Language of document : ECLI:EU:T:2021:851

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

1er décembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative Steirisches Kürbiskernöl g. g. A GESCHÜTZTE GEOGRAFISCHE ANGABE – Motif absolu de refus – Marque comportant des badges, emblèmes ou écussons – Emblème d’un des domaines d’action de l’Union – Indications géographiques protégées – Article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑700/20,

Gabriele Schmid, demeurant à Halbenrain (Autriche), représentée par Me A. Ginzburg, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. D. Hanf et M. Eberl, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Landeskammer für Land- und Forstwirtschaft in Steiermark, établie à Graz (Autriche), représentée par Me I. Hödl, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 23 septembre 2020 (affaire R 2186/2019-4), relative à une procédure de nullité entre la Landeskammer für Land- und Forstwirtschaft in Steiermark et Mme Schmid,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de M. A. Kornezov, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. D. Petrlík (rapporteur), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 24 novembre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 25 janvier 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 1er février 2021,

à la suite de l’audience du 8 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 8 juillet 2011, la requérante, Mme Gabriele Schmid, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé relève de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspond à la description suivante : « Huile de graines de potiron, conforme à l’indication géographique protégée “huile de pépins de courge styrienne” ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2011/207, du 2 novembre 2011. Cette marque a été enregistrée le 9 février 2012 sous le numéro 010108454.

5        Le 1er mars 2018, l’intervenante, la Landeskammer für Land- und Forstwirtschaft in Steiermark (chambre régionale d’agriculture et de sylviculture de Styrie, Autriche), a formé une demande en nullité à l’encontre de ladite marque. Les motifs de la demande en nullité invoqués par l’intervenante sont ceux énoncés à l’article 59, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous h) à j), de ce règlement.

6        En ce qui concerne le motif de nullité énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 59, paragraphe 1, de ce règlement, l’intervenante a fait valoir le symbole de l’Union européenne pour les « indications géographiques protégées » dans sa version en allemand (ci-après le « symbole IGP »), visé par le règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2012, L 343, p. 1), et qui se présente comme suit :

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7        Par décision du 26 juillet 2019, la division d’annulation a annulé la marque contestée.

8        Le 26 septembre 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 23 septembre 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours, en considérant que la marque contestée avait été enregistrée en violation des dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement 2017/1001 et que, en application de l’article 59, paragraphe 1, de ce règlement, elle devait être annulée.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        pour le cas où il serait fait droit à la demande de la requérante, renvoyer l’affaire devant l’EUIPO ;

–        condamner la requérante à lui rembourser les frais relatifs à la procédure devant l’EUIPO et devant le Tribunal.

 En droit

13      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 8 juillet 2011, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

14      Par suite, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites à l’article 7, paragraphe 1, sous i), et à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties, comme visant l’article 7, paragraphe 1, sous i), et l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, ces deux dispositions ayant une teneur identique à celles du règlement 2017/1001 auxquelles il était fait référence.

15      Aux points 20 à 23 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 s’appliquait aux emblèmes évoquant un seul des domaines d’action de l’Union, et ce même si l’emblème ayant trait à une telle action ne concerne que certains États membres. Aux points 24 à 26 de cette décision, d’une part, elle a considéré que, par l’adoption du règlement no 1151/2012, l’Union avait exercé sa compétence exclusive pour protéger les indications géographiques protégées et que le symbole IGP présentait ainsi un intérêt public particulier au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009. D’autre part, elle a relevé que le signe de la marque contestée comprenait ce symbole dans sa totalité et que ni le droit ni l’obligation d’utiliser ledit symbole n’englobait le droit de le faire protéger en tant qu’élément d’une marque. La chambre de recours en a déduit, au point 27 de ladite décision, que la marque contestée avait été enregistrée en violation de cette disposition et que, partant, ladite marque devait être annulée.

