Language of document : ECLI:EU:T:2022:799

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

14 décembre 2022 (*)

« Dumping – Importations de vitrage solaire originaire de Chine – Article 2, paragraphes 8 à 10, articles 19 et 20 du règlement (CE) n° 1225/2009 [devenus article 2, paragraphes 8 à 10, articles 19 et 20 du règlement (UE) 2016/1036] – Droit d’accès à des documents confidentiels – Erreur manifeste d’appréciation – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑586/14 RENV II,

Xinyi PV Products (Anhui) Holdings Ltd, établie à Anhui (Chine), représentée par Mes Y. Melin et B. Vigneron, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

GMB Glasmanufaktur Brandenburg GmbH, établie à Tschernitz (Allemagne), représentée par M. R. MacLean, solicitor,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger (rapporteur) et Mme N. Półtorak, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu l’ordonnance du président de la Cour du 13 octobre 2016, Commission/Xinyi PV Products (Anhui) Holdings (C‑301/16 P, non publiée, EU:C:2016:796), aux termes de laquelle GMB Glasmanufaktur Brandenburg a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission,

vu l’arrêt de la Cour du 28 février 2018, Commission/Xinyi PV Products (Anhui) Holdings (C‑301/16 P, EU:C:2018:132), qui a annulé l’arrêt du 16 mars 2016, Xinyi PV Products (Anhui) Holdings/Commission (T‑586/14, EU:T:2016:154), et renvoyé l’affaire devant le Tribunal,

vu l’arrêt de la Cour du 2 décembre 2021, Commission et GMB Glasmanufaktur Brandenburg/Xinyi PV Products (Anhui) Holdings (C‑884/19 P et C‑888/19 P, EU:C:2021:973), aux termes duquel la Cour a, notamment, annulé l’arrêt du 24 septembre 2019, Xinyi PV Products (Anhui) Holdings/Commission (T‑586/14 RENV, EU:T:2019:668), fait usage de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne pour rejeter le premier moyen de la requérante dans son intégralité et renvoyé l’affaire devant le Tribunal s’agissant des deuxième à quatrième moyens de la requérante,

vu les observations de la requérante déposées au greffe du Tribunal les 2 février et 25 mars 2022,

vu les observations de l’intervenante déposées au greffe du Tribunal les 2 février et 25 mars 2022,

vu les observations de la Commission déposées au greffe du Tribunal les 14 février et 14 mars 2022,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Xinyi PV Products (Anhui) Holdings Ltd, demande l’annulation du règlement d’exécution (UE) no 470/2014 de la Commission, du 13 mai 2014, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de vitrage solaire originaire de la République populaire de Chine (JO 2014, L 142, p. 1, rectificatif JO 2014, L 253, p. 4, ci-après le « règlement attaqué »).

 Antécédents du litige

2        La requérante est une société établie en République populaire de Chine qui produit et exporte à destination de l’Union européenne du vitrage solaire tel que visé par le règlement attaqué.

3        La requérante a pour actionnaire unique Xinyi Solar (Hong Kong) Ltd (ci-après « XSolarHK »), établie à Hong Kong (Chine), laquelle est cotée à la Bourse de Hong Kong.

4        La requérante fabrique les produits litigieux, négocie les conditions et les modalités de vente du produit final avec les clients de l’Union, s’occupe des commandes de production et organise et effectue les expéditions à destination desdits clients. Elle se charge notamment de tous les documents d’expédition, gère les dédouanements à l’exportation, prépare les documents de vente et établit des factures à l’adresse de XSolarHK. Cette dernière délivre une facture de vente au client de l’Union au prix contractuel, reçoit de ce client le paiement du prix et, après avoir prélevé une commission qui, au cours de l’enquête, a varié entre 20 % et 10 %, verse le reliquat de la somme à la requérante.

5        Dans le cadre de la procédure ayant mené à l’adoption du règlement attaqué, la requérante a introduit, le 21 mai 2013, une demande d’admission au bénéfice du statut d’entreprise évoluant dans les conditions d’une économie de marché (ci-après le « statut de SEM »), au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, ci-après le « règlement de base ») [devenu article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21)].

6        Le 6 juin 2013, la requérante a déposé ses réponses au questionnaire antidumping de la Commission européenne.

7        Le 21 juin 2013, elle a répondu à la demande de compléments d’informations de la Commission.

8        Les renseignements transmis par la requérante dans le formulaire de demande d’octroi du statut de SEM et ses réponses au questionnaire de la Commission ont fait l’objet d’une vérification au siège chinois de la requérante entre le 21 et le 26 juin 2013.

9        À la fin du mois de juin et au cours du mois de juillet 2013, la requérante a produit, en accord avec la Commission et conformément aux demandes de cette dernière, des informations complémentaires.

10      Après diverses communications avec la requérante, la Commission lui a, par lettre du 13 septembre 2013, communiqué la décision finale rejetant sa demande d’octroi du statut de SEM.

11      Le 26 novembre 2013, la Commission a adopté le règlement (UE) no 1205/2013, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de vitrage solaire en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 316, p. 8, ci-après le « règlement provisoire »).

12      Le 27 novembre 2013, la Commission a, en vertu de l’article 20 du règlement de base (devenu article 20 du règlement 2016/1036), communiqué à la requérante les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle avait institué les droits antidumping provisoires sur les importations de vitrage solaire, en présentant, notamment, les calculs spécifiques du dumping ainsi que la détermination de la sous-cotation et du préjudice la concernant.

13      Le 6 janvier 2014, la requérante a présenté ses observations sur les conclusions provisoires de l’enquête, en faisant notamment valoir que celle-ci lui avait divulgué trop peu d’éléments d’information en ce qui concernait les calculs du dumping ainsi que la détermination de la sous-cotation et du préjudice la concernant, de sorte qu’elle considérait être privée de ses droits de la défense dans la conduite de l’enquête.

