Language of document : ECLI:EU:T:1998:266

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

19 novembre 1998 (1)

«Droits antidumping — Procédure administrative — Information finale — Modification des droits antidumping — Droits de la défense»

Dans l'affaire T-147/97,

Champion Stationery Mfg Co. Ltd, société établie à Hong-kong (Chine),

Sun Kwong Metal Manufactuter Co. Ltd, société établie à Hong-kong (Chine),

US Ring Binder Corporation, société établie à New Bedford, Massachusetts (États-Unis),

représentées par Me Richard Luff, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Loesch et Wolter, 11, rue Goethe,

parties requérantes,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par M. Antonio Tanca et Mme Eva Karlsson, membres du service juridique, en qualité d'agents, assistés de MM. Hans-Jürgen Rabe et Georg M. Berrisch, avocats à Hambourg et à Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Viktor Kreuschitz et Nicholas Khan, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

Koloman Handler GesmbH, société de droit autrichien, établie à Vienne (Autriche),

et

Robert Krause GmbH & Co. KG, association de droit allemand, établie à Espelkamp (Allemagne),

représentées par Me Rainer M. Bierwagen, avocat à Berlin et à Bruxelles,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d'annulation du règlement (CE) n° 119/97 du Conseil, du 20 janvier 1997, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains mécanismes pour reliure à anneaux originaires de Malaysia et de République populaire de Chine et portant perception définitive des droits provisoires (JO L 22, p. 1), dans la mesure où il concerne les requérantes,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),

composé de Mme P. Lindh, président, MM. R. García-Valdecasas, K. Lenaerts, J. D. Cooke et M. Jaeger, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 1er juillet 1998,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    Champion Stationery Mfg Co. Ltd (ci-après «Champion Stationery») et Sun Kwong Metal Manufacturer Co. Ltd (ci-après «Sun Kwong») produisent des mécanismes pour reliure à anneaux en République populaire de Chine (ci-après «RPC»). Ces deux sociétés vendent les mécanismes pour reliure à anneaux qu'elles produisent à une société qui leur est liée, à savoir US Ring Binder Corporation (ci-après «US Ring Binder»), laquelle les revend dans la Communauté.

2.
    A la suite d'une plainte déposée le 18 septembre 1995 par Robert Krause GmbH & Co. KG (ci-après «Robert Krause») et Koloman Handler GesmbH (ci-après «Koloman Handler»), sociétés dont la production cumulée est présumée représenter 90 % de la production communautaire de mécanismes pour reliure à anneaux, la Commission a, le 28 octobre 1995, ouvert une procédure antidumping concernant les importations de certains mécanismes pour reliure à anneaux originaires de Malaysia et de RPC (JO 1995, C 284, p. 16).

3.
    La Commission a envoyé un questionnaire à toutes les parties notoirement concernées. Les requérantes ont répondu au questionnaire et ont fait l'objet de vérifications sur place.

4.
    Le 11 juillet 1996, les requérantes ont été informées des faits et considérations essentiels sur la base desquels la Commission envisageait d'instituer des mesures provisoires.

5.
    Le 25 juillet 1996, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 1465/96 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains mécanismes pour reliure à anneaux originaires de Malaysia et de République populaire de Chine (JO L 187, p. 47, ci-après «règlement provisoire»). Après avoir constaté l'existence d'une marge moyenne de dumping s'élevant à 112,8 % pour la RPC (point 41 des considérants du règlement provisoire), la Commission a calculé le montant du droit nécessaire pour éliminer le préjudice causé à l'industrie communautaire par ces pratiques de dumping (points 82 à 86 des considérants du règlement provisoire). Pour la RPC, ce calcul a abouti à une marge d'élimination du préjudice de 35,4 %. Comme ce chiffre était inférieur à la marge de dumping provisoirement établie, le droit a été provisoirement fixé à ce niveau pour toutes les importations de mécanismes pour reliure à anneaux originaires de la RPC.

6.
    Le 12 août 1996, les requérantes ont transmis à la Commission leurs observations écrites sur le document d'information du 11 juillet 1996.

7.
    Le 29 octobre 1996, la Commission a adressé aux requérantes, par télécopie et par courrier, le document d'information finale (ci-après «document d'information»), dans lequel elle exposait les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle envisageait de recommander l'institution de droits définitifs.

8.
    La lettre de couverture accompagnant le document d'information accordait aux requérantes un délai jusqu'au 8 novembre 1996 pour présenter leurs observations. Les requérantes n'ont pas déféré à cette invitation.

9.
    Dans le document d'information, il était expliqué, au point A.3.1, que la Commission était parvenue à la conclusion que l'un des exportateurs de la RPC, World Wide Stationery (ci-après «WWS»), pouvait se voir accorder le traitement individuel qu'il avait demandé. Le point A.3.2 dudit document indique que «la marge de dumping individuelle de WWS s'élève à 96,6 %. A la suite de la décision d'accorder à WWS le traitement individuel demandé et abstraction faite, par conséquent, des transactions correspondantes dans le calcul de la moyenne concernant les exportations chinoises, la marge de dumping pour la RPC dans son ensemble s'élève à 129,22 %». Au point D du même document, intitulé «Mesures définitives», qui débute par des «Considérations relatives à l'établissement du niveau d'élimination du préjudice», il est expliqué (point D.1.1): «Dans ces conditions, la méthode de calcul du niveau d'élimination du préjudice exposée aux considérants 83 à 86 du règlement provisoire devrait être confirmée.» Au point D.2, intitulé «Niveau d'élimination du préjudice», il est expliqué, en ce qui concerne la RPC (point D.2.2): «L'octroi d'un traitement individuel à WWS affecte les conclusions provisoires. La méthode décrite ci-dessus a été appliquée pour calculer le niveau individuel d'élimination du préjudice de cette société, pour laquelle une marge de sous-cotation de 32,5 % a été établie.»

10.
    La lettre de couverture accompagnant le document d'information indiquait que l'envoi comprenait neuf pages au total («neuf pages total»). Les requérantes affirment avoir reçu neuf pages, lettre de couverture incluse. Toutefois, le Conseil a expliqué que, par erreur, les requérantes n'avaient pas reçu la dernière page du document d'information. Dans cette dernière page, produite par le Conseil en annexe D.3 à son mémoire en défense, la Commission expliquait que «la marge de sous-cotation réduite pour WWS [avait] pour effet une augmentation de la marge pour tous les autres exportateurs de la RPC à 39,4 % (auparavant 35,4 %)». Elle a, en outre, annoncé son intention de proposer au Conseil l'institution d'un droit de 32,5 % pour WWS et d'un droit résiduel de 39,4 % pour les autres entreprises chinoises ainsi que la perception définitive des montants garantis par le règlement provisoire dans la mesure où le droit provisoire n'excède pas le droit définitif.

11.
    Le conseil des requérantes a eu une conversation téléphonique, le 29 novembre 1996, avec M. Knoche, l'un des fonctionnaires de la direction générale Relations économiques extérieures (DG I) en charge du dossier.

