Language of document : ECLI:EU:T:2016:504

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

15 septembre 2016 (*)

« Dumping – Importations de biodiesel originaire d’Indonésie – Perception définitive des droits antidumping provisoires – Droits antidumping définitifs – Droits de la défense – Article 2, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 1225/2009 – Valeur normale – Coûts de production »

Dans l’affaire T‑80/14,

PT Perindustrian dan Perdagangan Musim Semi Mas (PT Musim Mas), établie à Medan (Indonésie), représentée par Mes J. García-Gallardo Gil-Fournier, A. Verdegay Mena, avocats, et M. C. Humpe, solicitor,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par Mme S. Boelaert, puis par Mme H. Marcos Fraile, en qualité d’agents, assistées de Mes R. Bierwagen et C. Hipp, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. J.-F. Brakeland, M. França et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

et par

European Biodiesel Board (EBB), établi à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes O. Prost et M.-S. Dibling, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle du règlement d’exécution (UE) n° 1194/2013 du Conseil, du 19 novembre 2013, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2013, L 315, p. 2),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz (rapporteur) et A. Popescu, juges,

greffier : Mme M. Junius, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 20 avril 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Procédure administrative

1        La requérante, PT Perindustrian dan Perdagangan Musim Semi Mas (PT Musim Mas), est un producteur de biodiesel établi à Medan (Indonésie).

2        Le biodiesel, un combustible de substitution semblable au diesel conventionnel, est produit dans l’Union européenne, mais il y est également importé dans des quantités importantes. En Indonésie, il est principalement produit à partir d’huile de palme brute (ci-après l’« HPB »), la principale matière première utilisée dans la production de biodiesel.

3        À la suite d’une plainte déposée le 17 juillet 2012 par l’European Biodiesel Board (EBB) au nom de producteurs représentant plus de 60 % de la production totale de biodiesel de l’Union, la Commission européenne a publié, le 29 août 2012, un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2012, C 260, p. 8), conformément à l’article 5 du règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, ci-après le « règlement de base »).

4        L’enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période allant du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances pertinentes aux fins de l’évaluation du préjudice a couvert la période allant du 1er janvier 2009 jusqu’à la fin de la période d’enquête.

5        Conformément à l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base, la Commission a retenu, dans le cadre de l’enquête en cause, un échantillon de quatre producteurs-exportateurs ou groupes de producteurs-exportateurs d’origine indonésienne, dont la requérante, fondé sur le plus grand volume représentatif d’exportations du produit concerné vers l’Union.

6        Le 27 mai 2013, la Commission a adopté le règlement (UE) n° 490/2013, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2013, L 141, p. 6, ci-après le « règlement provisoire »).

7        Aux considérants 60 à 63 du règlement provisoire, la Commission a relevé que les ventes sur le marché intérieur en Indonésie n’étaient pas représentatives et a calculé la valeur normale du produit similaire provisoirement en application de l’article 2, paragraphes 3 et 6, du règlement de base. Par conséquent, ladite valeur normale a été calculée sur la base des coûts de production réels constatés pendant la période d’enquête, majorés des frais de vente, des dépenses administratives, des autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable.

8        En ce qui concerne les coûts liés à la production du produit similaire, la Commission a précisé, au considérant 63 du règlement provisoire, qu’elle examinerait plus en détail au stade définitif de l’enquête ainsi que dans le cadre de l’enquête antisubventions l’affirmation des plaignants selon laquelle le système de taxe différentielle à l’exportation en vigueur en Indonésie (ci-après le « système de TDE ») exercerait une pression sur les prix de l’huile de palme et provoquerait ainsi une distorsion des coûts liés à la production du biodiesel.

9        Aux considérants 64 et 65 du règlement provisoire, la Commission a relevé que l’enquête avait montré que le marché intérieur indonésien du biodiesel était fortement réglementé par l’État, de sorte que le bénéfice n’avait pas pu être fondé sur les données réelles des sociétés retenues dans l’échantillon, les ventes intérieures du biodiesel n’étant pas considérées comme des ventes effectuées au cours d’opérations commerciales normales. Elle a également précisé que, par conséquent, le montant correspondant au bénéfice qui avait été utilisé lors du calcul de la valeur normale avait été déterminé conformément à l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base.

10      Dans le règlement provisoire, la Commission a conclu que les importations du biodiesel produit par la requérante faisaient l’objet d’un dumping, la marge de dumping provisoire s’élevant à 2,8 % et la marge de préjudice provisoire à 23,3 %. En appliquant la règle du droit moindre, elle a fixé le taux de droit antidumping provisoire pour la requérante à 2,8 %.

11      Le 28 mai 2013, la Commission a communiqué à la requérante les faits et considérations essentiels sur lesquels reposait l’adoption des mesures antidumping provisoires.

12      Le 1er juillet 2013, la requérante a présenté des observations sur les faits et considérations essentiels qui sont mentionnés au point 11 ci-dessus.

13      Le 1er octobre 2013, la Commission a informé la requérante des faits et des considérations essentiels sur la base desquels elle entendait recommander l’institution d’un droit antidumping définitif sur les importations du produit concerné (ci-après l’« information définitive »). Cette dernière a présenté ses observations sur l’information définitive le 16 octobre 2013.

