Language of document : ECLI:EU:T:2014:755

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

3 septembre 2014(*)

« Recours en indemnité – Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Renforcement de la capacité institutionnelle de la Commission pour la protection de la concurrence en Serbie – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑261/12,

Diadikasia Symvouloi Epicheiriseon AE, établie à Chalandri (Grèce), représentée par Me A. Krystallidis, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. F. Erlbacher et P. van Nuffel, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours en indemnité visant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi par la requérante à la suite de la décision de la délégation de l’Union européenne en République de Serbie d’annuler la décision d’attribuer le marché à la requérante dans le cadre de la procédure d’appel d’offres EuropeAid/131427/C/SER/RS, concernant le renforcement de la capacité institutionnelle de la Commission pour la protection de la concurrence en Serbie (JO 2011/S 147‑243259),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, N. J. Forwood et E. Bieliūnas (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Diadikasia Symvouloi Epicheiriseon AE, est une société anonyme de droit grec qui a pour objet de fournir des services spécialisés aux entreprises et aux entités des secteurs privé et public.

2        Par un avis de marché publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne du 3 août 2011 (JO 2011/S 147‑243259), l’Union européenne, représentée par sa délégation en République de Serbie (ci-après la « délégation »), a lancé l’appel d’offres EuropeAid/131427/C/SER/RS, portant sur le renforcement de la capacité institutionnelle de la Commission européenne pour la protection de la concurrence en Serbie (ci-après l’« appel d’offres »).

3        Cet appel d’offres a été lancé pour permettre la réalisation du projet consistant à renforcer les capacités institutionnelles de la commission pour la protection de la concurrence serbe, par le développement des capacités et l’assistance informatique, afin de parvenir à une mise en application plus efficace de la politique de la concurrence, qui devrait apporter des avantages économiques aux consommateurs et aux acteurs du marché (ci-après le « projet »). Ce projet devait être réalisé au moyen d’un marché de services attribué à un consultant, assisté de trois experts principaux, et s’inscrivait dans le cadre du programme national en faveur de la République de Serbie au titre de la composante « aide à la transition et [au] renforcement des institutions » de l’instrument d’aide de préadhésion, adopté par la Commission le 8 juillet 2011.

4        Pour la préparation de ce programme, un marché de services avait été attribué, à l’issue d’une procédure de passation de marché public (EuropeAid/128499/C/SER/RS), à un consortium dirigé par la société P. auquel appartenait, notamment, la société E. Ce consortium avait, en particulier, été associé à l’élaboration des termes de référence relatifs à l’appel d’offres.

5        Les termes de référence relatifs à l’appel d’offres renseignaient notamment sur les exigences en matière de personnel, en particulier sur les qualifications et l’expertise requises des experts principaux qui devaient être proposés par les soumissionnaires dans le cadre de leur offre.

6        Le 8 décembre 2011, le consortium Diadikasia (ci-après le « consortium »), formé de la requérante, qui était le chef de file de ce dernier, et de cinq autres sociétés, dont la société C., a répondu à l’appel d’offres.

7        Par lettre datée du 29 février 2012 (ci-après la « décision d’attribution »), la délégation a informé le consortium que le marché lui avait été attribué, sous réserve de la présentation de certaines pièces concernant les critères d’exclusion, visés au point 2.3.3 du guide pratique des procédures contractuelles dans le cadre des actions extérieures de l’Union (ci-après le « PRAG »), et les critères de sélection, visés au point 2.4.11 du PRAG.

8        En réponse à la lettre du 29 février 2012, le consortium a envoyé, par courrier du 9 mars 2012, les documents demandés.

9        Par lettre du 15 mars 2012, la délégation a déclaré que la décision d’attribution était nulle et non avenue (ci-après la « décision d’annulation »). Dans cette lettre, la délégation a indiqué que, après la notification de la décision d’attribution, mais avant la signature du contrat avec le consortium, elle avait rassemblé des preuves de l’existence d’un lien entre le consortium et la société E. Elle a précisé que la société E. avait participé à la préparation des termes de référence relatifs à l’appel d’offres, ce qui a pu procurer un avantage indu au consortium et conduire à l’existence d’un conflit d’intérêts. Conformément au point 2.3.3 du PRAG, la décision d’attribution a, dès lors, été annulée.

