Language of document : ECLI:EU:T:2024:180

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

20 mars 2024 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Changement des circonstances de fait et de droit ayant présidé à l’adoption des mesures restrictives – Notion d’“association” – Erreur d’appréciation »

Dans l’affaire T‑743/22,

Nikita Dmitrievich Mazepin, demeurant à Moscou (Russie), représenté par Mes D. Rovetta, M. Campa, M. Moretto, V. Villante, T. Marembert et A. Bass, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J. Rurarz et Mme P. Mahnič, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

République de Lettonie, représentée par Mmes J. Davidoviča et K. Pommere, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme M. Brkan et M. T. Tóth (rapporteur), juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 5 décembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Nikita Dmitrievich Mazepin, demande l’annulation :

–        de la décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 149), du règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 1) (ci-après, ensemble, les « premiers actes de maintien »), et de la lettre du 15 septembre 2022 par laquelle le Conseil de l’Union européenne a décidé de maintenir son nom sur la liste des personnes, des entités et des organismes visés par des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145/PESC du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16), telle que modifiée, en tant que ces actes maintiennent son nom sur les listes annexées auxdits actes ;

–        de la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145 (JO 2023, L 75 I, p. 134), du règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75I, p. 1) (ci-après, ensemble, les « deuxièmes actes de maintien »), et de la lettre du 14 mars 2023 par laquelle le Conseil a décidé de maintenir son nom sur la liste des personnes, des entités et des organismes visés par des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145 (JO 2014, L 78, p. 16), telle que modifiée, et par le règlement (UE) no 269/2014 du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6), tel que modifié, en tant que ces actes maintiennent son nom sur les listes annexées auxdits actes ;

–        de la décision (PESC) 2023/1767 du Conseil, du 13 septembre 2023, modifiant la décision 2014/145 (JO 2023, L 226, p. 104), du règlement d’exécution (UE) 2023/1765 du Conseil, du 13 septembre 2023, mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2023, L 226, p. 3) (ci-après, ensemble, les « troisièmes actes de maintien », et pris ensemble avec les premiers et les deuxièmes actes de maintien, les « actes attaqués »), et de la lettre du 15 septembre 2023 par laquelle le Conseil a décidé de maintenir son nom sur la liste des personnes, des entités et des organismes visés par des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145 (JO 2014, L 78, p. 16), telle que modifiée, et par le règlement no 269/2014 (JO 2014, L 78, p. 6), tel que modifié, en tant que ces actes maintiennent son nom sur les listes annexées auxdits actes.

I.      Antécédents du litige

A.      Sur l’inscription initiale du nom du requérant sur les listes de personnes visées par les mesures restrictives

2        La présente affaire s’inscrit dans le contexte des mesures restrictives décidées par l’Union européenne eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

3        Le requérant est un citoyen de nationalité russe.

4        Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145.

5        À la même date, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).

6        Le 25 février 2022, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2022/329 modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 50, p. 1), et, d’autre part, le règlement (UE) 2022/330 modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 51, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause.

7        L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, se lit comme suit :

« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :

[…]

g)      à des femmes et hommes d’affaires influents ou des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine,

et [à d]es personnes physiques et morales, [d]es entités ou [d]es organismes qui leur sont associés, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent, dont la liste figure en annexe.

2. Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

8        Les modalités de ce gel de fonds sont définies aux paragraphes suivants du même article.

9        L’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, proscrit l’entrée ou le passage en transit sur le territoire des États membres des personnes physiques répondant à des critères en substance identiques à ceux énoncés à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de cette même décision.

10      Le règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330, impose l’adoption des mesures de gel de fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329. En effet, l’article 3, paragraphe 1, sous a) à g), de ce règlement reprend pour l’essentiel l’article 2, paragraphe 1, sous a) à g), de ladite décision.

11      Par la décision (PESC) 2022/397 du Conseil, du 9 mars 2022, modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 80, p. 31) et le règlement d’exécution (UE) 2022/396 du Conseil, du 9 mars 2022, mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 80, p. 1) (ci-après les « actes initiaux »), le nom du requérant avait été ajouté, respectivement, à la liste annexée à la décision 2014/145 et à celle figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014 (ci-après les « listes en cause »), aux motifs suivants :

« [Le requérant] est le fils de Dmitry Arkadievich Mazepin, directeur général de JSC UCC Uralchem. Étant donné qu’Uralchem sponsorise l’écurie de Formule 1 Haas, Dmitry [Arkadievich] Mazepin est le principal sponsor des activités de son fils au sein de celle-ci.

Il est une personne physique liée à un homme d’affaires influent (son père) ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

12      Par lettre du 21 avril 2022, le requérant a demandé au Conseil de lui donner accès aux documents ayant servi de fondement à l’adoption des actes initiaux le concernant.

13      Par lettre du 28 avril 2022, le Conseil a transmis les informations sur lesquelles il s’est fondé pour adopter les actes initiaux et figurant dans le dossier portant la référence WK 3065/2022 INIT, daté du 8 mars 2022 (ci‑après le « premier dossier WK »).

14      Par lettre du 31 mai 2022, le requérant a demandé au Conseil de reconsidérer la décision de l’inscrire sur les listes en cause.

15      Par lettre du 20 juin 2022, le Conseil a informé le requérant de son intention de renouveler les mesures restrictives imposées à son égard avec un nouvel exposé des motifs.

16      Par lettre du 4 juillet 2022, le requérant a répondu à la lettre du Conseil du 20 juin 2022, mais n’a pas introduit de recours devant le Tribunal, tendant à l’annulation des actes initiaux.

B.      Sur le maintien du nom du requérant sur les listes en cause jusqu’au 15 mars 2024

17      Le 14 septembre 2022, le Conseil a adopté les premiers actes de maintien qui ont prolongé l’application des actes initiaux jusqu’au 15 mars 2023. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ont été modifiés comme suit :

« [Le requérant] est le fils de Dmitry Arkadievich Mazepin, ancien directeur général de JSC UCC Uralchem. Jusqu’en mars 2022, il a été pilote de course de l’écurie de Formule 1 Haas, parrainée par Uralchem.

Il est une personne physique liée à un homme d’affaires influent (son père) ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

18      Ainsi, la principale modification au regard des actes initiaux consistait dans l’actualisation de la fonction du requérant au sein de l’écurie de Formule 1 Haas et de celle de son père au sein de la société Uralchem.

19      Par lettre du 15 septembre 2022, le Conseil, après avoir examiné les observations présentées par le requérant dans les lettres des 31 mai et 4 juillet 2022, a informé ce dernier que, selon lui, ces observations ne mettaient pas en cause l’appréciation selon laquelle des mesures restrictives devaient être maintenues à son égard et que, par conséquent, il avait décidé de maintenir son nom sur les listes en cause.

20      Par lettre du 1er novembre 2022, le requérant a demandé au Conseil de reconsidérer la décision de maintenir son nom sur les listes en cause.

21      Le 25 novembre 2022, le requérant a introduit le présent recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑743/22, tendant à l’annulation des premiers actes de maintien, pour autant que ces actes le concernaient.

22      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 9 décembre 2022, le requérant a introduit une première demande en référé, dans laquelle il conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal d’accorder le sursis partiel à l’exécution des premiers actes de maintien, dans la mesure où son nom a été maintenu sur les listes en cause.

23      Par lettre du 22 décembre 2022, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard, sans apporter de modification aux motifs de l’inscription de son nom sur les listes en cause.

24      Le 11 janvier 2023, le requérant a répondu à la lettre du Conseil du 22 décembre 2022.

25      Le 6 février 2023, le Conseil a informé le requérant de son intention de renouveler les mesures restrictives imposées à son encontre, en se fondant sur le dossier portant la référence WK 1127/2023 INIT (ci-après le « deuxième dossier WK ») et le dossier portant la référence WK 1127/2023 ADD 1 (ci-après le « troisième dossier WK ») et en ajoutant la mention suivante aux motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause : « Sa fondation “We Compete As One” est financée par des fonds provenant de la société Uralkali, et il tire donc indûment avantage de son père ».

26      Le 15 février 2023, le requérant a répondu à la lettre du Conseil du 6 février 2023.

27      Par ordonnance du 1er mars 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R, non publiée, EU:T:2023:102), le président du Tribunal a accordé le sursis à l’exécution des premiers actes de maintien, dans la mesure où le nom du requérant a été maintenu sur les listes en cause et les dépens ont été réservés.

28      Le 7 mars 2023, le requérant a invité le Conseil à mettre en œuvre l’ordonnance du 1er mars 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R, non publiée, EU:T:2023:102).

29      Le 13 mars 2023, le Conseil a adopté les deuxièmes actes de maintien qui ont prolongé les mesures restrictives prises à l’encontre du requérant jusqu’au 15 septembre 2023. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ont été modifiés comme suit :

« [Le requérant] est le fils de Dmitry Arkadievich Mazepin, ancien directeur général de JSC UCC Uralchem. Jusqu’en mars 2022, il a été pilote de course de l’écurie de Formule 1 Haas, parrainée par Uralchem. Sa fondation “We Compete As One” est financée par des fonds provenant de la société Uralkali, et il tire donc indûment avantage de son père.