14      Le 19 novembre 2013, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 1194/2013, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2013, L 315, p. 2, ci-après le « règlement attaqué »).

 Règlement attaqué

15      Au considérant 28 du règlement attaqué, le Conseil a confirmé les conclusions du règlement provisoire, selon lesquelles la valeur normale du produit similaire était calculée conformément à l’article 2, paragraphes 3 et 6, du règlement de base. À cet égard, le Conseil a indiqué que les ventes intérieures ne pouvaient pas être considérées comme effectuées au cours d’opérations commerciales normales, étant donné que le marché indonésien du biodiesel était fortement réglementé par l’État.

16      Toutefois, en ce qui concerne le calcul des coûts liés à la production du produit concerné, il ressort des considérants 30, 34, 66 à 70 du règlement attaqué que, à la suite d’une enquête complémentaire, le Conseil a accepté la proposition de la Commission de modifier les conclusions figurant au considérant 63 du règlement provisoire. Il a notamment confirmé l’analyse selon laquelle le système de TDE exerçait une pression sur le prix de l’HPB, la principale matière première, sur le marché intérieur qui s’établissait à un niveau artificiellement bas, influant sur le coût des producteurs de biodiesel. Étant donné que les coûts relatifs à la production et à la vente du produit concerné n’étaient donc pas raisonnablement reflétés dans les registres des producteurs indonésiens faisant l’objet de l’enquête, le Conseil a décidé, en application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, de ne pas prendre en considération les coûts réels de l’HPB, tels qu’ils figuraient dans les registres comptables des sociétés concernées, et de les substituer par le prix auquel celles-ci l’auraient achetée en l’absence de distorsion, à savoir par le prix de référence à l’exportation communiqué par les autorités indonésiennes et fondé sur les prix internationaux publiés (Rotterdam, Malaisie et Indonésie) (ci-après le « prix HPE »).

17      Eu égard aux marges de dumping constatées et au niveau du préjudice causé à l’industrie de l’Union, le Conseil a décidé que les montants déposés au titre des droits antidumping provisoires, institués par le règlement provisoire, devaient être définitivement perçus et qu’un droit antidumping définitif devait être institué sur les importations de biodiesel originaire d’Indonésie.

18      En ce qui concerne la requérante, le taux du droit antidumping définitif applicable au produit concerné a été fixé à 16,9 % et à 151,32 euros par tonne net.

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 février 2014, la requérante a introduit le présent recours.

20      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 13 et le 27 mai 2014, la Commission et l’EBB ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnances des 17 juillet et 22 septembre 2014, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis ces interventions.

21      Les parties principales ayant demandé que certains éléments confidentiels du dossier soient exclus de la communication à l’EBB, seules des versions non confidentielles des actes de procédure concernés ont été signifiées à cette partie. Cette dernière n’a pas présenté d’objections sur les demandes de traitement confidentiel présentées par le Conseil dans les délais impartis.

22      Les intervenants ont déposé leurs mémoires et les parties principales leurs observations sur ceux-ci dans les délais impartis.

23      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. En outre, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties, qui y ont répondu dans le délai imparti.

24      Dans le cadre de sa réponse aux questions écrites du Tribunal, la requérante a demandé, pour le cas où le Tribunal déciderait de suivre l’appréciation effectuée dans l’arrêt du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil (T‑26/12, EU:T:2015:437), la suspension de la présente affaire jusqu’à la décision de la Cour sur le pourvoi introduit par elle-même à l’encontre de cet arrêt dans l’affaire C‑468/15 P.

25      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 20 avril 2016.

26      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les articles 1er et 2 du règlement attaqué dans la mesure où ils la concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

27      Le Conseil, soutenu par la Commission et par l’EBB, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

28      À l’appui du recours, la requérante avance deux moyens. Le premier est tiré, en substance, d’erreurs de droit que le Conseil aurait commises dans le cadre de la perception définitive des droits antidumping provisoires et le second est tiré d’erreurs de droit et d’appréciation que le Conseil aurait commises lors de la détermination de la marge de dumping définitive en ce qui concerne la requérante.

29      Il y a lieu d’examiner d’abord le second moyen.

 Sur le second moyen, concernant l’institution des droits antidumping définitifs

30      Ce moyen s’articule en cinq branches. La première est tirée d’une violation de l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base ; la deuxième, d’une erreur de droit et d’une erreur d’appréciation commise par le Conseil en ajustant le prix de l’HPB ; la troisième, d’une omission du Conseil de tenir compte du fait que la requérante recourait en partie au distillat d’acide gras de palme pour produire le biodiesel ; la quatrième, d’une erreur manifeste d’appréciation faute de prise en considération de la prime pour double comptabilisation lors du calcul du prix à l’exportation et d’une violation de l’article 2, paragraphe 8, dudit règlement et, la cinquième, d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation du Conseil faute de prise en considération, dans le cadre d’un ajustement effectué en application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), de ce règlement, du fait que la requérante et les sociétés liées de cette dernière constituent une entité économique unique.

 Sur la première branche du second moyen, tirée d’une violation de l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base

31      La requérante invoque une violation de l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base en ce qui concerne la construction de la valeur normale du produit similaire et, partant, une violation de ses droits de la défense.