10      Dans une télécopie du 28 mars 2012, adressée à la délégation, la requérante a, tout d’abord, remarqué que le contenu de la lettre du 15 mars 2012, qui ne lui avait été communiquée que le 23 mars 2012, ne lui permettait pas de connaître les motifs de la décision de la délégation de déclarer nulle et non avenue la décision d’attribution. Elle a, ensuite, déclaré qu’il n’existait pas de conflit d’intérêts et a fait remarquer que, en tout état de cause, la délégation ne l’avait pas invitée à soumettre ses observations sur l’existence de ce potentiel conflit d’intérêts, en violation de son droit à être entendue devant la Commission. Enfin, elle a conclu en invitant la délégation à examiner l’affaire en détail, à revenir sur sa décision et à suspendre l’intégralité de la procédure jusqu’à ce que la question soit réglée.

11      Par lettre du 4 avril 2012, adressée à la Commission, la requérante a enjoint à celle-ci d’intervenir sur cette question dans la mesure où la délégation n’avait pas répondu à sa télécopie en date du 28 mars 2012.

12      Par courrier du 6 avril 2012, la délégation a indiqué à la requérante que les informations dont elle disposait montraient qu’un membre du consortium, à savoir la société C., avait coopéré avec la société E. dans la préparation de l’offre du consortium. Or, du fait de l’implication de la société E. dans la préparation des termes de référence relatifs à l’appel d’offres, cela avait donné un avantage indu au consortium et avait constitué un conflit d’intérêts. Ces circonstances ont conduit la délégation à déclarer nulle et non avenue la décision d’attribution, conformément au point 2.3.3 du PRAG.

13      Par lettre du 12 avril 2012, la requérante a déposé une plainte auprès de la délégation, conformément au point 2.4.15.1 du PRAG, dans laquelle elle reprochait à la délégation, en substance, de ne pas avoir respecté les règles du PRAG en déclarant nulle et non avenue la décision d’attribution.

14      Dans un courrier du 23 avril 2012, la délégation a répété qu’elle était en possession d’indices sérieux démontrant que la société E. avait été impliquée dans la préparation de l’offre du consortium, bien qu’elle n’en fût pas membre et qu’elle ne pût en faire partie du fait de sa participation au consortium ayant rédigé les termes de référence relatifs à l’appel d’offres. Elle a ajouté qu’elle avait rassemblé des preuves écrites établissant que la société E. avait agi, de facto, comme un membre du consortium dans la mesure où, selon ces preuves, le contrat des experts aurait été signé avec la société C., mais le paiement de ces experts aurait été garanti par la société E. Or, le fait que la société E. avait agi au nom du consortium dans le recrutement des experts avait donné lieu à un conflit d’intérêts. Par conséquent, la délégation a décidé d’annuler la décision d’attribution. Enfin, elle a précisé que ces preuves ne pouvaient être communiquées à la requérante en raison de l’absence d’accord écrit des tierces parties concernées.

15      Le 17 mai 2012, la requérante a répondu au courrier du 23 avril 2012 par le dépôt d’une plainte auprès de la Commission, par laquelle elle demandait, premièrement, de suspendre la procédure de l’appel d’offres, deuxièmement, de revenir sur la décision de déclarer nulle et non avenue la décision d’attribution et, troisièmement, de procéder à la signature du contrat avec le consortium.

16      Par lettre du 8 juin 2012, la délégation a informé la requérante qu’elle avait décidé de procéder à la signature du contrat avec le soumissionnaire de second rang.

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 juin 2012, la requérante a introduit le présent recours.

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réparer le préjudice qui lui a été causé par la décision d’annulation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable en ce qui concerne la demande en indemnisation des préjudices matériels ;

–        en toute hypothèse, rejeter le recours comme dépourvu de fondement ;

–        condamner la requérante aux dépens.

20      Dans sa réplique, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        faire droit aux moyens avancés dans la requête ;

–        réparer les dommages qui lui ont été causés par la décision d’annulation ;

–        rejeter toute l’argumentation contraire de la Commission au motif qu’elle est illégale et abusive de ses droits.

 En droit

21      Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

22      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par l’examen des pièces du dossier pour statuer sans poursuivre la procédure.

