Language of document : ECLI:EU:T:2002:249

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

17 octobre 2002 (1)

«Pêche - Réduction d'un concours financier communautaire - Recours en annulation - Articles 44 et 47 du règlement (CEE) n° 4028/86 et article 7 du règlement (CEE) n° 1116/88 - Principe de proportionnalité - Recours en indemnité»

Dans l'affaire T-180/00,

Astipesca, SL, établie à Huelva (Espagne), représentée par Mes J.-R. García-Gallardo Gil-Fournier et M. D. Domínguez Pérez, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. L. Visaggio, puis par Mme S. Pardo Quintillán, en qualité d'agents, assistés de Me J. Guerra Fernández, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la télécopie de la Commission du 5 mai 2000 informant la requérante du paiement, opéré le 4 mai 2000, d'une partie du solde du concours alloué au projet SM/ESP/20/92 et de la lettre de la Commission du 18 mai 2000, portant réduction du concours susvisé, et, d'autre part, une demande d'indemnisation fondée sur le caractère prétendument illégal de la suspension du paiement du solde de ce concours et de la réduction susmentionnée,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, K. Lenaerts et J. Azizi, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 8 mai 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre réglementaire

1.
    Le 18 décembre 1986, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 4028/86, relatif à des actions communautaires pour l'amélioration et l'adaptation des structures du secteur de la pêche et de l'aquaculture (JO L 376, p. 7). Ce règlement, tel qu'il a été modifié, successivement, par le règlement (CEE) n° 3944/90 du Conseil, du 20 décembre 1990 (JO L 380, p. 1), par le règlement (CEE) n° 2794/92 du Conseil, du 21 septembre 1992 (JO L 282, p. 3), et par le règlement (CEE) n° 3946/92 du Conseil, du 19 décembre 1992 (JO L 401, p. 1), prévoit, aux articles 21 bis à 21 quinquies, la possibilité pour la Commission d'accorder aux projets de sociétés mixtes de pêche différentes sortes de concours financiers, d'un montant variable en fonction du tonnage et de l'âge des navires concernés, pour autant que ces projets respectent les conditions qu'il fixe.

2.
    La «société mixte» est définie, à l'article 21 bis du règlement n° 4028/86, comme suit:

«Au sens du présent titre, on entend par société mixte, une société de droit privé comportant un ou plusieurs armateurs communautaires et un ou plusieurs partenaires d'un pays tiers avec lequel la Communauté maintient des relations, liés par une convention de société mixte, destinée à exploiter et éventuellement valoriser les ressources halieutiques situées dans les eaux sous souveraineté et/ou juridiction de ces pays tiers, dans une perspective d'approvisionnement prioritaire du marché de la Communauté.»

3.
    L'article 21 ter, paragraphe 2, du règlement n° 4028/86 se lit comme suit:

«Pour bénéficier d'un concours financier, les projets de sociétés mixtes doivent concerner des navires d'une longueur entre perpendiculaires supérieure à 12 mètres, techniquement appropriés aux opérations de pêche envisagées, en activité depuis plus de cinq ans, battant pavillon d'un État membre et enregistrés dans un port de la Communauté mais qui seront transférés définitivement vers le pays tiers concerné par la société mixte. [...]»

4.
    L'article 21 quinquies, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 4028/86 fixe les modalités relatives à l'introduction d'une demande de concours financier et à la procédure d'octroi de celui-ci. Au paragraphe 3 de ce même article, il est indiqué que, pour les projets ayant bénéficié d'un concours financier, le bénéficiaire doit transmettre à la Commission et à l'État membre un rapport périodique sur l'activité de la société mixte.

5.
    L'article 44 du règlement n° 4028/86 dispose:

«1. Pendant toute la durée de l'intervention communautaire, l'autorité ou l'organisme désigné à cet effet par l'État membre intéressé transmet à la Commission, à sa demande, toute pièce justificative et tout document de nature à établir que les conditions financières ou autres imposées pour chaque projet sont remplies. La Commission peut décider de suspendre, de réduire ou de supprimer le concours, selon la procédure prévue à l'article 47:

-    si le projet n'est pas exécuté comme prévu, ou

-    si certaines des conditions imposées ne sont pas remplies [...]

La décision est notifiée à l'État membre intéressé ainsi qu'au bénéficiaire.

La Commission procède à la récupération des sommes dont le versement n'était pas ou n'est pas justifié.

2. Les modalités d'application du présent article sont arrêtées par la Commission selon la procédure prévue à l'article 47.»

6.
    L'article 47 du règlement n° 4028/86 se lit comme suit:

«1. Lorsqu'il est fait référence à la procédure définie au présent article, le comité permanent des structures de la pêche est saisi par son président, soit à l'initiative de celui-ci, soit à la demande du représentant d'un État membre.

2. Le représentant de la Commission soumet un projet de mesures à prendre. Le comité émet son avis dans un délai que le président peut fixer en fonction de l'urgence des questions. [...]

3. La Commission arrête les mesures qui sont immédiatement applicables. Toutefois, si ces mesures ne sont pas conformes à l'avis du comité, la Commission les communique aussitôt au Conseil; dans ce cas, la Commission peut en différer l'application d'un mois au plus à compter de cette communication. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut prendre des mesures différentes dans le délai d'un mois.»

7.
    Le 20 avril 1988, la Commission a adopté le règlement (CEE) n° 1116/88 relatif aux modalités d'exécution des décisions de concours pour des projets concernant des actions communautaires pour l'amélioration et l'adaptation des structures de secteur de la pêche, de l'aquaculture et de l'aménagement de la bande côtière (JO L 112, p. 1).

8.
    L'article 7 du règlement n° 1116/88 prévoit:

«Avant d'engager la procédure de suspension, de réduction ou de suppression du concours prévue à l'article 44, paragraphe 1, du règlement [...] n° 4028/86, la Commission:

-    en avise l'État membre sur le territoire duquel le projet devrait être exécuté, qui peut prendre position à ce sujet,

-    consulte l'autorité compétente chargée de transmettre les pièces justificatives,

-    appelle le ou les bénéficiaires à exprimer, par l'intermédiaire de l'autorité ou de l'organisme, les raisons du non-respect des conditions prévues.»

9.
    Le 21 juin 1991, la Commission a adopté le règlement (CEE) n° 1956/91 portant modalités d'application du règlement n° 4028/86 en ce qui concerne les actions d'encouragement à la constitution des sociétés mixtes (JO L 181, p. 1).

10.
    L'article 5 du règlement n° 1956/91 dispose que le paiement du concours communautaire n'intervient qu'une fois que la société mixte a été constituée dans le pays tiers concerné et que les navires transférés ont été définitivement radiés du registre communautaire et enregistrés dans un port du pays tiers où la société mixte a son siège. Il ajoute que, lorsque le concours communautaire consiste, en tout ou en partie, en une subvention en capital, cette subvention, sans préjudice desdites conditions, peut faire l'objet d'un premier versement ne devant pas dépasser 80 % du montant total de la subvention accordée. La demande de paiement du solde de la subvention doit être accompagnée du premier rapport périodique relatif à l'activité de la société mixte. Cette demande peut être introduite au plus tôt douze mois après la date de paiement du premier versement.

11.
    Aux termes de l'article 6 du règlement n° 1956/91, le rapport périodique, visé à l'article 21 quinquies, paragraphe 3, du règlement n° 4028/86, doit parvenir à la Commission tous les douze mois pendant trois années consécutives, contenir les données indiquées à l'annexe III dudit règlement et être introduit sous la forme prévue à ladite annexe.

12.
    La partie B de l'annexe I du règlement n° 1956/91 comporte une note, intitulée «important», qui se lit comme suit:

«Il est rappelé au(x) demandeur(s) que, pour qu'une société mixte puisse bénéficier d'une prime au sens du règlement [...] n° 4028/86, modifié par le règlement [...] n° 3944/90, celle-ci doit notamment:

-    concerner des navires d'une longueur entre perpendiculaires supérieure à 12 mètres, techniquement appropriés aux opérations de pêche envisagées, en activité depuis plus de cinq ans, battant pavillon communautaire et enregistrés dans un port de la Communauté mais qui seront transférés définitivement vers le pays tiers concerné par la société mixte [...]

-    être destinée à exploiter et éventuellement valoriser les ressources halieutiques situées dans les eaux sous souveraineté et/ou juridiction du pays concerné,

-    viser un approvisionnement prioritaire du marché de la Communauté,

-    être fondée sur une convention de société mixte.»

Faits à l'origine du litige

13.
    Le 30 avril 1992, Martín Vázquez SA a présenté à la Commission, par l'intermédiaire des autorités espagnoles, un projet de société mixte afin d'obtenir un concours financier sur la base du règlement n° 4028/86. Ce projet, qui avait reçu l'aval des autorités susvisées, prévoyait le transfert, en vue d'activités de pêche, de trois navires, le Marvasa Once, le Marvasa Doce et le Nuevo Usisa, à la société mixte hispano-marocaine constituée par Martín Vázquez et par l'entreprise marocaine Spamofish.

14.
    Par décision du 5 juillet 1993 (ci-après la «décision de juillet 1993»), la Commission a accordé au projet visé au point précédent (projet SM/ESP/20/92, ci-après le «projet») un concours communautaire d'un montant maximal de 3 047 190 écus. Cette décision prévoyait le versement par le royaume d'Espagne d'une aide de 609 438 écus.

