Language of document : ECLI:EU:T:2007:86

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

15 mars 2007 (*)

« Fonctionnaires – Nomination – Révision du classement en grade et en échelon – Application de la jurisprudence de la Cour – Article 5, article 31, paragraphe 2, article 32, deuxième alinéa, articles 45 et 62 du statut »

Dans l’affaire T‑402/03,

Georgios Katalagarianakis, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes demeurant à Overijse (Belgique), représenté par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.‑N. Louis et E. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et H. Krämer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission portant révision et fixation du classement du requérant au moment de sa nomination au grade A 6, premier échelon, portant révision et fixation de son classement ultérieur au grade A 5, troisième échelon, à la date du 1er avril 2000 et fixant le point de départ de ses effets pécuniaires au 5 octobre 1995,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. H. Legal, président, Mme I. Wiszniewska‑Białecka et M. E. Moavero Milanesi, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 juillet 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 5, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable jusqu’au 30 avril 2004 (ci-après le « statut »), dispose :

« Les fonctionnaires appartenant à une même catégorie […] sont soumis […] à des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière. »

2        L’article 25, deuxième alinéa, du statut dispose :

« Toute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé. Toute décision faisant grief doit être motivée. »

3        L’article 31 du statut prévoit :

« 1.      Les candidats […] choisis sont nommés :

–        fonctionnaires de la catégorie A […] : au grade de base de leur catégorie […]

[…]

2. Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger aux dispositions […] ci-[dessus], dans les limites suivantes :

[…]

b)       pour les autres grades [que les grades A 1, A 2, A 3 et LA 3], à raison :

–        d’un tiers s’il s’agit de postes rendus disponibles,

–        de la moitié s’il s’agit de postes nouvellement créés.

[…]  »

4        L’article 32 du statut indique :

« Le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade.

Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut, pour tenir compte de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique de l’intéressé, lui accorder une bonification d’ancienneté d’échelon dans ce grade ; cette bonification ne peut excéder […] 48 mois dans les autres grades [que les grades A 1 à A 4, LA 3 et LA 4].

[…] »

5        L’article 45, paragraphe 1, du statut prévoit :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie […] [à laquelle] il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l’objet.

Ce minimum d’ancienneté est, pour les fonctionnaires nommés au grade de base de leur […] catégorie, de six mois à compter de leur titularisation ; il est de deux ans pour les autres fonctionnaires. »

6        L’article 62 du statut énonce :

« Dans les conditions fixées à l’annexe VII et sauf dispositions expresses contraires, le fonctionnaire a droit à la rémunération afférente à son grade et à son échelon du seul fait de sa nomination.

Il ne peut renoncer à ce droit.

Cette rémunération comprend un traitement de base, des allocations familiales et des indemnités. »

7        Par décision interne du 1er septembre 1983, publiée aux Informations administratives n° 420, du 21 octobre 1983, la Commission a précisé les critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement des fonctionnaires en application des articles 31 et 32 du statut.

8        L’article 2, premier alinéa, de la décision du 1er septembre 1983 prévoit :

« L’autorité investie du pouvoir de nomination nomme le fonctionnaire stagiaire au grade de base de la carrière pour laquelle il est recruté. »

9        À la suite de l’arrêt du Tribunal du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission (T‑17/95, RecFP p. I‑A‑227 et II‑683), un alinéa a été ajouté après le premier alinéa de l’article 2 de la décision du 1er septembre 1983 par décision de la Commission du 7 février 1996. Ce nouvel alinéa est rédigé comme suit :

« Par exception à ce principe, [l’autorité investie du pouvoir de nomination] peut décider de nommer le fonctionnaire stagiaire au grade supérieur de la carrière, lorsque des besoins spécifiques du service exigent le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles. »

10      L’article 2, troisième alinéa, de la décision du 1er septembre 1983 fixe la durée minimale d’expérience professionnelle pour le classement au premier échelon dans le grade de base de chaque carrière. Elle est de douze ans pour le grade A 5 et de 3 ans pour le grade A 7. Selon le sixième alinéa du même article, l’expérience professionnelle doit pouvoir être mise en oeuvre dans un des secteurs d’activité de la Commission.

11      Conformément à l’article 3 de la décision du 1er septembre 1983, pour tenir compte de l’expérience professionnelle dépassant celle indiquée à l’article 2, troisième alinéa, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») accorde, sous réserve des maximums prévus à l’article 32 du statut, une bonification d’ancienneté d’échelon selon un tableau figurant à l’annexe II. Cette annexe fixe le rapport entre le nombre de mois de bonification à accorder et le nombre d’années d’expérience professionnelle.

12      L’article 4 de la décision du 1er septembre 1983 prévoit la création d’un comité paritaire de classement, chargé de formuler des avis sur le classement à l’attention de l’AIPN. Cette dernière arrête ses décisions de classement après avis de ce comité.

13      La direction générale (DG) « Personnel et administration » de la Commission a publié un guide administratif relatif au classement des nouveaux fonctionnaires et autres agents de la Commission (ci-après le « guide administratif »). Le guide administratif précise qu’il est conçu pour être un instrument d’information et de référence décrivant les règles existantes et qu’il n’est pas un document juridiquement contraignant.

14      Le guide administratif indique également que, pour trouver les meilleurs candidats et les faire bénéficier d’un grade supérieur, le comité paritaire de classement attache une importance toute particulière aux éléments suivants : niveau et pertinence des qualifications et des diplômes autres que ceux permettant d’ores et déjà d’accéder à la catégorie ; niveau et qualité de l’expérience professionnelle, pour autant qu’elle réponde aux besoins de la Commission ; durée de l’expérience professionnelle en liaison avec le poste proposé ; pertinence de l’expérience professionnelle pour le poste à pourvoir au sein de la Commission ; particularités du marché de l’emploi au regard des compétences requises (pénurie de personnel qualifié, en particulier). Il est précisé que les critères les plus importants pour justifier le classement à un grade supérieur consistent, d’abord, dans le bénéfice que la Commission peut tirer de l’expérience professionnelle du futur collaborateur et, ensuite, dans la durée de cette expérience.

