la délimitation du marché en aval effectuée par la Commission était erronée. La requérante elle-même n’indique pas que, si la Commission s’était fondée sur des données plus pertinentes, elle aurait délimité ce marché différemment.

107    En tout état de cause, il résulte de la décision attaquée, lue dans son intégralité, que la Commission a fondé son analyse du marché en aval sur l’ensemble des éléments qui lui avaient été transmis jusqu’à l’adoption de ladite décision. Il ne ressort nullement de celle-ci, comme cela est confirmé par les points 201 à 203 ci-après, que la Commission aurait limité son appréciation à la prise en compte des éléments qui lui étaient parvenus jusqu’au 18 octobre 2006. Bien au contraire, la Commission, aux considérants 103 à 106 de la décision attaquée, a décrit les règles régissant ce marché, qu’elle a également examinées aux considérants 164 à 166 de cette décision, et, au considérant 222 de ladite décision, a pris en compte certaines particularités du marché en cause pour constater que le lignite était le combustible le plus avantageux pour produire de l’électricité dans le RIG.

108    Le présent grief doit donc être rejeté.

–       Sur le second grief

109    La requérante fait valoir que la Commission, dans la décision attaquée, a omis de distinguer, à tort, la pression concurrentielle que l’électricité importée exerce en fonction des différents types de combustible. À titre d’exemple, l’électricité importée de centrales hydroélectriques et nucléaires serait nettement moins chère que celle produite en Grèce et entrerait dans le système avant celle-ci, évinçant d’autres centrales de production, dont celles qui fonctionnent au lignite.

110    Cet argument, que la Commission conteste, manque en fait. En effet, la Commission a inclus l’électricité importée dans le marché en aval, tel qu’il ressort de la définition de ce marché indiquée au considérant 162 de la décision attaquée et visée au point 102 ci-dessus. Or, elle a constaté que la capacité réelle d’importation ne représentait, à l’époque des faits, qu’environ 7 % de la capacité installée sur le marché en aval, ce que la requérante n’a pas contesté. La Commission n’a donc pas omis de prendre en considération la pression concurrentielle de l’électricité importée, mais, compte tenu de la quantité relativement réduite de cette électricité par rapport à la capacité de production totale installée dans le RIG et à la consommation, elle a considéré que, à l’époque des faits, le lignite restait un combustible particulièrement attractif pour produire de l’électricité dans ce marché.

111    Le second grief doit donc être rejeté.

112    Il y a ainsi lieu de conclure que la requérante n’est pas parvenue à établir l’existence d’une erreur dans la délimitation du marché en aval effectuée par la Commission dans la décision attaquée. Dès lors, la seconde sous‑branche n’est pas fondée.

113    Aucune erreur n’ayant été constatée quant à la délimitation des marchés visés dans la décision attaquée, la première branche du premier moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de l’absence d’une situation d’inégalité des chances au détriment des nouveaux concurrents

114    Selon la jurisprudence de la Cour, un système de concurrence non faussée ne peut être garanti que si l’égalité des chances entre les différents opérateurs économiques est assurée. Il s’ensuit que, si l’inégalité des chances entre ces opérateurs, et donc la concurrence faussée, est le fait d’une mesure étatique, celle-ci constitue une violation de l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE (voir arrêt sur pourvoi, points 43 et 44 et jurisprudence citée).

115    Il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les mesure litigieuses étaient susceptibles de créer une inégalité de chances en faveur de la requérante au motif qu’elles accordaient à celle-ci un accès presque exclusif au lignite utilisable pour produire de l’électricité dans le RIG, alors qu’il s’agirait du combustible le plus avantageux à cette fin.

116    La requérante invoque, en substance, cinq griefs pour réfuter cette conclusion.

117    Ces griefs sont contestés par la Commission.

 Sur le premier grief

118    La requérante relève que les droits d’exploitation pour environ 2 000 millions de tonnes de réserves de lignite, dont 1 230 millions de tonnes de réserves exploitables aux fins de production d’électricité, n’avaient pas encore été octroyés à l’époque des faits. Ses concurrents pouvaient donc se procurer du lignite en demandant l’octroi de ces droits. Les règles applicables à cet égard seraient de facto les mêmes pour toute entreprise depuis 1994, date à laquelle la requérante a bénéficié du dernier octroi. Ainsi, une procédure d’appel d’offres aurait été lancée et presque achevée pour le gisement de Vevi.

119    La Commission conteste les arguments de la requérante.

120    Premièrement, il y a lieu de relever qu’il ressort des points 5 à 12 ci‑dessus que la requérante s’est vu octroyer des droits d’exploration et d’exploitation sur la quasi-totalité des gisements publics de lignite pour lesquels de tels droits avaient été octroyés, à l’époque des faits, en Grèce. Concrètement, les droits accordés à la requérante correspondaient à environ 2 200 millions de tonnes au 1er janvier 2007 et représentaient 91 % des réserves des gisements publics pour lesquels de tels droits avaient été octroyés.

121    Il ressort également du point 11 ci‑dessus que, sur environ 4 500 millions de tonnes de réserves de lignite en Grèce, les droits d’exploration et d’exploitation octroyés à des tiers et pouvant être utilisés pour la production d’électricité dans des centrales fonctionnant au lignite n’appartenant pas à la requérante s’élevaient à environ 85 millions de tonnes.

122    La plus grande partie des attributions de droits d’exploitation dont la requérante a bénéficié ont eu lieu en vertu soit de décisions ministérielles adoptées conformément à l’article 36, paragraphe 3, de la loi n° 3734/2009, soit d’un instrument législatif spécifique, comme la loi n° 134/1975, dont ne pouvaient pas bénéficier les concurrents de la requérante.

123    Il est, certes, exact que l’article 36, paragraphe 3, de la loi n° 3734/2009 a abrogé l’article 3, paragraphe 3, de la loi n° 134/1975, qui était mis en cause à l’article 1er de la décision attaquée. Toutefois, cette abrogation est intervenue après l’adoption de la décision attaquée et représente une simple mesure de mise en conformité avec celle-ci. Elle n’est donc pas susceptible de démontrer que l’analyse effectuée par la Commission dans la décision attaquée était erronée.

124    Par ailleurs, et en tout état de cause, comme la requérante et la République hellénique l’admettent, c’est en 1994 que, sur la base de la loi n° 134/1975, les derniers droits d’exploitation des gisements publics de lignite en Grèce ont été octroyés, et cela, directement, à la requérante, par décision ministérielle. Ainsi, bien que le code minier n’exclue pas formellement la possibilité d’attribuer à des entreprises intéressées, autres que la requérante, des droits sur des gisements publics de lignite non encore attribués, aucun gisement important n’avait été concédé à ces entreprises, malgré l’intérêt manifesté par celles-ci, lors de l’adoption de la décision attaquée. La requérante était, de fait, la seule entreprise pouvant exploiter une quantité significative de lignite sur le marché en amont.

125    Dès lors, la simple abrogation de la loi n° 134/1975 ne suffit pas à remédier à la situation d’inégalité des chances sur le marché de gros de l’électricité, causée par le maintien de l’accès privilégié de la requérante aux droits d’exploitation du lignite.

126    À cet égard, il convient d’ajouter que la République hellénique n’a avancé, ni pendant la procédure administrative ni devant le Tribunal, aucun argument pouvant justifier l’absence d’octroi de droits d’exploitation sur des gisements non attribués et, en particulier, sur des gisements importants comme ceux de Dráma et d’Elassona.

127    Par ailleurs, le code minier n’empêche pas non plus la requérante de demander et d’obtenir l’octroi des droits d’exploitation sur des gisements non encore attribués. Dès lors, même si la République hellénique décidait d’octroyer des droits d’exploitation sur de tels gisements, selon la procédure prévue par le code minier, cela ne permettrait pas en soi d’assurer que les concurrents de la requérante sur le marché en aval se voient garantir un accès suffisant au lignite en tant que combustible aux fins de production d’électricité. En effet, la requérante pourrait, à l’issue de cette procédure, acquérir ces droits et augmenter en conséquence son portefeuille.

