Language of document : ECLI:EU:T:2004:300

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
14 octobre 2004 (1)

« Concurrence – Article 81 CE – Accord de fixation des prix et modalités de facturation des services de change d'espèces – Allemagne – Procédure par défaut »

Dans l'affaire T-54/02,

Vereins- und Westbank AG, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Mes J. Schulte, M. Ewen et A. Neus, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 2003/25/CE de la Commission, du 11 décembre 2001, relative à une procédure ouverte au titre de l'article 81 CE [Affaire COMP/E-1/37.919 (ex 37.391) – Frais bancaires pour la conversion des monnaies de la zone euro – Allemagne] (JO 2003, L 15, p. 1),



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),



composé de Mme P. Lindh, président, MM. R. García-Valdecasas et J. D. Cooke, juges,

greffier : M. H. Jung,

vu la procédure écrite,

rend le présent



Arrêt




Antécédents du litige

Cadre réglementaire

1
L’article 109 L, paragraphe 4, du traité CE (devenu article 123, paragraphe 4, CE) prévoit que, le jour de l’entrée en vigueur de la troisième phase de l’Union économique et monétaire (UEM), le Conseil arrête les taux de conversion auxquels les monnaies des États membres qui adopteront l’euro en tant que monnaie unique conformément au traité CE (ci-après les « États membres participants ») sont irrévocablement fixées et le taux irrévocablement fixé auquel l’euro remplace ces monnaies.

2
L’article 52 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne (BCE), annexé au traité CE (ci-après les « statuts du SEBC »), dispose :

« Échange des billets libellés en monnaies communautaires

Après la fixation irrévocable des taux de change, le conseil des gouverneurs prend les mesures nécessaires pour assurer que les billets libellés en monnaies ayant des taux de change irrévocablement fixés sont échangés au pair par les banques centrales nationales. »

3
Lors de sa réunion à Madrid, les 15 et 16 décembre 1995, le Conseil européen a confirmé que la troisième phase de l’UEM commencerait le 1er janvier 1999, conformément à l’article 109 J, paragraphe 4, du traité CE (devenu article 121, paragraphe 4, CE).

4
Les principaux éléments du cadre juridique relatif à l’introduction et à l’utilisation de l’euro sont définis par :

le règlement (CE) n° 1103/97 du Conseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives à l’introduction de l’euro (JO L 162, p. 1), et

le règlement (CE) n° 974/98 du Conseil, du 3 mai 1998, concernant l’introduction de l’euro (JO L 139, p. 1).

5
L’article 4 du règlement n° 1103/97 définit les règles applicables à la conversion entre l’euro et les unités monétaires des États membres participants. Il prévoit, en son paragraphe 3, que « [l]es taux de conversion sont utilisés pour les conversions entre l’unité euro et les unités monétaires nationales et vice-versa. Il est interdit d’utiliser des taux inverses calculés à partir des taux de conversion ».

6
Il résulte des articles 2 et 3 du règlement n° 974/98 du Conseil que, à compter du 1er janvier 1999, la monnaie des États membres participants est l’euro, qui remplace la monnaie de chaque État membre participant au taux de conversion.

7
Les articles 10 et 11 du règlement n° 974/98 fixent au 1er janvier 2002 la date de mise en circulation et d’émission des billets et pièces libellés en euros.

8
Les articles 5 à 9 du règlement n° 974/98 contiennent les dispositions transitoires applicables au cours de la période comprise entre le 1er janvier 1999 et le 1er janvier 2002 (ci-après la « période transitoire »).

9
En outre, il convient d’exposer que, le 15 mai 1997, la Commission a convié des représentants du secteur bancaire, des autorités publiques et des consommateurs à une table ronde sur les aspects pratiques de la transition vers l’euro (considérant 40 de la décision attaquée). Il ressort notamment du document de synthèse établi à l’issue de cette table ronde (« Commission, direction générale ‘Affaires économiques et financières’, table ronde concernant les aspects pratiques de la transition vers l’euro : synthèse et conclusion », document II/301/97 du 11 juin 1997  ; que les représentants des banques « ont souhaité que les opérations d’échange entre billets nationaux des différents États membres participants puissent être facturées au cours de la période de transition : le risque de change aura certes disparu – ce qui réduira les coûts d’environ 20 % – mais les autres coûts de traitement resteront identiques », souhait auquel les associations de consommateurs se sont opposées. Au cours de cette table ronde, la Deutsche Bank a indiqué qu’elle entendait, pendant la période transitoire, facturer le change d’espèces aux personnes non titulaires de comptes mais offrir ce service gratuitement à ses clients.

10
À l’issue de la table ronde du 15 mai 1997, la Commission a confié à un groupe d’experts la mission d’examiner si – et comment – les banques pouvaient exiger la rémunération des services de conversion des monnaies des États membres participants.

11
Les conclusions pertinentes du groupe d’experts quant à la période transitoire sont les suivantes (rapport du groupe d’experts sur les frais bancaires de conversion vers l’euro, 20 novembre 1997 ; document cité au considérant 137 de la décision attaquée, note 56) :

pour l’échange de billets des monnaies des États membres participants, l’article 52 des statuts du SEBC oblige les banques centrales de la zone euro à échanger aux taux irrévocables de conversion les billets des monnaies d’autres États membres participants mais aucune disposition n’interdit aux banques commerciales de facturer ce type de service ;

s’agissant de la transparence, l’obligation d’utiliser les taux irrévocables de conversion pour toute opération de change implique que toute commission doit être identifiée séparément du taux irrévocable de conversion et non dissimulée dans un écart de change.

12
Dans une note figurant à l’annexe A du rapport du 20 novembre 1997, le groupe d’experts indique :

« 19. Aucune disposition législative communautaire ou nationale n’interdit aux banques commerciales, aux bureaux de change et autres établissements de répercuter le coût de l’échange de billets. D’un point de vue économique, cet échange constitue indéniablement un ‘service’, dans le cadre duquel deux éléments juridiquement différents sont échangés, contrairement à ce qui se produit lors d’une conversion de monnaie scripturale.

[…]

Transparence

23. Toute conclusion selon laquelle des frais peuvent être prélevés sur certaines opérations (par exemple, en cas d’échange de pièces et de billets nationaux contre d’autres pièces et billets nationaux) est subordonnée à l’exigence de la transparence de la rémunération de l’échange. À l’heure actuelle, les banques et bureaux de change d’un certain nombre d’États membres prélèvent une commission de change sous la forme d’une ‘marge’ globale entre les taux acheteur et vendeur d’une même monnaie. Dès l’introduction de l’euro, l’application de ces marges ne pourra être considérée comme une application correcte des taux de conversion au regard du règlement fondé sur l’article 109 L, paragraphe 4, du traité. De telles marges (correspondants à des écarts entre unités d’une autre monnaie) seront sans doute considérées comme incompatibles avec les dispositions de droit communautaire et/ou national organisant la protection du consommateur. Cette exigence de transparence s’applique à tous les cas où des frais de conversion sont facturés : ces frais doivent être explicites et non implicites.

