Language of document : ECLI:EU:T:2003:20

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

29 janvier 2003(1)

«Fonctionnaires - Transfert au régime communautaire de pension de droits à pension acquis dans un régime national de sécurité sociale - Transfert tardif - Intérêts versés postérieurement au transfert - Refus de la Commission de revoir lecalcul des droits à pension des fonctionnaires concernés et de verser à ceux-ci une partie de ces intérêts»

Dans les affaires jointes T-303/00, T-304/00 et T-322/00,

Manuel Francisco Caballero Montoya, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique),

partie requérante dans l'affaire T-303/00,

María Jesús Saez Acevedo, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles,

partie requérante dans l'affaire T-304/00,

représentés par Me J. R. Iturriagagoitia Bassas, avocat,

Cecilio Alonso de Miguel, demeurant à Bornem-Wintam (Belgique),

Miguel Baena Durán, demeurant à Torrelodones (Espagne),

Lucrecio Blázquez Rubia, Juan Antonio Campos Morales, Jaime Cavanillas Junquera, Carlos Fernández Liébana, Ricardo García Ayala, Luis García Collados, Pilar Gil Soria, Joaquín López Madruga, Martín Minguella Giné, Ramón Oviedo Bussells, Giovanni Ouzounoff Popoff, Raquel Sevilla García, Alfonso Solloa Inchaurtieta, José Trimiño Pérez, demeurant à Bruxelles,

Juan Cornet Prat, demeurant à Overijse (Belgique),

José Luis Gallego LaPeña, Manuel Puerta García, demeurant à Kraainem (Belgique),

Lorenzo Sánchez García, demeurant à Alger (Algérie),

Kaethe Sommerau Roschinsky, demeurant à Buenos Aires (Argentine),

fonctionnaires ou anciens fonctionnaires de la Commission des Communautés européennes, représentés par Mes J.-N. Louis et V. Peere, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties requérantes dans l'affaire T-322/00,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d'agent, assisté, dans les affaires T-303/00 et T-304/00, de Mes J. Rivas Andrés et J. Gutiérrez Gisbert, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet des demandes d'annulation des décisions de la Commission contenues dans les notes du 13 décembre 1999 concernant la partie requérante dans l'affaire T-303/00 et du 15 décembre 1999 concernant les parties requérantes dans les affaires T-304/00 et T-322/00, portant refus de revoir le calcul de leurs droits à pension,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, K. Lenaerts et J. Azizi, juges,


greffier: Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 12 septembre 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    L'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose que le fonctionnaire qui entre au service des Communautés après avoir cessé ses activités auprès d'une administration, d'une organisation nationale ou internationale, ou après avoir exercé une activité salariée ou non salariée, a la faculté, au moment de sa titularisation, de faire verser aux Communautés l'équivalent actuariel ou le forfait de rachat des droits à pension d'ancienneté qu'il a acquis au titre des activités susvisées. Cette même disposition ajoute que, dans ce cas, l'institution où le fonctionnaire est en service détermine, compte tenu du grade de titularisation, le nombre des annuités qu'elle prend en compte d'après son propre régime au titre de la période de service antérieur sur la base du montant de l'équivalent actuariel ou du forfait de rachat.

2.
    L'équivalent actuariel de la pension d'ancienneté est défini, à l'article 8 de l'annexe VIII du statut, comme étant égal à la valeur en capital de la prestation revenant au fonctionnaire, calculée d'après les dernières tables de mortalité arrêtées par les autorités budgétaires en application de l'article 39 de ladite annexe et sur la base d'un taux d'intérêt de 3,5 % par an.

3.
    Les modalités d'application de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut sont définies dans les dispositions générales d'exécution de cette disposition (ci-après les «DGE»), adoptées par la Commission le 2 juillet 1969 et modifiées, successivement, en février 1972, en mars 1977 et en juillet 1992 (Informations administratives n° 789 du 16 avril 1993).

4.
    Selon l'article 3, paragraphe 2, des DGE, le montant à transférer doit correspondre à la totalité de l'équivalent actuariel ou du forfait de rachat.

5.
    L'article 4, paragraphe 1, des DGE dispose que la prise en compte d'annuités est accordée au titre de la période précédant l'entrée au service des Communautés. Le paragraphe 2 de cet article précise que le nombre d'annuités à prendre en compte est calculé sur la base de la totalité du montant concerné par le transfert, déduction faite d'un intérêt de 3,5 % par an pour la période allant de la date de titularisation à la date du transfert effectif du montant précité au compte des Communautés. Cette disposition énonce que cet intérêt n'est pas déduit pour les périodes durant lesquelles le montant transférable n'a pas été revalorisé ou majoré d'intérêts par la caisse de pensions dont relevait l'intéressé avant l'entrée au service des Communautés. L'article 4, paragraphe 3, détaille le mode de calcul du nombre d'annuités à prendre en compte et précise que ce nombre ne peut pas dépasser celui des années durant lesquelles l'intéressé avait été affilié à des régimes non complémentaires avant son entrée en fonctions au service des Communautés.

6.
    Aucune disposition ne précise à qui doit revenir le solde excédentaire du montant transféré pouvant résulter du plafonnement du nombre d'annuités susceptible d'être pris en compte en vertu de l'article 4, paragraphe 3, des DGE. Dans la pratique, la Commission rétrocède ce solde excédentaire au fonctionnaire intéressé [voir les indications fournies par la Commission dans le cadre de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal du 10 novembre 1999, Kristensen e.a./Conseil (T-103/98, T-104/98, T-107/98, T-113/98 et T-118/98, RecFP p. I-A-215 et II-1111, point 18)].

Faits à l ' origine des affaires

7.
    Après avoir travaillé en Espagne, les parties requérantes sont entrées au service de la Commission, où elles ont été titularisées entre le 1er juin 1986 et le 1er janvier 1990. Elles ont sollicité, sur la base de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut, le transfert des droits à pension qu'elles avaient acquis dans le régime de sécurité sociale espagnol (ci-après les «droits à pension espagnols») au régime communautaire de pension. La législation espagnole ne comportant, à l'époque, aucune disposition de nature à permettre un tel transfert, elles ont attrait en justice les autorités responsables du régime de sécurité sociale espagnol (ci-après la «sécurité sociale espagnole») en vue d'obtenir ce transfert.

8.
    Par des décisions prises entre décembre 1993 et avril 1994, la Commission a, sur la base de l'article 24 du statut, accordé aux parties requérantes l'assistancefinancière pour leurs actions intentées à cet égard devant les juridictions espagnoles.

9.
    Par jugement du Juzgado de lo Social n° 4 de Madrid du 27 octobre 1995 (ci-après «le jugement du 27 octobre 1995»), la sécurité sociale espagnole a été condamnée à verser à la Commission, en application de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut, la somme de 618 304 521 pesetas espagnoles (ESP), correspondant à l'équivalent actuariel des droits à pension espagnols des parties requérantes. Ce jugement précise, pour chaque partie requérante, le montant de cet équivalent actuariel se rapportant à son dossier personnel.

10.
    Le jugement du 27 octobre 1995 a été confirmé en appel par un arrêt du Tribunal Superior de Justicia de Madrid du 17 avril 1997.

11.
    Le 13 novembre 1997, le directeur général de la direction générale «Personnel et administration» (DG IX) de la Commission a informé les parties requérantes que, compte tenu de l'arrêt du 17 juillet 1997, Commission/Espagne (C-52/96, Rec. p. I-4637), par lequel la Cour a constaté que les autorités espagnoles ont manqué à leurs obligations découlant du droit communautaire en n'adoptant pas les mesures nécessaires pour garantir le transfert de droits à pension du régime de sécurité sociale espagnol vers le régime communautaire, une solution législative semblait imminente, si bien que la Commission avait décidé de suspendre son assistance financière aux parties requérantes pour les actions judiciaires intentées par celles-ci contre la sécurité sociale espagnole. Le 31 janvier 1998, les parties requérantes ont introduit une réclamation contre cette décision.

