Language of document : ECLI:EU:T:2016:112

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

29 février 2016 (*)

« Concurrence – Ententes – Services de transit aérien international – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Surtaxes et mécanismes de tarification ayant une incidence sur le prix final des services – Erreurs d’appréciation – Preuve – Affectation du commerce entre États membres – Effet sensible sur la concurrence – Montant de l’amende – Gravité de l’infraction – Proportionnalité – Responsabilité solidaire – Pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑264/12,

UTi Worldwide, Inc., établie à Tortola, Îles Vierges britanniques (Royaume-Uni),

UTi Nederland BV, établie à Schiphol (Pays-Bas),

UTI Worldwide (UK) Ltd, établie à Reading (Royaume-Uni),

représentées par Me P. Kirch, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Biolan, V. Bottka et G. Meessen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2012) 1959 final de la Commission, du 28 mars 2012, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39462 – Transit), dans la mesure où elle concerne les requérantes, et, à titre subsidiaire, une demande de réformation de l’amende qui leur a été imposée dans le cadre de celle-ci,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz (rapporteur) et A. Popescu, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 octobre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents et décision attaquée

1        Par la décision C (2012) 1959 final, du 28 mars 2012, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39462 – Transit) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a constaté que des sociétés actives dans le secteur des services de transit international aérien, dont les requérantes, UTi Worldwide, Inc., UTi Nederland BV et UTI Worldwide (UK) Ltd., avaient, au cours de périodes comprises entre 2002 et 2007, participé à divers accords et pratiques concertées dans le secteur des services de transit international aérien, donnant lieu à quatre infractions distinctes à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE).

2        Le groupe UTi est constitué d’UTi Worldwide, société holding d’expédition de marchandises ayant son siège dans les îles Vierges britanniques (Royaume-Uni) depuis 1995, qui opère par le biais de ses filiales, notamment UTI Worldwide (UK) et UTi Nederland, et qui fournit des services de gestion d’approvisionnement, incluant l’expédition de fret, le courtage en douane et des services d’entreposage tels que la coordination de l’expédition et le stockage des matières premières, de composants et de produits finis.

3        La présente affaire ne concerne qu’une des quatre infractions mentionnées au point 1 ci-dessus, à savoir l’entente relative au système de manifeste préalable (ci-après l’« AMS »). Elle ne concerne pas l’entente relative au nouveau système d’exploitation (ci-après le « NES »), ni celle relative au facteur d’ajustement monétaire (ci-après le « CAF ») ou celle relative à la surtaxe de haute saison (ci-après la « PSS »).

4        Les ententes en cause concernent le marché des services de transit international par avion. Selon la description que la Commission a donnée de ce secteur aux considérants 3 à 71 de la décision attaquée, les services de transit peuvent être définis comme l’organisation du transport de biens, ce qui peut aussi inclure des activités comme le dédouanement, le stockage ou des services d’assistance au sol, au nom des clients selon leurs besoins. Les services de transit sont segmentés entre services de transit intérieur et de transit international et entre services de transit aérien, de transit terrestre et de transit maritime (considérant 3 de la décision attaquée).

5        L’entente relative à l’AMS est décrite aux points 131 à 163 de la décision attaquée. La Commission y constate que l’AMS est une procédure introduite par le US Bureau of Customs and Border protection (Bureau des douanes et de la protection des frontières des États-Unis d’Amérique) qui exige des informations concernant les envois de marchandises importées aux États-Unis avant leur arrivée. L’entente concerne une surtaxe AMS dont l’introduction par les transitaires pour leurs clients et la mise en œuvre ont fait l’objet d’une coordination à partir du début de 2003, dans le contexte de modifications importantes apportées à l’AMS par ledit bureau après les attaques terroristes du 11 septembre 2001. Plusieurs transitaires internationaux se sont accordés au moins à partir du 19 mars 2003 et jusqu’au 19 août 2004 pour fixer une surtaxe à un niveau leur permettant de couvrir au moins les coûts liés à l’AMS. Les discussions entre les entreprises participant à l’entente et le contrôle de sa mise en œuvre survenaient notamment dans le cadre de l’association Freight Forward International (dénommée Freight Forward Europe avant le 1er janvier 2004, ci-après l’« association FFI »).

6        Il ressort du considérant 72 de la décision attaquée que la Commission a commencé son enquête à la suite de la demande d’immunité présentée par Deutsche Post AG et d’autres sociétés du même groupe (ci-après le « groupe DP ») au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17). Le groupe DP a complété sa demande d’immunité par des déclarations et des preuves documentaires. Par lettre du 24 septembre 2007, la Commission a accordé une immunité conditionnelle au groupe DP pour une entente présumée entre des fournisseurs privés de services de transit international, visant à fixer ou à répercuter divers droits et surtaxes (considérant 72 de la décision attaquée).

7        La Commission a procédé à des inspections surprises chez différents transitaires entre le 10 et le 12 octobre 2007 (considérant 74 de la décision attaquée).

8        Le 5 février 2010, la Commission a adressé une communication des griefs aux requérantes, à laquelle elles ont répondu (considérants 87 et 89 de la décision attaquée).

9        Entre le 6 et le 9 juillet 2010, la Commission a organisé une audition à laquelle les requérantes ont participé (considérant 89 de la décision attaquée).

10      Dans la décision attaquée, au vu des preuves dont elle disposait, la Commission a considéré que les requérantes avaient pris part à l’entente relative à l’AMS.

11      À l’article 1er, paragraphe 2, sous i), de la décision attaquée, la Commission a constaté que, s’agissant de l’entente concernant l’AMS, UTI Worldwide (UK), UTi Nederland et UTi Worldwide avaient enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE et l’article 53 de l’accord EEE, en participant, respectivement du 19 mars au 21 octobre 2003, du 21 octobre 2003 au 19 août 2004 et du 19 mars 2003 au 19 août 2004, à une infraction unique et continue dans le secteur des services de transit aérien, qui concernait l’ensemble du territoire de l’EEE et consistait en la fixation des prix ou d’autres conditions commerciales. L’article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée dispose que, pour cette infraction, une amende globale d’un montant de 3 068 000 euros est imposée, montant qui se compose, d’une part, selon ledit article 2, paragraphe 2, sous i), d’une amende d’un montant de 1 273 000 euros, imposée solidairement à UTi Worldwide, à UTI Worldwide (UK) et à UTi Nederland et, d’autre part, selon l’article 2, paragraphe 2, sous j), d’amendes dont les montants et les entités redevables sont définis comme suit :

« UTi Worldwide […] 1 795 000 [euros]

conjointement et solidairement responsable avec

UTI Worldwide (UK) […] 738 000 [euros] et

UTi Nederland […] 954 000 [euros]. »

12      Il ressort du considérant 856 de la décision attaquée que le montant des amendes infligées a été calculé sur la base des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 juin 2012, les requérantes ont introduit le présent recours.

14      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure du 2 mai 1991, a invité les parties à répondre à certaines questions, ce qu’elles ont fait dans le délai imparti. La Commission, interrogée sur la possibilité pour le Tribunal d’utiliser des transcriptions produites par les requérantes de certaines déclarations confidentielles déposées dans le cadre du programme de clémence par d’autres entreprises, s’est opposée à une telle utilisation.

15      Par ordonnance du 18 septembre 2014, adoptée en vertu, d’une part, de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, d’autre part, de l’article 65, sous b), et de l’article 66, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal (neuvième chambre) a ordonné que la Commission produise les déclarations confidentielles dont les requérantes avaient produit des transcriptions. Ces documents pouvaient être consultés par l’avocat des requérantes au greffe du Tribunal avant l’audience.

16      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 8 octobre 2014.

17      Les requérantes concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler les articles 1er et 2 de la décision attaquée dans la mesure où ils les concernent ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 2 de la décision attaquée, dans la mesure où il les concerne, et annuler ou réduire le montant de l’amende en conséquence ;

–        veiller à ce que les motifs et le dispositif de l’arrêt à intervenir visant UTi Nederland et UTI Worldwide (UK) soient entièrement applicables à UTi Worldwide, en sa qualité de société mère non impliquée dans les faits de l’affaire ayant donné lieu à l’adoption de la décision attaquée, mais tenue pour responsable des agissements de ses filiales en vertu de celle-ci ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

19      Les requérantes soulèvent deux moyens, dont chacun est subdivisé en trois branches, au soutien de leur demande d’annulation ou de réformation de la décision attaquée. Leur argumentation s’analyse toutefois comme étant subdivisée, en substance, en deux groupes de trois moyens.