12.
    Le 12 décembre 1996, M. Knoche a établi une note pour le dossier sur cette conversation téléphonique, qui se lit comme suit:

«M. Luff, conseiller juridique de US Ring Binder dans cette affaire, a appelé le 29 novembre, prétendant que sa cliente pouvait légitimement penser que le droit applicable à ses exportations resterait inchangé (35,4 %) en raison du point D.D.1

du document d'information, qui confirme les considérants 83 à 86 du règlement instituant un droit provisoire.

Il lui a été répondu que le point en question ne confirmait que la méthode définie dans le règlement provisoire, et que la dernière page du document d'information était très claire en ce qui concerne le droit proposé applicable à US Ring Binder (39,4 %).

M. Luff a alors soutenu ne pas avoir reçu cette dernière page et a laissé entendre qu'il lui était dès lors possible de demander un autre document d'information.

Il lui a été répondu que l'avis de réception du document d'information transmis par fax indiquait le bon nombre de pages, et que son bureau pourrait vérifier si l'envoi recommandé reçu entre-temps était aussi complet (dans la négative, il devrait introduire rapidement une réclamation).

Les demandes de M. Luff n'ont pas été réitérées ultérieurement.»

13.
    Les requérantes estiment que ce résumé de la conversation téléphonique est incomplet et inexact. Ainsi, dans leur réplique [p. 14, point 3, sous ii) et sous iii)], elles résument la conversation téléphonique comme suit: «Au cours de la conversation téléphonique qu'il a eue avec M. Luff, M. Knoche a précisé que différentes versions du document d'information ont été préparées. Il a ajouté que, bien que le document d'information aurait normalement dû être envoyé par la DG I, direction E (compétente en matière de préjudice), ce travail a été effectué dans le cas d'espèce par ses collègues de la DG I, direction C (compétente en matière de dumping). [...] M. Knoche a commencé par confirmer que le taux du droit applicable aux requérantes avait augmenté en raison du traitement individuel accordé à WWS. Toutefois, lorsque M. Luff a demandé comment il était possible que cette information ne figure pas dans le document d'information qu'il avait reçu, M. Knoche a ajouté que, en toute hypothèse, le document d'information mentionnait le nombre total de pages [...] et a invité M. Luff à vérifier s'il avait reçu toutes les pages. M. Luff a immédiatement répondu que le document d'information indiquait sur la première page qu'il contenait neuf pages au total et qu'il avait effectivement reçu l'ensemble des neuf pages. [M. Luff a ensuite ...] invité M. Knoche à contacter ses collègues de la DG I, direction C, afin de confirmer quelle était la bonne version et de leur demander de vérifier si la version du document d'information qui avait été envoyée à M. Luff était effectivement la bonne. [...] Lorsque M. Knoche a demandé à M. Luff si le document d'information qu'il avait reçu confirmait le taux du droit original institué à l'encontre de ses clients, M. Luff a répondu que c'était le cas si l'on considérait le dernier paragraphe du point D.1.1 M. Knoche a affirmé de manière très claire que, dans la version qu'il avait reçue, le dernier paragraphe ne se référait pas aux [points] 83 à 86 [des considérants du règlement provisoire] et que les [points] 85 et 86 [des considérants dudit règlement] étaient expressément omis.»

14.
    Le 20 janvier 1997, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 119/97 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains mécanismes pour reliure à anneaux originaires de Malaysia et de République populaire de Chine et portant

perception définitive des droits provisoires (JO L 22, p. 1, ci-après «règlement attaqué»). Le règlement attaqué a fixé le droit antidumping définitif pour les importations originaires de RPC à 39,4 %, à l'exception des importations effectuées par WWS, pour lesquelles a été institué un droit définitif de 32,5 %.

Procédure et conclusions des parties

15.
    C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 avril 1997, les requérantes ont introduit le présent recours.

16.
    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 août 1997, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Par décision du Tribunal du 10 novembre 1997, la Commission a été admise à intervenir. La Commission, qui n'a pas déposé de mémoire en intervention dans la présente affaire, a fait valoir ses arguments à l'audience.

17.
    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 septembre 1997, Koloman Handler et Robert Krause ont également demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Par décision du Tribunal du 10 novembre 1997, ils ont été admis à intervenir. Ils ont déposé leur mémoire en intervention dans le délai fixé par le greffe du Tribunal.

18.
    Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler le règlement attaqué dans la mesure où il les concerne;

—    condamner le Conseil aux dépens.

19.
    Dans leurs observations sur le mémoire en intervention de Koloman Handler et de Robert Krause, les requérantes demandent également que les parties intervenantes soient condamnées à supporter leurs propres dépens.

20.
    Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours de US Ring Binder en le déclarant irrecevable;

—    rejeter, en tout état de cause, le recours en le déclarant non fondé;

—    condamner les requérantes aux dépens.

21.
    La Commission soutient les conclusions du Conseil.

22.
    Koloman Handler et Robert Krause concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours au motif qu'il est irrecevable et/ou non fondé;

—    condamner les requérantes aux dépens des intervenantes.

23.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, il a invité le Conseil à répondre à une question écrite avant l'audience. Le Conseil a déféré à cette invitation dans les délais.

24.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 1er juillet 1998.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

25.
    Le Conseil, se référant à l'arrêt de la Cour du 7 juillet 1994, Gao Yao/Conseil (C-75/92, Rec. p. I-3141, points 28 à 30), doute que le recours, pour autant qu'il a été introduit par les requérantes Champion Stationery et Sun Kwong, soit recevable. Il relève, à cet égard, que l'enquête diligentée dans la présente affaire était dirigée contre les producteurs/exportateurs de la RPC et de la Malaysia, et non contre les producteurs/exportateurs de Hong-kong. Pour cette raison, les questionnaires n'auraient pas été envoyés aux requérantes Champion Stationery et Sun Kwong qui sont établies à Hong-kong. Le Conseil fait en outre observer que ces deux requérantes ne sont pas citées dans le règlement provisoire, pas plus que dans le règlement attaqué, comme producteurs/exportateurs mais comme des sociétés de Hong-kong liées aux producteurs/exportateurs de la RPC. Le fait que la Commission ait accepté leurs réponses aux questionnaires, qu'elle ait échangé avec elles une correspondance et qu'elle ait entendu leurs représentants n'impliquerait pas qu'elles soient concernées directement et individuellement par le règlement attaqué (arrêt Gao Yao/Conseil, précité, point 30).

26.
    Le Conseil estime, par ailleurs, que le recours est manifestement irrecevable pour autant qu'il a été introduit par US Ring Binder. Il fait observer qu'il n'y a pas de lien direct entre cette requérante et les producteurs/exportateurs de la RPC. Il n'existerait même pas de lien direct entre US Ring Binder, d'une part, et Champion Stationery et Sun Kwong, d'autre part. Le fait que ces sociétés appartiennent au même groupe ne permettrait pas à lui seul de conclure que US Ring Binder est concernée directement et individuellement par le règlement attaqué. Le Conseil ajoute que l'enquête n'a pas concerné les exportations en provenance des États-Unis. US Ring Binder n'aurait pas non plus été accusée de pratiques de dumping. Le simple fait que cette société ait transmis une réponse aux questionnaires de la Commission ne ferait pas d'elle une société concernée directement et individuellement par le règlement attaqué.

