Language of document : ECLI:EU:T:2021:526

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

1er septembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale DONAS DULCESOL – Marque nationale verbale antérieure DONAS – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Absence de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure – Qualification des produits pour lesquels l’usage sérieux a été démontré – Article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑697/20,

Bimbo Donuts Iberia, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes M. Ceballos Rodríguez, I. Robledo McClymont et M. Hernández Gázquez avocates,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. R. Raponi et D. Gája, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Hijos de Antonio Juan, SL, établie à Villalonga (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 7 septembre 2020 (affaire R 514/2020-5), relative à une procédure d’opposition entre Bimbo Donuts Iberia et Hijos de Antonio Juan,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure) et M. R. Mastroianni, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 novembre 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 29 janvier 2021,

à la suite de l’audience du 29 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 14 juin 2018, Hijos de Antonio Juan, SL a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal DONAS DULCESOL.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Consommés; consommés ; bouillons ; crème à base de légumes ; extraits pour potages ; juliennes [potages] ; purée de légumes ; purée de pommes de terre ; purée de fruits ; viande ; poissons non vivants ; volaille [viande] ; gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées ; confitures ; compotes ; œufs ; lait ; produits laitiers ; huiles à usage alimentaire ; graisses comestibles » ;

–        classe 30 : « Café ; thé ; cacao ; succédanés du café ; riz ; tapioca ; sagou ; pain ; confiseries à base de sucre ; viennoiserie ; gâteaux-éponges ; brioches ; tartes ; barres de céréales ; farine ; préparations faites de céréales ; glaces comestibles ; miel ; sirop de mélasse ; levure ; poudre à lever ; sel ; moutarde ; vinaigres ; sauces [condiments] ; condiments ; épices ; glace à rafraîchir ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 150/2018, du 9 août 2018.

5        Le 10 septembre 2018, la requérante, Bimbo Donuts Iberia, SA, alors dénommée Bakery Donuts Iberia, SA, a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque espagnole verbale antérieure DONAS, déposée le 11 mai 1966 et enregistrée le 15 octobre 1968 sous le numéro M0 503 869, désignant notamment les produits relevant des classes 29 et 30 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Purées, légumes secs » ;

–        classe 30 : « Produits de boulangerie, farines, céréales, semoule et tapiocas compris dans cette classe, amidon à usage alimentaire, malt compris dans cette classe, pâtes alimentaires, riz, levures ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

8        À la suite de la demande formulée par Hijos de Antonio Juan et conformément à l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, l’EUIPO a invité la requérante à apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition. Cette dernière a déféré à ladite demande dans le délai imparti.

9        Le 30 janvier 2020, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité au motif que la requérante n’avait pas démontré l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée pour les produits sur lesquels l’opposition était fondée.

10      Le 11 mars 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 7 septembre 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En l’espèce, elle a considéré que la requérante n’avait pas apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure pour les produits pour lesquels cette marque avait été enregistrée. En revanche, elle a estimé que la requérante avait démontré la preuve de l’usage sérieux de ladite marque pour des « pâtisseries moelleuses se présentant sous la forme de boules, recouvertes d’un glaçage ou enrobées de chocolat », mais a rejeté les arguments de celle-ci qui visaient à inclure ce produit dans les catégories des « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol) et des « pâtes alimentaires », visées par la marque antérieure.

12      S’agissant des « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol), la chambre de recours a estimé qu’ils désignaient soit du « pain traditionnel », soit du « pain spécial » et qu’il existait une nette distinction entre ces produits et les pâtisseries ou les gâteaux, malgré leur mode de fabrication similaire. En outre, elle a considéré que la classification de Nice différenciait les « produits du pain » ou les « produits de la boulangerie » (productos de panificación en espagnol) et « les produits de pâtisserie », étant donné que, dès la première édition de 1963, ces derniers avaient été classés dans la classe 30 sous un intitulé spécifique, à savoir « Pâtisserie », se distinguant clairement de l’intitulé « Pain » relevant de la même classe. S’agissant des « pâtes alimentaires », la chambre de recours a considéré qu’elles faisaient référence aux célèbres produits de la cuisine italienne, tels que les spaghetti, les tagliatelle, les penne et les farfalle, et qu’elles ne correspondaient pas aux produits pour lesquels la marque antérieure avait été utilisée.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et, le cas échéant, l’intervenante aux dépens.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      La requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001.