Il est une personne physique liée à un homme d’affaires influent (son père) ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

30      Ainsi, la seule modification au regard des premiers actes de maintien consistait en l’ajout de la mention de la fondation « We Compete As One » (ci-après la « fondation »).

31      Par lettre du 14 mars 2023, le Conseil, après avoir examiné les observations présentées par le requérant dans la lettre du 1er novembre 2022 et dans les courriels des 11 janvier et 15 février 2023, a informé ce dernier que, selon lui, ces observations ne mettaient pas en cause l’appréciation selon laquelle des mesures restrictives devaient être maintenues à son égard et que, par conséquent, il avait décidé de maintenir son nom sur les listes en cause.

32      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 4 avril 2023, le requérant a introduit une deuxième demande en référé, dans laquelle il conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal d’accorder le sursis partiel à l’exécution des deuxièmes actes de maintien, dans la mesure où son nom a été maintenu sur les listes en cause.

33      Par ordonnance du 5 avril 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R II, non publiée), le président du Tribunal a, conformément à l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, fait droit à cette demande.

34      Le 5 juin 2023, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2023/1094, modifiant la décision 2014/145 (JO 2023, L 146, p. 20), et le règlement (UE) 2023/1089, modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2023, L 146, p. 1).

35      La décision 2023/1094 a modifié, à partir du 7 juin 2023, les critères d’inscription des noms des personnes visées par le gel des fonds, le texte de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 étant remplacé par le texte suivant :

« g)      à des femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie et aux membres de leur famille proche ou à d’autres personnes physiques, qui en tirent avantage, ou à des femmes et hommes d’affaires, des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine ; ou »

36      Le règlement 2023/1089 a modifié de façon similaire le règlement no 269/2014.

37      Le 19 juin 2023, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard, en apportant une modification aux motifs d’inscription de son nom sur les listes en cause, à savoir en indiquant qu’il était un membre de la famille proche tirant avantage de son père.

38      Le 10 juillet 2023, le Conseil a de nouveau indiqué au requérant son intention de renouveler les mesures restrictives imposées à son égard, en se fondant sur les dossiers portant les références WK 8979/2023 INIT (ci-après le « quatrième dossier WK »), WK 5142/2023 INIT (ci-après le « cinquième dossier WK ») et WK 9510/2023 INIT (ci-après le « sixième dossier WK »).

39      Par ordonnance du 19 juillet 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R II, non publiée, EU:T:2023:406), le président du Tribunal a accordé le sursis à l’exécution des deuxièmes actes de maintien, dans la mesure où le nom du requérant a été maintenu sur les listes en cause.

40      Par courriel du 24 juillet 2023, le requérant a souligné les lacunes des lettres du Conseil des 19 juin et 10 juillet 2023 et l’absence de base documentaire susceptible d’étayer la motivation retenue.

41      Le 28 juillet 2023, le Conseil a informé le requérant de son intention de renouveler les mesures restrictives imposées à son égard, en se fondant sur le dossier portant la référence WK 9948/23 INIT (ci-après le « septième dossier WK ») et en ajoutant la mention suivante aux motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause :

« Il est également associé à son père par des intérêts commerciaux communs dans la société Hitech GP, qui était détenue en partie par Dmitry [Arkadievich] Mazepin à travers Uralkali et dont l’objectif est de favoriser la carrière de Nikita Mazepin en tant que pilote de sport automobile, et qui est désormais détenue par un associé commun des deux hommes. Il est donc membre de la famille proche de son père, Dmitry [Arkadievich] Mazepin, auquel il est associé et dont il tire avantage, et qui est un homme d’affaires influent intervenant dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

42      Le 18 août 2023, le Conseil a indiqué une nouvelle fois au requérant son intention de renouveler les mesures restrictives imposées à son égard, en se fondant sur le dossier portant la référence WK 5142/23 ADD 1 (ci-après le « huitième dossier WK ».

43      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 7 septembre 2023, le requérant a introduit une troisième demande en référé, dans laquelle il conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal de suspendre la réinscription annoncée de son nom sur les listes en cause dans les mêmes conditions que celles accordées par l’ordonnance du 19 juillet 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R II, non publiée, EU:T:2023:406).

44      Par ordonnance du 7 septembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R III, non publiée), le président du Tribunal a, conformément à l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure, fait droit à cette demande.

45      Le 13 septembre 2023, le Conseil a adopté les troisièmes actes de maintien qui ont prolongé les mesures restrictives prises à l’encontre du requérant jusqu’au 15 mars 2024. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ont été modifiés comme suit :

« [Le requérant] est le fils de Dmitry [Arkadievich] Mazepin, propriétaire et ancien directeur général de JSC UCC Uralchem. Jusqu’en mars 2022, il a été pilote de course de l’écurie de Formule 1 Haas, parrainée par Dmitry [Arkadievich] Mazepin par l’intermédiaire d’Uralkali, une filiale d’Uralchem. Sa fondation […] est destinée à être financée par des fonds provenant d’Uralkali. Il est également associé à son père par des intérêts commerciaux communs dans la société Hitech GP, qui était détenue en partie par Dmitry [Arkadievich] Mazepin à travers Uralkali et dont l’objectif est de favoriser la carrière [du requérant] en tant que pilote de sport automobile, et qui est désormais détenue par un associé commun des deux hommes.

Il est donc membre de la famille proche de son père, […] auquel il est associé et dont il tire avantage, et qui est un homme d’affaires influent intervenant dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

46      Le 14 septembre 2023, le requérant a introduit, en application de l’article 164 du règlement de procédure, une demande de rectification de l’ordonnance du 7 septembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R III, non publiée).

47      Par lettre du 15 septembre 2023, le Conseil, en se référant aux observations présentées par le requérant dans les lettres des 31 mai, 30 juin, 24 juillet, 10 août et 31 août 2023, a informé ce dernier que, selon lui, ces observations ne mettaient pas en cause l’appréciation selon laquelle des mesures restrictives devaient être maintenues à son égard et que, par conséquent, il avait décidé de maintenir son nom sur les listes en cause.

48      Par ordonnance du 19 septembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R III, non publiée), le président du Tribunal a adopté des mesures provisoires en substance comparables à celles exposées dans l’ordonnance visée au point 44 ci-dessus et a rapporté l’ordonnance.

49      Par ordonnance du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin [C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727], l’ordonnance du 7 septembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R III, non publiée), a été annulée et l’affaire a été renvoyée devant le Tribunal.

50      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 2 octobre 2023, le requérant a introduit une quatrième demande en référé, dans laquelle il conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal de suspendre la réinscription annoncée de son nom sur les listes en cause dans les mêmes conditions que celles accordées par l’ordonnance du 19 juillet 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R II, non publiée, EU:T:2023:406).

51      Par ordonnance du 3 octobre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R III et T‑743/22 R IV, non publiée), le président du Tribunal a, conformément à l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure, fait droit à cette demande.

52      Par ordonnance du 27 octobre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R III, non publiée, EU:T:2023:693), le président du Tribunal a rejeté la troisième demande en référé.

53      Par ordonnance du 22 novembre 2023, Conseil/Mazepin [C‑585/23 P(R), non publiée, EU:C:2023:922], l’ordonnance du 19 septembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R III, non publiée), a été annulée et l’affaire a été renvoyée devant le Tribunal.

II.    Conclusions des parties

54      À la suite des adaptations de la requête, le requérant conclut en substance à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués ainsi que les lettres des 15 septembre 2022, 14 mars 2023 et 15 septembre 2023, en ce qu’ils le visent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

55      À la suite des observations sur les adaptations de la requête, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours, d’une part, comme étant irrecevable en ce qu’il vise l’annulation des trois lettres des 15 septembre 2022, 14 mars 2023 et 15 septembre 2023 par lesquelles le Conseil a décidé de maintenir son nom sur les listes en cause et, d’autre part, comme étant non fondé pour le surplus ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité

56      Le Conseil, sans soulever une exception formelle au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, invoque l’irrecevabilité partielle du présent recours, tirée du défaut d’intérêt à agir du requérant à l’encontre des trois lettres des 15 septembre 2022, 14 mars 2023 et 15 septembre 2023.

57      En l’espèce, ainsi que le souligne à juste titre le Conseil, les trois lettres des 15 septembre 2022, 14 mars 2023 et 15 septembre 2023 ont été adressées au requérant par le Conseil en réponse aux allégations formulées par celui-ci et contestant le maintien de son nom sur les listes en cause par les décisions 2022/1530, 2023/572 et 2023/1767, ainsi que par les règlements d’exécution 2022/1529, 2023/571 et 2023/1765. Dans ces trois lettres, le Conseil lui a communiqué ces actes et l’a notamment informé que l’inscription de son nom sur les listes en cause restait justifiée dès lors, en substance, que les arguments qu’il avait avancés n’étaient pas suffisants pour modifier les conclusions exposées par le Conseil.

58      Il s’ensuit que les trois lettres des 15 septembre 2022, 14 mars 2023 et 15 septembre 2023 ne sont que des actes purement informatifs adressés au requérant, qui, comme tel, ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2014, Hamcho et Hamcho International/Conseil, T‑43/12, non publié, EU:T:2014:946, point 80 et jurisprudence citée).