14      À la suite de ces observations, la Commission a divulgué à la requérante des informations complémentaires, dont certaines, pour des raisons de confidentialité, ont été transmises sous forme de fourchettes de prix.

15      Le 7 mars 2014, la Commission a communiqué à la requérante les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle envisageait de lui imposer un droit antidumping définitif sur ses exportations de vitrage solaire dans l’Union.

16      La requérante a présenté ses observations sur les conclusions définitives de l’enquête le 19 mars 2014, en faisant valoir, en substance, que, même si la Commission lui avait divulgué plus d’informations, elle considérait toujours ne pas être en possession d’éléments suffisants relatifs à la détermination de la sous-cotation et du préjudice la concernant.

17      Le 13 mai 2014, la Commission a adopté le règlement attaqué, aux termes duquel, notamment, le droit antidumping définitif concernant les produits de la requérante était fixé à un taux de 36,1 %, tandis que le niveau d’élimination du préjudice la concernant était de 39,3 % et que la marge de dumping s’élevait à 83,1 %.

 Conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué en ce qui la concerne ;

–        condamner la Commission et l’intervenante, GMB Glasmanufaktur Brandenburg GmbH, aux dépens afférents aux procédures devant le Tribunal et devant la Cour.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        examiner si la requérante a toujours un intérêt à agir et, en tout état de cause, rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens afférents aux procédures devant le Tribunal et devant la Cour.

20      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable et, en tout état de cause, non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens afférents aux procédures devant le Tribunal et devant la Cour.

 En droit

 Sur l’intérêt à agir

21      À titre liminaire, la Commission, soutenue par l’intervenante, s’interroge sur la question de savoir si la requérante justifie toujours d’un intérêt à agir.

22      À cet effet, elle souligne notamment que son règlement d’exécution (UE) 2020/1080, du 22 juillet 2020, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de vitrage solaire originaire de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures effectué en vertu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement 2016/1036 (JO 2020, L 238, p. 1), intervenu à l’issue d’un réexamen, a abrogé le règlement attaqué et prolongé les droits antidumping sur le vitrage solaire, notamment sur les importations de la requérante. Elle en conclut qu’une éventuelle annulation du règlement attaqué ne pourrait pas remettre en cause le règlement d’exécution 2020/1080, lequel est devenu définitif à l’égard de la requérante.

23      À cet égard, il convient de relever que les circonstances de l’espèce ainsi qu’une bonne administration de la justice justifient de rejeter le recours au fond sans statuer préalablement sur cette question (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52).

24      En effet, compte tenu, d’une part, des circonstances de l’espèce ainsi que du principe de bonne administration de la justice et, d’autre part, du fait que le recours est, pour les motifs exposés ci-après, dépourvu de fondement, le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner d’emblée le bien-fondé des conclusions en annulation de la requérante, sans statuer préalablement sur la question procédurale soulevée par la Commission, soutenue par l’intervenante.

 Sur le fond

25      Dès lors que le premier moyen a été rejeté par la Cour, il incombe au Tribunal d’examiner les deuxième, troisième et quatrième moyens soulevés par la requérante.

26      Par son troisième moyen, qu’il convient d’analyser en premier lieu, la requérante invoque la violation de l’article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement de base (devenu article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement 2016/1036). Par son deuxième moyen, elle invoque la violation de l’article 2, paragraphe 10, du même règlement. Par son quatrième moyen, elle invoque la violation de ses droits de la défense ainsi qu’une motivation insuffisante du règlement attaqué et, partant, la violation de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), de l’article 19 du règlement de base (devenu article 19 du règlement 2016/1036) et de l’article 20 dudit règlement, ainsi que celle des articles 6.2, 6.4, 6.5 et 6.9 de l’annexe II de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103, ci‑après l’« accord antidumping de l’OMC »).

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement de base

27      La requérante soutient que le règlement attaqué enfreint l’article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement de base, car le prix à l’exportation déterminé par la Commission n’est ni le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l’exportation vers l’Union ni celui auquel le produit exporté est revendu pour la première fois à un acheteur indépendant dans l’Union au sens de cette disposition, mais le « faible prix de transfert qu’elle applique […] à sa société liée, [XSolarHK] ».

28      En se référant au point 55 de l’arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP (C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78), et au point 177 de l’arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil (T‑249/06, EU:T:2009:62), la requérante soutient qu’elle constitue une entité économique unique avec XSolarHK.

29      S’agissant de l’argument de la Commission selon lequel elle confond l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base avec l’article 2, paragraphe 10, du même règlement, la requérante soutient que la Commission a, pour déterminer le prix à l’exportation, retenu le prix de vente qu’elle a facturé à XSolarHK, lequel était manifestement un prix de transfert non fiable.

30      Selon la requérante, dès lors que la Commission a déduit du prix de vente à l’exportation vers l’Union facturé par XSolarHK la marge interne retenue par celle-ci avant de lui transférer le solde, le prix à l’exportation ainsi ajusté est le prix de transfert interne au groupe. Or, dans la mesure où seule la réalité économique importerait, il y aurait lieu d’appliquer une qualification correcte au prix à l’exportation.

31      La requérante soutient que l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base envisage la distorsion du prix à l’exportation non seulement du fait d’une association ou d’un arrangement de compensation avec un importateur, mais également du fait d’une association ou d’un arrangement de compensation avec un tiers. Or, en l’espèce, XSolarHK serait un tiers au sens de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, de sorte que, sur la base de cette disposition, la Commission aurait bel et bien pu construire le prix à l’exportation.