27.
    Les parties intervenantes se rangent aux arguments développés par le Conseil concernant la recevabilité du présent recours.

28.
    Les requérantes rétorquent que le recours est recevable. Elles font tout d'abord valoir que les sociétés Champion Stationery et Sun Kwong sont des producteurs/exportateurs de la RPC. En effet, les installations de production que les deux compagnies possèdent en RPC ne constitueraient pas des entités juridiques distinctes. Dans la présente affaire, les réponses au questionnaire n'auraient pu être transmises que par les deux requérantes concernées, étant donné qu'elles opéraient en tant que producteurs de la RPC et exportateurs vers l'Union européenne. De même, les recours introduits au titre de l'article 173 du traité ne pouvant être formés que par des personnes physiques ou morales, les départements de production des requérantes Champion Stationery et Sun Kwong situés en RPC n'auraient pas pu valablement introduire le présent recours.

29.
    Les requérantes, se référant à l'arrêt de la Cour du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission (239/82 et 275/82, Rec. p. 1005, point 12), et à l'arrêt du Tribunal du 28 septembre 1995, Ferchimex/Conseil (T-164/94, Rec. p. II-2681, points 34 à 36), font ensuite valoir que le recours, pour autant qu'il est introduit par US Ring Binder, est également recevable. Elles relèvent, à cet égard, que US Ring Binder est l'exportateur exclusif vers la Communauté des produits fabriqués par Champion Stationery et de Sun Kwong. En outre, US Ring Binder aurait été identifiée dans le règlement provisoire et aurait été concernée par les enquêtes préparatoires (arrêt Allied Corporation e.a./Commission, précité, point 12). Par ailleurs, il ressortirait de la jurisprudence que les règlements instituant des mesures antidumping concernent directement et individuellement les requérantes dont les prix de revente des produits en cause ont servi à calculer le prix à l'exportation (arrêt Ferchimex/Commission, précité, points 34 à 36). En l'espèce, le prix à l'exportation utilisé pour calculer les marges de dumping de Champion Stationery et de Sun Kwong aurait été obtenu sur la base du prix facturé par US Ring Binder à ses clients indépendants établis dans l'Union européenne.

Appréciation du Tribunal

30.
    Aux termes de l'article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1, ci-après «règlement de base»), «les droits antidumping, provisoires ou définitifs, sont imposés par voie de règlement». S'il est vrai que, au regard des critères de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, ces mesures ont effectivement, de par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu'elles s'appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n'est pas exclu pour autant que leurs dispositions concernent directement et individuellement certains opérateurs économiques (arrêts de la Cour Allied Corporation e.a./Commission, précité, point 11, du 23 mai 1985, Allied Corporation e.a./Conseil, 53/83, Rec.

p. 1621, point 4, Gao Yao/Conseil, précité, point 26; arrêts du Tribunal du 11 juillet 1996, Sinochem Heilongjiang/Conseil, T-161/94, Rec. p. II-695, point 45, et du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T-170/94, Rec. p. II-1383, point 35).

31.
    Il convient de constater, en premier lieu, que les trois requérantes sont directement concernées par le règlement attaqué. En effet, ledit règlement institue un droit antidumping définitif que les autorités douanières des États membres sont obligées de percevoir sans leur laisser une quelconque marge d'appréciation.

32.
    Le Tribunal estime par ailleurs que, pour déterminer si les requérantes sont également individuellement concernées, il y a lieu d'examiner séparément la situation de Champion Stationery et de Sun Kwong, d'une part, et de US Ring Binder, d'autre part.

33.
    Les requérantes ont fait valoir, sans être contredites sur ce point par le Conseil ou les parties intervenantes, que les entités de Champion Stationery et de Sun Kwong situées en RPC, auxquelles les questionnaires de la Commission ont été envoyés et qui, selon le Conseil, auraient dû introduire le recours en annulation, sont des sites de production des deux requérantes établies à Hong-kong. Il s'agit de départements à l'intérieur des sociétés requérantes concernées. En outre, il n'est pas non plus contesté que les entités de Champion Stationery et de Sun Kwong situées en RPC ne sont pas dotées d'une personnalité juridique distincte.

34.
    Dans ces conditions, les requérantes Champion Stationery et Sun Kwong doivent être considérées comme des producteurs/exportateurs de la RPC. La situation de la présente espèce est donc clairement distincte de celle en cause dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Gao Yao/Conseil, précité. En effet, dans cette dernière affaire, le recours de la requérante a été déclaré irrecevable par la Cour parce qu'elle n'était intervenue au cours de la procédure administrative que comme «simple organe de transmission établi à Hong-kong pour faciliter la correspondance entre les services de la Commission et Gao Yao Chine» (arrêt Gao Yao/Conseil, précité, point 29).

35.
    Il ressort d'une jurisprudence constante que les actes portant institution de droits antidumping sont de nature à concerner individuellement celles des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission et du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires (arrêts de la Cour Allied Corporation e.a./Commission, précité, point 12, du 14 mars 1990, Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, C-133/87 et C-150/87, Rec. p. I-719, point 14, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C-156/87, Rec. p. I-781, point 17, du 16 mai 1991, Extramet industrie/Conseil, C-358/89, Rec. p. I-2501, point 15, Gao Yao/Conseil, précité, point 27; arrêts Sinochem Heilongjiang/Conseil, précité, point 46, et Shanghai Bicycle/Conseil, précité, point 36).

36.
    Or, les requérantes Champion Stationery et Sun Kwong ont été nommément identifiées dans le règlement provisoire au point 5, sous b), 2, des considérants, intitulé «Exportateurs/producteurs» de la RPC. Par ailleurs, ces sociétés ont fait l'objet de vérifications sur place [ point 5, sous b), 2, des considérants du règlementprovisoire]. Ces requérantes ont aussi été identifiées dans le règlement attaqué (point 26 des considérants).

37.
    Il s'ensuit que les requérantes Champion Stationery et Sun Kwong sont individuellement concernées par le règlement attaqué et qu'elles sont recevables en leur recours.

38.
    Il convient de constater, par ailleurs, que le point 5, sous b), 2, in fine, des considérants du règlement provisoire dispose que les «sociétés Champion Stationery Manufacturers Co. Ltd et Sun Kwong Metal Manufacturer Co. Ltd appartiennent toutes deux au même groupe et vendent leurs mécanismes pour reliure à anneaux d'origine chinoise à une entreprise liée établie aux États-Unis d'Amérique (US Ring Binder)». Pour cette raison, US Ring Binder figure parmi les entreprises mentionnées dans le règlement provisoire sous le titre «Exportateurs/producteurs» de la RPC et a fait l'objet d'une vérification sur place [point 5, sous b), 2, des considérants du règlement provisoire]. US Ring Binder a donc été identifiée dans les actes de la Commission et concernée par les enquêtes préparatoires au sens de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus. Par ailleurs, dans sa réponse à une question écrite posée par le Tribunal, le Conseil a reconnu que le prix à l'exportation de Champion Stationery et de Sun Kwong a été calculé sur la base du prix facturé par US Ring Binder à des acheteurs indépendants établis dans la Communauté. Cette circonstance est également de nature à caractériser cette requérante, au regard de la mesure en cause, par rapport à tout autre opérateur économique (voir, par analogie, arrêts Gao Yao/Conseil, précité, point 27, et Ferchimex/Conseil, précité, point 34).