59      Par conséquent, le recours doit être rejeté comme étant irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre ces trois lettres.

B.      Sur le fond

60      À l’appui du recours, le requérant soulève en substance cinq moyens tirés, le premier, d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une erreur « manifeste » d’appréciation, du non-respect de la charge de la preuve et de la violation des critères d’inscription applicables, le troisième, d’une violation du principe de proportionnalité et des droits fondamentaux, le quatrième, d’une violation du principe de non-discrimination et, le cinquième, d’une violation des formes substantielles, de la violation des droits de la défense et de l’obligation du Conseil de réexaminer périodiquement les sanctions.

61      Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner d’abord le deuxième moyen.

1.      Sur le deuxième moyen, tiré dune erreur manifeste dappréciation, du non-respect de la charge de la preuve et de la violation des critères dinscription applicables

62      S’agissant des premiers et deuxièmes actes de maintien, le requérant reproche au Conseil d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en maintenant son nom sur les listes en cause, en se fondant sur le critère d’association prévu à l’article 2, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, à l’article 3, paragraphe 1, in fine, du règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330, en tant que personne associée à M. Dmitry Arkadievich Mazepin dont le nom a été inscrit sur les listes en cause en application de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, et à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330 (ci-après le « critère d’association »). Quant aux troisièmes actes de maintien, le requérant reproche au Conseil d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en maintenant son nom sur les listes en cause en se fondant, d’une part, sur le critère d’association et, d’autre part, sur le critère relatif aux « membres de la famille proche […] qui […] tirent avantage d’une femme ou d’un homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie » [critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2023/1094, à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2023/1089, ainsi que, en substance, à l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2023/1094, ci-après le « critère g) modifié »].

63      En substance, le requérant fait valoir que dans les actes attaqués, le Conseil n’apporte pas, conformément à la charge de la preuve qui lui incombe, d’éléments concrets, précis et concordants permettant de constituer une base factuelle suffisante afin d’étayer le maintien de son nom sur les listes en cause en application de ces critères.

64      Le Conseil conteste le bien-fondé de ce moyen.

65      À titre liminaire, il importe de relever que le deuxième moyen doit être considéré comme tiré d’une erreur d’appréciation, et non d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, s’il est certes vrai que le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer, au cas par cas, si les critères juridiques sur lesquels se fondent les mesures restrictives en cause sont remplis, il n’en reste pas moins que les juridictions de l’Union doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, points 54 et 55, et du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 61 et et jurisprudence citée).

66      Par ailleurs, il convient de souligner que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision sont étayés (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119, et du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 128).

67      Il n’est pas requis que le Conseil produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122, et du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 67).

68      L’appréciation du caractère suffisamment solide de la base factuelle retenue par le Conseil doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée). Selon la jurisprudence, les articles de presse peuvent être utilisés aux fins de corroborer l’existence de certains faits lorsqu’ils sont suffisamment concrets, précis et concordants quant aux faits qui y sont décrits (voir arrêt du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 108 et jurisprudence citée).

69      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 121 et 122, et du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, point 57).

70      Par ailleurs, il convient de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures restrictives, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur la liste en cause ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 58 et 59 ; voir également, arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 67 et jurisprudence citée).

71      Pour justifier le maintien du nom d’une personne sur la liste, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la personne concernée sur la liste, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et, d’autre part, le contexte n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes. Ce contexte inclut non seulement la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi, mais également la situation particulière de la personne concernée (voir arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 78 et jurisprudence citée).

72      C’est à l’aune de ces principes jurisprudentiels qu’il convient de déterminer si le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant que, en l’espèce, il existait une base factuelle suffisamment solide pouvant justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause.

a)      Sur les premiers actes de maintien

73      En l’espèce, pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause dans les premiers actes de maintien en application du critère d’association, il n’est pas contesté que le Conseil s’est fondé sur les mêmes éléments de preuve que ceux figurant dans le premier dossier WK et sur la base desquels il a adopté les actes initiaux. Il convient de relever qu’il s’agit d’éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des liens vers des sites Internet, des articles de presse et des captures d’écran relatifs au requérant et à son père.

1)      Sur la portée du critère d’association

74      Il importe d’observer, tout d’abord, que dans les circonstances de l’espèce, ce critère implique que soit établi l’existence d’un lien d’« association » avec un homme d’affaires influent ayant une activité dans des « secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie ». Ensuite, si le critère d’« associé » est souvent employé dans les actes du Conseil relatifs aux mesures restrictives, il n’est pas en tant que tel défini et sa signification dépend des contextes et des circonstances en cause. Toutefois, il n’en demeure pas moins qu’il peut être considéré comme visant des personnes physiques ou morales qui sont, de façon générale, liées par des intérêts communs sans pour autant nécessiter un lien par les biais d’une activité économique commune (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2023, Prigozhina/Conseil, T‑212/22, non publié, EU:T:2023:104, point 93 et jurisprudence citée). Il apparaît également que, le plus souvent, cette notion implique l’existence d’un lien allant au-delà d’une relation familiale. La notion d’« association », prévue par les dispositions pertinentes de la décision 2014/145 et du règlement no 269/2014 peut donc être interprétée en ce sens qu’elle vise toute personne physique ou morale ou toute entité qui présente un lien allant au-delà d’une relation familiale avec une personne ou une entité qui fait l’objet de mesures restrictives notamment, comme en l’espèce, au titre de sa qualité d’homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie. Enfin, il convient de relever que le critère d’inscription relatif aux personnes « associées » aux personnes responsables d’actions compromettant la situation en Ukraine est clairement libellé au présent, ce qui implique que l’association doit être établie au moment de l’adoption des actes attaqués (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2023, Prigozhina/Conseil, T‑212/22, non publié, EU:T:2023:104, points 92 et 93 et jurisprudence citée).

2)      Sur l’application au requérant du critère d’association

75      Le requérant conteste que ce critère puisse lui être appliqué. Il estime en substance que les premiers actes de maintien sont entachés d’une erreur d’appréciation dès lors que, d’une part, le Conseil ne se fonde que sur des faits passés qui ne sont plus pertinents pour justifier son maintien sur les listes en cause et que, d’autre part, l’unique allégation servant de fondement aux fins de l’application du critère d’association n’est pas fondée. En effet, il fait valoir, premièrement, qu’Uralchem n’a jamais été le sponsor de l’équipe de Formule 1 Haas, deuxièmement, que les éléments de preuve produits par le Conseil ne permettent pas d’établir que, par l’accord de parrainage entre Uralkali et l’écurie de Formule 1 Haas (ci-après l’« accord de parrainage »), il a tiré indûment avantage de son père et, troisièmement, que ledit accord de parrainage était une opération commerciale tout à fait justifiée du point de vue économique pour cette société.

76      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

77      Premièrement, le Conseil relève que le requérant n’a pas été maintenu sur les listes en cause uniquement en raison de son lien familial avec son père. Il y aurait été inscrit en raison de sa dépendance financière à l’égard de son père et de l’avantage indu qu’il tire de la position de celui‑ci. Le Conseil ajoute que le bref laps de temps qui s’est écoulé depuis la résiliation de l’accord de parrainage ne permet pas de conclure que le requérant n’est plus lié à son père sur le plan financier. Selon le Conseil, même après la résiliation de son contrat de pilote de course de Formule 1 Haas, le requérant continue de profiter des avantages de sa situation, notamment la renommée, la stabilité financière et la possibilité d’être recruté en tant que pilote dans divers championnats de sport motorisé de haut niveau. Par conséquent, c’est ce lien financier qui a été déterminant pour l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause et non les liens familiaux.

78      Deuxièmement, le Conseil fait valoir que, s’il est vrai que c’est Uralkali qui était le sponsor de l’écurie de Formule 1 Haas et non Uralchem, il ne fait aucun doute que le père du requérant était le vice‑président du conseil d’administration de cette société au moment de la signature de l’accord de parrainage et que ladite société était détenue à plus de 80 % par Uralchem, elle‑même entièrement détenue par le père du requérant. Par conséquent, son père contrôlerait à la fois Uralchem et Uralkali et parrainerait les activités de son fils par l’intermédiaire de ces deux sociétés.

79      Troisièmement, le Conseil soutient que le requérant a tiré indûment avantage de son père par le biais de l’accord de parrainage, dans la mesure où il n’aurait pas pu obtenir la place de pilote de course au sein de l’écurie de Formule 1 Haas sans le parrainage important apporté par son père ; ce parrainage n’avait guère de sens sur le plan commercial pour Uralkali, le père du requérant a été responsable des avantages procurés à son fils et rien ne prouve que cette société ait jamais parrainé quelqu’un d’autre pour des activités sportives similaires.

80      Quatrièmement, le Conseil fait valoir que, même après la cessation de ses fonctions de pilote de course au sein de l’écurie de Formule 1 Haas, le requérant continuerait de tirer indûment avantage de son père. En effet, d’après les propres déclarations du requérant, et ainsi que cela aurait été relayé par différents articles de presse dont certains sont produits par le Conseil dans le mémoire en défense, il aurait lui-même créé une fondation qui serait financée par l’argent qu’Uralkali était censée consacrer au parrainage de l’écurie de Formule 1 Haas.