15.
    À la suite d'une demande de Martín Vásquez, la Commission a, le 7 janvier 1994, adopté une décision modifiant celle de juillet 1993 (ci-après la «décision de janvier 1994»), par laquelle elle a autorisé le remplacement, aux fins de l'exécution du projet, du navire Marvasa Doce, qui avait fait naufrage avant la mise en oeuvre dudit projet, par le navire Verecuatro. Le montant maximal du concours communautaire a été ramené à 2 921 520 écus et celui du royaume d'Espagne à 584 304 écus.

16.
    Le 25 octobre 1996, la Commission a, à la suite d'une demande de Martín Vázquez, adopté une décision modifiant celle de janvier 1994 (ci-après la «décision d'octobre 1996»). Les modifications ont consisté à remplacer, d'une part, la société mixte hispano-marocaine par une société mixte hispano-sénégalaise, Astipêche Sénégal SA, et, d'autre part, l'entreprise marocaine Spamofish par Mme Ouleymatou Ndoye. Ces modifications ont été motivées par des difficultés administratives liées à l'accès à la zone de pêche marocaine et à l'obtention des licences de pêche nécessaires. Le montant maximal du concours communautaire est resté fixé à 2 921 520 écus.

17.
    Le 27 novembre 1997, la Commission a procédé au versement de 80 % du concours.

18.
    En septembre 1998, Martín Vázquez a demandé, par l'intermédiaire des autorités espagnoles, le versement du solde du concours. À cette demande était joint un premier rapport périodique portant sur les activités réalisées par la société mixte au titre du projet du 1er avril au 31 décembre 1997.

19.
    À la demande de la Commission, Martín Vázquez a, par l'intermédiaire des autorités espagnoles, fourni des informations complémentaires concernant l'exécution du projet, parvenues à la Commission, respectivement, le 15 octobre et le 17 novembre 1998.

20.
    Dans une télécopie du 3 juin 1999 adressée à la Commission, M. Almécija Cantón, directeur général en charge des structures et des marchés de pêche au secrétariat général de la pêche maritime du ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation espagnol, a affirmé que la réalisation des objectifs assignés au projet avait été suffisamment établie et que, dès lors, il ne comprenait pas les raisons pour lesquelles la Commission tardait à verser le solde du concours en dépit des demandes faites en ce sens.

Phase précontentieuse

21.
    Dans une lettre adressée à Martín Vázquez le 4 juin 1999 (ci-après la «lettre du 4 juin 1999»), M. Cavaco, directeur général de la direction générale (DG) «Pêche» de la Commission, a affirmé que des informations en possession de la Commission faisaient ressortir que le navire Aziz, anciennement le Nuevo Usisa, exerçait ses activités de pêche dans les eaux marocaines alors que, en vertu des règlements n° 4028/86 et n° 1956/91, l'objet de la société mixte doit être l'exploitation des ressources halieutiques du pays tiers mentionné dans la décision d'octroi du concours, en l'occurrence, le Sénégal. Il a indiqué que, conformément à l'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86, la Commission avait décidé de réduire le concours initialement accordé au projet. Il a fait savoir que le montant de cette réduction équivaudrait à la différence entre la prime destinée à la société mixte en relation avec le navire concerné (1 138 530 écus) et la prime afférente au transfert définitif de ce navire vers un pays tiers (569 265 écus), soit 569 265 écus, et que le solde qui serait versé à Martín Vázquez serait de 15 039 écus, correspondant à la différence entre la somme relative à la dernière tranche (20 %) du concours initialement accordé (584 304 écus) et le montant de la réduction envisagée (569 265 écus). Il a indiqué que, s'il ne recevait pas, dans les 30 jours, l'accord formel de l'entreprise bénéficiaire sur la solution proposée, il se verrait obligé d'ordonner à ses services de continuer la procédure de réduction.

22.
    Une copie de la lettre visée au point précédent a été adressée le même jour à M. Almécija Cantón.

23.
    Dans un document adressé à la Commission le 20 juillet 1999, Martín Vázquez a exposé ses commentaires sur la lettre du 4 juin 1999. Elle a expliqué que les raisons pour lesquelles le navire Aziz avait pêché dans la zone de pêche marocaine, et non dans la zone de pêche sénégalaise, tenaient au fait que le fonds halieutique sénégalais n'offrait pas les ressources suffisantes pour garantir la rentabilité de l'exploitation du navire. Elle a demandé que la réduction du concours envisagée par la Commission soit symbolique, eu égard au fait que l'objectif du projet avait toujours été respecté. Elle a exposé que le changement de la zone de pêche du navire Aziz n'avait pas été notifié à la Commission parce qu'elle avait estimé, sur la base des indications qui lui avaient été données par les autorités espagnoles, qu'un tel changement n'était pas substantiel compte tenu du fait que le navire n'avait pas été privé du pavillon sénégalais et qu'il avait continué à approvisionner le marché communautaire.

24.
    Sous le couvert d'une lettre du 27 juillet 1999, M. Almécija Cantón a transmis à la Commission une copie des commentaires de Martín Vázquez visés au point précédent.

25.
    Le 22 octobre 1999 s'est tenue une réunion entre les services de la Commission et le conseil de Martín Vázquez.

26.
    Le 14 décembre 1999, le conseil de Martín Vázquez a adressé à la Commission une lettre complétant les commentaires contenus dans le document du 20 juillet 1999, mentionné au point 23 ci-dessus, et réitérant la proposition de réduction symbolique formulée dans ledit document.

27.
    Par lettre du 23 février 2000, M. Gascard, chef d'unité à la DG «Pêche», a fait savoir au conseil de Martín Vázquez que l'examen des informations reçues par la Commission confirmait que le navire Aziz pêchait non dans les eaux sénégalaises, mais dans les eaux marocaines, et que, dans ces conditions, le concours communautaire relatif à ce navire devait être réduit conformément à l'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86 et aux modalités exposées dans la lettre du 4 juin 1999. Il a ajouté que, pour autant que Martín Vázquez accepte une réduction pro rata temporis du concours, la Commission était disposée à autoriser le changement relatif à la zone de pêche du navire Aziz avec effet rétroactif à compter du 12 novembre 1998, date à laquelle ce changement lui avait été notifié, et à ramener en conséquence le montant de la réduction du concours de 569 265 écus à 300 445 écus, de sorte que, en cas d'accord, Martín Vázquez percevrait, pour solde de tout compte, la somme de 283 859 écus, correspondant à la différence entre le solde (20 %) du concours initial (584 304 écus) et le montant de la réduction susvisé.

28.
    Par lettre du 24 mars 2000, le conseil de Martín Vázquez a fait savoir à M. Gascard que cette dernière avait accepté la proposition de la Commission portant sur le paiement de la somme de 283 859 écus visée au point précédent. Il a demandé à la Commission de procéder dans les meilleurs délais à l'adoption d'une décision définitive de réduction du concours et au paiement de la somme susvisée et d'autoriser le changement de zone de pêche.

29.
    Dans une lettre du 27 avril 2000, M. Almécija Cantón a demandé à la Commission des informations sur l'état du dossier.

30.
    Le 4 mai 2000, la Commission a versé à Martín Vázquez la somme de 47 141 883 pesetas espagnoles (ESP) soit environ 283 859 écus.

31.
    Par télécopie du 5 mai 2000 (ci-après la «télécopie du 5 mai 2000»), M. Bruyninckx, de la DG «Pêche», a informé Martín Vázquez du fait que, en date du 4 mai 2000, il avait été procédé au versement de la somme visée au point précédent sur un compte bancaire ouvert à son nom.

32.
    Par lettre du 18 mai 2000 (ci-après la «lettre du 18 mai 2000»), M. Gascard a fait savoir au conseil de Martín Vázquez qu'il prenait acte de l'accord de cette dernière sur la proposition de réduction formulée par la Commission. Il a exposé les motifs de ladite réduction et de la limitation de celle-ci pro rata temporis. Il a indiqué que le versement du solde du concours, tenant compte de cette réduction, avait déjà été opéré.

Procédure

33.
    C'est dans ce contexte que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juillet 2000, Astipesca, SL, venant aux droits de Martín Vázquez (ci-après, indistinctement, la «requérante»), a introduit le présent recours. La procédure écrite a été close le 14 mars 2001.

34.
    Le 23 mai 2001, la requérante a, à la suite de l'adoption par la Commission, le 19 mars 2001, de la décision C (2001) 678 final, portant réduction du concours accordé à la requérante (ci-après la «décision du 19 mars 2001»), déposé au greffe du Tribunal, sur la base de l'article 48 du règlement de procédure du Tribunal, un mémoire complémentaire dans lequel elle a demandé que la décision susvisée soit versée au dossier en tant que fait nouveau survenu après la clôture de la procédure écrite.

35.
    Le 15 juin 2001, la Commission a déposé au greffe du Tribunal ses observations sur ce mémoire complémentaire.

36.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, il a invité les parties à produire certaines pièces et à répondre à certaines questions. Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

37.
    Lors de l'audience du 8 mai 2002, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal.

Conclusions des parties

38.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours recevable;

-    annuler la télécopie et la lettre adressées par la Commission à son conseil, respectivement, les 5 et 18 mai 2000;

-    condamner la Commission au paiement de dommages et intérêts pour la réparation du préjudice lié au retard dans le paiement du solde du concours et à la réduction dudit concours;

-    ordonner à la Commission un réexamen du dossier;

-    condamner la Commission aux dépens.

39.
    Dans son mémoire complémentaire du 23 mai 2001, la requérante conclut en outre à ce qu'il plaise au Tribunal déclarer ce mémoire recevable et lui permettre d'étendre l'objet de sa demande d'annulation à la décision du 19 mars 2001.