12.
    Le 10 février 1998, le Tribunal Supremo a rejeté comme irrecevable le pourvoi en cassation introduit par la sécurité sociale espagnole contre l'arrêt du Tribunal Superior de Justicia de Madrid du 17 avril 1997.

13.
    Le 4 juin 1998, la sécurité sociale espagnole a transféré à la Commission la somme de 618 304 521 ESP visée par le jugement du 27 octobre 1995.

14.
    Sous couvert de notes datées du 17 juin 1998, l'unité «Pensions et relations avec les anciens» de la direction B «Droits et obligations; dialogue social et politique sociale» de la DG IX (ci-après l'«unité 'Pensions'») a adressé à chaque partie requérante une proposition relative à la bonification statutaire d'annuités liée au transfert de ses droits à pension espagnols. Dans ces notes, il était indiqué que la différence entre le montant transférable et le montant nécessaire pour garantir la bonification à accorder conformément aux DGE serait remboursée aux parties requérantes par la Commission. Il était également précisé que, eu égard au fait que le montant transféré n'avait pas été actualisé, il n'avait pas été procédé à la déduction d'un intérêt de 3,5 % par an. Il était ajouté que, «si [...], même ultérieurement, un paiement représentant une quelconque revalorisation de la pension à partir de la date de titularisation [était] obtenu, celui-ci [serait] à verser exclusivement à l'institution».

15.
    À chaque note était jointe une fiche de calcul intitulée «Calcul d'annuités de pension statutaire à prendre en compte selon l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut» (ci-après la «fiche de calcul»). Dans ces fiches de calcul était précisé le montant transférable en vertu du jugement du 27 octobre 1995, lié au dossier personnel du fonctionnaire concerné, les annuités théoriques de pension correspondant à ce montant, le nombre d'années de cotisation à la sécurité sociale espagnole, le montant nécessaire pour garantir la bonification statutaire à accorder et la somme à rembourser par la Commission, découlant de la différence entre le montant transférable et le montant nécessaire pour garantir la bonification statutaire à accorder. À l'exception du cas de M. Cornet Prat, partie requérante dans l'affaire T-322/00, les fiches de calcul faisaient apparaître un solde à rembourser par la Commission.

16.
    Les parties requérantes ayant marqué leur accord sur la proposition de bonification statutaire contenue dans la fiche de calcul relative à leur dossier personnel, l'unité «Pensions» les a informées, au début du mois de juillet 1998, du nombre d'annuités bonifiées les concernant, conformément aux DGE, dans le régime communautaire de pension.

17.
    Par des lettres datées du 2 septembre 1998, le directeur général de la DG IX a répondu à la réclamation introduite par les parties requérantes le 31 janvier 1998. Il leur a indiqué que, eu égard au caractère exceptionnel du dossier et compte tenu du fait que les mesures législatives à prendre par les autorités espagnoles à la suite de l'arrêt Commission/Espagne, cité au point 11 ci-dessus, seraient sans incidence sur leur situation personnelle, la Commission avait décidé de prolonger son assistance financière pour les actions judiciaires engagées par celles-ci devant les juridictions espagnoles. Il les a par ailleurs informées que, si la sécurité sociale espagnole venait à verser une revalorisation des capitaux visés dans le jugement du 27 octobre 1995, il y aurait lieu de mettre fin à la procédure judiciaire afin de limiter les frais d'avocat. Enfin, il a indiqué que, «en application des [DGE] actuellement en vigueur, toute somme obtenue au titre de [la] revalorisation des droits déjà transférés [devrait] être versée, à concurrence de 3,5 % par an, au régime communautaire».

18.
    Le 30 décembre 1998, les sommes correspondant aux soldes excédentaires figurant sur les fiches de calcul ont été versées par la Commission aux parties requérantes concernées.

19.
    Le 9 juillet 1999, le Juzgado de lo Social n° 4 de Madrid a adopté une ordonnance (ci-après l'«ordonnance du 9 juillet 1999») enjoignant à la sécurité sociale espagnole de procéder au paiement d'intérêts d'un montant global de 112 556 833 ESP. Il ressort de cette ordonnance que le montant susvisé a été fixé comme suit:

«Intérêt légal du 27 janvier 1996 au 3 juin 1998.

20.
    Principal.............618 304 521 [ESP]

21.
    Année 1996.................9 %

22.
    Année 1997...............7,5 %

23.
    Année 1998...............5,5 %

Année 1996

618 304 521 x 340 x 9

--------- = 51 835 941 [ESP]

36 500

Année 1997

618 304 521 x 365 x 7,5

---------- = 46 372 839 [ESP]

36 500

Année 1998

618 304 521 x 154 x 5,5

---------- = 14 348 053 [ESP]

36 500

Intérêts totaux = 112 556 833 [ESP].»

24.
    Dans une ordonnance du 29 juillet 1999 (ci-après l'«ordonnance du 29 juillet 1999»), le Juzgado de lo Social n° 4 de Madrid a précisé la partie du montant de 112 556 833 ESP se rapportant au dossier respectif de chacune des parties requérantes.

25.
    Par ordonnance du 3 septembre 1999 (ci-après l'«ordonnance du 3 septembre 1999»), le Juzgado de lo Social n° 4 de Madrid a confirmé l'ordonnance du 9 juillet 1999.

26.
    Le 22 septembre 1999, la sécurité sociale espagnole a versé à la Commission le montant de 112 556 833 ESP.

27.
    Entre le 22 septembre et le 6 décembre 1999, les parties requérantes se sont adressées à l'unité «Pensions» pour obtenir une révision de leur dossier en raison du versement mentionné au point précédent ainsi que le remboursement d'une partie des sommes concernées par ce versement.

28.
    Par des notes du 13 décembre 1999 concernant la partie requérante dans l'affaire T-303/00 et du 15 décembre 1999 concernant les parties requérantes dans les affaires T-304/00 et T-322/00, l'unité «Pensions» a informé celles-ci de sa décision de ne pas revoir le calcul de leurs droits à pension dans le régime communautaire et d'affecter l'intégralité du montant de 112 556 833 ESP au budget communautaire. Elle a motivé cette décision comme suit:

«[Le] montant [de 112 556 833 ESP] ne représente en aucune façon des droits à pension mais compense, partiellement, le fait que le capital représentatif de vos droits à pension n'était pas à la disposition du régime communautaire au moment de votre titularisation comme fonctionnaire. Vos droits à pension n'ont cependant à aucun moment été lésés par ce fait [...]

Le versement de ces intérêts ne doit donc pas générer un nouveau calcul de vos droits à pension dans le régime communautaire puisque le calcul ayant donné lieu à la bonification définitive a été effectué en tenant compte de la totalité du capital représentatif des droits acquis en Espagne avant votre entrée en fonction, sans déduction quelconque d'intérêt.

Le montant de 112 556 833 [ESP] revient en conséquence de droit au budget communautaire, ainsi que toute autre somme versée au même titre. En effet, le budget communautaire a subi seul le préjudice de l'absence de revalorisation du montant transféré depuis la date de la titularisation jusqu'au transfert effectif de l'équivalent actuariel des droits à pension.»

29.
    Le 28 février 2000, les parties requérantes dans les affaires T-303/00 et T-304/00 ont introduit une réclamation contre les décisions contenues, respectivement, dans la note de l'unité «Pensions» du 13 décembre 1999 et dans la note de cette même unité du 15 décembre 1999, qui leur avaient été adressées.

30.
    Le 14 mars 2000, les parties requérantes dans l'affaire T-322/00 ont introduit une réclamation conjointe contre les décisions contenues dans les notes de l'unité «Pensions» du 15 décembre 1999 qui leur avaient été adressées.

31.
    Le 13 octobre 2000, les réclamations introduites par les parties requérantes dans les affaires T-303/00 et T-304/00 ont fait l'objet d'une décision explicite de rejet.

32.
    Le 15 novembre 2000, la réclamation introduite par les parties requérantes dans l'affaire T-322/00 a fait l'objet d'une décision explicite de rejet.

Procédure

33.
    Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 22 septembre 2000, en ce qui concerne les affaires T-303/00 et T-304/00, et le 13 octobre 2000, en ce qui concerne l'affaire T-322/00, les parties requérantes ont introduit les présents recours en annulation.

