Language of document : ECLI:EU:T:2013:595

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

14 novembre 2013 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Personnel d’Europol – Contrat à durée déterminée – Licenciement – Obligation de motivation – Droits de la défense – Indemnité pécuniaire »

Dans l’affaire T‑455/11 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 26 mai 2011, Kalmár/Europol (F‑83/09, non encore publié au Recueil), et tendant à l’annulation partielle de cet arrêt,

Office européen de police (Europol), représenté par MM. D. Neumann, D. El Khoury et J. Arnould, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Waelbroeck et E. Antypas, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Andreas Kalmár, ancien agent d’Europol, demeurant à Vienne (Autriche), représenté par Me D. Coppens, avocat,

partie demanderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, S. Papasavvas et A. Dittrich (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 juin 2013,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’Office européen de police (Europol) demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 26 mai 2011, Kalmár/Europol (F‑83/09, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt attaqué »), dans la mesure où, d’une part, il annule les décisions d’Europol par lesquelles le contrat à durée déterminée de M. Andreas Kalmár a été résilié et par lesquelles ce dernier a été dispensé de l’obligation d’accomplir son préavis et, d’autre part, il condamne Europol à payer à M. Kalmár des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.

 Faits à l’origine du litige

2        Les faits à l’origine du litige sont énoncés, aux points 5 à 27 de l’arrêt attaqué, dans les termes suivants :

« 5       Le requérant est un ancien agent d’Europol sous contrat à durée déterminée qui avait été recruté le 1er septembre 2006 pour une période expirant le 31 août 2010. Il exerçait les fonctions de sous-directeur au sein du département ‘Gestion de l’information et technologie’ (ci-après le ‘département IMT’) et secondait, à ce titre, M. O., directeur adjoint d’Europol (ci-après le ‘supérieur direct’).

6      Le 19 septembre 2008, le requérant a fait l’objet d’une évaluation satisfaisante. Il ressort, en particulier, de cette évaluation que sa manière de travailler ‘atteigna[i]t le niveau attendu par rapport aux tâches liées à la fonction, aux responsabilités et aux objectifs fixés’, mais qu’un point ‘hautement conflictuel’ résidait dans le fait que le requérant modifiait difficilement son point de vue et son comportement lorsqu’il était convaincu d’avoir raison. Le 20 octobre 2008, le directeur d’Europol lui a, néanmoins, accordé une augmentation de traitement, en considération du bon degré de performance qu’il avait atteint. Il l’a aussi remercié pour le travail accompli dans la lettre l’informant de cette décision. Toutefois, à la suite d’un incident ayant opposé le requérant à un de ses collègues, le directeur d’Europol a déploré, le 24 octobre suivant, son manque de coopération vis-à-vis des autres services de l’Office et a souhaité pouvoir constater à l’avenir une amélioration significative de son comportement.

7      Entre-temps, le 22 septembre 2008, Mme S., expert en informatique et administrateur au sein de l’unité ‘ICT Infrastructure et opérations (IMT 1)’ (ci-après l’‘unité IMT 1’) du département IMT, avait informé le coordinateur de la sécurité d’Europol et le chef de l’unité responsable de la sécurité et des enquêtes internes que son père, chef d’un service de renseignements d’un État membre, était accusé de travailler pour un État tiers et avait été arrêté.

8      Europol a, tout d’abord, décidé de ne pas entreprendre d’enquête interne au sujet de Mme S., aussi longtemps que des informations plus précises ne lui seraient pas communiquées par écrit, mais de procéder, néanmoins, à une évaluation du risque et d’envisager une réduction des droits d’accès de celle-ci aux banques de données.

9      À la suite d’un article publié sur l’affaire dans la presse du 8 décembre 2008, les autorités d’Europol ont maintenu, le même jour, leur décision de ne pas ouvrir d’enquête au motif, notamment, que l’État membre dont l’intéressée était ressortissante avait confirmé l’habilitation de sécurité de celle-ci.

10      Le 15 décembre 2008, le requérant a exposé, dans un courriel adressé à son supérieur direct les inquiétudes que suscitait, pour lui, le maintien de Mme S. dans des fonctions lui donnant accès à l’ensemble des systèmes informatiques et des banques de données d’Europol. Il lui a été répondu qu’aucun indice d’implication de l’intéressée n’avait été relevé.

11      Le 18 décembre 2008, l’État membre dont Mme S. est ressortissante a informé Europol que celle-ci pouvait, éventuellement, se trouver impliquée dans l’affaire d’espionnage mettant en cause son père.

12      Le 19 décembre 2008, le directeur d’Europol a décidé d’accorder un congé à l’intéressée afin de l’éloigner momentanément du service. Le requérant a été chargé de rédiger cette décision qui a été remise, le jour même, à Mme S. au cours d’une réunion à laquelle il a participé.

13      Le 21 décembre 2008, un mandat autorisant une enquête interne à l’égard de Mme S. et instituant une commission d’enquête a été établi au nom du directeur d’Europol. Selon l’Office, en l’absence de ce dernier, ce mandat aurait été signé par un directeur adjoint d’Europol faisant fonction de directeur, après que le directeur en [avait] discuté avec les directeurs adjoints.

14      Le 29 décembre 2008, un des membres de la commission d’enquête a demandé à un agent de l’IMT 1 des renseignements sur Mme S. Cet agent a informé le requérant, qui dirigeait le département IMT en l’absence de son supérieur direct, de l’existence du mandat susvisé. Le requérant a reçu le même jour une copie de ce mandat, lequel était établi au nom du directeur d’Europol, mais n’était pas signé et portait la date du dimanche 21 décembre 2008. Le 29 décembre 2008, toujours, le requérant a mis en cause la légalité de ce mandat et a estimé qu’il posait problème au regard de la protection des données. En conséquence, il a invité l’unité IMT 1 à solliciter l’avis du délégué à la protection des données et chef de l’unité ‘Protection des données personnelles et confidentialité (IMT 7)’ (ci-après l’‘unité IMT 7’) quant à la légitimité de l’enquête administrative sous l’angle de la protection des données personnelles avant de fournir quelque information que ce soit.

15      Le 5 janvier 2009, le requérant a reçu copie d’un courriel de la commission d’enquête invitant les unités IMT 1 et IMT 7 à communiquer une série de renseignements concernant Mme S. Conformément aux instructions qui lui avaient été données par le requérant, l’unité IMT 1 n’a pas donné suite à cette demande dans l’attente de l’avis de l’unité IMT 7.

16      Le délégué à la protection des données a remis son avis le 12 janvier 2009. Prenant en considération le fait que le mandat avait déjà été délivré, il tenait pour acquis que celui-ci avait été établi conformément à la décision [du directeur d’Europol du 1er avril 2008 sur la conduite des enquêtes administratives internes], mais formulait des recommandations afin de garantir que les informations communiquées à la commission d’enquête soient adéquates et pertinentes. Il suggérait, ainsi, que l’unité IMT 1 réponde d’abord aux demandes d’ordre général de la commission d’enquête et que celle-ci examine, ensuite, la nécessité de disposer de tous les renseignements qu’elle avait sollicités.

17      Par courriel du 13 janvier 2009, le requérant a informé le chef de l’unité responsable de la sécurité et des enquêtes internes, lequel était chargé en l’espèce de diriger l’enquête, qu’il ne pouvait, au vu de l’avis susmentionné, donner instruction à l’unité IMT 1 de fournir les renseignements sollicités. Cet avis était joint audit courriel, que le supérieur direct du requérant a reçu en copie.

18      Le 15 janvier 2009, une réunion a été organisée au vu de l’avis du délégué à la protection des données, à laquelle participèrent le requérant, son supérieur direct, le coordinateur de la sécurité d’Europol et le chef de l’unité responsable de la sécurité et des enquêtes internes. Au cours de cette réunion, le requérant a été informé du fait que le mandat autorisant l’enquête avait été signé par un directeur adjoint faisant fonction de directeur, après que le directeur en [avait] discuté avec les directeurs adjoints. Lors de la même réunion, le coordinateur de la sécurité a insisté pour que l’enquête soit réalisée. Le requérant a néanmoins insisté pour obtenir communication de la lettre du 18 décembre 2008 par laquelle l’État membre concerné avait informé Europol de la possible implication de Mme S. dans l’affaire d’espionnage concernant son père, afin que les sous-directeurs puissent être consultés, conformément à la décision [du directeur d’Europol du 1er avril 2008 sur la conduite des enquêtes administratives internes]. Lors d’une autre réunion tenue le même jour, le directeur adjoint faisant fonction de directeur a ordonné directement au chef de l’unité IMT 1 de fournir les informations requises par la commission d’enquête.