40.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours manifestement irrecevable et, à titre subsidiaire, manifestement non fondé;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité

41.
    Sans soulever formellement une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission conteste la recevabilité du recours. Elle avance deux moyens à l'appui de sa thèse. Le premier moyen est pris du non-respect des conditions de forme relatives à la requête. Le second moyen est fondé sur le caractère inattaquable de la télécopie du 5 mai 2000 et de la lettre du 18 mai 2000.

Sur le premier moyen, pris du non-respect des conditions de forme relatives à la requête

42.
    Dans le cadre de ce premier moyen, la Commission fait valoir, en substance, que la procuration jointe à la requête n'est pas conforme à l'article 44, paragraphe 5, du règlement de procédure. En effet, ladite procuration n'aurait pas été établie par un acte notarié. En outre, les fonctions exercées par M. Santos Alaminos, signataire de cette procuration, ne seraient pas précisées et il ne serait pas permis de savoir si ce dernier avait le pouvoir de délivrer un mandat de représentation.

43.
    À cet égard, le Tribunal rappelle que l'article 44, paragraphe 5, sous b), du règlement de procédure exige que soit jointe à la requête d'une personne morale de droit privé «la preuve que le mandat donné à l'avocat a été régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet». Contrairement à ce que soutient la Commission, la régularité du mandat de représentation n'exige donc pas, aux termes de cette disposition, que ledit mandat ait été établi par un acte notarié. Il convient toutefois de vérifier si le mandat a, en l'espèce, été régulièrement délivré par un représentant qualifié à cet effet.

44.
    À la requête ont été joints un mandat de représentation délivré aux conseils de la requérante le 28 juin 2000 par M. Santos Alaminos ainsi qu'un acte notarié dont il ressort que cette personne s'est vu conférer par le conseil d'administration de la requérante les pouvoirs liés à la fonction de directeur général adjoint de celle-ci. L'acte notarié susvisé, qui date du 7 septembre 1995, étant antérieur à la restructuration dont a fait l'objet la requérante en mai 1999, le Tribunal a demandé à cette dernière de fournir la preuve que, au moment d'établir la procuration datée du 28 juin 2000, M. Santos Alaminos avait la qualité requise à cet effet.

45.
    À la suite de cette demande, la requérante a produit une attestation du président du conseil d'administration de la requérante, datée du 11 mars 2002, dont il ressort que M. Santos Alaminos a conservé les pouvoirs qui lui avaient été accordés par l'acte notarié du 7 septembre 1995.

46.
    Dans ces conditions, et étant donné que la Commission n'a pas mis en doute, dans ses écritures, le fait que les pouvoirs conférés à M. Santos Alaminos, au titre de sa fonction de directeur général adjoint de la requérante, englobent le pouvoir de délivrer un mandat ad litem, il y a lieu de conclure que le mandat conféré aux conseils de la requérante a été régulièrement établi par un représentant de celle-ci qualifié à cet effet, conformément à l'exigence prescrite par l'article 44, paragraphe 5, sous b), du règlement de procédure.

47.
    Le premier moyen d'irrecevabilité doit, en conséquence, être écarté.

Sur le second moyen, fondé sur le caractère inattaquable de la télécopie du 5 mai 2000 et de la lettre du 18 mai 2000

48.
    Dans le cadre du second moyen, la Commission soutient que la télécopie du 5 mai 2000 et la lettre du 18 mai 2000 ne constituent pas des actes attaquables au sens de l'article 230 CE. En substance, elle fait valoir que ces deux documents n'ont pas produit d'effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante en modifiant de manière caractérisée et définitive sa situation juridique. Le seul acte susceptible d'avoir eu des effets juridiques en l'espèce serait l'ordre de paiement émis par la Commission le 4 mai 2000. Toutefois, les effets de cet ordre de paiement ne pourraient être considérés comme obligatoires.

49.
    Par la télécopie du 5 mai 2000, la Commission se serait bornée à informer la requérante du paiement qu'elle avait ordonné la veille. Ladite télécopie aurait en outre été signée par un fonctionnaire de rang inférieur à celui de chef d'unité, ce qui expliquerait qu'elle ne comporte aucune indication qui puisse conduire à la considérer comme une décision définitive. Par ailleurs, le paiement dont la requérante a été informée par cette télécopie aurait constitué un avantage indéniable pour elle et ne pourrait dès lors être considéré comme ayant affecté sa situation juridique.

50.
    S'agissant de la lettre du 18 mai 2000, la Commission soutient que, contrairement à ce qu'exige la recevabilité d'un recours en annulation fondé sur l'article 230 CE, la requérante n'a pas été destinataire de ladite lettre, laquelle a été adressée à ses conseils. En outre, cette lettre n'aurait produit aucun effet juridique obligatoire et définitif. Dans celle-ci, la Commission se serait bornée à prendre acte de l'accord auquel la requérante et elle étaient parvenues au sujet de la réduction du concours et à confirmer le versement du montant du solde de ce concours, tel que prévu dans ledit accord. La lettre susvisée aurait donc eu une portée purement informative. Elle ne contiendrait aucune indication permettant de considérer qu'elle renferme une décision définitive de réduction.

51.
    À cet égard, le Tribunal rappelle, tout d'abord, que, pour déterminer si la télécopie du 5 mai 2000 et la lettre du 18 mai 2000 constituent des actes attaquables au sens de l'article 230 CE, c'est à leur substance qu'il y a lieu de s'attacher, la forme dans laquelle un acte ou une décision est pris étant en principe sans conséquence en ce qui concerne la possibilité de l'attaquer par un recours en annulation (voir, notamment, arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9).

52.
    Ensuite, il convient de relever que la télécopie du 5 mai 2000 et la lettre du 18 mai 2000, considérées conjointement et lues en corrélation avec l'ordre de paiement émis par la Commission le 4 mai 2000, ont eu pour effet de réduire le montant du concours communautaire initialement accordé à la requérante par la décision de juillet 1993, telle que modifiée par les décisions de janvier 1994 et d'octobre 1996. Le fait que la télécopie du 5 mai 2000 ait été signée par un fonctionnaire d'un rang inférieur à celui de chef d'unité, même à le supposer exact, n'est, en tout état de cause, pas de nature à écarter l'analyse qui précède.

53.
    En tant qu'elles privent ainsi la requérante de l'intégralité du concours initialement octroyé, sans que l'État membre intéressé dispose à cet égard d'un pouvoir d'appréciation propre, la télécopie du 5 mai 2000 et la lettre du 18 mai 2000 traduisent l'existence, à l'égard de la requérante, d'une décision individuelle produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter ses intérêts, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (arrêts de la Cour IBM/Commission, cité au point 51 ci-dessus, point 9; du 7 mai 1991, Interhotel/Commission, C-291/89, Rec. p. I-2257, points 12 et 13, et Oliveira/Commission, C-304/89, Rec. p. I-2283, points 12 et 13, et du 4 juin 1992, Cipeke/Commission, C-189/90, Rec. p. I-3573, points 11 et 12). La circonstance que la lettre du 18 mai 2000 a été adressée au conseil de la requérante n'est, à cet égard, pas de nature à écarter la constatation selon laquelle la requérante est la destinataire de la décision susmentionnée.

54.
    Le second moyen d'irrecevabilité doit, en conséquence, être écarté.

55.
    Au terme de l'examen de ces deux moyens d'irrecevabilité, il convient encore de souligner que le Tribunal ne peut, dans l'exercice de ses compétences, adresser une injonction aux institutions communautaires (voir, notamment, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, DSM/Commission, C-5/93 P, Rec. p. I-4695, point 36; arrêt du Tribunal du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T-145/98, Rec. p. II-387, point 83). Il y a dès lors lieu d'écarter comme étant irrecevable le chef de conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné à la Commission de réexaminer le dossier de la requérante.

56.
    Sous réserve du point précédent, le recours doit être déclaré recevable.

Sur le fond

1. Sur les conclusions en annulation

Sur la demande d'annulation de la télécopie du 5 mai 2000 et de la lettre du 18 mai 2000

57.
    La requérante fonde sa demande d'annulation de la télécopie du 5 mai 2000 et de la lettre du 18 mai 2000 sur deux moyens. Le premier moyen est pris de la violation des articles 44 et 47 du règlement n° 4028/86 et de l'article 7 du règlement n° 1116/88. Le second moyen est fondé sur une violation du principe de proportionnalité.

Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 44 et 47 du règlement n° 4028/86 et de l'article 7 du règlement n° 1116/88

58.
    Le premier moyen se décompose en trois branches. Dans le cadre de la première branche, la requérante allègue que la décision de réduction est entachée d'une violation de l'article 7 du règlement n° 1116/88. Dans le cadre de la deuxième branche, elle soutient que la lettre du 4 juin 1999 comporte une décision de suspension du concours illicite au motif que celle-ci n'a pas été prise conformément aux dispositions des articles 44 et 47 du règlement n° 4028/86 et de l'article 7 du règlement n° 1116/88. Dans le cadre de la troisième branche, elle fait valoir que la Commission a, en violation des articles 44 et 47 du règlement n° 4028/86, réduit le concours sans avoir saisi préalablement le comité permanent des structures de la pêche ni adopté, au sein du collège des membres de la Commission, une décision formelle donnant délégation au membre de la Commission en charge de la pêche.

59.
    À l'audience, la requérante a cependant indiqué qu'elle renonçait inconditionnellement à la troisième branche du moyen examiné, ce dont le Tribunal a pris acte. Il convient dès lors d'analyser les deux premières branches de ce moyen.

- Sur la première branche

60.
    Dans le cadre de la première branche, la requérante soutient que la Commission a violé l'article 7 du règlement n° 1116/88. En effet, la Commission n'aurait pas avisé les autorités espagnoles et l'entreprise bénéficiaire avant d'engager la procédure de réduction du concours.