15      Par ailleurs, le guide administratif prévoit que, en cas de nomination au grade supérieur d’une carrière (A 6, B 4, C 4), l’échelon est déterminé en fonction de la valeur accordée aux paramètres cités dans le paragraphe précédent. À cet égard, il est mentionné que l’échelon le plus élevé susceptible d’être obtenu pour le grade A 6 est le troisième échelon.

 Antécédents du litige

16      Lauréat du concours COM/A/531, le requérant a été nommé à la Commission le 1er août 1990, en qualité de fonctionnaire stagiaire de grade A 7, premier échelon, affecté à l’unité « Politique et gestion budgétaire, coordination financière » de la direction « Moyens d’action » de la DG « Science, recherche et développement ». Le 8 avril 1991, son classement initial a été fixé au grade A 7, troisième échelon, avec effet au 1er août 1990 (ci-après la « décision initiale de classement »).

17      Le 8 mai 1998, l’AIPN a titularisé le requérant dans son emploi en le classant au grade A 7, troisième échelon.

18      À la suite de la modification de l’article 2 de la décision du 1er septembre 1983 visée au point 9 ci-dessus, le requérant a présenté, le 29 mars 1996, une demande à l’AIPN en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut, en vue d’un classement au grade supérieur de la carrière A 7/A 6, c’est-à-dire au grade A 6.

19      Cette demande ayant été rejetée par l’AIPN, le requérant a, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation auprès de l’AIPN le 13 septembre 1996, demandant, notamment, à bénéficier d’un classement, lors de son recrutement, au grade A 6, troisième échelon.

20      Cette réclamation ayant été rejetée par l’AIPN, le requérant a, le 6 mai 1997, introduit un recours en annulation contre cette décision, enregistré sous la référence T‑154/97.

21      Ce recours faisant partie d’une série de recours ayant un objet identique, le Tribunal a suspendu les autres affaires dans l’attente de la décision à intervenir dans l’affaire T-160/97.

22      Par ordonnance du 19 août 1998, Gevaert/Commission (T‑160/97, RecFP p. I‑A‑465 et II‑1363), le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable. Les autres requérants se sont désistés à la suite de cette ordonnance.

23      Sur pourvoi contre l’ordonnance Gevaert/Commission, précitée, la Cour a, par arrêt du 11 janvier 2001, Gevaert/Commission (C‑389/98 P, Rec. p. I‑65), annulé l’ordonnance du Tribunal. Conformément à un engagement de sa part en ce sens, la Commission a retiré sa décision rejetant la demande de reclassement présentée par le requérant et réexaminé la demande de reclassement d’une série de fonctionnaires, dont celle du requérant.

24      Après réexamen du dossier du requérant, la Commission a, par décision du 23 décembre 2002, informé celui-ci de son classement au grade A 6, premier échelon, avec effet au 1er août 1990. Cette décision précisait toutefois que ladite révision produirait ses effets pécuniaires à la date du 5 octobre 1995, date du prononcé de l’arrêt Alexopoulou/Commission, précité, et indiquait également que l’AIPN avait donné des instructions pour que soient établis tous les documents résultant de cette décision.

25      Le 17 janvier 2003, le requérant a adressé une note à la DG « Personnel et administration » dressant une première liste de questions découlant de la décision définitive de classement. En particulier, le requérant demandait une révision de son classement en échelon et un réexamen de son évolution de carrière.

26      Conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, le requérant a, le 14 avril 2003, introduit une réclamation auprès de l’AIPN à l’encontre de la décision définitive de classement. Par cette réclamation, le requérant demandait, tout d’abord, la révision de son classement en échelon, à la date de sa nomination, au grade A 6, troisième échelon, ensuite, le paiement de la rémunération correspondant à la différence entre son classement initial et son classement au grade supérieur de la carrière depuis le 1er août 1990 et, enfin, la reconstitution de sa carrière.

27      Par décision du même jour (ci-après la « décision attaquée »), l’AIPN a mis à exécution la décision du 23 décembre 2002, en procédant également à une modification, d’une durée de onze mois, de l’ancienneté dans l’échelon du requérant au grade A 5, troisième échelon.

28      Par décision de l’AIPN du 19 août 2003, notifiée le 2 septembre suivant, la réclamation du requérant a été rejetée.

 Procédure et conclusions des parties

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 décembre 2003, le requérant a introduit le présent recours.

30      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a posé par écrit des questions aux parties, qui y ont répondu dans le délai imparti.

31      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l’audience publique du 13 juillet 2006.

32      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle fixe son classement à la date de sa nomination au grade A 6, premier échelon ;

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle fixe le point de départ de ses effets pécuniaires à la date du 5 octobre 1995 ;

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle fixe son classement au grade A 5, troisième échelon, à la date du 1er avril 2000 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

33      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme en partie irrecevable et en partie non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

34      La décision attaquée classe le requérant au grade A 6, premier échelon, avec effet au 1er août 1990, puis révise son classement au grade A 5, troisième échelon, avec effet au 1er avril 2000, et fixe le point de départ des effets pécuniaires de ladite révision à la date du 5 octobre 1995.

 Sur les conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée pour autant que celle-ci fixe le classement du requérant, à la date de sa nomination, au premier échelon du grade A 6

35      À l’appui de ce chef de conclusions, le requérant invoque, en substance, trois moyens, tirés, respectivement, de la méconnaissance de l’obligation de motivation, de la violation de l’article 32, deuxième alinéa, du statut, de la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination.

 Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation de motivation

–       Arguments des parties

36      Selon le requérant, la décision attaquée a méconnu l’obligation de motivation en ce qu’elle ne précise pas la durée au-delà de laquelle la formation et l’expérience professionnelle peuvent être prises en compte pour bénéficier d’une bonification d’ancienneté d’échelon dans le grade A 6.