19      Le 19 janvier 2009, le requérant a transmis, sous forme électronique, à son supérieur direct l’avis du délégué à la protection des données, du 12 janvier 2009, en veillant à ce que les droits d’accès à ce fichier lui soient accordés et en s’excusant de ne pas l’avoir fait plus tôt.

20      La commission d’enquête a, ensuite, demandé à l’unité IMT 1 de lui fournir la description des fonctions de Mme S. Par courriel du 21 janvier 2009, le requérant a informé le coordinateur de la sécurité que le département IMT ne pouvait accéder à cette demande comme telle, au motif, notamment, que ladite description des fonctions n’avait pas été actualisée et que la commission n’avait pas la compétence nécessaire pour l’apprécier.

21      Le 22 janvier 2009, le directeur adjoint faisant fonction de directeur a enjoint au requérant de ne plus interférer dans le déroulement de l’enquête interne. Le requérant a répondu qu’il avait agi sur instruction de son supérieur direct.

22      Le 30 janvier 2009, le coordinateur de la sécurité d’Europol a adressé un rapport sur les faits qui précèdent au directeur de l’Office.

23      Le 3 février 2009, le directeur d’Europol a convoqué le requérant et lui a reproché d’avoir refusé de collaborer à l’enquête interne, d’avoir incité d’autres agents à en faire autant et de s’être comporté de manière inacceptable à l’égard du chef de l’unité responsable de la sécurité et des enquêtes internes. Le requérant a ensuite exposé son point de vue.

24      Par décision du 4 février 2009, le directeur d’Europol a résilié le contrat du requérant sur la base de l’article 94, paragraphe 1, sous b), du statut [du personnel d’Europol, adopté par acte du Conseil du 3 décembre 1998]. Cette décision, qui a pris effet le 4 mai suivant, est motivée par ‘l’attitude perturbatrice et le manque de coopération du requérant dans le cadre de l’enquête interne’, ainsi que par son comportement ‘irrespectueux et dénigrant’ vis-à-vis de collègues.

25      Le 24 février 2009, le directeur d’Europol a décidé de dispenser le requérant d’exécuter son préavis, tout en maintenant son droit à sa rémunération. Cette décision est motivée [par] le fait que le requérant avait, notamment, communiqué la lettre le licenciant aux membres du conseil d’administration de l’Office, usant ainsi de canaux non sécurisés en dépit du caractère sensible de l’enquête interne à laquelle cette lettre se référait.

26      Le rapport du 30 janvier 2009 sur lequel se fonde la décision du 4 février suivant a été communiqué au conseil du requérant par courrier du 5 mars 2009.

27      Le 6 avril 2009, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre des décisions des 4 et 24 février 2009. Cette réclamation a été rejetée par une décision du 18 juillet 2009 qui, outre les griefs déjà formulés le 4 février 2009, relève que le requérant n’a pas informé ses supérieurs de ses doutes quant à la validité du mandat d’enquête et de ses objections quant aux informations demandées. »

 Procédure en première instance et arrêt attaqué

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 15 octobre 2009, M. Kalmár a introduit un recours qui a été enregistré sous la référence F‑83/09.

4        M. Kalmár a conclu, en première instance, à ce qu’il plaise au Tribunal de la fonction publique (point 28 de l’arrêt attaqué) :

–        annuler les décisions des 4 et 24 février 2009 ainsi que la décision du 18 juillet 2009 rejetant sa réclamation et ordonner à Europol de lui permettre de reprendre ses activités ;

–        condamner Europol au paiement de son traitement calculé à partir de la date à laquelle il a été indûment mis fin au contrat, jusqu’à la date à laquelle le contrat prendra valablement fin ;

–        condamner Europol au paiement de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

–        condamner Europol aux dépens.

5        Europol a conclu, en première instance, à ce que le Tribunal de la fonction publique rejette le recours comme non fondé et condamne M. Kalmár aux dépens (point 29 de l’arrêt attaqué).

6        S’agissant de l’objet de la demande d’annulation de la décision du 4 février 2009 par laquelle le directeur d’Europol a résilié le contrat à durée déterminée de M. Kalmár, de la décision du 24 février 2009 par laquelle ce directeur a dispensé l’intéressé de l’obligation d’accomplir son préavis ainsi que de la décision du 18 juillet 2009 rejetant sa réclamation (ci-après les « décisions litigieuses »), le Tribunal de la fonction publique a énoncé, aux points 31 à 34 de l’arrêt attaqué, ce qui suit :

« 31      S’agissant de la demande tendant à ce que la décision du 18 juillet 2009 soit annulée, il convient d’observer que la procédure précontentieuse instituée par les articles 92 et 93 du statut [du personnel d’Europol] est similaire à celle organisée par les articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne. Aussi y a-t-il lieu de rappeler que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal [de la fonction publique] de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8; arrêt du Tribunal de première instance du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, point 43; arrêt du Tribunal [de la fonction publique] du 11 décembre 2008, Reali/Commission, F‑136/06, point 37).

32      En l’espèce, il importe de noter que la décision du 18 juillet 2009 rejetant la réclamation du requérant a confirmé les griefs déjà formulés le 4 février 2009, tout en relevant aussi que celui-ci n’avait pas informé ses supérieurs de ses doutes quant à la validité du mandat d’enquête et de ses objections quant aux informations demandées dans ce cadre.

33      Or, une décision explicite de rejet de la réclamation qui se borne à révéler, de manière détaillée, les motifs de la confirmation de la décision antérieure en n’y apportant, comme en l’espèce, que des précisions complémentaires ne constitue pas un acte faisant grief (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 7 juin 2005, Cavallaro/Commission, T‑375/02, point 65), l’identification concrète des motifs de l’administration devant alors résulter d’une lecture combinée des décisions initiale et de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Eveillard/Commission, T‑258/01, point 31).

34      Dès lors, il y a lieu de considérer que les conclusions en annulation sont dirigées uniquement contre les décisions des 4 et 24 février 2009, dont les motifs ont été précisés par la décision du 18 juillet 2009. »

7        S’agissant des conclusions en annulation, le Tribunal de la fonction publique a, aux points 37 et 38 de l’arrêt attaqué, énoncé les observations liminaires suivantes quant aux moyens invoqués à l’appui de ces conclusions :

« 37      Le requérant soulève trois moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 94 du statut [du personnel d’Europol], le deuxième, de la ‘violation de la réglementation et des prescriptions en matière de procédure applicables au sein d’Europol’ et, le troisième, de l’insuffisance de la motivation.

38      Il ressort, toutefois, des développements de la requête que, sous le couvert de ces trois moyens, le requérant reproche, d’une part, à l’Office d’avoir manqué à son obligation de procéder avec soin à un examen complet et circonstancié des faits qui lui ont été reprochés et, d’autre part, une violation des droits de la défense. »

8        Aux points 63 à 75 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a examiné le grief tiré de ce qu’Europol aurait manqué à son obligation de procéder avec soin à un examen complet et circonstancié des faits, dans les termes suivants :

« 63      Il convient de rappeler qu’une mesure ne peut être légalement prise à l’encontre d’un fonctionnaire qu’au vu de faits dont la réalité a été préalablement établie (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 16 octobre 1998, V/Commission, T‑40/95, point 49). De plus, toute autorité est tenue de se prononcer en pleine connaissance de cause (voir, par exemple, arrêts du Tribunal de première instance du 30 novembre 1993, Perakis/Parlement, T‑78/92, point 15, et du 30 juin 2005, Branco/Commission, T‑347/03, point 108) et au terme d’un examen circonstancié de tous les éléments pertinents, de sorte que cet examen doit être effectué avec soin et impartialité (arrêts du Tribunal de première instance Perakis/Parlement, précité, point 16; du 8 mai 2001, Caravelis/Parlement, T‑182/99, point 32, et du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, T‑413/03, point 63).