34.
    À la demande de la partie requérante dans l'affaire T-303/00, et en l'absence d'objections de la Commission, le président de la troisième chambre du Tribunal a, par ordonnance du 11 septembre 2001, suspendu la procédure dans cette affaire, conformément à l'article 77, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, dans l'attente de la réception par la Commission d'informations que celle-ci s'était proposée, dans sa duplique, de chercher à obtenir auprès de la sécurité sociale espagnole au sujet d'une proposition de décision de cette dernière, évoquée dans une lettre de la partie requérante datée du 6 juin 2001, et portant sur le versement d'un capital d'un montant supérieur à celui payé à la Commission le 4 juin 1998 en relation avec le dossier personnel de cette partie requérante.

35.
    Dans un mémoire déposé au greffe du Tribunal le 22 février 2002, la partie requérante dans l'affaire T-303/00 a exposé que, des contacts qu'elle avait eus à lafin de 2001 avec la sécurité sociale espagnole, il était ressorti que la Commission avait été informée par cette dernière, à la fin de l'été 2001, que la proposition de décision visée au point précédent était liée à l'application du décret royal espagnol n° 2072/1999, du 30 décembre 1999, relatif aux transferts réciproques des droits entre le régime de sécurité sociale du personnel des Communautés européennes et les régimes publics espagnols de sécurité sociale, et que la sécurité sociale espagnole avait l'intention de verser à la Commission la différence entre le montant déjà payé le 4 juin 1998 et le montant visé par cette proposition de décision. Cette partie requérante a dès lors demandé au Tribunal que la procédure reprenne et qu'il soit enjoint à la Commission de transmettre les informations en sa possession.

36.
    Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 22 mars 2002, la partie requérante dans l'affaire T-303/00, se référant à des échanges de correspondance intervenus entre la sécurité sociale espagnole, la Commission et elle-même pendant la période comprise entre juillet 2001 et mars 2002 à propos de son dossier de transfert de droits à pension, a sollicité la prolongation de la suspension de la procédure jusqu'à ce que la sécurité sociale espagnole et la Commission aient résolu les questions pendantes afférentes à ce dossier.

37.
    Le 15 avril 2002, la Commission a déposé au greffe du Tribunal une série de documents dans le cadre de l'affaire T-303/00.

38.
    Après avoir été entendues, les parties à l'affaire T-303/00 ont été informées, par une lettre du greffe du Tribunal du 7 juin 2002, que la procédure avait repris dans cette affaire à la suite du dépôt par la Commission des informations visées par l'ordonnance mentionnée au point 30 ci-dessus et que le président de la troisième chambre du Tribunal avait décidé, le 31 mai 2002, de ne pas suspendre à nouveau la procédure.

39.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, il a invité les parties à produire certaines pièces et à répondre à certaines questions. Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

40.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 12 septembre 2002.

41.
    Les parties ayant été entendues sur ce point, le Tribunal (troisième chambre) estime qu'il y a lieu de joindre les présentes affaires aux fins de l'arrêt, conformément à l'article 50 du règlement de procédure.

Conclusions des parties

42.
    Dans les affaires T-303/00 et T-304/00, les parties requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     annuler les décisions les concernant arrêtées par l'unité «Pensions» le 13 décembre 1999, s'agissant de l'affaire T-303/00, et le 15 décembre 1999, s'agissant de l'affaire T-304/00;

-     ordonner à la Commission de rouvrir le dossier de transfert de leurs droits à pension en tenant compte du montant, correspondant à ces dossiers, transféré le 22 septembre 1999 par la sécurité sociale espagnole à la Commission;

-     ordonner à la Commission de recalculer la bonification statutaire à leur accorder dans le régime communautaire de pension en fonction du montant visé au tiret précédent;

-     ordonner à la Commission de procéder à sa propre indemnisation, conformément aux DGE, à concurrence d'une somme correspondant à l'application au montant du capital nécessaire pour garantir la bonification statutaire d'un taux d'intérêt annuel de 3,5 % pour la période comprise entre le 27 octobre 1995 et le 4 juin 1998;

-     ordonner à la Commission qu'elle leur rétrocède la différence subsistant, compte tenu de la somme qu'elle leur a déjà restituée en décembre 1998, entre le montant du capital transférable, majoré du montant visé au deuxième tiret ci-dessus, et le montant du capital nécessaire pour garantir la bonification statutaire, majoré des intérêts revenant à la Commission à titre d'indemnisation;

-     condamner la Commission au paiement d'intérêts pour le retard lié au remboursement du montant indiqué au tiret précédent, calculés au taux d'intérêt annuel composé de 3,5 % pour la période comprise entre le 22 septembre 1999 et la date du versement effectif de ce montant sur leur compte;

-     condamner la Commission aux dépens.

43.
    Dans l'affaire T-322/00, les parties requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     annuler les décisions les concernant arrêtées par l'unité «Pensions» le 15 décembre 1999;

-     condamner la Commission aux dépens.

44.
    La Commission conclut dans chacune des affaires à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     rejeter le recours;

-     statuer comme de droit sur les dépens.

Sur la recevabilité

45.
    Les conditions de recevabilité d'un recours étant d'ordre public, le Tribunal peut les examiner d'office, conformément à l'article 113 du règlement de procédure. Ainsi, il lui appartient de vérifier d'office la recevabilité des différentes demandes avancées dans la requête.

46.
    En l'espèce, il convient de relever que, par les deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième chefs de conclusions formulés dans les requêtes déposées dans les affaires T-303/00 et T-304/00, le Tribunal est invité à adresser des injonctions à la Commission. Or, en vertu d'une jurisprudence constante, de telles demandes sont irrecevables (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, DSM/Commission, C-5/93 P, Rec. p. I-4695, point 36; arrêts du Tribunal du 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice, T-156/89, Rec. p. II-407, point 150; du 8 juin 1995, P/Commission, T-583/93, RecFP p. I-A-137 et II-433, point 17, et du 6 mars 2001, Dunnett e.a./BEI, T-192/99, Rec. p. II-813, point 70).

47.
    Les recours introduits dans les affaires T-303/00 et T-304/00 ne sont donc recevables que pour autant qu'ils visent à l'annulation des décisions concernant les parties requérantes dans ces affaires arrêtées par l'unité «Pensions», respectivement, le 13 et le 15 décembre 1999.

Sur le fond

48.
    Dans les affaires T-303/00 et T-304/00, le recours en annulation est fondé sur cinq moyens. Le premier moyen est pris d'une violation de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut et des DGE. Le deuxième moyen est fondé sur une violation du principe de subsidiarité. Le troisième moyen est tiré d'une violation des principes de non-discrimination et de protection de la confiance légitime. Le quatrième moyen est pris de l'absence de base légale, d'un enrichissement sans cause au profit des Communautés et d'une violation du principe in dubio pro administrato. Le cinquième moyen est fondé sur une violation du principe de bonne foi. Dans l'affaire T-322/00, les parties requérantes invoquent deux moyens à l'appui de leur recours. Le premier moyen est fondé sur une violation de l'obligation de motivation. Le second moyen est pris d'une violation de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut et de l'article 4, paragraphe 2, des DGE, de l'absence de base légale, d'un enrichissement sans cause au profit des Communautés et d'une violation du principe selon lequel l'accessoire suit le principal.

49.
    Le Tribunal estime qu'il convient d'abord d'examiner conjointement les premier et quatrième moyens invoqués par les parties requérantes dans les affaires T-303/00 et T-304/00 et le second moyen avancé par les parties requérantes dans l'affaire T-322/00.

Arguments des parties

50.
    Dans le cadre de leur premier moyen, les parties requérantes dans les affaires T-303/00 et T-304/00 soutiennent que la Commission a appliqué de manière erronée les dispositions de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut et des DGE.