23      À titre liminaire, il convient de rappeler que le marché public de services en cause, qui a pour base légale le règlement (CE) n° 1085/2006 du Conseil, du 17 juillet 2006, établissant un instrument d’aide de préadhésion (JO L 210, p. 82), relève des actions extérieures financées par le budget de l’Union, visées au titre IV de la deuxième partie du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) n° 1995/2006 du Conseil, du 13 décembre 2006 (JO L 390, p. 1) (ci-après le « règlement financier »).

24      L’article 167, paragraphe 1, du règlement financier, figurant au titre IV de la deuxième partie dudit règlement, prévoit :

« Les dispositions de l’article 56 et du chapitre 1 du titre V de la première partie relatives aux dispositions générales de passation des marchés sont applicables aux marchés couverts par le présent titre, sous réserve des dispositions spécifiques relatives aux seuils et aux modalités de passation des marchés extérieurs prévues par les modalités d’exécution. Les pouvoirs adjudicateurs au sens du présent chapitre sont :

a)      la Commission au nom et pour le compte d’un ou plusieurs bénéficiaires ;

[…] »

25      La requérante demande, en substance, au Tribunal que la Commission soit condamnée à lui verser des dommages et intérêts en vertu de l’article 340 TFUE au motif que la décision d’annulation lui a causé un préjudice matériel et moral.

26      Selon la requérante, toutes les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union sont remplies en l’espèce.

27      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, l’existence d’un préjudice réel et certain et l’existence d’un lien direct de causalité entre le comportement de l’institution concernée et le préjudice allégué (arrêt de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et arrêt du Tribunal du 9 juillet 1999, New Europe Consulting et Brown/Commission, T‑231/97, Rec. p. II‑2403, point 29).

28      Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de ladite responsabilité (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, point 81, et arrêt du Tribunal du 10 décembre 2009, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08, Rec. p. II‑4439, point 91). En outre, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (arrêt de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, Rec. p. I‑5251, point 13).

29      Par ailleurs, il appartient au requérant de prouver que la condition tenant à l’existence d’un préjudice réel et certain est remplie (voir arrêt de la Cour du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission, C‑243/05 P, Rec. p. I‑10833, point 27, et la jurisprudence citée) et, plus particulièrement, d’apporter des preuves concluantes tant de l’existence que de l’étendue de ce préjudice (voir arrêt de la Cour du 16 septembre 1997, Blackspur DIY e.a./Conseil et Commission, C‑362/95 P, Rec. p. I‑4775, point 31, et la jurisprudence citée).

30      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a tout d’abord lieu d’examiner si la condition relative à l’existence d’un préjudice réel et certain est remplie en l’espèce.

31      À cet égard, la requérante soutient qu’elle a subi un préjudice à la fois matériel et moral du fait de l’adoption de la décision d’annulation.

 S’agissant du préjudice matériel

32      La requérante soutient qu’elle a subi des pertes matérielles résultant, d’une part, des dépenses générales qu’elle a supportées pour la préparation de son offre (ci‑après le « premier préjudice matériel ») et, d’autre part, de la perte de profit générée par l’annulation du projet (ci-après le « second préjudice matériel »).

33      La Commission soutient que, s’agissant des préjudices matériels allégués, la requérante ne présente aucun argument quant à l’existence des deux types de préjudices mentionnés et se limite, en ce qui concerne l’étendue des préjudices, à la simple indication du montant réclamé. En outre, la requérante n’aurait présenté aucun élément de preuve permettant de vérifier avec la précision requise la réalité des chiffres figurant dans les tableaux annexés à la requête ou même d’évaluer le montant desdits préjudices, ne serait-ce qu’approximativement.

34      Dans ces circonstances, cette partie de la requête ne serait pas suffisamment claire et précise pour permettre à la Commission de préparer correctement sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Partant, la Commission considère que, au vu de l’article 21, paragraphe 1, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, il y a lieu de déclarer la requête irrecevable en ce qui concerne la demande d’indemnisation des préjudices matériels.

35      À titre liminaire, il convient de constater que, s’agissant du second préjudice matériel, il y a lieu de comprendre que la requérante vise la perte de profit générée par la perte du marché plutôt que celle générée par l’annulation du projet, puisque, en l’espèce, le projet n’a pas été annulé.