20      Un premier groupe de trois moyens, soulevé à titre principal, concerne la preuve de leur participation à l’entente relative à l’AMS. Le premier moyen est tiré, en substance, d’une erreur d’appréciation des faits et des éléments de preuve. Le deuxième moyen, qui se prête à être examiné avec le premier, concerne l’insuffisance de preuve de la participation des requérantes à un accord ou à une pratique concertée faussant la concurrence. Le troisième moyen est tiré du fait que l’entente relative à l’AMS n’a pas eu d’effet sensible sur la concurrence.

21      Un second groupe de trois moyens, soulevé à titre subsidiaire, concerne la demande d’annulation ou de réduction du montant de l’amende qui a été imposée aux requérantes à l’article 2 de la décision attaquée. Le quatrième moyen vise, en substance, une erreur concernant l’application de la notion de gravité au sens de l’article 23, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), et des paragraphes 19 et 20 des lignes directrices de 2006. Le cinquième moyen vise une violation du principe de proportionnalité. Le sixième moyen est tiré d’une erreur en ce que la Commission a retenu à l’encontre d’UTi Worldwide, en tant que société mère, un montant d’amende plus élevé que celui de l’amende infligée à ses deux filiales.

1.     Sur le premier groupe de moyens, soulevé à titre principal, concernant la preuve de la participation des requérantes à l’entente relative à l’AMS

 Sur le premier moyen, tiré, en substance, d’une erreur d’appréciation des faits et des éléments de preuve, et sur le deuxième moyen, tiré, en substance, d’une insuffisance de preuve de la participation des requérantes à un accord ou à une pratique concertée faussant la concurrence

22      Dans le cadre du premier moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a violé l’article 101, paragraphe 1, TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en ce qu’elle a commis plusieurs erreurs d’appréciation des faits et des éléments de preuve en concluant à leur participation à l’entente relative à l’AMS, notamment en omettant de procéder à une analyse exhaustive et suffisante desdits éléments de preuve.

23      Dans le cadre du deuxième moyen, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission ne dispose pas de preuves suffisamment précises et concordantes pour retenir à leur égard un accord anticoncurrentiel ou une pratique concertée prohibée et considèrent, par ailleurs, qu’en aucun cas l’infraction retenue n’a pu affecter de manière sensible le commerce entre États membres.

24      Quant au premier moyen, la Commission fait valoir qu’elle a correctement apprécié les faits et les éléments de preuve. Quant au deuxième moyen, elle indique avoir établi à suffisance de droit la participation des requérantes à un accord anticoncurrentiel ou à une pratique concertée et considère que l’entente relative à l’AMS a eu une incidence sensible sur les échanges entre États membres, un effet concret ne devant pas être démontré.

25      Ces arguments visent à remettre en cause les constatations factuelles de la Commission concernant l’entente relative à l’AMS effectuées aux considérants 131 à 212 de la décision attaquée, dont celle figurant au considérant 132 s’agissant de la durée de la participation des requérantes à ladite entente entre le 19 mars 2003 et le 19 août 2004. Ils visent aussi la conclusion de la Commission figurant aux considérants 464 et 571 à 575 de la décision attaquée, selon laquelle les requérantes ont participé à une entente illicite relative à l’AMS impliquant un accord sur l’introduction et les principes de fixation d’une surtaxe, le calendrier d’introduction de cette surtaxe ainsi qu’un échange d’informations sensibles. Selon la Commission, il y a également eu mise en œuvre partielle de l’accord, assortie d’un mécanisme de surveillance de celle-ci, et des mesures ont été prises pour cacher les contacts illicites. La Commission précise aussi (considérant 575 de la décision attaquée) que l’objet anticoncurrentiel des contacts en question était d’avoir une influence sur le marché.

26      Après un rappel de la jurisprudence relative à l’existence et à la preuve d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE ainsi qu’au devoir de contrôle du Tribunal, il convient d’examiner successivement quels faits constitutifs et éléments de preuve sont retenus dans la décision attaquée pour établir la participation des requérantes à une entente contraire à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, les griefs des requérantes remettant en cause la valeur probante et l’appréciation des éléments de preuve, les conséquences juridiques à tirer des éléments de preuve et, enfin, si l’infraction retenue est susceptible d’affecter de manière sensible le commerce entre États membres.

 Rappel de la jurisprudence relative à l’existence et à la preuve d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE ainsi qu’au devoir de contrôle du Tribunal

27      En premier lieu, s’agissant de l’existence d’une entente, aux termes de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur.

28      Pour qu’il y ait accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (arrêts du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec, EU:T:1991:75, point 256, et du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec, EU:T:2002:70, point 199).

29      Il peut être considéré qu’un accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE est conclu dès lors qu’il y a une concordance des volontés sur le principe même d’une restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l’objet de négociations (voir, en ce sens, arrêt HFB e.a./Commission, point 28 supra, EU:T:2002:70, points 151 à 157 et 206).

30      La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec, EU:C:1999:356, point 115, et Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec, EU:C:1999:358, point 158).

31      Ces critères de coordination et de coopération constitutifs d’une pratique concertée doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité FUE relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2013, Solvay/Commission, C‑455/11 P, EU:C:2013:796, point 37 et jurisprudence citée).

32      Si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à tenir soi-même sur ce marché ou que l’on envisage d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (voir arrêt Solvay/Commission, point 31 supra, EU:C:2013:796, point 37 et jurisprudence citée).

33      Un échange d’informations est contraire aux règles de concurrence de l’Union européenne lorsqu’il atténue ou supprime le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, Rec, EU:C:2003:527, point 81 et jurisprudence citée).

34      En effet, la divulgation d’informations sensibles élimine l’incertitude relative au comportement futur d’un concurrent et influence ainsi, directement ou indirectement, la stratégie du destinataire des informations (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado, C‑238/05, Rec, EU:C:2006:734, point 51 et jurisprudence citée).

35      En deuxième lieu, s’agissant de l’administration de la preuve, selon une jurisprudence constante, la Commission doit apporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence de faits constitutifs d’une infraction (arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec, EU:C:1998:608, point 58, et du 14 octobre 2004, Dresdner Bank/Commission, T‑44/02, EU:T:2004:299, point 59).

36      Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise (arrêts du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec, EU:C:1984:130, point 20, et du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, EU:T:2008:255, point 55). Les preuves qu’elle a présentées doivent donc permettre de conclure au-delà de tout doute raisonnable à l’existence d’une infraction (arrêt Dresdner Bank/Commission, point 35 supra, EU:T:2004:299, points 137 et 144).

37      Toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères pour chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqués par ladite institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (arrêts du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, Rec, EU:C:2010:389, point 47, et du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec, EU:T:2004:221, point 180). Par ailleurs, lorsque la Commission a invoqué des éléments de preuve documentaires à l’appui de sa constatation de l’existence d’un accord ou d’une pratique anticoncurrentielle, il incombe aux parties qui contestent cette constatation devant le Tribunal non pas simplement de présenter une alternative plausible à la thèse de la Commission, mais bien de soulever l’insuffisance des preuves retenues dans la décision attaquée pour établir l’existence de l’infraction (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, précité, EU:T:2004:221, point 187, et du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, Rec, EU:T:2011:284, point 52).

38      Quant aux moyens de preuve qui peuvent être invoqués pour établir l’infraction à l’article 101 TFUE, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves (arrêts du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec, EU:T:2004:220, point 72, et du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, T‑112/07, Rec, EU:T:2011:342, point 64).

39      Les indices invoqués par la Commission dans la décision attaquée afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE par une entreprise doivent être appréciés non isolément, mais dans leur ensemble (arrêts du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, Rec, EU:C:1972:70, point 68, et du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec, EU:T:2008:254, point 185). Différents éléments de preuve peuvent ainsi se renforcer mutuellement (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 37 supra, EU:T:2004:221, point 275).