16      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation par la chambre de recours de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous i), de ce règlement

17      Elle fait valoir que l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 ne s’oppose à l’enregistrement d’une marque que lorsque celle-ci comprend un symbole d’une organisation internationale intergouvernementale qui est susceptible d’induire le public en erreur quant au lien existant entre, d’une part, le titulaire ou l’utilisateur de cette marque et, d’autre part, l’autorité à laquelle renvoie ledit symbole. Or, cette condition ne serait pas remplie en l’espèce. En tout état de cause, la décision attaquée ne serait pas motivée à cet égard.

18      L’EUIPO considère que l’argumentation de la requérante doit être écartée. Premièrement, le symbole IGP aurait déjà été défini par la réglementation de l’Union pertinente à la date à laquelle l’enregistrement de la marque contestée a été demandé. Deuxièmement, la requérante ne contesterait pas la qualification du symbole IGP en tant qu’emblème présentant un intérêt public particulier. Troisièmement, le fait d’octroyer, au titre du droit des marques, une protection à un symbole de l’Union tel que le symbole IGP serait en contradiction avec le système de protection des indications de provenance géographique établi par l’Union et de nature à en saper le bon fonctionnement.

19      Pour sa part, l’intervenante considère que le symbole « IGP » présente un intérêt public particulier et qu’il ne peut pas être intégré à une marque de l’Union, dès lors qu’une telle intégration n’a pas été autorisée par l’autorité compétente, à savoir la Commission européenne. Elle fait également valoir que ce symbole domine la marque contestée, que les consommateurs ne perçoivent pas ce symbole comme un symbole similaire à un label de qualité délivré par l’Union et que le public verra un lien entre cette marque et l’Union, eu égard au fait que ladite marque a été délivrée par l’EUIPO.

20      Il convient de rappeler que l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 interdit l’enregistrement des marques qui comportent des badges, emblèmes ou écussons autres que ceux visés par l’article 7, paragraphe 1, sous h), du même règlement [devenu article 7, paragraphe 1, sous h), du règlement 2017/1001], c’est-à-dire autres que ceux des États ou des organisations internationales intergouvernementales régulièrement communiqués aux États parties à la convention pour la protection de la propriété industrielle signée à Paris le 20 mars 1883, révisée en dernier lieu à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifiée le 28 septembre 1979 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 828, no 11851, p. 305, ci-après la « convention de Paris »).

21      Selon le libellé de l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009, l’interdiction prévue par cette disposition s’applique lorsque, d’une part, le badge, l’emblème ou l’écusson en cause présente un intérêt public particulier et, d’autre part, l’autorité compétente n’a pas autorisé ledit enregistrement.

22      En outre, il ressort de la jurisprudence que ces conditions sont complétées par une troisième condition, étant entendu que toutes ces conditions sont cumulatives. La troisième condition découle d’une lecture combinée de l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 et de l’article 7, paragraphe 1, sous h), de ce règlement.

23      En effet, selon cette dernière disposition, les emblèmes des organisations internationales intergouvernementales régulièrement communiqués aux États parties à la convention de Paris ne sont protégés que lorsque, prise dans son ensemble, la marque qui comporte un tel emblème suggère, dans l’esprit du public, un lien entre, d’une part, son titulaire ou son utilisateur et, d’autre part, l’organisation internationale intergouvernementale en cause, condition qui découle directement de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous c), de la convention de Paris [voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2013, Kreyenberg/OHMI – Commission (MEMBER OF €e euro experts), T‑3/12, EU:T:2013:364, point 38].

24      Or, si la protection conférée par l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 s’appliquait même lorsque cette dernière condition n’était pas remplie, elle serait supérieure à celle que l’article 7, paragraphe 1, sous h), du même règlement accorde aux emblèmes des organisations internationales régulièrement communiqués aux États parties à la convention de Paris (arrêt du 10 juillet 2013, MEMBER OF €e euro experts, T‑3/12, EU:T:2013:364, point 38).