[…]

Conclusions

[…]

Des frais peuvent être facturés pour l’échange de billets et de pièces pendant la période transitoire, pour autant qu’ils soient présentés de façon transparente comme des frais de manipulation. »

13
Sur la question de savoir si les banques avaient l’intention de facturer des frais pour l’échange de billets des États membres participants, le rapport d’experts du 20 novembre 1997 indique que la plupart des banques avaient l’intention de prélever de tels frais qui devraient cependant être moins élevés que ceux jusqu’alors pratiqués, en raison de la disparition du risque de change.

14
Reprenant les positions exprimées par les associations de consommateurs, le groupe d’experts a estimé que le passage à l’euro serait plus facilement accepté si les banques renonçaient à exiger une rémunération pour la conversion. Le groupe d’experts s’est prononcé en faveur de « principes de bonne pratique » établissant la gratuité de la conversion.

15
Ces éléments ont également été repris dans le n° 21 des Cahiers de l’euro publié par la Commission en 1998, à une date non spécifiée.

16
À l’issue de ces consultations, a été adoptée la recommandation 98/286/CE de la Commission, du 23 avril 1998, concernant les frais bancaires de conversion vers l’euro (JO L 130, p. 22, ci-après la « recommandation de la Commission du 23 avril 1998 ». L’article 2 énumère, à l’intention des banques, plusieurs principes de bonne pratique en matière de conversion sans frais. Ces principes ne concernent pas les services d’échanges de billets et de pièces en monnaies de la zone euro au cours de la période transitoire. L’article 3 de la recommandation du 23 avril 1998 est rédigé comme suit :

« Article 3 ─ Transparence

1. Pour toutes les conversions d’une unité monétaire nationale en unité euro et vice-versa et pour tous les échanges de billets de banque et de pièces des États membres participants, les banques devraient indiquer clairement l’application des taux de conversion en conformité avec les dispositions du règlement (CE) n° 1103/97 et présenter séparément les frais de toutes sortes éventuellement prélevés.

2. Dans le cas où les banques prélèvent sur les conversions et les échanges des frais non prévus par l’article 2 ou lorsqu’elles n’appliquent pas une ou plusieurs dispositions de l’article 2, point b), elles devraient fournir des informations claires et transparentes concernant les frais de conversion et d’échange en fournissant à leur clientèle :

a) des renseignements écrits préalables sur les frais de conversion et d’échange qu’elles se proposent de facturer

et

b) des informations spécifiques, a posteriori, sur tous les frais de conversion et d’échange qui ont été prélevés, lesdites informations devant figurer sur les relevés de compte ou de carte bancaire ou tout autre moyen de communication avec le client. Il doit ressortir clairement de ces informations que les taux de conversion ont été appliqués en conformité avec les dispositions du règlement (CE) n° 1103/97 ; les frais de conversion et d’échange éventuellement facturés doivent être indiqués séparément du taux de conversion ainsi que de tous les autres frais éventuellement prélevés. »

Décision attaquée

17
La présente affaire concerne la décision 2003/25/CE de la Commission, du 11 décembre 2001, relative à une procédure ouverte au titre de l’article 81 CE [Affaire COMP/E-1/37.919 (ex 37.391) – Frais bancaires pour la conversion de monnaies de la zone euro – Allemagne] (JO 2003, L 15, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).

18
Parmi les services d’échange de devises, il y a lieu de distinguer, d’une part, la conversion de monnaie scripturale et, d’autre part, le change de pièces et billets ou « change d’espèces ». Ce dernier type de service, seul pertinent aux fins du présent recours, peut encore être scindé en deux catégories : d’une part, les services de change d’espèces en gros permettant aux banques d’échanger de grandes quantités de billets (ci-après les « services interbancaires de change d’espèces ») et, d’autre part, les services de change d’espèces au détail, destinés aux particuliers et portant sur de petites quantités de billets.

19
Avant l’introduction de l’euro, la rémunération des services de change d’espèces ne donnaient généralement pas lieu, en Allemagne, à une facturation distincte : le prix de ces services était inclus dans les cours auxquels les établissements de crédit et bureaux de change achetaient et vendaient les devises à leurs clients. À l’achat, le cours pratiqué était inférieur au taux de référence du marché et, à la vente, supérieur à celui-ci (considérant 38 de la décision attaquée). Cet écart par rapport au taux de référence du marché est parfois appelé « écart de cours ».

20
Les destinataires de la décision attaquée sont cinq banques établies en Allemagne :

Commerzbank ;

Dresdner Bank ;

Bayerische Hypo- und Vereinsbank (HVB) ;

Deutsche Verkehrsbank (DVB) ;

Vereins- und Westbank (ci-après « VUW » ou la « requérante »).

21
La requérante exerce principalement son activité de banque universelle en Allemagne.

22
Au début de l’année 1999, la Commission a engagé une procédure d’enquête à l’encontre d’environ 150 banques, dont la requérante, établies dans sept États membres, à savoir la Belgique, l’Allemagne, l’Irlande, les Pays-Bas, l’Autriche, le Portugal et la Finlande. Elle soupçonnait ces banques de s’être entendues pour fixer, au cours de la période transitoire, les prix des services de change d’espèces pour les monnaies de certains États membres participants. Bien qu’initialement engagée sous un numéro de dossier unique, la Commission a poursuivi son enquête en ouvrant des procédures distinctes sur l’existence d’ententes dans les États membres concernés.

23
À partir du 8 février 1999, la Commission a demandé des renseignements à trois associations de banques allemandes, conformément à l’article 11 du règlement nº 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), concernant principalement la rémunération des services de change d’espèces.

24
Les 16 et 17 février 1999, la Commission a procédé à des vérifications aux sièges sociaux, à Francfort-sur-le-Main, de la Dresdner Bank et de la Deutsche Bank.

25
Le 19 octobre 1999, la Commission a adressé un questionnaire à environ 240 banques de la zone euro, en leur demandant, conformément à l’article 11 du règlement n° 17, de fournir des données sur les commissions de change facturées avant et après l’introduction de l’euro. Ce questionnaire a été adressé à 42 banques allemandes dont les destinataires de la décision attaquée (considérant 22 de la décision attaquée).

26
Les 20 et 21 octobre 1999, la Commission a procédé à des vérifications aux Pays-Bas, au siège social de la GWK Bank (ci-après « GWK ») (considérants 20 et 21 de la décision attaquée).

27
Par lettres des 3 et 10 août 2000, la Commission a envoyé une communication des griefs aux banques suivantes :

Commerzbank ;

DVB ;

HVB ;

Reisebank ;

Dresdner Bank ;

VUW ;

Bayerische Landesbank Girozentrale ;

SEB Bank (anciennement dénommée BfG) ;

Hamburgische Landesbank Girozentrale ;

Westdeutsche Landesbank Girozentrale ;

Landesbank Hessen Thüringen Girozentrale ;

GWK et ses sociétés mères Fortis NV, Fortis Services Nederland NV et Fortis Bank Nederland NV.

28
Les 1er et 2 février 2001, le conseiller-auditeur a entendu les destinataires de la communication des griefs.

29
Le 11 décembre 2001, la Commission a adopté la décision attaquée.

30
Selon la décision attaquée (considérant 2), les banques ayant participé à la réunion qui a eu lieu le 15 octobre 1997 dans les locaux de la DVB à Francfort-sur-le-Main (ci-après la « réunion du 15 octobre 1997 ») se sont mises d’accord pour prélever une commission d’environ 3 % sur l’achat et la vente de billets de banque de la zone euro au cours de la période transitoire.