32      En substance, la requérante reproche au Conseil et à la Commission (ci-après, pris ensemble, les « institutions ») de s’être fondés dans le règlement attaqué sur une autre justification que celle invoquée lors de la procédure administrative pour procéder au recours à la valeur normale calculée conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, sans l’avoir informée de ce changement. Cela porterait atteinte à sa capacité à faire connaître utilement son point de vue à cet égard et constituerait une violation de l’obligation de communication visée à l’article 20, paragraphe 2, dudit règlement.

33      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste ces arguments.

34      À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler, que l’article 20, paragraphes 2 à 5, du règlement de base définit les règles que les institutions doivent observer en matière d’accès des parties intéressées à des informations sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander à l’institution des mesures définitives. Aux termes du paragraphe 2 de cet article, une attention particulière doit être accordée à l’information sur les faits ou sur les considérations différents de ceux utilisés pour les mesures provisoires. Cette disposition, dont la violation est alléguée par la requérante, concerne donc les informations que la Commission doit communiquer aux parties intéressées dans le document d’information final.

35      Ensuite, il ressort de la jurisprudence que les exigences découlant du respect des droits de la défense s’imposent non seulement dans le cadre de procédures susceptibles d’aboutir à des sanctions, mais également dans celui des procédures d’enquête précédant l’adoption de règlements antidumping qui peuvent affecter les entreprises concernées de manière directe et individuelle et comporter pour elles des conséquences défavorables (arrêts du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil, C‑49/88, EU:C:1991:276, point 15, et du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, EU:T:2009:62, point 64).

36      En outre, dans le contexte des procédures d’enquêtes antidumping, il a été jugé que le respect des droits de la défense revêt une importance capitale (voir arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 77 et jurisprudence citée).

37      En particulier, dans le cadre de la communication des informations aux entreprises intéressées au cours de la procédure d’enquête, le respect de leurs droits de la défense implique que ces entreprises doivent avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (arrêts du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil, C‑49/88, EU:C:1991:276, point 17, et du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 76).

38      C’est au regard de ces précisions qu’il convient d’examiner les arguments soulevés par la requérante dans le cadre de la première branche du second moyen et de vérifier si la Commission a communiqué à la requérante lors de la procédure administrative les motifs retenus pour justifier l’application des dispositions de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base pour calculer la valeur normale du produit similaire de façon à permettre à la requérante de faire connaître utilement son point de vue à cet égard.

39      Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler d’emblée que, en vertu de l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base, lorsque aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales ou lorsque ces ventes sont insuffisantes ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable, la valeur normale dudit produit est calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable ou sur la base des prix à l’exportation, pratiqués au cours d’opérations commerciales normales, vers un pays tiers approprié, à condition que ces prix soient représentatifs (ci-après la « valeur normale construite »). Ces dérogations à la méthode de fixation de la valeur normale en fonction de prix réels ont un caractère exhaustif (voir, en ce sens, arrêts du 3 mai 2001, Ajinomoto et NutraSweet/Conseil et Commission, C‑76/98 P et C‑77/98 P, EU:C:2001:234, point 40, et du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C‑393/13 P, EU:C:2014:2245, point 21).

40      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que la Commission a constaté aux considérants 60 à 62 du règlement provisoire que les ventes du produit similaire sur le marché indonésien n’étaient pas représentatives quant à leur volume. Elle a ensuite indiqué au considérant 63 dudit règlement que, pour ce motif, la valeur normale du produit similaire avait été calculée provisoirement conformément à l’article 2, paragraphes 3 et 6, du règlement de base en ajoutant aux coûts de production de la société pendant la période d’enquête les frais de vente, les dépenses administratives et les autres frais généraux supportés ainsi qu’une marge bénéficiaire raisonnable.

41      Il s’ensuit que la Commission s’est fondée, au stade provisoire de l’enquête, sur le caractère non représentatif des ventes sur le marché intérieur pour justifier le fait que la valeur normale du produit concerné devait être déterminée en application d’une méthode subsidiaire de calcul de cette valeur, c’est-à-dire sur un motif visé à l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base.

42      En deuxième lieu, il y a lieu de souligner que cette conclusion a été confirmée, par la Commission, au considérant 63 de l’information définitive et, par le Conseil, au considérant 75 du règlement attaqué.

43      Certes, au considérant 24 de l’information définitive, la Commission et, au considérant 28 du règlement attaqué, le Conseil ont considéré que les ventes du biodiesel sur le marché indonésien ne pouvaient pas être considérées comme effectuées au cours d’opérations commerciales normales pour justifier le recours à la valeur normale construite du produit similaire conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base. Toutefois, ils n’ont pas écarté leur thèse sur le caractère non représentatif desdites ventes (voir point 42 ci-dessus).

44      Par conséquent, contrairement à ce que soutient la requérante, la justification étayant la construction de la valeur normale du produit similaire conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base n’a pas été modifiée dans le règlement attaqué.

45      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel, aux considérants 30 et 68 du règlement attaqué, il est fait référence à la notion de situation particulière du marché en ce qui concerne le calcul de la valeur normale du produit similaire.