51.
    Soulignant qu'elles ne contestent pas le droit de la Commission à une indemnisation sous la forme d'intérêts calculés au taux annuel de 3,5 % conformément aux DGE, elles exposent, en premier lieu, que la somme au paiement de laquelle la sécurité sociale espagnole a été condamnée par l'ordonnance du 3 septembre 1999 a été arrêtée sur la base du taux d'intérêt légal en vigueur en Espagne entre le 27 janvier 1996 et le 3 juin 1998, appliqué au montant du capital constitutif de leurs droits à pension espagnols respectifs, tels que ceux-ci avaient été fixés par le jugement du 27 octobre 1995. Elles rappellent qu'une partie de ce montant a été versée au budget communautaire en tant que montant nécessaire pour garantir la bonification statutaire dans le régime communautaire de pension et que le solde excédentaire leur a été rétrocédé en décembre 1998.

52.
    En deuxième lieu, elles évaluent de manière chiffrée l'incidence, sur le calcul de leurs droits à pension dans le régime communautaire, du versement par la sécurité sociale espagnole à la Commission de sommes liées soit à l'exécution tardive du jugement du 27 octobre 1995, soit à la revalorisation du montant initial de l'équivalent actuariel de leurs droits à pension espagnols.

53.
    En troisième lieu, elles exposent que, pour calculer la partie des intérêts versés par la sécurité sociale espagnole le 22 septembre 1999 qui, d'après elles, doit leur être rétrocédée, il convient de distinguer la période, comprise entre la date de leur titularisation respective et le 26 octobre 1995, à laquelle correspond le montant de la revalorisation du capital initial transféré au régime communautaire de pension, et la période comprise entre le 27 octobre 1995 et le 4 juin 1998, à laquelle correspondent les intérêts susvisés. S'agissant de cette seconde période, elles soulignent que, en dépit du fait que, en vertu de la législation fiscale espagnole, les intérêts visés dans l'ordonnance du 3 septembre 1999 ont été calculés à partir du 27 janvier 1996, et non du 27 octobre 1995, elles reconnaissent à la Commission le droit de calculer à compter de cette dernière date les intérêts lui revenant à titre d'indemnisation. Elles exposent que, à raison de 3,5 % par an, le taux global de cette indemnisation, relatif à la période comprise entre le 27 octobre 1995 et le 4 juin 1998, équivaut à 9,119178 %. Elles soutiennent que, à l'instar du solde excédentaire de l'équivalent actuariel de leurs droits à pension espagnols, la différence entre la somme transférée par la sécurité sociale espagnole à la Commission le 22 septembre 1999 en relation avec leur dossier respectif et la somme, revenant à cette dernière à titre d'indemnisation, correspondant à l'application du taux de 9,119178 % au montant du capital nécessaire pour garantir la bonification statutaire, doit leur être restituée, dès lors qu'elles sont les titulairesexclusifs du capital constitutif de leurs droits à pension espagnols et des sommes de toute nature liées à ce capital.

54.
    Dans leur réplique, elles contestent, tout d'abord, avoir marqué leur accord sur le contenu de la note de l'unité «Pensions» du 17 juin 1998 qui leur avait été adressée en même temps que la fiche de calcul. Elles n'auraient donc pas renoncé à revendiquer une révision de leur dossier en cas de paiement ultérieur à la Commission de sommes liées à l'équivalent actuariel de leurs droits à pension espagnols.

55.
    Ensuite, elles font valoir que le taux de 3,5 % fixé à l'article 4, paragraphe 2, des DGE vise à dédommager la Commission pour le retard intervenu dans la perception du capital constitutif des droits à pension acquis dans un État membre, tandis que les intérêts versés par la sécurité sociale espagnole le 22 septembre 1999 correspondent à l'indemnisation qui leur a été accordée par la justice espagnole en guise de réparation du préjudice résultant du retard subi. Elles estiment par conséquent que la thèse de la Commission consistant à soutenir que lesdits intérêts lui reviennent exclusivement conduirait, si elle était suivie, à lui permettre de s'approprier sans aucun motif juridique une somme destinée à réparer le préjudice subi par elles et aboutirait à un enrichissement sans cause au profit de la Commission. Elles ajoutent que, à la différence de la Commission, qui n'a pas été partie aux procédures judiciaires en Espagne, elles ont acquis, en vertu des décisions rendues par les juridictions espagnoles, un droit subjectif propre, dont l'exécution a été retardée du fait du comportement de la sécurité sociale espagnole.

56.
    Elles prétendent encore que la Commission est, certes, fondée à percevoir le capital constitutif des droits à pension acquis dans un État membre en vue de l'application subséquente de la réglementation communautaire en matière de pensions, mais qu'elle n'est pas titulaire de droits propres, susceptibles d'évincer les droits légalement acquis par le fonctionnaire dans le régime national de sécurité sociale.

57.
    Dans le cadre de leur quatrième moyen, elles font valoir, en premier lieu, que le refus de la Commission, découlant des décisions attaquées, de leur rembourser la partie des intérêts correspondant à leur dossier personnel respectif, excédant le montant de l'indemnisation à laquelle la Commission est en droit de prétendre en vertu de l'article 4, paragraphe 2, des DGE, est dépourvu de base légale. Elles soutiennent qu'il ressort de l'arrêt Kristensen e.a./Conseil, cité au point 6 ci-dessus (points 37 à 45), que, à défaut de disposition statutaire expresse, le principe de solidarité qui caractérise le régime communautaire de pension ne peut justifier que les sommes excédentaires provenant du transfert de droits à pension soient versées au budget communautaire, sous peine de conduire à un enrichissement sans cause des Communautés. Elles considèrent que, dans ces conditions, les décisions attaquées constituent des mesures excessives, engendrant un tel enrichissement.

58.
    En deuxième lieu, les parties requérantes soutiennent que les décisions attaquées violent le principe in dubio pro administrato, lequel signifie, selon la jurisprudence de la Cour suprême espagnole, que, en cas de doute ou en l'absence de disposition statutaire sur l'identité du destinataire d'un solde excédentaire en matière de transfert de droits à pension, la décision de l'autorité compétente doit profiter à l'administré et être conforme à la pratique habituelle de cette autorité.

59.
    Dans le cadre de leur second moyen, les parties requérantes dans l'affaire T-322/00 soutiennent que, en vertu de l'article 4, paragraphe 2, des DGE, la Commission était tenue, dès la réception des sommes qui lui avaient été versées le 22 septembre 1999 par la sécurité sociale espagnole, de procéder à un nouveau calcul d'annuités de pension statutaire à prendre en compte conformément à l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut, et de leur rembourser le montant de la revalorisation des droits transférés excédant les intérêts calculés au taux annuel de 3,5 % pour la période concernée par ladite revalorisation. Elles allèguent que, en refusant de procéder de la sorte, la Commission s'est enrichie sans cause et a méconnu le principe selon lequel l'accessoire suit le principal, ainsi que la solution, consacrée par la jurisprudence, selon laquelle les sommes correspondant aux droits à pension transférés au régime communautaire qui ne sont pas pris en compte lors de l'application de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut appartiennent au fonctionnaire intéressé et doivent lui être remboursées (arrêt de la Cour du 9 novembre 1989, Bonazzi-Bertottilli e.a./Commission, 75/88, 146/88 et 147/88, Rec. p. 3599; arrêts du Tribunal du 15 décembre 1998, Bang-Hansen/Commission, T-233/97, RecFP p. I-A-625 et II-1889, et Kristensen e.a./Conseil, cité au point 6 ci-dessus, points 40 et 41).

60.
    Dans leur réplique, elles font valoir, tout d'abord, que, quelle que soit la nature exacte des sommes versées par la sécurité sociale espagnole à la Commission le 22 septembre 1999, cette dernière n'est pas fondée à s'en approprier la totalité à leurs dépens. En effet, dans l'hypothèse où ces sommes correspondraient à la revalorisation de leurs droits à pension espagnols, la Commission serait tenue, en application de l'article 4, paragraphe 2, des DGE, de calculer la bonification statutaire à leur accorder sur la totalité des montants transférés, déduction faite d'un intérêt annuel de 3,5 % appliqué à ces montants pour la période concernée par la revalorisation, et de leur restituer le solde excédentaire, correspondant aux montants non pris en compte pour ladite bonification. À supposer que les sommes litigieuses représentent des intérêts liés à l'exécution des décisions rendues par la justice espagnole en leur faveur, la Commission, qui n'aurait pas été partie au litige devant les juridictions espagnoles, se devrait de leur rétrocéder l'intégralité des sommes versées à ce titre. À supposer que les sommes litigieuses constituent des intérêts de retard, ceux-ci auraient été calculés sur la totalité des droits à pension espagnols, de sorte que lesdites sommes devraient être réparties entre la Commission et elles à concurrence, respectivement, des montants retenus par la Commission pour l'octroi des bonifications statutaires et des soldes excédentaires remboursés par cette dernière à la fin de l'année 1998.