32      La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut au rejet du troisième moyen.

33      Il y a lieu de relever d’emblée que, contrairement à ce qu’affirme la requérante et ainsi que le met en évidence la lecture combinée du considérant 45 du règlement attaqué et du considérant 65 du règlement provisoire, en ce qui concerne le « prix à l’exportation », c’est-à-dire le « prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l’exportation vers l[’Union] », au sens de l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base, la Commission s’est fondée sur le prix payé ou à payer lorsque le produit exporté a été revendu pour la première fois par XSolarHK à un acheteur indépendant de l’Union. La Commission a considéré que ces données étaient fiables, de sorte qu’elle n’a pas fait application de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base.

34      Comme il résulte des considérants 46 à 48 du règlement attaqué, ce n’est que lors de la comparaison entre la valeur normale et la valeur à l’exportation, donc à un autre stade du calcul de la marge de dumping, que la Commission a déduit, conformément aux dispositions de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, les commissions versées par la requérante à XSolarHK du prix à l’exportation facturé par cette dernière aux clients de l’Union.

35      Il en résulte que c’est à tort que la requérante fait grief à la Commission d’avoir déduit du prix à l’exportation le montant retenu par XSolarHK et donc les montants qu’elle a versés à cette dernière et d’avoir ainsi violé l’article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement de base.

36      De plus, en vertu d’une jurisprudence constante, le choix entre les différentes méthodes de calcul de la marge de dumping ainsi que l’appréciation de la valeur normale d’un produit ou encore la détermination de l’existence d’un préjudice supposent l’appréciation de situations économiques complexes et le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C‑351/04, EU:C:2007:547, point 41 et jurisprudence citée).

37      En vertu d’une jurisprudence tout aussi constante, les ajustements effectués au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous a) à k), du règlement de base se distinguent par leur objectif des ajustements opérés dans le cadre de la construction du prix à l’exportation. En effet, alors que ces derniers ajustements visent à déterminer le prix à l’exportation correspondant à des conditions commerciales normales, les ajustements effectués au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous a) à k), du règlement de base tendent à redresser le prix à l’exportation ou la valeur normale déjà calculés en application des règles fixées par l’article 2, paragraphes 1 à 9, dudit règlement. Ces ajustements sont opérés en fonction d’éléments objectifs qui correspondent aux particularités de chaque marché, d’origine et d’exportation, se répercutent de manière inégale sur les conditions de vente et affectent en conséquence la comparabilité des prix (voir arrêt du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil, T‑26/12, non publié, EU:T:2015:437, point 101 et jurisprudence citée).

38      Ainsi, dans la mesure où l’ajustement prévu par l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base et celui prévu par l’article 2, paragraphe 10, du même règlement constituent deux ajustements distincts, rien n’empêche que la Commission opère un ajustement tant en application de la première disposition qu’en application de la seconde ou que, au contraire, elle n’opère un ajustement qu’au titre de l’une de ces deux dispositions (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil, T‑26/12, non publié, EU:T:2015:437, point 102).

39      Or, en l’espèce, dès lors que les ajustements prévus à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base et ceux prévus à l’article 2, paragraphe 10, du même règlement poursuivent une finalité différente, la requérante ne saurait faire grief à la Commission d’avoir opéré un ajustement au titre de la seconde disposition sans le faire au stade de la détermination du prix à l’exportation, dans des circonstances où aucun élément ne permet de considérer que la Commission, en déterminant le prix à l’exportation uniquement sur la base de l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base, a commis une erreur manifeste d’appréciation.

40      Dès lors, il y a lieu de rejeter le troisième moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base

41      La requérante, en se fondant sur les arrêts du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP (C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78), et du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil (T‑249/06, EU:T:2009:62), soutient que, pour appliquer, comme elle l’a fait dans le règlement attaqué, un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, la Commission était tenue de fournir, à tout le moins, des indices convergents démontrant que la société de vente qui lui était liée, en l’occurrence XSolarHK, exerçait des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions.

42      À cet égard, la requérante souligne avoir, durant la procédure administrative, informé la Commission du fait que XSolarHK, dont elle est une filiale intégrale, exerce des activités exclusives de refacturation à Hong Kong avec un personnel et des ressources limités.

43      Alors qu’elle aurait reconnu la nature limitée des activités de XSolarHK en relevant, au considérant 47 du règlement attaqué, que celle-ci « délivrait une facture de vente au client de l’Union au prix contractuel […], recevait le paiement, en déduisait une marge commerciale et versait le montant restant au producteur-exportateur », la Commission aurait toutefois confirmé dans le même règlement le constat selon lequel cette société avait la qualité d’« agent travaillant sur la base de commissions ».

44      Or, en relevant, aux considérants 47 et 48 du règlement attaqué, que XSolarHK ne pouvait pas être un service de vente interne de la requérante, la Commission n’aurait pas prouvé pour autant que les activités de XSolarHK étaient celles d’un agent travaillant sur la base de commissions.

45      La requérante souligne n’avoir aucunement fait valoir que XSolarHK était un service interne de vente, mais, au contraire, qu’elle partageait avec celle-ci sa production et ses activités. Elle indique que XSolarHK sert uniquement de véhicule d’investissement et de dépôt de capitaux ainsi que de « lieu de convoiement des paiements via Honk Kong pour qu’une partie des paiements y soient conservés [afin de] bénéficier du traitement fiscal favorable qui y a cours » et qu’elle n’exerce ainsi aucune activité assimilable à celle d’un agent commercial.

46      Ce serait en réalité la Commission elle-même qui aurait traité la requérante et XSolarHK comme étant le « groupe Xinyi » et qui aurait considéré que le prix à l’exportation était le prix de vente facturé par XSolarHK aux clients de l’Union, de sorte qu’elle les aurait traitées comme une entité économique unique.

47      La requérante en conclut que, en retenant que XSolarHK a exercé une activité assimilable à celle d’un agent commercial sans en rapporter la preuve, la Commission a non seulement violé l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, mais aussi commis une erreur manifeste d’appréciation.