16      La requérante fait valoir l’usage sérieux de la marque antérieure pour un produit relevant de la classe 30. S’agissant des produits relevant de la classe 29, la requérante a confirmé lors de l’audience que ni le recours devant le Tribunal, ni celui devant la chambre de recours ne visaient ces produits. La requérante ne conteste pas que le produit pour lequel la preuve de l’usage sérieux a été apportée est un produit appartenant à la catégorie des viennoiseries, ce qui est indiqué sur l’emballage du produit, et le définit comme un « beignet moelleux, se présentant sous la forme d’une boule plane, qui est cuit au four ou frit, selon le cas ». Toutefois, elle estime, contrairement à la chambre de recours, que ce produit est également inclus dans la catégorie des « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol) et dans la catégorie des « pâtes alimentaires », pour lesquels la marque antérieure est enregistrée.

17      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

18      Conformément à l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, ce n’est que lorsque le demandeur en a fait la requête que le titulaire d’une marque antérieure qui a formé opposition est appelé à apporter la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la date de dépôt ou la date de priorité de la demande de marque de l’Union européenne, la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire où elle est protégée pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage.

19      Une telle requête a donc pour effet de faire peser sur l’opposant la charge de prouver l’usage sérieux de sa marque, ou l’existence de justes motifs pour le non-usage, sous peine du rejet de son opposition. Elle doit être formulée expressément et en temps utile devant la division d’opposition, l’usage sérieux de la marque constituant une question qui, une fois soulevée par le demandeur de la marque, doit être réglée avant qu’il ne soit décidé sur l’opposition proprement dite [voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2007, Saint-Gobain Pam/OHMI – Propamsa (PAM PLUVIAL), T‑364/05, EU:T:2007:96, points 34 et 37 et jurisprudence citée].

20      Ainsi, il incombait à la requérante, avant que l’EUIPO ne procède à l’examen des motifs d’opposition visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, de rapporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, de telle sorte que, si cette preuve faisait défaut, l’opposition devait être rejetée, conformément à l’article 47, paragraphes 2 et 3, dudit règlement. De plus, cet usage devait porter sur les produits pour lesquels la marque antérieure était enregistrée et sur lesquels l’opposition était fondée, à savoir les produits relevant de la classe 30, visés au point 6 ci-dessus.

21      C’est à la lumière des considérations énoncées ci-dessus qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a violé l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001 en estimant que le produit pour lequel la requérante avait prouvé un usage sérieux en Espagne n’était pas couvert par la marque antérieure.

 Sur la prétendue appartenance du produit pour lequel la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure a été apportée à la catégorie des « produits de boulangerie »(productos de panificación en espagnol)