81      En l’espèce, il importe de rappeler que le nom du requérant a été inscrit initialement sur les listes en cause par les actes initiaux aux motifs, en substance, qu’il était lié à son père, en raison de leur lien familial et de leurs activités respectives. En effet, il ressortait desdits motifs que M. Dmitry Arkadievich Mazepin, directeur général de JSC UCC Uralchem, était, par l’intermédiaire d’Uralchem, le principal sponsor des activités de son fils au sein de l’écurie de Formule 1 Haas (voir point 11 ci-dessus).

82      Dans les premiers actes de maintien, le Conseil continue de faire référence au lien familial entre le requérant et son père ainsi qu’à leurs fonctions au sein d’Uralchem et de l’écurie de Formule 1 Haas. Il a toutefois mis à jour l’exposé des motifs retenus contre le requérant en précisant que son père était l’« ancien directeur général de JSC UCC Uralchem » et que « [j]usqu’en mars 2022, [le requérant] a été pilote de course de l’écurie de Formule 1 Haas » (voir point 17 ci-dessus).

83      Dans ce contexte, il importe donc de vérifier si, en application de la jurisprudence mentionnée point 70 ci-dessus, le Conseil pouvait, au terme de son appréciation actualisée de la situation effectuée dans le cadre du réexamen des mesures restrictives en cause et sur la base de nouveaux éléments, continuer à se référer à des faits passés et déjà retenus dans les actes initiaux concernant le requérant pour justifier le maintien de ces mesures restrictives à son égard. À cette fin, il convient d’examiner s’il ressort du premier dossier WK que le requérant pouvait être considéré, à la date d’adoption des premiers actes de maintien, comme étant associé à un homme d’affaires influent au sens du critère d’association tel que défini au point 74 ci-dessus.

84      À cet égard, il y a lieu de relever d’emblée que, s’il est vrai que le contexte général de la situation de l’Ukraine, en ce qui concerne les menaces à son intégrité territoriale, à sa souveraineté et à son indépendance, est resté inchangé depuis l’adoption des actes initiaux, il n’en est pas de même de la situation du requérant.

85      En ce qui concerne la situation individuelle du requérant au moment de l’adoption des premiers actes de maintien, il convient de constater qu’il n’occupait plus la fonction de pilote de course de l’écurie de Formule 1 Haas. En effet, le Conseil a lui-même indiqué dans les motifs desdits actes que cette fonction avait cessé à partir du mois de mars 2022 (voir points 17 et 82 ci-dessus). Cela signifie qu’il a admis, comme étant démontré, le fait que le requérant n’exerçait plus cette fonction, à compter de cette date, ce qu’il a, au demeurant, confirmé dans le mémoire en défense.

86      En l’espèce, force est donc de constater que la base factuelle des motifs retenus dans les premiers actes de maintien à l’égard du requérant, qui se rattache au critère d’association, se réfère exclusivement à son ancienne fonction de pilote de course de l’écurie de Formule 1 Haas, prétendument parrainée par Uralchem. Or, à supposer que de telles fonctions pouvaient suffire à justifier, en elles-mêmes, l’inscription initiale du nom du requérant comme étant associé à son père au sens du critère d’association, il n’en est pas de même pour ce qui est du maintien de son nom sur les listes en cause qui se fondent sur un réexamen périodique des mesures restrictives afin de permettre au Conseil de tenir compte des éventuels changements de circonstances concernant, notamment, la situation individuelle des personnes visées par celles-ci.

87      Premièrement, le Conseil ne saurait présumer, du seul fait que, lors de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, le père de celui-ci était, par l’intermédiaire d’Uralchem, le principal sponsor des activités du requérant au sein de l’écurie de Formule 1 Haas, que ce dernier continue d’être associé à son père, même plusieurs mois après la résiliation de son contrat de pilote de course de Formule 1 Haas et de l’accord de parrainage. Si tel était le cas, cela conduirait à figer la situation du requérant et à priver de tout effet utile l’exercice de réexamen périodique prévu, notamment, à l’article 6, troisième alinéa, de la décision 2014/145 et à l’article 14, paragraphe 4, du règlement no 269/2014, tels que modifiés (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 septembre 2021, Ghaoud/Conseil, T‑700/19, non publié, EU:T:2021:576, point 85 et jurisprudence citée).

88      Deuxièmement, il n’est pas non plus possible de considérer que le seul fait que le requérant ait été pilote de course de l’écurie de Formule 1 Haas, dans un passé proche de l’adoption des premiers actes de maintien, puisse constituer une preuve suffisante de ce que des liens avec un homme d’affaires influent, en l’occurrence son père, perduraient. En effet, il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 68 ci-dessus que le bien-fondé du maintien du nom du requérant sur les listes en cause doit être examiné dans son contexte global et non de manière isolée.

89      Il est vrai qu’il ne saurait être exclu d’emblée que le requérant puisse toujours être qualifié de personne liée par des intérêts communs à son père, même après la cessation de ses fonctions de pilote de course au sein de l’écurie de Formule 1 Haas et la rupture de l’accord de parrainage, qui plus est lorsque cette cessation est concomitante de son inscription initiale sur les listes en cause. Toutefois, lorsque l’existence de cette qualification est contestée, comme c’est le cas en l’espèce, il appartient au Conseil d’avancer des indices suffisamment probants permettant raisonnablement de considérer que l’intéressé a maintenu des liens avec son père justifiant le maintien de son nom sur la liste, même après la résiliation de son contrat de pilote de course de Formule 1 Haas (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 93 et jurisprudence citée).

90      Le Conseil n’a cependant fourni aucun élément probant relatif au requérant dans le premier dossier WK permettant d’expliquer les raisons pour lesquelles celui-ci devait être considéré comme étant toujours lié par des intérêts communs à son père, homme d’affaires influent de la Fédération de Russie, après la résiliation de son contrat de pilote de course de Formule 1 Haas et de l’accord de parrainage.

91      Dès lors qu’il ressort des motifs des premiers actes de maintien que le requérant avait cessé d’exercer sa fonction de pilote de course au sein de l’écurie de Formule 1 Haas ayant justifié son inscription initiale, il convient de considérer que, indépendamment de la question de savoir si Uralchem n’a jamais été le sponsor de l’équipe de Formule 1 Haas, ou si les éléments de preuve produits par le Conseil ne permettent pas d’établir qu’il a tiré indûment avantage de son père par le biais de l’accord de parrainage ou encore si cet accord était une opération commerciale tout à fait justifiée du point de vue économique pour cette société ; l’association entre le requérant et son père n’est nullement établie par le biais de liens économiques ou capitalistiques ou par l’existence des intérêts communs les liant au moment de l’adoption des premiers actes de maintien. Partant, force est de constater que le maintien du nom du requérant sur les listes en cause ne repose, de facto, que sur le lien familial entre son père et lui.

92      Or, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence, l’application de mesures restrictives à des personnes physiques indépendamment de leur comportement personnel et pour la seule raison de leur lien familial avec des personnes associées aux dirigeants du pays tiers concerné doit être considérée comme se heurtant à la jurisprudence de la Cour. Cette exigence assure l’existence d’un lien suffisant entre les personnes concernées et le pays tiers qui est la cible des mesures restrictives adoptées par l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2023, Prigozhina/Conseil, T‑212/22, non publié, EU:T:2023:104, point 95 et jurisprudence citée).

93      Il s’ensuit que, au vu de tout ce qui précède, le lien d’association du requérant avec son père établi au moment de l’adoption des premiers actes de maintien et sur lequel le Conseil s’est fondé à cette date, ne saurait suffire à justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause.

94      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments du Conseil.

95      En premier lieu, doit être rejeté l’argument selon lequel le requérant continuerait de tirer indûment avantage de son père, dès lors que le requérant aurait créé la fondation qui serait financée par l’argent qu’Uralkali était censée consacrer au parrainage de l’écurie de Formule 1 Haas (voir point 80 ci-dessus). En effet, à supposer que cette fondation ait été créée par le requérant et qu’elle ait été financée par Uralkali comme le prétend le Conseil, force est de constater que ladite fondation ne figure nullement, ni dans les motifs des premiers actes de maintien, ni dans le premier dossier WK sur lequel ces actes sont fondés.

96      Or, il y a lieu de rappeler que c’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (voir point 69 ci-dessus). En outre, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté. Le Conseil ne peut, par conséquent, invoquer devant le Tribunal, pour justifier le bien-fondé de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause et celui de son maintien, des éléments sur lesquels il ne s’est pas fondé lors de l’adoption des actes attaqués (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, Al Tarazi/Conseil, T‑260/19, non publié, EU:T:2021:187, point 69 et jurisprudence citée).

97      Dans ces conditions, sauf à admettre une substitution de motifs et bien que le Conseil prétende, dans la duplique, avoir eu connaissance de la création de cette fondation avant l’adoption des premiers actes de maintien, il ne saurait être admis que le Conseil s’en prévale pour justifier le bien-fondé de ces premiers actes, alors que ladite fondation ne se rattache pas aux motifs desdits actes et ne figure nullement dans le premier dossier WK.