31
L’initiative de cette réunion serait imputable à la GWK. La décision attaquée relève en effet que cette banque a incité la Reisebank, lors d’une réunion du 29 avril 1997, à entamer des discussions avec d’autres banques allemandes dans le but principal de s’assurer que la banque centrale d’Allemagne n’offrirait pas gratuitement aux consommateurs un service de change d’espèces (considérant 60 de la décision attaquée).

32
Les preuves documentaires de l’infraction se trouvent, selon la décision attaquée (considérant 62), dans les comptes rendus de réunions et de conversations téléphoniques qui ont été trouvés lors des vérifications dans les locaux de la GWK, en particulier les comptes rendus de la réunion du 15 octobre 1997 établis respectivement par M. [A], employé de la GWK (ci-après le « compte rendu [A] »), et par M. [B], employé de la Commerzbank (ci-après le « compte rendu [B] »).

33
Dans la décision attaquée, la Commission a tout d’abord noté que les participants sont convenus d’informer la Bundesbank (banque centrale d’Allemagne) qu’ils pratiqueraient, à compter du 1er janvier 1999, « le change de billets de banque de la zone euro aux taux de change fixés et qu’ils factureraient une commission explicite » (considérant 88 de la décision attaquée).

34
Ensuite, la Commission a relevé (considérant 89 de la décision attaquée) que les participants à la réunion du 15 octobre 1997, n’ayant pu s’accorder sur le principe d’une tarification unique, « se sont fixés comme objectif commun de remplacer les écarts de [cours] par des commissions en pourcentage, de façon à pouvoir récupérer 90 % des revenus généraux par l’activité de change, ce qui représenterait une commission globale d’environ 3 % ». Sur la base du compte rendu [B], la Commission affirme ainsi « qu’il y a consensus sur l’utilisation de taux de change fixe pour les monnaies de la zone euro (c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’application de cours acheteurs et vendeurs), avec des frais qui seront calculés sous forme d’une commission exprimée en pourcentage » (considérant 95 de la décision attaquée).

35
Enfin, la Commission a considéré que les comptes rendus [A] et [B] font tout deux état d’un accord portant sur la rémunération des services de change d’espèces sous forme d’une commission exprimée en pourcentage du montant changé. Le compte rendu [B] ne mentionne pas le montant de cette commission, contrairement au compte rendu [A] qui fait état d’un montant d’environ 3 %. Toutefois, la Commission a pris en considération le fait que, lors de l’audition des 1er et 2 février 2001, la Bayerische Landesbank a déclaré que son représentant à la réunion du 15 octobre 1997 avait rappelé que « certains représentants de certaines banques ont mentionné des chiffres qui se situaient entre 2 et 4 % », bien que ce dernier n’ait pas souvenir d’un montant de 3 % (considérant 96 de la décision attaquée).

36
Sur la base de ces éléments, la Commission a estimé que « les banques ayant participé à la réunion du 15 octobre 1997 sont convenues d’introduire une commission globale d’environ 3 % (afin de récupérer 90 % de leurs revenus) après le 1er janvier 1999 » et que cet accord « avait à la fois pour objet et pour effet de restreindre la concurrence dans la Communauté » (considérants 120 et 128 de la décision attaquée). Cet accord a été conclu pour la période transitoire (considérant 173 de la décision attaquée).

37
Selon l’article 1er de la décision attaquée, Commerzbank, Dresdner Bank, HVB, DVB et VUW ont enfreint l’article 81 CE, « en participant à un accord qui avait pour objet de déterminer a) les modalités de facturation des frais pour les opérations de change de billets de banque en monnaies de la zone euro (c’est-à-dire une commission exprimée en pourcentage) et b) un niveau cible pour ces frais d’environ 3 % (afin de récupérer 90 % des revenus issus de l’écart de cours) au cours de la période transitoire commençant au 1er janvier 1999 ».

38
Estimant qu’il s’agissait d’une infraction grave d’une durée d’environ quatre ans, la Commission a imposé les amendes suivantes (article 3 de la décision attaquée) :

Commerzbank 28 000 000 euros

Dresdner Bank 28 000 000 euros

HVB     28 000 000 euros

DVB     14 000 000 euros

VUW    2 800 000 euros

39
La requérante a reçu communication de la décision attaquée le 19 décembre 2001.


Procédure

40
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 février 2002, la requérante a introduit le présent recours.

41
La Commission, après avoir reçu notification de la requête, n’a pas déposé de mémoire en défense dans le délai qui lui était imparti. Par lettre déposée au greffe le 27 juin 2002, la requérante a demandé au Tribunal de lui adjuger le bénéfice de ses conclusions, conformément à l’article 122, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le greffe a signifié cette demande à la Commission.

42
Le Tribunal doit, dès lors, statuer par défaut. La recevabilité du recours ne faisant aucun doute et les formalités ayant été régulièrement accomplies, il lui appartient, conformément à l’article 122, paragraphe 2, du règlement de procédure, de vérifier si les conclusions de la requérante paraissent fondées.


Conclusions de la partie requérante

43
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne ;

à titre subsidiaire, annuler l’amende ou réduire son montant ;

condamner la Commission aux dépens.


En droit

44
Les principaux moyens invoqués dans la requête portent sur les éléments qui suivent :

diverses violations des droits de la défense au cours de la procédure administrative ;

l’existence d’une infraction à l’article 81 CE, en raison d’erreurs de droit et de fait ;

la participation de la requérante à l’infraction ;

l’imputabilité de l’infraction ;

la motivation de la décision attaquée ;

un détournement de pouvoir ;

la détermination du montant de l’amende.

45
Aux fins du présent arrêt par défaut, il convient d’examiner en priorité les moyens par lesquels la requérante conteste l’existence d’un accord en mettant en cause l’exactitude des constatations de fait opérées par la Commission.


Sur les constatations de fait

46
La requérante fait essentiellement valoir qu’aucun accord sur les modalités de facturation des commissions de change et leur montant n’a été conclu lors de la réunion du 15 octobre 1997. La Commission n’aurait pas démontré à suffisance de droit les faits sur la base desquels elle a conclu à l’existence d’une infraction.

Sur l’accord relatif aux modalités de facturation des commissions de change

Arguments de la requérante

47
La requérante nie avoir conclu un accord sur les commissions de change. Elle prétend ne pas avoir eu connaissances de pourparlers antérieurs à la réunion du 15 octobre 1997. Elle soutient que la qualification d’accord prohibé par l’article 81 CE est exclue car les discussions qui ont eu lieu le 15 octobre 1997 sur la forme des commissions, leur transparence et la disparition du système des « écarts de cours » ne concernent que le respect de la réglementation relative à l’euro. Informer la Bundesbank de son intention de pratiquer le change à partir de taux fixes et d’une commission explicite ne constituerait pas un accord illicite mais la simple communication d’un comportement légal.

48
La Commission présumerait l’existence d’un accord sur la structure des commissions. Elle méconnaîtrait le rapport [A], selon lequel :

« [...] Comme il n’a pas été possible au cours de la réunion de se mettre entièrement d’accord sur le point de savoir s’il fallait introduire une commission unique ou une commission différente par monnaie, il a été décidé d’informer la Bundesbank que: Les banques présentes à la réunion décideront chacune par elle-même de la forme que prendra son futur mode de facturation des frais. » (document 12 à la communication des griefs; annexe 8 à la requête).