36      Or, en l’espèce, bien que, dans la requête, la requérante indique deux montants, celui de 74 730 euros, correspondant au premier préjudice matériel, et celui de 888 675 euros, correspondant au second préjudice matériel, et renvoie, pour justifier ces deux montants à deux tableaux, annexés à la requête, le tableau n° 1 concernant le premier préjudice matériel et le tableau n° 2 concernant le second préjudice matériel, force est de constater qu’aucun document ne corrobore les données figurant dans ces tableaux et que la requérante n’avance aucun argument ou élément de preuve afin de démontrer que les préjudices matériels prétendument subis sont réels et certains.

37      À cet égard, seules les données de la colonne de gauche du tableau n° 2, intitulée « Offre financière soumise », ont été confirmées par la Commission dans le mémoire en défense comme correspondant effectivement à l’offre financière présentée par le consortium dans le cadre de la procédure d’appel d’offres.

38      Toutefois, les tableaux nos 1 et 2 sont des documents établis par la requérante et ne sont accompagnés d’aucune offre de preuve de sorte que leur caractère probant est faible. Ainsi, il n’est pas possible au Tribunal de les utiliser afin de conclure au caractère réel et certain des préjudices matériels allégués par la requérante.

39      L’absence de documents, au stade de la requête, à même de confirmer l’existence des préjudices matériels prétendument subis par la requérante ne saurait être compensée par l’offre de preuve tardive, soumise par la requérante, dans le cadre de sa réplique. En effet, afin d’attester et de donner des explications quant aux prétendus préjudices matériels, la requérante propose, dans la réplique, le témoignage de son président-directeur général. Elle justifie le retard avec lequel cette offre de preuve a été présentée par le fait qu’elle n’a trouvé la personne la plus appropriée pour vérifier et prouver son préjudice matériel et moral qu’après avoir rédigé et déposé la requête et après avoir procédé à une recherche intensive afin de rassembler toutes les preuves nécessaires.

40      Aux termes des dispositions de l’article 44, paragraphe 1, et de l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requête doit, en principe, comporter les offres de preuve et les parties peuvent encore faire des offres de preuve à l’appui de leur argumentation dans la réplique et la duplique, à la condition de motiver le retard apporté à la présentation desdites offres. À défaut d’une telle motivation ou si celle-ci est jugée insuffisante, les preuves ou les offres de preuve présentées seront écartées comme tardives (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 72, et du 14 avril 2005, Gaki-Kakouri/Cour de justice, C‑243/04 P, non publié au Recueil, point 33).

41      À cet égard, la motivation avancée par la requérante afin d’expliquer le retard avec lequel elle propose le témoignage du président-directeur général ne saurait être jugée suffisante pour justifier un tel retard.

42      En effet, la requérante ne saurait soutenir qu’elle n’a pu trouver la personne la plus appropriée pour attester de ses prétendues pertes matérielles qu’après le dépôt de la requête en la personne de son président-directeur général, alors que ce dernier était précisément le principal destinataire des correspondances échangées avec la délégation et la Commission, ce qui démontre l’implication de celui-ci dans la présente procédure d’appel d’offres.

43      Partant, l’offre de preuve de la requérante au stade de la réplique doit être écartée comme tardive.

44      Par conséquent, les préjudices matériels ne sont pas établis et il convient de les déclarer manifestement dépourvus de tout fondement en droit, sans qu’il soit besoin, dès lors, d’examiner les arguments de la Commission relatifs à la recevabilité du recours en ce qui concerne ces préjudices matériels.

 S’agissant du préjudice moral

45      La requérante soutient avoir subi des pertes immatérielles et notamment un préjudice moral, en raison de l’atteinte à sa bonne réputation et à sa crédibilité, estimés à 300 000 euros. À cet égard, la déclaration de la Commission selon laquelle il existerait un conflit d’intérêts entre la société E. et le consortium aurait généré une image négative pour les affaires de la requérante. En outre, la décision d’annulation aurait été largement connue par un grand nombre d’individus sur le marché concerné, ce qui lui aurait causé d’importantes pertes immatérielles. Enfin, son préjudice immatériel résulterait également de ce que, en raison de l’atteinte à sa réputation et à son nom, il lui serait impossible d’établir sa crédibilité en tant que soumissionnaire candidat dans des projets européens.