22      En premier lieu, la requérante conteste l’interprétation de la chambre de recours de la publication officielle de la Comunidad de Madrid (communauté de Madrid, Espagne) intitulée « El sector de los productos de panadería, bollería y pastelería industrial, y galletas en la Comunidad de Madrid » [Le secteur des produits de boulangerie, de la viennoiserie et de la pâtisserie industrielles et des biscuits dans la Communauté de Madrid, Bardón Iglesias, R., e.a., Dirección General de Ordenación e Inspección, et Instituto de Nutrición y Trastornos Alimentarios de la Comunidad de Madrid (INUTCAM), Madrid, 2010, ci-après la « publication de la Communauté de Madrid »] et considère que celle-ci regarde les produits issus d’un processus de panification (productos de panificación en espagnol) comme étant un type de produits de boulangerie (productos de panadería en espagnol). Cela confirmerait que les « produits issus d’un processus de panification » (productos de panificación en espagnol) ne désignent pas seulement les « produits destinés à la boulangerie » (productos para la panificación en espagnol), c’est à dire les ingrédients de ce processus, ou le pain, car les viennoiseries seraient aussi des produits résultant du processus de panification. Ensuite, la requérante considère que les définitions des « pains spéciaux » et des « produits de viennoiserie » contenues dans la publication susmentionnée ne permettent pas de distinguer l’une et l’autre notion, ce qui serait confirmé par la grande variété des produits. Enfin, certains produits pourraient être inclus tant dans la définition des « viennoiseries » que dans celle des « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol) et la publication de la Communauté de Madrid opèrerait une distinction entre ces produits en raison de sa structure en plusieurs parties, dont l’une est relative aux produits de boulangerie (productos de panadería en espagnol) et l’autre aux viennoiseries et pâtisseries industrielles et aux gâteaux. La requérante fait valoir que lesdites parties obéissent à un critère purement éditorial, choisi parmi d’autres critères de classifications alternatifs, et ne permettent pas de justifier que le produit pour lequel la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure a été apportée ne soit pas inclus dans la catégorie des « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol).

23      En deuxième lieu, la requérante considère, s’agissant de la référence aux intitulés relevant de la classe 30 de la classification de Nice sur lesquels s’appuie la chambre de recours, d’une part, que la classification de Nice constitue un système d’aide au classement des produits et services qui ne prévoit pas qu’un produit doive uniquement appartenir à un intitulé ou une catégorie. D’autre part, la requérante considère que le terme « viennoiserie » n’est ni un titre de ladite classe, ni une catégorie de la liste des produits de la marque antérieure. Ainsi, inclure les viennoiseries dans la catégorie de la « pâtisserie » et ne pas les inclure également dans celle du « pain », dans laquelle se retrouvent, selon la chambre de recours, les « produits de boulangerie » (productos de panificación » en espagnol), serait une construction théorique qui ne correspondrait ni à la réalité du produit ni à celle du marché.

24      En troisième lieu, la requérante, afin de démontrer qu’il est impossible de classer le produit pour lequel la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure a été apportée dans une seule catégorie, fait référence à l’annexe 5 du recours devant la chambre de recours. Cette annexe illustrant une recherche sur Internet contenant l’expression « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol) ferait apparaître tout type de pains, viennoiseries et gâteaux.

25      En quatrième lieu, la requérante fait valoir que le chevauchement entre les « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol) et les « produits de viennoiserie » s’explique par le fait qu’ils partagent les mêmes ingrédients, le même processus d’élaboration et les mêmes points de vente et canaux de distribution et par la variété des produits faisant partie de la culture gastronomique espagnole. Dès lors, les « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol) protégés par la marque antérieure ne seraient pas seulement des produits destinés à la boulangerie ou des pains, mais comprendraient certains « produits de viennoiserie ».

26      En cinquième lieu, la requérante souligne que la chambre de recours fait indistinctement référence au produit pour lequel la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure a été apportée par les termes « bollería », « confitería », « repostería » et « pastelería » alors que cette dernière tracerait une frontière nette entre un « produit de viennoiserie » et un « produit de boulangerie » (productos de panificación en espagnol). Cette alternance de termes démontrerait que les différences d’acceptions de ces notions sont subtiles et que cette frontière n’existe pas.