48      À titre subsidiaire, la requérante affirme que, même à supposer que la Commission ait établi que XSolarHK pouvait être assimilée à un agent commercial rémunéré à la commission, la seule ampleur de son prélèvement (20 % sur les deux premiers mois de la période d’enquête et 10 % sur les dix derniers mois) et sa modification unilatérale par simple courriel de l’administration centrale du groupe entraînent l’incompatibilité du montant ajusté avec l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

49      Elle souligne que, à tout le moins, la Commission aurait dû, pour fonder ses constatations sur la réalité économique, déduire, au titre des commissions sur les ventes, un montant équivalent à celui qu’un négociant indépendant aurait facturé et non la marge très élevée prélevée par XSolarHK. Selon la requérante, l’argumentation de la Commission selon laquelle elle ne pouvait pas utiliser une commission facturée par un négociant indépendant parce qu’il n’aurait pas été possible de vérifier l’exactitude d’un tel montant est une justification a posteriori. En tout état de cause, rien n’aurait empêché la Commission de retenir un montant de commission égal à celui perçu par les agents commerciaux de ses concurrents qui avaient fait l’objet de l’enquête ou encore un montant retenu dans d’autres enquêtes intervenues en matière de défense commerciale.

50      La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut au rejet du deuxième moyen.

51      Tout d’abord, il y a lieu de relever que, lorsque la Commission considère qu’il y a lieu d’appliquer un ajustement à la baisse du prix à l’exportation au motif qu’une société de vente liée à un producteur exerce des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions, il lui appartient de s’appuyer, pour ce faire, sur des preuves ou, à tout le moins, sur des indices convergents démontrant que cette condition est remplie (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 57).

52      Or, en l’espèce, aux fins de rapporter des indices convergents en ce sens, il était suffisant, pour la Commission, d’établir que le prix à l’exportation, fixé conformément à l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base, n’était pas comparable à la valeur normale. La Commission a procédé en comparant le prix de vente à l’exportation vers les clients de l’Union et le prix facturé par la requérante à XSolarHK, alors que la requérante disposait de son propre service interne d’exportation, ce qu’elle ne conteste pas, pour considérer que la requérante et XSolarHK ne constituaient pas une entité économique unique et, partant, procéder à un ajustement en application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

53      L’argument de la requérante tiré de la nature juridique des liens l’unissant à XSolarHK ne saurait remettre en cause cette appréciation.

54      En effet, il ressort tant de la lettre que de l’économie de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base qu’un ajustement du prix à l’exportation ou de la valeur normale peut être opéré uniquement pour tenir compte des différences concernant des facteurs qui affectent les prix et donc leur comparabilité. Cela implique que la raison d’être d’un ajustement est de rétablir la symétrie entre valeur normale et prix à l’exportation.

55      Ensuite, s’agissant spécifiquement de la prise en compte des commissions versées pour les ventes, l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base établit que ces commissions comprennent également la marge perçue par un opérateur commercial du produit ou du produit similaire si les fonctions de cet opérateur sont assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions. Ainsi, l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base permet d’opérer un ajustement non seulement au titre des différences entre les commissions versées pour les ventes considérées, mais aussi au titre de la marge perçue par des opérateurs commerciaux du produit s’ils remplissent des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions (voir arrêts du 7 février 2013, EuroChem MCC/Conseil, T‑84/07, EU:T:2013:64, points 124 à 127 et jurisprudence citée, et du 7 février 2013, EuroChem MCC/Conseil, T‑459/08, non publié, EU:T:2013:66, points 129 à 133 et jurisprudence citée).

56      Cela implique que l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base n’exige pas l’existence d’un véritable contrat d’agence, mais, sur le plan économique, l’exercice de fonctions « assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions », ce qui est le cas en l’espèce.

57      En effet et ainsi que l’admet la requérante, elle disposait d’un service de vente interne, les fonctions de XSolarHK consistant exclusivement à revendre vers des clients, notamment de l’Union, le produit qu’elle lui avait acheté, majoré d’une marge bénéficiaire, sans intervenir sur le processus de production ni modifier le produit en cause.

58      En outre, pour ce qui est du grief subsidiaire tiré de la base et de l’ampleur de l’ajustement, il suffit de relever que rien n’imposait à la Commission de calculer le prix de transfert entre la requérante et XSolarHK pour l’aligner sur la commission d’agence qui serait facturée par un agent à un commettant indépendant, alors qu’elle a, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, utilisé les données faisant apparaître les montants réellement facturés et, ainsi, la marge commerciale réellement facturée, la fiabilité de ces données ne pouvant être contestée du fait de l’ampleur de l’ajustement.

59      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des droits de la défense, de l’article 41 de la Charte et des articles 19 et 20 du règlement de base, ainsi que de la violation des articles 6.2, 6.4, 6.5 et 6.9 de l’accord antidumping de l’OMC et du droit à une motivation suffisante

60      Par son quatrième moyen, la requérante fait, en substance, valoir que, en ne lui communiquant pas, ni même à ses avocats pourtant tenus à une obligation de confidentialité, des éléments entrant dans les calculs de la marge de préjudice, de la valeur normale et de la comparabilité au motif que ces éléments concernaient des données confidentielles, la Commission ne lui a pas permis de vérifier la justesse de la méthode et de ces calculs, de sorte qu’elle a violé ses droits de la défense et motivé de manière insuffisante le règlement attaqué, contrairement aux dispositions de l’article 41 de la Charte, des articles 19 et 20 du règlement de base ainsi que des articles 6.2, 6.4, 6.5 et 6.9 de l’accord antidumping de l’OMC.