64      Les exigences rappelées au point précédent s’imposent également à l’autorité habilitée à conclure les contrats lorsqu’elle exerce le pouvoir tiré de l’article 94, paragraphe 1, sous b), du statut [du personnel d’Europol] de résilier de manière anticipée le contrat d’un agent sous contrat à durée déterminée.

65      Le Tribunal [de la fonction publique] constate, à cet égard, que, en substance, Europol a fondé la décision du 4 février 2009 sur deux griefs. Europol a reproché au requérant, en premier lieu, d’avoir, de sa propre initiative, adopté au cours de l’enquête interne concernant Mme S. une attitude formaliste incompatible avec le devoir de coopération et d’assistance incombant aux agents en vertu de l’article 17, paragraphe 1, du statut [du personnel d’Europol] et, en second lieu, d’avoir adopté un comportement désobligeant envers ses collègues chargés de ladite enquête.

66      S’agissant, d’une part, de la prétendue attitude formaliste du requérant, il convient de constater, premièrement, que, le 29 décembre 2008, celui-ci a donné instruction à des agents de l’unité IMT 1 de ne pas fournir d’informations à la commission d’enquête dans la mesure où la conformité aux règles internes du mandat instituant cette commission n’était pas établie et dans la mesure où la demande de la commission d’enquête suscitait des doutes quant à sa conformité aux règles applicables en matière de protection des données. Deuxièmement, le 13 janvier 2009, le requérant s’est, à nouveau, abstenu de donner instruction à l’unité IMT 1 de fournir des renseignements demandés par la commission d’enquête, alors que le délégué à la protection des données avait suggéré de répondre, en tous cas, aux demandes d’ordre général de cette dernière, laissant à celle-ci le soin d’apprécier, ensuite, la nécessité de disposer de tous les autres renseignements qu’elle avait sollicités. Troisièmement, le 15 janvier 2009, arguant de ce que les sous-directeurs devaient être consultés avant toute enquête administrative, le requérant a requis la communication de la lettre du 18 décembre 2008 par laquelle l’État membre concerné avait informé Europol de la possible implication de Mme S. dans l’affaire d’espionnage concernant son père. Quatrièmement, le requérant a, de nouveau, refusé sa collaboration le 21 janvier 2009 en s’opposant à ce que la description des fonctions de Mme S. soit transmise, telle quelle, à la commission d’enquête.

67      Toutefois, même si l’enquête interne se déroulait dans un contexte exceptionnel susceptible d’affecter la sécurité des banques de données d’Europol, il y a lieu d’observer que, compte tenu de la nature des investigations entreprises par la commission d’enquête, lesquelles portaient notamment sur des échanges de courriels et des communications téléphoniques avec des tiers, le requérant était fondé, le 29 décembre 2008, à s’interroger sur la légalité de la procédure dans la mesure où il n’avait pas été consulté sur l’enquête interne, en méconnaissance de la décision [du directeur d’Europol du 1er avril 2008 sur la conduite des enquêtes administratives internes] et où le mandat qui lui avait été transmis initialement n’était pas signé et portait une date correspondant à un dimanche.

68      Il importe, néanmoins, de constater que le requérant a maintenu une attitude plus rigoureuse que celle suggérée par le délégué à la protection des données dans son avis du 12 janvier 2009 et qu’il a persisté à émettre des objections à l’encontre de l’enquête malgré les explications qui lui avaient été fournies lors d’une réunion tenue le 15 janvier 2009.

69      S’agissant, par ailleurs, du fait que le requérant aurait agi sans demander d’instructions à son supérieur direct, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 17, troisième alinéa, du statut [du personnel d’Europol], l’agent, confronté à un ordre qu’il estime irrégulier, doit faire part de son opinion à son supérieur hiérarchique, sans pour autant être tenu de le faire par écrit.

70      Le requérant prétend, à cet égard, que, durant le congé de son supérieur direct, il a régulièrement informé celui-ci par téléphone des développements de l’affaire concernant Mme S. Si le Tribunal [de la fonction publique] ne peut tenir pour acquise une telle affirmation qui n’est pas étayée, il convient de relever qu’à l’audience Europol a reconnu que le directeur adjoint, responsable du département IMT, qui était le supérieur direct du requérant, avait eu, avec ce dernier, le 29 décembre 2008, une conversation téléphonique concernant la situation du service. En outre, il ressort du dossier que le supérieur direct a participé aux réunions tenues le 15 janvier 2009 au cours desquelles le requérant a exposé son point de vue et a sollicité la communication de la lettre du 18 décembre 2008 informant Europol de la possible implication de Mme S. De plus, le requérant a transmis, le 19 janvier 2009, à son supérieur direct l’avis du délégué à la protection des données, du 12 janvier 2009, tout en s’excusant de ne pas avoir veillé plus tôt à ce que les droits d’accès à ce fichier lui soient accordés. Il avait également adressé en copie à son supérieur direct le courriel du 13 janvier 2009 par lequel il exposait ne pouvoir, au vu de cet avis, donner instruction à l’unité IMT 1 de fournir les renseignements demandés par la commission d’enquête. Le dossier révèle en outre que le requérant a adressé également à son supérieur direct une copie du courriel du 21 janvier 2009 par lequel il informait le coordinateur de la sécurité que le département IMT ne pouvait fournir, telle quelle, la description des fonctions de Mme S.

71      Il est vrai que le requérant n’a jamais demandé formellement d’instructions à sa hiérarchie, alors qu’Europol était confronté à une situation exceptionnelle. Toutefois, le requérant a pu se sentir conforté dans sa manière d’agir dès lors que son supérieur direct, n’a pas réagi aux courriels susmentionnés, alors même que ladite situation justifiait une attention particulière de sa part, et que celui-ci n’apparaît pas avoir désapprouvé l’attitude du requérant durant les réunions auxquelles ils avaient assisté. Il importe de relever, au demeurant, qu’à l’audience Europol a exposé que ce directeur adjoint n’avait fait l’objet d’aucune mesure à la suite de l’affaire relative à Mme S. De plus, il ne ressort pas du dossier qu’un des supérieurs hiérarchiques du requérant ait contesté la demande, formulée par celui-ci lors d’une réunion tenue le 15 janvier 2009, tendant à ce que la lettre informant Europol de la possible implication de Mme S. soit communiquée aux sous-directeurs conformément à la décision [du directeur d’Europol du 1er avril 2008 sur la conduite des enquêtes administratives internes].

72      S’agissant, d’autre part, du comportement du requérant à l’égard de ses collègues chargés de l’enquête interne, il est vrai que celui-ci aurait pu simplement accompagner la transmission des informations demandées de réserves quant à la fiabilité de la description des fonctions exercées par Mme S. Toutefois, il y a lieu d’observer que, dans son courriel du 21 janvier 2009, celui-ci s’est limité à douter de leurs compétences pour apprécier les fonctions hautement spécialisées de Mme S., sans pour autant les dénigrer. En effet, le requérant indiquait, dans ce courriel, que la description des fonctions de l’intéressée n’avait pas été mise à jour et estimait que comparer cette description des fonctions aux tâches réellement accomplies conduirait à une mauvaise évaluation des faits. Le requérant ajoutait avoir pleinement confiance dans le professionnalisme et l’impartialité de la commission d’enquête et considérait seulement que ses membres n’avaient pas la compétence nécessaire pour évaluer le travail accompli par Mme S. sur la base de la description de ses fonctions.

73      Il ressort de la décision du 4 février 2009 que celle-ci est également fondée sur l’attitude du requérant en réunion le 15 janvier 2009. Le requérant ne conteste pas ce grief et Europol relève, à juste titre, que le directeur de l’Office avait, le 24 octobre 2008, déjà mis en garde le requérant contre son manque d’esprit d’équipe, un tel rappel à l’ordre ne nécessitant pas une procédure disciplinaire.