27      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

28      En premier lieu, il convient de rappeler qu’il y a lieu d’interpréter la liste des produits et des services pour lesquels une marque antérieure est enregistrée et dont la preuve de l’usage sérieux a été demandée, afin de déterminer l’étendue de la protection de ladite marque et de régler la question de son usage sérieux, de la manière la plus cohérente qui soit, compte tenu de sa signification littérale et de sa construction grammaticale, mais également, en cas de risque de résultat absurde, de son contexte et de la volonté effective du titulaire de cette marque quant à sa portée [voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2019, Alliance Pharmaceuticals/EUIPO – AxiCorp (AXICORP ALLIANCE) T‑279/18, EU:T:2019:752, point 50].

29      Dans ce sens, il convient de rappeler que l’étendue de la protection d’une marque de l’Union européenne est toujours déterminée en fonction du sens propre et usuel des termes choisis [voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2015, Sony Computer Entertainment Europe/OHMI – Marpefa (Vieta), T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950, point 66]. C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’interpréter l’expression « produits de boulangerie ».

30      Il y a lieu de constater, à l’instar de l’EUIPO, que la publication de la Communauté de Madrid à laquelle fait référence la chambre de recours établit une distinction claire entre, d’une part, les « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol) et, d’autre part, les produits de viennoiserie, de pâtisserie industrielle et les biscuits, tout en tenant compte du fait que ces secteurs « se caractérisent par une grande variété de produits et une innovation et diversification continues ».

31      S’agissant de la définition des « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol), la chambre de recours a relevé, à l’instar de la publication de la Communauté de Madrid, qu’il convenait de distinguer deux catégories : le « pain traditionnel » et le « pain spécial ». En particulier, il s’agit de « pain spécial » si « l’on y ajoute un additif et/ou auxiliaire technologique de boulangerie autorisé pour les pains spéciaux, si une farine enrichie est utilisée comme matière première, si d’autres ingrédients alimentaires tels que le gluten, le son, le lait, les œufs, la farine de légumineuses, le cacao, les matières grasses sont ajoutés et augmentent sa valeur nutritionnelle, ou s’ils ne comportent pas de microorganismes typiques de la fermentation, volontairement ajoutés ». Cette définition a été reprise par la publication de la Communauté de Madrid conformément au Real Decreto 1137/1984 por el que se aprueba la Reglamentación Técnico-Sanitaria para la Fabricación, Circulación y Comercio del Pan y Panes Especiales (décret royal 1137/1984 portant approbation du règlement technico-sanitaire pour l’élaboration, la circulation et le commerce du pain et des pains spéciaux), du 28 mars 1984 (BOE no 146, du 19 juin 1984, p. 17901).

32      S’agissant de la définition des « produits de viennoiserie », comme le fait remarquer l’EUIPO, les produits de viennoiserie ou de pâtisserie ne sont pas mentionnés dans l’énumération et la description de la gamme des « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol), mais dans une autre partie distincte. En particulier, les « produits de viennoiserie » sont définis par la publication de la Communauté de Madrid à la page 74 comme « les préparations alimentaires à base de pâte de farine comestibles fermentée, cuite ou frite, auxquelles d’autres aliments, compléments du processus de panification et/ou des additifs autorisés ont été ou non ajoutés » conformément à un autre décret, le Real Decreto 2419/1978 por el que se aprueba la Reglamentación Técnico-Sanitaria para la elaboración, circulación y comercio de productos de confitería-pastelería, bollería y repostería (décret royal 2419/1978 portant approbation du règlement technico-sanitaire pour l’élaboration, la circulation et le commerce de produits de confiserie-pâtisserie, viennoiserie et gâteaux), du 19 mai 1978 (BOE no 244, du 12 octobre 1978, p. 23699).