46      En effet, bien qu’une situation particulière du marché puisse, conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, justifier une dérogation à la méthode de fixation de la valeur normale du produit similaire en fonction de prix réels lorsque, du fait de cette situation, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable, il ne ressort pas du règlement attaqué que, en l’espèce, l’existence d’une telle situation ait été alléguée par les institutions, en ce qui concerne l’Indonésie, pour justifier le recours à la valeur normale construite du produit similaire.

47      Dans ce contexte, il convient de rappeler que l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base indique seulement les critères de la mise à l’écart des méthodes d’établissement de la valeur normale, calculée à partir du prix du produit sur le marché intérieur du pays exportateur, et ne fixe pas les modalités du calcul des coûts de production pour l’établissement de la valeur normale construite, ce calcul étant régi par le paragraphe 5 de ce même article (arrêt du 7 février 2013, EuroChem MCC/Conseil, T‑84/07, EU:T:2013:64, point 50). Partant, il convient de distinguer ces deux questions.

48      En l’espèce, il ressort des considérants 28 à 34 et 66 à 70 du règlement attaqué que la notion de situation particulière du marché s’inscrit dans le cadre des explications liées à l’application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base pour justifier la méthode appliquée pour calculer les coûts de production lors de l’établissement de la valeur normale construite du produit similaire et ne vise pas à fournir un motif nouveau ou supplémentaire au soutien du recours à la méthode de la valeur normale construite conformément à l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement.

49      En troisième lieu, il y a lieu de relever qu’il ressort du dossier que la requérante a pu, à plusieurs reprises et à différents stades de l’enquête, présenter utilement des observations sur la motivation invoquée par la Commission pour justifier le recours à la valeur normale construite du produit similaire conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base.

50      Premièrement, comme il ressort des observations de la requérante du 1er juillet 2013 et de sa présentation lors de l’audition du 1er août 2013, elle a présenté des remarques sur l’appréciation de la Commission en ce qui concerne le caractère représentatif des ventes du produit similaire sur le marché intérieur formulée au stade provisoire, ce qui démontre qu’elle avait compris le raisonnement de la Commission figurant aux considérants 60 à 62 du règlement provisoire.

51      Deuxièmement, au stade définitif de l’enquête, la requérante a été mise en mesure de faire valoir son point de vue sur la motivation figurant dans l’information définitive concernant le recours à la valeur normale construite du produit similaire. Ainsi qu’il ressort de ses observations du 16 octobre 2013 et de sa présentation lors de l’audition du 17 octobre 2013, elle a formulé un certain nombre de remarques sur le calcul de la valeur normale et notamment sur l’ajustement des coûts de production effectué par la Commission en application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base dû à la distorsion du prix de l’HPB provoquée par le système de TDE. Cela démontre qu’elle aurait pu également remettre en cause le recours à la valeur normale construite du produit similaire ainsi que le motif retenu par la Commission pour la construction de cette valeur.

52      Il s’ensuit que la requérante a pu utilement présenter son point de vue sur les motifs retenus par les institutions pour justifier la construction de la valeur normale du produit similaire conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base. Partant, il convient de rejeter le grief tiré de la violation de l’article 20, paragraphe 2, dudit règlement soulevé à cet égard.

53      Dans l’hypothèse où les allégations avancées par la requérante ayant trait à la violation de l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base visent les informations fournies par les institutions concernant le remplacement des frais réels de production en application de l’article 2, paragraphe 5, dudit règlement dans le cadre du calcul de la valeur normale construite du produit similaire pour tenir compte des effets du système de TDE en Indonésie, en premier lieu, il suffit de constater que ces informations ont bien été portées à la connaissance de la requérante aux considérants 26 à 30 et 57 à 61 de l’information définitive en précisant, ainsi que le prescrit l’article 20, paragraphe 2, du même règlement, les modifications qui ont été apportées au règlement provisoire concernant le calcul des frais de production lors de la détermination de la valeur normale. Par ailleurs, ainsi que l’indiquent à juste titre les institutions, la Commission a pris soin d’annoncer, au considérant 63 du règlement provisoire, que l’impact du système de TDE sur les coûts de production serait examiné au stade définitif de l’enquête.

54      En deuxième lieu, il convient de préciser que, aux considérants 30 à 34 et 66 à 70 du règlement attaqué, le Conseil a largement repris les raisons pour lesquelles la Commission avait considéré dans l’information définitive que les coûts de production constatés dans les registres devaient être remplacés en application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

55      La seule circonstance que le Conseil a fait référence, aux considérants 30 et 68 du règlement attaqué, à la « situation particulière du marché » en Indonésie lors de l’appréciation du système de TDE dont les effets auraient justifié l’application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base n’affecte pas la substance du raisonnement développé par la Commission dans l’information définitive à cet égard, contrairement à ce qu’allègue la requérante.

56      En effet, comme cela a déjà été indiqué aux points 53 et 54 ci-dessus, les faits et considérations essentiels sur la base desquels la Commission a recommandé au Conseil l’ajustement des coûts de l’HPB lors du calcul de la valeur normale construite figuraient bien dans l’information définitive et coïncident dans une large mesure avec les explications figurant dans le règlement attaqué.

57      Ensuite, il convient de souligner que l’application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base a été explicitement mentionnée dans l’information définitive en ce qui concerne l’ajustement des prix de l’HPB en tant que coûts de production du biodiesel.