40      Par ailleurs, il convient de rappeler que, en pratique, la Commission est souvent obligée de prouver l’existence d’une infraction dans des conditions peu propices à cette tâche, dans la mesure où plusieurs années ont pu s’écouler depuis l’époque des faits constitutifs de l’infraction et que plusieurs des entreprises faisant l’objet de l’enquête n’ont pas activement coopéré avec elle. S’il incombe nécessairement à la Commission d’établir qu’un accord illicite a été conclu, il serait excessif d’exiger, en outre, qu’elle apporte la preuve du mécanisme spécifique par lequel ce but devait être atteint. En effet, il serait trop aisé pour une entreprise coupable d’une infraction d’échapper à toute sanction si elle pouvait tirer argument du caractère vague des informations présentées quant au fonctionnement d’un accord illicite dans une situation dans laquelle l’existence de l’accord et son but anticoncurrentiel sont pourtant établis de manière suffisante. Les entreprises peuvent se défendre utilement dans une telle situation pour autant qu’elles ont la possibilité de commenter tous les éléments de preuve invoqués à leur charge par la Commission (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 37 supra, EU:T:2004:221, point 203).

41      Quant aux déclarations d’autres entreprises, aucune disposition ni aucun principe général du droit de l’Union n’interdit à la Commission de s’en prévaloir à l’encontre des requérantes. Au contraire, il ressort de la jurisprudence qu’une valeur probante particulièrement élevée peut être reconnue aux déclarations qui, premièrement, sont fiables, deuxièmement, sont faites au nom d’une entreprise, troisièmement, proviennent d’une personne tenue par l’obligation professionnelle d’agir dans l’intérêt de cette entreprise, quatrièmement, vont à l’encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement, proviennent d’un témoin direct des circonstances qu’elles rapportent et, sixièmement, ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 37 supra, EU:T:2004:221, points 205 à 210, et Hitachi e.a./Commission, point 38 supra, EU:T:2011:342, point 71).

42      En effet, le fait pour une personne d’avouer qu’elle a commis une infraction et d’admettre ainsi l’existence de faits qui dépassent ceux dont l’existence pouvait être déduite de manière directe de documents implique a priori, en l’absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité. Ainsi, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 37 supra, EU:T:2004:221, points 211 et 212 ; du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, Rec, EU:T:2007:115, point 166, et Lafarge/Commission, point 36 supra, EU:T:2008:255, point 59).

43      Enfin, la Commission doit également prouver la durée de l’infraction, étant donné que ladite durée est un élément constitutif de la notion d’infraction au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Les principes mentionnés aux points 35 à 42 ci-dessus s’appliquent à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, Rec, EU:C:2006:592, points 95 et 96).

44      La jurisprudence exposée aux points 27 à 43 ci-dessus est applicable, par analogie, à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE.

45      En troisième lieu, s’agissant du devoir de contrôle du Tribunal, il y a lieu de rappeler que celui-ci doit exercer un contrôle entier afin de savoir si les conditions d’application de l’article 101 TFUE se trouvent ou non réunies (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, Rec, EU:C:1985:327, point 34, et du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T‑41/96, Rec, EU:T:2000:242, point 62). Le juge de l’Union doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêts du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, Rec, EU:C:2014:2062, point 54 et jurisprudence citée, et Dresdner Bank/Commission, point 35 supra, EU:T:2004:299, point 67 et jurisprudence citée).

 Sur les faits constitutifs et les éléments de preuve retenus dans la décision attaquée

46      Les éléments de preuve retenus dans la décision attaquée pour établir la conclusion d’un accord de principe entre transitaires sur l’introduction d’une surtaxe AMS, un échange d’informations par la suite et une tentative de convenir d’un montant uniforme de surtaxe ou de fixer une fourchette en ce sens concernent, d’une part, des preuves documentaires, à savoir les procès-verbaux de réunions tenues dans le cadre de l’association FFI et des courriers électroniques et, d’autre part, les déclarations de certains transitaires dans le cadre de leurs demandes de clémence respectives.

47      Le premier fait retenu est une réunion tenue à Londres le 19 mars 2003 par le comité du fret aérien de l’association FFI (considérants 145 à 147 de la décision attaquée) à laquelle un représentant du groupe UTi a participé, ainsi qu’il ressort du procès-verbal de cette réunion. Ledit procès-verbal, cité au considérant 146 de la décision attaquée, fait état d’un accord selon lequel « les frais supplémentaires auxquels sont exposés les transitaires pour la mise en œuvre de mesures de sécurité supplémentaires doivent être facturés aux clients ». Selon les points d’action dudit procès-verbal, il y avait un accord pour que « l’[association FFI] facture au client la charge de travail supplémentaire résultant des mesures de sécurité » et que « l’[association FFI] ne tire pas un avantage commercial de la facturation des frais ». Le fait que cette partie de l’accord fût l’expression d’une volonté commune de ne pas utiliser la nouvelle surtaxe comme instrument de concurrence est confirmé par la déclaration de [confidentiel] (1), citée au considérant 147 de la décision attaquée, qui fait référence à [confidentiel].

48      Le deuxième fait retenu concerne la présentation des conclusions de la réunion du 19 mars 2003 par le représentant du groupe Panalpina, lors de la réunion du comité des présidents-directeurs généraux (PDG) du 8 avril 2003 à Bruxelles, à laquelle le groupe UTi était également représenté (considérants 148 et 149 de la décision attaquée). Ladite présentation, citée au considérant 148 de la décision attaquée, indiquait que l’association FFI avait reconnu que les frais supplémentaires liés à l’AMS devaient être facturés aux clients.

49      Le troisième fait retenu est une réunion du comité du fret aérien de l’association FFI le 21 octobre 2003 à Bruxelles (considérants 151 et 152 de la décision attaquée), à laquelle deux personnes représentaient le groupe UTi, selon le procès-verbal de cette réunion. Ledit procès-verbal, cité au considérant 152 de la décision attaquée, indique que les participants à la réunion ont « discuté des frais entraînés par les mesures de sécurité supplémentaires exigées par la future législation AMS ». Il est également relevé au considérant 152 de la décision attaquée que la déclaration de [confidentiel], indiquait que [confidentiel]. Il y est ajouté que cette information est confirmée par un courriel interne [confidentiel] du 9 janvier 2004 ainsi que par la déclaration de [confidentiel], évoquant [confidentiel].

50      Le quatrième fait retenu est une réunion du comité du fret aérien de l’association FFI du 24 mars 2004 à Bâle (considérants 153 et 154 de la décision attaquée), à laquelle le groupe UTi était représenté selon le procès-verbal de cette réunion. La Commission relève au considérant 154 de la décision attaquée que, selon la déclaration [confidentiel] et qu’il ressort d’un courriel interne [confidentiel] que cet accord ne figure pas dans le procès-verbal parce que les entreprises n’étaient pas autorisées à discuter des tarifs.

51      Le cinquième fait retenu est une réunion du comité des PDG tenue le 5 mai 2004 à Bruxelles (considérant 155 de la décision attaquée). La Commission relève que le représentant du groupe Panalpina y a fait une présentation des activités du comité du fret aérien de l’association FFI en informant les participants de l’accord trouvé au sein de ladite association selon lequel les membres devaient être prêts à mettre en œuvre le système AMS pour l’ensemble des États-Unis à partir du 13 août 2004.

52      Le sixième fait retenu est un échange d’informations permanent concernant les montants prévus pour la surtaxe AMS (considérants 156 et 157 de la décision attaquée), ce qui est illustré, selon la Commission, premièrement, par un courriel interne [confidentiel] du 5 août 2004 faisant état du retour d’informations de plusieurs transitaires « concernant le droit qu’il factureront à leurs clients » et se plaignant de l’incapacité de se mettre d’accord sur un droit uniforme (considérant 156 de la décision attaquée), deuxièmement, par un courriel interne du groupe UTi du 3 août 2004 selon lequel « UTi avait l’intention de se conformer à la recommandation de [l’association FFI] » de facturer 8 euros (considérant 157 de la décision attaquée) et, troisièmement, par un courriel interne [confidentiel] du 5 août 2004 faisant référence à un contact avec le groupe Exel et au fait qu’une surtaxe de 8 euros avait été convenue par les « principaux acteurs internationaux » (considérant 157 de la décision attaquée).