33      À la lumière des définitions rappelées aux points 31 et 32 ci-dessus, il y a lieu de souligner, conformément aux observations de l’EUIPO, que la publication de la Communauté de Madrid marque, à plusieurs reprises, une différence claire entre les « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol) et les « produits de viennoiserie ». Tout d’abord, l’énumération et la description de la gamme des produits issus d’un processus de panification, contenue au paragraphe 4.1.2 de cette publication, se présente comme une liste limitative qui ne fait aucune mention des « produits de viennoiserie ». Ensuite, dans l’énumération et la description de la gamme des produits de viennoiserie et de pâtisserie industrielle, contenue au paragraphe 5.1.2 de la même publication, il n’est pas fait référence aux « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol), ce qui renforce la constatation qu’il s’agit de deux catégories distinctes. Enfin, le constat effectué dans la publication de la Communauté de Madrid, au début de la partie dédiée aux produits de viennoiserie et de pâtisserie industrielle, selon lequel ces derniers présentent une méthode de fabrication similaire à celle des produits de boulangerie (productos de panificación en espagnol) fait apparaitre clairement qu’une différenciation est opérée entre ces produits en dépit de leurs points communs.

34      Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la requérante, le fait que la publication de la Communauté de Madrid soit structurée en plusieurs parties avec, d’une part, le « pain » et, d’autre part, les produits de « viennoiserie, pâtisserie industrielle et gâteaux » ne constitue pas un critère purement éditorial, mais coïncide avec les définitions des « pains spéciaux » et des « produits de viennoiserie », rappelées aux points 31 et 32 ci-dessus, et témoigne du sens propre et usuel de ces expressions. Dès lors, l’existence de critères de classifications alternatifs, présentés à titre illustratif par la requérante, et n’étant pas basés sur le sens propre et usuel des termes, mais sur le fait que les différentes catégories de produits soient périssables ou durables, n’est pas pertinente dans ce contexte.

35      En deuxième lieu, s’agissant de la référence à la classification de Nice, il y a lieu de souligner que nonobstant le fait que cette classification ait été adoptée à des fins exclusivement administratives [arrêt du 13 décembre 2004, El Corte Inglés/OHMI – Pucci (EMILIO PUCCI), T‑8/03, EU:T:2004:358, point 40], il ne saurait être exclu de prendre en compte, à des fins d’interprétation ou en tant qu’indice de précision s’agissant de la désignation des produits, la classe que la requérante a choisie dans ladite classification [voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2018, Brunner/EUIPO – CBM (H HOLY HAFERL HAFERL SHOE COUTURE), T‑367/16, non publié, EU:T:2018:28, point 50].

36      En outre, comme le fait valoir la requérante, il y a lieu de relever que les intitulés des classes ne constituent pas un système dans lequel il serait exclu qu’un produit ou un service contenu dans une classe ou une catégorie puisse également faire partie d’une autre classe ou catégorie [arrêt du 21 octobre 2014, Szajner/OHMI – Forge de Laguiole (LAGUIOLE), T‑453/11, EU:T:2014:901, point 88].

37      En l’espèce, il y a lieu de constater que la chambre de recours a pris en considération le fait que la première édition de la classification de Nice de 1963, en vigueur à l’époque de la demande de la marque antérieure, tenait compte de la différence entre les produits du pain ou de la boulangerie (productos de panificación en espagnol) et ceux de la pâtisserie, étant donné que ladite classification présentait déjà des intitulés spécifiques, à savoir « Pâtisserie », compris dans la classe 30, et « Pain » relevant de la même classe.

38      Contrairement à ce que soutient la requérante, le Tribunal constate que, indépendamment du fait que le terme « viennoiserie » (bollería en espagnol) n’est ni un intitulé de la classe 30 de la classification de Nice, ni un des produits pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée, l’interprétation de la chambre de recours ne constitue pas une construction théorique qui ne correspondrait ni à la réalité du produit ni à celle du marché. À cet égard, le produit pour lequel la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure a été apportée, c’est-à-dire une pâtisserie moelleuse se présentant sous la forme d’une boule, recouverte d’un glaçage ou enrobée de chocolat, a été qualifié de type de produit de viennoiserie (bollería en espagnol) et appartient, du point de vue de la classification de Nice à la catégorie « pâtisserie » et non à la catégorie « pain », toutes deux relevant par ailleurs de la classe 30 de ladite classification. Cette interprétation correspond au sens propre et usuel desdits termes, tels que décrits aux points 31 et 32 ci-dessus, et à la définition non contestée du produit en cause.