128    Deuxièmement, il importe de relever que la République hellénique n’a adopté aucune mesure alternative à l’octroi de droits d’exploitation susceptible de garantir aux concurrents de la requérante un accès suffisant au lignite en tant que combustible aux fins de production d’électricité ou de supprimer les éventuels avantages que la requérante tire de son accès quasi exclusif à ce combustible.

129    Troisièmement, il ressort du considérant 80 de la décision attaquée que la République hellénique a adopté certaines mesures asymétriques au détriment de la requérante à la suite de la libéralisation du marché en aval. Or, parce qu’elles consistent, en substance, en l’organisation de procédures de concours à l’exclusion de la requérante pour la construction des centrales fonctionnant avec des combustibles autres que le lignite, ces mesures ne sont pas susceptibles de garantir aux concurrents de la requérante un accès suffisant au lignite en tant que combustible pour la production d’électricité.

130    Il ressort de ce qui précède que la requérante bénéficiait de fait, lors de l’adoption de la décision attaquée, d’un accès privilégié au lignite en tant que combustible aux fins de production d’électricité, malgré la possibilité formelle d’octroyer des droits d’exploitation pour les gisements non encore attribués à ses concurrents.

131    Le présent grief doit donc être rejeté.

 Sur le deuxième grief

132    La requérante, soutenue par la République hellénique, fait observer que la Commission admet elle-même que, dans le marché en aval, toute entreprise peut demander et obtenir une licence de production d’électricité et qu’un nombre important d’entreprises avait déjà obtenu de telles licences lors de l’adoption de la décision attaquée. La circonstance que, à la date d’adoption de cette décision, ces licences n’avaient pas encore été obtenues pour la construction de centrales fonctionnant au lignite ne découlerait pas d’une inégalité des chances, mais de raisons objectives, comme l’impossibilité d’assurer soit un approvisionnement suffisant en combustible, soit la capacité financière requise. L’arrivée en Grèce d’importantes entreprises européennes, particulièrement intense après l’adoption de la décision attaquée, démontrerait l’ouverture du marché en aval à des nouveaux producteurs, ce qui ne justifierait plus l’existence des procédures d’appel d’offres subventionnées.

133    La Commission conteste les arguments de la requérante.

134    D’une part, il y a lieu de relever que le fait que les concurrents de la requérante, y compris des grandes entreprises, aient pu obtenir des licences de production d’électricité dans le RIG ne démontre pas l’absence d’une inégalité de chances sur ce marché au détriment de celles-ci. Cela démontre uniquement que les barrières à l’entrée ne sont pas telles que toute concurrence est exclue.

135    Par ailleurs, il ressort des tableaux nos 12 et 14 de la décision attaquée que, en 2006, et donc cinq ans après la libéralisation partielle du marché en aval, la requérante, d’une part, disposait de 90 % de la capacité de production installée sur le RIG et, d’autre part, produisait 93,6 % de l’électricité totale distribuée. Le degré de pénétration des concurrents de la requérante sur ce marché à l’époque des faits était donc plutôt de nature à démontrer la persistance d’une situation d’inégalité entre la requérante et ses concurrents, et cela d’autant plus que le RIG se trouvait, d’après la requérante elle-même, dans une situation de sous‑capacité qui, en principe, aurait vocation à se corriger, notamment, par l’arrivée de nouveaux concurrents.

136    D’autre part, il ressort des considérants 77 et 211 de la décision attaquée, sans que cela ait été contesté par la requérante ou la République hellénique, que toutes les demandes de licence de construction de centrales fonctionnant au lignite introduites par les concurrents de la requérante avant l’adoption de la décision attaquée ont été rejetées. La requérante elle-même reconnaît que l’un des motifs principaux de ces rejets a été l’impossibilité pour les demandeurs de s’assurer un approvisionnement suffisant au lignite, ce que la Commission a également constaté au considérant 211 de la décision attaquée. Cela démontre, plutôt que cela n’infirme, les difficultés rencontrées par les autres opérateurs pour construire des centrales au lignite, dès lors qu’ils n’ont pas accès aux grands gisements.

137    Il convient donc de rejeter le présent grief.

 Sur le troisième grief

138    La requérante fait valoir que ses concurrents sont en mesure de se procurer un accès suffisant au lignite en tant que combustible aux fins de production d’électricité par rachat ou collaboration avec des entreprises ayant déjà des droits d’exploitation de lignite en Grèce. Toutefois, aucune entreprise n’aurait jamais demandé à la requérante de lui fournir du lignite.

139    La Commission conteste les arguments de la requérante.

140    S’agissant des gisements exploités par des entreprises autres que la requérante, il y a lieu de relever que la Commission a indiqué, au considérant 203 de la décision attaquée, sans que cela ait été contesté par la requérante ou par la République hellénique, que des gisements de très petite taille et répandus sur le territoire grec ne sont pas susceptibles de constituer une source réaliste de combustible pour des centrales de production d’électricité. La Commission a observé, à cet égard, que les coûts logistiques associés à l’alimentation d’une centrale fonctionnant au lignite, dont la consommation pendant sa durée de vie utile de 40 à 45 ans est de plusieurs dizaines de millions de tonnes, à partir d’une multitude de gisements éparpillés, seraient excessifs.

141    Or, il ressort du considérant 51 de la décision attaquée que les gisements privés de lignite détenus par des entreprises autres que la requérante sont de petite taille, représentant en moyenne 9 millions de tonnes de réserves, et que tous ces gisements, à une exception près, n’étaient plus exploités en 2003.

142    Quant aux gisements publics de lignite détenus par des entreprises autres que la requérante, il ressort du considérant 52 de la décision attaquée que, parmi les dix gisements de ce type existant sur le territoire grec, seuls trois contenaient des réserves non négligeables et étaient toujours exploités en 2001, la requérante s’étant, par ailleurs, assurée contractuellement l’approvisionnement de la plupart du lignite consommé par l’une de ses centrales à partir de deux de ces gisements. Il ressort également du considérant 52 de la décision attaquée que les titulaires de deux des gisements en exploitation en 2001 ont perdu leurs droits d’exploitation en 2003.

143    Dès lors, compte tenu de la faible quantité de réserves détenues par des entreprises autres que la requérante et pouvant être utilisées par les concurrents de celle-ci en tant que source de combustible sur le marché en aval, la possibilité théorique de se procurer du lignite auprès de ces entreprises n’était pas susceptible d’éliminer l’inégalité de chances constatée par la Commission entre la requérante et ses concurrents.

144    S’agissant de la possibilité d’acheter du lignite auprès de la requérante, il ressort de la lettre adressée par la République hellénique à la Commission le 5 juillet 2004 que l’ensemble de la production de lignite de la requérante était, à l’époque des faits, utilisé pour ses propres centrales électriques et qu’elle n’était pas active, ni effectivement ni potentiellement, comme vendeuse sur le marché en amont. Par conséquent, aucun entrepreneur moyennement avisé n’assumerait le coût d’investissements à long terme pour la construction d’une centrale en prévoyant de se procurer le lignite nécessaire auprès des gisements de la requérante.

145    Par ailleurs, si les concurrents de la requérante étaient tenus de se procurer auprès de celle-ci le combustible nécessaire pour opérer leurs centrales, la requérante n’aurait pas nécessairement un intérêt économique à leur fournir le lignite demandé à un prix concurrentiel, ou dans des conditions appropriées, dans la mesure où cela l’exposerait à une concurrence plus intense dans le marché en aval.

146    La possibilité d’acheter du lignite auprès de la requérante ne saurait donc pas non plus éliminer l’inégalité de chances entre celle-ci et ses concurrents, telle qu’elle est constatée par la Commission.

147    Le présent grief doit donc être rejeté.

 Sur le quatrième grief

148    La requérante relève que la Commission a déduit, à tort, l’existence d’une entrave à des nouvelles entrées sur le marché en aval de sa seule position dominante sur le marché en amont, laquelle serait due à des raisons purement historiques. La requérante et la République hellénique ajoutent que la Commission devait savoir que la libéralisation du marché serait progressive et ne pouvait pas utiliser la décision attaquée pour accélérer le rythme auquel les concurrents accédaient à ce marché.