58      Enfin, comme cela a déjà été indiqué aux points 45 à 48 ci-dessus, la notion de situation particulière du marché n’a pas été utilisée dans le règlement attaqué pour justifier le recours à la valeur normale construite en vertu de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, mais plutôt pour illustrer le système de TDE et ses effets allégués sur les prix de l’HPB en Indonésie.

59      En troisième lieu, les informations figurant dans l’information définitive concernant le rejet des coûts réels de production ont permis à la requérante de faire valoir son point de vue à cet égard, étant donné que celle-ci a pris position sur les questions en cause dans ses observations du 16 octobre 2013 et dans la présentation utilisée lors de l’audition du 17 octobre 2013, en contestant tant le bien-fondé de l’ajustement des frais de production que la méthode appliquée à cet égard.

60      Partant, à supposer que le grief de la requérante tiré de la violation de l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base vise le remplacement des frais réels de production en application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base dans le cadre du calcul de la valeur normale construite du produit similaire, il conviendrait également de le rejeter. Par conséquent, la première branche du second moyen doit être rejetée dans son ensemble.

 Sur la deuxième branche du second moyen, tirée d’une erreur de droit et d’une erreur d’appréciation commise par le Conseil en ajustant le prix de l’HPB

61      La requérante fait valoir, en substance, que le Conseil n’était pas habilité à ajuster ses coûts de production figurant dans les registres en vertu de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

62      Le Conseil, soutenu par la Commission et l’EBB, conteste le bien-fondé de cette argumentation de la requérante et avance que les institutions ont correctement appliqué l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

63      En l’espèce, il y a lieu de souligner que, dans le règlement attaqué, dans le cadre de la détermination de la valeur normale du produit similaire, les institutions n’ont pas calculé les coûts de production du biodiesel en se référant au prix de l’HPB reflété dans les registres comptables de la requérante, mais, comme il ressort notamment des considérants 29 et suivants dudit règlement, elles ont écarté ce prix et l’ont remplacé par le prix HPE en se fondant sur l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

64      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, lorsque aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales ou lorsque ces ventes sont insuffisantes ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable, la valeur normale dudit produit est calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable ou sur la base des prix à l’exportation, pratiqués au cours d’opérations commerciales normales, vers un pays tiers approprié, à condition que ces prix soient représentatifs. Cette même disposition précise qu’il peut être considéré qu’il existe une situation particulière du marché pour le produit concerné au sens de la phrase précédente, notamment lorsque les prix sont artificiellement bas, que l’activité de troc est importante ou qu’il existe des régimes de transformation non commerciaux.

65      En outre, il ressort de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base que, lorsque la valeur normale du produit similaire est calculée conformément à l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement, les coûts de production sont normalement calculés sur la base des registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête, à condition que ces registres soient tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays concerné et tiennent compte raisonnablement des frais liés à la production et à la vente du produit considéré.

66      En application de l’article 2, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement de base, si les frais liés à la production et à la vente d’un produit faisant l’objet d’une enquête ne sont pas raisonnablement reflétés dans les registres de la partie concernée, ils sont ajustés ou déterminés sur la base des frais d’autres producteurs ou exportateurs du même pays ou, lorsque ces informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, sur toute autre base raisonnable, y compris sur la base d’informations émanant d’autres marchés représentatifs.

67      L’objectif de l’article 2, paragraphe 5, premier et deuxième alinéas, du règlement de base est de faire en sorte que les frais liés à la production et à la vente du produit similaire retenus dans le cadre du calcul de la valeur normale dudit produit reflètent les frais qu’un producteur aurait encourus sur le marché intérieur du pays exportateur.

68      Par ailleurs, il résulte du libellé de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base que les registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête constituent la source privilégiée de renseignements pour l’établissement des coûts de production du produit similaire et que l’utilisation des données figurant dans lesdits registres constitue le principe et leur adaptation ou leur remplacement par une autre base raisonnable l’exception.

69      Compte tenu du principe selon lequel une dérogation ou une exception à une règle générale doit être interprétée restrictivement (voir arrêt du 19 septembre 2013, Dashiqiao Sanqiang Refractory Materials/Conseil, C‑15/12 P, EU:C:2013:572, point 17 et jurisprudence citée), il y a lieu de considérer que le régime d’exception qui découle de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base doit être interprété de façon restrictive.

70      En l’espèce, la requérante conteste l’application faite de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base sur la base duquel, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, les institutions ne se sont pas fondées sur les prix de l’HPB reflétés dans ses registres. Dans ce contexte, il convient de préciser que la requérante a confirmé lors de l’audience que les institutions pouvaient procéder en l’espèce au recours à la valeur normale construite en vertu de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, au motif que les ventes dudit produit sur le marché intérieur n’étaient pas représentatives.

71      Dans le règlement attaqué, les institutions n’ont pas fait valoir que les registres de la requérante n’étaient pas conformes aux principes comptables généralement acceptés en Indonésie. En revanche, elles ont soutenu que ses registres ne reflétaient pas raisonnablement les coûts liés à l’HPB nécessaires pour la production du biodiesel.