98      En deuxième lieu, et pour les mêmes raisons, doit être rejeté l’argument selon lequel, en substance, même après la résiliation de son contrat de pilote de course de Formule 1 Haas, il existerait encore un lien financier entre le requérant et son père dès lors qu’il continue de profiter des avantages de sa situation, notamment la renommée, la stabilité financière et la possibilité d’être recruté en tant que pilote dans divers championnats de sport motorisé de haut niveau. En effet, outre son caractère hypothétique et nullement étayé, force est de constater que cet argument ne figure nullement ni dans les motifs des premiers actes de maintien, ni dans le premier dossier WK sur lequel ces actes sont fondés.

99      Il y a donc lieu de conclure que, analysés dans leur ensemble, les éléments présentés en l’espèce par le Conseil ne constituent pas un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, au sens de la jurisprudence rappelée au point 68 ci-dessus, permettant d’établir à suffisance de droit le bien-fondé des motifs retenus contre le requérant s’agissant des premiers actes de maintien.

100    Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’accueillir le deuxième moyen relatif aux premiers actes de maintien et d’annuler ces actes en ce qu’ils visent le requérant, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres arguments et sur les autres moyens invoqués par ce dernier à leur égard.

b)      Sur les deuxièmes actes de maintien

101    En l’espèce, pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause en application du critère d’association, le Conseil s’est fondé sur les éléments de preuve figurant dans le premier dossier WK ainsi que sur les éléments de preuve supplémentaires figurant dans les deuxième et troisième dossiers WK. Il convient de relever qu’il s’agit d’éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des liens vers des sites Internet, des articles de presse et des captures d’écran relatifs au requérant et à son père. Contrairement à ce que laisse entendre le requérant dans son premier mémoire en adaptation, et ainsi que le soutient à juste titre le Conseil, rien ne permet de supposer que le Conseil a substitué les deuxième et troisième dossiers WK au premier dossier WK transmis au requérant en tant que base factuelle de l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause. Il y a donc lieu de considérer que les deuxième et troisième dossiers WK ne font que compléter le premier et que c’est à la lumière de l’ensemble des éléments de preuve des trois dossiers WK qu’il y a lieu d’apprécier la légalité des deuxièmes actes de maintien (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, EU:T:2023:530, point 57).

102    Le requérant fait valoir que ces actes sont entachés d’une erreur d’appréciation en invoquant, en grande partie, les mêmes arguments que ceux présentés à l’encontre des premiers actes de maintien, tels que mentionnés au point 75 ci-dessus.

103    Premièrement, le requérant soutient que le Conseil ne se serait fondé que sur des faits passés qui ne sont plus pertinents pour justifier son maintien sur les listes en cause. Deuxièmement, il prétend d’abord qu’Uralchem n’a jamais été le sponsor de l’équipe de Formule 1 Haas ; ensuite que les éléments de preuve produits par le Conseil ne permettraient pas d’établir l’implication de son père dans le processus décisionnel ayant conduit à la signature de l’accord de parrainage ; puis que ledit accord de parrainage était une opération commerciale tout à fait justifiée du point de vue économique pour cette société et, enfin, que le Conseil est resté en défaut de démontrer qu’il n’aurait pas pu obtenir cette place de pilote de course au sein de l’écurie de Formule 1 Haas sans l’accord de parrainage. Troisièmement, le requérant conteste le bien-fondé de l’allégation relative à la fondation, ajoutée par le Conseil dans les motifs des deuxièmes actes de maintien. En particulier, il fait valoir qu’aucun élément de preuve produit par le Conseil ne permettrait d’établir que cette fondation est financée par la société Uralkali. Il soutient, en outre, avoir produit des éléments de preuve établissant, d’une part, que, bien qu’il ait inspiré la création de cette fondation, il n’a aucune possibilité d’utiliser les actifs à son avantage, de sorte que ladite fondation n’est pas la sienne, ni de déterminer les décisions de celle-ci, et, d’autre part, que, en tout état de cause, cette fondation n’est pas financée par Uralkali ni au moyen des fonds de celle-ci.

104    Le Conseil conteste les arguments du requérant en réitérant, en partie, les mêmes arguments que ceux invoqués à l’encontre des premiers actes de maintien, tels que mentionnés aux points 77 à 80 ci-dessus.

105    Premièrement, le Conseil fait valoir que le père du requérant contrôlerait à la fois Uralchem et Uralkali, que sa participation aux négociations relatives au parrainage serait établie et qu’il serait donc à l’origine du parrainage des activités de son fils. Deuxièmement, le Conseil soutient en substance que le requérant a tiré indûment avantage de son père par le biais de l’accord de parrainage et qu’il continue à tirer indûment avantage de celui-ci par le biais de la fondation, dans la mesure où, d’abord, il n’aurait pas pu obtenir la place de pilote de course au sein de l’écurie de Formule 1 Haas, ni créer sa propre fondation caritative sans le soutien financier de son père et, ensuite, ce parrainage et la création de ladite fondation n’auraient guère de sens sur le plan commercial pour Uralchem et Uralkali. À cet égard, le Conseil relève que les autres activités de parrainage d’Uralkali invoquées par le requérant, lesquelles concerneraient des initiatives locales, ont une ampleur et un objectif différents de celles liées au parrainage de l’écurie de Formule 1 Haas. Le Conseil fait valoir, en particulier, que la fondation a été créée par le requérant et a reçu un financement d’Uralkali, laquelle est détenue par la société Uralchem dont le principal propriétaire est son père. Ainsi, la fondation existerait uniquement grâce au soutien financier d’une société liée au père du requérant qui tirerait avantage de ladite fondation. Troisièmement, le Conseil relève que le nom du requérant a été maintenu sur les listes en cause en raison du lien financier avec son père, qui a été directeur général d’Uralchem contrôlant Uralkali qui parraine la carrière et les différentes activités professionnelles de son fils, et de l’avantage indu qu’il en tire.

106    En l’espèce, il y a lieu de souligner d’emblée que, s’agissant des deuxièmes actes de maintien, les motifs du maintien du nom du requérant sur les listes en cause sont demeurés les mêmes que ceux des premiers actes de maintien, exception faite de la mention suivante : « [s]a fondation […] est financée par des fonds provenant de la société Uralkali, et il tire donc indûment avantage de son père » (voir points 29 et 30 ci-dessus).

107    Force est donc de constater que la base factuelle des motifs retenus dans les deuxièmes actes de maintien à l’égard du requérant, qui se rattache au critère d’association, se réfère, d’une part, à son ancienne fonction de pilote de course de l’écurie de Formule 1 Haas prétendument parrainée par Uralchem et, d’autre part, au fait qu’il aurait créé une fondation qui serait financée par Uralkali.

108    Il convient donc de vérifier si, conformément à la jurisprudence citée au point 70 ci-dessus, le Conseil a dûment tenu compte de l’évolution de la situation du requérant aux fins de décider du maintien de son nom sur les listes en cause et s’il pouvait, au terme de son appréciation actualisée de la situation effectuée dans le cadre du réexamen des mesures restrictives en cause et sur la base de nouveaux éléments, continuer à se référer en partie à des faits passés et déjà retenus dans les actes initiaux et les premiers actes de maintien. À cette fin, il convient donc d’examiner s’il ressort des trois dossiers WK que le requérant pouvait être considéré, à la date d’adoption des deuxièmes actes de maintien, comme étant associé à un homme d’affaires influent au sens du critère d’association tel que défini au point 74 ci-dessus.

109    S’agissant, en premier lieu, de la référence à son ancienne fonction de pilote de course de l’écurie de Formule 1 Haas prétendument parrainée par Uralchem, il suffit de renvoyer à cet égard aux raisons invoquées aux points 83 à 90 ci-dessus, qui s’appliquent mutatis mutandis aux deuxièmes actes de maintien. En effet, le Conseil n’a fourni aucun élément probant relatif au requérant dans les premier, deuxième et troisième dossiers WK permettant d’expliquer les raisons pour lesquelles celui-ci devait être considéré comme étant toujours lié à son père, homme d’affaires influent de la Fédération de Russie, après la résiliation de son contrat de pilote de course de l’écurie de Formule 1 Haas et de l’accord de parrainage au mois de mars 2022.

110    S’agissant, en second lieu, de la partie des motifs selon laquelle « [s]a fondation […] est financée par des fonds provenant de la société Uralkali, et il tire donc indûment avantage de son père », il y a lieu de relever que le Conseil considère en substance que le requérant est associé à son père dès lors que ce dernier a, par le biais d’Uralkali détenue à plus de 80 % par Uralchem, financé la fondation de son fils.

111    Or, le Conseil reste en défaut d’apporter un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, au sens de la jurisprudence rappelée au point 68 ci-dessus, permettant d’établir à suffisance de droit le bien-fondé de cette partie des motifs. En effet, bien qu’il ressorte notamment des pièces nos 4, 6 et 8 du deuxième dossier WK et de la pièce no 4 du troisième dossier WK que le requérant a pris l’initiative de créer cette fondation qui porte son nom, ce qui n’est au demeurant pas contesté par le Conseil, force est de constater que, ainsi que le soutient à juste titre le requérant dans le premier mémoire en adaptation, le Conseil n’apporte aucune preuve au soutien de la partie des motifs des deuxièmes actes de maintien selon lesquels ladite fondation « est financée par des fonds provenant de la société Uralkali ».