61.
    Les parties requérantes dans l'affaire T-322/00 ajoutent que, compte tenu de la solution consacrée par l'arrêt Kristensen e.a./Conseil, cité au point 6 ci-dessus, en vertu de laquelle le solde excédentaire de leurs droits à pension espagnols est leur propriété, elles bénéficient, en ce qui concerne ce solde, d'un droit au remboursement né dès leur titularisation, conformément à l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut. Par conséquent, le retard avec lequel la sécurité sociale espagnole a transféré leurs droits à pension espagnols aurait causé aux parties requérantes un préjudice analogue à celui subi par la Commission. Cette dernière ne pourrait, dans ces conditions, prétendre avoir été la seule victime du retard coupable de la sécurité sociale espagnole.

62.
    Ensuite, les parties requérantes dans l'affaire T-322/00 soutiennent que l'accord qu'elles ont exprimé à la fin du mois de juin 1998 au sujet de la proposition de bonification statutaire du 17 juin 1998 qui leur avait été adressée par l'unité «Pensions» ne saurait être interprété comme une renonciation à toute revendication à l'égard de versements ultérieurement opérés par la sécurité sociale espagnole en exécution de décisions de justice espagnoles, tels que le versement d'intérêts effectué en septembre 1999.

63.
    Enfin, elles exposent que, conformément aux principes de primauté et d'applicabilité directe du droit communautaire, les autorités espagnoles étaient tenues d'adopter, lors de l'entrée en vigueur du traité d'adhésion du royaume d'Espagne à la Communauté, les modalités d'application de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut. Elles affirment que, en n'engageant une procédure en manquement contre le royaume d'Espagne qu'en 1992, la Commission a fait preuve de laxisme à l'égard des autorités espagnoles, dont l'inaction a empêché les parties requérantes de transférer, dès leur titularisation, leurs droits à pension espagnols. Elles ajoutent que, du fait de la réaction tardive de la Commission, elles ont été contraintes de mener seules des actions devant les juridictions espagnoles afin d'obtenir que la sécurité sociale espagnole transfère lesdits droits au régime communautaire. La Commission ne pourrait, dans ces conditions, se présenter comme étant la seule victime de ses propres carences.

64.
    Dans chaque affaire, la Commission affirme, à titre liminaire, que la question au centre des débats tient à la nature des intérêts versés par la sécurité sociale espagnole le 22 septembre 1999. Elle conteste la possibilité pour les parties requérantes de revendiquer la prise en compte desdits intérêts en vue d'une révision de leur dossier de transfert de droits à pension et de réclamer le remboursement partiel de ces intérêts.

65.
    En premier lieu, elle soutient que, à la différence des soldes excédentaires dégagés en juin 1998 lors du calcul des bonifications statutaires et remboursés aux parties requérantes conformément à la solution consacrée par l'arrêt Kristensen e.a./Conseil, cité au point 6 ci-dessus, les intérêts litigieux ne représentent pas des droits à pension acquis par ces dernières en Espagne, mais correspondent à une sanction infligée à la sécurité sociale espagnole pour le retard avec lequel celle-cia procédé au transfert des droits à pension auquel elle était tenue en vertu du jugement du 27 octobre 1995. Cette sanction aurait pour but de dédommager la personne lésée par ledit retard. Or, la Commission serait la seule à avoir subi un préjudice lié à ce retard, en raison du fait que le budget communautaire aurait été privé, jusqu'au 4 juin 1998, du montant, fixé dans le jugement du 27 octobre 1995, correspondant aux capitaux constitutifs de l'équivalent actuariel des droits à pension espagnols des parties requérantes. Par conséquent, elle ne pourrait être accusée de s'enrichir sans cause aux dépens des parties requérantes au motif qu'elle conserve la totalité des intérêts susvisés. À aucun moment, les parties requérantes n'auraient en outre établi, ni même invoqué, l'existence d'un préjudice lié à l'exécution tardive du jugement du 27 octobre 1995. Par leur recours, elles chercheraient en réalité à obtenir, au détriment de la partie lésée, la réparation d'un dommage qu'elles n'auraient pas subi.

66.
    La Commission insiste sur la distinction qu'il incombe de faire entre les montants auxquels les parties requérantes ont droit, conformément à l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut, au titre de l'équivalent actuariel de leurs droits à pension espagnols, d'une part, et les intérêts versés par la sécurité sociale espagnole, qui ne font pas partie de cet équivalent actuariel et ne doivent donc pas être pris en compte dans le calcul des droits à pension des parties requérantes, d'autre part. Elle affirme également que le taux d'intérêt annuel de 3,5 % mentionné à l'article 4, paragraphe 2, des DGE, et auquel les parties requérantes se réfèrent pour déterminer la part des intérêts litigieux revenant à la Commission, se rapporte à des montants qui sont la propriété du fonctionnaire concerné, ce qui n'est pas le cas desdits intérêts, lesquels visent à compenser partiellement le préjudice subi par la Commission et lui reviennent, à ce titre, exclusivement. L'article 4, paragraphe 2, des DGE ne serait donc pas applicable aux cas d'espèce, si bien qu'il ne pourrait être question d'un plafonnement du montant des intérêts revenant à la Commission. La nature de ces intérêts conduirait également à rejeter la thèse des parties requérantes dans l'affaire T-322/00 selon laquelle l'accessoire suit le principal.

67.
    La Commission ajoute que l'argument selon lequel l'affectation au budget communautaire de l'intégralité des intérêts litigieux lui permet de bénéficier d'une indemnisation supérieure à celle, d'un taux de 3,5 % par an, qu'elle est fondée à obtenir en vertu des DGE repose sur une confusion entre deux montants totalement distincts - le taux de 3,5 % visé à l'article 4, paragraphe 2, des DGE, d'une part, et les intérêts susvisés, d'autre part -, auxquels elle a droit pour des motifs différents.

68.
    En deuxième lieu, la Commission soutient que la circonstance que l'ordonnance du 3 septembre 1999 est l'aboutissement d'actions judiciaires intentées par les parties requérantes ne justifie pas qu'un droit leur soit reconnu sur les intérêts litigieux. Elle ajoute qu'elle a apporté son assistance financière à ces actions, conformément à l'article 24 du statut.

69.
    La Commission fait par ailleurs valoir que le fait que l'ordonnance du 29 juillet 1999 indique le montant des intérêts litigieux correspondant au dossier respectif de chaque partie requérante ne saurait conduire à reconnaître aux parties requérantes un droit sur ledit montant. En effet, de telles indications s'expliqueraient uniquement par des considérations arithmétiques, ainsi que par un souci de motivation du montant global de ces intérêts.

70.
    En troisième lieu, la Commission fait valoir que chaque partie requérante a marqué son accord sur la fiche de calcul jointe à la note de l'unité «Pensions» du 17 juin 1998 qui lui avait été adressée, sans manifester un quelconque désaccord sur le contenu de ladite note, dans laquelle il était mentionné que tout paiement ultérieur lié à une revalorisation des droits à pension espagnols à compter de la date de titularisation du fonctionnaire concerné reviendrait exclusivement à l'institution communautaire.

71.
    En quatrième lieu, la Commission rejette les allégations, faites par les parties requérantes dans l'affaire T-322/00, relatives à sa responsabilité dans le retard lié au transfert des droits à pension espagnols des parties requérantes. Elle soutient que ce retard trouve sa source dans le manquement des autorités espagnoles à leurs obligations découlant de l'article 11 de l'annexe VIII du statut et que lesdites autorités sont seules responsables de la situation à l'origine des présentes affaires, ainsi que cela ressort de l'ordonnance du 3 septembre 1999. Elle ajoute que les parties requérantes ne sauraient prétendre que son comportement a aggravé leur préjudice, alors qu'elles sont en défaut d'établir un quelconque préjudice.