149    Ces arguments, que la Commission conteste, manquent en fait. D’une part, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas constaté l’existence d’une quelconque barrière à l’entrée sur le marché en aval fondée sur la simple existence d’une position dominante de la requérante sur le marché en amont. Comme cela a été indiqué au point 34 ci‑dessus, la Commission a constaté l’existence d’une inégalité de chances entre la requérante et ses concurrents en raison de l’accès privilégié de la requérante au lignite en tant que combustible aux fins de production d’électricité. Le fait que cette inégalité de chances puisse être expliquée par des raisons historiques, à le supposer avéré, ne signifie pas qu’elle n’est pas réelle.

150    D’autre part, le seul objectif poursuivi par la Commission dans la décision attaquée est d’éliminer l’inégalité de chances constatée dans celle-ci et non de garantir aux concurrents de la requérante un rythme déterminé d’incorporation au marché en aval ou une part de ce marché. En effet, la décision attaquée ne prévoit aucun seuil de pénétration du marché qui serait considéré comme acceptable. La requérante ne saurait donc critiquer cette décision au motif qu’elle aurait été indûment utilisée pour accélérer l’accès de ses concurrents à ce marché.

151    Il y a donc lieu de rejeter le présent grief.

 Sur le cinquième grief

152    La requérante affirme que la Commission a commis une erreur en constatant, dans la décision attaquée, que le lignite était, à l’époque des faits, le combustible le plus avantageux pour produire de l’électricité dans le RIG et qu’elle était la seule à y avoir accès, ce que la Commission conteste. La requérante ne développe toutefois pas une argumentation, dans le cadre de la présente branche, à l’appui de cette affirmation, mais se limite à renvoyer à divers passages de la requête, lesquels, selon elle, la confirmeraient.

153    Ainsi, tout d’abord, la requérante renvoie à un passage de la requête dans lequel elle indique que la République hellénique, depuis la libéralisation du marché en aval, avait annoncé que l’attribution des droits d’exploitation des gisements de lignite se ferait désormais par procédure ouverte d’appel d’offres. Or, il a déjà été expliqué en substance aux points 120 à 129 ci‑dessus que, malgré cette possibilité théorique, la requérante bénéficie d’un accès privilégié aux gisements publics de lignite.

154    Par ailleurs, la requérante indique que la République hellénique a évité de lui accorder des nouveaux droits d’exploitation, et cela même pour des gisements sur lesquels elle avait déjà effectué des tâches d’exploration. Cela est, en soi, exact. Toutefois, la circonstance que la requérante ne se soit pas vu attribuer des droits d’exploitation supplémentaires n’est pas susceptible de permettre à ses concurrents d’obtenir le lignite nécessaire pour opérer des centrales et ne limite pas l’accès privilégié aux réserves de lignite pour lesquelles de tels droits lui avaient été préalablement accordés.

155    Ensuite, la requérante renvoie à un passage de la requête dans lequel elle indique que la législation grecque n’interdit pas aux producteurs d’électricité la construction de nouvelles centrales fonctionnant au lignite et précise que ses concurrents préfèrent la construction de centrales utilisant d’autres combustibles car, si le lignite est peu cher en tant que combustible, les investissements nécessaires pour construire une centrale au lignite sont deux fois plus importants que ceux nécessaires pour construire une centrale à gaz.

156    Premièrement, il convient de relever que le fait que les centrales électriques fonctionnant au lignite présentent un coût variable relativement faible, mais un coût fixe et d’amortissement plus élevé que celui lié à la construction d’une centrale au gaz a été expressément admis par la Commission au considérant 222 de la décision attaquée ainsi que dans ses mémoires présentés devant le Tribunal.

157    Toutefois, compte tenu des particularités réglementaires du marché en aval, cette circonstance ne permet pas d’infirmer que le lignite était, à l’époque des faits, le combustible le plus avantageux pour produire de l’électricité dans le RIG.

158    En effet, ainsi qu’il ressort du point 22 ci-dessus et des réponses des parties aux mesures d’organisation de la procédure, sur le marché journalier obligatoire, l’électricité produite par les centrales ayant un coût variable faible, y compris celles fonctionnant au lignite, est intégrée, dans le programme élaboré par HTSO, avant celle produite par les centrales qui fonctionnent à partir de combustibles avec des coûts variables plus élevés, comme le gaz, le fioul et le gazole.

159    En pratique, les centrales fonctionnant au lignite, qui offrent presque toujours leur électricité à un prix inférieur au PPS, injectent l’électricité sur le marché journalier obligatoire selon un pourcentage très élevé de leurs capacités et sont rentables à toutes les heures du jour et de la nuit. Durant les horaires nocturnes, où la demande d’électricité est moindre, l’électricité vendue provient du lignite, ce qui démontre qu’elle peut être vendue sur le marché sans subir la concurrence venant de l’électricité produite à partir d’autres combustibles. Uniquement durant les heures diurnes, où la demande est plus élevée, outre l’électricité produite à partir du lignite, d’autres centrales fonctionnant avec d’autres combustibles sont en mesure d’écouler leur production sur le marché grec, le PPS étant, pendant ces périodes, généralement supérieur au coût variable desdites centrales.

160    Dès lors, ainsi que la Commission l’indique au considérant 222 de la décision attaquée, le marché journalier obligatoire est conçu d’une telle manière que le PPS permet aux centrales ayant des coûts variables faibles et soumettant les offres à un prix inférieur au PPS de vendre l’électricité dans le programme élaboré par HTSO en faisant des bénéfices et, ainsi, de couvrir les coûts fixes.

161    Deuxièmement, il ressort des réponses des parties aux questions posées par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du 26 janvier 2016 que les coûts mentionnés dans le tableau n° 15 de la décision attaquée pour les différentes technologies de génération d’électricité incluaient à la fois les coûts variables et les coûts fixes. Or, le coût moyen de génération d’électricité des centrales fonctionnant au lignite indiqué dans ce tableau est le plus bas parmi les différents types de centrales thermiques.

162    Il y a donc lieu de considérer que l’argument de la requérante, tiré du fait que les centrales électriques fonctionnant au lignite ont des coûts fixes élevés, ne permet pas de contester la conclusion de la Commission selon laquelle le lignite était le combustible le plus attrayant en Grèce pour la production d’électricité lors de l’adoption de la décision attaquée.

163    Enfin, la requérante renvoie à certains passages de la requête selon lesquels les coûts fixes élevés des centrales fonctionnant au lignite et le grand nombre de projets de construction de centrales fonctionnant à partir de la houille et du gaz démontreraient que ces derniers combustibles étaient aussi compétitifs que le lignite.

164    Premièrement, il y a lieu de relever que les arguments de la requérante tirés du caractère moins avantageux du lignite en tant que combustible aux fins de production d’électricité en raison des coûts fixes élevés des centrales fonctionnant au lignite ont été examinés et rejetés aux points 156 à 160 ci‑dessus.

165    Deuxièmement, l’existence de certains projets et demandes de construction de centrales fonctionnant au gaz doit être mise en perspective avec le fait que, si les concurrents de la requérante ont également montré de l’intérêt pour l’installation de centrales fonctionnant au lignite et introduit des demandes de licences, malgré la libéralisation du marché en aval depuis 2001, ils n’ont pas obtenu de droits d’exploitation sur des gisements de lignite suffisamment importants pour alimenter une centrale électrique pendant sa durée moyenne de vie, ce qui, en pratique, les force à avoir recours à d’autres combustibles, même moins compétitifs, s’ils veulent être présents sur le marché en aval.

166    Par ailleurs, si des combustibles autres que le lignite étaient suffisamment compétitifs par rapport à celui-ci, il serait difficile d’expliquer la situation de sous-capacité du marché en aval, dont l’existence a été soulignée par la requérante elle-même, face à laquelle la République hellénique a été contrainte d’avoir recours à des offres subventionnées pour encourager la construction de nouvelles centrales afin d’assurer la sécurité de l’approvisionnement.