39      En troisième lieu, il convient de constater que l’argument de la requérante visant à démontrer que les différences entre les termes « bollería », « confitería », « repostería » et « pastelería » sont subtiles est dépourvu de pertinence. En l’espèce, le fait que la chambre de recours aurait indistinctement fait référence à ces termes ne permet pas de remettre en cause la distinction qui existe entre ceux-ci et les « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol). En effet, lesdits termes s’inscrivent tous dans le champ lexical de la pâtisserie et ne font que confirmer la différenciation faite par la chambre de recours qui ressort de la publication de la Communauté de Madrid, d’une part, et de la classification de Nice, d’autre part.

40      En quatrième lieu, si la requérante ne conteste pas que le produit pour lequel la preuve de l’usage sérieux a été apportée relève de la catégorie « pâtisserie », ce qu’elle a par ailleurs confirmé lors de l’audience, elle considère que ledit produit appartient également aux « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol). À ce titre, elle estime que les « produits issus d’un processus de panification » (productos de panificación en espagnol) ne sont pas seulement des « produits destinés à la boulangerie » (productos para la panificación en espagnol), c’est‑à‑dire les ingrédients de ce processus, ni seulement du pain, car les viennoiseries (bollería en espagnol) résulteraient également du processus de panification (productos de panificación en espagnol). À cet égard, il convient de relever, premièrement, que les « produits de panification » désignent les produits permettant de réaliser l’ensemble des opérations liées à la transformation d’une matière première en pain. Secondement, s’agissant du fait que les mêmes ingrédients sont utilisés dans le processus de fabrication tant des « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol), que des « produits de viennoiseries », il y a lieu de relever que de nombreux produits appartenant aux différentes catégories de la classe 30 de la classification de Nice sont élaborés à partir d’ingrédients similaires ou identiques tels que la farine, le lait ou les œufs. Le fait qu’ils partagent ces ingrédients n’implique pas que, en tant que produits finis, ils relèvent d’une même catégorie ou simultanément de catégories différentes de ladite classe 30. En effet, à titre d’exemple, au sein de cette classe, les catégories telles que celles des « pâtisserie et confiserie », des « gâteaux » ou des « biscuits » sont distinctes malgré leur fabrication à partir d’ingrédients similaires ou identiques.

41      De même, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de l’identité des points de vente et des canaux de distribution, il convient de souligner que, bien qu’il existe des établissements appelés boulangeries ou pâtisseries, le fait que ces commerces vendent parfois indistinctement différents produits appartenant chacun à des catégories ou des classes différentes de la classification de Nice, tels que des produits de boulangerie, de pâtisserie, de confiserie ou même des boissons, ne signifie pas non plus que lesdits produits appartiennent à une même catégorie ou simultanément à plusieurs catégories ou classes de la classification de Nice.

42      Enfin, il y a lieu de constater, au demeurant, ainsi que le souligne l’EUIPO, que le fait que les produits de boulangerie (productos de panificación en espagnol) et de viennoiserie partagent les mêmes ingrédients, les mêmes procédés d’élaboration et les mêmes points de vente et canaux de distribution pourrait être pertinent lorsqu’il s’agit d’établir l’éventuelle similitude entre des produits et des services faisant l’objet d’une comparaison.