61.
    À cet égard, le Tribunal tient à préciser, à titre liminaire, que, si, ainsi que la Commission le souligne dans son mémoire en défense, l'article 9, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CEE) n° 2080/93 du Conseil, du 20 juillet 1993, portant dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2052/88 en ce qui concerne l'instrument financier d'orientation de la pêche (JO L 193, p. 1), dispose que le règlement n° 4028/86 et les dispositions fixant les modalités d'application de celui-ci, telles que les dispositions du règlement n° 1116/88, ont été abrogés le 1er janvier 1994, il ressort cependant de l'article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, premier tiret, du règlement n° 2080/93 que le règlement n° 4028/86 et ses dispositions d'application demeurent applicables aux demandes de concours introduites avant le 1er janvier 1994. Or, en l'espèce, la demande de concours a été introduite le 30 avril 1992 (voir, ci-dessus, point 13). Dès lors, il y a lieu d'écarter la thèse de la Commission prise de l'inapplicabilité du règlement n° 1116/88 au cas d'espèce.

62.
    Cela étant précisé, il importe de rappeler que, aux termes de l'article 7 du règlement n° 1116/88, la Commission doit, avant d'engager la procédure de réduction «prévue à l'article 44, paragraphe 1, du règlement [...] n° 4028/86», en «avise[r] l'État membre sur le territoire duquel le projet devrait être exécuté, qui peut prendre position à ce sujet», «consulte[r] l'autorité compétente chargée de transmettre les pièces justificatives» et «appel[er] le ou les bénéficiaires à exprimer, par l'intermédiaire de l'autorité ou de l'organisme, les raisons du non-respect des conditions prévues» (voir, ci-dessus, point 8). L'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86 renvoie à «la procédure prévue à l'article 47» (voir, ci-dessus, point 5). Aux termes de l'article 47, paragraphe 1, du même règlement, «[l]orsqu'il est fait référence à la procédure définie au présent article, le comité permanent des structures de la pêche est saisi par son président, soit à l'initiative de celui-ci, soit à la demande du représentant d'un État membre» (voir, ci-dessus, point 6). Le paragraphe 2 de ce même article dispose que «[l]e représentant de la Commission soumet un projet de mesures à prendre», sur lequel «le comité émet son avis dans un délai que le président peut fixer en fonction de l'urgence des questions» (voir, ci-dessus, point 6).

63.
    Il se dégage des indications reproduites au point précédent que la procédure visée à l'article 7 du règlement n° 1116/88 correspond à celle prenant cours avec la saisine, par son président, du comité permanent des structures de la pêche en vue de l'obtention de son avis sur le projet de mesures envisagé par la Commission. Le respect de cet article implique donc que la Commission satisfasse aux obligations prescrites par celui-ci avant la saisine dudit comité.

64.
    Les écritures de la requérante font ressortir que ses critiques portent sur le fait que, en l'espèce, la Commission n'aurait pas, contrairement à ce qu'exigent le premier et le troisième tiret de l'article 7 du règlement n° 1116/88, avisé l'État membre concerné, en l'occurrence, le royaume d'Espagne, de son intention d'engager la procédure de réduction, et invité la requérante, avant l'ouverture de ladite procédure, à s'expliquer, par l'intermédiaire des autorités espagnoles, sur les raisons du non-respect des conditions prévues dans la décision d'octroi. La requérante ne conteste pas, en revanche, que, avant d'engager la procédure de réduction visée à l'article 7 du règlement n° 1116/88, la Commission a, conformément à l'exigence prescrite par le deuxième tiret de cet article, consulté l'autorité compétente chargée de transmettre les pièces justificatives.

65.
    Il convient de se prononcer sur le bien-fondé des critiques de la requérante tirées de la prétendue méconnaissance par la Commission des obligations prévues aux premier et troisième tirets de l'article 7 du règlement n° 1116/88.

66.
    À cet égard, le Tribunal constate, à la lecture de la lettre du 4 juin 1999 (voir, ci-dessus, point 21), que la Commission, au vu d'informations ayant fait apparaître que le navire Aziz pêchait dans les eaux marocaines et non, comme prévu, dans les eaux sénégalaises, a fait savoir à la requérante qu'elle avait décidé de réduire, conformément à l'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86, le concours initialement accordé au projet et que le montant de cette réduction serait de 569 265 écus. La requérante a été avertie du fait que, à défaut d'accord formel de sa part dans les 30 jours sur la solution proposée, la Commission poursuivrait la procédure de réduction. M. Almécija Cantón s'est vu adresser une copie de cette lettre (voir, ci-dessus, point 22), au titre de sa fonction au sein du secrétariat général de la Pêche maritime du ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation espagnol.

67.
    Le 20 juillet 1999, la requérante a adressé à la Commission un document contenant ses commentaires sur la lettre du 4 juin 1999, dans lesquels elle a, notamment, exposé les raisons pour lesquelles le navire Aziz avait pêché dans les eaux marocaines et non dans les eaux sénégalaises, ainsi que les motifs pour lesquels elle n'avait pas jugé nécessaire de notifier le changement de zone de pêche à la Commission (voir, ci-dessus, point 23). Sous le couvert d'une lettre du 27 juillet 1999, M. Almécija Cantón a également adressé une copie des commentaires susvisés à la Commission (voir, ci-dessus, point 24).

68.
    En présence des indications reproduites aux deux points précédents, il convient de souligner que, si, certes, ainsi que la requérante le fait observer dans ses écritures, la Commission fait référence, dans sa lettre du 4 juin 1999, à la «procédure de réduction en cours», la requérante ne nie cependant pas que l'envoi de ladite lettre à M. Almécija Cantón et à elle-même, ainsi que la communication à la Commission, les 20 et 27 juillet 1999, de ses commentaires sur cette lettre ont été antérieurs à la saisine du comité permanent des structures de la pêche.

69.
    La requérante ne conteste pas non plus que M. Almécija Cantón, haut fonctionnaire du ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation espagnol, en charge des structures et des marchés de la pêche, incarnait en l'espèce l'autorité de «l'État membre sur le territoire duquel le projet devrait être exécuté», au sens de l'article 7, premier tiret, du règlement n° 1116/88. En outre, M. Almécija Cantón n'ayant pas adressé à la Commission, à la suite de la lettre du 4 juin 1999, d'observations propres, il y a lieu de considérer que celui-ci a pris position, au sens de l'article 7, premier tiret, du règlement n° 1116/88, en faisant siens les commentaires formulés par la requérante dans le document du 20 juillet 1999, qu'il a adressés à la Commission sous le couvert de sa lettre du 27 juillet 1999.

70.
    Des éléments qui précèdent (points 66 à 69), il ressort que, avant la saisine par son président du comité permanent des structures de la pêche, les autorités espagnoles avaient été avisées par la Commission de son intention de procéder à la réduction du concours conformément à l'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86 et la requérante avait été appelée par la Commission à s'expliquer sur les raisons du non-respect des conditions prévues dans la décision d'octroi du concours, ce qu'elle a fait dans son document du 20 juillet 1999 contenant ses commentaires sur la lettre du 4 juin 1999 et adressé à la Commission les 20 et 27 juillet 1999. Dans ces conditions, et eu égard au fait que le respect par la Commission de l'obligation prévue au deuxième tiret de l'article 7 du règlement n° 1116/88 n'est pas mis en doute (voir, ci-dessus, point 64), il y a lieu de conclure que la Commission a satisfait aux différentes obligations mises à sa charge par ledit article avant d'engager la procédure de réduction visée par celui-ci.

71.
    La première branche du premier moyen doit donc être écartée.

- Sur la deuxième branche

72.
    Dans le cadre de la deuxième branche, la requérante fait valoir que la lettre du 4 juin 1999 contient une décision implicite de suspension du concours au sens de l'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86. Or, la décision de suspendre le concours aurait dû, selon la requérante, être prise conformément aux articles 44 et 47 du règlement n° 4028/86 et à l'article 7 du règlement n° 1116/88 (arrêt de la Cour du 25 mai 2000, Ca'Pasta/Commission, C-359/98 P, Rec. p. I-3977, points 26 à 36).

73.
    À cet égard, le Tribunal rappelle que, par la lettre du 4 juin 1999, la Commission a fait savoir à la requérante que, au vu des informations en sa possession concernant les activités du navire Aziz, elle entendait réduire le concours initial sur la base de l'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86. Par ailleurs, il ressort de ladite lettre que, ayant fait part de cette intention, la Commission a décidé de geler le versement du solde du concours réclamé par la requérante en septembre 1998, dans l'attente de l'acceptation par celle-ci de la proposition de réduction du concours contenue dans cette lettre. Il s'ensuit que, outre la communication relative à la réduction envisagée, la lettre du 4 juin 1999 a entraîné la suspension du paiement du solde du concours. Elle doit donc être interprétée comme comportant une décision de suspension du concours (arrêt Ca'Pasta/Commission, cité au point précédent, points 29 à 32).

74.
    Cependant, même à supposer que la décision de suspension contenue dans la lettre du 4 juin 1999 a été prise en violation des articles 44 et 47 du règlement n° 4028/86 et de l'article 7 du règlement n° 1116/88, le Tribunal tient à souligner que la prétendue illégalité entachant la décision de suspension du concours n'est, en tout état de cause, pas de nature à affecter la légalité de la décision de réduction contenue dans la télécopie et dans la lettre visées par la présente demande d'annulation, laquelle constitue une décision autonome par rapport à la décision de suspension susmentionnée.