112    À cet égard, il convient de relever que, aux fins de démontrer que la fondation est financée par Uralkali, et donc de considérer que le requérant est lié à son père au sens du critère d’association, le Conseil se fonde sur les pièces nos 6, 8 et 9  du deuxième dossier WK et sur la pièce no 4 du troisième dossier WK. Or, s’il est vrai que ces éléments font état d’informations ou de déclarations émanant du requérant et des dirigeants d’Uralkali, selon lesquelles cette fondation sera ou serait financée par des fonds provenant de cette société, elles consistent en des articles de presse datés du mois de mars 2022, dont le requérant souligne qu’ils sont antérieurs à la création de ladite fondation, laquelle, selon lui, n’avait finalement reçu aucun soutien financier de la part d’Uralkali. Par ailleurs, et en tout état de cause, force est de constater que lesdits éléments se limitent à faire état des intentions du requérant. En d’autres termes, de tels éléments ne constituent, tout au plus, qu’une simple hypothèse émise antérieurement à la création de la fondation et ne permettent nullement de démontrer que, à supposer qu’Uralkali ait récupéré les fonds de la part de l’écurie de Formule 1 Haas, lesdits fonds ont effectivement été versés par cette société pour la financer.

113    Cela vaut d’autant plus que le requérant invoque deux déclarations émanant des employés de la fondation et d’Uralkali qui corroborent l’absence de financement de la fondation par ladite société ou au moyen des fonds de celle-ci.

114    Il y a donc lieu de conclure que, analysés dans leur ensemble, les éléments présentés en l’espèce par le Conseil ne constituent pas un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, au sens de la jurisprudence rappelée au point 68 ci-dessus, permettant d’établir à suffisance de droit le bien-fondé des motifs retenus contre le requérant s’agissant des deuxièmes actes de maintien.

115    Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’accueillir le deuxième moyen relatif aux deuxièmes actes de maintien et d’annuler ces actes en ce qu’ils visent le requérant, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres arguments et sur les autres moyens invoqués par ce dernier à leur égard.

c)      Sur les troisièmes actes de maintien

116    À titre liminaire, premièrement, il convient de relever que pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause, il est constant entre les parties que le Conseil s’est fondé, d’une part, sur le critère d’association et, d’autre part, sur le critère g) modifié. En effet, ainsi que cela ressort des motifs rappelés au point 45 ci-dessus, le nom du requérant a été maintenu sur les listes en cause en raison de sa qualité de membre de la famille proche de son père, qui serait un homme d’affaires influent en Russie, auquel il serait associé et dont il tirerait avantage.

117    Deuxièmement, il y a lieu de souligner qu’il n’est pas contesté que la base factuelle des motifs retenus dans les troisièmes actes de maintien à l’égard du requérant, qui se rattache au critère d’association et au critère g) modifié, se réfère, tout d’abord, à son ancienne fonction de pilote de course de l’écurie de Formule 1 Haas et à l’accord de parrainage, ensuite, au fait qu’il aurait créé une fondation qui serait destinée à être financée par Uralkali et, enfin, aux intérêts commerciaux communs dans Hitech GP, qui aurait été détenue en partie par son père à travers Uralkali et dont l’objectif serait de favoriser sa carrière en tant que pilote de sport automobile.

118    Troisièmement, il convient de constater que le Conseil s’est fondé sur les éléments de preuve figurant dans les trois premiers dossiers WK ainsi que sur les éléments de preuve supplémentaires figurant dans les cinq autres dossiers WK. En effet, contrairement à ce que soutient le requérant dans son second mémoire en adaptation et lors de l’audience, le seul fait que la lettre du 18 août 2023 ait mentionné que le Conseil « envisage[ait] de maintenir les mesures restrictives prises à l’encontre [du requérant] » et que le « document justificatif correspondant [, à savoir le huitième dossier WK était] joint à [cette lettre] » ne saurait prêter à confusion au point de considérer que le Conseil a substitué le huitième dossier WK à tous les dossiers WK transmis au requérant depuis son inscription initiale sur les listes en cause. D’ailleurs, ainsi que l’a confirmé le requérant lors de l’audience, il a tenu compte des éléments de preuve figurant dans l’ensemble des dossiers WK transmis par le Conseil depuis l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause pour contester la légalité des troisièmes actes de maintien.

119    Dès lors, il y a lieu de considérer que les quatrième à huitième dossiers WK, comportant des éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des liens vers des sites Internet, des articles de presse et des captures d’écran correspondantes, ne font que compléter les trois premiers dossiers WK et que c’est à la lumière de l’ensemble des éléments de preuve de ces huit dossiers WK qu’il y a lieu d’apprécier la légalité des troisièmes actes de maintien (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, EU:T:2023:530, point 57).

120    Le requérant conteste que le critère d’association et le critère g) modifié, puissent lui être appliqués. En substance, il fait valoir que ni son ancienne fonction de pilote de course de l’écurie de Formule 1 Haas qui était parrainée Uralkali, ni la fondation, ni les prétendus intérêts commerciaux communs dans Hitech GP ne permettent de considérer qu’il est associé à son père et qu’il tire avantage de ce dernier.

121    Le Conseil conteste les arguments du requérant et affirme n’avoir commis aucune erreur d’appréciation lors de l’adoption des troisièmes actes de maintien.

122    En l’espèce, il convient de vérifier si, conformément à la jurisprudence citée au point 70 ci-dessus, le Conseil a dûment tenu compte de l’évolution de la situation du requérant aux fins de décider du maintien de son nom sur les listes en cause et s’il pouvait notamment, au terme de son appréciation actualisée de la situation effectuée dans le cadre du réexamen des mesures restrictives en cause et sur la base de nouveaux éléments, continuer à se référer en partie à des faits passés et déjà retenus tant dans les actes initiaux que dans les premiers et les deuxièmes actes de maintien. À cette fin, il convient donc d’examiner s’il ressort des huit dossiers WK que le requérant pouvait être considéré, à la date d’adoption des troisièmes actes de maintien, comme étant associé à son père et comme étant un membre de la famille proche d’un homme d’affaires influent en Russie tirant avantage de ce dernier au sens du critère g) modifié.

1)      Sur le motif relatif à l’ancienne fonction de pilote de course du requérant au sein de l’écurie de Formule 1 Haas et à l’accord de parrainage

123    Il convient de rappeler qu’il ressort des motifs des troisièmes actes de maintien que le requérant a été, en tant que pilote course de l’écurie de Formule 1 Haas jusqu’en mars 2022, parrainé par son père par l’intermédiaire d’Uralkali, filiale d’Uralchem.

124    Cette partie des motifs a trait au fait que le père du requérant, propriétaire et ancien directeur général de JSC UCC Uralchem, et homme d’affaires influent intervenant dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, aurait, par l’accord de parrainage, parrainé les activités de son fils.

125    Le requérant conteste le bien-fondé de cette partie des motifs. Premièrement, le Conseil ne se serait fondé que sur des faits passés qui ne sont plus pertinents pour justifier son maintien sur les listes en cause. Deuxièmement, il prétend d’abord, en substance, que malgré la modification des motifs des troisièmes actes de maintien relative au parrainage de l’écurie de Formule 1 Haas, les éléments de preuve produits par le Conseil ne permettraient pas d’établir l’implication de son père dans le processus décisionnel ayant conduit à la signature de l’accord de parrainage ; ensuite que cet accord de parrainage était une opération commerciale tout à fait justifiée du point de vue économique pour Uralkali et, enfin, que le Conseil est resté en défaut de démontrer qu’il n’aurait pas pu obtenir cette place de pilote de course au sein de l’écurie de Formule 1 Haas sans cet accord.

126    Le Conseil conteste les arguments du requérant. Il relève en substance que le père du requérant serait à l’origine du parrainage des activités de son fils et que, par conséquent, ce dernier n’aurait pas pu obtenir la place de pilote de course au sein de l’écurie de Formule 1 Haas sans l’accord de parrainage. Il souligne notamment que les résultats du requérant dans l’écurie de Formule 1 Haas étaient médiocres, ce qui indique que son contrat aurait peut-être été résilié plus tôt s’il n’y avait pas eu ledit accord.

127    En premier lieu, en ce qui concerne l’argument du Conseil selon lequel, en substance, le requérant est associé à son père en raison de son ancienne fonction de pilote de course au sein de l’écurie de Formule 1 Haas et de l’accord de parrainage, il suffit de renvoyer aux raisons invoquées aux points 83 à 90 ci-dessus, qui s’appliquent mutatis mutandis aux troisièmes actes de maintien. En effet, le Conseil n’a fourni aucun élément probant relatif au requérant dans les huit dossiers WK permettant d’expliquer les raisons pour lesquelles celui-ci devait être considéré comme étant toujours lié à son père, homme d’affaires influent de la Fédération de Russie, après la résiliation de son contrat de pilote de course Formule 1 et de l’accord de parrainage en mars 2022.