74      Au vu de tout ce qui précède, il apparaît que, si le comportement du requérant présentait des aspects répréhensibles, Europol n’a pas pris avec soin en considération le fait que l’intéressé n’avait pas été consulté sur la nécessité d’ouvrir une enquête interne, en méconnaissance de la décision [du directeur d’Europol du 1er avril 2008 sur la conduite des enquêtes administratives internes], le fait que le mandat qui lui avait été initialement remis n’était pas signé et portait la date d’un dimanche, ainsi que l’ampleur des renseignements demandés par la commission d’enquête, toutes circonstances qui ont pu, un temps, susciter des doutes dans l’esprit du requérant quant à la légalité de l’enquête. De plus, et surtout, Europol n’a pas tenu compte du fait que le supérieur direct du requérant n’avait en rien réagi aux courriels que celui-ci lui avait adressés en copie et qui exposaient ses réticences envers l’enquête en question. Par ailleurs, Europol a donné au courriel du requérant du 21 janvier 2009 un caractère injurieux qui n’est manifestement pas établi. Enfin, si Europol a tenu compte de la mise en garde adressée le 24 octobre 2008 au requérant, l’Office n’a pas pris en considération le fait que celui-ci avait fait l’objet d’une évaluation satisfaisante le 19 septembre 2008 et qu’une augmentation de traitement lui avait été accordée le 20 octobre suivant au vu de ses performances.

75      Il s’ensuit que des éléments de fait pertinents et non négligeables n’ont pas fait l’objet, avec soin, d’un examen complet et circonstancié par Europol lors de l’adoption de sa décision de licencier le requérant. »

9        Le Tribunal de la fonction publique a finalement conclu, au point 77 de l’arrêt attaqué, qu’il y avait lieu d’annuler la décision du 4 février 2009 sans qu’il soit besoin d’examiner le second grief, tiré d’une violation des droits de la défense. Selon le Tribunal de la fonction publique (point 78 de l’arrêt attaqué), par voie de conséquence, il y avait également lieu d’annuler la décision du 24 février 2009 par laquelle le directeur d’Europol avait dispensé M. Kalmár de l’obligation d’accomplir son préavis, cette décision trouvant son fondement dans celle du 4 février 2009.

10      Le Tribunal de la fonction publique a ainsi annulé la décision du 4 février 2009 par laquelle le directeur d’Europol avait résilié le contrat à durée déterminée de M. Kalmár, la décision du 24 février 2009 par laquelle ce directeur avait dispensé l’intéressé de l’obligation d’accomplir son préavis ainsi que la décision du 18 juillet 2009 rejetant sa réclamation.

11      S’agissant des conclusions en indemnité, le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 83 de l’arrêt attaqué, que la résiliation du contrat de M. Kalmár avait fait suite à des reproches sévères et qu’elle équivalait, par ses effets, à la sanction disciplinaire la plus élevée. Dans ces circonstances, cette résiliation aurait pu jeter le discrédit sur sa personne. De plus, selon le Tribunal de la fonction publique, l’épreuve que constitue tout licenciement s’était trouvée aggravée par le fait que cette résiliation avait été décidée sans que Europol ait procédé avec soin à un examen complet et circonstancié de la cause, alors même que la gravité de ses conséquences aurait appelé une attention particulière.

12      Par conséquent, il a condamné Europol à payer à M. Kalmár une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi.

13      Le recours a été rejeté pour le surplus.

 Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

14      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 11 août 2011, Europol a formé le présent pourvoi. Le 21 octobre 2011, M. Kalmár a déposé le mémoire en réponse.

15      Par lettre déposée le 31 octobre 2011, Europol a introduit une demande visant à être autorisé à déposer un mémoire en réplique.

16      Par décision du 25 novembre 2011, le président de la chambre des pourvois a fait droit à cette dernière demande.

17      Le 12 janvier 2012, Europol a déposé le mémoire en réplique.

18      Le 27 février 2012, M. Kalmár a déposé le mémoire en duplique.

19      Par lettre déposée le 30 mars 2012, Europol a formulé une demande au titre de l’article 146 du règlement de procédure du Tribunal, aux fins d’être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure.

20      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a fait droit à cette dernière demande et a ouvert la procédure orale.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 25 juin 2013.

22      Europol conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’arrêt attaqué et statuer sur le litige dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique :

–        a annulé les décisions litigieuses ;

–        l’a condamné à payer à M. Kalmár une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

–        l’a condamné à l’ensemble des dépens ;

–        condamner M. Kalmár à l’ensemble des dépens de la procédure en première instance et de la procédure en pourvoi.

23      M. Kalmár conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer les demandes d’Europol irrecevables ;

–        en tout état de cause, rejeter les demandes d’Europol et confirmer l’arrêt attaqué ;

–        condamner Europol aux dépens des deux instances.

 Sur le pourvoi

24      À l’appui du pourvoi, Europol soulève six moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’interdiction de statuer ultra petita et d’une violation des droits de la défense. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit lors de l’appréciation de la légalité des décisions litigieuses. Le troisième moyen est tiré d’une erreur de droit relative à la qualification de la décision du 18 juillet 2009 rejetant la réclamation de M. Kalmár. Le quatrième moyen est tiré de diverses erreurs commises dans l’appréciation qui est au fondement de l’arrêt attaqué. Le cinquième moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation. Le sixième moyen est tiré de l’attribution erronée de dommages et intérêts.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’interdiction de statuer ultra petita et d’une violation des droits de la défense

25      Europol fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a violé, aux points 37 et 38 de l’arrêt attaqué, l’interdiction de statuer ultra petita et ses droits de la défense en ce qu’il se serait prononcé sur la légalité de la décision de licenciement sur la base des moyens qui n’auraient pas été avancés par M. Kalmár. Selon lui, alors que M. Kalmár avait demandé l’annulation des décisions litigieuses sur la base d’une prétendue appréciation erronée des faits sous-jacents, le Tribunal de la fonction publique se serait prononcé sur la question de savoir s’il avait été procédé avec soin à un examen complet et circonstancié de tous les facteurs pertinents lors de l’adoption de sa décision de licenciement. Étant donné que la requalification des griefs de M. Kalmár serait apparue pour la première fois dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique aurait violé le principe du contradictoire.

26      Il convient de relever que le Tribunal de la fonction publique n’a ni statué ultra petita ni violé les droits de la défense d’Europol en considérant, au point 38 de l’arrêt attaqué, que M. Kalmár avait reproché à Europol d’avoir manqué à son obligation de procéder avec soin à un examen complet et circonstancié des faits qui lui avaient été reprochés. En effet, M. Kalmár a soulevé dans la requête en première instance, en tant que troisième moyen, l’insuffisance de motivation de la décision de licenciement. Il a précisé, à cet égard, que cette décision ne pouvait être étayée par les faits, qu’elle manquait de fondement et d’une motivation suffisante. Par la suite, il a fait valoir que la motivation de la décision de licenciement aurait dû dans son ensemble être fondée sur des faits soigneusement et correctement établis. Selon lui, Europol s’est servi d’arguments contraires à la vérité ou qui du moins ne correspondraient pas aux faits. Il a affirmé qu’Europol avait fait, à cet effet, une présentation tronquée des faits. En outre, s’agissant de son comportement, il a souligné qu’Europol avait été particulièrement négligent dans sa constatation des faits. De plus, il a fait valoir qu’Europol aurait pu disposer de faits soigneusement établis en menant une enquête interne pour analyser les circonstances exactes de la présente affaire, ce qu’il n’aurait pourtant pas fait. À cet égard, il a fait valoir une violation du principe de diligence. Par ailleurs, s’agissant de la décision du 18 juillet 2009 rejetant sa réclamation, M. Kalmár a souligné qu’elle n’était pas étayée par des faits dûment établis et manquait donc de fondement factuel.

27      L’argumentation figurant dans la requête en première instance, mentionnée au point 26 ci-dessus, fait donc clairement apparaître que M. Kalmár ne visait pas seulement à établir une violation de l’obligation de motivation des décisions litigieuses, mais également une violation de l’obligation de procéder avec soin à un examen complet et circonstancié des faits.

28      Contrairement à ce qu’allègue Europol, cette conclusion n’est pas remise en cause par l’utilisation du terme « toutefois » entre la mention, au point 37 de l’arrêt attaqué, des moyens soulevés dans les termes utilisés dans la requête en première instance et le récapitulatif de ces moyens figurant au point 38 de l’arrêt attaqué. En effet, en utilisant le terme « toutefois », le Tribunal de la fonction publique a souligné, à juste titre, que les termes utilisés dans la requête en première instance, mentionnés au point 37 de l’arrêt attaqué, ne comprenaient pas de manière suffisante les développements figurant dans cette requête.