167    Il serait également difficile d’expliquer pourquoi, pour les centrales alimentées au lignite, le pourcentage de génération effective d’électricité a été, entre 2004 et 2006, très supérieur sur le RIG au pourcentage de la capacité installée, tel qu’il ressort de la comparaison des tableaux nos 11 et 14 de la décision attaquée, ce que la Commission a constaté, à juste titre, au considérant 86 de cette décision.

168    De même, la requérante n’a pas fourni d’éléments de preuve convaincants pouvant expliquer pourquoi elle-même n’avait pas saisi l’occasion de diversifier ses sources d’approvisionnement de combustible en remplaçant des centrales au lignite, à la fin de la vie utile de celles-ci, par des centrales alimentées par d’autres combustibles, ce qui serait judicieux si ces combustibles étaient réellement compétitifs par rapport au lignite, au lieu, comme la Commission l’a constaté au considérant 79 de la décision attaquée, de demander et d’obtenir des licences pour le remplacement de ses centrales au lignite par d’autres centrales fonctionnant toujours au lignite.

169    Troisièmement, s’agissant plus particulièrement de la houille, la Commission a indiqué dans ses mémoires présentés devant le Tribunal, sans que cela ait été contesté, qu’aucune autorisation n’avait été octroyée en Grèce pour des centrales électriques fonctionnant à la houille jusqu’à la date d’adoption de la décision attaquée.

170    Quatrièmement, s’agissant du fait que Heron s’est vu octroyer la licence pour la construction d’une centrale alimentée au lignite demandée le 26 mars 2007 (voir point 16 ci-dessus), il y a lieu de relever que le fait même qu’une seule licence ait été accordée en dépit des avantages du lignite en tant que combustible aux fins de production d’électricité en Grèce révèle plutôt que les concurrents de la requérante sont confrontés à des difficultés réelles en raison de l’accès limité au lignite. Ces difficultés paraissent encore plus plausibles si l’on prend en considération que, ainsi que les parties principales l’ont fait valoir lors de l’audience, la centrale projetée par Heron n’a pas été construite.

171    Il ressort de tout ce qui précède que la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur en considérant que le lignite était le combustible le plus attrayant pour produire de l’électricité sur le RIG.

172    Le présent grief doit être ainsi rejeté.

173    Aucun des griefs invoqués au soutien de la troisième branche du premier moyen n’étant fondé, il y a lieu de rejeter également cette branche.

 Sur la cinquième branche du premier moyen, tirée d’une prétendue erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission n’aurait pas pris en compte l’évolution du marché en aval

174    La requérante fait valoir que la Commission, dans la décision attaquée, s’est appuyée sur la situation prévalant au début de son enquête, époque à laquelle le marché en aval venait d’être partiellement ouvert à la concurrence. Or, entre ce moment et la date d’adoption de la décision attaquée, le marché en aval aurait subi des évolutions fondamentales, que la Commission aurait, à tort, omis de prendre en considération. Cela constituerait une erreur manifeste d’appréciation qui devrait conduire à l’annulation de la décision attaquée.

175    À l’appui de cette branche, que la Commission conteste, la requérante invoque deux griefs.

 Sur le premier grief

176    La requérante fait valoir que la Commission, dans la décision attaquée, renvoie souvent à des données et à des appréciations dépassées, qui ne reflétaient plus le marché en aval, en dépit du fait qu’elle avait reçu des informations importantes concernant l’évolution de celui-ci sur les plans législatif et concurrentiel. En particulier, elle aurait négligé, premièrement, l’importance croissante du gaz, qui aurait permis à une entreprise de concurrencer la requérante aux heures de faible demande, ainsi que la mise en opération de nouvelles centrales, deuxièmement, le fait que les heures de pointe, pendant lesquelles la requérante est concurrencée par toutes les centrales, occupent la majeure partie de la journée, compte tenu de l’état de sous‑capacité du marché en aval, troisièmement, l’importance croissante de la houille et, quatrièmement, les coûts supportés par les centrales au lignite en raison de leurs émissions polluantes qui rendraient ce combustible de moins en moins attrayant.

177    La Commission conteste les arguments de la requérante.

178    En premier lieu, il convient de relever, en ce qu’elle reproche à la Commission de s’être appuyée dans la décision attaquée sur des données et des appréciations dépassées, que la requérante n’identifie aucun élément de fait constaté dans cette décision qui serait devenu obsolète à la date de son adoption.

179    En deuxième lieu, s’agissant de l’importance du gaz et de la mise en opération de nouvelles centrales sur le marché en aval, il convient de relever que, au considérant 67 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, à la fin de 2006, 90 % de la capacité de production d’électricité installée dans le RIG appartenait à la requérante, sans que cela ait été contesté par celle-ci, ses concurrents ne disposant que de deux centrales au gaz et d’un certain nombre de petites centrales électrocalogènes et de centrales fonctionnant à partir de sources d’énergie renouvelables.

180    Au considérant 68 de la décision attaquée, la Commission a également constaté, sans être contredite par la République hellénique ou par la requérante, que cette dernière avait décidé, en novembre 2007, de demander des licences pour la construction de nouvelles centrales, dont deux alimentées au lignite, et qu’elle estimait pouvoir continuer de disposer en 2011 de plus de 75 % de la capacité installée dans le système interconnecté.

181    La Commission a également constaté, au considérant 76 de la décision attaquée, que, sur la base des dispositions législatives applicables à la procédure pour l’obtention d’une licence de production d’électricité après la libéralisation du marché, la requérante et onze opérateurs avaient demandé et obtenu de telles licences pour la construction de nouvelles centrales au gaz, à la suite d’un appel à proposition lancé par RAE en 2001 qui excluait notamment les centrales fonctionnant au lignite. La Commission a également indiqué que d’autres licences avaient été délivrées depuis 2001 pour la construction de centrales fonctionnant à cycle combiné.

182    La Commission a de même constaté, au considérant 77 de la décision attaquée, que des concurrents de la requérante avaient déposé trois demandes pour la construction de centrales fonctionnant au lignite, qui avaient toutes été rejetées. À ce même considérant, la Commission a indiqué que Heron avait demandé en 2007 une licence pour une centrale alimentée au lignite et à la biomasse et l’octroi des droits d’exploitation sur le gisement de Vevi, aucune décision n’ayant encore été prise lors de l’adoption de la décision attaquée. La Commission a considéré que cela démontrait, d’une part, l’intérêt des concurrents de la requérante pour la construction de centrales au lignite et, d’autre part, que, en raison des caractéristiques techniques de celles-ci, de leur durée de vie et de la portée des investissements, leur construction ne serait autorisée que lorsque des gisements importants seraient mis à la disposition desdits concurrents, ceux-ci étant donc contraints de recourir principalement au gaz pour pouvoir opérer sur le marché en aval.

183    Dès lors, il y a lieu de considérer que la Commission a examiné le marché en aval à la lumière, d’une part, des événements qui ont eu lieu sur ce marché pendant la période immédiatement antérieure à l’adoption de la décision attaquée, y compris, en particulier, de l’existence de certaines centrales au gaz dont la production pouvait concurrencer celle de la requérante, et, d’autre part, des prévisions d’ouverture de nouvelles centrales de différentes technologies. Le fait que la Commission a considéré dans la décision attaquée que le lignite était le combustible le plus attrayant pour produire de l’électricité sur le marché en aval et que l’accès presque exclusif de la requérante à ce combustible était susceptible de renforcer sa position dominante sur ledit marché n’est donc pas dû à une prise en compte insuffisante du rôle de certaines centrales en fonctionnement ou pouvant être construites, mais à une appréciation des différents éléments de fait constatés dans la décision attaquée qui diffère de celle proposée par la requérante. Or, celle-ci n’explique pas en quoi l’appréciation exposée dans la décision attaquée serait erronée.