37      La Commission, considère dans la réplique que la décision portant rejet de la réclamation du requérant a clairement expliqué les raisons pour lesquelles l’AIPN n’avait pas pu accorder à celui-ci une bonification d’ancienneté d’échelon supérieure au premier échelon du grade A 6.

–       Appréciation du Tribunal

38      Selon la jurisprudence, l’obligation de motivation a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision prise par l’administration et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêt de la Cour du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, Rec. p. I‑8691, points 39 et 40 ; arrêts du Tribunal du 31 janvier 2002, Hult/Commission, T‑206/00, RecFP p. I‑A‑19 et II‑81, point 27, et du 9 mars 2000, Vicente-Nuñez/Commission, T‑10/99, RecFP p. I‑A‑47 et II‑203, point 41).

39      Il convient de rappeler, en outre, qu’une décision de classement présente des analogies avec une décision de promotion et que ces analogies justifient de transposer, aux décisions portant classement en grade, les principes régissant l’obligation de motivation des décisions en matière de promotion. À cet égard, il est de jurisprudence constante, d’une part, que la motivation peut être utilement fournie au stade de la décision statuant sur la réclamation et, d’autre part, qu’il suffit qu’elle porte sur la réunion des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la procédure et sur le motif individuel et pertinent justifiant la décision prise à l’égard du fonctionnaire concerné, sans que, en particulier, la révélation de l’appréciation comparative que l’AIPN a effectuée soit exigée (arrêts du Tribunal du 17 décembre 2003, Chawdhry/Commission, T‑133/02, RecFP p. I‑A‑329 et II‑1617, point 121 ; du 26 octobre 2004, Brendel/Commission, T‑55/03, RecFP p. I‑A‑311 et II‑1437, point 120 ; du 16 février 2005, Aycinena/Commission, T‑284/03, non encore publié au Recueil, point 33, et du 15 novembre 2005, Righini/Commission, T‑145/04, non encore publié au Recueil, point 55).

40      En l’espèce, il y a lieu d’observer que la décision rejetant la réclamation expose notamment que, à la suite de l’arrêt Gevaert/Commission, précité, l’AIPN a procédé à un nouvel examen du dossier de classement à l’entrée en service du requérant et que, à l’issue de cet examen, elle a décidé de le classer au grade A 6, échelon 1, avec effet au 1er août 1990, date de son recrutement.

41      Ensuite, il y est précisé que l’article 3 de la décision du 1er septembre 1983 renvoie à un tableau établissant des bonifications d’échelon pour un fonctionnaire recruté au grade A 7, mais ne s’appliquant pas à un fonctionnaire recruté au grade A 6, et que, si l’AIPN a considéré ne pas pouvoir accorder à l’intéressé plus que le premier échelon du grade supérieur, c’est parce qu’elle avait déjà tenu compte de l’ensemble de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique de l’intéressé pour déroger au principe du recrutement au grade de base et le classer au grade supérieur.

42      Cependant, comme le soutient le requérant, l’AIPN n’a pas indiqué dans la décision rejetant la réclamation, quelles étaient la formation et l’expérience professionnelle spécifique nécessaires pour pouvoir bénéficier d’une bonification d’ancienneté d’échelon dans le grade supérieur.

43      Toutefois, il convient de relever que l’AIPN n’était pas assujettie à une telle obligation. En effet, compte tenu, d’une part, du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré pour la décision de classement en grade et, d’autre part, de la nature casuistique de l’évaluation du caractère exceptionnel de la formation et de l’expérience professionnelle devant être acquises pour bénéficier d’un reclassement au grade supérieur de la carrière, l’AIPN n’était pas tenue de définir, de manière générale, la formation et la durée d’expérience professionnelle requises pour bénéficier d’une bonification d’ancienneté d’échelon dans ce grade. À cet égard, la motivation de la décision portant rejet de la réclamation est suffisante pour permettre au requérant de connaître le motif individuel et pertinent sur lequel l’AIPN s’est fondée pour lui refuser une bonification d’ancienneté d’échelon dans le grade supérieur.

44      Il s’ensuit que le moyen, tiré de la méconnaissance de l’obligation de motivation, doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 32, deuxième alinéa, du statut

–       Arguments des parties

45      Le requérant soutient que, selon l’article 32, deuxième alinéa, du statut, l’AIPN peut accorder une bonification d’échelon afin de tenir compte de la formation et de l’expérience spécifique du fonctionnaire, indépendamment du grade auquel celui-ci a été recruté. Or, en l’espèce, le requérant relève que l’AIPN a refusé de lui accorder la bonification correspondant à une partie de sa formation et de son expérience professionnelle, notamment la période effectuée dans le cadre du service militaire, sous prétexte qu’elle en aurait déjà tenu compte lors du classement au grade supérieur de la carrière dans la décision définitive de classement. En procédant de la sorte, l’AIPN, a, selon le requérant, illégalement refusé d’exercer son pouvoir d’appréciation prévu à l’article 32, deuxième alinéa, du statut.

46      Pour le requérant, l’utilisation de mêmes critères pour la bonification d’ancienneté d’échelon et pour le classement au grade supérieur de la carrière est également dépourvue de base légale. À cet égard, il relève que le guide administratif, qui constitue, selon lui, une directive interne par laquelle la Commission s’est liée, prévoit que, en cas de classement au grade supérieur de la carrière, l’échelon est déterminé en fonction de la valeur accordée aux paramètres pris en compte pour ce classement. En outre, l’utilisation de mêmes critères ne se justifierait pas compte tenu de la nature différente du grade et de l’échelon, dès lors que le premier déterminerait le type de fonctions qu’un fonctionnaire est amené à exercer, alors que le second fixerait son ancienneté dans ce grade.

47      La Commission, en réplique, fait valoir, tout d’abord, que, en estimant avoir déjà tenu compte de l’ensemble de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique du requérant pour déroger au recrutement au grade de base, l’AIPN a exercé son pouvoir d’appréciation conformément à l’article 32, deuxième alinéa, du statut.