39.
    Il résulte de tout ce qui précède que les trois requérantes sont recevables en leur recours.

Sur le fond

40.
    Les requérantes soulèvent un moyen unique tiré d'une violation de leurs droits de la défense.

Arguments des parties

41.
    Les requérantes font valoir que, en violation des principes dégagés par la jurisprudence, les institutions communautaires ne leur ont pas transmis, au cours de la procédure administrative, toute l'information qui leur aurait permis de défendre utilement leurs intérêts (arrêts de la Cour du 20 mars 1985, Timex/Conseil

et Commission, 264/82, Rec. p. 849, point 30, et du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer et Saudi Arabian Fertilizer/Conseil, C-49/88, Rec. p. I-3187, point 18). Elles soutiennent, à cet égard, que le document d'information n'indiquait pas que le droit antidumping qui leur serait applicable passerait de 35,4 à 39,4 % au dernier stade de la procédure. Au contraire, le point D.1.1 du document d'information, en confirmant les points 85 et 86 des considérants du règlement provisoire, aurait confirmé le niveau d'élimination du préjudice de 35,4 % pour tous les exportateurs/producteurs chinois autres que WWS. Le règlement attaqué aurait, en outre et de manière frappante, indiqué (point 64 des considérants) que les points 82 à 84 des considérants du règlement provisoire seraient confirmés et omis expressément les points 85 et 86 des mêmes considérants. Cette discordance entre le document d'information et le règlement attaqué démontrerait que, loin d'être incomplet, le document d'information avait, en réalité, un contenu différent de celui concernant le règlement attaqué.

42.
    Les requérantes relèvent ensuite que le document d'information n'indiquait pas que l'octroi à WWS d'un traitement individuel entraînerait l'exclusion des ventes de cette dernière du calcul du préjudice moyen imputable aux autres exportations chinoises. En tout état de cause, l'octroi d'un traitement individuel à WWS n'aurait pas nécessairement dû conduire à l'institution d'un taux de droit différent de celui prévu dans le règlement provisoire pour les requérantes. En effet, le traitement individuel d'un exportateur déterminé n'affecte pas nécessairement le niveau d'élimination du préjudice des autres exportateurs. Les requérantes se réfèrent, à cet égard, à l'affaire des photocopieurs à papier ordinaire originaires du Japon [règlement (CEE) n° 535/87 du Conseil, du 23 février 1987, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de photocopieurs à papier ordinaire originaires du Japon (JO L 54, p. 12)] et à l'affaire des microcircuits électroniques dits «DRAM» originaires de la République de Corée [règlement (CEE) n° 611/93 du Conseil, du 15 mars 1993, instituant un droit antidumping définitif sur les importations dans la Communauté de certains microcircuits électroniques dits «DRAM» originaires de la République de Corée et exportés par les sociétés non exemptées de ce droit, et portant perception définitive du droit antidumping provisoire (JO L 66, p. 1)]. Même si elles avaient dû savoir que le niveau de leur droit augmenterait en raison du traitement individuel accordé à WWS, il leur aurait été totalement impossible de calculer le taux exact du droit définitif.

43.
    Il ressort, selon les requérantes, de la comparaison entre le règlement provisoire et le règlement attaqué que la méthodologie utilisée pour calculer le niveau d'élimination du préjudice a changé au cours de la procédure. Le simple fait que le règlement provisoire a fixé un seul niveau d'élimination du préjudice sur la base des exportations effectuées par tous les exportateurs chinois concernés, alors que le règlement attaqué a fixé des niveaux d'élimination du préjudice distincts pour ces exportateurs, constituerait un changement manifeste de méthodologie. Le règlement attaqué aurait, ainsi, uniquement confirmé la méthodologie exposée dans les points 82 à 84 des considérants du règlement provisoire et non pas celle décrite

dans les points 85 et 86 desdits considérants, fixant une même marge d'élimination du préjudice pour tous les exportateurs chinois.

44.
    Les requérantes soulignent qu'elles auraient présenté une nouvelle argumentation si elles avaient appris, au cours de la procédure administrative, que le taux du droit qui leur serait applicable serait augmenté de manière non négligeable. Elles attirent l'attention sur le fait que, en l'espèce, la méthodologie adoptée par les institutions est critiquable, dans la mesure où il serait illogique d'évaluer un préjudice, en particulier une sous-cotation de prix, sur une base globale pour l'ensemble des exportateurs, alors que les niveaux d'élimination du préjudice sont calculés sur une base individuelle. En effet, si la Commission avait établi, à un stade provisoire, que la sous-cotation des prix dont les exportations en provenance de la RPC faisaient l'objet était de 11,5 % (point 54 des considérants du règlement provisoire) et qu'un droit de 35,4 % était suffisant pour éliminer le préjudice pour l'ensemble des exportateurs concernés (point 85 des considérants du règlement provisoire), il n'y aurait eu aucune raison pour exiger, au stade définitif, un droit supérieur pour éliminer le préjudice alors que, lors du calcul définitif, la sous-cotation de prix dont les exportations originaires de la RPC faisaient l'objet a été calculée sur une base globale et maintenue au même niveau (point B.5 du document d'information et point 34 des considérants du règlement attaqué).

45.
    Les requérantes font ensuite valoir qu'elles n'avaient, au cours de la procédure administrative, aucune raison de soupçonner que le document d'information était incomplet, étant donné qu'elles avaient reçu exactement la même version par télécopie et par courrier, que la première page des deux versions indiquait clairement que le document d'information contenait neuf pages et que le texte figurant sur la dernière page du document d'information (c'est-à-dire, la page 9) se terminait au milieu de la page. En tout état de cause, la Commission aurait violé l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base qui dispose que l'«information finale doit être donnée par écrit». Une conversation téléphonique ne saurait remplacer une information écrite, en particulier lorsque le droit définitivement institué s'avère différent du droit provisoire.

46.
    Les requérantes ont, toutefois, reconnu à l'audience, en réponse à l'argument que le Conseil tire de l'article 20, paragraphe 3, du règlement de base, qu'elles n'ont jamais demandé une information finale par écrit. Elles font cependant valoir que, dès lors que la Commission donne une information finale à une partie déterminée, cette information doit être complète.