53      Le septième fait retenu est la tenue d’une conférence téléphonique du comité du fret aérien de l’association FFI le 19 août 2004, à savoir après le lancement par les autorités américaines du système AMS le 13 août 2004 (considérants 158 à 162 de la décision attaquée), et à laquelle le groupe UTi était représenté, ainsi qu’il ressort du procès-verbal de ladite conférence. Ce procès-verbal, cité au considérant 159 de la décision attaquée, précise que « le groupe reste ferme sur la facturation des consommateurs » en mentionnant ensuite des taux appliqués par différents participants, dont le groupe UTi (« UTi 8 euros partout dans le monde / 10 [dollars des États-Unis] avec quelques adaptations sur certains marchés »). Il fait aussi état de « cas de non-respect de l’accord » en mentionnant des exemples concrets. Par ailleurs, la Commission fait référence, au considérant 159 de la décision attaquée, à la déclaration [confidentiel], selon laquelle [confidentiel] ainsi que, au considérant 161 de la même décision, à la déclaration [confidentiel], illustrant que [confidentiel].

 Sur les griefs visant la valeur probante des éléments de preuve

54      L’argumentation des requérantes concerne, en substance, le fait que la Commission n’ait pas tenu compte de la circonstance selon laquelle les autorités américaines n’avaient formellement adopté les règles relatives à l’AMS qu’au courant de l’année 2004, le fait que la Commission elle-même ait remis en cause la valeur probante de certaines preuves dans la décision attaquée, des erreurs sur la portée des discussions au sein de l’association FFI, l’absence de preuves d’un accord sur un prix ou sur une fourchette de prix, la méconnaissance de l’imposition sélective des surtaxes AMS, la méconnaissance des éléments de preuve concernant une entente entre les transitaires dominants et la méconnaissance d’éléments de preuve prouvant qu’elles ont fixé leurs surtaxes AMS de manière indépendante.

–       Sur la circonstance selon laquelle les autorités américaines n’ont formellement adopté les règles relatives à l’AMS qu’au courant de l’année 2004

55      Selon les requérantes, plusieurs éléments de preuve, dont notamment le procès-verbal de la réunion du 19 mars 2003, pierre angulaire de l’argumentation de la Commission, doivent être écartés au motif que, pendant une partie de la durée de l’infraction, la réglementation relative à l’AMS n’était pas encore en vigueur, celle-ci ayant été adoptée par les autorités américaines le 4 mars 2004 et étant entrée en vigueur le 13 août 2004.

56      À cet égard, il convient de relever que la Commission a intégré ces circonstances factuelles à son analyse. Ainsi, il est relevé au considérant 134 de la décision attaquée que l’amendement alourdissant concrètement le devoir pour les transitaires de transmettre des informations aux autorités américaines relatives aux envois avant l’arrivée de ceux-ci sur le territoire américain n’a été introduit pour le fret aérien que le 4 mars 2004.

57      Or, comme la Commission le fait remarquer, les transitaires étaient informés de la future introduction de ces mesures bien avant la date du 4 mars 2004. La Commission rappelle à cet égard, sans être contredite sur ce point par les requérantes, que l’introduction de la procédure AMS était prévue dans une loi américaine sur le commerce de 2002. Comme elle le relève également, il ressort des déclarations [confidentiel] qu’[confidentiel], ce que les requérantes n’ont pas non plus contesté. Cela est d’ailleurs confirmé par l’argumentation des requérantes elles-mêmes quand elles allèguent que les discussions entre les transitaires pendant la période de l’infraction concernaient les aspects techniques des mesures attendues.

58      Par ailleurs, comme cela a été relevé au considérant 583 de la décision attaquée, même si, à la date du 19 mars 2003, les règles régissant la procédure AMS n’étaient pas publiques, cela n’empêchait pas les transitaires de se mettre d’accord sur certains paramètres spécifiques.

59      Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 32 ci-dessus, est interdite toute prise de contact directe ou indirecte entre opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à, ou que l’on envisage de, tenir soi-même sur le marché, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché.

60      En l’espèce, comme la Commission le relève à juste titre, si la pratique collusoire n’avait pas existé, les transitaires auraient chacun réagi de manière indépendante à la procédure AMS attendue des autorités américaines, sans avoir de certitude concernant le comportement de ses concurrents quant à une éventuelle répercussion de la hausse des coûts sur les clients. En effet, même pour la période de l’entente pendant laquelle la surtaxe AMS n’était pas encore en vigueur, les transitaires avaient déjà pu tenir compte de la coordination quant au fait de ne pas imputer les frais relatifs à l’AMS aux clients dans le cadre de contrats relatifs à des services de transit conclus pendant cette période.

61      Par ailleurs, la concertation sur un élément de la composition du prix final peut avoir un impact sur le comportement des entreprises sur le marché, notamment dans un secteur à faibles marges, tel que celui des services de transit, comme cela est indiqué au considérant 869 de la décision attaquée et examiné davantage ci-après.

62      À l’audience, les requérantes se sont encore référées à l’arrêt du 16 septembre 2013, Wabco Europe e.a./Commission (T‑380/10, Rec, EU:T:2013:449), dont il résulterait que, pour établir une restriction de la concurrence, il faut que la concurrence entre les parties concernées soit possible, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce, au moins pendant une partie de la période retenue, parce que la réglementation AMS n’était pas applicable.

63      Aux points 104 à 121 de l’arrêt Wabco Europe e.a./Commission, point 62 supra (EU:T:2013:449), le Tribunal a considéré, en substance, que la Commission n’avait pas rapporté la preuve de l’existence d’une entente sur un marché spécifique pour une certaine période dans la mesure où la présence de plus d’une entreprise active sur ce marché spécifique aux réunions retenues pendant cette période n’était pas établie.

64      Or, les circonstances de cette affaire se distinguent de celles en cause en l’espèce. Il n’est pas contesté que les entreprises présentes à la réunion du 19 mars 2003, lors de laquelle a été conclu l’accord de principe visant à répercuter sur les clients des transitaires des frais supplémentaires qui seraient occasionnés par l’introduction de la réglementation relative à l’AMS et à ne pas se faire concurrence en ce qui concernait ces frais, étaient toutes actives sur le marché des services de transit international par avion.

65      Le fait que la date d’application et les paramètres concrets du système AMS n’étaient pas définitivement connus à la date du 19 mars 2003 et pendant une partie de la période de l’infraction l’ayant suivie n’est pas pertinent pour qualifier l’objet des discussions entre les transitaires concurrents à partir du 19 mars 2003. En effet, la jurisprudence rappelée au point 32 ci-dessus confirme que les comportements collusoires visés par l’article 101, paragraphe 1, TFUE concernent également ceux qui visent des pratiques à adopter dans le futur, ainsi que cela est d’ailleurs généralement le cas en matière d’ententes sur les prix.

66      Par ailleurs, comme la Commission l’a rappelé à l’audience, il ressort de la jurisprudence que le simple fait d’échanger des informations commerciales entre concurrents en vue de préparer un accord anticoncurrentiel peut déjà être suffisant pour prouver l’existence d’une pratique concertée au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt Solvay/Commission, point 31 supra, EU:C:2013:796, point 40). A fortiori, la conclusion d’un accord anticoncurrentiel qui concerne le futur est visée par ladite disposition.

67      Dès lors, ainsi que cela est souligné aux considérants 583 et 584 de la décision attaquée, il n’est pas déterminant de savoir si les autorités américaines n’avaient pas encore officiellement adopté les règles de l’AMS pendant une partie de la période de l’infraction s’il est établi que les transitaires se sont mis d’accord sur une restriction de la concurrence pour le futur.

68      Il en résulte que le calendrier de mise en œuvre effective des règles relatives à l’AMS ne remet pas en cause la pertinence et la validité des éléments de preuve retenus par la Commission. Le présent grief doit donc être rejeté.

–       Sur le fait que la Commission elle-même ait remis en cause la valeur probante de certains éléments de preuve

69      Selon les requérantes, aux considérants 143 et 568 de la décision attaquée, après avoir reconnu le caractère épars et fragmentaire des procès-verbaux, la Commission admet elle-même qu’ils ne constituent que des commencements de preuve.

70      Il est relevé au considérant 143 de la décision attaquée que « [l]e contenu des discussions n’apparaît pas, pour la plupart, dans les procès-verbaux officiels de [l’association FFI], puisque les concurrents étaient conscients du fait qu’ils n’étaient pas autorisés à discuter des prix lors des réunions » et que « [c]ela est confirmé par certains courriels faisant état des résultats des réunions ».