184    En troisième lieu, en ce qui concerne le prétendu fait que les heures de pointe occupent la majeure partie de la journée, il y a lieu de relever, d’emblée, qu’il s’agit d’une affirmation nullement étayée. En effet, la requérante accompagne son affirmation d’un renvoi à des pièces du dossier qui indiquent que la demande d’électricité a augmenté à un rythme annuel de 5,4 % en moyenne entre 1997 et 2000, mais ne démontrent pas que les heures de pointe sont majoritaires. Or, à supposer même que cette affirmation soit avérée, elle ne suffirait pas à considérer que le lignite n’était pas, pendant la période immédiatement antérieure à l’adoption de la décision attaquée, le combustible le plus avantageux pour produire de l’électricité dans le marché en aval, dans la mesure où la requérante ne conteste pas qu’il y a des heures creuses au cours desquelles les centrales fonctionnant au lignite opèrent à l’exclusion des autres centrales thermiques, ce qui peut expliquer le fait que le pourcentage d’électricité produite sur le marché en aval dans des centrales au lignite est largement supérieur au pourcentage de capacité installée relevant de ces centrales (voir points 70 et 167 ci‑dessus).

185    En quatrième lieu, en ce qui concerne l’importance croissante de la houille, il suffit de rappeler qu’aucune autorisation n’avait été octroyée pour des centrales fonctionnant à partir de ce combustible à la date d’adoption de la décision attaquée (voir point 169 ci‑dessus).

186    Enfin, en cinquième lieu, s’agissant des coûts supportés par les centrales au lignite en raison de leurs émissions polluantes, il convient de relever que la requérante n’explicite pas l’importance réelle de ces coûts et n’explique pas en quoi ils feraient du lignite un combustible peu intéressant aux fins de la production d’électricité. Or, en tant qu’entreprise productrice d’électricité à partir de centrales utilisant des technologies très diverses, la requérante est bien placée pour fournir au Tribunal des données qui montreraient que la production d’électricité à partir du lignite n’est pas, dans le RIG, plus attrayante, d’un point de vue économique, que la production à partir d’autres combustibles.

187    Il convient donc de rejeter le premier grief.

 Sur le second grief

188    La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne prenant pas en compte dans la décision attaquée des mesures adoptées par la République hellénique afin de limiter sa part de marché, celle-ci ayant diminué sans interruption depuis 2001.

189    La Commission conteste les allégations de la requérante.

190    Il importe de rappeler que les mesures adoptées afin de limiter la part de marché de la requérante sur le marché en aval consistent essentiellement en l’exclusion de celle-ci de certains appels d’offres relatifs à la construction de centrales subventionnées visant à garantir une puissance de réserve (voir point 13 ci‑dessus). S’il est, certes, exact que les adjudicataires désignés à l’issue de ces appels d’offres pourront ainsi exercer une certaine concurrence à l’égard de la requérante sur le marché en aval, il y a lieu de relever que ces mesures ne donnent pas accès aux centrales électriques fonctionnant au lignite et ne sont donc pas susceptibles d’éliminer l’inégalité de chances existant entre la requérante et ses concurrents.

191    Par ailleurs, il convient de rappeler que, bien que la part de marché de la requérante se réduise sur le marché en aval, cette diminution n’affecte pas sa position dominante, la requérante reconnaissant elle-même qu’elle représentera environ 70 % de la capacité installée de production d’électricité en Grèce jusqu’en 2011 (voir point 180 ci‑dessus).

192    En outre, la législation grecque ne fixe aucune limite à l’ampleur du portefeuille global de la requérante, de sorte que l’octroi de nouvelles licences à la requérante est toujours possible.

193    Il convient donc de rejeter le présent grief.

194    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la cinquième branche du premier moyen et, partant, le premier moyen dans son intégralité.

2.     Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

195    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée ; arrêt du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T‑304/02, EU:T:2006:184, point 58). La Commission n’est pas obligée, dans la motivation des décisions qu’elle est amenée à prendre pour assurer l’application des règles de concurrence, de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent à l’appui de leur demande, mais il suffit qu’elle expose les faits et considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (arrêts du 29 juin 1993, Asia Motor France e.a./Commission, T‑7/92, EU:T:1993:52, point 31, et du 27 novembre 1997, Tremblay e.a./Commission, T‑224/95, EU:T:1997:187, point 57).

196    La requérante fait valoir que la Commission n’a pas respecté l’obligation de motivation dans la décision attaquée. Premièrement, elle se serait fondée sur des données antérieures à la création du système journalier obligatoire et à d’autres évolutions importantes sur le marché en aval. Deuxièmement, elle n’aurait pas expliqué comment ses droits d’exploitation du lignite pouvaient conduire à une extension de sa position dominante sur le marché en aval. La requérante s’interroge à cet égard sur la notion de « combustibles primaires » visée à l’article 1er de la décision attaquée et sur le fait que la Commission a utilisé des « segments seulement des marchés qu’elle [a définis] ». Troisièmement, la Commission n’expliquerait ni la nature de l’abus, actuel ou potentiel, auquel la requérante se serait livrée, ni comment sa part de marché élevée sur le marché en amont, du fait que le lignite ne serait pas un facteur de production absolument nécessaire (essential facility) pour la production d’électricité et alors que ses concurrents auraient un accès suffisant à ce marché, pourrait entraîner une violation de l’article 82 CE, ni, enfin, dans quelle mesure les intérêts des consommateurs seraient lésés.

197    Sans consacrer un volet spécifique de son mémoire en intervention à l’examen de la motivation de la décision attaquée, la République hellénique présente pour sa part plusieurs observations relatives à cette question. Elle fait notamment valoir que l’article 1er de la décision attaquée est mal formulé et contradictoire quant à la notion de « combustibles primaires » ainsi que s’agissant de la référence à l’article 3, paragraphe 3, de la loi n° 134/1975, qui n’apparaîtrait pas dans le corps de la décision attaquée, excepté à son considérant 23. De même, la Commission ne motiverait pas suffisamment son affirmation générale quant à l’importance du lignite en Grèce et à l’intérêt qui en découlerait pour les concurrents de la requérante, alors qu’elle l’aurait développée plus amplement dans un article écrit par des fonctionnaires de sa direction générale de la concurrence.

198    La Commission conteste ces allégations.

199    En premier lieu, il y a lieu de relever qu’une partie des arguments développés par la requérante ne vise pas un défaut ou une insuffisance de motivation de la décision attaquée. Il s’agit des arguments selon lesquels la Commission s’est fondée sur des éléments antérieurs à la création du système journalier obligatoire.

200    En effet, de tels arguments se confondent, en réalité, avec la critique du bien-fondé de la décision attaquée. Or, l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. La motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels elle repose. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non sa motivation, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 181 et jurisprudence citée). Il y a lieu d’observer par ailleurs que de tels arguments ont déjà été avancés, examinés et écartés dans le cadre du premier moyen.

201    À supposer même que ces arguments doivent être compris en ce sens que la requérante reproche globalement à la Commission de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision dans la mesure où elle n’aurait pas mentionné de données ultérieures à 2005, il apparaît qu’un tel reproche est dénué de fondement. En effet, dans la décision attaquée, la Commission cite de manière substantielle des données datant de 2006 et de 2007, qui lui ont été transmises pour la majorité dans le cadre de la procédure administrative et qui résultent des lettres de la République hellénique du 19 juin 2006 et du 24 janvier 2007 ainsi que des lettres de la requérante du 19 janvier et du 4 avril 2007.

202    C’est ainsi que, aux considérants 32 et 34 de la décision attaquée, la Commission se réfère à de nouveaux éléments dont elle a eu connaissance notamment par ces lettres et qui portent sur le lancement d’appels d’offres pour l’octroi de droits d’exploitation pour les gisements de Dráma, d’Elassona, de Vevi et de Vegora. Aux considérants 48 et 49 de la décision attaquée, la Commission examine l’impact des nouvelles règles du marché en aval ainsi que les dernières informations reçues quant à l’activité d’exploitation du lignite de la requérante. Aux considérants 53 et 54 de la décision attaquée, la Commission prend en considération l’évolution de l’utilisation du lignite en tant que combustible aux fins de la production d’électricité pendant la période immédiatement antérieure à l’adoption de cette décision. Au considérant 58 de la décision attaquée, la Commission examine l’évolution de la consommation totale d’électricité, y compris la part des importations, sur le marché en aval à la lumière des dernières informations lui ayant été communiquées. Aux considérants 68, 76, 77, 80 et 81 de la décision attaquée, la Commission examine, à la lumière desdites informations, la capacité de production d’électricité installée sur le RIG ainsi que les licences accordées pour la production d’électricité et pour la construction de nouvelles centrales. Enfin, au considérant 73 de la décision attaquée, la Commission examine la capacité de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables pendant la période immédiatement antérieure à l’adoption de cette décision.