72      En effet, comme il ressort des considérants 29 à 34 et 66 à 70 du règlement attaqué, les institutions ont considéré que, en ce qu’il comportait des taxes différentiées à l’exportation sur l’HPB et sur le biodiesel, le système de TDE avait provoqué une distorsion du prix de l’HPB dans la mesure où ledit système exerçait une pression sur le prix de l’HPB sur le marché intérieur qui s’établissait à un niveau artificiellement bas.

73      En se fondant sur l’arrêt du 7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65), les institutions ont retenu au considérant 31 du règlement attaqué que, lorsque la réglementation du prix des matières premières induisait un prix artificiellement bas sur le marché intérieur, il était permis de supposer que le coût de production du produit concerné subissait une distorsion. Dans de telles conditions, les données les concernant figurant dans les registres des producteurs-exportateurs ne pourraient pas être considérées comme raisonnables et il conviendrait, par conséquent, de procéder à leur ajustement.

74      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au point 44 de l’arrêt du 7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65), le Tribunal a considéré que, compte tenu du fait que le gaz naturel était obligatoirement fourni à un prix très bas aux producteurs-exportateurs concernés en vertu de la réglementation russe, le prix de production du produit concerné dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt était affecté par une distorsion du marché intérieur russe en ce qui concerne le prix du gaz, ce prix ne résultant pas des forces du marché. Il a donc considéré que les institutions avaient pu conclure à bon droit que l’un des éléments figurant dans les registres comptables des parties requérantes dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt ne pouvait être considéré comme raisonnable et qu’il convenait, par conséquent, de procéder à son ajustement, en recourant à d’autres sources émanant de marchés qu’elles considéraient comme plus représentatifs.

75      Toutefois, comme la requérante le fait valoir à juste titre, à la différence de la situation qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65), il ne ressort pas du dossier que le prix de l’HPB était directement réglementé en Indonésie. En effet, le système de TDE visé par les institutions se limitait à prévoir des taxes à l’exportation avec des taux différents sur l’HPB et le biodiesel.

76      Le fait que le système de TDE ne réglemente pas directement les prix de l’HPB en Indonésie n’exclut néanmoins pas en soi l’application de l’exception visée à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

77      En effet, il y a lieu de rappeler que la disposition correspondant à l’article 2, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement de base a été insérée dans le règlement de base antérieur, à savoir le règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), par le règlement (CE) n° 1972/2002 du Conseil, du 5 novembre 2002, modifiant le règlement n° 384/96 (JO 2002, L 305, p. 1).

78      Or, il ressort du considérant 4 du règlement n° 1972/2002 que l’insertion de la disposition correspondant à l’article 2, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement de base visait à fournir des indications sur la marche à suivre si les registres ne tenaient pas raisonnablement compte des frais liés à la production et à la vente du produit considéré, notamment dans le cas où, du fait d’une situation particulière du marché, les ventes du produit similaire ne permettaient pas une comparaison valable. En pareil cas, les données pertinentes doivent, selon le même considérant, provenir de sources qui ne sont pas affectées par « de telles distorsions ».

79      Le considérant 4 du règlement n° 1972/2002 prévoit donc la possibilité de recourir à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base notamment dans le cas où les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable à cause d’une distorsion. Il en résulte également qu’une telle situation peut notamment se produire lorsqu’une situation particulière du marché existe, telle que celle mentionnée à l’article 2, paragraphe 3, second alinéa, du règlement de base, visant des prix artificiellement bas du produit concerné, sans pour autant limiter ce type de situation à des cas où il existe une réglementation directe des prix du produit similaire ou des matières premières de celui-ci par l’État exportateur.

80      En revanche, il ne saurait raisonnablement être considéré que toute mesure des pouvoirs publics de l’État exportateur pouvant avoir une influence sur le prix des matières premières, et, par ce biais, sur les prix du produit considéré, puisse être à la base d’une distorsion permettant de s’écarter, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, des prix figurant dans les registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête. En effet, si toute mesure prise par les pouvoirs publics du pays d’exportation étant susceptible d’avoir une influence, même minime, sur les prix des matières premières pouvait être prise en compte, le principe consacré à l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base, selon lequel lesdits registres constituent la source privilégiée de renseignements pour l’établissement des coûts de production du produit similaire, risquerait de se voir privé de tout effet utile.

81      Dès lors, une mesure des pouvoirs publics du pays d’exportation ne peut amener les institutions à écarter, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, les prix des matières premières figurant dans les registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête que lorsqu’elle provoque une distorsion sensible des prix desdites matières premières. En effet, une autre interprétation du régime d’exception prévu à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, telle que celle préconisée par les institutions, qui permettrait, dans une situation comme en l’espèce, de remplacer ces données par un montant de frais fondé sur une autre base raisonnable, risquerait de porter une atteinte démesurée au principe selon lequel lesdits registres constituent la source privilégiée de renseignements pour l’établissement des coûts de production dudit produit.

82      En outre, s’agissant de la charge de la preuve de l’existence d’éléments justifiant l’application de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base, il y a lieu de considérer qu’il incombe aux institutions de se fonder, lorsqu’elles estiment devoir écarter les coûts de production contenus dans les registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête pour les remplacer par un autre prix estimé raisonnable, sur des preuves, ou à tout le moins sur des indices, permettant d’établir l’existence du facteur au titre duquel l’ajustement est opéré (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, EU:T:2009:62, point 180 et jurisprudence citée).