47.
    Le Conseil et les parties intervenantes soulignent, tout d'abord, que les requérantes avaient connaissance de la modification du taux du droit antidumping qui leur serait applicable. Il ressortirait, en effet, de la note pour le dossier concernant la conversation téléphonique du 29 novembre 1996 (voir ci-dessus point 12) que les requérantes ont, à cette occasion, été informées que le droit définitif dont la Commission recommandait l'institution au Conseil serait supérieur au droit institué par le règlement provisoire. Elles auraient aussi été informées du taux exact du

droit. Ils attirent également l'attention sur le fait que les requérantes ont confirmé dans leur mémoire en réplique que M. Knoche avait informé leur conseil, au cours de la conversation téléphonique du 29 novembre 1996, que le droit définitif proposé par la Commission était supérieur au droit provisoire et qu'il avait expliqué les motifs de cette augmentation (voir ci-dessus point 13). Les requérantes n'auraient pas non plus contesté qu'elles avaient été informées du taux du droit définitif que la Commission envisageait de proposer. Le Conseil et les parties intervenantes en concluent que les requérantes auraient dû savoir qu'elles n'avaient pas reçu la version complète du document d'information. En réponse à l'argument des requérantes, selon lequel le document d'information ne serait pas incomplet mais différent, le Conseil fait valoir que le document que les requérantes devaient recevoir est celui qu'elles ont effectivement reçu, plus la dernière page qui manquait. Le Conseil affirme avoir produit cette page manquante en annexe D.3 à son mémoire en défense. Les seules différences entre le document d'information envoyé aux requérantes et le document d'information envoyé aux autres exportateurs concerneraient des réponses à certains arguments spécifiques relatifs au dumping et/ou des secrets d'affaires. Du fait de leurs légères différences, les documents d'information individualisés auraient présenté des longueurs et des sauts de page différents.

48.
    Le Conseil et les parties intervenantes soutiennent ensuite que l'augmentation du taux des droits ressortait, en outre, de la teneur du document d'information reçu par les requérantes. Ils se réfèrent, à cet égard, au point D.1.1 du document d'information, qui énonce que «la méthode de calcul du niveau d'élimination du préjudice exposée aux considérants 83 à 86 du règlement provisoire devrait être confirmée». Ils soulignent encore que, au point D.2.2 du document d'information, la Commission a indiqué, à propos du «niveau d'élimination du préjudice»: «L'octroi d'un traitement individuel à WWS affecte les conclusions provisoires.» Selon le Conseil et les parties intervenantes, l'augmentation du montant du droit applicable aux requérantes dans le règlement définitif a été le résultat logique de la confirmation explicite de la méthode utilisée pour calculer le chiffre d'élimination du préjudice et de l'octroi d'un traitement individuel à WWS, dont le niveau individuel d'élimination du préjudice était inférieur à la moyenne. Les requérantes n'auraient donc pas pu douter, si elles avaient lu attentivement le document d'information, que le droit définitif que la Commission envisageait de proposer au Conseil serait supérieur au droit provisoire. Le Conseil reconnaît toutefois, dans son mémoire en duplique, que les requérantes ne pouvaient pas, sur la base des informations contenues dans le document d'information, calculer le taux exact du droit que la Commission envisageait de proposer. Il n'en resterait pas moins vrai que le document d'information indiquait clairement que le droit que la Commission envisageait de proposer serait supérieur au droit provisoire.

49.
    Le Conseil oppose, par ailleurs, à l'argument des requérantes tiré d'une modification de la méthodologie au cours de la procédure administrative que la méthode utilisée pour le calcul du niveau d'élimination du préjudice, et par

conséquent, pour le calcul du droit antidumping, n'a jamais changé, ni entre l'institution des droits provisoires et l'information finale, ni entre l'information finale et l'institution des mesures définitives.

50.
    Ensuite, le Conseil et les parties intervenantes soutiennent que le document d'information était visiblement incomplet et que, dans ces conditions, les requérantes auraient dû contacter la Commission pour demander si des parties du document ne manquaient pas. Ils font valoir, à cet égard, que le document d'information que les requérantes ont reçu ne mentionne pas le niveau du droit que la Commission envisageait de proposer au Conseil, ni pour les exportations de WWS, ni pour les exportations de la RPC dans son ensemble, ni pour les exportations de reliures à anneaux originaires de Malaysia. Il serait en outre frappant que le document d'information que les requérantes ont reçu mentionne le niveau d'élimination du préjudice pour la Malaysia et pour WWS et non pour les autres producteurs/exportateurs chinois. Enfin, le document d'information indique que les «conclusions provisoires» étaient affectées par l'octroi d'un traitement individuel à WWS. Les requérantes auraient donc pu s'attendre à ce que le document d'information contienne une explication sur la manière dont les conclusions concernant les exportateurs de la RPC autres que WWS étaient affectées. A l'audience, le Conseil et les parties intervenantes ont encore fait valoir que le caractère incomplet du document d'information ressort aussi du fait qu'il ne contient aucune indication sur la perception des droits provisoires.

51.
    A titre subsidiaire, le Conseil fait valoir que, même si le Tribunal concluait que les institutions communautaires ont omis d'informer les requérantes de ce que les droits définitifs proposés par la Commission au Conseil seraient supérieurs aux droits provisoires institués, leurs droits de la défense n'auraient pas pour autant été violés. Il soutient que, conformément à l'article 20, paragraphes 2 à 4, du règlement de base, la Commission a informé les requérantes des faits et considérations essentiels pour le calcul des droits définitifs, notamment de la méthode appliquée pour le calcul du niveau d'élimination du préjudice. Le Conseil rappelle que le niveau d'élimination du préjudice établi dans le règlement attaqué en ce qui concerne les requérantes est supérieur au niveau d'élimination du préjudice mentionné dans le règlement provisoire par suite d'une simple opération arithmétique. Par conséquent, le montant du niveau définitif d'élimination du préjudice ne ferait pas partie des «faits et considérations essentiels» visés à l'article 20, paragraphe 2, du règlement de base.

52.
    En outre, le Conseil et les parties intervenantes soutiennent que les requérantes n'auraient pu faire valoir aucun argument supplémentaire, même si elles avaient été explicitement informées du niveau du droit proposé et du fait qu'il était supérieur au droit provisoire (arrêt Al-Jubail Fertilizer et Saudi Arabian Fertilizer/Conseil, précité, point 18). La procédure administrative n'aurait donc pu aboutir à un résultat différent.

53.
    A titre encore plus subsidiaire, le Conseil fait valoir que les requérantes n'ont pas présenté de demande écrite d'information dans le délai fixé par l'article 20, paragraphe 3, du règlement de base. Par conséquent, elles n'auraient pas droit à une information finale et les institutions communautaires n'auraient pas l'obligation de la leur fournir. Il en résulterait que, si les institutions communautaires avaient fourni une information insuffisante et si cette insuffisance avait empêché les requérantes de défendre utilement leurs intérêts, elle ne pourrait pas conduire à l'annulation du règlement attaqué.

54.
    Dans son mémoire en duplique, le Conseil soutient encore, en réponse à l'argument des requérantes, selon lequel l'information finale doit être donnée par écrit en vertu de l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base, que le non-respect d'une obligation d'information ne peut entraîner l'annulation d'une mesure antidumping que si ce manquement a empêché la partie concernée de défendre utilement ses intérêts, ce qui n'aurait pas été le cas en l'espèce.