61      À cet égard, s’agissant des éléments qui sont entrés dans le calcul de la marge de préjudice, la requérante fait valoir que, dans les conclusions définitives de l’enquête, les prix de vente et les prix indicatifs réels des producteurs de l’Union pour deux types de produits ont été soit omis soit remplacés par des fourchettes de prix, la Commission invoquant erronément à cet égard, au considérant 19 du règlement attaqué, des motifs de confidentialité.

62      Or, selon la requérante, la communication des informations en cause n’aurait pas été de nature à porter préjudice aux producteurs concernés, s’agissant d’informations se rapportant aux prix de vente et aux prix indicatifs réels dans l’Union.

63      Elle soutient que les modalités de calcul de la Commission la mettent dans l’impossibilité de reconstituer les données individuelles d’un quelconque acteur de l’industrie de l’Union et de se défendre contre les allégations développées dans la plainte. À cet effet, elle souligne que la Commission a établi un échantillon de producteurs de l’Union, apparemment composé de quatre producteurs sur un total de sept nommément désignés, et retenu les prix non préjudiciables de producteurs de l’Union, dont trois noms sur quatre ont été occultés, pour calculer les marges de préjudice par moyennes pondérées, effectuées par type de produit, des données ajustées de ces quatre producteurs.

64      S’agissant de la communication insuffisante de la détermination de la valeur normale et de la comparabilité, la requérante conteste l’avis de la Commission selon lequel les coûts de production du vitrage solaire à revêtement, obtenus à partir des informations émanant de l’industrie de l’Union, sont supérieurs de 27 % aux coûts de production du vitrage solaire sans revêtement et selon lequel le coût unitaire de production du verre flotté, obtenu à partir des mêmes informations, varie de 45 à 70 renminbi par m2 pour les types de produits concernés.

65      À cet égard, elle rappelle que, après avoir rejeté sa demande d’octroi du statut de SEM, la Commission a déterminé sa marge de dumping en comparant la valeur normale calculée à partir des données afférentes au producteur du pays analogue (la Turquie) au prix à l’exportation dans l’Union qu’elle pratique. Selon elle, le producteur du pays analogue ne disposant pas de la technologie de revêtement et ne produisant pas non plus de verre flotté, la valeur normale de ces types de produits (c’est-à-dire le vitrage à revêtement et le verre flotté) a dû être construite pour pouvoir être comparée à ses exportations du produit concerné dans l’Union.

66      La requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir répondu à ses questions, posées au cours de l’enquête, portant sur la manière dont les services chargés de l’enquête étaient parvenus à ce pourcentage de 27 %.

67      Elle avance que, alors qu’elle avait informé la Commission du fait qu’elle ne commercialisait pas de vitrage solaire à revêtement double face mais seulement du vitrage solaire à revêtement simple face et qu’elle présumait que les coûts différaient pour ces deux types de vitrage solaire, celle-ci a écarté cette distinction et cette présomption en rejetant sur elle la charge de la preuve contraire sans lui communiquer l’ensemble des données pertinentes sur cette question.

68      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, la requérante fait valoir qu’elle n’a pas eu accès aux éléments nécessaires pour comprendre les raisons qui ont amené la Commission à adopter les mesures litigieuses du règlement attaqué et que, en refusant que ses avocats puissent consulter des informations confidentielles, celle-ci a procédé à une interprétation erronément extensive de l’exception de confidentialité.

69      La requérante considère que, en procédant ainsi, la Commission a violé ses droits de la défense, manqué à son obligation de motivation et, partant, contrevenu à l’article 41 de la Charte ainsi qu’aux articles 19 et 20 du règlement de base.

70      Elle indique, en effet, que, sans nier l’importance de protéger le caractère confidentiel des informations communiquées, il est nécessaire qu’une telle protection ne porte pas atteinte à ses droits de la défense. De plus, en vertu de l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base (devenu article 20, paragraphe 4, du règlement 2016/1036), il appartiendrait à la Commission de communiquer au producteur-exportateur une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle se fonde pour justifier l’adoption de mesures antidumping.

71      Ainsi, selon la requérante, l’interprétation extensive donnée par la Commission de l’article 19, paragraphe 5, du règlement de base, qui interdit tout accès aux données dès lors que les parties intéressées ont décidé de s’y opposer, contrevient aux dispositions de l’article 41 de la Charte, le second primant sur le premier. La requérante soutient qu’il y a lieu d’assurer un juste équilibre entre le respect des droits fondamentaux et la protection de la confidentialité des observations présentées par les parties aux procédures antidumping. Elle avance qu’une telle conciliation du respect des droits fondamentaux et de la protection de la confidentialité pourrait être assurée, comme cela est d’ailleurs prévu en matière d’« enquête antitrust », en permettant aux avocats des parties intéressées de consulter les informations sensibles dans des locaux prévus à cet effet.

72      La requérante indique qu’elle n’a pas sollicité le réexamen des données par le conseiller-auditeur dans la mesure où elle ne souhaitait pas que certaines données confidentielles perdent un tel statut et qu’elle voulait uniquement connaître et comprendre le calcul complet de la marge de dumping et de préjudice qui sous-tendait le droit calculé qui lui avait été appliqué. De plus, ses avocats auraient déjà, par le passé, formulé en vain des demandes similaires au conseiller-auditeur et auraient ainsi su qu’une telle demande n’avait aucune chance d’aboutir. La requérante affirme que le fait pour elle de s’adresser au conseiller-auditeur n’aurait en aucune façon amené la Commission à lui accorder l’accès à ces données confidentielles. À cet égard, selon elle, le mandat du conseiller-auditeur ne s’étend pas à l’octroi d’un accès sous conditions aux données confidentielles, mais simplement au réexamen du « statut de confidentialité » de certains documents.