43      En cinquième lieu, s’agissant de la recherche effectuée sur Internet figurant à l’annexe 5 du recours devant la chambre de recours, le Tribunal constate, à l’instar de l’EUIPO, que les images de pâtisseries et de viennoiseries qui apparaissent en plus de celles des produits de boulangerie (productos de panificación en espagnol) incluent fréquemment, dans leur légende, une référence aux « produits de boulangerie et de pâtisserie » et non uniquement une référence aux « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol). En outre, il y a lieu de préciser que certains résultats de la recherche réalisée sur Internet renvoient à des sites destinés à un public situé en dehors de l’Union européenne, ainsi qu’il ressort des adresses de ces sites, par exemple « celiacosperu.org », et des noms de domaine, par exemple « .ar » et « .mx ». Or, ces résultats ne concernent pas le territoire espagnol et doivent, dès lors, être écartés. Partant, les résultats de cette recherche ne permettent pas de remettre en cause la distinction entre les produits de boulangerie (productos de panificación en espagnol) et ceux de viennoiserie et de pâtisserie effectuée, sans commettre d’erreur d’appréciation, par la chambre de recours.

44      Il ressort de ce qui précède que la requérante n’a pas démontré que le produit pour lequel elle a apporté la preuve de l’usage de la marque antérieure, tel que défini par la chambre de recours, appartenait à la catégorie des « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol), de sorte que c’est à juste titre que cette dernière l’a inclus dans une catégorie distincte, celle des produits de « pâtisserie », qui ne font pas partie des produits couverts par la marque antérieure. Cette conclusion est confirmée par le fait que, parmi les éléments de preuve produits par la requérante figure un modèle d’emballage sur les côtés duquel la marque antérieure est apposée ainsi que, en plus petits caractères, la description du produit comme étant un « produit de viennoiserie » et un « beignet fourré à la crème enrobé de cacao » et non comme un « produit de boulangerie » (productos de panificación en espagnol).

 Sur la prétendue appartenance du produit pour lequel la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux à la catégorie des « pâtes alimentaires »

45      La requérante estime que le produit pour lequel elle a apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure peut aussi relever de la catégorie des « pâtes alimentaires », étant donné qu’une des acceptions du mot « pâte », dans le Diccionario de la lengua española, correspondrait au produit en cause, à savoir une sorte de beignet, et que l’adjectif qualificatif « alimentaire » indiquerait que cette « pâte » possède la propriété d’alimenter.

46      À cet égard, la chambre de recours a constaté que la référence faite par la requérante à l’une des acceptions du mot « pâte », défini dans le Diccionario de la lengua española comme une « petite pièce confectionnée avec une pâte à base de farine et d’autres ingrédients, cuite au four, parfois enrobée de chocolat, de confiture, etc. », pour identifier le produit pour lequel la marque antérieure avait été utilisée, était incorrecte dans la mesure ou la marque antérieure ne désignait pas simplement les « pâtes », mais les « pâtes alimentaires », définies dans le Diccionario agrícola comme « un produit obtenu par séchage d’une pâte non fermentée préparée à partir de semoules ou de farine de blé dur, de blé semi-dur, de froment ou d’un mélange de ces farines, et d’eau potable ».

47      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

48      En l’espèce, comme il ressort de la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus, il y a lieu d’interpréter le libellé de la liste des produits et des services pour lesquels une marque antérieure est enregistrée de la manière la plus cohérente qui soit, compte tenu de sa signification littérale et de sa construction grammaticale.

49      À cet égard, il convient de relever, ainsi que l’a considéré la chambre de recours, que l’interprétation avancée par la requérante se réfère simplement à la définition du mot « pâte » et non à celle de l’expression « pâtes alimentaires » prise dans son ensemble. Or, il y a lieu de constater que la signification littérale de l’expression « pâtes alimentaires » possède un sens clair et spécifique qui doit être pris en considération afin d’interpréter adéquatement la liste des produits pour lesquels la marque antérieure est enregistrée.

50      En effet, le fait que le produit pour lequel la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure a été apportée est constitué d’une pâte à base de farine et est un produit alimentaire ne suffit pas pour l’inclure dans la catégorie des « pâtes alimentaires », telles que définies par le Diccionario agrícola au point 46 ci-dessus, qui font référence, comme le souligne la chambre de recours, « aux célèbres produits, renommés dans la cuisine italienne, tels que les spaghetti, tagliatelle, penne ou farfalle », et non aux produits de viennoiserie.