49
En toute hypothèse, un « accord » sur le principe d’une commission proportionnelle ne ferait que satisfaire l’obligation de transparence découlant du règlement n° 1103/97. Tout autre système envisageable aurait dû tenir compte de l’importance des volumes changés, aboutissant à un barème complexe difficilement compatible avec le principe de transparence. La requérante soutient que le rapport [B] est clair: le prélèvement d’une commission en pourcentage s’imposait, par son caractère usuel et sa conformité à l’obligation de transparence (considérant 89 de la décision attaquée).

50
La requérante réfute le considérant 113 de la décision attaquée, selon lequelle la Landesbank Hessen Thüringen a reconnu « avoir conclu un accord sur les modalités de facturation des frais pour la période transitoire au cours de la réunion du 15 octobre 1997 ». La Commission n’ayant pas permis à la requérante d’avoir accès à la réponse de la Landesbank Hessen Thüringen, la requérante ne s’estime pas en mesure de vérifier la véracité de cet élément. En effet, un employé de la requérante présent à la réunion du 15 octobre 1997, M. [C], aurait confirmé qu’un tel accord n’a pas été conclu.

51
La requérante s’insurge contre les affirmations de la Commission selon lesquelles il n’était ni naturel ni logique de remplacer le système d’écart de cours par une commission proportionnelle. La Commission tenterait d’étayer son affirmation en avançant que la Deutsche Bank aurait initialement envisagé de ne pas exiger de rémunération pour les services de change d’espèces. Ce raisonnement serait illogique. La requérante reproche en effet à la Commission d’avoir considéré que les modifications apportées aux commissions devaient avoir pour but de garantir un certain niveau de revenus. Or, de l’avis de la requérante, le niveau de revenus ne dépend pas des modalités ou de la structure des commissions.

Appréciation du Tribunal

52
Selon une jurisprudence constante, pour qu’il y ait accord, au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 112, et du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 86 ; arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, Rec. p. II-1711, point 256, et du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T‑41/96, Rec. p. II‑3383, point 67).

53
En ce qui concerne la forme d’expression de ladite volonté commune, il suffit qu’une stipulation soit l’expression de la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément à ses termes (voir, en ce sens, arrêts ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 112 ; Van Landewyck e.a./Commission, précité, point 86, et arrêt Bayer/Commission, précité, point 68).

54
Il s’ensuit que la notion d’accord, au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, telle qu’elle a été interprétée par la jurisprudence, est axée sur l’existence d’une concordance de volontés entre deux parties au moins, dont la forme de manifestation n’est pas importante pour autant qu’elle constitue l’expression fidèle de celles-ci (arrêt Bayer/Commission, précité, point 69).

55
Il convient d’examiner si la requérante a rapporté à suffisance de droit la preuve de l’existence d’éléments de nature à remettre en cause la validité des éléments sur la base desquels la Commission a constaté l’existence d’une concordance de volontés entre les participants à la réunion du 15 octobre 1997 sur la fixation des modalités de facturation des commissions de change d’espèces.

56
Ce dernier aspect de l’accord incriminé a été exposé aux considérants 95, 96, 114, 115, 132 et 184 de la décision attaquée, la Commission ayant consacré l’essentiel de son analyse à la question de la fixation du montant des commissions.

57
Il ressort des considérants 38 et 139 de la décision attaquée que l’abandon de l’écart de cours était la conséquence de l’entrée en vigueur des taux irrévocables de conversion. La Commission a en effet exposé que la « fixation irrévocable des taux de change au 1er janvier 1999 signifiait l’abolition des différents cours acheteurs et vendeurs, c’est-à-dire aussi de l’écart de [cours] en tant que moyen d’expression des frais de change des billets de banque de la zone euro » (considérant 38 de la décision attaquée). De plus, la Commission a écarté les arguments visant à faire valoir que la réunion du 15 octobre 1997 avait pour objet d’examiner la question du maintien de l’écart de cours pendant la période transitoire, en affirmant que, « [d]ès 1995, tout le monde savait que les taux de change seraient fixés de façon irrévocable et que seuls ces taux fixes pourraient être utilisés » et que « [l]a conséquence directe en est que le recours aux ‘écarts de [cours]’ ne sera plus autorisé et que tous les frais facturés devront être indiqués de façon explicite et transparente » (considérant 139 de la décision attaquée).

58
La Commission a en outre relevé que l’entrée en vigueur des taux irrévocables de conversion avait été à l’origine du volet de l’infraction relatif à la fixation du montant des commissions de change. Ainsi, dans la partie de la décision attaquée consacrée à l’appréciation juridique, la Commission a estimé que l’accord sur les prix avait été conclu « dans le but de récupérer environ 90 % des revenus perdus à la suite de la suppression de [l’écart de cours] au 1er janvier 1999 » (considérant 116 de la décision attaquée ; voir également considérant 130).

59
S’agissant des preuves de l’existence d’un accord sur le principe d’une rémunération exclusivement proportionnelle, la Commission a indiqué (considérant 95 de la décision attaquée) :

« En ce qui concerne les opérations de change, le compte rendu [B] note qu’il y a consensus sur l’utilisation de taux de change fixes pour les monnaies de la zone euro (c’est-à-dire qu’il n’y a pas application de cours acheteurs et vendeurs), avec des frais qui seront calculés sous forme d’une commission exprimée en pourcentage. La méthode de calcul pour la conversion de ces monnaies sera adoptée par chaque banque individuellement : ‘[…] En ce qui concerne la question de la fixation des cours/prix pour les opérations de change durant la phase 3a (soit du 1er janvier 1999 au 1er janvier 2002) de l’UEM, les participants se sont mis d’accord sur les points suivants :

1) Opérations avec les particuliers

[…]

les frais/commissions seront calculés sous forme de pourcentage de la valeur changée […]’ »

60
La Commission note que « [les comptes rendus [B] et [A]] correspondent sur le fait que les frais à facturer aux clients seront exprimés sous forme d’un pourcentage » (considérant 96 de la décision attaquée).

61
Ces éléments, pris isolément, apparaissent toutefois insuffisants pour établir l’existence d’une concordance de volontés sur le principe d’une commission exclusivement proportionnelle au volume échangé. Le passage du compte rendu [B] sur lequel s’est appuyée la Commission (considérant 95 de la décision attaquée) ne démontre pas d’une manière convaincante l’existence d’un accord visant à l’adoption d’un standard de présentation des commissions de change commun à tous les participants à la réunion du 15 octobre 1997, et ce pour trois raisons.

62
Premièrement, l’interprétation du compte rendu [B] avancée par la Commission comme preuve de l’existence d’un accord sur les modalités de facturation des services de change a été contestée au cours de la procédure administrative par les participants à la réunion du 15 octobre 1997 (considérant 112 de la décision attaquée). Par conséquent, le compte rendu [B] ne peut, sans être étayé par d’autres éléments, être considéré comme constituant une preuve irréfutable de l’existence d’un accord sur ce point (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Enso-Gutzeit/Commission, T‑337/94, Rec. p. II-1571, point 91).