25      Toutefois, rien n’indique que le législateur de l’Union ait voulu conférer aux badges, aux emblèmes ou aux écussons visés par l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 une protection plus élevée qu’à ceux visés par l’article 7, paragraphe 1, sous h), du même règlement, de sorte que l’étendue de la protection conférée par la première disposition ne saurait être supérieure à celle de la protection octroyée par la seconde disposition (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009, American Clothing Associates/OHMI et OHMI/American Clothing Associates, C‑202/08 P et C‑208/08 P, EU:C:2009:477, point 80, et du 10 juillet 2013, MEMBER OF €e euro experts, T‑3/12, EU:T:2013:364, point 39).

26      Dès lors, la protection accordée aux badges, aux emblèmes ou aux écussons visés à l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 n’a vocation à s’appliquer que lorsque, prise dans son ensemble, la marque comprenant un tel badge, emblème ou écusson est susceptible d’induire le public en erreur quant au lien existant entre, d’une part, son titulaire ou son utilisateur et, d’autre part, l’autorité à laquelle renvoie le badge, l’emblème ou l’écusson en cause (arrêt du 10 juillet 2013, MEMBER OF €e euro experts, T‑3/12, EU:T:2013:364, points 40 et 77).

27      À cet égard, il a été précisé que, eu égard à la formulation large de l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009, cette disposition protège également les badges, emblèmes ou écussons qui, tout en ne désignant pas l’ensemble des activités de l’Union, présentent néanmoins un lien spécial avec l’une de ces activités. En effet, le fait qu’un badge, un emblème ou un écusson soit lié à l’une des activités de l’Union suffit à démontrer qu’un intérêt public s’attache à sa protection (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2013, MEMBER OF €e euro experts, T‑3/12, EU:T:2013:364, point 44).

28      Il en résulte que la protection conférée par l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 est notamment applicable lorsque la marque en cause induit le public en erreur quant à l’origine des produits ou des services qu’elle désigne, l’incitant à croire qu’ils proviennent de l’autorité à laquelle renvoie le badge, l’emblème ou l’écusson dont elle contient une reproduction ou une imitation. Une telle protection a également vocation à s’appliquer lorsque le public risque de croire, en raison de la présence dans cette marque d’une telle reproduction ou imitation de badge, d’emblème ou d’écusson, que lesdits produits ou services bénéficient de l’approbation ou de la garantie de l’autorité à laquelle renvoie ce badge, cet emblème ou cet écusson ou qu’ils sont liés d’une autre manière avec ladite autorité [arrêt du 10 juillet 2013, MEMBER OF €e euro experts, T‑3/12, EU:T:2013:364, points 78 et 97 ; voir également, par analogie, arrêt du 15 janvier 2013, Welte-Wenu/OHMI – Commission (EUROPEAN DRIVESHAFT SERVICES), T‑413/11, non publié, EU:T:2013:12, point 61].

29      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation invoquée à l’encontre de la décision attaquée.

30      En l’espèce, la chambre de recours a conclu au rejet du recours dirigé contre la décision prononçant l’annulation de la marque contestée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009, en constatant que les deux conditions rappelées au point 21 ci-dessus étaient remplies.

31      D’une part, elle a considéré, au point 24 de la décision attaquée, que le symbole IGP présentait un intérêt public particulier dès lors qu’il devait être apposé sur les produits correspondant à une indication géographique protégée, ce que la requérante ne conteste pas. D’autre part, au point 25 de cette décision, elle a relevé que la marque contestée comprenait le symbole IGP dans sa totalité et que la requérante n’avait pas démontré que la Commission avait autorisé une telle utilisation de ce symbole au titre du droit des marques, cette autorisation ne ressortant pas non plus du règlement no 1151/2012, ce que la requérante ne conteste pas non plus.

32      Pour autant, force est de constater que la chambre de recours n’a pas examiné la troisième condition au vu de laquelle, selon la jurisprudence exposée aux points 26 à 28 ci-dessus, le motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 peut être opposé.