71      Le considérant 568 énonce pour sa part ce qui suit :

« Même si dans certains cas des éléments de preuve ont pu être incomplets, ils doivent être considérés conjointement avec d’autres éléments de preuve qui complètent et corroborent ces preuves. L’ensemble des faits énoncés dans la section 4.2 constitue une preuve suffisante pour l’établissement de l’entente concernant l’AMS, comme indiqué dans la présente décision. »

72      Contrairement à ce que font valoir les requérantes, il ne ressort pas desdits considérants que la Commission considère que les procès-verbaux soient épars ou fragmentaires. La Commission retient toutefois que ceux-ci doivent être appréciés non pas isolément, mais dans un ensemble constitué par lesdits procès-verbaux ainsi que par des courriels contemporains aux réunions. Or, cette approche est conforme à la jurisprudence citée aux points 37 et 39 ci-dessus.

73      Les requérantes avancent, par ailleurs, une contradiction dans la décision attaquée, notamment aux considérants 141, 143, 178, 184 et 176, dans la mesure où, dans ces derniers, la Commission relèverait, d’une part, que, lors de la réunion du 19 mars 2003, les transitaires se seraient entendus sur le fait de facturer aux clients le coût de l’entrée en vigueur de l’AMS et, d’autre part, que les procès-verbaux ne reflètent pas fidèlement ou complètement les discussions, qu’ils sont vagues et doivent être interprétés ou complétés à l’aide du contenu de courriels ou de déclarations.

74      À cet égard, force est de relever que les requérantes font à nouveau une lecture sélective de la décision attaquée et que leur argument doit être rejeté pour la même raison que celle mentionnée au point 72 ci-dessus.

75      Enfin, il y a lieu de rappeler que les procès-verbaux des réunions sont des notes contemporaines à l’infraction en cause. Pour certaines réunions, à savoir celles du 19 mars et du 21 octobre 2003 ainsi que la conférence téléphonique du 19 août 2004, ils sont relativement détaillés. Dès lors, leur valeur probante est élevée.

76      Le grief doit donc être rejeté.

–       Sur les prétendues erreurs s’agissant de la portée des discussions au sein de l’association FFI

77      Les requérantes invoquent de multiples erreurs quant à la lecture avancée par la Commission des éléments de preuve examinés aux points 47 à 53 ci-dessus permettant, selon elle, de cerner le contenu des différentes réunions et échanges entre les transitaires entre le 19 mars 2003 et le 19 août 2004. Ces arguments recoupent en partie les arguments avancés dans le cadre d’autres griefs. Il convient donc de regrouper l’examen de certains arguments relatifs au contenu des réunions au titre du présent grief tandis que, dans un souci de concision, les autres arguments seront traités dans le cadre des autres griefs examinés ci-après.

78      Quant à la réunion du 19 mars 2003, les requérantes avancent que les transitaires anticipaient le fait que les transporteurs de fret leur imposaient leurs propres frais AMS. Il ne ressortirait donc du procès-verbal de ladite réunion aucun accord anticoncurrentiel, mais seulement un accord correspondant à une déclaration générale des membres de l’association visant à défendre leurs intérêts.

79      En outre, le procès-verbal de réunion des PDG du 8 avril 2003 ne montrerait aucune discussion ni aucun accord sur une surtaxe AMS, ce qui démentirait la théorie de la Commission d’une collusion. Par ailleurs, la discussion ayant eu lieu aurait supplanté le prétendu accord du 19 mars 2003. Il en irait de même pour la réunion du 21 octobre 2003, qui n’aurait pas non plus eu d’objet collusoire et aurait également rendu caduc le prétendu accord du 19 mars 2003.

80      De plus, les requérantes contestent que la réunion du 24 mars 2004 ait eu un objet anticoncurrentiel et relèvent notamment que le procès-verbal de cette réunion ne mentionne pas l’AMS. Il ne saurait être suffisant pour la Commission de s’appuyer à cet égard sur les déclarations unilatérales d’un transitaire.

81      De surcroît, le procès-verbal de la réunion des PDG du 5 mai 2004 ne contiendrait aucun élément apte à identifier l’existence d’une collusion.

82      Enfin, la conférence téléphonique du 19 août 2004 n’aurait concerné qu’un échange sur des comportements anciens.

83      À cet égard, à titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, si la Commission dispose de preuves contemporaines de certaines réunions, il appartient aux requérantes d’offrir une explication alternative, ainsi qu’il est relevé au considérant 486 de la décision attaquée. Par ailleurs, lorsque des pièces contemporaines aux faits montrent qu’il y a eu une concertation entre entreprises à propos de leur comportement sur le marché, il incombe aux entreprises non pas simplement de présenter une alternative plausible à la thèse de la Commission, mais bien de soulever l’insuffisance des preuves retenues dans la décision attaquée pour établir l’existence de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 37 supra, EU:T:2004:221, points 186 et 187).

84      En l’espèce, en premier lieu, s’agissant de la réunion du 19 mars 2003, l’argument des requérantes selon lequel il ressortirait du procès-verbal de cette réunion que les transitaires anticipaient le fait que les transporteurs de fret leur imposaient leurs propres frais AMS ne saurait suffire.

85      Il ne remet pas en cause les termes clairs du procès-verbal relatif à la réunion du 19 mars 2003. Comme cela a été mentionné au point 47 ci-dessus, celui-ci fait explicitement référence, dans ses points d’action, au fait que l’association FFI ne devrait pas utiliser les surtaxes comme un avantage concurrentiel et que celles-ci devraient être facturées aux clients. Les requérantes ne sauraient donc affirmer de manière crédible que ledit procès-verbal ne contient qu’une déclaration générale des membres de l’association visant à défendre leurs intérêts envers les transporteurs de fret aérien. Comme cela a déjà été relevé au point 60 ci-dessus, en l’absence de fixation d’une approche commune, les transitaires auraient chacun dû réagir de manière indépendante en ce qui concerne l’éventuelle prise en charge d’un coût d’intrant supplémentaire.

86      Contrairement à ce que font valoir les requérantes, le point 11.1 dudit procès-verbal, selon lequel il y avait lieu d’« informer les clients que des taxes de sécurité [seraient] facturées avec le fret », ne contredit pas la thèse d’un accord anticoncurrentiel ni le contenu clair des points d’action dans le procès-verbal relevé par la Commission.

87      Par ailleurs, comme cela est indiqué au point 47 ci-dessus, l’objet anticoncurrentiel de cette réunion ressort non seulement du libellé du procès-verbal qui y est relatif, mais aussi de la déclaration [confidentiel] le confirmant.

88      La Commission n’a donc pas commis d’erreur en concluant, notamment au considérant 141 de la décision attaquée, que le procès-verbal de la réunion du 19 mars 2003 faisait état d’un accord entre transitaires visant à faire supporter les frais supplémentaires occasionnés par la future réglementation AMS à leurs clients par l’instauration d’une surtaxe AMS qui aurait dû au moins couvrir les frais liés à l’application de l’AMS, et ce dans l’objectif de ne pas se faire concurrence en ce qui concernait cet élément du prix de leurs services.

89      En deuxième lieu, quant à la réunion des PDG du 8 avril 2003, l’absence de description du contenu des discussions relatives aux surtaxes AMS dans le procès-verbal n’est pas déterminante dans la mesure où l’analyse de la Commission se fonde sur le contenu de la présentation faite par le représentant du groupe Panalpina, dont une copie était annexée au procès-verbal. Les requérantes n’avancent pas que cette présentation n’a pas eu lieu, mais se limitent à dire que la page que la Commission invoque n’est qu’une simple reproduction du procès-verbal de la réunion du 19 mars 2003. Or, cela confirme plutôt la thèse de la Commission selon laquelle l’accord du 19 mars 2003 a été présenté aux PDG lors de la réunion du 8 avril 2003 et avait une certaine importance, ce qui est d’ailleurs également confirmé par la déclaration [confidentiel], comme cela a été relevé au considérant 149 de la décision attaquée.

90      Par ailleurs, comme les requérantes le relèvent, le procès-verbal fait certes référence de manière générale à des surtaxes. Cependant, le fait qu’il soit fait référence à cet égard à la circonstance que l’association devrait « étudier la possibilité de demander aux compagnies aériennes un droit de perception » n’est pas une preuve concluante que les discussions auraient uniquement porté sur la négociation avec les compagnies aériennes, compte tenu de l’élément de preuve que constitue la présentation du représentant du groupe Panalpina, au sujet de la facturation d’un droit aux clients. Pour la même raison, la référence à un éventuel droit de perception à négocier avec les transporteurs de fret aérien dans ledit procès-verbal ne prouve aucunement que l’accord du 19 mars 2003 soit devenu caduc.