29      S’agissant, plus précisément, de l’argumentation d’Europol selon laquelle le Tribunal de la fonction publique a violé ses droits de la défense, dont le principe du contradictoire, étant donné que l’affirmation d’une violation de l’obligation de procéder avec soin à un examen complet et circonstancié des faits n’aurait pas été exprimée dans le rapport préparatoire d’audience, il convient de relever qu’il est vrai que le Tribunal de la fonction publique a invité les parties en première instance, dans ledit rapport, à concentrer leurs plaidoiries sur le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation. Toutefois, il ressort de ce rapport que, selon le Tribunal de la fonction publique, M. Kalmár a notamment invoqué une inexactitude matérielle des faits qui lui avaient été reprochés ainsi qu’une erreur manifeste d’appréciation. Rien n’empêchait les parties d’exprimer, lors de l’audience en première instance, leurs points de vue sur tous les aspects relatifs à une inexactitude matérielle des faits et une erreur manifeste d’appréciation mentionnés pendant la procédure écrite en première instance.

30      Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit relative à l’appréciation de la légalité des décisions litigieuses

31      Europol fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit, aux points 37 et 38 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il a examiné si Europol avait procédé avec soin à un examen complet et circonstancié des faits. En effet, étant donné que l’administration disposerait en la matière d’un large pouvoir d’appréciation, seuls les cas où ce devoir de diligence n’a manifestement pas été respecté par l’administration pourraient être sanctionnés.

32      Par ce moyen, Europol fait donc valoir, en substance, que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit en dépassant les limites de son pouvoir de contrôle.

33      À cet égard, il convient de relever que, si l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, pour l’administration compétente, l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 septembre 2009, ETF/Landgren, T‑404/06 P, Rec. p. II‑2841, point 163, et la jurisprudence citée).

34      En l’espèce, il ressort des points 63 et 75 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a examiné si Europol avait effectué, avec soin et impartialité, un examen circonstancié de tous les éléments pertinents lors de l’adoption de sa décision de licencier M. Kalmár. Ce faisant, le Tribunal de la fonction publique a examiné, à bon droit, si Europol était resté dans les limites de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI, T‑223/99, RecFP p. I‑A‑277 et II‑1267, point 54).

35      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, au point 63 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique s’est référé notamment aux arrêts du Tribunal du 8 mai 2001, Caravelis/Parlement (T‑182/99, Rec. p. II‑1313, point 32), et du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil (T‑413/03, Rec. p. II‑2243, point 63), afin de motiver son examen. Or, dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts, l’administration concernée disposait précisément d’un large pouvoir d’appréciation (arrêts Caravelis/Parlement, précité, point 30, et Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, précité, point 63).

36      Enfin, Europol affirme que, lors de l’appréciation de la question de savoir s’il avait examiné tous les éléments pertinents, le Tribunal de la fonction publique s’est fondé sur le manque de référence à ces éléments dans la motivation de la décision de licenciement elle-même, bien que l’administration n’ait pas été tenue de répondre à tous les arguments avancés par le fonctionnaire et que l’absence de réponse dans la motivation de cette décision n’ait pas constitué une base suffisante pour conclure à une motivation déficiente.

37      À cet égard, il convient de relever que le Tribunal de la fonction publique n’a pas conclu à une insuffisance de motivation et qu’il n’a pas annulé les décisions litigieuses en raison d’un non-respect de la formalité substantielle que constitue l’obligation de motivation, mais en raison de l’absence d’un examen, effectué avec soin, complet et circonstancié des éléments de fait pertinents et non négligeables. L’argumentation d’Europol et, par conséquent, le deuxième moyen doivent donc être rejetés.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit relative à la qualification de la décision rejetant la réclamation

38      Europol fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit, aux points 30 à 34 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il a jugé que la décision du 18 juillet 2009 rejetant la réclamation ne constituait pas en soi un acte faisant grief. Étant donné que cette décision contiendrait un nouvel élément, à savoir le fait que M. Kalmár a pris l’initiative d’informer Mme S. de l’existence d’une enquête administrative à son égard, sur la base duquel la situation de M. Kalmár aurait été examinée une nouvelle fois, le Tribunal de la fonction publique aurait dû qualifier cette décision d’acte faisant grief. La décision du 18 juillet 2009 n’aurait donc pas dû subir le même sort que les décisions des 4 et 24 février 2009 et aurait dû être examinée à la lumière de ce nouvel élément de fait qui aurait constitué en soi une base suffisante pour licencier M. Kalmár.

39      Il convient de relever qu’Europol fait une lecture erronée des points 30 à 34 de l’arrêt attaqué en considérant, en substance, que la décision du 18 juillet 2009 a subi le même sort que les décisions des 4 et 24 février 2009 et que son contenu n’a pas été examiné par le Tribunal de la fonction publique.

40      En effet, s’il est vrai que le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 34 de l’arrêt attaqué, que les conclusions en annulation en première instance avaient été dirigées uniquement contre les décisions des 4 et 24 février 2009, il n’en demeure pas moins qu’il a, à ce même point de l’arrêt attaqué, conclu que les motifs de ces décisions avaient été précisés dans la décision du 18 juillet 2009. Le Tribunal de la fonction publique a donc également tenu compte, lors de son examen de la décision de licenciement, des motifs contenus dans la décision du 18 juillet 2009.

41      Ce faisant, le Tribunal de la fonction publique a, à juste titre, suivi la jurisprudence selon laquelle des conclusions dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le juge de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée et sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome. Il résulte de cette jurisprudence que la demande d’annulation des décisions des 4 et 24 février 2009 ainsi que la demande d’annulation de la décision du 18 juillet 2009 rejetant la réclamation avaient pour unique objet une demande d’annulation des décisions des 4 et 24 février 2009 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, Rec. p. II‑1173, point 43, et la jurisprudence citée). De plus, selon cette jurisprudence, dans la mesure où la décision du 18 juillet 2009 rejetant la réclamation a introduit des précisions concernant les griefs finalement retenus à l’encontre de M. Kalmár, l’identification concrète des griefs formulés à l’endroit de ce dernier devait résulter d’une lecture combinée des décisions des 4 et 24 février 2009 ainsi que de celle du 18 juillet 2009 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 juin 2004, Eveillard/Commission, T‑258/01, RecFP p. I‑A‑167 et II‑747, point 31).

42      Au vu de ce qui précède, l’argumentation d’Europol, selon laquelle le Tribunal de la fonction publique a erronément considéré que la décision du 18 juillet 2009 ne constituait pas un acte faisant grief, doit être écartée comme inopérante. En effet, même à supposer que le Tribunal de la fonction publique ait erronément considéré, au point 33 de l’arrêt attaqué, que cette décision ne constituait pas un acte faisant grief, il ressort clairement du point 34 de l’arrêt attaqué qu’il a examiné les motifs des décisions des 4 et 24 février 2009 tels que précisés dans la décision du 18 juillet 2009. La question de savoir si la décision du 18 juillet 2009 constituait un acte faisant grief aurait été pertinente seulement dans le cas où le recours contre les décisions des 4 et 24 février 2009 aurait été rejeté comme tardif. Dans un tel cas, la qualification de la décision rejetant la réclamation aurait donc pu emporter réouverture des délais de recours contentieux (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑338/00 et T‑376/00, RecFP p. I‑A‑301 et II‑1457, points 34 et 35, et du 14 octobre 2004, Sandini/Cour de justice, T‑389/02, RecFP p. I‑A‑295 et II‑1339, point 49). Tel n’est cependant pas le cas en l’espèce.

43      Par ailleurs, il convient de constater qu’il ressort du dossier en première instance et notamment du point 58 de l’arrêt attaqué, qui n’est pas contesté par Europol, que ce dernier n’a pas fondé sa décision de licenciement sur le fait que M. Kalmár avait pris l’initiative d’informer Mme S. de l’existence d’une enquête administrative à son égard, mais qu’il a, en reprochant ce fait pour la première fois à M. Kalmár dans sa décision rejetant la réclamation, seulement tenu compte d’une affirmation figurant dans la réclamation.

44      Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de diverses erreurs commises dans l’appréciation qui est au fondement de l’arrêt attaqué

45      Europol fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a commis, aux points 65 à 67 de l’arrêt attaqué, diverses erreurs lors de son appréciation selon laquelle Europol n’a pas tenu compte ou pas suffisamment tenu compte de certains faits importants et non négligeables lors de l’adoption de la décision de licenciement.