63
Deuxièmement, le compte rendu [B] ne contient pas de preuves ou d’indices déterminants permettant de conclure à l’existence d’un accord de « normalisation des modalités de facturation », expression employée par la Commission au considérant 114 de la décision attaquée. Au contraire, dans le contexte de la présente affaire, le passage du compte rendu [B] sur lequel s’est appuyée la Commission peut donner lieu à d’autres interprétations qui apparaissent, à première vue, plausibles à la lumière des arguments de la requérante.

64
D’une part, ce passage peut fort bien être compris comme traduisant l’expression d’un consensus entre les banques sur la nécessité de renoncer au système de l’écart de cours en raison de l’évolution de la réglementation relative à l’euro. Ainsi qu’il a été précédemment rappelé, l’obligation d’utiliser les taux irrévocables de conversion a eu pour conséquence de rendre nécessaire l’utilisation d’un mécanisme d’affichage du prix des services de change distinct desdits taux.

65
D’autre part, le compte rendu [A] contient des éléments qui sont de nature à jeter un doute sérieux, voire à contredire directement, l’interprétation par laquelle la Commission a conclu à l’existence d’un accord de « normalisation des modalités de facturation » des services de change. En particulier, il ressort du compte rendu [A] que, au cours de la réunion du 15 octobre 1997, les banques se sont interrogées sur la question de savoir si l’utilisation obligatoire des taux irrévocables de conversion avait pour conséquence l’obligation pour les banques d’utiliser le même niveau de commission pour le change de chacune des devises nationales ou si, au contraire, il serait possible d’adopter un niveau de commission propre à chacune de ces devises. La Commission a, en effet, considéré que les participants « n’ayant pu se mettre d’accord sur le fait de savoir si cette commission devait être unique pour toutes les monnaies ou différente d’une monnaie à l’autre, les participants ont décidé de faire savoir à la Bundesbank que […] ‘Chacune des banques présentes décidera par elle-même de la forme que prendra son futur mode de facturation des [commissions]’ » (considérants 89 et 103 de la décision attaquée). Ce dernier extrait du compte rendu [A] infirme donc la thèse de l’existence d’un accord sur les modalités de facturation.

66
Troisièmement, il y a lieu de constater, à l’instar de la requérante, qu’un mode de commission « exprimé sous forme de pourcentage » (considérant 115 de la décision attaquée) apparaît, à première vue, comme un mode naturel d’expression du prix des services de change. À cet égard, il est loisible d’observer que, dans la décision attaquée, la Commission elle-même a eu recours à cette présentation lorsque, à la note 43 (considérant 102 de la décision attaquée), elle a donné une indication du niveau des prix pratiqués sous l’empire du système de l’écart de cours. De plus, un système de rémunération proportionnel apparaît d’autant plus compréhensible que les frais exposés par les banques pour la fourniture des services de change (transport, manutention, entreposage) tendent à croître avec les volumes échangés. Ainsi, l’adoption d’un mode d’expression des prix sous forme d’un pourcentage du montant échangé paraît, à première vue, davantage liée à la nature des services en cause qu’à une quelconque concordance de volontés.

67
La Commission a rejeté les objections par lesquelles les banques faisaient, en substance, valoir ces arguments, au motif qu’il n’était « ni naturel ni logique que chaque banque décide individuellement de transformer [le système de l’écart de cours] en une commission exprimée sous forme de pourcentage » et que, « de fait, il semble que la Deutsche Bank envisageait initialement de fournir un service gratuit » (considérant 115 de la décision attaquée). Toutefois, force est de constater que cette réfutation n’est ni argumentée ni étayée. Quant à l’invocation de la politique de la Deutsche Bank, celle-ci n’est pas pertinente, dans la mesure où elle concerne non pas les modalités de facturation des services de change mais la possible renonciation d’un concurrent à exiger la rémunération de ses services au cours de la période transitoire.

68
Par ailleurs, la décision attaquée ne peut être lue comme visant un accord par lequel les banques auraient entendu adopter un mode de facturation strictement proportionnel au volume échangé, à l’exclusion de toute composante fixe. En effet, la décision attaquée ne contient aucune déclaration univoque en ce sens. De surcroît, il ressort directement du considérant 147 de la décision attaquée que la Commission avait connaissance de l’emploi par certaines banques de mode de rémunération associant une composante fixe (exprimée sous forme de montants minimaux) à une composante calculée en pourcentage du montant échangé. Ainsi, lorsque la Commission a adopté la décision attaquée le 11 décembre 2001, quelques jours avant le terme de la période transitoire, elle n’ignorait pas que plusieurs banques avaient eu recours à des modalités de rémunération associant à la fois une partie proportionnelle au volume et une partie fixe.

69
Dans de telles circonstances, il y a lieu d’admettre, à la lumière de la requête, que la requérante est parvenue à démontrer que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit l’existence d’un accord sur la modalité de facturation des services de change d’espèces. En l’absence de preuve d’une concordance de volontés sur ce point, il y a lieu d’annuler l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il vise un accord ayant pour objet « de déterminer les modalités de facturation des [commissions] pour les opérations de change de billets de banque en monnaies de la zone euro (c’est-à-dire une commission exprimée en pourcentage) ». Il n’est pas nécessaire d’examiner les autres griefs de la requérante.

Sur l’accord relatif au montant des commissions de change

Rappel de la décision attaquée

70
Afin de reconstituer le contenu des discussions qui ont eu lieu lors de la réunion du 15 octobre 1997 et d’en déduire l’existence d’un accord de fixation de prix, la Commission s’est fondée sur les comptes rendus [A] et [B]. Selon la décision attaquée, il ressort de ces deux comptes rendus que les participants ont examiné les questions suivantes relatives à la période transitoire :

le principe de la rémunération des services de change d’espèces (considérants 87 et 95 de la décision attaquée) ;

le maintien de l’écart de cours (considérants 86, 88, 93 et 95 de la décision attaquée) ;

l’application d’une commission uniforme pour toutes les subdivisions de l’euro ou l’application de commission propre à chacune d’entre elles (considérants 89 et 103 de la décision attaquée) ;

la méthode de calcul (cotation au certain ou à l’incertain) du change entre subdivisions de l’euro (considérants 90 et 95 de la décision attaquée) ;

les services interbancaires de change d’espèces (considérants 91, 94 et 97 de la décision attaquée).

71
En revanche, les comptes rendus [A] et [B] ne convergent pas sur le point de savoir si des discussions ont eu lieu concernant le niveau des commissions de change d’espèces au cours de la période transitoire. En effet, la décision attaquée fait état, sur la base du compte rendu [A], de discussions relatives à la fixation d’un montant d’environ 3 % (considérant 89 de la décision attaquée) ou, à tout le moins, compris entre 2 et 4 %, alors que le compte rendu [B] ne contient aucune disposition équivalente (considérants 96, 106 et 107 de la décision attaquée).

72
La Commission a néanmoins estimé que le compte rendu [A] était corroboré par les déclarations de la Bayerische Landesbank lors de l’audition (considérants 96, 107 et 119 de la décision attaquée).

73
Dans son appréciation juridique, la Commission a considéré que les participants à la réunion du 15 octobre 1997 se sont mis d’accord pour fixer à environ 3 % le niveau de commission pratiqué pour les services de change d’espèces au cours de la période transitoire (considérants 102 et 104 de la décision attaquée).