91      En tout état de cause, et pour autant que des discussions au sujet de la négociation d’un droit de perception avec les transporteurs de fret aérien devraient être considérées comme légitimes, il y a lieu de rappeler, comme la Commission le relève à juste titre, que l’existence d’objets de discussions alternatives légitimes n’exclut pas la possibilité de discussions illégales. En effet, des discussions sur des informations sensibles pour le marché, même à supposer qu’elles aient été poursuivies simultanément avec des discussions sur des sujets non sensibles, sont clairement de nature à établir une coordination sur le marché et à réduire l’insécurité quant au comportement envisageable des concurrents (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, Rec, EU:T:2011:284, point 193).

92      En troisième lieu, quant à la réunion du 21 octobre 2003, le fait que le procès-verbal de cette réunion relève que certains transitaires factureraient probablement les frais additionnels à l’expéditeur au point d’origine ou selon une autre méthode ne remet pas en cause l’analyse de la Commission selon laquelle cette réunion avait également un objet anticoncurrentiel.

93      Comme cela a été relevé au considérant 152 de la décision attaquée, le procès-verbal de cette réunion se référait à une discussion au sujet des frais entraînés par la future législation AMS. Ainsi que cela a été rappelé au point 49 ci-dessus, le fait que le montant des surtaxes a été discuté est confirmé par une preuve contemporaine, à savoir un courriel interne du 9 janvier 2004 [confidentiel]. Contrairement à ce que les requérantes soutiennent, ce document fait référence au contexte de l’association FFI en se référant notamment à la « dernière réunion FFI » et non à de prétendues discussions parallèles. Par ailleurs, la déclaration [confidentiel] confirme également [confidentiel].

94      De surcroît, l’argument des requérantes selon lequel cette réunion aurait également rendu caduc l’accord du 19 mars 2003 ne saurait prospérer. En effet, ladite réunion incluait notamment la discussion sur la question de savoir si une surtaxe AMS devait être facturée à l’expéditeur et concernait donc plutôt une modalité de mise en œuvre de l’accord de principe visant à imposer les frais relatifs aux nouvelles formalités aux clients. De même, quant au fait que le procès-verbal de la réunion du 21 octobre 2003 laisserait entendre que les participants à la discussion allaient examiner individuellement les options qui se présentaient à eux et que, au sein de l’association FFI, il faudrait continuer à influencer le processus décisionnel aux États-Unis ainsi que les transporteurs de fret aérien, la Commission considère à juste titre qu’il n’en ressort pas que l’accord initial a été abandonné. Tout au plus, cela révèle-t-il certaines incertitudes quant à sa mise en œuvre.

95      Or, dans le cas d’accords ou de pratiques concertées se manifestant lors de réunions d’entreprises concurrentes, une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE est constituée lorsque ces réunions ont pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence et visent ainsi à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. La responsabilité d’une entreprise déterminée du chef de l’infraction est valablement retenue lorsque ladite entreprise a participé à ces réunions en ayant connaissance de leur objet, même si elle n’a pas, ensuite, mis en œuvre l’une ou l’autre des mesures convenues lors de celles-ci. L’assiduité plus ou moins grande de l’entreprise aux réunions ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues peuvent avoir des conséquences non sur l’existence de sa responsabilité, mais sur l’étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction (arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec, EU:C:2002:582, points 509 et 510, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec, EU:C:2005:408, point 145).

96      La Commission n’a donc pas commis d’erreur en considérant que les réunions des 8 avril et 21 octobre 2003 démontraient une succession de contacts dans le cadre de l’entente relative à l’AMS.

97      En quatrième lieu, quant à la réunion du 24 mars 2004, la Commission ne conteste pas que le procès-verbal de cette réunion ne fait pas mention de l’AMS. Cependant, comme cela a été rappelé au point 50 ci-dessus, la Commission s’appuie à cet égard également sur un courriel interne [confidentiel] expliquant l’absence de contenu anticoncurrentiel dans le procès-verbal de ladite réunion ainsi que sur la déclaration [confidentiel].

98      Quant audit courriel interne [confidentiel], l’argument des requérantes selon lequel il n’est pas établi qu’il fasse référence à la réunion du 24 mars 2004 ne peut prospérer. Daté du début du mois d’avril 2004, il est clairement contemporain de la réunion en cause, de sorte que la Commission a pu considérer que le procès-verbal auquel il fait explicitement référence est celui de la dernière réunion en date de l’association FFI. Par ailleurs, cela est confirmé par la déclaration [confidentiel], qui se réfère aussi à [confidentiel].

99      La Commission a donc pu retenir que la réunion du 24 mars 2004 constituait également un nouveau contact dans le cadre de l’entente relative à l’AMS.

100    En cinquième lieu, quant à la réunion des PDG du 5 mai 2004, le procès-verbal de cette réunion ne contient pas d’indications concrètes de discussions sur les surtaxes AMS. La décision attaquée ne fait d’ailleurs référence à aucun autre élément de preuve corroborant le contenu des discussions ayant eu lieu ce jour-là.

101    Néanmoins, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, il n’en résulte pas pour autant que le procès-verbal de cette réunion remet en cause la thèse de la Commission de discussions continues entre les transitaires sur la mise en œuvre de l’accord initial du 19 mars 2003.

102    Selon les requérantes, il ressort uniquement dudit procès-verbal que les transitaires ont eu des discussions sur les aspects techniques de la réglementation AMS, sur les frais qui seraient facturés par les transporteurs de fret aérien et sur la position à adopter par les transitaires envers ces derniers, ce qui serait un comportement légitime pour une association professionnelle.

103    Cependant, ce procès-verbal fait état de la présentation du représentant du groupe Panalpina, déjà relevé au point 51 ci-dessus, au sujet d’un accord au sein du comité du fret aérien selon lequel les membres devraient être prêts à mettre en œuvre le système AMS pour tout le territoire des États-Unis à partir du 13 août 2004, et non selon un possible scénario de mise en œuvre progressive par région (côte est, centre, côte ouest) conformément au schéma de mise en œuvre prévu par la loi, comme cela est relevé au considérant 135 de la décision attaquée. L’adoption de la méthode d’une telle mise en œuvre générale à partir du 13 août 2004 est confirmée pour certains transitaires dans le procès-verbal de la réunion du 19 août 2004, discuté ci-après.

104    Dans ces circonstances, la Commission n’a pas commis d’erreur en retenant la réunion du 5 mai 2004 comme faisant partie des discussions continues au sujet de la mise en œuvre de l’accord du 19 mars 2003, indépendamment de la question de savoir si les discussions tenues ce jour-là avaient en partie un objet légitime (point 91 ci-dessus).

105    En sixième lieu, s’agissant de la conférence téléphonique du 19 août 2004, l’argumentation des requérantes selon laquelle le procès-verbal de cette réunion ne fait état que d’un échange d’informations en ce qui concerne des comportements adoptés sur le marché dans le passé ne permet pas de remettre en cause l’analyse de la Commission selon laquelle cette rencontre avait un objet anticoncurrentiel.

106    Premièrement, il ne peut être déduit du contenu du procès-verbal en cause (point 53 ci-dessus et considérant 159 de la décision attaquée) que les surtaxes communiquées à ce moment-là par les différents transitaires présents n’étaient que des données du passé qui n’allaient pas continuer à être appliquées.

107    Deuxièmement, comme la Commission le fait valoir à juste titre, l’analyse des « cas de non-respect » se réfère également à un comportement de signalement de tels cas à adopter pour le futur. Comme cela a été relevé au considérant 161 de la décision attaquée, la déclaration [confidentiel] confirme [confidentiel].

108    Troisièmement, les informations échangées étaient très récentes et donc sensibles, par exemple en ce qui concerne l’absence de facturation de surtaxes par le groupe Expeditors et par le groupe D, acquis par le groupe DP.

109    La Commission n’a donc pas commis d’erreur en retenant, notamment au considérant 159 de la décision attaquée, que la réunion du 19 août 2004 faisait partie des discussions continues entre les transitaires sur la mise en œuvre de l’accord du 19 mars 2003 et qu’elle comportait un échange d’informations relatives aux droits que chacun d’eux appliquait pour l’AMS ainsi qu’une discussion sur les cas de non-respect de l’accord.