33      En effet, ainsi que la requérante le relève, aucun passage de la décision attaquée ne porte sur la question de savoir si le public risque de croire, en raison de la présence dans la marque contestée de la reproduction du symbole IGP, que les produits désignés par cette marque bénéficient de l’approbation ou de la garantie de l’autorité à laquelle renvoie cet emblème, à savoir l’Union, ou qu’ils sont liés d’une autre manière avec cette dernière. En particulier, la chambre de recours n’a pas examiné, dans la décision attaquée, la question de savoir si la manière dont le symbole IGP a été intégré dans la marque contestée risquait d’amener ce public à croire que les produits désignés par cette marque bénéficiaient de la garantie par l’Union que ces produits avaient une certaine origine et des propriétés qui répondaient aux conditions énoncées par le règlement no 1151/2012 pour bénéficier de la protection au titre des indications géographiques protégées.

34      À cet égard, contrairement à ce que l’EUIPO a soutenu lors de l’audience, il ne saurait être considéré que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a implicitement examiné si la marque contestée suggérait, dans l’esprit du public, un lien entre son titulaire et l’Union. En effet, en se bornant, aux points 19 et 25 de cette décision, à constater que cette marque contenait le symbole IGP dans sa totalité et, au point 26 de ladite décision, à affirmer que, même si la marque contestée n’était pas identique au symbole IGP, cela ne changerait pas son appréciation, la chambre de recours n’a aucunement examiné la façon dont le public percevrait ce symbole en tant que composante de ladite marque, prise dans son ensemble, ni la question de savoir si cette perception risquait d’amener le public à croire que les produits désignés par une telle marque bénéficiaient de la garantie de l’Union.

35      Ce faisant, la chambre de recours a commis une erreur de droit en ayant omis de statuer sur une des trois conditions cumulatives auxquelles est soumise la mise en œuvre de la protection prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009.

36      Aucun des arguments avancés par l’EUIPO et l’intervenante ne remet en cause cette conclusion.

37      Premièrement, l’argument de l’EUIPO selon lequel le symbole IGP avait déjà été défini par la réglementation de l’Union pertinente à la date à laquelle l’enregistrement de la marque contestée a été demandé permet uniquement d’établir que ce symbole émane de l’Union.

38      À cet égard, il est constant entre les parties que le symbole IGP présente un intérêt public particulier au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009. Or, s’il s’agit là de l’une des conditions de mise en œuvre de la protection conférée par cette disposition, elle est distincte et préalable à la condition tenant au fait que le public risque de croire que les produits désignés par une marque comportant un tel symbole bénéficient de l’approbation ou de la garantie de l’Union ou qu’ils sont liés d’une autre manière avec cette dernière.

39      Deuxièmement, il convient certes d’admettre que, comme le fait valoir l’EUIPO, l’octroi, au titre du droit des marques, d’une protection à un symbole de l’Union tel que le symbole IGP est, en règle générale, de nature à porter atteinte au système des indications géographiques protégées établi par l’Union et à en saper le bon fonctionnement. En effet, un tel octroi est susceptible de conférer au titulaire d’une marque comprenant le symbole IGP un monopole sur l’utilisation de celui-ci lui permettant d’en interdire l’usage à toute autre personne. Or, en vertu de l’article 12 du règlement no 1151/2012, ce symbole doit pouvoir être utilisé par tout producteur aux fins de l’étiquetage de ses produits dès lors que ceux-ci répondent aux conditions pour relever d’une indication géographique protégée.

40      Il n’en reste pas moins que l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 impose de procéder à un examen concret et global du risque mentionné au point 38 ci-dessus au regard de la marque contestée, dans la mesure où les autres éléments de cette marque peuvent avoir pour conséquence que, prise dans son ensemble, celle-ci n’est pas de nature à suggérer dans l’esprit du public un lien existant entre, d’une part, son titulaire ou son utilisateur et, d’autre part, l’autorité qui détient ou utilise l’emblème qui fait partie de cette marque, ni n’est à même d’abuser le public à cet égard (arrêt du 10 juillet 2013, MEMBER OF €e euro experts, T‑3/12, EU:T:2013:364, point 107).