75.
    À cet égard, il importe de rappeler, d'une part, que l'examen de la première branche du présent moyen a conduit à écarter l'allégation de la requérante selon laquelle la décision de réduction susvisée avait été prise en violation de l'article 7 du règlement n° 1116/88 et, d'autre part, que la requérante a renoncé à l'audience à la troisième branche dudit moyen, prise de l'adoption de cette décision en violation des articles 44 et 47 du règlement n° 4028/86.

76.
    Il s'ensuit que la deuxième branche du moyen doit être écartée. Le premier moyen doit en conséquence être intégralement rejeté.

Sur le second moyen, fondé sur une violation du principe de proportionnalité

77.
    Dans le cadre du second moyen, la requérante soutient que la réduction décidée par la Commission constitue une sanction disproportionnée.

78.
    À cet égard, le Tribunal rappelle que le principe de proportionnalité, consacré par le troisième alinéa de l'article 5 CE, exige, selon une jurisprudence constante, que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir, notamment, arrêt de la Cour du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 25; arrêt du Tribunal du 19 juin 1997, Air Inter/Commission, T-260/94, Rec. p. II-997, point 144).

79.
    Il convient d'ajouter que, s'agissant de l'évaluation d'une situation économique complexe, ce qui est le cas en matière de politique de la pêche, les institutions communautaires jouissent d'un large pouvoir d'appréciation (arrêts de la Cour du 5 octobre 1999, Espagne/Conseil, C-179/95, Rec. p. I-6475, point 29, et du 25 octobre 2001, Italie/Conseil, C-120/99, Rec. p. I-7997, point 44). En contrôlant la légalité de l'exercice d'un tel pouvoir, le juge doit se limiter à examiner si cet exercice n'est pas entaché d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ou si l'institution n'a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 février 1996, France et Irlande/Commission, C-296/93 et C-307/93, Rec. p. I-795, point 31).

80.
    En l'espèce, il y a lieu de souligner que, aux termes de l'article 44, paragraphe 1, premier tiret, du règlement n° 4028/86, la Commission peut décider de réduire le concours «si le projet n'est pas exécuté comme prévu».

81.
    Or, il est constant entre les parties que, confrontée à des difficultés administratives liées à l'accès à la zone de pêche marocaine et à l'obtention des licences nécessaires, la requérante a, à sa demande, obtenu, par la décision d'octobre 1996, que la société mixte hispano-marocaine, initialement concernée, en vertu de la décision de juillet 1993, par le projet subventionné, soit remplacée par une société mixte hispano-sénégalaise. Par conséquent, la correcte exécution du projet impliquait, en vertu de la modification apportée par la décision d'octobre 1996 et de la réglementation applicable (voir, ci-dessus, points 2 et 12), que les navires affectés à ce projet exploitent et, éventuellement, valorisent les ressources halieutiques des eaux sénégalaises.

82.
    La requérante ne nie toutefois pas que, postérieurement à la décision d'octobre 1996, le navire Aziz, l'un des trois navires affectés au projet, a, sans que cette circonstance ait été préalablement notifiée à la Commission, exercé ses activités de pêche dans les eaux marocaines. Force est donc de constater que le projet n'a pas été exécuté comme prévu, ce qui, aux termes de l'article 44, paragraphe 1, premier tiret, du règlement n° 4028/86, autorisait la Commission à réduire le concours.

83.
    Il convient à présent d'examiner les arguments développés par la requérante pour démontrer le caractère disproportionné de la réduction décidée en l'espèce.

84.
    En premier lieu, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte de la durée limitée de l'infraction.

85.
    Le Tribunal relève toutefois qu'il ressort de la lettre du 18 mai 2000 que la Commission, aux fins de la réduction du concours, a pris en considération le fait que le changement de zone de pêche du navire Aziz lui avait été notifié en novembre 1998 et a dès lors uniquement retenu la période comprise entre avril 1997, point de départ des activités de la société mixte visée par la décision d'octobre 1996, et octobre 1998, la période postérieure à la notification susvisée n'ayant pas été prise en compte. Contrairement aux allégations de la requérante, la réduction décidée par la Commission est donc proportionnelle à la durée de l'infraction retenue par celle-ci.

86.
    La requérante dénonce l'absence de prise en compte par la Commission, aux fins de la limitation temporelle de la réduction, des cinq mois, compris entre avril et septembre 1997, durant lesquels le navire Aziz aurait été «bloqué au Sénégal» et n'aurait pas pêché au Maroc (point 62 de la requête).

87.
    Toutefois, il convient de relever que la requérante ne prétend pas que, durant la période de cinq mois visée au point précédent, le navire Aziz ait exercé des activités dans la zone de pêche sénégalaise. Au contraire, elle affirme dans sa requête (point 82) que ce navire «n'était pas apte à pêcher dans les eaux sénégalaises, parce que l'espèce pour laquelle il était spécialisé n'existait pas dans les eaux de ce pays». La Commission a donc pu légitimement considérer que le navire Aziz n'avait pas, pendant la période susvisée, exploité les ressources halieutiques des eaux sénégalaises, contrairement à ce qu'exigeait en l'espèce le respect de la décision d'octobre 1996 lue en corrélation avec la réglementation applicable (voir, ci-dessus, points 2 et 12). Il s'ensuit que c'est à bon droit qu'elle n'a pas reconnu les cinq mois compris entre avril et septembre 1997 comme une période d'activité du navire Aziz dans la zone de pêche sénégalaise.

88.
    En deuxième lieu, la requérante soutient que la Commission n'a pas pris en compte l'absence de gravité de l'infraction. L'obligation de pêcher dans les eaux du pays tiers visé dans la décision d'octroi du concours serait secondaire, de sorte qu'un manquement à cette obligation ne pourrait être considéré comme une infraction grave.

89.
    À cet égard, le Tribunal tient à préciser, à titre liminaire, que, ainsi qu'il ressort de la lettre du 18 mai 2000, lue en corrélation avec la lettre du 4 juin 1999, la réduction décidée par la Commission a exclusivement porté sur la partie du concours se rapportant au navire Aziz, concerné par le changement de zone de pêche litigieux.

90.
    Cela étant précisé, il convient, tout d'abord, de rappeler que, aux termes de l'article 21 bis du règlement n° 4028/86, qui définit la société mixte au sens dudit règlement, l'objectif de la création d'une telle société consiste à exploiter et éventuellement à valoriser, dans une perspective d'approvisionnement prioritaire du marché communautaire, les ressources halieutiques situées dans les eaux sous souveraineté et/ou sous juridiction du pays tiers concerné par la constitution de la société (voir, ci-dessus, point 2).

91.
    Au vu des indications reproduites au point précédent, il est indéniable que l'exploitation, par les navires affectés à la création d'une société mixte, de la zone de pêche du pays tiers dont provient le partenaire de l'armateur communautaire impliqué dans le projet, constitue, contrairement à ce que soutient la requérante, un élément essentiel de la réalisation de ce projet. Ainsi que la Commission le souligne, à juste titre, dans ses écritures, le respect de l'obligation de pêcher dans les eaux du pays tiers visé par le projet est une condition indispensable à la bonne gestion et à la stabilité des relations internationales entretenues par la Communauté avec les États tiers dans le cadre de la politique de la pêche, objectif souligné tant au treizième considérant du règlement n° 3944/90, ayant modifié le règlement n° 4028/86, qu'au troisième considérant du règlement n° 1956/91.

92.
    C'est la raison pour laquelle le règlement n° 1956/91 exige que des informations précises soient fournies à la Commission, au moment de la demande d'octroi du concours, lors des demandes de paiement de la première tranche et du solde du concours octroyé et dans les rapports périodiques d'activités de la société mixte, sur les zones d'exploitation des navires affectés au projet (annexes I à IV dudit règlement). C'est également pour cette raison que, dans la partie B de l'annexe I du règlement n° 1956/91, la Commission attire spécialement l'attention des demandeurs d'un concours financier communautaire sur le fait que l'octroi d'un tel concours est subordonné, notamment, au fait que la société mixte est destinée à exploiter et, éventuellement, à valoriser les ressources halieutiques situées dans les eaux du pays tiers concerné (voir, ci-dessus, point 12).

93.
    Ensuite, le Tribunal rappelle que, en vertu d'une jurisprudence bien établie, les demandeurs et bénéficiaires de concours assument une obligation d'information et de loyauté, qui leur impose de s'assurer qu'ils fournissent à la Commission des informations fiables non susceptibles de l'induire en erreur, sans quoi le système de contrôle et de preuve mis en place pour vérifier si les conditions d'octroi du concours sont remplies ne saurait fonctionner correctement (arrêt du Tribunal du 12 octobre 1999, Conserve Italia/Commission, T-216/96, Rec. p. II-3139, point 71). Tout récemment, la Cour a souligné l'importance du respect de cette obligation «pour le bon fonctionnement du système permettant le contrôle d'une utilisation adéquate des fonds communautaires» (arrêt de la Cour du 24 janvier 2002, Conserve Italia/Commission, C-500/99 P, Rec. p. I-867, point 100). À défaut d'informations fiables, des projets ne remplissant pas les conditions requises pourraient en effet faire l'objet d'un concours (arrêt du 12 octobre 1999, Conserve Italia/Commission, précité, point 71).

94.
    En l'espèce, la requérante ne conteste pas que, sans que la Commission en ait été préalablement informée, elle a déplacé les activités du navire Aziz de la zone de pêche sénégalaise, que celui-ci était censé exploiter en vertu de la décision d'octobre 1996 lue en corrélation avec la réglementation applicable, à la zone de pêche marocaine. Ce faisant, la requérante a manqué à une condition essentielle de réalisation du projet concerné (voir, ci-dessus, points 91 et 92).