83      Dès lors, compte tenu du fait que la démarche visant à écarter dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire les coûts de production dudit produit figurant dans les registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête relève d’un régime d’exception (voir point 69 ci-dessus), lorsque la distorsion invoquée par les institutions n’est pas une conséquence immédiate de la mesure étatique à l’origine de celle-ci, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65), mais des effets que ladite mesure est censée produire sur le marché, elles doivent prendre soin d’exposer le fonctionnement du marché en cause et de démontrer les effets concrets de cette mesure sur celui-ci, sans se fonder à cet égard sur de simples conjectures.

84      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si les institutions ont établi à suffisance de droit que les conditions pour s’écarter, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, des prix de l’HPB figurant dans les registres étaient remplies en l’espèce.

85      Premièrement, s’agissant de la mesure des pouvoirs publics indonésiens identifiée en tant que source de la distorsion des prix de l’HPB, comme cela est indiqué notamment au considérant 29 du règlement attaqué, il s’agit du système de TDE en ce qu’il comporte des niveaux de taxes différenciés imposés sur l’HPB et le biodiesel, ainsi que les institutions l’ont confirmé lors de l’audience. Il ressort du considérant 69 dudit règlement que, pendant la période d’enquête, les exportations de biodiesel étaient taxées à un taux compris entre 2 et 5 % tandis que, pendant la même période, le taux de taxation des exportations d’HPB s’établissait entre 15 et 20 % et il existait un taux de taxation des exportations allant de 5 à 18,5 % pour l’huile de palme raffinée blanchie et désodorisée.

86      Deuxièmement, s’agissant des effets du système de TDE, le Conseil a notamment avancé, au considérant 30 du règlement attaqué, qu’une enquête complémentaire avait montré que ledit système exerçait une pression sur le prix des matières premières sur le marché indonésien, qui s’établissait à un niveau artificiellement bas.

87      Même si, dans ce contexte, le Conseil a indiqué, au considérant 68 du règlement attaqué, que le système de TDE limitait les possibilités d’exportation de l’HPB, dès lors que des quantités plus importantes de cette huile étaient disponibles sur le marché intérieur et exerçaient une pression à la baisse sur les prix de l’HPB sur ledit marché, force est de relever que, dans ledit règlement, il n’a pas établi dans quelle mesure ledit système, en ce qu’il comportait des taxes à l’exportation de taux différencié sur l’HPB et sur le biodiesel, avait provoqué une distorsion sensible des prix de cette matière première sur le marché indonésien.

88      Au considérant 68 du règlement attaqué, le Conseil a également exposé que la différence entre le prix de l’HPB vendue sur le marché intérieur et son prix de référence international était très proche de la taxe à l’exportation appliquée à l’HPB. Toutefois, ce faisant, il n’a pas établi les effets que la différence entre le taux des taxes sur l’HPB et le taux de la taxe sur le biodiesel avait pu avoir en elle-même sur le prix de ladite matière première sur le marché indonésien. En effet, la constatation figurant audit considérant permet tout au plus de tirer des conclusions quant à certains effets que l’instauration d’une taxe à l’exportation sur l’HPB a pu produire sur son prix, mais ne permet pas de tirer des conclusions sur les effets que la différence entre le taux de cette taxe et le taux de la taxe sur le biodiesel a pu avoir sur le prix de l’HPB sur le marché indonésien.

89      Les indications du Conseil figurant aux considérants 67 et 70 du règlement attaqué, selon lesquelles le prix de l’HPB figurant dans les registres comptables des sociétés concernées a été remplacé par le prix auquel ces sociétés auraient acheté l’HPB sur le marché intérieur en l’absence de distorsion, c’est-à-dire le prix HPE, ne permettent pas non plus de tirer des conclusions quant aux effets que la différence entre le taux de la taxe à l’exportation sur l’HPB et le taux de la taxe à l’exportation sur le biodiesel a pu avoir sur le prix de ladite matière première sur ledit marché. Dans la mesure où ces considérants devraient être lus comme une constatation du Conseil selon laquelle, en l’absence d’une telle différence de taux, le prix de l’HPB sur ce marché aurait été au même niveau que le prix HPE, il suffit de relever que cela n’a été établi ni dans le règlement attaqué ni dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.

90      Enfin, il résulte des considérants 73 et 74 du règlement attaqué que les institutions ne contestent pas que l’HPB reste massivement exportée depuis l’Indonésie. Or, en présence d’une telle circonstance, il ne saurait suffire de tirer la conclusion, au considérant 68, d’une plus grande disponibilité de l’HPB sur le marché intérieur et d’une baisse de son prix sans autres explications à l’appui.

91      S’agissant des études économiques que les institutions ont invoquées au cours de la procédure devant le Tribunal, il convient de relever que, certes, il peut en être déduit que des taxes à l’exportation mènent à une augmentation du prix à l’exportation du produit visé par la taxe par rapport à son prix sur le marché intérieur, à une réduction du volume d’exportation dudit produit ainsi qu’à une pression vers le bas des prix de ce produit sur le marché intérieur. Il peut également en être déduit qu’un système de taxes à l’exportation qui taxe les matières premières à un niveau plus élevé que les produits sur un marché en aval protège et favorise des industries domestiques en aval en leur fournissant des matières premières en quantité suffisante à des prix avantageux.