203    De la même manière, la lettre de la République hellénique du 24 janvier 2007 a été reprise par la Commission aux fins d’établir les tableaux nos 5 et 16 figurant dans la décision attaquée, qui reprennent, respectivement, la liste des gisements de lignite et la liste des centrales fonctionnant à partir du lignite en Grèce. En outre, il est constant que la Commission a tenu compte de la création du marché journalier obligatoire mis en place en 2005, qu’elle a présenté aux considérants 103 à 109 de la décision attaquée et auquel elle s’est référée dans le cadre de son appréciation, notamment aux considérants 164 à 166 de la décision attaquée. Enfin, aux considérants 191 à 237 de cette décision, sont examinés divers arguments soulevés au cours de la procédure administrative, respectivement, par la requérante, dans ses lettres des 19 janvier et 4 avril 2007, et par la République hellénique, dans sa lettre du 24 janvier 2007.

204    En deuxième lieu, concernant les arguments, développés par la requérante, qui portent explicitement sur l’insuffisance ou l’absence de motivation de la décision attaquée, il y a lieu de les rejeter comme non fondés.

205    En effet, premièrement, la requérante ne saurait soutenir que la Commission n’a pas expliqué, dans la décision attaquée, comment les droits existants d’exploitation du lignite pouvaient conduire au maintien de sa position dominante sur le marché en aval. En effet, la Commission a d’abord rappelé, au considérant 157 de la décision attaquée, la jurisprudence relative à la violation de l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE. Elle a ensuite effectué une analyse complète de la situation d’espèce aux considérants 158 à 188 de cette décision. Enfin, aux considérants 189 et 190 de ladite décision, la Commission a fait application au cas d’espèce de ladite jurisprudence. Elle a ainsi expliqué les raisons pour lesquelles, en maintenant les droits d’exploration et d’exploitation du lignite quasi monopolistiques en faveur de la requérante, la République hellénique avait permis à cette dernière, en position dominante sur le marché en amont, de maintenir également sa position dominante sur le marché en aval, et ce en contradiction avec les règles de concurrence du traité.

206    Deuxièmement, la requérante ne peut soutenir que la décision attaquée n’est pas motivée en ce qui concerne la notion de « combustibles primaires » visée à l’article 1er de ladite décision. Tout d’abord, le raisonnement de la Commission et la conclusion à laquelle elle parvient au considérant 238 de la décision attaquée permettent de comprendre sans difficulté l’article en cause, notamment le fait que, en dépit de l’utilisation du pluriel, certes regrettable, la Commission se réfère au lignite lorsqu’elle emploie l’expression de « combustibles primaires ». La Commission, par l’utilisation de ces termes sans acception technique, a voulu en effet évoquer l’importance et le rôle essentiel du lignite sur les marchés en cause (voir point 81 ci-dessus).

207    De plus, bien que le terme « combustible » soit utilisé ponctuellement dans la décision attaquée s’agissant des autres combustibles tels que le pétrole ou le gaz, il est globalement associé au lignite dans ladite décision, notamment pour le définir, par exemple aux considérants 12, 14, 41, 42, 88 et 161. En conséquence, l’argument de la requérante concernant l’absence de motivation en ce qui concerne la notion de « combustibles primaires » doit être rejeté.

208    Troisièmement, quant à la prétendue absence de motivation dans la décision attaquée de l’utilisation par la Commission de « segments seulement des marchés qu’elle [a définis] dans [cette] décision », il convient de constater que la requérante n’apporte aucune explication au soutien d’une telle allégation.

209    En tout état de cause, aux considérants 162 à 166 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que, jusqu’à la création du marché journalier obligatoire, le segment de la production et de la fourniture en gros d’électricité correspondait de facto à celui de la fourniture aux clients éligibles de l’électricité produite à l’échelon national et importée et que ce segment était associé à celui de la fourniture au détail. Elle a précisé que, en revanche, à partir de cette création, une distinction avait été opérée, puisque le marché de gros de l’électricité, correspondant uniquement à l’ancien marché de la production et de la fourniture d’électricité aux clients éligibles, avait été mis en place.

210    Ainsi, tout en actualisant son analyse et en se référant au marché en aval, la Commission a considéré que l’analyse du marché de la production et de la fourniture d’électricité aux clients éligibles effectuée dans les lettres de mise en demeure sur la base des données qui lui avaient été communiquées jusqu’alors par la requérante et par la République hellénique conduisait aux mêmes conclusions que l’analyse qui aurait été réalisée concernant le marché en aval, qui était un marché potentiel à cette date. Il en résulte que la Commission a apporté en tout état de cause une motivation suffisante à cet égard.

211    Quatrièmement, l’argument de la requérante selon lequel la décision attaquée ne comporterait aucune motivation relative à l’abus, actuel ou potentiel, auquel conduirait la prétendue extension de la position dominante doit être également rejeté comme non fondé. En effet, il ressort des considérants 185 à 189 de la décision attaquée que la Commission a effectué une analyse des mesures litigieuses en expliquant les raisons pour lesquelles, en accordant à la requérante un accès privilégié à la source de production la plus attrayante en Grèce, la République hellénique avait permis à la requérante de maintenir ou de renforcer sa position dominante sur le marché en aval. La Commission a également expliqué que de telles mesures avaient pour effet d’entraver de nouvelles entrées sur le marché, de créer ainsi une situation d’inégalité des chances entre les opérateurs économiques et donc de fausser la concurrence, en violation des règles du traité. Par ailleurs, la Commission a complété son analyse aux considérants 199, 223 et 238 de la décision attaquée. Ainsi, la Commission a clairement expliqué la nature de la violation des règles de concurrence relevée en l’espèce, à savoir la violation de l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE.

212    Cinquièmement, doit être écarté l’argument de la requérante en vertu duquel la Commission n’explique pas suffisamment dans la décision attaquée comment sa part de marché élevée s’agissant du lignite, qui n’est pas un facteur de production absolument nécessaire pour l’électricité et alors que ses concurrents ont un accès suffisant à ce marché, peut entraîner une violation de l’article 82 CE, ni pour quels motifs ses droits quant au lignite portent atteinte aux intérêts des consommateurs.

213    En effet, d’une part, la Commission a constaté dans la décision attaquée que, pour les concurrents de la requérante sur le marché en aval, l’accès à des quantités significatives de lignite n’était pas garanti et que, de ce fait, ces concurrents et la requérante se trouvaient dans une situation d’inégalité de chances compte tenu du fait que le lignite était le combustible le plus attrayant pour produire de l’électricité sur le marché en aval. Le raisonnement de la Commission était donc clair et pouvait être contesté par la requérante, ce qu’elle n’a, d’ailleurs, pas manqué de faire.

214    D’autre part, il ressort de la jurisprudence que la Commission, pour constater l’existence d’une violation des dispositions combinées des articles 86, paragraphe 1, CE et 82 CE, n’est pas tenue de démontrer l’impact de cette violation sur les intérêts des consommateurs (arrêt sur pourvoi, point 68).

215    En troisième lieu, s’agissant des observations de la République hellénique, il convient d’écarter d’emblée celle relative à la notion de « combustibles primaires », à laquelle il a déjà été répondu précédemment (voir point 206 ci‑dessus). Il y a lieu également de considérer comme non fondée celle portant sur l’article 3, paragraphe 3, de la loi n° 134/1975. Contrairement à ce que soutient la République hellénique, les termes de cet article sont cités à deux reprises, aux considérants 21 et 39 de la décision attaquée. Par ailleurs, la Commission se réfère explicitement à ces dispositions à diverses reprises, notamment aux considérants 18, 22, 23, 30, 38 41, 42, 117, 131, 184 et 237 de la décision attaquée.