48      La Commission fait observer, ensuite, que la bonification d’ancienneté d’échelon dépend de l’expérience professionnelle. En revanche, la faculté de recruter un fonctionnaire au grade supérieur de la carrière, en application de l’article 31, paragraphe 2, du statut, reposerait sur plusieurs facteurs interdépendants, dont l’expérience professionnelle, permettant à celui-ci d’atteindre le « seuil d’exceptionnalité ». Par conséquent, la Commission estime que, contrairement à ce que soutient le requérant, il existe un chevauchement entre l’article 31, paragraphe 2, et l’article 32, deuxième alinéa, du statut, dans la mesure où la durée de l’expérience professionnelle doit être prise en considération dans le cadre de l’application de chacune de ces dispositions. Toutefois, la Commission souligne que le poids du facteur de l’expérience professionnelle est différent pour l’appréciation de l’éventuelle application des deux dispositions précitées à la situation d’un fonctionnaire donné.

49      Enfin, en admettant que le guide administratif renvoie, pour la détermination de l’échelon d’un fonctionnaire classé au grade A 6, aux paramètres pertinents aux fins d’un classement au grade supérieur de la carrière, la Commission soutient que cette règle doit être interprétée à la lumière de ce qu’elle a exposé précédemment. Ainsi, selon elle, lorsque le niveau des facteurs pertinents, autres que la durée de l’expérience professionnelle, est tellement élevé que le seuil d’exceptionnalité est atteint sans que la durée de cette expérience soit entièrement valorisée dans ce cadre, une bonification d’ancienneté d’échelon demeure possible, mais est soumise au pouvoir d’appréciation de l’AIPN. Il en est de même, aux dires de la Commission, lorsque la durée de l’expérience professionnelle est tellement élevée qu’elle ne peut être considérée comme étant entièrement valorisée dans le cadre de l’appréciation du seuil d’exceptionnalité au titre de l’article 31, paragraphe 2, du statut. En revanche, elle expose que, en dehors de ces cas de figure, une bonification d’ancienneté d’échelon est, en principe, exclue. En l’espèce, la Commission rappelle que l’AIPN a estimé ne pas pouvoir accorder plus que le premier échelon du grade A 6 au requérant, considérant avoir déjà tenu compte de l’ensemble de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique de celui-ci pour le classer, à titre exceptionnel, au grade supérieur de la carrière.

–       Appréciation du Tribunal

50      À titre liminaire, il convient de rappeler, en premier lieu, que l’article 31, paragraphe 2, du statut confère à l’AIPN la faculté de nommer le candidat sélectionné au grade supérieur de la carrière. Selon une jurisprudence constante, cette faculté doit toutefois être comprise comme une exception aux règles générales de classement (voir arrêt de la Cour du 1er juillet 1999, Alexopoulou/Commission, C‑155/98 P, Rec. p. I‑4069, point 32, et la jurisprudence citée).

51      Il résulte, en outre, de la jurisprudence que l’AIPN n’est pas tenue d’appliquer l’article 31, paragraphe 2, du statut, même en présence d’un candidat sélectionné possédant des qualifications exceptionnelles (ordonnance du Tribunal du 13 février 1998, Alexopoulou/Commission T‑195/96, RecFP p. I‑A‑51 et II‑117, ci-après l’« ordonnance Alexopoulou », points 36 et 38, et arrêt du Tribunal du 11 juillet 2002, Wasmeier/Commission, T‑381/00, RecFP p. I‑A‑125 et II‑677, point 56). En effet, les fonctionnaires et agents nouvellement recrutés, même s’ils réunissent les conditions pour pouvoir être nommés au grade supérieur de la carrière, n’ont pas pour autant un droit subjectif à une telle nomination (ordonnance Alexopoulou, point 43).

52      L’article 31, paragraphe 2, du statut a notamment pour finalité de permettre à l’institution concernée, dans le cas d’espèce à la Commission en sa qualité d’employeur, de s’attacher les services d’une personne qui risque, dans le contexte du marché du travail, de faire l’objet de sollicitations nombreuses d’autres employeurs potentiels et donc de lui échapper. La faculté de recourir à l’article 31, paragraphe 2, donne ainsi à l’AIPN la possibilité d’accorder, à titre exceptionnel, au candidat sélectionné qui le mérite, des conditions plus attrayantes afin de se réserver ses services (ordonnance Alexopoulou, point 38).

53      Il y a lieu de rappeler, en second lieu, que l’article 32 du statut dispose que le fonctionnaire est recruté au premier échelon de son grade. Toutefois, l’AIPN peut, pour tenir compte de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique de l’intéressé, lui accorder une bonification d’ancienneté d’échelon dans ce grade. Cette bonification ne peut excéder 48 mois dans les grades autres que A 1 à A 4.

54      C’est à la lumière de ces observations liminaires qu’il convient d’examiner si la Commission a commis une illégalité en fixant, en l’espèce, à la date de sa nomination le classement du requérant au grade A 6, premier échelon.

55      Le requérant soutient, en substance, que l’AIPN, en le recrutant au grade A 6, premier échelon, a refusé de tenir compte de sa formation et de son expérience professionnelle pour lui accorder la bonification d’échelon prévue à l’article 32, deuxième alinéa, du statut. Il estime avoir droit à être nommé au grade A 6, troisième échelon.

56      À cet égard, il convient de rappeler d’abord que, aux termes de la décision initiale de classement, le classement du requérant a été fixé à la date de son recrutement au grade A 7, troisième échelon.

57      Il y a lieu de relever encore que, à la suite de l’arrêt Gevaert/Commission, précité, l’AIPN a, par décision du 23 décembre 2002, réexaminé la situation administrative de l’intéressé et fixé son classement lors du recrutement au grade A 6, premier échelon. Dans ces conditions, il convient de considérer que, pour estimer que la nomination au grade supérieur de la carrière était justifiée, la Commission a nécessairement procédé à l’évaluation de l’ensemble de la formation et de l’expérience professionnelle du requérant. À cet égard, contrairement à ce que soutient ce dernier, la période effectuée dans le cadre du service militaire a été comptabilisée par l’AIPN. Il s’ensuit que, lors du reclassement du requérant au grade supérieur de la carrière, l’AIPN a également tenu compte de la formation et de l’expérience professionnelle du requérant (voir, en ce sens, arrêt Aycinena/Commission, précité, point 66).