92      Toutefois, force est de constater que ces études se limitent à analyser les effets de taxes à l’exportation sur les prix des matières premières et non les effets de taux différenciés pratiqués pour des taxes à l’exportation sur les matières premières et sur le biodiesel.

93      Les institutions se sont donc limitées à expliquer la relation entre les prix internationaux et les prix domestiques de l’HPB et à fournir des indications sur l’impact de la taxe à l’exportation sur l’HPB sur la disponibilité de cette matière première sur le marché intérieur et sur son prix, sans toutefois établir concrètement les effets que le système de TDE en tant que tel a pu avoir sur le prix de l’HPB sur ledit marché et dans quelle mesure ces effets sont différents de ceux d’un système de taxation ne comportant pas un différentiel de taux pour les taxes à l’exportation sur l’HPB et sur le biodiesel.

94      Partant, il convient de considérer que les institutions n’ont pas établi à suffisance de droit l’existence d’une distorsion sensible du prix de l’HPB en Indonésie imputable au système de TDE en ce qu’il comportait des taux différenciés pour les taxes à l’exportation sur l’HPB et le biodiesel. Dès lors, en considérant que le prix de l’HPB n’était pas raisonnablement reflété dans les registres des producteurs indonésiens examinés et en les écartant, les institutions ont violé l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

95      Contrairement à ce qu’avancent les institutions, ne s’oppose pas à cette conclusion le fait qu’elles jouissent d’une large marge d’appréciation dans le domaine de la politique commerciale commune, en particulier s’agissant d’évaluations économiques complexes en matière de mesures de défense commerciale, et que, à cet égard, le juge de l’Union doit limiter son contrôle à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits et de l’absence de détournement de pouvoir [voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2002, Since Hardware (Guangzhou)/Conseil, T‑156/11, EU:T:2012:431, points 134 à 136 et jurisprudence citée].

96      En effet, un contrôle par le Tribunal qui se limite à relever si les éléments sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations sont de nature à étayer les conclusions qu’elles en tirent n’empiète pas sur leur large pouvoir d’appréciation dans le domaine de la politique commerciale (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 68).

97      Or, en l’espèce, le Tribunal s’est limité à examiner si les institutions ont démontré que les conditions pour s’écarter, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, des frais liés à la production et à la vente dudit produit tels que reflétés dans les registres comptables des producteurs indonésiens examinés, selon la règle établie à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, étaient réunies.

98      Il en résulte que la deuxième branche du second moyen doit être accueillie.

99      Il convient encore d’examiner dans quelle mesure l’erreur constatée justifie l’annulation du règlement attaqué en ce qu’il inflige un droit antidumping à la requérante.

100    Contrairement à ce qu’avancent les institutions, dans les circonstances de l’espèce, il n’est pas possible de procéder à une annulation partielle de l’article 1er du règlement attaqué uniquement à l’égard de l’erreur constatée concernant la méthode de calcul du taux du droit antidumping.

101    En effet, selon la jurisprudence, l’annulation partielle d’un acte de l’Union n’est possible que pour autant que les éléments dont l’annulation est demandée soient détachables du reste de l’acte. Cette exigence de séparabilité n’est pas satisfaite lorsque l’annulation partielle aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci (arrêt du 10 décembre 2002, Commission/Conseil, C‑29/99, EU:C:2002:734, points 45 et 46).

102    Comme il a été exposé dans le cadre de l’examen de la deuxième branche du second moyen, le calcul de la valeur normale du produit similaire effectué par les institutions est fondé sur des considérations erronées. La valeur normale étant une condition essentielle pour déterminer le taux du droit antidumping applicable, l’article 1er du règlement attaqué ne peut pas être maintenu, dans la mesure où il impose un droit antidumping individuel à la requérante.

103    Eu égard à l’interrelation entre le droit antidumping définitif et le droit antidumping provisoire prévue par l’article 10, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, l’article 2 du règlement attaqué doit également être annulé en ce qui concerne la requérante dans la mesure où il prévoit que les montants déposés au titre du droit antidumping provisoire sont définitivement perçus.

104    Il convient donc d’annuler les articles 1er et 2 du règlement attaqué dans la mesure où ils concernent la requérante, sans qu’il y ait lieu d’examiner le premier moyen ainsi que les troisième, quatrième et cinquième branches du second moyen ni, partant, de statuer sur la demande de suspension présentée par la requérante.

 Sur les dépens

105    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci.

106    La Commission et l’EBB supporteront leurs propres dépens, conformément aux dispositions de l’article 138, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les articles 1er et 2 du règlement d’exécution (UE) n° 1194/2013 du Conseil, du 19 novembre 2013, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie, sont annulés en ce qu’ils concernent PT Perindustrian dan Perdagangan Musim Semi Mas (PT Musim Mas).

2)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par PT Musim Mas.

3)      La Commission européenne et l’European Biodiesel Board (EBB) supporteront leurs propres dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 septembre 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.