216    En outre, il convient de considérer que la décision attaquée explique suffisamment les motifs qui permettent à la Commission de conclure à l’importance du lignite en Grèce, ainsi que cela ressort de la note en bas de page n° 255 et des considérants 212 à 215 et 221 à 223 de cette décision. Enfin, la circonstance que des agents de la Commission aient rédigé dans une revue juridique un article consacré à la décision attaquée, quel que soit le contenu de cet article, ne saurait entrer en ligne de compte dans le cadre de l’appréciation de la motivation de cette décision.

217    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

3.     Sur le troisième moyen, tiré, d’une part, de la violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de protection de la propriété privée et, d’autre part, d’un détournement de pouvoir

218    Le présent moyen se divise en trois branches, tirées, la première d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, la deuxième, d’une violation du principe de protection de la propriété privée et, la troisième, d’un détournement de pouvoir.

219    Même si l’existence d’une violation du principe de sécurité juridique est également mentionnée dans l’intitulé du moyen, la requérante ne présente pas d’arguments tendant à constater spécifiquement l’existence d’une telle violation. Par conséquent, il suffit de répondre, à cet égard, aux arguments concernant une prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime.

 Sur la première branche, tirée d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

220    La requérante, soutenue par la République hellénique, fait valoir que la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime en adoptant la décision attaquée, ce que la Commission conteste.

221    À l’appui de son affirmation, premièrement, la requérante relève que la Commission a censuré la concentration de droits d’exploitation de lignite dans ses mains pour la première fois dans la décision attaquée. L’inaction de la Commission pendant des décennies aurait rassuré la requérante quant à la légalité de sa situation.

222    Sur ce point, il y a lieu de relever que, dès lors que nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir arrêt du 22 mai 2007, Mebrom/Commission, T‑216/05, EU:T:2007:148, point 105 et jurisprudence citée), la requérante ne saurait fonder sa confiance légitime sur la simple inaction de la Commission.

223    À titre surabondant, il convient de considérer, d’une part, que les opérateurs économiques ne sont pas fondés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union (arrêt du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, EU:C:1990:71, point 33) et, d’autre part, que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation sur l’opportunité d’ouvrir une procédure contre un État membre ayant enfreint les dispositions de l’article 86, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 1994, Ladbroke/Commission, T‑32/93, EU:T:1994:261, points 37 et 38, et ordonnance du 23 janvier 1995, Bilanzbuchhalter/Commission, T‑84/94, EU:T:1995:9, point 31 et jurisprudence citée). Dès lors, à supposer même que la Commission n’eût pas ouvert de procédure d’application des dispositions combinées des articles 86 et 82 CE en ce qui concerne les mesures litigieuses, bien que celles-ci lui fussent connues, cela ne suffirait pas à susciter chez la requérante une confiance légitime quant au fait qu’une telle procédure ne serait pas ouverte à l’avenir.

224    Deuxièmement, la requérante fait valoir que la Commission, dans le cadre de sa décision C(2002) 3729 final – Aide d’État N 133/2001 – Grèce, régime de compensation du coût excédentaire en Grèce, a approuvé une subvention octroyée par la République hellénique à son bénéfice en vue de la libéralisation du marché en aval pour tenir compte de l’existence de certains « coûts échoués ». Dans ce contexte, la Commission aurait considéré que la plupart des investissements effectués dans les centrales fonctionnant au lignite ne comportaient pas de tels coûts. La requérante aurait ainsi pu estimer de bonne foi qu’elle pouvait continuer à exercer son activité de manière à amortir intégralement ces investissements.

225    À cet égard, il importe de relever que l’approbation par la Commission de la subvention visée au point 224 ci‑dessus portait sur des paiements d’indemnités effectués par la République hellénique en faveur de la requérante pour compenser ses investissements dans les centrales les moins compétitives du RIG, à savoir des centrales autres que celles fonctionnant au lignite, hormis pour quelques petites centrales. D’ailleurs, la Commission a indiqué, sans être contredite sur ce point, qu’aucune subvention ne lui avait été notifiée en ce qui concerne les centrales au lignite de la requérante, de sorte que la situation concernant ces centrales n’avait pas été évaluée. La légalité des mesures litigieuses n’a donc pas été examinée formellement et n’a pas constitué une condition préalable tacite à l’approbation du projet de versement des subventions en cause.

226    Il s’ensuit que l’adoption par la Commission de la décision visée au point 224 ci‑dessus ne pouvait pas susciter une confiance légitime de la requérante concernant l’absence d’invocation, par la Commission, des articles 86 et 82 CE s’agissant des mesures litigieuses.

227    Troisièmement, la requérante répète qu’elle n’a jamais reçu de demande la priant de fournir du lignite à des concurrents et affirme que son activité n’a pas d’incidence négative pour le consommateur. Or, il n’y a aucune raison de considérer que ces faits, à les supposer avérés, puissent avoir suscité chez la requérante une confiance légitime quant à la légalité des mesures litigieuses.

228    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la présente branche.

 Sur la deuxième branche, tirée de la violation du principe de protection de la propriété privée

229    La requérante fait valoir que la décision attaquée oblige la République hellénique à la priver de ses droits de propriété et constitue donc une ingérence dans ceux-ci, affectant leur existence même, ce que la Commission conteste.

230    À cet égard, il suffit de relever que la décision attaquée n’impose à la République hellénique l’adoption d’aucune mesure concrète. En effet, au considérant 248 de cette décision, la Commission se limite à indiquer que des mesures visant à assurer aux concurrents de la requérante un accès suffisant au lignite doivent être prises. La Commission souligne qu’il appartient à la République hellénique de choisir les mesures à adopter à cet égard et que ce n’est qu’à titre indicatif qu’elle identifie deux exemples. Parmi ceux-ci, la Commission cite, certes, le transfert de droits d’exploitation de certains gisements de lignite de la requérante à ses concurrents ainsi que le transfert des centrales proches de ces gisements. Toutefois, la Commission cite au même titre l’octroi de droits d’exploitation de gisements non encore attribués aux concurrents de la requérante. Or, cette mesure ne supposerait aucune atteinte quelconque aux droits de propriété de celle-ci, même si la Commission a indiqué, au considérant 250 de la décision attaquée, qu’elle devrait être accompagnée de mesures transitoires permettant de mettre fin à l’infraction pendant une période plus courte que celle nécessaire pour, d’une part, la mise en exploitation d’un gisement non encore attribué et, d’autre part, la construction d’une centrale associée à ce gisement.

231    Par ailleurs, même à supposer que la République hellénique déciderait d’adopter finalement des mesures qui pourraient être considérées comme affectant les droits de propriété de la requérante, une telle décision ne serait pas nécessairement illégale. En effet, le droit de propriété, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, n’apparaît pas comme une prérogative absolue, des restrictions pouvant être apportées à l’usage de ce droit, à condition qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et qu’elles ne constituent pas, au regard du but recherché, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (arrêt du 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods/Commission, T‑65/98, EU:T:2003:281, point 170).

232    La présente branche doit donc être rejetée.

 Sur la troisième branche, tirée d’un détournement de pouvoir

233    Selon une jurisprudence constante, une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées (voir arrêt du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, T‑143/89, EU:T:1995:64, point 68 et jurisprudence citée).

234    La requérante fait valoir que la Commission a commis un tel détournement en essayant de séparer ses activités de production d’électricité de ses autres activités, alors que ses initiatives législatives pour arriver à ce résultat s’agissant des anciens monopoles électriques auraient échoué en raison de l’opposition des États membres. En revanche, la Commission n’aurait pas agi de la sorte s’agissant d’autres situations similaires dans d’autres États membres.

235    L’argument de la requérante, que la Commission conteste, manque en fait.

236    En effet, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas demandé la séparation des activités de la requérante dans les domaines de l’exploitation des gisements de lignite et de la production d’électricité. Elle a simplement constaté l’existence d’une inégalité de chances au détriment des concurrents de la requérante sur le marché en aval en raison d’une situation de fait créée par la République hellénique et a demandé à celle-ci de corriger cette situation en assurant auxdits concurrents un accès suffisant aux gisements publics de lignite.