51      Partant, il convient d’écarter l’argument de la requérante fondé sur l’annexe 7 produite devant la chambre de recours, qui illustre les résultats d’une recherche effectuée sur Internet concernant uniquement le terme « pâte » et non l’expression « pâte alimentaire » prise dans son ensemble.

52      Dans ces circonstances, c’est à juste titre que la chambre de recours a exclu que le produit pour lequel la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure avait été apportée était compris dans la catégorie des pâtes alimentaires.

 Sur la jurisprudence concernant la preuve de l’usage sérieux pour une partie des produits concernés

53      La requérante se réfère à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal qui interprète la question de l’usage sérieux d’une marque dans une procédure d’opposition, en particulier en ce qui concerne une partie des produits protégés, en faisant valoir qu’il convient de mettre en perspective le produit pour lequel l’usage sérieux de la marque antérieure a été démontré, par rapport aux « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol). Elle conclut que le produit pour lequel la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure a été apportée est inclus dans la liste des produits pour lesquels cette dernière a été enregistrée.

54      L’EUIPO conteste l’appréciation de la requérante.

55      À cet égard, il y a lieu de constater que les références faites à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal correspondent à des affaires dans lesquelles le titulaire de la marque antérieure avait prouvé l’usage sérieux pour au moins une partie des produits et services pour lesquels ladite marque avait été enregistrée et dans lesquelles la question était de savoir si ces produits étaient compris dans une sous-catégorie qui pouvait être considérée comme autonome.

56      Or, ainsi qu’il a été relevé aux points 44 et 52 ci-dessus, le produit pour lequel la requérante a apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure sur le territoire pertinent n’est ni inclus dans les « produits de boulangerie » (productos de panificación en espagnol), ni dans les « pâtes alimentaires » pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée. Partant, les affaires invoquées par la requérante sont différentes du cas d’espèce et ne remettent pas en cause le bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours.

 Sur l’argument tiré de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

57      La requérante, tout en reconnaissant que, dans la décision attaquée, la chambre de recours s’est uniquement prononcée sur la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, allègue néanmoins l’existence d’un risque de confusion, car les signes sont, selon elle, partiellement identiques et couvrent des produits identiques ou similaires.

58      À cet égard, il convient de rappeler que l’usage sérieux d’une marque antérieure constitue une question préalable qui doit être réglée avant que ne soit prise une décision sur l’opposition proprement dite, laquelle peut avoir trait à l’existence d’un risque de confusion entre cette marque et une marque demandée [voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2016, Polo Club/EUIPO – Lifestyle Equities (POLO CLUB SAINT-TROPEZ HARAS DE GASSIN), T‑67/15, non publié, EU:T:2016:657, point 112 et jurisprudence citée].

59      Dès lors, dans le cadre du présent litige, eu égard au fait que la chambre de recours a constaté, à juste titre, que la requérante n’avait pas apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure pour les produits protégés par cette dernière, l’argument de la requérante doit être écarté comme inopérant (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2017, Josel/EUIPO – Nationale-Nederlanden Nederland (NN), T‑333/15, non publié, EU:T:2017:444, point 49). Au demeurant, il y a lieu de relever que le Tribunal ne peut pas trancher une question sur laquelle la chambre de recours n’a pas pris position [arrêt du 6 avril 2017, Nanu-Nana Joachim Hoepp/EUIPO – Fink (NANA FINK), T‑39/16, EU:T:2017:263, point 39].

60      Au vu de ce qui précède, le moyen unique invoqué par la requérante au soutien de ses conclusions ne devant pas être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

62      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bimbo Donuts Iberia, SA est condamnée aux dépens.

Spielmann

Spineanu-Matei

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.