 Sur la première branche, relative à la consultation préalable de M. Kalmár à propos du mandat autorisant une enquête

46      Europol fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, aux points 67 et 74 de l’arrêt attaqué, que M. Kalmár était fondé à s’interroger sur la légalité du mandat autorisant une enquête, étant donné qu’en tant que sous-directeur il n’aurait pas été consulté sur l’enquête interne, en méconnaissance de la décision du directeur d’Europol du 1er avril 2008 sur la conduite des enquêtes administratives internes (ci-après la « décision du 1er avril 2008 »). Europol souligne que, en l’espèce, une consultation préalable des sous-directeurs n’était pas nécessaire et que, en tout état de cause, une telle consultation avait eu lieu.

47      En premier lieu, s’agissant de l’affirmation de M. Kalmár selon laquelle cette argumentation est irrecevable, il convient de rappeler que, en l’espèce, le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 67 de l’arrêt attaqué, que M. Kalmár était fondé à s’interroger sur la légalité de la procédure notamment dans la mesure où il n’avait pas été consulté sur l’enquête interne, en méconnaissance de la décision du 1er avril 2008. Au point 74 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a considéré qu’Europol n’avait pas pris en considération avec soin le fait que l’intéressé n’avait pas été consulté sur la nécessité d’ouvrir une enquête interne, en méconnaissance de la décision du 1er avril 2008. En faisant valoir une erreur manifeste d’appréciation à l’égard de ces faits, Europol ne vise pas l’appréciation des faits, mais reproche, en substance, au Tribunal de la fonction publique d’avoir commis une erreur de droit et dénaturé les faits. Contrairement à ce qu’allègue M. Kalmár, l’argumentation d’Europol est donc recevable.

48      En deuxième lieu, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a jugé qu’une consultation des sous-directeurs était nécessaire en vertu de la décision du 1er avril 2008, annexée à la requête en première instance, afin d’ouvrir une enquête interne. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de cette décision, auquel le Tribunal de la fonction publique s’est référé au point 4 de l’arrêt attaqué, la question de savoir si une telle enquête doit être ouverte est soumise aux sous-directeurs pour évaluation préliminaire. Contrairement à ce qu’allègue Europol, une telle consultation des sous-directeurs n’est pas exclue en vertu de l’article 4 de ladite décision. Cette dernière disposition prévoit, en particulier, que le mandat pour mener une enquête administrative doit être approuvé par le directeur d’Europol.

49      En troisième lieu, il y a lieu de rejeter l’argumentation d’Europol selon laquelle le Tribunal de la fonction publique n’a pas tenu compte du fait qu’une consultation préalable des sous-directeurs avait eu lieu en décembre 2008. Europol se réfère, à cet égard, au rapport préparatoire d’audience en première instance dont il ressortirait qu’Europol avait décidé tout d’abord de ne pas mener d’enquête interne tant qu’il manquait des informations écrites complémentaires. Il convient de relever que le point 8 de l’arrêt attaqué reflète cette considération dudit rapport en énonçant qu’Europol avait, tout d’abord, décidé de ne pas entreprendre d’enquête interne au sujet de Mme S., aussi longtemps que des informations plus précises ne lui seraient pas communiquées par écrit, mais de procéder, néanmoins, à une évaluation du risque et d’envisager une réduction des droits d’accès de celle-ci aux banques de données. Or, force est de constater qu’il ne ressort ni du rapport préparatoire d’audience en première instance ni du point 8 de l’arrêt attaqué que M. Kalmár et les autres sous-directeurs d’Europol aient été consultés, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la décision du 1er avril 2008.

50      En quatrième lieu, en ce qui concerne l’argumentation d’Europol selon laquelle il n’appartenait pas au Tribunal de la fonction publique de se prononcer sur la légalité du mandat en considérant, au point 67 de l’arrêt attaqué, que M. Kalmár était fondé, le 29 décembre 2008, à s’interroger sur la légalité de la procédure, il convient de relever qu’Europol fait une lecture erronée de ce point. En effet, audit point, le Tribunal de la fonction publique ne s’est pas prononcé sur la légalité de la procédure. Ainsi qu’il ressort du point 74 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique s’est prononcé sur la question de savoir si, dans l’esprit de M. Kalmár le 29 décembre 2008, les circonstances mentionnées au point 67 de l’arrêt attaqué ont pu susciter des doutes quant à la légalité de la procédure. L’argumentation d’Europol à cet égard doit donc être écartée.

51      La première branche du présent moyen doit donc être rejetée.

 Sur la deuxième branche, relative à l’absence de réaction du supérieur direct de M. Kalmár

52      Europol fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur en considérant, au point 74 de l’arrêt attaqué, qu’Europol n’avait pas tenu compte du fait que le supérieur direct de M. Kalmár n’avait en rien réagi aux courriels que celui-ci lui avait adressés en copie et qui exposaient ses réticences envers l’enquête en question. En outre, l’arrêt attaqué serait entaché d’une motivation insuffisante à cet égard.

53      En premier lieu, Europol affirme que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit, étant donné qu’il a violé le principe selon lequel il est interdit de faire peser sur une partie la charge d’une preuve de caractère purement négatif. En l’espèce, il aurait été demandé à Europol de prouver que le mandat autorisant une enquête n’avait pas été discuté au cours de la conversation téléphonique entre M. Kalmár et son supérieur direct le 29 décembre 2009, ce qu’il aurait été impossible de démontrer.

54      À cet égard, il convient de relever qu’Europol fait une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, au point 74 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a considéré qu’Europol n’avait pas tenu compte du fait que le supérieur direct de M. Kalmár n’avait en rien réagi aux courriels que celui-ci lui avait adressés en copie et qui exposaient ses réticences envers l’enquête en question. Ainsi qu’il ressort du point 70 de l’arrêt attaqué, ces courriels dataient des 13 et 21 janvier 2009. La conversation téléphonique ayant eu lieu le 29 décembre 2008, donc avant que M. Kalmár n’ait adressé ces courriels à son supérieur direct, il est évident que la question de la preuve du contenu de celle-ci n’était pas pertinente afin de constater que ce supérieur direct n’avait pas réagi aux courriels en cause. Par conséquent, dès lors que le point 74 de l’arrêt attaqué n’est aucunement fondé sur le contenu de ladite conversation téléphonique, l’argumentation d’Europol doit être rejetée comme manifestement inopérante.

55      En deuxième lieu, Europol fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur en attachant une importance disproportionnée au manque avéré d’instructions claires de la part du supérieur direct de M. Kalmár, étant donné que ce dernier aurait reçu de telles instructions de deux personnes plus haut placées dans la hiérarchie au sein d’Europol, à savoir le directeur d’Europol faisant fonction ainsi que le directeur adjoint du département « Corporate Governance » (gouvernement d’entreprise) et coordinateur de la sécurité d’Europol. En effet, le 15 janvier 2009, M. Kalmár aurait reçu une copie du mandat signé, et ce directeur adjoint aurait insisté pour que l’enquête commence. Le même jour, le directeur faisant fonction aurait aussi enjoint à M. Kalmár d’entamer l’enquête. En outre, par courriel du 22 janvier 2009, le directeur faisant fonction aurait donné instruction à M. Kalmár de ne plus intervenir dans le déroulement de l’enquête.

56      Il convient de relever que le Tribunal de la fonction publique a examiné, aux points 63 à 75 de l’arrêt attaqué, si Europol avait manqué à son obligation de procéder avec soin à un examen complet et circonstancié des faits. Au point 75 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a conclu que des éléments de fait pertinents et non négligeables n’avaient pas fait l’objet, avec soin, d’un examen complet et circonstancié par Europol lors de l’adoption de sa décision de licencier M. Kalmár. Il a fondé cette conclusion notamment sur la constatation, figurant au point 74 de l’arrêt attaqué, selon laquelle Europol n’avait pas tenu compte du fait que le supérieur direct de M. Kalmár n’avait en rien réagi aux courriels que celui-ci lui avait adressés en copie et qui exposaient ses réticences envers l’enquête en question. En affirmant que M. Kalmár aurait reçu des instructions de deux personnes plus haut placées dans la hiérarchie au sein d’Europol, ce dernier ne remet aucunement en cause la constatation du Tribunal de la fonction publique selon laquelle Europol n’a pas tenu compte d’un élément de fait pertinent et non négligeable, à savoir le fait que le supérieur direct de M. Kalmár n’avait en rien réagi auxdits courriels. Par conséquent, l’argumentation d’Europol à cet égard doit être rejetée.