95.
    En outre, ainsi que la Commission le fait observer dans ses écritures, il ressort des pièces du dossier que, en septembre 1998, la requérante a adressé à la Commission, par l'intermédiaire des autorités espagnoles, une demande tendant au versement du solde du concours dans laquelle elle certifiait sur l'honneur que les trois navires exerçaient leurs activités dans les eaux sénégalaises, ainsi qu'un premier rapport d'activités portant sur la période comprise entre le 1er avril et le 31 décembre 1997, dans lequel il était indiqué que les activités des trois navires se situaient dans la zone de pêche sénégalaise et donnaient entière satisfaction.

96.
    Or, s'agissant du navire Aziz, ces indications étaient mensongères. En effet, dans une note d'information d'octobre 1998 adressée le 12 novembre 1998 par les autorités espagnoles à la Commission à la suite d'une demande d'information complémentaire de celle-ci motivée par le caractère imprécis des indications relatives aux activités du navire Aziz, la requérante a affirmé que, après avoir tenté en vain d'opérer dans les eaux sénégalaises, le navire Aziz avait, sur la base d'une licence de pêche obtenue auprès des autorités marocaines en juin 1997, transféré ses activités dans les eaux marocaines. Au cours de la procédure écrite, elle a indiqué que l'inaptitude du navire Aziz à pêcher dans les eaux sénégalaises l'avait amenée à transférer, au cours de la période couverte par le rapport cité au point précédent, les activités de ce navire dans les eaux marocaines.

97.
    Force est donc de constater que, dans son premier rapport périodique d'activités, la requérante a, sous le couvert d'une déclaration faite sur l'honneur, dissimulé à la Commission la réalité en ce qui concerne les activités du navire Aziz. Ce faisant, elle a manqué à son devoir d'information et de loyauté à l'égard de la Commission (voir, ci-dessus, point 93).

98.
    La circonstance, alléguée par la requérante, selon laquelle la Commission avait antérieurement autorisé, dans sa décision d'octobre 1996, un changement de zone de pêche, au motif qu'un tel changement n'était pas de nature à modifier l'objectif structurel du projet de société mixte, de même que le fait, également invoqué par la requérante, que le changement de zone de pêche du navire Aziz a par la suite été admis par la Commission sans que cette dernière juge nécessaire de modifier la décision initiale d'octroi ne sont pas de nature à écarter l'analyse exposée aux points 90 à 97 ci-dessus.

99.
    Dans sa réplique, la requérante allègue que l'absence de notification préalable du changement de zone de pêche du navire Aziz à la Commission a résulté du fait que les autorités espagnoles, par l'intermédiaire desquelles la requérante était, en vertu de la réglementation, tenue de s'adresser à la Commission, n'ont pas jugé nécessaire de procéder à cette notification et ont indiqué à la requérante qu'elle pouvait transférer les activités du navire Aziz vers la zone de pêche marocaine sans craindre de critiques de la Commission.

100.
    Toutefois, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de telles allégations, développées au stade de la réplique, au regard de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, force est de constater, tout d'abord, que celles-ci ne sont aucunement étayées.

101.
    Ensuite, même à admettre l'exactitude de ces allégations, il importe de souligner qu'il incombe au bénéficiaire d'un concours financier communautaire, en tant que responsable de la correcte exécution du projet subventionné, de prendre les mesures qui s'imposent pour que la Commission soit avertie en temps utile des changements envisagés dans la mise en oeuvre de ce projet. À cet égard, aucune disposition de la réglementation applicable ne permet de soutenir qu'il est interdit au bénéficiaire de signaler directement à la Commission, notamment en cas d'inertie des autorités nationales concernées, une modification de nature à affecter une condition essentielle de réalisation du projet. Il s'ensuit que la requérante ne saurait se retrancher derrière la prétendue passivité des autorités espagnoles pour justifier l'absence de notification préalable du changement de zone de pêche du navire Aziz à la Commission.

102.
    Enfin, les allégations de la requérante reproduites au point 99 ci-dessus ne sont pas de nature à écarter la constatation selon laquelle, tant dans sa demande de versement du solde du concours que dans le premier rapport périodique d'activités joint à cette demande, la requérante a certifié sur l'honneur à la Commission que le navire Aziz pêchait dans les eaux sénégalaises, alors que cela était faux.

103.
    De l'analyse qui précède (points 90 à 102), il ressort que la requérante a, sans que cela ait été notifié préalablement à la Commission, transféré les activités du navire Aziz de la zone de pêche sénégalaise, visée par la décision d'octobre 1996, à la zone de pêche marocaine et qu'elle a dissimulé ce changement de zone de pêche à la Commission dans sa demande de versement du solde du concours et dans le premier rapport périodique d'activités joint à cette demande. Ce faisant, elle s'est rendue responsable de violations graves d'obligations essentielles pour le fonctionnement du système de concours financiers communautaires en matière de pêche. L'argumentation de la requérante prise de l'absence de gravité de l'infraction commise en l'espèce doit en conséquence être écartée.

104.
    En troisième lieu, la requérante prétend que la Commission n'a pas tenu compte de l'absence de faute grave ou de négligence de sa part. Soulignant les difficultés rencontrées par le navire Aziz dans les eaux sénégalaises, elle affirme que le changement de zone de pêche intervenu était vital pour l'activité et la rentabilité de ce navire. Le fait que les deux autres navires de la société mixte ont continué de pêcher dans les eaux sénégalaises démontrerait que ledit changement a constitué un cas de force majeure. Dans sa réplique, la requérante produit un rapport technique concluant au caractère non rentable des activités du navire Aziz dans la zone de pêche sénégalaise.

105.
    Le Tribunal relève toutefois que les explications de la requérante liées aux problèmes techniques rencontrés par le navire Aziz dans la zone de pêche du Sénégal, même à les supposer exactes, ne permettent pas, en tout état de cause, d'écarter la constatation, qui se dégage de l'analyse opérée aux points 90 à 102 ci-dessus, selon laquelle la requérante a procédé au changement de zone de pêche litigieux sans que cela ait été notifié au préalable à la Commission, modifiant ainsi, à l'insu de celle-ci, une condition essentielle d'octroi du concours, et qu'elle a, en dépit d'une déclaration faite sur l'honneur, dissimulé ce changement dans la demande et les informations qu'elle a adressées en septembre 1998 à la Commission en vue du versement du solde du concours.

106.
    En quatrième lieu, la requérante affirme qu'elle ne s'est pas enrichie frauduleusement du fait du manquement dénoncé par la Commission.

107.
    Toutefois, même en admettant que cette affirmation soit exacte, le Tribunal relève que, aux termes de l'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86, le pouvoir de réduction conféré à la Commission répond à des conditions strictement objectives, telles que le fait que le projet n'a pas été exécuté comme prévu, ce qui a été le cas en l'espèce. L'exercice de ce pouvoir n'est pas subordonné à la constatation d'un enrichissement illicite du bénéficiaire du concours. En outre, l'affirmation de la requérante n'est pas de nature à écarter la gravité des manquements constatés, de sorte qu'elle ne permet pas de considérer que la réduction effectuée en l'espèce par la Commission est excessive.

108.
    En cinquième lieu, la requérante soutient que la Commission n'a pas tenu compte de sa bonne foi. Elle aurait constamment fourni les informations requises à la Commission et aurait fait part à celle-ci des changements fondamentaux propres à affecter le projet, à savoir le remplacement du navire Marvasa Doce par le navire Aziz ainsi que le remplacement du Maroc par le Sénégal en tant que pays tiers visé par le projet. Lors des négociations avec la Commission, elle aurait admis le principe d'une réduction, en proposant que celle-ci soit proportionnelle à l'infraction constatée.

109.
    En sixième lieu, elle souligne la position exprimée par les autorités espagnoles dans leur lettre adressée à la Commission le 3 juin 1999 (voir, ci-dessus, point 20). En outre, lesdites autorités lui auraient versé le montant de l'aide qu'il leur incombait d'accorder en vertu de la décision d'octroi.

110.
    Le Tribunal relève cependant que de tels arguments ne sont pas de nature à écarter la réalité et la gravité des manquements imputables à la requérante en relation avec les activités du navire Aziz (voir, ci-dessus, points 90 à 102).

111.
    De l'examen du second moyen, il ressort que la requérante n'a pas démontré que la réduction décidée par la Commission en l'espèce ait été disproportionnée au regard des manquements reprochés et de l'objectif de la réglementation applicable en l'espèce.

112.
    Face aux manquements de la requérante, la Commission a pu raisonnablement estimer qu'une sanction moins lourde que celle décidée en l'espèce risquait de compromettre la bonne gestion de la politique structurelle de la pêche et de constituer une invitation à la fraude en ce que les bénéficiaires de concours seraient tentés de procéder à des changements de zone de pêche sans en informer la Commission sous peine seulement de voir le concours réduit de façon symbolique ou, à tout le moins, dans une mesure moindre que celle correspondant à la gravité et à la durée de l'infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 avril 1996, Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, T-551/93, T-231/94, T-232/94, T-233/94 et T-234/94, Rec. p. II-247, point 163). En tout état de cause, au vu de la gravité particulière des manquements imputables à la requérante (voir, ci-dessus, points 90 à 103), une réduction symbolique du concours, telle que proposée par cette dernière dans le document du 20 juillet 1999 et dans la lettre du 14 décembre 1999 (voir, ci-dessus, points 23 et 26), aurait constitué une sanction particulièrement légère et, partant, contraire au principe de proportionnalité.