73      La requérante ajoute que la pratique de la Commission qui consiste à refuser de manière systématique tout accès à des données confidentielles est contraire aux articles 6.2, 6.4 et 6.9 de l’accord antidumping de l’OMC qui sont concernés dans l’affaire CE-Chine sur les éléments de fixation (AB-2011-2, WT/DS 397/AB/R), à l’occasion de laquelle l’organisme d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a confirmé l’importance de l’accès des parties intéressées à l’ensemble des renseignements qui fondent la décision de l’autorité d’enquête. Elle soutient qu’une solution similaire devrait être retenue en droit de l’Union, dès lors que l’article 6, paragraphe 7, du règlement de base (devenu article 6, paragraphe 7, du règlement 2016/1036), l’article 14, paragraphe 2, dudit règlement (devenu article 14, paragraphe 2, du règlement 2016/1036) ainsi que l’article 20 du même règlement ont transposé lesdits articles de l’accord antidumping de l’OMC. En outre, l’interprétation de l’article 19 du règlement de base effectuée par la Commission contreviendrait à l’article 6.5 de l’accord antidumping de l’OMC.

74      La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut au rejet du quatrième moyen. Elle fait notamment valoir que l’argument de la requérante tiré de la primauté de l’article 41 de la Charte sur l’article 19 du règlement de base doit être rejeté comme étant irrecevable, dès lors qu’il n’a été soulevé qu’au stade de la réplique.

75      Selon une jurisprudence constante, le principe du respect des droits de la défense est un principe fondamental du droit de l’Union (voir arrêt du 19 mars 2015, City Cycle Industries/Conseil, T‑413/13, non publié, EU:T:2015:164, point 152 et jurisprudence citée).

76      En vertu de ce principe, les entreprises concernées par une procédure d’enquête précédant l’adoption d’un règlement antidumping doivent être mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de ses allégations (voir arrêt du 19 mars 2015, City Cycle Industries/Conseil, T‑413/13, non publié, EU:T:2015:164, point 153 et jurisprudence citée).

77      Il n’en demeure pas moins que, en matière d’antidumping, les droits de la défense doivent être mis en balance avec le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires. À cet égard, il y a lieu de relever, de manière générale, que l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte dispose que le « droit à une bonne administration [...] comporte [...] le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires ».

78      L’équilibre entre les droits de la défense et les intérêts légitimes de confidentialité et du secret des affaires est, en ce qui concerne spécifiquement le droit antidumping, régi par les articles 19 et 20 du règlement de base, lesquels prévoient, notamment et en substance, que la Commission doit tenir compte de l’intérêt légitime des parties intéressées à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas révélés et s’abstenir de le faire.

79      Ainsi, dans le cadre d’une procédure administrative telle que celle précédant l’institution de droits antidumping, l’obligation d’information qui incombe à la Commission afin de satisfaire au respect des droits de la défense, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 76 ci-dessus, doit être conciliée avec l’interdiction de divulguer les informations confidentielles, qui résulte de l’article 19 du règlement de base, en vertu duquel les institutions de l’Union peuvent considérer que certaines informations sont confidentielles si leur divulgation est susceptible d’avoir des conséquences défavorables significatives pour celui qui les a fournies ou en est la source (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T‑170/94, EU:T:1997:134, points 120 et 121).

80      À cet égard, il a été jugé que, lorsque la nature de la procédure l’exige, les intérêts sauvegardés par la protection spéciale dont bénéficie le secret d’affaires devaient être mis en balance avec les droits de la défense de la partie intéressée par cette procédure. Tel est le cas d’une procédure d’enquête antidumping. Cela implique que, même en présence d’informations relevant du secret d’affaires, la Commission ne saurait être placée dans l’obligation absolue de refuser leur divulgation sans appréciation des circonstances particulières de l’espèce et, notamment, de la situation spécifique de la partie intéressée concernée (arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 165).

81      Ainsi, la décision portant sur la question de savoir s’il convient de dévoiler ou non des informations de nature confidentielle doit être opérée au cas par cas, en prenant en compte tous les éléments de l’affaire (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 6 juin 2013, Donau Chemie e.a., C‑536/11, EU:C:2013:366, point 34).

82      À cet égard, il convient, d’emblée, de relever que, s’agissant de la prétendue irrecevabilité de l’argument relatif à la primauté de l’article 41 de la Charte sur l’article 19 du règlement de base, la lecture de la requête met en évidence que, dès ce stade de la procédure, la requérante a soulevé l’argument selon lequel l’interprétation de l’article 19, paragraphe 5, du règlement de base donnée par la Commission contrevenait à l’article 41 de la Charte, lequel prime sur ledit règlement, de sorte que cet argument doit être déclaré recevable.

83      Eu égard aux éléments mentionnés aux points 75 à 81 ci-dessus, il convient, en conséquence, de déterminer si les informations litigieuses revêtent une nature confidentielle et, dans l’affirmative, si la Commission a valablement pu s’abstenir de communiquer à la requérante les éléments entrant dans les calculs des marges de dumping et de préjudice sur le fondement desquels le niveau du droit antidumping a été déterminé.

84      S’agissant, premièrement, de la question de savoir si les informations litigieuses revêtent une nature confidentielle, il convient d’emblée de relever que, ainsi que la requérante l’a elle-même reconnu dans la réplique, elle ne conteste pas le fait que certaines des données rentrant dans le calcul de la marge de dumping étaient confidentielles, raison pour laquelle elle a demandé que le calcul complet de la marge de dumping et de préjudice soit vérifié par ses avocats, prétendument tenus à une obligation de confidentialité.