Appréciation du Tribunal

55.
    Le principe du respect des droits de la défense est un principe fondamental du droit communautaire dont le juge communautaire assure le respect (arrêt Al-Jubail Fertilizer et Saudi Arabian Fertilizer/Conseil, précité, point 15; arrêt du Tribunal du 18 décembre 1997, Ajinomoto et Nutrasweet/Conseil, T-159/94 et T-160/94, Rec. p. II-2461, point 81). En vertu de ce principe, les entreprises concernées par une procédure d'enquête précédant l'adoption d'un règlement antidumping doivent être mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l'appui de son allégation de l'existence d'une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (arrêt Al-Jubail Fertilizer et Saudi Arabian Fertilizer/Conseil, précité, point 17; arrêts du Tribunal du 17 décembre 1997, EFMA/Conseil, T-121/95, Rec. p. II-2391, point 84, et Ajinomoto et Nutrasweet/Conseil, précité, point 83). Ces exigences ont encore été précisées à l'article 20 du règlement de base. Ainsi, l'article 20, paragraphe 2, dudit règlement dispose que les plaignants, importateurs et exportateurs ainsi que leurs associations représentatives et représentants du pays exportateur «peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l'institution de mesures définitives [...], une attention particulière devant être accordée à l'information sur les faits ou considérations différents de ceux utilisés pour les mesures provisoires». L'article 20, paragraphe 5, du règlement de base accorde, par ailleurs, aux entreprises ayant reçu une telle information finale le droit de déposer d'éventuelles observations, dans un délai fixé par la Commission, qui ne peut être inférieur à dix jours.

56.
    Il convient donc d'examiner, à la lumière de ces principes, si les droits de la défense des parties requérantes ont été violés au cours de la procédure administrative.

57.
    Il est constant entre les parties que le document d'information que les requérantes ont reçu, le 29 octobre 1996, était incomplet. Les institutions communautaires expliquent, à cet égard, que le document d'information que les requérantes auraient dû recevoir est celui qu'elles ont effectivement reçu, le 29 octobre 1996, plus la dernière page qui manquait (voir ci-dessus point 10).

58.
    Les requérantes estiment que le caractère incomplet du document d'information a affecté l'exercice utile de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative. A cet égard, elles prétendent, en premier lieu, qu'elles n'ont pas été informées, entre la date de réception du document d'information et l'institution des mesures définitives, des modifications qui seraient intervenues dans la méthode utilisée pour le calcul du droit définitif. En deuxième lieu, leurs droits de la défense auraient été violés dès lors que le document d'information qu'elles ont reçu confirmait la marge d'élimination du préjudice de 35,4 % pour la RPC alors que le règlement attaqué mentionne une marge de 39,4 %. En troisième lieu, les requérantes estiment que leurs droits de la défense ont été violés parce que le document d'information qu'elles ont reçu ne mentionnait ni le fait que la Commission envisageait de proposer au Conseil l'adoption d'un droit définitif plus élevé que le droit provisoire, en raison du traitement individuel qui avait été accordé à WWS, ni le taux exact du droit définitif. Enfin, en quatrième lieu, les requérantes soutiennent que le règlement attaqué doit être annulé pour violation de l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base. Il convient d'examiner séparément ces différents griefs.

Sur la modification qui serait intervenue dans la méthode utilisée pour le calcul du droit définitif

59.
    Il convient de rappeler que, en vertu des articles 7, paragraphe 2, et 9, paragraphe 4, du règlement de base, les droits antidumping provisoires et définitifs doivent être inférieurs à la marge de dumping établie, si ces droits moindres suffisent à éliminer le préjudice causé à l'industrie communautaire. Conformément à ce principe, les institutions communautaires ont fixé le niveau du droit antidumping, tant dans le règlement provisoire (points 85 et 86 des considérants) que dans le règlement attaqué (point 66 des considérants), au niveau des marges d'élimination du préjudice établies.

60.
    Force est de constater que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la méthode appliquée pour le calcul du niveau d'élimination du préjudice et du droit antidumping n'a pas changé postérieurement à l'adoption du règlement provisoire. Le règlement attaqué indique même explicitement que «la méthode du niveau d'élimination du préjudice exposée aux considérants 82 à 84 du règlement

provisoire est confirmée» (point 64 des considérants). Cette méthode est la suivante. Les institutions communautaires ont examiné le montant du droit nécessaire pour éliminer le préjudice causé à l'industrie communautaire par les pratiques de dumping incriminées (points 82 à 84 des considérants du règlement provisoire et points 62 à 69 des considérants du règlement attaqué). Dans ce but, il a été considéré qu'il convenait de calculer un prix sur la base des coûts de production des producteurs communautaires, augmentés d'une marge bénéficiaire raisonnable. Les institutions communautaires ont ainsi établi un «prix non préjudiciable» (point 83 des considérants du règlement provisoire et point 64 des considérants du règlement attaqué) et ont ensuite indiqué qu'il fallait calculer la différence entre ce «prix non préjudiciable» et les prix de vente effectivement pratiqués par les exportateurs dans la Communauté. Cette différence constituait la marge d'élimination du préjudice, à savoir l'augmentation de prix nécessaire pour porter le prix de vente des exportateurs au niveau du «prix non préjudiciable» (point 84 des considérants du règlement provisoire et point 64 des considérants du règlement attaqué).

61.
    Les requérantes ne sauraient prétendre, comme elles le font dans leur mémoire en réplique, que le simple fait que le règlement provisoire ait fixé un seul niveau d'élimination du préjudice sur la base des exportations effectuées par tous les exportateurs chinois concernés, alors que le règlement attaqué a fixé des niveaux d'élimination du préjudice distincts pour WWS, d'une part, et pour les autres exportateurs chinois, d'autre part, constitue un changement manifeste de méthodologie. En effet, la méthode appliquée, aussi bien dans le règlement provisoire que dans le règlement attaqué, impliquait le calcul par les institutions de la marge d'élimination du préjudice en fixant un «prix non préjudiciable» et en comparant ce prix aux prix de vente effectivement pratiqués par les exportateurs dans la Communauté. L'application de cette méthode de calcul du niveau d'élimination du préjudice, combinée avec l'octroi d'un traitement individuel à WWS — fait dont les requérantes ont été informées par le document d'information (points A.3.1 et D.2.2 dudit document) —, a conduit à la fixation d'un droit définitif pour les requérantes de 39,4 %.

62.
    Il résulte de ce qui précède que le premier grief formulé par les requérantes manque en fait et doit donc être rejeté.

Sur la prétendue confirmation, par le document d'information, de l'établissement d'une marge d'élimination du préjudice de 35,4 % pour les producteurs/exportateurs chinois autres que WWS

63.
    Les requérantes soutiennent que, en renvoyant aux points 85 et 86 des considérants du règlement provisoire, le point D.1.1 du document d'information a confirmé la marge d'élimination du préjudice de 35,4 % pour les producteurs/exportateurs chinois autres que WWS. Elles en déduisent qu'elles n'ont pas reçu une version

incomplète du document d'information mais la version complète d'un documentd'information différent. En effet, contrairement au document d'information qu'ont reçu les requérantes, le règlement attaqué (point 64 des considérants) et le prétendu document d'information officiel ne contiendraient aucune référence expresse aux points 85 et 86 des considérants du règlement provisoire.

64.
    Il convient de relever que, au point D.1.1 du document d'information, il est exposé que «la méthode de calcul du niveau d'élimination du préjudice exposée aux considérants 83 à 86 du règlement provisoire devrait être confirmée».