74
La Commission a réfuté les objections de certains destinataires de la communication des griefs, dont la requérante, qui arguaient de l’insuffisance des preuves invoquées. Elle a, en effet, estimé que le compte rendu [A], contemporain de la réunion du 15 octobre 1997, était corroboré par les déclarations de la Bayerische Landesbank et de la Commerzbank (considérants 118 à 120 de la décision attaquée).

75
Ces entreprises ont, en vain, fait valoir que le prétendu accord serait en tout état de cause insensé parce que prématuré, compte tenu de la période le séparant du début de la période transitoire. La Commission a cependant considéré que le compte rendu [A] démontre que les participants jugeaient imminente l’arrivée de la période transitoire et a rejeté ces objections (considérants 122 à 124 de la décision attaquée).

76
Les banques en cause ont soutenu qu’elles n’ont pas, en pratique, appliqué un taux de commission d’environ 3 % et qu’elles ont déterminé leur montant de commission de manière autonome. La Commission a rejeté cette objection, estimant, d’une part, que l’infraction était prouvée sur la base d’éléments documentaires et non sur un comportement parallèle des entreprises sur le marché et, d’autre part, que l’accord éliminait ou réduisait sensiblement les incertitudes quant au comportement des banques concurrentes, à telle enseigne qu’aucune des banques participantes n’a pratiqué des taux inférieurs à 3 % (considérants 125 à 127 de la décision attaquée).

77
Enfin, la Commission a rejeté tous les arguments par lesquels les banques en cause ont tenté de démontrer que la réunion du 15 octobre 1997 n’avait pas pour objet la conclusion d’un accord de fixation horizontale de prix.

78
Elle a ainsi rejeté les arguments selon lesquels la réunion visait à permettre à ces entreprises de faire face à l’incertitude qui entourait l’interprétation de l’article 52 des statuts du SEBC. La Commission a, en effet, estimé que les discussions que les banques participantes avaient pu avoir avec la Bundesbank à propos de l’article 52 des statuts du SEBC ne visaient pas les commissions à prélever au cours de la période transitoire (considérants 133 à 135 de la décision attaquée).

79
La Commission a également récusé la thèse selon laquelle la réunion du 15 octobre 1997 visait à réduire les incertitudes réglementaires liées au passage à l’euro et faisait ainsi suite à la table ronde du 15 mai 1997 organisée par la Commission. Elle a souligné, en substance, que la table ronde ne concernait pas la question des commissions de change facturées par les banques (voir rapport du groupe d’experts du 20 novembre 1997) (considérants 136 et 137 de la décision attaquée).

80
La Commission n’a pas accepté les arguments selon lesquels la réunion avait pour objet la question de savoir si elles pourraient conserver l’écart de cours comme mode de facturation au cours de la période transitoire. Elle a, en effet, considéré que, depuis 1995, « tout le monde savait que les taux de change seraient fixés de façon irrévocable et que seuls ces taux fixes pourraient être utilisés ». La conséquence directe de cette situation était, selon la Commission, que le recours à l’écart de cours sera interdit dès l’ouverture de la période transitoire. Elle a également relevé à titre surabondant que, lors de la réunion du 15 septembre 1997, la Bundesbank avait levé toute équivoque sur ce point (considérants 138 à 140 de la décision attaquée).

81
La Commission a rejeté les arguments par lesquels certaines banques cherchaient à démontrer que l’objet de la réunion du 15 octobre 1997 était les services interbancaires et non les services de change d’espèces au détail. En effet, le compte rendu [B] fait état de discussions relatives à ce dernier type de service (considérants 141 à 143 de la décision attaquée).

82
L’objet anticoncurrentiel étant ainsi établi, la Commission n’a pas jugé utile d’examiner si la mise en œuvre de l’accord en cause avait pour effet de restreindre la concurrence. Elle a toutefois, à titre surabondant, relevé que les montants des commissions facturées par les destinataires de la décision attaquée étaient compris entre 3 et 4,5 % (considérants 144 à 148 de la décision attaquée).

Arguments de la requérante

83
La requérante soutient que la Commission n’est pas parvenue à établir les faits dont elle allègue l’existence. En substance, la requérante dément toute concertation sur le prix des commissions de change d’espèces au détail lors de la réunion du 15 octobre 1997. Elle conteste également la valeur probante des éléments invoqués par la Commission. Elle invoque, notamment, plusieurs arguments afin de démontrer que la réunion avait pour objet de lever certaines incertitudes réglementaires et techniques liées au passage à l’euro et affectant principalement les services interbancaires de change d’espèces. Elle soutient en outre que l’accord envisagé par la Commission serait dénué de sens.

Appréciation du Tribunal

84
Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que la discussion du montant des commissions de change était constitutive d’un accord prohibé par l’article 81 CE, de telle sorte qu’il n’est pas pertinent de se prononcer sur la légalité des discussions relatives aux incertitudes juridiques et techniques qui prévalaient en 1997 s’agissant, en particulier, du principe de la rémunération des services de change au cours de la période transitoire, de l’abandon de l’écart de cours, de la méthode de calcul du change (cotation au certain ou à l’incertain) et de l’utilisation d’un taux de commission unique pour toutes les devises des États membres participants.

85
La Commission a insisté sur le fait que la constatation de l’infraction repose sur des preuves documentaires (considérants 62, 120, 126, 142 et 158 de la décision attaquée). Toutefois, il apparaît que la preuve des discussions relatives à la fixation du prix des commissions de change d’espèces au détail provient d’un seul document, à savoir le compte rendu [A]. Aucune autre preuve documentaire n’est avancée dans la décision attaquée afin de démontrer l’existence de discussions sur ce point.

86
Cependant, la Commission a considéré, à titre surabondant, que le compte rendu [A] était corroboré par deux autres éléments jugés probants, à savoir, premièrement, les déclarations faites lors de l’audition par deux des participants à la réunion en cause et, deuxièmement, le comportement des participants sur le marché.

87
Compte tenu de ces éléments, il convient d’examiner si la requérante est parvenue à rapporter, à suffisance de droit, la preuve de l’existence de circonstances de nature à remettre en cause la validité des constatations de fait opérées par la Commission quant à l’existence d’une concordance de volontés entre les participants à la réunion du 15 octobre 1997 sur la fixation du prix des services en cause à la lumière du compte rendu [A], des déclarations de la Commerzbank et de la Bayerische Landesbank, ainsi que du comportement des participants sur le marché.