58      Par ailleurs, l’argument du requérant selon lequel l’utilisation des mêmes critères pour la bonification d’ancienneté d’échelon et pour le classement au grade supérieur ne se justifierait pas et serait dépourvue de base légale doit être rejeté. À cet égard, il convient de rappeler que le juge communautaire a, à plusieurs reprises, examiné, sans la contester, l’utilisation des critères relatifs à la formation et à l’expérience professionnelle non seulement pour la bonification en échelon, mais aussi pour la nomination au grade supérieur de la carrière (arrêts Wasmeier/Commission, précité, points 61 et 62 ; Chawdhry/Commission, précité, point 59, et Aycinena/Commission, précité, point 67).

59      Selon une jurisprudence constante, l’AIPN jouit d’un large pouvoir d’appréciation, dans le cadre fixé par l’article 31 et par l’article 32, deuxième alinéa, du statut, en vue d’apprécier les expériences professionnelles antérieures d’une personne recrutée comme fonctionnaire, en ce qui concerne tant la nature et la durée de celles-ci que le rapport plus ou moins étroit qu’elles peuvent présenter avec les exigences du poste à pourvoir (arrêt de la Cour du 5 octobre 1988, De Szy‑Tarisse et Feyaerts/Commission, 314/86 et 315/86, Rec. p. 6013, point 26 ; arrêts du Tribunal du 7 février 1991, Ferreira de Freitas/Commission, T‑2/90, Rec. p. II‑103, point 56, et Aycinena/Commission, précité, point 72). Il en résulte, que dans l’exercice du contrôle juridictionnel d’une décision portant classement en échelon d’un fonctionnaire nommé au grade supérieur de la carrière, le juge ne saurait substituer son appréciation à celle de l’AIPN.

60      En l’espèce, la Commission fait valoir que, ayant déjà tenu compte de l’ensemble de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique du requérant pour déroger au principe du recrutement au grade de base et le classer au grade supérieur, elle a estimé injustifié d’accorder à l’intéressé une bonification d’ancienneté d’échelon dans le grade supérieur.

61      Il s’ensuit que l’AIPN a tenu compte de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique du requérant, qui ont permis de le nommer, dès son recrutement, au grade supérieur. Toutefois dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, l’AIPN a pu considérer que le requérant ne pouvait prétendre à une bonification d’ancienneté d’échelon dans le grade supérieur, la formation et l’expérience professionnelle du requérant – laquelle, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 57 du présent arrêt, inclut la période accomplie au titre des obligations militaires – ayant été prises en compte, pour la nomination au grade supérieur.

62      Dans ces conditions, le moyen, tiré de la violation de l’article 32, paragraphe 2, du statut, doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination

–       Arguments des parties

63      Le requérant considère que le refus de l’AIPN de fixer des critères relatifs à la durée de la formation et de l’expérience professionnelle pouvant être prise en considération en vue de l’obtention d’une bonification d’ancienneté d’échelon pour les fonctionnaires classés au grade A 6 est contraire au principe d’égalité de traitement.

64      Le requérant expose que, dès lors que de tels critères n’ont pas été définis, l’AIPN a la faculté d’accorder une bonification d’ancienneté d’échelon à des fonctionnaires ayant été classés au grade supérieur de la carrière sans qu’il soit possible de comprendre les motifs fondant ces décisions. Il ajoute qu’il existe également une différence de traitement par rapport aux fonctionnaires classés au grade de base de la carrière, puisque ces derniers disposent de critères relatifs à la durée de la formation et de l’expérience professionnelle pouvant être prise en compte en vue d’une bonification d’ancienneté d’échelon.

65      La Commission conteste les allégations du requérant à propos de la discrimination alléguée entre fonctionnaires classés au grade supérieur de la carrière. Elle indique, ainsi qu’il a été mis en exergue au point 49 ci-dessus, que, dans certaines circonstances, des fonctionnaires se trouvant dans cette situation peuvent bénéficier, en outre, d’une bonification d’ancienneté d’échelon. Toutefois, ces circonstances ne seraient pas, en l’espèce, caractérisées.

66      En ce qui concerne la prétendue violation du principe d’égalité de traitement par rapport aux fonctionnaires classés au grade de base de la carrière, la Commission rappelle que, pour l’octroi d’une bonification d’ancienneté d’échelon à ces fonctionnaires, elle a soumis son pouvoir d’appréciation au respect d’une directive interne. En revanche, ce pouvoir d’appréciation demeurerait entier pour les fonctionnaires classés au grade supérieur de la carrière. Elle expose aussi que les prétentions du requérant tendant à ce qu’une même période d’expérience professionnelle soit doublement prise en compte pour ceux des fonctionnaires ayant bénéficié d’un classement au grade supérieur de la carrière au moment de leur nomination, alors qu’elle ne l’est qu’une seule fois pour ceux ayant été recrutés au grade de base de la carrière, sont contraires au principe d’égalité de traitement.

–       Appréciation du Tribunal

67      Selon une jurisprudence constante, l’évaluation du caractère exceptionnel des qualifications d’un fonctionnaire nouvellement recruté ne peut pas être effectuée dans l’abstrait, mais doit se faire au regard du poste pour lequel le recrutement a eu lieu. La nature casuistique de cette évaluation (voir, en ce sens, arrêt Wasmeier/Commission, précité, point 76) s’oppose à ce que le requérant puisse utilement invoquer une violation du principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêts Chawdhry/Commission, précité, point 102, et Aycinena/Commission, précité, point 70).