128    En second lieu, l’argument du Conseil selon lequel, en substance, le requérant tire avantage de son père, dans la mesure où il n’aurait pas pu obtenir la place de pilote de course au sein de l’écurie de Formule 1 Haas sans l’accord de parrainage (voir point 126 ci-dessus), ne saurait prospérer.

129    En effet, indépendamment de la question de savoir si le père du requérant a été impliqué ou non dans la conclusion de l’accord de parrainage, force est de constater qu’aucun élément de preuve produit par le Conseil ne permet de démontrer que le requérant n’aurait pas pu obtenir cette place de pilote de course au sein de l’écurie de Formule 1 Haas sans cet accord.

130    Ainsi que le soutient le Conseil, il est certes vrai que certains éléments de preuve figurant dans les différents dossiers WK suggèrent que le requérant aurait bénéficié du soutien d’Uralkali liée à son père pour devenir pilote de l’équipe de Formule 1 ou font état d’appréciations négatives quant à ses résultats en tant que pilote de course de Formule 1 Haas. Toutefois, force est de constater que d’autres éléments de preuve font état d’une appréciation positive concernant ses qualifications et son expérience pour concourir en Formule 1. Tel est le cas, notamment, de la pièce no 16 du deuxième dossier WK ainsi que des pièces no 12 du premier dossier WK et no 1 du troisième dossier WK qui mettent en évidence les bons résultats du requérant en GP 3 (ancienne dénomination de la Formule 3) et en Formule 2 avant d’être recruté par l’équipe de Formule 1. En outre, ainsi que le relève le requérant à juste titre, le Conseil a lui-même implicitement admis, dans ses observations sur le premier mémoire en adaptation, que les performances antérieures de pilote du requérant constituaient un élément ayant peut-être contribué à son recrutement par l’écurie de Formule 1 Haas.

131    Par ailleurs, il y a lieu de rejeter l’argument du Conseil selon lequel l’accord de parrainage a équivalu à une action philanthropique ou à une opération commerciale contraire aux intérêts économiques d’Uralkali et que ce parrainage n’a pas bénéficié aux deux parties contractantes.

132    En effet, indépendamment de la circonstance que cet argument n’est étayé par aucun élément de preuve, force est de considérer que la Formule 1 jouit d’une renommée à l’échelle mondiale et qu’elle est un événement sportif diffusé dans de nombreux pays, si bien qu’il ne saurait être exclu que des sociétés qui seraient associées à la Formule 1, par le biais de parrainages, puissent en tirer des bénéfices commerciaux, et ce quand bien même il s’agirait de sociétés d’engrais n’ayant pas de rapport avec le sport automobile. Cela est d’ailleurs corroboré par les exemples mentionnés par le requérant dans son second mémoire en adaptation, qui font état de parrainages de sociétés d’engrais dans le sport automobile et dans le sport en général.

133    En tout état de cause, ce constat ne saurait être remis en cause par l’argument du Conseil selon lequel la résiliation de l’accord de parrainage, immédiatement après la résiliation du contrat du requérant avec l’écurie de Formule 1 Haas, montre que ce parrainage n’avait aucun lien avec les prétendus avantages que cette société tirerait du parrainage d’une écurie de Formule 1 et gagnerait à être présente dans le sport. En effet, d’une part, il ressort sans ambiguïté des pièces nos 6 et 9 du deuxième dossier WK, des pièces nos 12 à 15 du sixième dossier WK, de la pièce no 3 du septième dossier WK ainsi que de la déclaration de l’écurie de Formule 1 Haas du 5 mars 2022, mentionnée par le requérant dans son second mémoire en adaptation, que c’est ladite écurie qui a unilatéralement mis fin à l’accord de parrainage et non Uralkali. D’autre part, un tel argument est en contradiction avec la pièce no°13 du premier dossier WK dont il ressort qu’Uralchem était un partenaire de longue date de la Fédération russe de natation et qu’Uralkali avait été un sponsor de l’organisateur du Grand Prix de Formule 1 de Russie.

134    Il résulte des considérations qui précèdent que le Conseil est resté en défaut d’apporter un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, au sens de la jurisprudence rappelée au point 68 ci-dessus, permettant d’établir à suffisance de droit le bien-fondé de cette partie des motifs.

2)      Sur le motif relatif à la fondation

135    Il convient de rappeler qu’il ressort des motifs des troisièmes actes de maintien que « [l]a fondation est destinée à être financée par des fonds provenant d’Uralkali ».

136    Cette partie des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause a trait au fait que le père du requérant aurait, par le biais d’Uralkali, l’intention de financer la fondation de son fils.

137    Le requérant nie tirer avantage de son père par le biais de la fondation et fait valoir que cette dernière n’est destinée à être financée ni directement par Uralkali, ni au moyen des fonds de cette dernière. Il ajoute que cette partie des motifs est fondée sur des éléments de preuve datant de plus d’un mois avant sa création qui se limitent à faire état d’intentions et que, en tout état de cause, le Conseil n’aurait pas démontré l’implication de son père dans ce supposé financement de ladite fondation.

138    Le Conseil conteste les arguments du requérant. En substance, il soutient que même si un parrainage direct ne lui a pas encore été accordé, cette fondation bénéficierait d’un avantage du fait que le requérant et les dirigeants d’Uralkali ont publiquement déclaré qu’elle serait financée par Uralkali. En effet, cela aurait donné de la crédibilité à la fondation qui était jusqu’alors inconnue en attirant d’autres sponsors potentiels. Selon le Conseil, le fait qu’Uralkali et Uralchem soutiennent financièrement les activités professionnelles du requérant permet de présumer que son père et lui poursuivent des intérêts communs, et ce d’autant plus que ces deux sociétés n’auraient aucune raison commerciale de soutenir la création d’une nouvelle fondation inconnue soutenant les athlètes russes exclus des compétitions internationales. Le Conseil ajoute que la fondation a organisé une table ronde animée par le requérant lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, lequel était associé à Uralchem et, très probablement, parrainé par cette dernière. Enfin, le Conseil souligne que la fondation s’est associée à l’université d’État de Moscou, qui est parrainée par Uralchem et avec qui les athlètes de la fondation auraient la possibilité de participer à une initiative éducative. Or, selon le Conseil, si tous ces éléments, pris isolément, n’établissent pas l’existence d’intérêts mutuels entre le requérant et son père, ils doivent être examinés ensemble et en tenant compte de la configuration dans laquelle les sociétés détenues ou contrôlées par ce dernier soutiennent financièrement le requérant.

139    En premier lieu, s’agissant de l’application au requérant du critère d’association en ce que sa fondation serait « destinée à être financée par des fonds provenant d’Uralkali », il doit être relevé, premièrement, qu’il est constant entre les parties que, au jour de l’adoption des troisièmes actes de maintien, la fondation n’avait reçu aucun financement de la part d’Uralkali, ainsi que le laisse entendre au demeurant les motifs des troisièmes actes de maintien. Dès lors, le Conseil ne saurait valablement prétendre que le fait qu’Uralkali et Uralchem soutiennent financièrement les activités professionnelles du requérant permet de présumer que son père et lui poursuivent des intérêts communs, et ce d’autant plus que ces deux sociétés n’auraient aucune raison commerciale de soutenir la création d’une nouvelle fondation inconnue (voir point 138 ci-dessus).

140    Deuxièmement, il convient de souligner qu’il est vrai que les pièces nos 6, 8 et 9  du deuxième dossier WK, la pièce no 4 du troisième dossier WK, la pièce no 1 du quatrième dossier WK ainsi que les pièces nos 12 à 15 du sixième dossier WK font état d’informations ou de déclarations émanant du requérant et des dirigeants d’Uralkali, selon lesquelles ladite fondation sera ou serait financée par des fonds provenant de cette société. Toutefois, force est de constater que ces pièces consistent exclusivement en des articles de presse datés du mois de mars 2022, dont le requérant souligne qu’ils sont antérieurs à la création de ladite fondation et qui se limitent à faire état des intentions du requérant et d’Uralkali. Or, il ne ressort nullement des huit dossiers WK que de telles intentions aient été réitérées après la création de la fondation si bien qu’il ne peut être soutenu, à défaut d’autres preuves pour l’étayer, que la fondation est destinée à être financée par des fonds provenant d’Uralkali.

141    En second lieu, s’agissant de l’application au requérant du critère g) modifié, il ressort des points précédents que le Conseil n’a pas apporté d’éléments probants démontrant que la fondation aurait reçu un financement de la part d’Uralkali et, par conséquent, il n’a pas démontré l’existence d’un avantage dont aurait bénéficié le requérant. En outre doit être rejeté l’argument du Conseil selon lequel, en substance, quand bien même la fondation n’aurait perçu aucun financement, cette dernière bénéficierait d’un avantage en attirant des sponsors potentiels du seul fait d’avoir reçu l’assurance d’être financée par Uralkali. En effet, d’une part, cet argument n’est étayé par aucun élément de preuve. D’autre part, et en tout état de cause, il y a lieu de relever que, par cet argument, le Conseil tend à démontrer que la fondation bénéficierait d’un avantage alors que, d’après le critère g) modifié, il appartient au Conseil de démontrer que c’est le requérant qui tire avantage de son père.