65.
    Il convient de faire observer que la méthode de calcul du niveau d'élimination du préjudice est expliquée aux points 83 et 84 des considérants du règlement provisoire et que les marges d'élimination du préjudice ont respectivement été établies, sur la base de cette méthode, aux points 85 et 86 des considérants dudit règlement pour la RPC (35,4 %) et pour la Malaysia (10,5 %). Il s'ensuit que, au point D.1.1 du document d'information, la Commission n'a pas confirmé la marge d'élimination du préjudice de 35,4 % établie au point 85 des considérants du règlement provisoire pour les exportations chinoises. Elle a uniquement confirmé la méthode de calcul de la marge d'élimination du préjudice, méthode qui est restée inchangée entre l'adoption du règlement provisoire et le règlement attaqué (voir ci-dessus point 60). Même s'il avait existé une autre version du document d'information qui ne contenait aucune référence aux points 85 et 86 des considérants du règlement provisoire, les droits de la défense des requérantes n'auraient pas pu être affectés par la non-communication de cette version, dès lors que le point D.1.1 du document d'information qui leur a été communiqué, tout comme la prétendue version non transmise du document d'information, ne confirment que la méthode de calcul du niveau d'élimination du préjudice et non le niveau d'élimination du préjudice de 35,4 % établie au point 85 des considérants du règlement provisoire pour les exportations chinoises.

66.
    Il s'ensuit que le deuxième grief formulé par les requérantes manque également en fait et doit donc être rejeté.

Sur l'absence, dans le document d'information, d'indications relatives à l'augmentation du droit applicable aux requérantes, en raison du traitement individuel accordé à WWS, et au taux exact du droit définitif

67.
    Les requérantes soutiennent que leurs droits de la défense ont été violés au cours de la procédure administrative parce que le document d'information qu'elles ont reçu ne mentionnait ni le fait que la Commission envisageait de proposer au Conseil l'adoption d'un droit définitif plus élevé que le droit provisoire, en raison du traitement individuel qui avait été accordé à WWS, ni le taux exact du droit définitif.

68.
    Il convient de rappeler que le règlement provisoire (point 85 des considérants) avait établi une marge d'élimination du préjudice de 35,4 % et un droit antidumping provisoire du même niveau, pour tous les producteurs/exportateurs chinois du produit concerné. En revanche, le règlement attaqué (point 68 des considérants) dispose que «le niveau réduit d'élimination du préjudice pour WWS a entraîné un relèvement de 35,4 % à 39,4 % du niveau d'élimination du préjudice pour tous les autres exportateurs de la RPC». Sur cette base, le droit résiduel pour les producteurs/exportateurs chinois autres que WWS a été porté à 39,4 % (point 69 des considérants).

69.
    Il s'ensuit que le droit antidumping définitif applicable aux importations des requérantes dans l'Union européenne diffère fondamentalement du droit provisoirement institué, par l'effet de l'octroi du traitement individuel à WWS. Comme il ressort de la jurisprudence de la Cour que le montant du droit définitif est une information essentielle (arrêt Al-Jubail Fertilizer et Saudi Arabian Fertilizer/Conseil, précité, point 23), il importe d'examiner si les requérantes ont été utilement informées de ce changement au cours de la procédure administrative.

70.
    A cet égard, force est d'abord de constater que, par le biais du document d'information, les requérantes ont été informées qu'un traitement individuel serait accordé à WWS. En outre, le document mentionnait que le traitement individuel affecterait les conclusions provisoires. Ainsi, au point D.2.2 de ce document, il est indiqué: «L'octroi d'un traitement individuel à [WWS] affecte les conclusions provisoires. La méthode décrite ci-dessus a été appliquée pour calculer le niveau individuel d'élimination du préjudice de cette société, pour laquelle une marge de sous-cotation de 32,5 % a été établie.» En revanche, aucun passage dudit document d'information ne mentionnait explicitement que, à la suite de l'octroi d'un traitement individuel à WWS, le taux du droit antidumping applicable aux requérantes serait augmenté. Le document en question n'indiquait pas non plus le taux exact du droit définitif applicable aux exportations des requérantes. En effet, ces deux éléments d'information étaient mentionnés à la dernière page du document d'information dont les requérantes n'ont pas reçu communication au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 10).

71.
    Les requérantes ont cependant elles-mêmes reconnu dans leur mémoire en réplique que, au cours de la conversation téléphonique que leur conseil a eue avec M. Knoche le 29 novembre 1996, ce dernier «a commencé par confirmer que le taux du droit applicable aux requérantes avait augmenté en raison du traitement individuel accordé à WWS». En réponse à une question du Tribunal posée lors de l'audience, il a, en outre, indiqué que, au cours de la même conversation téléphonique, il a été informé du taux précis (39,4 %) du droit définitif qui serait applicable aux importations des produits des requérantes dans l'Union européenne.

72.
    Même si c'est le conseil des requérantes qui a eu cette conversation téléphonique du 29 novembre 1996 avec le fonctionnaire de la Commission, il convient de

considérer que ce sont les requérantes elles-mêmes qui ont eu connaissance des informations communiquées au cours de cette conversation. Il est, en effet, constant que ledit conseil représentait également les intérêts des requérantes au cours de la procédure administrative.

73.
    Il y a donc lieu de conclure que, bien que le document d'information ne mentionnât ni le fait que le taux du droit antidumping applicable à leurs produits serait augmenté dans le règlement définitif, en raison du traitement individuel accordé à WWS, ni le taux exact de ce droit, ces dernières ont néanmoins pris connaissance, au cours de la procédure administrative, de ces éléments.

74.
    Toutefois, il convient encore de vérifier si les requérantes ont été informées de ces «faits et considérations» en temps utile, au cours de la procédure administrative, pour la préparation de leur défense.

75.
    Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que l'article 20, paragraphe 5, du règlement de base dispose: «Les observations faites après que l'information finale a été donnée ne peuvent être prises en considération que si elles sont reçues dans un délai que la Commission fixe dans chaque cas en tenant dûment compte de l'urgence de l'affaire, mais qui ne sera pas inférieur à dix jours.»

76.
    Dans la présente affaire, la Commission a envoyé, le 29 octobre 1996, par télécopie et par courrier, le document d'information aux requérantes. Ces dernières disposaient du délai minimal de dix jours prévu à l'article 20, paragraphe 5, du règlement de base pour déposer leurs éventuelles observations. Ce délai est venu à échéance le 8 novembre 1996.

77.
    Ce n'est que le 29 novembre 1996 que les requérantes ont appris que l'octroi du traitement individuel à WWS entraînerait une augmentation du droit antidumping qui serait applicable aux importations de leurs produits dans l'Union européenne, ainsi que le taux précis de ce droit antidumping (39,4 %). Ces informations essentielles ne figurant pas dans le document d'information, il s'ensuit que les requérantes n'ont pas reçu une information suffisante leur permettant d'assurer la défense de leurs droits avant l'échéance du délai fixé par la Commission pour le dépôt de leurs éventuelles observations.