110    Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de prétendues erreurs s’agissant de la portée des discussions au sein de l’association FFI doit être rejeté.

–       Sur l’absence de preuves d’un accord sur les prix ou sur une fourchette de prix

111    L’argumentation des requérantes selon laquelle les membres de l’association FFI ne se sont pas entendus sur un prix ou sur une fourchette de prix vise à remettre en cause, en particulier, le considérant 142 de la décision attaquée, dans lequel la Commission a considéré ce qui suit :

« […] Les transitaires ont tenté de se mettre d’accord sur une taxe/une fourchette de taxes uniforme, mais ils ne sont, au bout du compte, pas parvenus à tomber d’accord sur un montant/une fourchette de prix exact. Aussi, les sociétés ont […] en outre concerté leur comportement de marché et ont échangé les tarifs qu’elles avaient l’intention d’appliquer sur le marché, et les taxes qu’elles avaient commencé à percevoir lors du lancement de la procédure AMS (voir considérant 146 [au sujet de la réunion du 19 mars 2003]). »

112    Les requérantes contestent également ce qui est énoncé au considérant 212 de la décision attaquée dans la mesure où la Commission y retient que « les taxes finales appliquées par les différentes entreprises étaient comprises dans l’éventail des taxes précédemment discutées par les concurrents » et que « [l]eur montant était d’au moins 8 [euros], ce qui est dans une large mesure conforme à l’accord initial conclu entre les entreprises qui prévoyaient de ne pas entrer en concurrence sur le montant de la surtaxe et de fixer ce dernier au moins à un niveau permettant de couvrir les frais de son application ». Selon elles, les surtaxes AMS imposées variaient de 8 à 25 euros, une fourchette qui ne témoignerait pas de l’existence d’une collusion quelconque.

113    À cet égard, les requérantes font valoir à juste titre que le procès-verbal de la réunion du 19 mars 2003 ne témoigne pas d’une discussion au sujet de montants spécifiques de surtaxes AMS. La référence à cette réunion au considérant 142 de la décision attaquée (point 111 ci-dessus) n’est donc pas appropriée dans la mesure où il n’y avait pas encore de lancement de la procédure AMS à ce stade.

114    Force est toutefois de constater que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas retenu l’existence d’un accord sur le niveau ou la fourchette de prix exacts, mais sur le fait que les transitaires s’étaient entendus sur le principe de l’instauration de droits AMS et sur certaines modalités de cette instauration lors de la réunion du 19 mars 2003.

115    Il ne saurait être nié que l’objet de l’accord initial du 19 mars 2003 était le contrôle des conditions de répercussion d’une hausse anticipée des coûts d’intrants, notamment au travers d’un accord en vue de facturer le coût de l’intrant de la surtaxe AMS aux clients et de ne pas utiliser la surtaxe comme un outil de concurrence entre transitaires. Comme la Commission le relève au considérant 467 de la décision attaquée, il existait dès lors une entente selon laquelle la surtaxe minimale devait être fixée au niveau des coûts supportés par les transitaires pour se conformer à la procédure AMS.

116    La Commission a également retenu (considérants 141, 146 et 464 de la décision attaquée) que, par la suite, les transitaires ont échangé des informations en ce qui concernait leur comportement sur le marché, ce que les requérantes ne contestent pas. En effet, au contraire, ces dernières affirment devant le Tribunal que les éléments de preuve concernant la période allant de juillet à août 2004 montrent que, « tout en échangeant des informations », les transitaires se faisaient en réalité concurrence sur le montant des surtaxes AMS. La Commission a donc pu considérer que de tels échanges d’informations permettaient de réduire l’incertitude sur le comportement que les concurrents allaient adopter sans que cela contredise la thèse de l’existence d’un accord de principe initial.

117    Le fait que les transitaires ont finalement fixé différents niveaux de surtaxes AMS, s’échelonnant entre 8 et 25 euros en réalité, ou n’ont pas appliqué une telle surtaxe dans certains cas ne change pas le fait qu’ils sont convenus lors de la réunion du 19 mars 2003 d’instaurer une surtaxe AMS à la charge de leurs clients et de ne pas se faire concurrence à cet égard, qu’ils ont échangé des informations sur la surtaxe à appliquer par la suite et qu’ils ont discuté de la possibilité de convenir d’un montant uniforme. Cette dernière circonstance ressort notamment des déclarations [confidentiel] citées aux considérants 152 et 154 de la décision attaquée. Or, comme il a été rappelé au point 29 ci-dessus, il peut être considéré qu’un accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE est conclu dès lors qu’il y a une concordance des volontés sur le principe même d’une restriction de la concurrence.

118    En outre, le fait que les requérantes ou d’autres transitaires aient finalement fixé différents niveaux de surtaxe, voire n’en auraient pas appliqué dans certains cas, concerne l’application concrète de l’entente et ses effets plutôt que son existence. Or, la prise en considération des effets concrets d’un accord tel que celui trouvé en l’espèce est superflue à ce stade, dès lors qu’il apparaît que celui-ci a eu pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 2002, Dansk Rørindustri/Commission, T‑21/99, Rec, EU:T:2002:74, point 137 et jurisprudence citée).

119    La Commission n’a donc pas commis d’erreur en retenant au considérant 464 de la décision attaquée que les transitaires ont coordonné leur comportement sur le marché en convenant d’une surtaxe AMS et en décidant de ne pas l’utiliser comme un instrument de concurrence ainsi qu’en considérant qu’ils ont discuté de la possibilité de convenir d’un montant uniforme pour cette surtaxe. Elle a également pu retenir qu’ils sont convenus d’une fourchette de prix et qu’ils ont échangé des informations sur le suivi de l’introduction de la surtaxe.

120    Il en résulte que le grief doit être rejeté.

–       Sur l’imposition sélective des surtaxes AMS par les requérantes

121    Les requérantes affirment que la Commission n’a pas tenu compte du fait qu’elles ont annoncé publiquement le 13 août 2004 une surtaxe AMS standard de 8 euros par cargaison et que les différentes sociétés du groupe UTi imposaient alors des surtaxes différentes selon le client, en fonction des conditions locales au point d’origine. Elles font également valoir qu’elles ont utilisé l’AMS comme un avantage commercial en facturant des frais moyens d’un montant d’environ 7 euros, inférieur au prétendu montant officiel de 8 euros et pouvant n’être que de 0,50 euros en fonction du client.

122    À cet égard, les requérantes indiquent avoir collecté 421 668 dollars des États-Unis (USD) ou 326 783 euros de surtaxes AMS, soit une surtaxe moyenne de 9,80 USD ou de 7,59 euros, et elles affirment avoir imposé les surtaxes AMS à près de 37 % des cargaisons sur la période ayant couru de janvier 2005 à décembre 2007.

123    Force est toutefois de constater que ces indications ne sont étayées par aucun élément de preuve permettant de les corroborer. Les preuves auxquelles les requérantes font référence et qu’elles ont déposées lors de la procédure administrative permettent seulement d’établir que différentes sociétés à différents endroits dans le monde font partie du groupe UTi.

124    Par ailleurs, ce grief concerne, comme le précédent, l’application et l’effet de l’accord initial et des discussions qui l’ont suivi plutôt que son existence.

125    De surcroît, les requérantes font état d’une surtaxe AMS moyenne d’un montant de 7,59 euros, ce qui est proche du montant de 8 euros mentionné et appliqué par d’autres transitaires. En outre, elles confirment que les surtaxes standard qu’elles allaient appliquer étaient effectivement de 8 euros, ce qui est aussi relevé au procès-verbal de la conférence téléphonique du 19 août 2004 (point 53 ci-dessus).

126    Enfin, le fait de facturer une surtaxe différente de celle ayant fait l’objet de discussions entre concurrents ne prouve pas que les requérantes n’auraient pas tenu compte de l’accord initial, de la fourchette indiquée ou des informations échangées entre transitaires.

127    En effet, s’agissant d’accords de nature anticoncurrentielle qui se manifestent, comme en l’espèce, lors de réunions d’entreprises concurrentes, une infraction à l’article 101 TFUE est constituée lorsque ces réunions ont pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, il suffit que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, pour prouver la participation de ladite entreprise à l’entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec, EU:C:2004:6, point 81, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec, EU:C:2007:52, point 47).