46      Tout d’abord, la Commission soutient que l’information relative à l’existence d’un conflit d’intérêts n’a été communiquée qu’à la seule requérante. Ensuite, elle affirme que ni le fait que, dans le cadre de la procédure d’appel d’offres, deux offres aient été supprimées, car elles ne remplissaient pas les exigences techniques, ni le fait que l’offre du consortium ait été initialement considérée comme étant la meilleure, ni le fait qu’il ait ensuite été décidé de ne pas procéder à l’attribution du marché au consortium, ni a fortiori les raisons pour lesquelles cette décision a été prise n’ont été rendus publics de quelque manière que ce soit. Par conséquent, la demande de dommages et intérêts pour cause de préjudices moraux serait dénuée de fondement.

47      Il convient de constater que non seulement la requérante n’a apporté, dans sa requête, aucun élément concret à l’appui de ses allégations relatives à la publicité de l’existence d’un conflit d’intérêts entre la société E. et le consortium, mais que, en outre, elle n’a pas cherché à contester, dans le cadre de sa réplique, les affirmations de la Commission indiquant que l’information relative à l’existence d’un conflit d’intérêts n’a été communiquée qu’à elle seule.

48      Or, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des annexes nos 1, 2 et 7 à 11, que les documents faisant état de l’existence d’un conflit d’intérêts et des conséquences que cela a eu sur l’attribution du marché au consortium étaient des correspondances entre la requérante et la délégation, pour ce qui est des lettres des 15 mars et 6 avril 2012, et entre la requérante, la délégation et la Commission, pour ce qui est des lettres des 28 mars, 4, 12 et 23 avril 2012. Par conséquent, la requérante n’a apporté aucune preuve de ce que l’information relative à l’existence d’un conflit d’intérêts ayant conduit la délégation à annuler la décision d’attribution a été rendue publique. Ainsi, sans preuve de la publicité de cette information, l’atteinte à la réputation de la requérante n’est qu’hypothétique.

49      En tout état de cause, ainsi que la Commission l’a souligné, un conflit d’intérêts a été constaté entre la société E. et la société C., comme cela ressort d’ailleurs de la lettre du 6 avril 2012. Certes, cela a conduit la délégation à considérer que c’était le consortium, pris dans son ensemble, qui avait ainsi pu bénéficier d’un avantage indu. Toutefois, il ne ressort pas des différentes lettres de la délégation qu’elle soupçonnait la requérante d’être au courant de ce lien. Par conséquent, contrairement à ce que soutient la requérante, la délégation n’a pas formulé d’accusation selon laquelle elle serait coupable d’un quelconque délit.

50      La requérante n’ayant apporté aucun élément permettant de constater l’atteinte à sa réputation ou à sa crédibilité, il convient de conclure que le préjudice moral n’est pas fondé.

51      Par ailleurs, la requérante soutient que, si elle est privée de la possibilité de participer aux futures procédures d’appel d’offres de l’Union, le préjudice moral résultant de l’atteinte à sa réputation et à sa crédibilité peut raisonnablement être estimé à 300 000 euros.

52      Or, la requérante n’explique pas pour quelles raisons, à la suite de la présente affaire, elle ne serait plus en mesure de participer sur un pied d’égalité avec les autres soumissionnaires à de futures procédures d’appel d’offres. En tout état de cause, il suffit de constater à cet égard qu’un tel préjudice ne saurait donner lieu à réparation dans la mesure où il s’agit d’un préjudice futur et hypothétique.

53      Ainsi, sans même qu’il y ait lieu d’apprécier les éléments avancés par la requérante afin d’évaluer le montant de son préjudice moral, il convient de constater qu’elle n’a pas réussi à démontrer qu’il était réel et certain.

54      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit, sans qu’il soit besoin, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus, de poursuivre l’examen des autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union ni d’examiner la recevabilité des premier et troisième chefs de conclusions formulés dans la réplique.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Diadikasia Symvouloi Epicheiriseon AE est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 3 septembre 2014.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       S. Papasavvas


* Langue de procédure : l’anglais.