68      Cette jurisprudence s’applique a fortiori aux fonctionnaires nommés, dès leur recrutement, au grade supérieur de la carrière, en vertu de l’article 32, deuxième alinéa, du statut. En effet, dans une telle hypothèse, la formation et l’expérience professionnelle spécifiques ont déjà été prises en compte pour la nomination du fonctionnaire, dès son recrutement, au grade supérieur de la carrière. Il s’ensuit qu’un fonctionnaire nommé dès son recrutement au grade supérieur de la carrière ne saurait utilement invoquer une violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne sa bonification d’échelon (arrêt Aycinena/Commission, précité, point 71).

69      S’agissant de la rupture d’égalité de traitement qui résulterait, selon le requérant, du traitement différent des fonctionnaires recrutés au grade de base de la carrière et de ceux classés au grade supérieur, cette argumentation ne peut être davantage retenue.

70      La jurisprudence établit qu’il y a violation du principe énoncé à l’article 5, paragraphe 3, du statut, lorsque deux catégories de personnes dont les situations factuelles et juridiques ne présentent pas de différence essentielle se voient appliquer un traitement différent lors de leur recrutement. Il y a également violation du principe d’égalité de traitement lorsque des situations qui sont différentes sont traitées de manière identique (arrêt Wasmeier/Commission, précité, point 122 ; arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Valero Jordana/Commission, T‑429/03, non encore publié au Recueil, point 101).

71      En l’espèce, il y a lieu de constater que les deux catégories de fonctionnaires définies par le requérant ne se trouvent pas, lors de leur entrée en fonction, dans des situations factuelles et juridiques identiques. La circonstance que les fonctionnaires recrutés au grade de base de la carrière pourraient bénéficier d’une bonification d’ancienneté d’échelon tandis que ceux nommés au grade supérieur s’en trouveraient, le cas échéant, privés du fait de leur classement au grade supérieur ne remet pas en cause ce constat.

72      Le moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement doit être rejeté.

73      Aucun des moyens invoqués à l’appui du premier chef de conclusions n’étant fondé, il y a lieu de rejeter celui-ci.

 Sur les conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée pour autant qu’elle fixe le point de départ de ses effets pécuniaires à la date du 5 octobre 1995

74      Le requérant invoque trois moyens, tirés respectivement de la méconnaissance de l’article 62 du statut, de la violation de l’article 233 CE et de celle du principe de l’égalité de traitement.

75      Il convient, d’abord, d’examiner le premier moyen.

 Arguments des parties

76      Le requérant rappelle que, par la décision attaquée, l’AIPN l’a classé au moment de sa nomination, c’est-à-dire le 1er août 1990, au grade A 6, premier échelon. Or, cette décision impliquerait que le requérant a droit à la rémunération afférente à son grade et à son échelon à compter de cette date. La fixation du point de départ des effets pécuniaires de la décision attaquée au 5 octobre 1995 méconnaît, selon le requérant, l’article 62 du statut. Partant, il demande que la Commission soit condamnée à lui verser la différence entre la rémunération à laquelle il avait droit en tant que fonctionnaire de grade A 6, premier échelon, et la rémunération qu’il a perçue au grade A 7, troisième échelon.

77      La Commission considère qu’il convient de distinguer, d’une part, le contenu de la décision attaquée, à savoir la modification de la fixation du classement du requérant au grade A 6, premier échelon, et, d’autre part, la fixation de la date à laquelle elle prend effet, à savoir le 5 octobre 1995. En effet, ainsi que le préciserait la décision portant rejet de la réclamation du requérant, ce sont les effets pratiques, y compris pécuniaires, de la modification de classement accordée qui s’appliquent à compter de cette date.

78      La Commission ajoute qu’elle était parfaitement en droit de fixer au 5 octobre 1995 la date de prise d’effet de la décision attaquée, dans la mesure où ce n’est qu’à cette date, qui correspond au prononcé de l’arrêt du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission, précité, qu’est née, pour elle, l’obligation de procéder au réexamen de la décision initiale de classement du requérant. Selon la Commission, cette analyse est confirmée, de manière implicite, par le point 41 de l’arrêt Gevaert/Commission, précité. Selon la Commission, faire droit au présent moyen reviendrait à traiter le requérant comme s’il avait contesté la décision initiale de classement par une réclamation déposée avant le 1er novembre 1990.

79      La Commission en conclut que les effets juridiques de la décision initiale de classement, telle que modifiée par la décision attaquée, portent sur l’échelon dans les grades que le requérant a détenus durant la période postérieure au 5 octobre 1995, à savoir dans les grades A 6 – jusqu’au 31 mars 2000 – et A 5 – à partir du 1er avril 2000. Pour la période antérieure au 5 octobre 1995, la Commission expose que c’est uniquement la décision initiale de classement qui continue de produire ses effets juridiques. Il s’ensuit, de l’avis de la Commission, que le requérant n’a pas droit, pour la période comprise entre le 1er août 1990 et le 5 octobre 1995, à la différence de rémunération entre le grade A 7, troisième échelon, et le grade A 6, premier échelon.

 Appréciation du Tribunal

80      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en l’absence, dans le corps du statut, de toute disposition expresse, au sens de l’article 62, premier alinéa, du statut, une institution ne peut arbitrairement limiter la libre disposition de leur rémunération par ses fonctionnaires (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 juin 2001, X/Commission, T‑214/00, RecFP p. I‑A‑143 et II‑663, point 29).

81      En l’espèce, il est constant que, par la décision attaquée, l’AIPN a décidé de reclasser le requérant au grade A 6, premier échelon, au 1er août 1990, date de sa nomination. Toutefois, par la décision attaquée, l’AIPN a précisé à l’intéressé que c’était aux seules fins de la détermination de sa situation administrative que son classement était fixé et révisé au grade A 6, premier échelon, tandis que la révision produisait ses effets pécuniaires à la date du 5 octobre 1995.