– Sur le compte rendu [A]

88
La constatation d’une infraction repose sur la preuve documentaire suivante, extraite du compte rendu [A] et reproduite au considérant 89 de la décision attaquée :

« Les banques présentes à la réunion ont exprimé leur intention de remplacer les revenus que génèrent actuellement les marges par des revenus provenant de commissions, et ce à concurrence d’environ 90 %. D’après les banques, cela représenterait une commission globale d’environ 3 %. »

89
Ce passage est obscur et ne permet pas, pris isolément, de comprendre comment la modification du système d’affichage des commissions de change pourrait affecter les « revenus » générés par lesdites commissions. Il convient donc de se référer à l’ensemble de la section dont est tiré ce passage. Celle-ci a été reproduite au considérant 89 de la décision attaquée et est rédigée comme suit :

« Différences de prix entre les monnaies de la zone euro

La politique de prix appliquée actuellement sur le marché des changes allemand est plus ou moins la même pour toutes les banques. À titre d’exemple, le schilling autrichien est acheté et vendu à un prix avantageux, alors que la lire italienne coûte très cher. M. [...], de la Commerzbank, estime que ces différences de prix entre les monnaies de la zone euro doivent continuer à exister. Son argument est que les écarts actuels peuvent être considérés comme le résultat du libre jeu des mécanismes du marché et que, de ce fait, ce système de fixation des prix devrait être remplacé par une structure dans laquelle les frais perçus seraient également différents. À cet égard, M. [...] (Bayerische Landesbank) a déclaré que des différences entre les monnaies ne pouvaient se justifier que lorsque les risques de change encourus étaient différents. Or, ce ne sera plus le cas après le 1er janvier 1999, lorsque toutes les monnaies de la zone euro seront considérées comme des dénominations de l’euro. M. [...] a ajouté que ce n’étaient pas tant les mécanismes du marché qui étaient à l’origine de la politique actuelle en matière de marges, mais que cette politique était plutôt le résultat d’un accord tacite sur les taux de change. L’enquête de l’[Institut monétaire européen (IME)] citée par M. [...], qui déclarait que les coûts du système bancaire allemand ne baisseraient que de 10 % avec la mise en circulation de l’euro, montre que la fixation des prix sur le marché des changes n’était pas due aux mécanismes du marché. Cela indique aussi l’existence d’un oligopole plutôt que d’un ‘polypole’.

C’est pourquoi le remplacement de l’accord tacite actuel sur des écarts différents par un accord tacite sur des commissions différentes n’entraînerait pas de gros bouleversements ni pertes de profits. M. [...] est tout à fait d’accord sur ce point.

En l’absence d’un consensus entre les participants à la réunion sur le fait de savoir s’il convenait d’introduire une commission unique ou une commission différente pour chaque monnaie, le message transmis à la Bundesbank serait le suivant :

Chacune des banques présentes décidera par elle-même de la forme que prendra son futur mode de facturation des frais.

Les banques présentes à la réunion ont exprimé leur intention de remplacer les revenus que génèrent actuellement les marges par des revenus provenant de commissions, et ce à concurrence d’environ 90 %. D’après les banques, cela représenterait une commission globale d’environ 3 %. »

90
Cette section aborde la question de savoir si les banques allaient pouvoir, au cours de la période transitoire, continuer de facturer les services de change d’espèces selon les caractéristiques propres au marché existant pour chacune des monnaies ou si l’arrivée de l’euro scriptural au 1er janvier 1999 devrait entraîner l’utilisation d’un niveau de commission identique pour chacune des monnaies des États membres participants. Cette section ne vise donc pas la question de la détermination du montant des commissions mais celle de savoir s’il devait y avoir un niveau de commission unique, applicable à toutes les anciennes devises nationales concernées ou autant de niveaux que de devises. L’extrait ci-dessus montre qu’il n’y avait pas d’accord entre les parties sur ce point.

91
L’extrait utilisé par la Commission aux fins de prouver l’existence d’un accord illicite suscite trois remarques.

92
Tout d’abord, par disparition des « marges », le compte rendu [A] semble se référer à l’abandon du système de l’écart de cours à la suite de l’entrée en vigueur des taux irrévocables de conversion le 1er janvier 1999. Les participants sont, en effet, convenus de la nécessité de remplacer ce système par l’utilisation de commissions de change explicites et distinctes du taux irrévocable de conversion appliqué (voir considérants 88, 93 et 95 de la décision attaquée).

93
Ensuite la référence au maintien de 90 % des « revenus » générés par le système des « marges » doit être comprise à la lumière du contexte de la réunion en cause. Ce point ne se réfère pas à des discussions visant à garantir aux participants à la réunion un certain niveau de « revenus » mais la conséquence directe de la disparition du risque de change.

94
En effet, il ressort de la requête que la fixation des taux irrévocables de conversion avait pour conséquence de faire disparaître le risque de change dès le début de la période transitoire. Par conséquent, les fluctuations du taux de change ayant disparu, les opérateurs offrant des services de change d’espèces voyaient ainsi disparaître les coûts induits par la volatilité des taux existant jusqu’alors. Dans son rapport du 23 avril 1997 (considérant 75 de la décision attaquée ; voir annexe 35 à la requête), l’IME a évalué l’économie qui résulterait de la disparition du risque de change. Il a ainsi considéré que les coûts des services de change en Allemagne pouvaient être répartis en quatre catégories, dans les proportions suivantes :

risque de change : 5 à 10 % ;

coûts de rapatriement (assurance et transport) : 5 à 10 % ;

coûts de transaction (salaires ; manipulation ; administration) : 70 à 85 % ;

coûts d’« opportunité » (détention de stocks d’espèces en monnaie étrangère) : 5 à 10 %.

95
L’IME a évalué que la disparition du risque de change pouvait entraîner une diminution du coût – et par conséquent des prix – des services de change d’espèces de l’ordre de 5 à 10 %. Ce rapport, s’il n’a pas fait l’objet d’une publication au Journal officiel par l’IME, a été largement diffusé auprès des organismes représentatifs du secteur bancaire, ainsi qu’en attestent les dispositions du considérant 75 de la décision attaquée.

96
Le résultat de cette analyse de l’IME n’était pas contesté puisque, lors d’une table ronde organisée par la Commission, les représentants du secteur bancaire ont fait valoir que, pendant la période transitoire, « le risque de change aura certes disparu – ce qui réduira les coûts d’environ 20 % – mais les autres coûts de traitement resteront identiques » (table ronde concernant les aspects pratiques de la transition vers l’euro : synthèse et conclusion ; données mentionnées au considérant 41 de la décision attaquée).

97
Ainsi, il y a lieu d’admettre que, par les 90 % visés, le compte rendu [A] se réfère à la réduction d’environ 10 % des coûts des services de change d’espèces entraînée par la disparition du risque de change. Compte tenu de cette réduction, les commissions perçues au cours de la période transitoire devraient également baisser de 10 %, de telle sorte que ces commissions pourraient alors couvrir 90 % des coûts actuels.

98
Enfin, s’agissant du passage du compte rendu [A] évoquant une commission d’environ 3 %, la requérante fait valoir qu’il ne s’agit là, tout au plus, que d’une traduction de l’état du marché, conforme aux données de l’IME.

99
Cette argumentation paraît fondée. En effet, dans son rapport du 23 avril 1997, l’IME a fourni une indication de l’ampleur de l’écart entre cours d’achat et cours de vente et a, à cet effet, distingué trois groupes de devises :

groupe 1 [franc belge (BEF), mark allemand (DEM), florin néerlandais (NLG), schilling autrichien (ATS) et franc français (FRF)] : écart faible, inférieur à 2 % ;

groupe 2 [livre sterling (GBP), lire italienne (ITL), peseta espagnole (ESP), escudo portugais (PTE), couronne suédoise (SEK) et livre irlandaise (IEP)] : écart moyen, compris entre 2 et 4 % ;

groupe 3 [drachme grecque (GRD) contre toutes les autres monnaies] : écart élevé, supérieur à 5 %.

100
Ces éléments confortent les allégations de la requérante selon lesquelles l’évocation d’un niveau de commission de change d’« environ 3 % », si elle a effectivement eu lieu, semble en tout état de cause refléter l’état du marché plus que l’existence d’un accord horizontal de fixation de prix.