142    Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument selon lequel la fondation a organisé une table ronde animée par le requérant lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg et s’est associée à l’université d’État de Moscou, il ne saurait prospérer. En effet, à supposer établi que la fondation ait organisé une table ronde et qu’elle se soit associée à cette université, il suffit de relever que cela ne figure nullement dans les motifs des troisièmes actes de maintien et que, en tout état de cause, ni la table ronde ni ladite association ne sont de nature à démontrer que le requérant tire un quelconque avantage de son père.

143    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le Conseil est resté en défaut d’apporter un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, au sens de la jurisprudence rappelée au point 68 ci-dessus, permettant d’établir à suffisance de droit le bien-fondé de cette partie des motifs.

3)      Sur le motif relatif aux intérêts commerciaux communs dans Hitech GP

144    Il y a lieu de rappeler qu’il ressort des motifs des troisièmes actes de maintien que le requérant « est également associé à son père par des intérêts commerciaux communs dans la société Hitech GP, qui était détenue en partie par [son père] à travers Uralkali et dont l’objectif est de favoriser la carrière [du requérant] en tant que pilote de sport automobile, et qui est désormais détenue par un associé commun des deux hommes. »

145    Le requérant conteste cette partie des motifs et nie être associé à son père ou tirer avantage de ce dernier par le biais de Hitech GP. Tout d’abord, il fait valoir que, s’il est vrai qu’il avait rejoint cette équipe lorsqu’il était mineur au début de sa carrière, il n’en faisait plus partie lorsqu’il pilotait pour l’équipe de Formule 1 Haas. Ensuite, il ajoute que ladite société n’a pas, et n’a jamais eu, pour objectif de favoriser sa carrière. Enfin, il souligne qu’il ressort des motifs des troisièmes actes de maintien que son père n’aurait plus d’intérêts ou de parts dans cette société, ce qui ferait échec à ce qu’il soit considéré comme lié à son père ou comme tirant avantage de ce dernier par l’intermédiaire de cette société.

146    Le Conseil conteste les arguments du requérant. En substance, il soutient que le père du requérant détenait, jusqu’en 2022, des droits de propriété partiels dans Hitech GP, directement ou par l’intermédiaire d’Uralkali et qu’il continue de contrôler Hitech GP. En outre, le requérant aurait été employé par cette société parrainée par Uralkali quand il était pilote pour des équipes de Formule 2 et Formule 3. Par ailleurs, Hitech GP, qui aurait publiquement confirmé qu’elle souhaiterait accéder à la Formule 1 avec sa propre écurie, serait toujours étroitement associée au requérant et à son père. En particulier, le requérant envisagerait de faire partie de l’équipe de Formule 1 de Hitech GP. Le Conseil ajoute que le principal actionnaire de Hitech GP aurait aidé le requérant à créer la société 99 racing qui l’emploie actuellement en tant que pilote dans l’Asian Le Mans Series et que le père soutiendrait encore la carrière de pilote de son fils, au motif qu’il ressortirait des éléments de preuve fournis que le requérant s’est rendu aux courses de ce championnat en utilisant le jet privé de son père.

147    En l’espèce, il ressort des motifs des troisièmes actes de maintien que le Conseil considère que le requérant est associé à son père et tire toujours avantage de ce dernier dès lors que, d’une part, ils ont des intérêts commerciaux communs dans Hitech GP et que, d’autre part, l’objectif de cette société est de favoriser la carrière du requérant.

148    Or, le Conseil reste en défaut d’apporter un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, au sens de la jurisprudence rappelée au point 68 ci-dessus, permettant d’établir à suffisance de droit l’existence tant d’intérêts communs au sens du critère d’association que d’avantages au sens du critère g) modifié.

149    S’agissant, en premier lieu, de l’objectif de Hitech GP, aucun élément de preuve produit par le Conseil ne peut laisser supposer que l’objectif de cette société est, ni même était, de favoriser spécifiquement la carrière du requérant ou de lui procurer quelque avantage que ce soit. En effet, non seulement cette société existait avant et après que le requérant en ait été le pilote, mais surtout il apparaît clairement, au vu du second mémoire en adaptation et des annexes produites par le requérant, qu’une multitude d’autres coureurs ont été employés par cette dernière, dont certains sont d’ailleurs encore actuellement pilote de Formule 1. Partant, à défaut de preuves contraires, s’il peut certes être considéré que cette société a pour objectif d’employer des pilotes de courses automobile ; ce qui pourrait avoir pour conséquence de favoriser leur carrière en fonction des résultats obtenus, tel est le cas pour tous les pilotes employés et pas spécifiquement le requérant comme il le souligne à juste titre.

150    En second lieu, en ce qui concerne les prétendus intérêts communs dans Hitech GP, il convient de relever qu’il n’est pas contesté que le père du requérant détenait jusqu’en 2022 cette société par l’intermédiaire d’Uralkali, ni que le requérant a été employé par Hitech GP avant qu’il ne rejoigne l’écurie de Formule1 Haas. Toutefois, il n’en demeure pas moins qu’aucun élément de preuve n’est de nature à démontrer que, au jour de l’adoption des troisièmes actes de maintien, le père du requérant détenait encore des participations dans Hitech GP ou qu’il la contrôlait. En outre, rien ne permet de considérer que le requérant était encore employé par cette société ou que sa carrière était encore liée à cette société lors de l’adoption desdits actes.

151    En effet, tout d’abord, en ce qui concerne les participations du père du requérant dans Hitech GP, le Conseil reconnaît lui-même, dans ses observations sur le second mémoire en adaptation, qu’elles ont été transférées peu de temps avant l’imposition de mesures restrictives à l’encontre du père du requérant.

152    Ensuite, quant au prétendu contrôle que continuerait à exercer le père du requérant malgré la cession des participations, le Conseil se fonde exclusivement sur les pièces nos 5 et 6 du septième dossier WK. Or, ces deux pièces, dont le Conseil précise qu’elles s’appuient uniquement sur la présentation du transfert desdites participations faite par un journaliste russe, ne font état que d’informations non étayées selon lesquelles le propriétaire majoritaire de Hitech GP serait un confident du père du requérant et qu’il effectuerait toutes les opérations sous sa direction.

153    Enfin, en ce qui concerne le lien qui perdurerait entre la carrière du requérant et Hitech GP, le Conseil ne saurait valablement soutenir que ce lien est établi au motif que le requérant envisagerait de concourir pour l’équipe de Formule 1 que Hitech GP souhaiterait créer à l’avenir. En effet, force est de constater que cela ne porte que sur une situation purement hypothétique, basée sur de simples intentions et dénuée de pertinence aux fins de déterminer si, au jour de l’adoption des troisièmes actes de maintien, le requérant était associé à son père ou tirait avantage de ce dernier par l’intermédiaire de Hitech GP. Ce constat ne saurait au demeurant être remis en cause par l’argument du Conseil selon lequel le principal actionnaire de Hitech GP aurait aidé le requérant à créer 99 racing qui l’emploie actuellement en tant que pilote dans l’Asian Le Mans Series et que le père du requérant soutiendrait encore la carrière de pilote de son fils dans ce championnat. En effet, il suffit de relever, d’une part, que la carrière de pilote dans ledit championnat n’est nullement mentionnée dans les motifs des troisièmes actes de maintien et que, d’autre part, le Conseil prétend que le soutien proviendrait du principal actionnaire de Hitech GP ou du père du requérant, et non de Hitech GP en tant que telle qui est en cause dans lesdits motifs.

154    Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’en conclure que le Conseil est resté en défaut de démontrer que le requérant et son père ont des intérêts commerciaux communs dans Hitech GP et que l’objectif de cette dernière est de favoriser la carrière du requérant.

155    Il y a donc lieu de conclure que, analysés dans leur ensemble, les éléments présentés en l’espèce par le Conseil ne constituent pas un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, au sens de la jurisprudence rappelée au point 68 ci-dessus, permettant d’établir à suffisance de droit l’existence tant d’intérêts communs au sens du critère d’association que d’avantages au sens du critère g) modifié, à la date d’adoption des troisièmes actes de maintien.

156    Il y a lieu d’accueillir le deuxième moyen relatif aux troisièmes actes de maintien et d’annuler ces actes en ce qu’ils visent le requérant, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres arguments ni sur les autres moyens invoqués par ce dernier à leur égard, ni sur la demande d’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure.

IV.    Sur les dépens

157    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

158    En outre, selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

159    En l’espèce, le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant, y compris ceux afférents à la procédure des quatre référés. La République de Lettonie supportera, quant à elle, ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme étant irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre les trois lettres des 15 septembre 2022, 14 mars 2023 et 15 septembre 2023 du Conseil de l’Union européenne adressées au requérant.

2)      La décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, le règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, le règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, la décision (PESC) 2023/1767 du Conseil, du 13 septembre 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, et le règlement d’exécution (UE) 2023/1765 du Conseil, du 13 septembre 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine sont annulés, dans la mesure où le nom de M. Nikita Dmitrievich Mazepin a été maintenu sur la liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’appliquent ces mesures restrictives.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par M. Nikita Dmitrievich Mazepin, y compris ceux afférents aux quatre procédures de référé.

4)      La République de Lettonie supportera ses propres dépens.

Spielmann

Brkan

Tóth

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 mars 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.