85      De plus, il résulte des considérants 8 et 16 à 20 du règlement attaqué que, s’agissant de la détermination du préjudice de l’Union, la Commission a considéré comme étant confidentielles les informations relatives aux prix de vente et aux prix indicatifs réels d’un type de produit concerné, lequel était uniquement fabriqué par un ou deux producteurs de l’Union. Afin de ne pas permettre aux concurrents de connaître par déduction le montant des prix de cet unique type de produit, la Commission l’a supprimé ou remplacé par des fourchettes de prix relatives à deux des cinq types de produits composant l’échantillon, tout en occultant, à l’exception d’un seul, les noms des producteurs qui constituaient cet échantillon.

86      En ce qui concerne la détermination de la valeur normale, comme cela résulte du considérant 64 du règlement provisoire, dès lors que l’unique producteur turc qui avait accepté de coopérer avec la Commission n’utilisait pas la technique du revêtement pour le vitrage solaire et ne produisait pas de verre flotté, celle-ci a appliqué au coût de production de ce producteur un ajustement correspondant aux frais de vente, aux frais généraux ainsi qu’aux dépenses administratives et à une marge bénéficiaire. Les coûts du revêtement et du processus de production de verre flotté ont été établis sur la base des données fournies par l’industrie de l’Union.

87      Par ailleurs, la lecture conjointe des considérants 12 à 15 du règlement attaqué met en évidence que, s’agissant de la détermination de la valeur normale, la Commission a, à la suite de la communication du règlement provisoire, divulgué des éléments d’informations concernant le montant de l’ajustement appliqué au coût du revêtement et au coût de production de verre flotté, en plus des éléments concernant le pourcentage des frais de vente, des dépenses administratives et autres frais généraux et du bénéfice.

88      Il résulte des points qui précèdent que la communication des données utilisées par la Commission, tant en ce qui concerne, d’une part, le prix de vente du produit fabriqué dans l’Union que, d’autre part, les frais de vente, les dépenses administratives, les frais généraux et la marge bénéficiaire se rapportant aux produits fabriqués par le producteur du pays analogue, concernait, dans un cas, deux, voire un seul producteur et, dans l’autre, un seul producteur.

89      Or, dès lors que la communication des données litigieuses était de nature à renseigner, s’agissant des prix indicatifs et des prix de vente des producteurs de l’Union, sur la politique de prix pratiquée concernant un type très spécifique et stratégique de produits fabriqués par deux, voire un seul producteur et, pour les secondes, sur des éléments faisant partie du prix de revient des produits fabriqués par le seul producteur du pays analogue, une telle communication à des concurrents aurait inévitablement pu être imputée directement à chacun des producteurs concernés et être utilisée à leurs dépens pour les concurrencer sur les marchés dans lesquels ils intervenaient.

90      De plus, il y a lieu de relever que, en ce qui concerne spécifiquement les données relatives à la détermination de la marge de préjudice, la méthode utilisée par la Commission, consistant à occulter, à l’exception de l’un d’entre eux, le nom des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon et à indiquer des fourchettes de prix en ce qui concerne deux des cinq types de produits relevant de cet échantillon, ne constitue pas un moyen disproportionné par rapport à l’objectif qu’elle poursuivait, à savoir ne pas dévoiler le prix de vente d’un type très spécifique de produits.

91      Or, les éléments contenus dans le dossier ne permettent pas de considérer que le seul fait de rendre anonyme la majeure partie des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon et de renseigner sur les prix de vente uniquement par des fourchettes en ce qui concerne les données de deux des cinq types de produits rendait impossible, pour la requérante, la compréhension des calculs opérés par la Commission pour établir le préjudice subi par l’industrie de l’Union et, au final, qu’une telle communication aurait pu être de nature à modifier le résultat de l’enquête.

92      Quant à la détermination de la valeur normale appliquée au producteur d’un pays analogue, il y a lieu de relever que la Commission, concernant le grief de la requérante relatif au fait qu’il n’apparaissait pas clairement si l’ajustement opéré sur le coût du revêtement tenait compte du coût du revêtement double face ou du coût du revêtement simple face ou des deux à la fois, a, comme il résulte des considérants 67 et 68 du règlement attaqué, considéré qu’il devait être rejeté pour deux motifs, à savoir, en premier lieu, parce que la requérante n’avait pas apporté la preuve qu’il existait une différence constante entre les coûts de production du vitrage solaire à revêtement simple face et ceux du vitrage solaire à revêtement double face et, en second lieu, parce que les ventes de vitrage solaire à revêtement double face revendu par l’industrie de l’Union représentaient uniquement 1 % de l’ensemble des ventes de vitrage solaire destiné à des capteurs thermiques.

93      À cet égard, comme cela résulte des documents fournis aux annexes B8 et B9 du mémoire en défense et qui figuraient dans le dossier non confidentiel, la Commission était en possession d’éléments techniques suffisamment étayés pour mettre en évidence que rien ne permettait de considérer que les coûts de production du vitrage solaire à revêtement double face étaient plus importants que ceux du vitrage solaire à revêtement simple face. Au vu de ces éléments, la Commission a ainsi pu valablement relever, sans opérer un renversement illégal de la charge de la preuve, que la requérante n’apportait aucun élément de preuve démontrant qu’il existait une différence constante entre les coûts de production de ces deux types de produits.

94      En outre, la requérante ne conteste pas que le vitrage solaire à revêtement double face représente moins de 1 % des ventes de vitrage solaire destiné à des capteurs thermiques, de sorte qu’il ne saurait être considéré que la prise en compte de la vente de ce produit spécifique était de nature à modifier les conclusions de la Commission en ce qui concerne le montant de l’ajustement appliqué au coût du revêtement et au coût de production.

95      Il en résulte que les éléments factuels dont s’est prévalue la Commission étaient à eux seuls suffisants pour écarter l’argument de la requérante selon lequel le taux d’ajustement de 27 % du coût de production n’était pas fiable du fait de la prise en compte du vitrage solaire à revêtement double face.