113.
    Il importe d'ajouter que la Cour a même jugé que, en matière de concours financier communautaire, la sanction infligée par la Commission en cas d'irrégularité pouvait, sans violer le principe de proportionnalité, être supérieure à celle correspondant à cette irrégularité, et ce afin de produire l'effet dissuasif nécessaire à la bonne gestion des ressources du fonds structurel concerné (arrêt du 24 janvier 2002, Conserve Italia/Commission, cité au point 93 ci-dessus, point 101).

114.
    Il s'ensuit que la violation alléguée du principe de proportionnalité n'est pas établie et que le second moyen doit être écarté.

115.
    Au vu des considérations qui précèdent (points 57 à 114), la demande d'annulation de la télécopie du 5 mai 2000 et de la lettre du 18 mai 2000 doit être rejetée.

Sur la demande d'extension de l'objet de la demande d'annulation à la décision du 19 mars 2001

116.
    Dans son mémoire complémentaire du 23 mai 2001, la requérante sollicite l'extension de l'objet de sa demande d'annulation à la décision du 19 mars 2001, adoptée après la clôture de la procédure écrite.

117.
    Après avoir défendu la recevabilité de sa demande d'annulation de la décision du 19 mars 2001, la requérante fait valoir, sur le fond, que l'adoption de cette décision ne permet pas d'écarter ses critiques liées à l'absence de procédure et de décision formelle de suspension du concours, à l'irrégularité de l'ouverture de la procédure de réduction et au caractère disproportionné de la réduction opérée en l'espèce.

118.
    Toutefois, sans qu'il soit nécessaire de prendre position sur la recevabilité de la demande d'annulation présentée par la requérante dans son mémoire complémentaire du 23 mai 2001, le Tribunal constate, à la lecture dudit mémoire, que la requérante poursuit l'annulation de la décision du 19 mars 2001 sur la base des mêmes arguments que ceux développés dans le cadre des deux premières branches du premier moyen et du second moyen invoqués au soutien de la demande d'annulation de la télécopie du 5 mai 2000 et de la lettre du 18 mai 2000.

119.
    Or, s'agissant de la première branche du premier moyen, il a été constaté, au terme de l'analyse faite aux points 61 à 70 ci-dessus, que la Commission avait en l'espèce satisfait aux obligations prescrites par l'article 7 du règlement n° 1116/88 avant de procéder à l'ouverture de la procédure de réduction au sens de cet article. S'agissant de la deuxième branche de ce même moyen, il convient de rappeler que, ainsi qu'il a été exposé au point 75 ci-dessus, les motifs d'illégalité invoqués par la requérante à l'égard de la décision de suspension du concours contenue dans la lettre du 4 juin 1999, même à les supposer fondés, ne sont, en tout état de cause, pas de nature à affecter la légalité de la réduction décidée en l'espèce par la Commission.

120.
    Quant au second moyen, il convient d'observer que la décision du 19 mars 2001 emporte, comme la décision contenue dans la télécopie du 5 mai 2000 et dans la lettre du 18 mai 2000, réduction du concours à concurrence de 300 445 écus. Il ressort en outre de la lecture comparée de la lettre du 18 mai 2000 et des considérants de la décision du 19 mars 2001 que les motifs de la réduction invoqués dans la décision du 19 mars 2001 tiennent, comme ceux mis en avant dans la lettre du 18 mai 2000, à la constatation d'un manquement de la requérante à la réglementation applicable et aux conditions posées pour l'octroi du concours, lié au fait que le navire Aziz a, à l'insu de la Commission jusqu'en novembre 1998, exercé ses activités dans la zone de pêche marocaine et non, comme prévu, dans la zone de pêche sénégalaise. Cette lecture comparée fait par ailleurs apparaître que, dans la décision du 19 mars 2001, la Commission a, comme dans sa lettre du 18 mai 2000, tenu compte du fait que le changement de zone de pêche litigieux lui avait été notifié en novembre 1998 et a uniquement pris en compte la période d'activité de la société mixte antérieure à cette notification aux fins du calcul de la réduction.

121.
    Au vu de l'identité d'objet et de motifs caractérisant la lettre du 18 mai 2000 et la décision du 19 mars 2001, et compte tenu de l'analyse exposée aux points 77 à 114 ci-dessus, le moyen pris d'une violation du principe de proportionnalité doit être également écarté pour autant qu'il vise la décision du 19 mars 2001.

122.
    À l'audience, la requérante a encore allégué une violation du principe de sécurité juridique, prise du caractère prétendument déraisonnable du délai qui s'est écoulé entre mai 2000 et l'adoption de la décision du 19 mars 2001.

123.
    Toutefois, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité, au regard de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, de cette argumentation, formulée pour la première fois à l'audience alors que rien ne s'opposait à ce que la requérante la formulât au stade de son mémoire complémentaire déposé à la suite de l'adoption de la décision du 19 mars 2001, il suffit de relever que, à la lecture de la télécopie du 5 mai 2000 et de la lettre du 18 mai 2000, la requérante a su que la Commission avait procédé à la réduction du concours à concurrence de 300 445 écus. Dans ces conditions, la requérante, qui a, du reste, constamment excipé, durant l'instance, du caractère définitif des effets juridiques de la télécopie et de la lettre susvisées et du caractère purement confirmatif de la décision du 19 mars 2001, ne saurait raisonnablement soutenir que la longueur prétendument excessive du délai qui s'est écoulé entre mai 2000 et l'adoption de la décision du 19 mars 2001 l'a conduite à croire que l'intégralité du solde du concours lui était définitivement acquise.

124.
    Enfin, à l'audience, la requérante, se fondant sur l'arrêt du Tribunal du 5 mars 2002, Le Canne/Commission (T-241/00, Rec. p. II-1251), a soutenu que la décision du 19 mars 2001 était insuffisamment motivée.

125.
    À cet égard, le Tribunal rappelle que, conformément à une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 253 CE doit être adaptée à la nature juridique de l'acte en cause et faire apparaître d'une façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au Tribunal d'exercer son contrôle (arrêt de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, point 71).

126.
    S'agissant d'une décision réduisant un concours financier communautaire à un projet non exécuté comme prévu, la motivation d'un tel acte doit comporter l'indication des raisons pour lesquelles les variations prises en compte ont été jugées inacceptables. Des considérations portant sur l'importance de ces variations ou sur leur défaut d'autorisation préalable ne peuvent, par elles-mêmes, constituer une motivation suffisante à ce titre (arrêt Le Canne/Commission, cité au point 124 ci-dessus, point 55).

127.
    Néanmoins, la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63).

128.
    En l'espèce, il convient d'observer que, à la différence de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Le Canne/Commission (cité au point 124 ci-dessus), la décision du 19 mars 2001, de même, d'ailleurs, que la lettre du 18 mai 2000, comporte des indications précises sur la nature de la modification litigieuse et sur les raisons pour lesquelles ladite modification justifie, en raison de son importance, la réduction du concours décidée en l'espèce. Il en ressort en effet de manière claire et non équivoque que la Commission dénonce le fait que le navire Aziz a, à l'insu de celle-ci jusqu'en novembre 1998, exercé ses activités dans la zone de pêche marocaine et non, comme prévu, dans la zone de pêche sénégalaise, alors que l'obligation d'exploiter et, le cas échéant, de valoriser les ressources halieutiques situées dans les eaux du pays tiers visé dans la décision d'octroi du concours constitue une condition essentielle dudit octroi, ainsi qu'il résulte tant de l'article 21 bis du règlement n° 4028/86 (voir, ci-dessus, point 2), auquel une référence explicite est faite dans la décision du 19 mars 2001, que de l'annexe I du règlement n° 1956/91 (voir, ci-dessus, point 12), à laquelle se réfèrent tant la lettre du 18 mai 2000 que la décision du 19 mars 2001.

129.
    Il s'ensuit que l'argumentation de la requérante tirée d'une insuffisance de motivation ne saurait être accueillie.

130.
    Au terme de l'analyse exposée aux points 118 à 129 ci-dessus, la demande d'annulation de la décision du 19 mars 2001 doit par conséquent être écartée comme n'étant pas fondée.

131.
    Il y a lieu dès lors lieu de rejeter les conclusions en annulation dans leur intégralité.

2. Sur les conclusions en indemnité

132.
    Au soutien de ses conclusions en indemnité, la requérante, ayant rappelé les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté, expose que le comportement illicite dénoncé en l'espèce tient au fait que la Commission a, sans respecter les exigences de formes substantielles, suspendu le versement du solde du concours du 11 septembre 1998, date de l'envoi par la requérante de son rapport périodique en vue du versement du solde du concours, jusqu'au 4 mai 2000, date du paiement partiel du solde du concours, et réduit le concours initialement accordé.

133.
    S'agissant du préjudice subi par la requérante, il serait d'ordre économique et tiendrait au caractère tardif et partiel du paiement du solde du concours. Une première manière de fixer le montant dudit préjudice consisterait à se référer au document rédigé par des consultants externes le 29 juin 2000 et attestant que, à cette date, le montant global de ce préjudice, lié à la nécessité de recourir à un crédit bancaire et de demander des reports de paiement à des fournisseurs, à des augmentations de prix d'achat, à la perte de rabais antérieurement concédés et à l'accroissement du passif de la requérante, s'élevait à 25 600 000 ESP (soit environ 155 000 écus). À cela s'ajouterait le préjudice lié à l'atteinte à l'image de la requérante, aux frais d'assistance judiciaire et aux pertes de temps relatives aux heures consacrées par son personnel à ce dossier.