57      En troisième lieu, Europol fait valoir que la motivation de l’arrêt attaqué est insuffisante en ce qui concerne l’absence de toute réaction de la part du supérieur direct de M. Kalmár.

58      D’une part, Europol soutient que le Tribunal de la fonction publique n’explique pas la raison pour laquelle l’absence de toute réaction de la part du supérieur direct de M. Kalmár aurait une plus grande importance que les instructions données par le directeur d’Europol faisant fonction ainsi que par le directeur adjoint en cause, qui était également le coordinateur de la sécurité.

59      À cet égard, il suffit de rappeler que le Tribunal de la fonction publique a conclu que des éléments de fait pertinents et non négligeables n’avaient pas fait l’objet, avec soin, d’un examen complet et circonstancié par Europol lors de l’adoption de sa décision de licencier M. Kalmár, étant donné qu’Europol n’a pas tenu compte notamment du fait que le supérieur direct de M. Kalmár n’avait en rien réagi auxdits courriels. Ce faisant, il n’était pas nécessaire pour le Tribunal de la fonction publique de se prononcer sur la pertinence de l’absence de réaction de ce supérieur direct par rapport à des instructions d’autres personnes mieux placées dans la hiérarchie.

60      D’autre part, Europol fait valoir que, bien que le Tribunal de la fonction publique ait constaté, au point 71 de l’arrêt attaqué, qu’il avait fait face à une situation exceptionnelle et que la situation en cause avait justifié une attention particulière de la part du supérieur direct de M. Kalmár, il n’aurait pas considéré que cette même situation avait entrainé une responsabilité accrue pour M. Kalmár de sorte qu’il aurait dû demander formellement des instructions.

61      À cet égard, il convient de relever que le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 71 de l’arrêt attaqué, que M. Kalmár n’avait jamais demandé formellement d’instructions à sa hiérarchie, alors qu’Europol était face à une situation exceptionnelle. En énonçant, au même point, que M. Kalmár avait pu se sentir conforté dans sa manière d’agir en raison de l’absence de réaction de son supérieur direct à ses courriels, le Tribunal de la fonction publique a apprécié la manière dont le comportement de ce supérieur direct pouvait être interprété. Ces considérations ne sont aucunement contradictoires. L’argumentation d’Europol à cet égard doit donc être écartée.

62      Par conséquent, la deuxième branche du présent moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche relative, à l’évaluation satisfaisante de M. Kalmár et à l’augmentation de son traitement

63      Europol fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur en considérant, au point 74 de l’arrêt attaqué, qu’Europol n’avait pas tenu compte du fait que M. Kalmár avait fait l’objet d’une évaluation satisfaisante le 19 septembre 2008 et du fait qu’une augmentation de traitement lui avait été accordée le 20 octobre suivant au vu de ses performances. Il affirme avoir pris sa décision sur la base des documents disponibles dans le dossier personnel de M. Kalmár, ainsi qu’il ressortirait de la décision du 18 juillet 2009. En outre, le Tribunal de la fonction publique aurait attaché une importance excessive à l’appréciation « satisfaisante » de 2008, étant donné que cette évaluation aurait également mentionné que M. Kalmár modifiait difficilement son point de vue et son comportement lorsqu’il était convaincu d’avoir raison et que cela constituait un point hautement conflictuel. De plus, l’administration ne serait pas tenue de répondre à tous les arguments avancés par le fonctionnaire, et l’absence de réponse dans la motivation de la décision ne constituerait pas une base suffisante pour conclure à une motivation déficiente.

64      S’agissant de l’affirmation de M. Kalmár selon laquelle cette argumentation est irrecevable, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que le juge de première instance est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits par le juge de première instance ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant ce juge, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du Tribunal. Une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêt du Tribunal du 8 septembre 2008, Kerstens/Commission, T‑222/07 P, RecFP p. I‑B‑1‑37 et II‑B‑1‑267, points 60 à 62, et la jurisprudence citée).

65      En l’espèce, il ressort des points 74 et 75 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a considéré qu’Europol avait manqué à son devoir d’effectuer, avec soin, un examen complet et circonstancié des éléments de fait pertinents et non négligeables notamment parce que, si Europol avait tenu compte de la mise en garde adressée le 24 octobre 2008 à M. Kalmár, il n’aurait pas pris en considération le fait que celui-ci avait fait l’objet d’une évaluation satisfaisante le 19 septembre 2008 et qu’une augmentation de traitement lui avait été accordée le 20 octobre suivant au vu de ses performances. En faisant valoir qu’il ressortait de la décision du 18 juillet 2009 qu’il avait pris en compte les documents disponibles dans le dossier personnel de M. Kalmár, Europol reproche, en substance, au Tribunal de la fonction publique d’avoir dénaturé les faits. Contrairement à ce qu’allègue M. Kalmár, l’argumentation d’Europol est donc recevable.

66      À cet égard, il convient de relever qu’il est vrai que, selon la décision du 18 juillet 2009, la décision de licenciement a été prise sur la base des documents disponibles dans le dossier personnel de M. Kalmár, ainsi que des faits et circonstances connus aussi bien du directeur d’Europol que de M. Kalmár. Toutefois, cette considération ne permet pas de conclure que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé les faits en concluant qu’Europol n’avait pas pris en compte le fait que M. Kalmár avait fait l’objet d’une évaluation satisfaisante le 19 septembre 2008 et qu’une augmentation de traitement lui avait été accordée le 20 octobre suivant au vu de ses performances. En effet, ainsi qu’il ressort des points 24, 59 et 61 de l’arrêt attaqué, Europol a fondé sa décision de licenciement notamment sur le comportement de M. Kalmár et s’est référé en détail, dans le cadre de l’examen de l’attitude de ce dernier, à son comportement dans le passé. À cet égard, le Tribunal de la fonction publique a indiqué, à juste titre, au point 74 de l’arrêt attaqué, qu’Europol avait tenu compte de la mise en garde adressée le 24 octobre 2008 à M. Kalmár. Alors qu’Europol s’est donc, en détail, référé à un élément négatif du comportement de M. Kalmár dans le passé, il n’en a pas fait de même s’agissant des éléments positifs découlant du dossier personnel. Ainsi, le Tribunal de la fonction publique pouvait, sans commettre une dénaturation de faits, conclure qu’Europol n’avait pas effectué un examen complet et circonstancié des éléments de fait pertinents et non négligeables en ne tenant pas compte de l’évaluation satisfaisante du 19 septembre 2008 et de l’augmentation de traitement du 20 octobre 2008.

67      Contrairement à ce qu’allègue Europol, le Tribunal de la fonction publique n’a pas commis d’erreur en considérant que le caractère satisfaisant de l’évaluation du 19 septembre 2008 constituait un élément pertinent et non négligeable relatif au comportement de M. Kalmár. En effet, il ressort des points 5 à 24 de l’arrêt attaqué que cette évaluation était la première et la seule dont M. Kalmár avait fait l’objet en tant qu’agent d’Europol. Bien que ladite évaluation contienne également des aspects négatifs relatifs au comportement de M. Kalmár, ainsi que l’allègue Europol, il n’en demeure pas moins qu’elle était, dans l’ensemble, satisfaisante. Le Tribunal de la fonction publique n’a donc pas attaché une importance excessive à l’évaluation du 19 septembre 2008.

68      Par ailleurs, pour autant qu’Europol fasse valoir qu’il n’était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par M. Kalmár et que l’absence de réponse dans la motivation de la décision ne constituait pas une base suffisante pour conclure à une motivation déficiente, il suffit de rappeler que le Tribunal de la fonction publique n’a pas conclu à une motivation insuffisante et qu’il n’a pas annulé les décisions litigieuses en raison d’un non-respect de la formalité substantielle que constitue l’obligation de motivation (voir point 37 ci-dessus). Cette argumentation est donc inopérante.