72.
    En cinquième lieu, la Commission affirme, dans le cadre des affaires T-303/00 et T-304/00, que le principe in dubio pro administrato, invoqué par les parties requérantes dans ces deux affaires, à supposer qu'il existe, n'est pas applicable aux cas d'espèce et ne saurait, en tout état de cause, justifier une décision favorable de sa part.

Appréciation du Tribunal

73.
    Il convient, à titre liminaire, de préciser l'objet du litige dans les présentes affaires. Ainsi qu'il ressort de la lecture du premier chef de conclusions formulé dans les requêtes (voir points 38 et 39 ci-dessus), les présents recours tendent à l'annulation des décisions contenues dans les notes de l'unité «Pensions», des 13 ou 15 décembre 1999 selon le cas, adressées aux parties requérantes, par lesquelles la Commission a refusé, à la suite du versement par la sécurité sociale espagnole, le 22 septembre 1999, d'une somme de 112 556 833 ESP, de revoir le calcul de leurs droits à pension dans le régime communautaire et de leur rembourser une partie de cette somme.

74.
    Doivent en conséquence être d'emblée écartés comme étant étrangers à l'objet des présentes affaires, d'une part, les éléments avancés, dans les affaires T-303/00 et T-304/00, en relation avec la somme au versement de laquelle la sécurité socialeespagnole a été condamnée, par un jugement rendu par le Juzgado de lo Social n° 12 de Madrid le 30 décembre 1999 - soit postérieurement à l'adoption des décisions attaquées - dans l'affaire Caballero Montoya/Instituto Nacional de la Seguridad Social & Tesoreriá General de la Seguridad Social, au titre de la «revalorisation du capital constitutif de l'équivalent actuariel des droits à pension du demandeur, fixé par jugement du Juzgado de lo Social n° 4 de Madrid et transféré au régime de pension de la Commission le 4 juin 1998», et, d'autre part, les éléments produits par la partie requérante dans l'affaire T-303/00 au sujet du complément de capital constitutif de l'équivalent actuariel de ses droits à pension espagnols, visé par la proposition de décision de la sécurité sociale espagnole mentionnée aux points 30 et 31 ci-dessus et lié à l'application du décret royal espagnol n° 2072/1999.

75.
    Cela étant précisé, il importe de rappeler que, aux termes de l'article 4, paragraphe 2, des DGE, le calcul des annuités de pension statutaire à prendre en compte conformément à l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut est basé sur la totalité du montant concerné par le transfert, déduction faite d'un intérêt de 3,5 % par an pour la période allant de la date de titularisation à la date du transfert effectif du montant susvisé sur le compte des Communautés. Cette disposition ajoute que cet intérêt n'est pas déduit pour les périodes durant lesquelles le montant transférable n'a pas été revalorisé ou majoré d'intérêts par la caisse de pensions dont relevait l'intéressé avant son entrée au service des Communautés.

76.
    Ainsi que la Commission l'a exposé à l'audience, l'application de l'article 4, paragraphe 2, des DGE signifie que, dans l'hypothèse où le montant correspondant à l'équivalent actuariel ou au forfait de rachat des droits à pension acquis par le fonctionnaire dans un régime national de sécurité sociale a été revalorisé ou majoré d'intérêts par la caisse de pensions dont ce fonctionnaire relevait avant son entrée au service des Communautés, l'institution communautaire est fondée à opérer, avant de calculer le nombre d'annuités de pension à prendre en compte dans le régime communautaire, une retenue forfaitaire au bénéfice du budget communautaire sur les sommes visées par le transfert, à concurrence de 3,5 % par an pour la période - comprise entre la date de titularisation et celle du transfert effectif des droits à pension nationaux - concernée par la revalorisation ou les intérêts. Dans l'hypothèse inverse, l'institution communautaire ne peut opérer aucune déduction sur le montant transféré et le calcul des annuités de pension statutaire doit donc être effectué sur la base de la totalité de ce montant.

77.
    À défaut d'indications plus précises, la notion d'«intérêts» au sens de l'article 4, paragraphe 2, des DGE doit, ainsi que la Commission elle-même l'a affirmé à l'audience, être comprise d'une manière large. Elle vise tout type d'intérêts versés par la caisse nationale de pensions en rapport avec tout ou partie de la période comprise entre la date de titularisation du fonctionnaire et la date du transfert effectif du montant des droits à pension nationaux.

78.
    En l'espèce, il ressort des pièces versées au dossier que la somme de 112 556 833 ESP payée par la sécurité sociale espagnole à la Commission le 22 septembre 1999a été qualifiée, dans les ordonnances des 9 et 29 juillet et du 3 septembre 1999, d'«intérêts». En outre, aux termes de l'ordonnance du 9 juillet 1999, ces intérêts correspondent à l'application au montant global des capitaux constitutifs de l'équivalent actuariel des droits à pension espagnols des parties requérantes (618 304 521 ESP), pour la période comprise entre le 27 janvier 1996 et le 3 juin 1998, d'un taux d'intérêt légal fixé à 9 % en ce qui concerne l'année 1996, à 7,5 % en ce qui concerne l'année 1997 et à 5,5 % en ce qui concerne l'année 1998. Pour chaque dossier, ladite période s'inscrit dans celle comprise entre la date de titularisation du fonctionnaire (voir point 7 ci-dessus) et la date du transfert effectif du montant correspondant à ses droits à pension espagnols.

79.
    Les intérêts versés par la sécurité sociale espagnole à la Commission le 22 septembre 1999 en exécution des ordonnances des 9 et 29 juillet et du 3 septembre 1999 sont donc des intérêts au sens de l'article 4, paragraphe 2, des DGE. Le fait, allégué par la Commission, que ces intérêts sont - ainsi qu'il est constant entre les parties - liés à une condamnation judiciaire de la sécurité sociale espagnole motivée par le retard avec lequel celle-ci a procédé au transfert des capitaux constitutifs des droits à pension espagnols des parties requérantes visé par le jugement du 27 octobre 1995 ne permet pas, compte tenu de ce qui a été exposé au point 73 ci-dessus, d'écarter cette conclusion.

80.
    À l'audience, la Commission a soutenu que l'article 4, paragraphe 2, des DGE vise uniquement l'hypothèse où la somme correspondant à une revalorisation ou des intérêts sont versés par le régime national de sécurité sociale en même temps que le transfert du montant correspondant à l'équivalent actuariel ou au forfait de rachat des droits à pension acquis par le fonctionnaire dans ce régime. Le législateur communautaire n'aurait pas, en revanche, envisagé la situation, propre aux présentes affaires, dans laquelle le versement de la somme correspondant à une revalorisation ou d'intérêts intervient après le transfert du capital constitutif des droits à pension nationaux.

81.
    Il convient toutefois de souligner que rien, dans les termes de l'article 4, paragraphe 2, des DGE, ne permet d'écarter l'applicabilité de cette disposition à la situation dans laquelle, postérieurement au transfert du capital constitutif des droits à pension nationaux du fonctionnaire et au calcul des annuités de pension statutaire opéré par la Commission à la suite de ce transfert, survient un fait nouveau, modifiant les données du calcul susvisé, relatif soit au montant même de ce capital constitutif, soit à une revalorisation ou à des intérêts liés à tout ou partie de la période comprise entre la date de titularisation du fonctionnaire et la date du transfert susvisé. Il y a lieu, par conséquent, de conclure à l'applicabilité de l'article 4, paragraphe 2, des DGE dans le cadre des présentes affaires, dans laquelle des intérêts se rapportant à une partie de la période comprise entre la date de titularisation du fonctionnaire concerné et la date du transfert effectif du montant correspondant à ses droits à pension espagnols ont été versés par la sécurité sociale espagnole après ledit transfert et le calcul des annuités de pension statutaire opéré par la Commission à la suite de ce transfert.