96      Il résulte de ce qui précède que, dans la mesure où la divulgation des données litigieuses était susceptible de causer un préjudice significatif aux entreprises qui les avaient communiquées à la Commission, cette dernière a pu, sans commettre d’erreur, estimer que ces données étaient confidentielles et qu’elles devaient être protégées en tant que telles, en application de l’article 19 du règlement de base.

97      S’agissant, deuxièmement, de la question de savoir si la Commission était en droit de refuser toute communication de ces documents, comme il résulte des points 77 et 78 ci-dessus, l’article 41 de la Charte prévoit, tout comme les articles 19 et 20 du règlement de base, le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret des affaires.

98      Cela implique que, eu égard aux circonstances de l’espèce et à la mise en balance des intérêts en présence, étant donné que certaines informations sont confidentielles et doivent être protégées comme telles, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas les communiquer, même à des avocats éventuellement tenus à une obligation de confidentialité.

99      À cet égard, la requérante objecte que, en matière d’enquête antitrust, le manuel de procédure émanant de la Commission prévoit la possibilité pour les avocats de consulter des documents confidentiels dans des « data rooms ». Il demeure que la requérante ne met pas en évidence les raisons pour lesquelles des règles similaires devraient s’appliquer aux procédures antidumping, dans le cadre desquelles, notamment et ainsi que le souligne la Commission, les données servant à calculer le dumping ont trait à des sociétés de pays tiers sur lesquelles la Commission n’a aucun pouvoir de contrainte.

100    En tout état de cause, pour les raisons mentionnées aux points 85 à 99 ci-dessus, la Commission a pu valablement considérer les informations litigieuses comme étant confidentielles et estimer que, eu égard aux circonstances de l’espèce et des intérêts en présence, il n’y avait pas lieu de les dévoiler à la requérante ou à ses avocats.

101    À cet égard, il y a lieu de souligner que, si la requérante a, certes, alerté la Commission au cours de la procédure administrative sur les difficultés auxquelles elle était confrontée en ce qui concernait la confidentialité des documents, il demeure que, comme il ressort du considérant 23 du règlement attaqué, elle s’est abstenue de solliciter l’intervention du conseiller-auditeur dans le délai fixé pour la présentation des observations sur les conclusions définitives, alors même que la Commission lui avait indiqué qu’elle avait la possibilité de le saisir de l’ensemble des questions relatives aux droits de la défense en général et à l’accès au dossier en particulier.

102    Or, la requérante ne saurait justifier l’absence de démarche de sa part auprès du conseiller-auditeur par le fait que ses avocats avaient vainement effectué une telle démarche dans une autre affaire. En effet, il est constant, d’une part, qu’elle avait le droit de saisir le conseiller-auditeur et, d’autre part, que les appréciations du conseiller-auditeur, pour ce qui concerne le respect des droits de la défense et de la confidentialité, procèdent par principe d’une analyse au cas par cas, de sorte que l’existence d’une telle autre décision du conseiller-auditeur ne saurait, à elle seule, suffire à exclure que, en l’espèce, il aurait fait droit à sa demande.

103    Il ressort ainsi des éléments mentionnés aux points 97 à 100 ci-dessus que, en n’accueillant pas les demandes de la requérante visant la communication de documents, la Commission n’a violé ni l’article 41 de la Charte ni les articles 19 et 20 du règlement de base.

104    Quant à l’argument de la requérante relatif à l’absence de conformité de l’interprétation faite par la Commission des articles 19 et 20 du règlement de base avec les articles 6.2, 6.4, 6.5 et 6.9 de l’accord antidumping de l’OMC, il y a lieu de relever que les passages de la décision de l’organe d’appel de l’OMC dans l’affaire CE-Chine (AB-2011-2, WT/DS 397/AB/R) qu’elle cite mentionnent uniquement la nécessité, pour l’autorité enquêtrice, de donner accès à tous les renseignements non confidentiels d’un dossier. Ces passages ne traitent pas, en revanche, de la question spécifique qui se pose en l’espèce et qui porte sur les limites à l’accès aux documents pour la protection de certaines informations qui sont confidentielles par nature.

105    Quant à l’insuffisance de motivation, il y a lieu de relever que, dès lors que, pour des raisons de confidentialité, la Commission était en droit, eu égard aux circonstances de l’espèce, de ne pas révéler les données individuelles de certains des producteurs de l’Union ainsi que celles du producteur du pays analogue et que, comme il ressort des points 91, 94 et 95 ci-dessus, les éléments retenus par celle-ci n’étaient pas, en tant que tels, de nature à empêcher la requérante de comprendre les raisons qui l’avaient amené à lui imposer un droit antidumping ainsi que le montant de ce droit, il y a lieu de rejeter ce grief.

106    Partant, le quatrième moyen doit être rejeté.

107    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le recours comme étant non fondé, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.

 Sur les dépens

108    Conformément à l’article 219 du règlement de procédure du Tribunal, dans les décisions du Tribunal rendues après annulation et renvoi, celui-ci statue sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant lui et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour. Dans la mesure où la Cour a réservé les dépens de la requérante, de la Commission et de l’intervenante, il appartient au Tribunal de statuer, dans le présent arrêt, sur l’ensemble des dépens afférents aux procédures engagées devant lui ainsi qu’aux procédures engagées devant la Cour.

109    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, en application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’une partie intervenante autre qu’un État membre ou une institution de l’Union supportera ses propres dépens.

110    En l’espèce, la requérante ayant succombé à la présente instance et aux deux procédures de pourvoi, il convient de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière, y compris ceux afférents aux deux procédures de pourvoi. De plus, en application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, il y a lieu de décider que l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Xinyi PV Products (Anhui) Holdings Ltd est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      GMB Glasmanufaktur Brandenburg GmbH supportera ses propres dépens.

Kanninen

Jaeger

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.