134.
    Une autre manière d'évaluer le préjudice subi par la requérante consisterait à calculer les intérêts dus à celle-ci du fait du paiement tardif et partiel du solde du concours. Dans ce cas, le préjudice économique de la requérante équivaudrait à la somme globale résultant de l'application d'un taux d'intérêt de 8 % l'an, d'une part, au montant de 283 859 écus pour la période comprise entre le 11 septembre 1998 et le 4 mai 2000 et, d'autre part, au montant de 300 445 écus pour la période comprise entre le 11 septembre 1998 et la date à laquelle la Commission procédera au versement du solde du concours à la suite de l'annulation de ses décisions de suspension et de réduction.

135.
    La requérante invite le Tribunal à fixer, dans le cadre de son pouvoir de pleine juridiction, le montant des dommages et intérêts à lui accorder selon l'une des deux méthodes de calcul exposées aux deux points précédents.

136.
    S'agissant du lien de causalité, la requérante allègue que le préjudice qu'elle a subi a eu pour cause unique et directe la suspension et la réduction unilatérales et illégales du concours initial.

137.
    À cet égard, le Tribunal tient à souligner, en premier lieu, que, de l'examen des conclusions en annulation, il se dégage que la Commission n'a pas commis d'illégalité dans le cadre de l'adoption de la décision de réduction du concours. L'engagement de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté supposant, notamment, qu'un comportement illégal de l'institution concernée soit prouvé (voir, notamment, arrêt de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16; arrêt du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T-175/94, Rec. p. II-729, point 44), les conclusions en indemnité, en ce qu'elles sont liées à la décision de réduction, doivent donc être écartées comme n'étant pas fondées.

138.
    Il convient, en deuxième lieu, d'examiner les conclusions en indemnité pour autant que celles-ci sont fondées sur le fait que la Commission a, sans respecter les règles de procédure prévues à cette fin, suspendu le concours initialement accordé à la requérante.

139.
    À cet égard, il convient de rappeler, s'agissant de la recevabilité de telles conclusions, laquelle peut être examinée d'office par le juge en tant qu'elle touche à l'ordre public, que, si, certes, l'action en indemnité fondée sur l'article 288, deuxième alinéa, CE est une voie autonome dans le cadre des voies de recours en droit communautaire, de sorte que l'irrecevabilité d'une demande en annulation n'entraîne pas, par elle-même, celle d'une demande d'indemnisation (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 15 mars 1995, Cobrecaf e.a./Commission, T-514/93, Rec. p. II-621, point 58, et la jurisprudence citée), un recours en indemnité doit toutefois être déclaré irrecevable lorsqu'il tend, en réalité, au retrait d'une décision individuelle devenue définitive et qu'il aurait pour effet, s'il était accueilli, d'annihiler les effets juridiques de cette décision (arrêt de la Cour du 26 février 1986, Krohn/Commission, 175/84, Rec. p. 753, points 32 et 33; arrêt Cobrecaf e.a./Commission, précité, point 59).

140.
    Sont par conséquent irrecevables des conclusions en indemnité tendant au paiement d'une somme dont le montant correspond à celui des droits dont la requérante se trouve privée du fait d'une décision devenue définitive (arrêt Cobrecaf e.a./Commission, cité au point précédent, point 60), de même que des conclusions aux fins d'indemnité ayant trait au paiement d'intérêts de retard relatifs à une telle somme (arrêt Cobrecaf e.a./Commission, cité au point précédent, point 62).

141.
    En l'espèce, il convient de rappeler que la lettre du 4 juin 1999 contient une décision de suspension du concours (voir, ci-dessus, point 73), laquelle constitue, en vertu de la jurisprudence de la Cour (arrêt Ca'Pasta/Commission, cité au point 72 ci-dessus, points 30 à 32 et 36 à 39), un acte faisant grief, que la requérante aurait pu attaquer dans les délais, ce qu'elle n'a pas fait. La décision de suspension contenue dans cette lettre est donc devenue définitive.

142.
    En cas de succès d'un recours en annulation dirigé en temps utile contre cette décision de suspension, celle-ci aurait été invalidée et la Commission aurait dû, au titre des mesures d'exécution qu'elle eût été tenue de prendre, en vertu de l'article 233 CE, pour se conformer à l'arrêt d'annulation du Tribunal, verser à la requérante la partie du concours impayée à la date de cet arrêt, majorée d'intérêts de retard calculés sur le montant total du solde (584 304 écus) à compter du 4 juin 1999, date de l'adoption de la décision de suspension litigieuse.

143.
    Il convient à présent d'examiner l'objet des conclusions en indemnité présentées par la requérante, en ce que celles-ci sont fondées sur la suspension prétendument illégale du concours.

144.
    Ainsi qu'il a été relevé aux points 133 et 134 ci-dessus, la requérante formule deux modes de calcul du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la suspension illégale du concours. Elle ajoute que, «[e]n vertu des pouvoirs de pleine juridiction, [...] le Tribunal peut fixer des dommages-intérêts en [sa] faveur [...] sur la base d'une des formules indiquées plus haut» (point 103 de la requête). Une telle affirmation permet de considérer que, dans l'esprit de la requérante, les deux méthodes de calcul qu'elle propose sont équivalentes et poursuivent le même objet, en termes de réparation du préjudice allégué.

145.
    La réparation du préjudice définie au titre de l'une de ces deux méthodes correspond, ainsi qu'il a été exposé au point 134 ci-dessus, au versement d'intérêts de retard appliqués, d'une part, au montant de 283 859 écus pour la période allant du 11 septembre 1998 au 4 mai 2000 et, d'autre part, au montant de 300 445 écus pour la période allant du 11 septembre 1998 jusqu'à la date du versement de ce montant.

146.
    Force est de constater que les conclusions en indemnité fondées sur la prétendue illégalité de la suspension du concours, dans la mesure où elles ont trait, au titre de l'une des deux méthodes de calcul présentées comme étant équivalentes par la requérante, au versement d'intérêts de retard calculés sur le montant du solde du concours à compter du 4 juin 1999, tendent en réalité au paiement d'une somme destinée à compenser les effets juridiques inhérents à la décision de suspension du 4 juin 1999 en termes de retard survenu dans le versement dudit solde, effets juridiques que l'invalidation de ladite décision consécutive à un recours en annulation formé en temps utile et couronné de succès aurait conduit à effacer compte tenu des mesures d'exécution que la Commission eût été tenue de prendre, conformément à l'article 233 CE, pour se conformer à l'arrêt d'annulation (voir, ci-dessus, point 142).

147.
    Il s'ensuit que, au vu de la jurisprudence rappelée aux points 139 et 140 ci-dessus, les conclusions en indemnité doivent, dans la mesure précisée au point 146 ci-dessus, être déclarées irrecevables.

148.
    Il convient encore d'examiner les conclusions en indemnité, dans la mesure où celles-ci se rapportent à la période comprise entre le 11 septembre 1998 et le 4 juin 1999.

149.
    À cet égard, il y a lieu de relever, tout d'abord, qu'il ressort des pièces du dossier que le 11 septembre 1998 correspond à la date à laquelle les autorités espagnoles ont reçu de la requérante les documents relatifs à sa demande de versement du solde du concours. Ces documents sont parvenus à la Commission le 30 septembre 1998. Au vu des indications contenues dans ces documents, la Commission a formulé des demandes d'informations complémentaires concernant, notamment, les activités du navire Aziz, demandes auxquelles la requérante a déféré en envoyant, par l'intermédiaire des autorités espagnoles, des documents parvenus à la Commission, respectivement, le 15 octobre et le 17 novembre 1998. Ce faisant, elle a fait usage de la faculté qui lui était offerte, par l'article 44, paragraphe 1, premier alinéa, première phrase, du règlement n° 4028/86, de demander, pendant toute la durée de l'intervention communautaire, à l'autorité ou à l'organisme désigné à cet effet par l'État membre intéressé de lui transmettre «toute pièce justificative et tout document de nature à établir que les conditions financières ou autres imposées pour chaque projet sont remplies» (voir, ci-dessus, point 5).

150.
    Il s'ensuit qu'aucun comportement illégal de nature à engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté ne peut être reproché à la Commission en ce qui concerne la période comprise entre le 11 septembre et le 17 novembre 1998, date à laquelle la Commission a reçu les compléments d'information sollicités.

151.
    Ensuite, en ce qui concerne la période comprise entre le 18 novembre 1998 et le 4 juin 1999, le Tribunal estime que, s'agissant de l'évaluation d'une situation économique complexe (voir, en ce sens, la jurisprudence citée au point 79 ci-dessus), et étant donné que, à la lecture des documents qui lui sont parvenus le 17 novembre 1998, la Commission s'est trouvée confrontée à des informations relatives aux activités du navire Aziz qui contredisaient totalement celles qu'elle avait reçues en septembre et en octobre 1998, aucune illégalité ne saurait être reprochée à la Commission en raison du fait que six mois et demi se sont écoulés à compter de la réception desdits documents avant qu'elle réagisse à l'égard de la requérante.

152.
    Au terme de l'analyse exposée aux trois points précédents, les conclusions en indemnité, en ce qu'elles se rapportent à la période comprise entre le 11 septembre 1998 et le 4 juin 1999, doivent être écartées comme n'étant pas fondées.

153.
    Au vu de l'analyse exposée aux points 137 à 152 ci-dessus, les conclusions en indemnité doivent être rejetées dans leur intégralité.

154.
    Compte tenu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

155.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé tant en ses conclusions en annulation qu'en ses conclusions en indemnité, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante est condamnée aux dépens.

Jaeger
Lenaerts
Azizi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 octobre 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: l'espagnol.