82      Pour justifier la distinction entre, d’une part, la modification de la fixation du classement du requérant, prenant effet à la date de sa nomination, et, d’autre part, les effets pécuniaires ou « pratiques » de cette décision, n’intervenant qu’à compter du 5 octobre 1995, l’AIPN se fonde sur la circonstance que, selon elle, l’obligation de procéder au réexamen de la décision initiale de classement est née le 5 octobre 1995, date du prononcé de l’arrêt Alexopoulou/Commission, précité. Cette obligation ne pourrait, selon la Commission, exister antérieurement à cette date, le requérant n’ayant pas attaqué dans les délais de recours la décision initiale de classement.

83      Cette argumentation ne saurait, toutefois, être retenue.

84      En premier lieu, le droit à la rémunération est un droit subjectif garanti par le statut et qui ne peut être limité que par des dispositions expresses dudit statut.

85      À cet égard, en procédant à une distinction entre la modification de la fixation du classement à la date de la nomination et les effets pécuniaires de cette décision, qui ne prendraient effet qu’à la date du 5 octobre 1995, l’AIPN a limité, de manière arbitraire, ce droit pour la période comprise entre la date de nomination et la date d’effet de la décision de reclassement.

86      Or, force est de constater que, tant dans ses écritures qu’au cours de la procédure orale, la Commission n’a jamais été en mesure d’indiquer au Tribunal sur quelles dispositions du statut elle se fondait pour limiter les effets pécuniaires de la décision de reclassement.

87      En second lieu, selon une jurisprudence constante, une demande de reclassement tend à voir réviser le classement initial en grade effectué au moment de la nomination du fonctionnaire et cette hypothèse doit être distinguée de l’attribution d’une promotion, qui, conformément à l’article 45, paragraphe 1, du statut, élève un fonctionnaire, pendant le cours de sa carrière, à un grade supérieur de la catégorie à laquelle il appartient (arrêt Gevaert/Commission, précité, point 39).

88      Or, en fixant le point de départ des effets pécuniaires de la décision de reclassement à la date du 5 octobre 1995, l’AIPN a méconnu cette distinction.

89      En effet, la demande du requérant, telle que formulée dans sa réclamation, s’analyse en une demande de reclassement au grade supérieur à la date de sa nomination et non en une demande de promotion à ce grade.

90      À cet égard, la circonstance que la décision initiale de classement n’aurait pas été attaquée dans les délais de recours n’est pas pertinente, dès lors que la décision de reclassement au grade supérieur à la date de la nomination, prise en exécution de l’arrêt Gevaert/Commission, précité, a vocation à se substituer dans tous ses effets à la décision initiale de classement.

91      Il s’ensuit que la décision par laquelle l’AIPN a fixé le point de départ des effets pécuniaires de la décision de reclassement à la date du 5 octobre 1995 est entachée d’illégalité.

92      Il y a donc lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués à l’appui de ce second chef de conclusions, d’annuler la décision attaquée pour autant qu’elle fixe le point de départ des effets pécuniaires de la décision de reclassement à la date du 5 octobre 1995.

 Sur les conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée pour autant qu’elle fixe le classement du requérant au grade A 5, troisième échelon, à la date du 1er avril 2000

 Arguments des parties

93      Le requérant réclame, en application de l’article 45 du statut, une reconstitution intégrale de sa carrière à compter du 1er août 1990, date de sa nomination. Il considère que l’AIPN a commis une faute de service qui engage sa responsabilité et qu’elle est tenue de réparer le préjudice subi. En effet, à supposer que la décision attaquée eût été adoptée dès le jour de son recrutement, il eût été susceptible d’être promu au grade A 5 dès le 1er août 1992. Or, la seule conséquence qu’a tirée l’AIPN de l’adoption de la décision attaquée a été de lui accorder onze mois de bonification d’ancienneté d’échelon. Le requérant ne prétend pas à un droit à être promu, mais demande simplement que la Commission entreprenne un examen effectif de ses mérites en les comparant à ceux des fonctionnaires promus au grade A 5 pour chaque exercice de promotion depuis le 1er mai 1993. Il fait valoir, en outre, que le comité de promotion aurait pu lui attribuer des points supplémentaires pour compenser les points dont il s’est trouvé privé en raison de la perte d’ancienneté qu’il subit dans le grade A 5 par rapport à l’ancienneté dont il aurait pu bénéficier si sa carrière avait évolué de façon comparable à celle de ses collègues recrutés en même temps que lui au grade A 6.

94      À titre principal, la Commission considère ce chef de conclusions comme étant irrecevable, dans la mesure où il revient à critiquer les décisions implicites de ne pas promouvoir le requérant au grade A 5 depuis le 1er mai 1993, lesquelles seraient devenues définitives, faute d’avoir été contestées dans les délais statutaires. La Commission ajoute que, en vertu de la modification de la décision du 1er septembre 1983 intervenue en 1996, elle n’était aucunement obligée de procéder à un réexamen des décisions de non-promotion, mais uniquement de réexaminer la décision initiale de classement du requérant, conformément à l’engagement qu’elle avait pris dans ce sens devant le Tribunal. Le fait qu’il puisse exister un lien entre le contenu de la décision initiale de classement et les décisions postérieures de non-promotion ne signifie pas, aux dires de la Commission, que le requérant puisse faire abstraction des délais de contestation propres à chacune de ces décisions. Selon la Commission, une conclusion inverse porterait atteinte à l’impératif de sécurité juridique. En outre, à supposer même que la modification de la décision du 1er septembre 1983 intervenue en 1996 constitue un fait nouveau, la Commission observe que le requérant n’a contesté, pour la première fois, les décisions de non-promotion que dans sa note du 17 janvier 2003, soit presque sept ans après l’adoption de la décision de 1996 et plus de six ans après sa propre demande de juin 1996, et considère qu’un tel délai ne peut être qualifié de raisonnable.

95      À titre subsidiaire, au fond, la Commission expose, d’une part, que, s’agissant des décisions de non-promotion antérieures au 5 octobre 1995, elle ne saurait être obligée de les réexaminer, puisqu’elles sont antérieures à la prise d’effet de la décision attaquée. D’autre part, quant aux décisions de non-promotion postérieures au 5 octobre 1995, la Commission rappelle que l’octroi d’une promotion rétroactive est, en principe, exclu. Au demeurant, il se heurterait au problème de la comparaison rétroactive entre des fonctionnaires dont les rapports de notation ont été établis, à l’époque, en fonction de leur grade et de leur ancienneté dans ce grade.