69      Par conséquent, la troisième branche du présent moyen doit être rejetée.

 Sur la quatrième branche, relative au caractère manifestement injurieux du courriel de M. Kalmár du 21 janvier 2009

70      D’une part, Europol fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé les faits en considérant, au point 74 de l’arrêt attaqué, qu’il n’avait pas démontré que le courriel de M. Kalmár du 21 janvier 2009 avait manifestement un caractère injurieux. Selon lui, la décision de licenciement ne serait pas fondée sur ce courriel. Il soutient s’être référé audit courriel dans la décision de licenciement comme étant l’un des nombreux cas dans lesquels M. Kalmár a refusé de collaborer à l’enquête interne en cause, mais ne pas avoir créé de lien entre ce courriel et le comportement de M. Kalmár. D’autre part, Europol fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit et une violation de l’obligation de motivation. Selon lui, la constatation selon laquelle il avait manifestement négligé de démontrer que le courriel du 21 janvier 2009 avait un caractère injurieux ne concernait pas la question de savoir s’il avait procédé avec soin à un examen complet et circonstancié de tous les facteurs pertinents lors de l’adoption de la décision de licenciement, mais concernait l’appréciation erronée des faits sous-jacents. À cet égard, il soutient que le Tribunal de la fonction publique n’a pas indiqué la raison pour laquelle il a procédé, sur ce point, à un examen du contenu, alors que, pour le reste, celui-ci a uniquement vérifié s’il avait pris en considération tous les facteurs pertinents.

71      En premier lieu, s’agissant de l’argumentation d’Europol relative à une dénaturation des faits, il convient de relever qu’il ressort de la décision du 4 février 2009 qu’Europol a fondé son argument tiré du comportement inadéquat de M. Kalmár notamment sur le contenu du courriel du 21 janvier 2009, ainsi que l’a constaté le Tribunal de la fonction publique au point 72 de l’arrêt attaqué. En effet, selon ladite décision, M. Kalmár a, dans ledit courriel, mis en doute la compétence de l’équipe chargée de l’enquête interne en cause. Ensuite, Europol a considéré, dans cette décision, que M. Kalmár avait fait montre à plusieurs reprises d’un comportement inadéquat à l’égard de ses collègues en les traitant sans respect et, en outre, en dénigrant leurs compétences professionnelles ainsi que la qualité de leur travail. Sur cette base, il n’apparaît pas de façon manifeste du dossier que, en considérant, au point 74 de l’arrêt attaqué, qu’Europol avait donné à ce courriel un caractère injurieux, le Tribunal de la fonction publique a dénaturé les faits.

72      En second lieu, s’agissant de l’argumentation d’Europol relative à une erreur de droit et à une violation de l’obligation de motivation, il convient de rappeler que le Tribunal de la fonction publique a examiné, aux points 63 à 75 de l’arrêt attaqué, si Europol avait manqué à son obligation de procéder avec soin à un examen complet et circonstancié des faits. À cet égard, le Tribunal de la fonction publique a rappelé, au point 63 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence selon laquelle une mesure ne peut être légalement prise à l’encontre d’un fonctionnaire qu’au vu de faits dont la réalité a été préalablement établie et selon laquelle toute autorité est tenue de se prononcer en pleine connaissance de cause et au terme d’un examen circonstancié de tous les éléments pertinents, de sorte que cet examen doit être effectué avec soin et impartialité. En procédant, dans ce cadre, à l’examen de la question de savoir si Europol avait correctement établi le contenu du courriel du 21 janvier 2009 afin d’apprécier le comportement de M. Kalmár, le Tribunal de la fonction publique n’est pas sorti du cadre de son examen. L’argumentation d’Europol relative à une prétendue erreur de droit et à une violation de l’obligation de motivation doit donc être rejetée.

73      Par conséquent, la quatrième branche du présent moyen tout comme ce moyen dans son ensemble doivent être rejetés.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

74      Europol fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a violé l’obligation de motivation qui lui incomberait. D’une part, le Tribunal de la fonction publique aurait décidé de se prononcer sur la question de savoir si tous les facteurs pertinents avaient été pris en considération, alors que, à divers endroits de l’arrêt attaqué, il aurait abandonné ce critère d’évaluation et examiné s’il avait été fait une appréciation correcte de certains facteurs. D’autre part, les points 38 et 44 de l’arrêt attaqué seraient contradictoires étant donné que, selon le Tribunal de la fonction publique, M. Kalmár aurait, d’une part, seulement remis en cause le respect de l’obligation de diligence et, d’autre part, affirmé que la décision de licenciement reposait sur une erreur manifeste d’appréciation.

75      En premier lieu, s’agissant de l’argumentation d’Europol selon laquelle le Tribunal de la fonction publique a abandonné, à divers endroits de l’arrêt attaqué, l’examen de la question de savoir si Europol avait pris en considération tous les facteurs pertinents et examiné si Europol avait fait une appréciation correcte de certains facteurs, il suffit de rappeler que cette argumentation a déjà été rejetée dans le cadre de la quatrième branche du quatrième moyen (voir points 70 et 72 ci-dessus). Dès lors qu’Europol ne présente, dans le cadre du présent moyen, aucun élément supplémentaire, cette argumentation doit donc être également écartée. Par ailleurs, en se référant à divers endroits de l’arrêt attaqué, sans pourtant indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué à cet égard, l’argumentation d’Europol ne satisfait pas aux exigences prévues à l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour et de l’article 138, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure et doit donc être rejetée comme irrecevable (voir, en ce sens, arrêt ETF/Landgren, point 33 supra, point 140).

76      En second lieu, s’agissant de l’argumentation d’Europol selon laquelle les points 38 et 44 de l’arrêt attaqué sont contradictoires, il convient de relever qu’il ressort d’une jurisprudence constante que l’obligation de motiver les arrêts qui incombe au Tribunal de la fonction publique, en vertu de l’article 36 du statut de la Cour et de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I dudit statut, impose à celui-ci de motiver ses arrêts afin qu’ils permettent aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal de la fonction publique n’a pas fait droit à leurs arguments et au Tribunal de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, Rec. p. I‑6413, point 135, et la jurisprudence citée).

77      Il y a lieu de constater que le Tribunal de la fonction publique a requalifié, au point 38 de l’arrêt attaqué, les moyens soulevés par M. Kalmár et que, au point 44 dudit arrêt, il a présenté des arguments avancés par M. Kalmár à l’appui du grief tiré de ce que Europol avait manqué à son obligation de procéder avec soin à un examen complet et circonstancié des faits. À cet égard, il suffit de relever que le raisonnement suivi par le Tribunal de la fonction publique aux points 63 à 74 de l’arrêt attaqué est en soi clair et compréhensible et qu’il est de nature à motiver la conclusion, figurant au point 75 de l’arrêt attaqué, qu’il vise à étayer. Le Tribunal de la fonction publique a ainsi fourni une motivation suffisante en ce qu’elle permet, d’une part, à Europol de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal de la fonction publique n’a pas fait droit à ses arguments relatifs audit grief et, d’autre part, au Tribunal d’exercer son contrôle.

78      Par conséquent, le cinquième moyen doit être rejeté.

 Sur le sixième moyen, tiré de l’attribution erronée de dommages et intérêts

79      Europol fait valoir que, étant donné que l’attribution de dommages et intérêts ne reposerait, selon les points 81 à 85 de l’arrêt attaqué, que sur l’annulation des décisions litigieuses, les dommages et intérêts devraient être annulés.

80      Il y a lieu de relever qu’Europol conclut à l’annulation de la condamnation aux dommages et intérêts uniquement en raison du fait que l’arrêt attaqué devrait être annulé dans la mesure où il annule les décisions litigieuses.

81      Étant donné qu’il résulte de tout ce qui précède que l’arrêt attaqué ne doit pas être annulé dans la mesure où il annule les décisions litigieuses, cet arrêt ne doit pas être annulé non plus dans la mesure où il condamne Europol à payer à M. Kalmár des dommages et intérêts.

82      Le sixième moyen doit donc être rejeté.

83      Par conséquent, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

84      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

85      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

86      Europol ayant succombé en ses conclusions et M. Kalmár ayant conclu à ce qu’il soit condamné aux dépens, ce dernier supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par M. Kalmár dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      L’Office européen de police (Europol) supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par M. Andreas Kalmár dans le cadre de la présente instance.

Jaeger

Papasavvas

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 novembre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : le néerlandais.