78.
    En outre, le Tribunal considère que la Commission a dû constater, à la suite de la conversation téléphonique du 29 novembre 1996 entre le conseil des requérantes et M. Knoche, que le document d'information était incomplet. La Commission n'a toutefois pas communiqué aux requérantes une version complète du document d'information à la suite de cette conversation téléphonique et ne leur a pas non plus imparti, au titre de l'article 20, paragraphe 5, du règlement de base, un délai pour le dépôt de leurs éventuelles observations.

79.
    Les constatations qui précèdent ne permettent cependant pas, en tant que telles, de conclure à l'existence d'une violation des droits de la défense des requérantes

au cours de la procédure administrative. Il ne saurait en effet être question d'une telle violation s'il était établi que, en dépit de l'attitude passive des services de la Commission, les requérantes ont été en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur les informations dont elles ont pris connaissance à l'occasion de la conversation téléphonique du 29 novembre 1996.

80.
    Il convient de souligner, à cet égard, que l'article 20, paragraphe 5, du règlement de base, qui fixe un délai minimal pour le dépôt d'éventuelles observations, est une disposition claire et précise qui ne laisse aux institutions communautaires aucune marge d'appréciation (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 19 novembre 1991, Francovich e.a., C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357, point 19). Il est donc permis de considérer qu'une entreprise qui reçoit communication, au cours de la procédure administrative, de faits et considérations essentiels au sens de l'article 20, paragraphe 2, du règlement de base, dispose, en l'absence de toute indication par les institutions communautaires du délai qui lui est imparti pour déposer ses éventuelles observations, d'un délai minimal de dix jours en vertu de l'effet direct de la disposition de l'article 20, paragraphe 5, du règlement de base.

81.
    Il s'ensuit que, en l'espèce, les requérantes disposaient d'un délai de dix jours pour le dépôt d'éventuelles observations concernant les éléments d'informations essentielles qui ne figuraient pas dans le document d'information qui leur a été transmis le 29 octobre 1996, et dont elles ont pris connaissance le 29 novembre 1996. Ce délai venait à échéance le 9 décembre 1996.

82.
    Les requérantes ne sauraient prétendre, comme elles l'ont fait lors de l'audience, que la communication de certaines informations essentielles au cours de la conversation téléphonique du 29 novembre 1996 est intervenue tardivement. Il est en effet constant que la Commission a arrêté la proposition d'adoption du règlement attaqué le 16 décembre 1996, et qu'elle l'a transmise au Conseil le même jour (JO 1997, C 13, p. 2). Dès lors, si les requérantes avaient déposé des observations avant le 9 décembre 1996, la Commission aurait encore pu en tenir compte pour la rédaction de sa proposition.

83.
    Il s'ensuit que l'absence de mention, dans le document d'information, de l'augmentation du taux du droit antidumping applicable à leurs produits en raison du traitement individuel accordé à WWS, et du taux exact du droit définitif (39,4 %), ne constitue pas une violation des droits de la défense des requérantes, dès lors qu'il est établi qu'elles ont pris connaissance de ces éléments à l'occasion d'un entretien téléphonique avec un fonctionnaire de la Commission, à une date leur permettant encore de faire connaître utilement leur point de vue à cet égard avant l'adoption par la Commission de sa proposition en vue de l'adoption durèglement attaqué.

84.
    Le troisième grief formulé par les requérantes à l'appui de leur moyen doit donc également être rejeté.

Sur la prétendue violation de l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base

85.
    Les requérantes soutiennent qu'une conversation téléphonique ne dispense pas la Commission de fournir une information précise par écrit, comme le prévoit l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base. Le non-respect de cette disposition du règlement de base justifierait l'annulation du règlement attaqué.

86.
    S'il est certes exact que l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base prévoit que «l'information finale doit être donnée par écrit», il convient toutefois de souligner que l'article 20, paragraphe 3, dudit règlement dispose également que les demandes d'information «doivent être adressées par écrit à la Commission». Or, lors de l'audience, le conseil des requérantes a reconnu que, en l'espèce, celles-ci n'ont jamais introduit une demande écrite en ce sens. Les requérantes, qui reconnaissent ne pas avoir respecté les dispositions de l'article 20, paragraphe 3, du règlement de base, ne sauraient, dès lors, faire grief aux institutions communautaires de ne pas avoir confirmé par écrit les informations qui leur ont été communiquées au cours de la conversation téléphonique du 29 novembre 1996.

87.
    Il convient, en outre, de souligner que les dispositions de l'article 20 du règlement de base visent à protéger les droits de la défense des parties intéressées au cours de la procédure administrative. Il s'ensuit que, en l'espèce, le non-respect du prescrit de l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base ne pourrait conduire à l'annulation du règlement attaqué que s'il était établi que cette circonstance a affecté la défense des requérantes. Même si, dans les hypothèses où les institutions communautaires communiquent oralement un élément d'information, celles-ci pouvaient éprouver des difficultés à «réunir les éléments permettant de prouver [...] la certitude d'une telle communication» (arrêt Al-Jubail Fertilizer et Saudi Arabian Fertilizer/Conseil, précité, point 20), en l'espèce, les requérantes elles-mêmes ont admis que les services de la Commission les avaient informées par téléphone, le 29 novembre 1996, de l'augmentation du taux du droit antidumping définitif applicable à leurs produits, en raison du traitement individuel accordé à WWS, ainsi que du taux exact du droit définitif. Comme, en outre, il a été constaté que les requérantes ont été en mesure de faire valoir utilement leur point de vue sur ces éléments au cours de la procédure administrative, il y a lieu de conclure que le non-respect du prescrit de l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base pour ce qui concerne les faits et considérations dont les requérantes ont pris connaissance au cours de la conversation téléphonique du 29 novembre 1996 n'a pas affecté leur défense.

88.
    Le quatrième grief formulé par les requérantes à l'appui de leur moyen doit donc également être rejeté.

89.
    Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer que le caractère incomplet du document d'information les avait empêchées d'exercer utilement leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative. Dans ces conditions, il convient de rejeter le moyen tiré d'une violation des droits de la défense et, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

Sur les dépens

    

90.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Toutefois, en vertu de l'article 87, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement, le Tribunal peut décider que chaque partie supporte ses propres dépens pour des motifs exceptionnels. En vertu de l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. En outre, l'article 87, paragraphe 4, second alinéa, du même règlement énonce que le Tribunal peut ordonner qu'une partie intervenante, autre qu'un État membre ou une institution, supportera ses propres dépens.

91.
    Même si, en l'espèce, le recours doit être rejeté, le Tribunal estime qu'il y a lieu de faire application des articles 87, paragraphe 3, premier alinéa, et 87, paragraphe 4, premier et second alinéas, du règlement de procédure et d'ordonner que chacune des parties supportera ses propres dépens. Le Tribunal considère, en effet, que, à la suite de la conversation téléphonique du 29 novembre 1996 entre le conseil des requérantes et un fonctionnaire de la Commission, cette dernière aurait dû leur communiquer, sans tarder, une version complète du document d'information et leur impartir un délai pour la présentation de leurs éventuelles observations. Le Tribunal estime que, si la Commission avait agi de la sorte, le présent litige aurait pu être évité.

    

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Lindh
García-Valdecasas
Lenaerts

            Cooke                            Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 novembre 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh


1: Langue de procédure: l'anglais.