101
En outre, la requérante a produit les témoignages de personnes présentes lors de la réunion du 15 octobre 1997, MM. [C] (VUW) et [D] (Hamburgische Landesbank), dont il ressort que, si la question du niveau des commissions de change (réduction due à la disparition du risque de change) a été évoquée lors de la réunion, il ne s’agissait, selon ces témoins, que d’un point tout à fait mineur, qui n’a pas donné lieu à des discussions quant à la fixation de leur montant.

102
Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le compte rendu [A] n’apparaît pas prouver, de manière déterminante, l’existence de discussions en vue de la fixation du prix des commissions de change d’espèces aux alentours de 3 %. Il est donc nécessaire d’examiner les autres éléments de preuve cités par la Commission dans la décision attaquée ainsi que ceux invoqués par la requérante afin de déterminer si, mis en balance, ces éléments permettent de considérer que la Commission a rapporté la preuve de l’existence d’un accord de fixation de prix.

– Sur les déclarations de la Commerzbank et de la Bayerische Landesbank

103
Selon la décision attaquée, l’existence d’une discussion sur le taux de commission dont fait état le compte rendu [A] serait corroborée par les propos de la Commerzbank et de la Bayerische Landesbank lors de l’audition (considérants 96, 107 et 118 à 120 de la décision attaquée). À la note 44 de la décision attaquée, la Commission se réfère également aux réponses à la communication des griefs de la requérante, de la Westdeutsche Landesbank et de la Hamburgische Landesbank.

104
Il y a tout d’abord lieu de constater que l’appréciation de la Commission selon laquelle ces déclarations confirment la thèse de l’existence d’une concordance de volontés sur la fixation des prix est discutable. Si les banques en cause ont déclaré que « csertains représentants de certaines banques ont mentionné des chiffres qui se situaient entre 2 et 4 % » par exemple (considérant 107 de la décision attaquée), aucune de ces déclarations ne confirme expressément l’existence de discussion sur la fixation d’un taux de commission.

105
Il est certes vrai que la fixation d’une bande de référence ou d’un niveau de prix cible peut constituer un mode de fixation de prix illicite puisque, dans une telle circonstance, les prix ne sont plus le résultat de décisions autonomes des opérateurs mais de leur concordance de volontés. Toutefois, les chiffres présentés (« entre 2 et 4 % » ; « environ 3 % » ; « entre 2 et 6 % » ; voir considérant 107 de la décision attaquée et note 44) reflètent – ainsi qu’il a été exposé précédemment – les prix du marché tels qu’ils ont pu être constatés par l’IME, sont vagues et présentent une forte amplitude (écart allant du simple au triple). Par conséquent, le caractère probant de ces éléments paraît discutable.

– Sur le comportement des participants sur le marché

106
À titre surabondant, la Commission a considéré que les participants ont, après la réunion du 15 octobre 1997, aligné leurs pratiques de prix conformément aux termes du prétendu accord. Aux considérants 147 et 148 de la décision attaquée, elle cite les taux pratiqués par Dresdner Bank, Commerzbank, HVB, VUW, GWK et Reisebank. Ces taux sont compris entre 3 et 4,5 %, certaines banques facturant en outre un montant fixe.

107
La requérante conteste les conclusions tirées par la Commission de ces éléments. Elle fait valoir, en substance, que la Commission s’est focalisée uniquement sur les taux de commission, sans inclure dans son analyse la part forfaitaire de leur rémunération. Or, compte tenu de la faiblesse des montants échangés, cette part aurait une incidence importante sur le montant de la rémunération pratiquée. Une analyse correcte des taux pratiqués entre 1998 et la période transitoire infirmerait les constatations de la Commission.

108
Ces arguments paraissent pertinents. Dans la mesure où la grande majorité des services en cause porte sur des montants inférieurs à 200 euros (la communication des griefs mentionne la proportion de 70 %, voir point 9 de la communication des griefs, la facturation de commissions forfaitaires de 5 ou 10 DEM ou d’un volume plancher de change a un impact considérable sur le montant réellement facturé par les banques, une fois exprimé en pourcentage. Dès lors, la Commission ne pouvait se limiter à examiner uniquement le taux de commission pratiqué, celui-ci n’offrant qu’une indication partielle du prix à la charge du consommateur.

109
Le détail des barèmes utilisés en 1999 par la requérante et d’autres banques apparaît au point 56 de la communication des griefs. Il ressort de ces divers éléments que les commissions pratiquées varient d’une banque à l’autre d’une manière significative lorsque est pris en considération le coût total des services de change (taux de commission et montant forfaitaire ou volume plancher). Exprimées en pourcentage, ces données infirment la validité des constatations de fait opérées par la Commission (considérants 147 et 148 de la décision attaquée) selon lesquelles les destinataires de la décision attaquée ont aligné leur prix à l’intérieur d’une fourchette comprise entre 3 et 4,5 %. Aucun élément ne permet de conclure de manière définitive que la convergence des prix vers une « bande » ait une cause autre que le jeu normal des forces du marché. Au contraire, il y a lieu de relever que, dès le début de la période transitoire, les commissions ont diminué sensiblement, ce qui peut être expliqué par la disparition du risque de change. Cette tendance s’est prolongée jusqu’à la fin de la période transitoire, qui correspond à la disparition du marché des services de change d’espèces de devises des États membres participants.

110
Par conséquent, les éléments sur la base desquels la Commission a estimé que le compte rendu [A] était corroboré par le comportement parallèle des banques participantes sur le marché ne sont pas convaincants.

111
L’ensemble des éléments de la requête qui viennent d’être examinés permettent de conclure que la Commission n’a pas rapporté à suffisance de droit la preuve de l’existence de l’accord dont elle a allégué l’existence, s’agissant tant de la fixation des prix des services de change d’espèces des monnaies de la zone euro au cours de la période transitoire que des modalités de facturation de ces prix. Il s’ensuit que les moyens relatifs à l’inexactitude des constatations de fait et au défaut de caractère probant des indices retenus à charge doivent être déclarés fondés.

112
Dès lors, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens du recours.


Sur les dépens

113
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)
La décision 2003/25/CE de la Commission, du 11 décembre 2001, relative à une procédure ouverte au titre de l’article 81 CE [Affaire COMP/E-1/37.919 (ex 37.391) – Frais bancaires pour la conversion de monnaies de la zone euro – Allemagne], est annulée en ce qu’elle concerne la requérante.

2)
La Commission supportera l’ensemble des dépens.

Lindh

García-Valdecasas

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 octobre 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh

Table des matières

Antécédents du litige

    Cadre réglementaire

    Décision attaquée

Procédure

Conclusions de la partie requérante

En droit

Sur les constatations de fait

    Sur l’accord relatif aux modalités de facturation des commissions de change

        Arguments de la requérante

        Appréciation du Tribunal

    Sur l’accord relatif au montant des commissions de change

        Rappel de la décision attaquée

        Arguments de la requérante

        Appréciation du Tribunal

            – Sur le compte rendu [A]

            – Sur les déclarations de la Commerzbank et de la Bayerische Landesbank

            – Sur le comportement des participants sur le marché

Sur les dépens



1
Langue de procédure : l'allemand.