82.
    À l'audience, la Commission a fait valoir que, à supposer que l'article 4, paragraphe 2, des DGE doive être considéré comme applicable aux cas d'espèce, l'application de cette disposition implique, dès lors que, conformément à cette disposition, le calcul des annuités de pension statutaire opéré en juin 1998 à la suite du transfert des capitaux représentant les droits à pension espagnols des parties requérantes a été effectué, en raison de l'absence de revalorisation ou de versement d'intérêts par la sécurité sociale espagnole à la date dudit transfert, sur la base de la totalité du montant correspondant au capital constitutif des droits à pension espagnols de l'intéressé, sans déduction préalable d'un taux d'intérêt annuel de 3,5 %, que les intérêts versés par la sécurité sociale espagnole postérieurement à ce calcul doivent revenir intégralement au budget communautaire. Reconnaître aux parties requérantes un droit sur tout ou partie de ces intérêts conduirait, estime la Commission, à un enrichissement sans cause dans leur chef, étant donné qu'elles ont bénéficié, lors du calcul de juin 1998, de l'absence de déduction d'intérêts du montant constitutif de leurs droits à pension espagnols.

83.
    Le Tribunal considère toutefois que, lorsque la caisse de pensions dont relevait le fonctionnaire avant son entrée au service des Communautés verse à l'institution communautaire, postérieurement au transfert du capital constitutif des droits à pension nationaux et au calcul des annuités théoriques de pension fondé sur le montant concerné par ce transfert, une revalorisation ou, comme en l'espèce, des intérêts liés à tout ou partie de la période comprise entre la date de titularisation et la date du transfert susvisé, la correcte application de l'article 4, paragraphe 2, des DGE exige que, en présence de ce fait nouveau, qui vient modifier les données de base du calcul initial, la Commission revoie le dossier du fonctionnaire.

84.
    Il importe, à cet égard, de souligner que l'interdiction, faite à la Commission par l'article 4, paragraphe 2, des DGE, de déduire des intérêts lorsque, comme ce fut le cas dans les présentes espèces en juin 1998, les droits à pension nationaux transférés par la caisse nationale de pensions n'ont, au moment où la Commission procède au calcul des annuités de pension statutaire, pas été revalorisés ou majorés d'intérêts par ladite caisse, vise à éviter un enrichissement sans cause au profit de la Communauté et une pénalisation du fonctionnaire du fait d'une circonstance ne relevant pas de sa responsabilité. Permettre à l'institution communautaire d'opérer une retenue au profit du budget communautaire sur le capital constitutif de l'équivalent actuariel ou du forfait de rachat des droits à pension nationaux antérieurement acquis par le fonctionnaire, alors que ledit capital n'a pas été revalorisé ou majoré d'intérêts par la caisse nationale de pensions, conduirait à une appropriation injustifiée, par cette institution, d'une partie des droits à pension nationaux liquidés au titre du transfert, lesquels appartiennent en effet au fonctionnaire en vertu de la jurisprudence (arrêt Kristensen e.a./Conseil, cité au point 6 ci-dessus), et, donc, à un enrichissement sans cause au profit de la Communauté.

85.
    Le fait que, lors des calculs de juin 1998, la Commission s'est abstenue, conformément à l'article 4, paragraphe 2, des DGE, de déduire des intérêts des sommes transférées le 4 juin 1998 par la sécurité sociale espagnole ne saurait, dans ces conditions, être regardé comme une mesure ayant favorisé les parties requérantes et lésé le budget communautaire, mesure qu'il conviendrait de compenser à l'occasion du versement ultérieur d'intérêts par la sécurité sociale espagnole.

86.
    Il convient d'ajouter que, ainsi qu'il ressort de l'ordonnance du 9 juillet 1999, les intérêts versés par la sécurité sociale espagnole le 22 septembre 1999 ont été calculés sur la base de taux successifs de 9 % (en ce qui concerne la période comprise entre le 27 janvier et le 31 décembre 1996), de 7,5 % (en ce qui concerne la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 1997) et de 5,5 % (en ce qui concerne la période comprise entre le 1er janvier et le 3 juin 1998), c'est-à-dire de taux supérieurs à celui de 3,5 % prévu à l'article 4, paragraphe 2, des DGE. Un versement de ces intérêts effectué par la sécurité sociale espagnole, d'elle-même, le 4 juin 1998, c'est-à-dire concomitamment au versement des capitaux constitutifs des droits à pension espagnols des parties requérantes, aurait donc eu pour conséquence non seulement que la Commission aurait été fondée, en vertu de l'article 4, paragraphe 2, des DGE, à déduire des sommes versées (capitaux et intérêts) un intérêt de 3,5 % par an pour la période comprise entre le 27 janvier 1996 et le 3 juin 1998, mais aussi que le calcul des annuités de pension statutaire aurait été basé, dans chaque dossier, sur un montant (le capital constitutif des droits à pension espagnols majoré des intérêts versés par la sécurité sociale espagnole en relation avec le dossier concerné, déduction faite de l'intérêt de 3,5 % par an retenu par la Commission) supérieur à celui ayant servi de base de calcul à la Commission en juin 1998. Dans tous les dossiers à l'exception de celui de M. Cornet Prat, partie requérante dans l'affaire T-322/00, il en serait résulté, compte tenu du plafonnement de la bonification statutaire au nombre d'années de cotisation en Espagne, un solde excédentaire supérieur à celui qui a été remboursé aux parties requérantes par la Commission en décembre 1998. S'agissant du dossier de M. Cornet Prat, le nombre d'annuités théoriques de pension à prendre en compte dans le régime communautaire aurait été supérieur à celui indiqué dans la fiche de calcul qui lui a été adressée en juin 1998.

87.
    Dans un cas de figure tel que celui caractérisant les présentes affaires, où les intérêts versés par le régime national de sécurité sociale postérieurement au calcul d'annuités de pension statutaire effectué par la Commission excèdent le taux de 3,5 % visé à l'article 4, paragraphe 2, des DGE, force est donc de constater que le non-versement de ces intérêts au moment du transfert du capital constitutif des droits à pension nationaux a, certes, emporté interdiction pour la Commission d'opérer, lors du calcul susvisé, une déduction d'intérêts au profit du budget communautaire, mais il a également eu des conséquences négatives pour le fonctionnaire concerné en termes de solde excédentaire à lui rembourser ou d'annuités bonifiées dans le régime communautaire.

88.
    Pour les motifs exposés aux points 79 à 83 ci-dessus, l'argumentation de la Commission reproduite au point 78 ci-dessus doit donc être écartée.

89.
    Dans les décisions attaquées et dans ses écritures, la Commission soutient encore que les intérêts litigieux sont liés au retard intervenu dans l'exécution du jugement du 27 octobre 1995 par la sécurité sociale espagnole. Or, seul le budget communautaire aurait été lésé par ledit retard. Celui-ci aurait en effet eu pour conséquence que la Commission a été privée, jusqu'au 4 juin 1998, des montants représentant les capitaux constitutifs des droits à pension espagnols des parties requérantes. Les intérêts litigieux compenseraient partiellement le fait que lesdits montants n'étaient pas à la disposition du régime communautaire à la date de titularisation respective des parties requérantes. Ces dernières n'auraient, en revanche, pas été lésées par le retard susvisé, étant donné que la totalité de leurs années de service antérieures à leur engagement à la Commission aurait été bonifiée dans le régime communautaire et que le solde excédentaire de l'équivalent actuariel de leurs droits à pension espagnols leur aurait été remboursé.

90.
    Il convient cependant de noter que le versement par la caisse nationale de pensions concernée d'une revalorisation ou d'intérêts relatifs à la période comprise entre la date de titularisation du fonctionnaire et la date du transfert effectif du montant correspondant aux droits à pension nationaux de celui-ci a toujours pour objet de compenser, en tout ou en partie, le fait que ledit montant n'a pas été à la disposition du budget communautaire à la date de titularisation du fonctionnaire.