237    Quant à la circonstance que, dans le domaine de l’énergie, d’autres États membres manqueraient à leurs obligations au regard des règles de concurrence du traité, elle ne saurait exempter la République hellénique de respecter lesdites obligations. En tout état de cause, la prétendue inaction de la Commission à l’encontre de ces États membres ne peut pas être considérée comme un indice de ce que la décision attaquée a été prise dans le but d’atteindre des fins autres que celles excipées.

238    Il y a donc lieu de rejeter la présente branche.

239    Dans ces conditions, le troisième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

4.     Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

240    En vertu d’une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les mesures concernées ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour réaliser les objectifs poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (arrêts du 16 décembre 1999, UDL, C‑101/98, EU:C:1999:615, point 30, et du 12 mars 2002, Omega Air e.a., C‑27/00 et C‑122/00, EU:C:2002:161, point 62).

241    La requérante soutient que ce principe a été violé par la Commission en proposant l’adoption des mesures visées au point 230 ci‑dessus pour corriger les effets anticoncurrentiels de l’infraction constatée. Par ailleurs, la Commission aurait dû tenir compte des mesures défavorables qu’elle supporte déjà, telles que l’obligation de vendre l’électricité à un tarif réglementé sur le marché de détail, ou des restrictions pour la construction de nouvelles centrales. La requérante précise qu’elle ne s’est pas prévalue des dispositions de l’article 86, paragraphe 2, CE au cours de la procédure administrative, puisqu’elle a estimé, et estime toujours, qu’il n’existe aucune violation de l’article 86, paragraphe 1, CE.

242    La République hellénique ajoute, d’une part, que la Commission propose l’octroi de 40 % des réserves de gisements de lignite à des concurrents de la requérante sans tenir compte du fait que certains gisements de celle-ci sont d’une rentabilité douteuse et, d’autre part, que les mesures mentionnées par la Commission sont un « cadeau » aux concurrents de la requérante qui aboutiraient à une limitation, voire à une annihilation des droits patrimoniaux de celle-ci rendant impossible l’amortissement de ses investissements dans l’exploration et l’exploitation des gisements de lignite, ce combustible n’étant pas, par ailleurs, indispensable pour la production d’électricité.

243    La Commission conteste les allégations de la requérante et de la République hellénique.

244    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la décision attaquée n’impose à la République hellénique l’adoption d’aucune mesure concrète, les mesures visées au considérant 248 de cette décision étant mentionnées à titre indicatif (voir point 230 ci‑dessus). Cette décision lui impose, en revanche, de prendre des mesures afin d’atteindre un résultat, ainsi qu’il ressort de la lecture de l’article 2 de cette décision, en vertu duquel la République hellénique doit mettre en œuvre des mesures susceptibles de corriger les effets anticoncurrentiels des mesures litigieuses, lu à la lumière des observations effectuées aux considérants 246 et 247 de cette décision, selon lesquelles ces mesures doivent assurer aux concurrents de la requérante sur le marché en aval un accès suffisant au lignite existant sur le territoire grec, étant précisé que, par suffisant, la Commission entend en principe un pourcentage des réserves exploitables non inférieur à 40 %.

245    À supposer même que le chiffre de 40 % visé aux points 242 et 243 ci‑dessus fût un chiffre définitivement arrêté par la Commission dans la décision attaquée, il y a lieu de souligner que ni la requérante ni la République hellénique ne présentent un argument tendant à démontrer que l’accès à un pourcentage inférieur de ces réserves exploitables par les concurrents de la requérante pourrait suffisamment garantir la correction des effets anticoncurrentiels des mesures litigieuses. En particulier, elles ne présentent aucun argument tendant à contester le raisonnement exposé par la Commission dans la note en bas de page n° 255 de la décision attaquée, sur la base duquel elle est parvenue à déterminer à titre liminaire la nécessité de l’accès à 40 % des réserves.

246    De même, ni la requérante ni la République hellénique n’identifient des mesures alternatives à celles proposées par la Commission et moins strictes que celles-ci qui pourraient suffire à corriger les effets anticoncurrentiels des mesures litigieuses.

247    En particulier, rien dans les arguments de la requérante ne permet de considérer que les mesures défavorables qu’elle estime supporter sont susceptibles de corriger l’inégalité de chances constatée par la Commission au détriment de ses concurrents sur le marché en aval.

248    De même, la République hellénique n’explique pas en quoi la faible rentabilité de certains gisements attribués à la requérante justifierait l’absence d’adoption de mesures destinées à corriger l’inégalité de chances constatée par la décision attaquée. Sur ce point, il convient de préciser que la République hellénique elle-même ne prétend pas qu’aucun des gisements exploitables qui pourraient être attribués aux concurrents de la requérante ne pourrait se révéler douteux sur le plan de la rentabilité. En tout état de cause, la République hellénique n’explique pas les raisons pour lesquelles l’attribution des droits d’exploitation desdits gisements à ces concurrents à l’issue d’une procédure d’appel d’offres devrait être considérée comme un « cadeau » au bénéfice de ces concurrents ou comme empêchant la requérante d’amortir ses investissements.

249    Compte tenu de l’ensemble de considérations qui précèdent, il y a lieu de constater qu’aucune violation du principe de proportionnalité n’a été établie.

250    Le présent moyen doit donc être rejeté.

251    Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

252    Selon l’article 219 du règlement de procédure, dans les décisions du Tribunal rendues après annulation et renvoi, celui-ci statue sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant le Tribunal et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour.

253    Par ailleurs, aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, par les entreprises intervenantes et par les parties intervenantes au pourvoi, conformément aux conclusions de ces dernières, y compris les dépens relatifs à la procédure de pourvoi devant la Cour.

254    En application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Dès lors, la République hellénique supportera ses propres dépens, y compris ceux relatifs à la procédure de pourvoi devant la Cour.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI) est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, par Elpedison Paragogi Ilektrikis Energeias AE (Elpedison Energeiaki), par Elliniki Energeia kai Anaptyxi AE (HE & D SA), par Mytilinaios AE, par Protergia AE et par Alouminion tis Ellados VEAE.

3)      La République hellénique supportera ses propres dépens.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Signatures

Table des matières

Antécédents du litige

1.  Sur la requérante

2.  Sur le marché du lignite en Grèce

3.  Sur le marché de l’électricité en Grèce

Licences de production d’électricité et de construction de centrales électriques

Importation de l’électricité

Marché journalier obligatoire

Procédure administrative

Décision attaquée

Procédure devant le Tribunal et la Cour

Procédure et conclusions après renvoi

En droit

1.  Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit lors de l’application des dispositions combinées de l’article 86, paragraphe 1, CE et de l’article 82 CE ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation

Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation dans la définition des marchés en cause

Observations liminaires

Sur la première sous‑branche, relative à la délimitation du marché en amont

–  Sur le premier grief

–  Sur le deuxième grief

–  Sur le troisième grief

–  Sur le quatrième grief

Sur la seconde sous‑branche, relative à la délimitation du marché en aval

–  Sur le premier grief

–  Sur le second grief

Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de l’absence d’une situation d’inégalité des chances au détriment des nouveaux concurrents

Sur le premier grief

Sur le deuxième grief

Sur le troisième grief

Sur le quatrième grief

Sur le cinquième grief

Sur la cinquième branche du premier moyen, tirée d’une prétendue erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission n’aurait pas pris en compte l’évolution du marché en aval

Sur le premier grief

Sur le second grief

2.  Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

3.  Sur le troisième moyen, tiré, d’une part, de la violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de protection de la propriété privée et, d’autre part, d’un détournement de pouvoir

Sur la première branche, tirée d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

Sur la deuxième branche, tirée de la violation du principe de protection de la propriété privée

Sur la troisième branche, tirée d’un détournement de pouvoir

4.  Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

Sur les dépens


* Langue de procédure : le grec.