 Appréciation du Tribunal

96      En ce qui concerne l’irrecevabilité soulevée à titre principal par la Commission, au motif que le requérant n’a pas contesté dans les délais requis la décision implicite de ne pas le promouvoir au grade A 5 depuis le 1er mai 1993, il y a lieu de relever que la seule circonstance que la Commission ne prenne pas en considération en vue d’une promotion les fonctionnaires qui ne remplissent pas, à la date de l’exercice de promotion, les conditions pour être promus, n’a pu faire naître une décision fût-elle implicite. La fin de non-recevoir opposée par la Commission ne peut, dès lors, qu’être écartée.

97      Sur la demande de reconstitution de carrière, il convient de rappeler que le statut ne confère aucun droit à une promotion aux fonctionnaires, même à ceux qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus (arrêts du Tribunal du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T‑262/94, RecFP p. I‑A‑257 et II‑739, point 67 ; du 9 avril 2003, Tejada Fernández/Commission, T‑134/02, RecFP p. I‑A‑125 et II‑609, point 40, et Vicente‑Nuñez/Commission, précité, point 68).

98      Il importe également de rappeler que, pour évaluer les mérites comparatifs à prendre en considération dans le cadre d’une décision de promotion au titre de l’article 45 du statut, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l’AIPN à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait en effet substituer son appréciation des qualifications et mérites des candidats à celle de l’AIPN (arrêts de la Cour du 4 février 1987, Bouteiller/Commission, C‑324/85, Rec. p. 529, point 6, et du 3 avril 2003, Parlement/Samper, C‑277/01 P, Rec. p. I‑3019, point 35 ; arrêts du Tribunal Baiwir/Commission, précité, point 66 ; du 5 mars 1998, Manzo‑Tafaro/Commission, T‑221/96, RecFP p. I‑A‑115 et II‑307, point 16, et du 3 octobre 2000, Cubero Vermurie/Commission, T‑187/98, RecFP p. I‑A‑195 et II‑885, point 58).

99      En conséquence, le troisième chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée, pour autant qu’elle fixe le classement du requérant au grade A 5, troisième échelon, à la date du 1er avril 2000, doit être rejeté.

100    Cependant, s’il n’existe pas de droit à promotion pour les fonctionnaires, l’AIPN a l’obligation, lorsqu’elle se livre à une appréciation comparative des mérites des candidats, d’examiner la situation de tous les candidats susceptibles de faire l’objet d’une promotion éventuelle.

101    Au cas d’espèce, force est de constater que cet examen, pour les fonctionnaires promouvables au grade A 5 dans le cadre de chaque exercice de promotion depuis le 1er mai 1993, a été vicié du fait du comportement illégal de l’AIPN. Celle-ci, en omettant de reclasser à la date de sa nomination le requérant au grade supérieur A 6 et en ne prenant cette décision que plus tard en exécution de l’arrêt Gevaert/Commission, précité, l’a privé d’une chance de voir sa candidature prise en compte au titre de chaque exercice de promotion vers le grade A 5 à compter du 1er mai 1993.

102    À cet égard, il y a lieu d’admettre que l’AIPN était tenue de procéder à un examen comparatif des mérites du requérant et de ceux des candidats promus au grade A 5 dans le cadre de chaque exercice de promotion depuis le 1er mai 1993 et, si elle l’estimait justifié, de le faire bénéficier d’une promotion.

103    Or, en s’abstenant illégalement de procéder à l’examen comparatif des mérites du requérant et de ceux des autres candidats promus, la Commission a commis une faute de service de nature à engager sa responsabilité.

104    Cependant, même lorsqu’une faute d’une institution est établie, la responsabilité de la Communauté ne peut être effectivement engagée qu’une fois déterminées la réalité et la consistance du préjudice allégué (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Stott/Commission, T‑99/95, Rec. p. II‑2227, point 72).

105    Or, en l’état, le Tribunal n’est en mesure d’apprécier ni la réalité ni la consistance du préjudice allégué, dès lors que la Commission doit, au préalable, comparer les mérites du requérant à ceux des fonctionnaires promus au grade A 5 dans le cadre de chaque exercice de promotion depuis le 1er mai 1993.

106    À la suite de cet examen et à défaut pour la Commission d’être en mesure de faire bénéficier le requérant d’une promotion de grade qui serait apparue justifiée, les parties sont invitées à rechercher un accord sur une compensation appropriée et à informer le Tribunal du contenu de l’accord auquel elles seront parvenues dans un délai de trois mois à compter du prononcé du présent arrêt.

 Sur les dépens

107    La décision sur les dépens est réservée.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

statuant avant dire droit, déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission du 14 avril 2003 est annulée pour autant qu’elle fixe le point de départ de ses effets pécuniaires à la date du 5 octobre 1995.

2)      La Commission procédera à l’examen comparatif des mérites du requérant et de ceux des fonctionnaires promus au grade A 5, dans le cadre de chaque exercice de promotion depuis le 1er mai 1993.

3)      À la suite de cet examen et à défaut pour la Commission d’être en mesure de faire bénéficier le requérant d’une promotion de grade qui serait apparue justifiée, les parties sont invitées à rechercher un accord sur une compensation appropriée.

4)      Les parties informeront le Tribunal dans un délai de trois mois à compter du prononcé du présent arrêt du contenu de l’accord auquel elles seront, le cas échéant, parvenues ou, à défaut, de leurs conclusions chiffrées quant à l’évaluation du préjudice subi.

5)      Le recours est rejeté pour le surplus.

6)      Les dépens sont réservés.

Legal

Wiszniewska-Białecka

Moavero Milanesi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 mars 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      H. Legal


* Langue de procédure : le français.