91.
    Or, en présence d'un tel versement, la solution qui prévaut, aux termes de l'article 4, paragraphe 2, des DGE, consiste non en une affectation intégrale des sommes concernées au budget communautaire, mais en une retenue, en guise d'indemnisation forfaitaire, à concurrence de 3,5 % par an pour la période à laquelle se rapporte la revalorisation ou les intérêts, le solde éventuel étant ajouté au montant du capital constitutif des droits à pension nationaux aux fins du calcul des annuités de pension statutaire.

92.
    Les intérêts versés par la sécurité sociale espagnole le 22 septembre 1999 étant des intérêts au sens de l'article 4, paragraphe 2, des DGE, puisqu'ils couvrent partiellement la période comprise entre la date de titularisation des parties requérantes et la date du transfert effectif du montant de leurs droits à pension espagnols, la Commission ne saurait, dans ces conditions, prétendre appliquer en l'espèce une solution différente de celle consacrée par la disposition précitée des DGE, revenant à s'approprier l'intégralité des intérêts susvisés.

93.
    Il convient en outre de souligner que, certes, le calcul des annuités théoriques de pension opéré par la Commission en juin 1998 a été effectué sur la base de données (âge du fonctionnaire; montant du traitement mensuel; montant transférable correspondant à l'équivalent actuariel des droits à pension espagnols; annuités de cotisation à la sécurité sociale espagnole) figées à la date de titularisation des parties requérantes, si bien que le délai qui s'est écoulé entrecette dernière date et le 4 juin 1998, date du transfert effectif des droits à pension espagnols, n'a pas influencé ledit calcul dans un sens défavorable pour elles.

94.
    Cependant, la lecture des fiches de calcul du 17 juin 1998 adressées par l'unité «Pensions» aux parties requérantes fait ressortir que le calcul des annuités bonifiées dans le régime communautaire sur la base du montant des droits à pension espagnols transféré le 4 juin 1998 par la sécurité sociale espagnole a, dans chaque dossier à l'exception de celui de M. Cornet Prat, partie requérante dans l'affaire T-322/00, dégagé, en raison de la règle du plafonnement de ces annuités à hauteur des annuités de cotisation en Espagne, un solde excédentaire - correspondant à la différence entre le capital constitutif des droits à pension espagnols du fonctionnaire concerné et le montant nécessaire pour garantir la bonification statutaire -, qui a été remboursé à la personne intéressée en décembre 1998.

95.
    Il s'ensuit que, s'il est vrai que la Commission a, en l'espèce, été lésée en ce que c'est seulement le 4 juin 1998, soit plusieurs années après la titularisation des parties requérantes, qu'elle a disposé, aux fins du financement du régime communautaire de pension, de la partie des sommes visées par le jugement du 27 octobre 1995 lui revenant en tant que montant nécessaire pour garantir les bonifications statutaires à accorder dans ledit régime, les parties requérantes - excepté M. Cornet Prat - ont également été affectées par le transfert tardif de leurs droits à pension espagnols en ce que celui-ci a eu pour effet de retarder le calcul de leurs annuités de pension statutaire et, par voie de conséquence, le remboursement de l'excédent de droits à pension espagnols leur revenant.

96.
    Pour les motifs exposés aux points 86 à 91 ci-dessus, l'argumentation de la Commission reproduite au point 85 ci-dessus doit donc être écartée.

97.
    Enfin, la Commission a allégué au cours de la procédure que, en juin 1998, les parties requérantes avaient marqué leur accord sur les fiches de calcul et n'avaient pas émis d'objection à l'égard des notes accompagnant ces fiches, dans lesquelles il était indiqué que tout paiement ultérieur correspondant à la revalorisation des droits à pension espagnols à compter de la date de titularisation reviendrait exclusivement à l'institution communautaire.

98.
    Il convient cependant de constater que, dans les affaires T-303/00 et T-304/00, la Commission formule, dans ses écritures, cette allégation en réaction à l'argument des parties requérantes tiré d'une contradiction entre l'indication visée au point précédent et celle, figurant dans la lettre du directeur général de la DG IX du 2 septembre 1998, selon laquelle toute somme obtenue au titre de la revalorisation des droits déjà transférés devra être versée, à concurrence de 3,5 % par an, au régime communautaire de pensions. Elle ajoute qu'elle n'a jamais cherché «à tirer un effet juridique quelconque» de l'acceptation par les parties requérantes de la note du 17 juin 1998 qui leur a été adressée avec la fiche de calcul. Dans l'affaire T-322/00, l'allégation susvisée est faite par la Commission en réponse au moyen desparties requérantes pris d'une violation de l'obligation de motivation, pour démontrer que ces dernières avaient été informées, dès le mois de juin 1998, sur la position de la Commission concernant d'éventuels paiements ultérieurs en provenance de la sécurité sociale espagnole. La Commission ajoute qu'elle n'a jamais prétendu que l'accord des parties requérantes sur la bonification statutaire exposé dans la fiche de calcul ait emporté renonciation de leur part à toute prétention sur des paiements ultérieurs de la sécurité sociale espagnole.

99.
    De fait, l'accord exprimé, en juin 1998, par les parties requérantes sur le contenu des fiches de calcul établies en fonction des sommes à la disposition de la Commission à cette époque et l'absence de réaction de leur part à l'indication, contenue dans les notes de couverture de ces fiches de calcul, selon laquelle toute somme qui serait ultérieurement versée par la sécurité sociale espagnole à titre de revalorisation des capitaux transférés reviendrait intégralement au budget communautaire ne sauraient être considérés comme impliquant pour les parties requérantes la perte du droit à un réexamen de leur dossier par l'unité «Pensions» à la suite du versement par la sécurité sociale espagnole - en exécution de décisions de justice constituant l'aboutissement d'actions intentées par elles - d'intérêts tombant dans le champ d'application de l'article 4, paragraphe 2, des DGE. Le fait que ces actions judiciaires ont bénéficié d'une assistance financière de la Commission sur la base de l'article 24 du statut n'est pas de nature à écarter cette analyse, ni à justifier, ce que la Commission ne prétend d'ailleurs pas, une compensation entre le montant de cette assistance et celui des intérêts susvisés.

100.
    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que le refus de la Commission de réexaminer le dossier de transfert des droits à pension espagnols des parties requérantes à la suite du versement de 112 556 833 ESP opéré par la sécurité sociale espagnole le 22 septembre 1999 et l'affectation par la Commission de l'intégralité de ce montant au budget communautaire constituent une violation de l'article 4, paragraphe 2, des DGE et un enrichissement sans cause au profit des Communautés. Les premier et quatrième moyens invoqués dans les affaires T-303/00 et T-304/00, en tant qu'ils sont pris, respectivement, d'une violation des DGE et d'un enrichissement sans cause au profit des Communautés, et le second moyen développé dans l'affaire T-322/00, en tant qu'il est fondé sur une violation de l'article 4, paragraphe 2, des DGE et sur un enrichissement sans cause au profit des Communautés, doivent donc être accueillis.

101.
    Sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens et arguments soulevés par les parties requérantes, les décisions attaquées doivent en conséquence être annulées. En vertu de l'article 233 CE, il appartiendra à la Commission de prendre les mesures que comporte l'exécution du présent arrêt, à la lumière des motifs exposés dans celui-ci.

Sur les dépens

102.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé dans les trois affaires, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions des parties requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL(troisième chambre)

déclare et arrête:

1)     Les affaires T-303/00, T-304/00 et T-322/00 sont jointes aux fins de l ' arrêt.

2)      Dans l ' affaire T-303/00:

-      la décision de la Commission contenue dans la note du 13 décembre 1999 concernant les droits à pension de la partie requérante est annulée;

-      le recours est rejeté pour le surplus;

-      la Commission est condamnée aux dépens.

3)      Dans l ' affaire T-304/00:

-      la décision de la Commission contenue dans la note du 15 décembre 1999 concernant les droits à pension de la partie requérante est annulée;

-      le recours est rejeté pour le surplus;

-      la Commission est condamnée aux dépens.

4)      Dans l ' affaire T-322/00:

-      les décisions de la Commission contenues dans les notes du 15 décembre 1999 concernant les droits à pension des parties requérantes sont annulées;

-      la Commission est condamnée aux dépens.

Jaeger
Lenaerts

Azizi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 janvier 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: espagnolfrançais