41      À ce titre, les instances décisionnelles de l’EUIPO ne doivent pas seulement examiner si l’emblème concerné est repris totalement ou partiellement dans la marque à laquelle il est intégré. Elles doivent également apprécier si, notamment, au regard de sa dimension et de sa position au sein d’une telle marque, cet emblème est perceptible en tant que tel par le public, s’il présente une configuration simple ou complexe de couleurs ou de formes, s’il est complété par d’autres éléments, de nature verbale ou figurative, qui atténuent ou altèrent la perception de ce même emblème par le public ou si les autres éléments de la marque en question dominent l’impression d’ensemble produite par celle-ci.

42      Ce n’est qu’à l’issue de cet examen qu’il peut être considéré, pour le cas où le public ferait un lien entre, d’une part, le titulaire ou l’utilisateur de la marque concernée et, d’autre part, l’autorité qui détient ou utilise l’emblème qui fait partie de cette marque ou que le public serait abusé à cet égard, qu’il existe un risque d’atteinte au système des indications géographiques protégées établi par l’Union.

43      Troisièmement, contrairement à ce que soutient l’intervenante, le refus d’enregistrer une marque comportant le symbole IGP, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009, ne saurait résulter de la seule circonstance que l’autorité compétente n’a pas autorisé une telle utilisation. En effet, l’absence d’une telle autorisation n’est qu’une des conditions requises pour la mise en œuvre de la protection prévue à cette disposition.

44      Quatrièmement, s’agissant des arguments de l’intervenante selon lesquels le symbole IGP domine la marque contestée, les consommateurs ne perçoivent pas ce symbole comme un symbole similaire à un label de qualité délivré par l’Union et le public verra un lien entre cette marque et l’Union, eu égard au fait que ladite marque a été délivrée par l’EUIPO, force est de constater qu’ils concernent l’appréciation de la perception de la même marque par le public. Or, un tel examen n’a pas été effectué dans la décision attaquée. De tels arguments ne sont donc pas de nature à remettre en cause la conclusion selon laquelle la chambre de recours a commis une erreur de droit en ne procédant pas à une telle appréciation.

45      Dans ce contexte, il convient d’ajouter, dans un souci d’exhaustivité, que, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance, à la supposer avérée, que, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement, les produits désignés par la marque contestée répondaient aux conditions énoncées par le règlement no 1151/2012 pour bénéficier de la protection au titre des indications géographiques protégées n’a pas d’incidence sur cet examen. D’une part, une telle circonstance signifie uniquement que, conformément à l’article 12 du règlement no 1151/2012, l’opérateur qui commercialise ces produits peut utiliser l’indication géographique en cause, sans que cela lui donne cependant le droit d’utiliser une telle indication en tant que marque. D’autre part, les produits en cause peuvent cesser de répondre auxdites conditions à l’avenir. Or, même dans ce cas, la marque concernée continuerait à comporter le symbole IGP et serait, le cas échéant, davantage susceptible d’induire le public en erreur concernant l’origine ou les propriétés des produits désignés par celle-ci.

46      Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, l’EUIPO et l’intervenante ont succombé et la requérante a conclu uniquement à la condamnation aux dépens de l’EUIPO dans la présente procédure. Par suite, il y a lieu de condamner l’EUIPO à supporter, outre ses propres dépens, l’intégralité des dépens exposés par la requérante au titre de la présente procédure. En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenante supportera, quant à elle, ses propres dépens exposés dans le cadre de la présente procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 23 septembre 2020 (affaire R 2186/2019-4) est annulée.

2)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Mme Gabriele Schmid.

3)      La Landeskammer für Land- und Forstwirtschaft in Steiermark supportera ses propres dépens.

Kornezov

Kowalik-Bańczyk

Petrlík

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er décembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.