128    La raison qui sous-tend cette règle est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l’entreprise a donné à penser aux autres participants qu’elle souscrivait à son résultat et qu’elle s’y conformerait (arrêts Aalborg Portland e.a./Commission, point 127 supra, EU:C:2004:6, point 82, et Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, point 127 supra, EU:C:2007:52, point 48).

129    En l’absence de distanciation publique de la part des requérantes de l’accord de principe ou du contenu anticoncurrentiel des réunions de mise en œuvre et d’échange d’informations qui l’ont suivi, il y a lieu de présumer, sous réserve de preuve contraire qu’il incombe à ces dernières de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché (voir, en ce sens, arrêt Hüls/Commission, point 30 supra, EU:C:1999:358, point 162 ; voir, également, arrêt Lafarge/Commission, point 36 supra, EU:T:2008:255, point 259 et jurisprudence citée).

130    Le grief ne remet donc en cause ni la pertinence ni la validité des éléments de preuve retenus par la Commission et doit donc être rejeté.

–       Sur l’absence de distinction entre l’appartenance à l’association FFI et l’adoption d’un comportement anticoncurrentiel

131    Selon les requérantes, la Commission se trompe sur le fait que leur simple appartenance à l’association FFI implique leur participation à l’entente relative à l’AMS. Elle aurait notamment dû tenir compte, d’une part, du fait qu’il existait un cercle restreint de transitaires au sein de ladite association, seuls coupables d’avoir commis l’entente, à l’exclusion des requérantes, et constitué par les groupes DP, Exel, Schenker, Panalpina et Kühne + Nagel et, d’autre part, que l’association FFI était encadrée par des avocats et des consultants chargés de veiller à la conformité juridique des pratiques.

132    À titre liminaire, il y a lieu de préciser que la décision attaquée ne retient pas la responsabilité de l’association FFI. Elle ne fonde pas non plus la responsabilité des requérantes sur leur simple appartenance à ladite association, mais sur leur présence à certaines réunions et leur participation à des discussions ayant été tenues dans le cadre de cette association.

133    Quant à l’existence d’un cercle restreint seul responsable des pratiques anticoncurrentielles en cause, dont les requérantes ne feraient pas partie, celles-ci avancent d’abord que leur non-implication est démontrée par le fait que les déclarations [confidentiel] mentionnent à peine le groupe UTi et ne mentionnent aucun de ses salariés. Il en irait de même pour la déclaration [confidentiel] quand elle se réfère à l’entente relative à l’AMS. Par ailleurs, il ressortirait plutôt des déclarations [confidentiel] et d’un courriel interne [confidentiel] daté du 1er octobre 2001 que le noyau dur des transitaires dominants s’est entendu depuis cette époque sur le fait que des surtaxes instituées par les transporteurs de fret aérien soient répercutées sur le consommateur. En outre, les requérantes soutiennent que les courriels des transitaires dominants invoqués dans la décision attaquée pour établir le contenu des discussions et l’existence de l’entente relative à l’AMS ne peuvent servir à démontrer leur participation à celle-ci, car ils ne feraient que confirmer leur explication alternative selon laquelle les transitaires appartenant au cercle des transitaires dominants au sein de l’association FFI se sont entendus au cours de discussions bilatérales et multilatérales ne les impliquant pas. Leur éclairage différent donné aux faits serait encore soutenu par la déclaration [confidentiel], à propos [confidentiel]. Par ailleurs, les requérantes considèrent que le fait que l’association FFI n’avait pas le pouvoir d’influencer les transitaires est démontré, d’une part, par l’absence de facturation de la surtaxe AMS par de nombreux transitaires et, d’autre part, par la fixation de montants hétérogènes par les autres.

134    À cet égard, s’agissant des déclarations [confidentiel], sa déclaration [confidentiel] fait référence à des employés des requérantes à plusieurs reprises, à savoir notamment au sujet des participants au comité du fret aérien, à la réunion du 19 mars 2003, à la réunion du 8 avril 2003 et à la conférence téléphonique du 19 août 2004. Il est d’ailleurs indifférent qu’il ne s’agisse que d’un très faible nombre de références aux requérantes, compte tenu du volume desdites déclarations, ou que la déclaration [confidentiel] ne se réfère pas explicitement à elles, car, en tout état de cause, le point de départ de l’analyse de la Commission est la présence des requérantes à des réunions à objet anticoncurrentiel, prouvée par les procès-verbaux, et non les références à leur groupe ou à leurs employés dans les déclarations d’autres transitaires.

135    En outre, quant à l’argument tiré du fait que les transitaires dominants auraient eu des contacts bilatéraux ou multilatéraux entre eux, n’impliquant pas les requérantes, argument au soutien duquel de nombreuses pièces ont été versées au dossier administratif, force est de relever que la Commission indique au considérant 482 de la décision attaquée qu’elle n’a tenu compte que des discussions ayant eu lieu au cours des six réunions de l’association FFI et des éléments de preuve permettant d’étayer le contenu desdites discussions pour caractériser l’existence de l’entente. Elle ne s’est aucunement fondée sur des discussions bilatérales ou multilatérales que des transitaires, membres d’un prétendu cercle interne à ladite association, auraient pu avoir tenues entre eux.

136    Dans ces circonstances, il ne saurait être fait grief à la Commission de ne pas avoir inclus d’autres éventuels accords dans la décision attaquée. Un tel argument, à le supposer fondé, ne saurait avoir une influence sur la légalité de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Koninklijke Wegenbouw Stevin/Commission, T‑357/06, Rec, EU:T:2012:488, points 41 et 42).

137    Par ailleurs, l’existence de nombreux courriels bilatéraux ou multilatéraux entre certains transitaires ne remet pas en cause les preuves de la participation du groupe UTi à des réunions à objet anticoncurrentiel au sein de l’association FFI, dont le contenu est confirmé par des procès-verbaux et par les déclarations de plusieurs transitaires.

138    En outre, il ne peut pas être déduit des déclarations d’entreprises invoquées par les requérantes que les surtaxes AMS auraient seulement fait l’objet de discussions bilatérales en dehors de la présence du groupe UTi à l’époque des faits.

139    À cet égard, quant au fait qu’une seule entente au sein d’un cercle plus restreint de transitaires se déduirait des déclarations [confidentiel], les arguments invoqués par les requérantes ne sont pas convaincants. La déclaration [confidentiel] relève notamment ce qui suit :

« [confidentiel]. »

140    Cette déclaration confirme l’analyse de la Commission selon laquelle des discussions au sujet de la surtaxe AMS se sont tenues dans le cadre de l’association FFI.

141    Il n’est d’ailleurs pas établi que la référence aux « principaux transitaires » dans certaines déclarations, dont celle-ci, ne saurait inclure le groupe UTi. Il semble normal que le transitaire en cause souligne la présence de tous les transitaires principaux. Cela n’exclut toutefois pas pour autant que des transitaires considérés comme étant secondaires aient également participé.

142    Par ailleurs, quant au fait que la déclaration [confidentiel] fait référence à [confidentiel], il y a lieu de constater que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, une éventuelle autre entente qui se serait produite avant la période concernée par l’entente relative à l’AMS visée par la décision attaquée et qui aurait impliqué certains transitaires sur certains types de surtaxes n’exclut pas la possibilité d’une concertation au sein de l’association FFI à une date postérieure. En tout état de cause, [confidentiel].

143    Même s’il est vrai que cette déclaration [confidentiel] ne mentionne pas explicitement le groupe UTi, force est de relever qu’il y est fait mention d’une description assez générale de [confidentiel]. Ces affirmations ont été complétées par la suite dans le cadre d’autres déclarations. Cette déclaration distingue toutefois déjà clairement [confidentiel].

144    S’agissant de l’argument tiré de la non-facturation de surtaxes AMS par des transitaires ou de montants de facturation hétérogènes parmi ceux effectivement pratiqués, il ne peut non plus prospérer. Comme cela a déjà été relevé au point 118 ci-dessus, il concerne l’application concrète de l’accord et ne remet pas en cause les constatations de la Commission ayant trait à l’existence d’un accord de principe et d’un échange d’informations sensibles entre transitaires sur leur comportement relatif aux surtaxes AMS sur le marché.

145    Dès lors, l’argumentation des requérantes tirée de l’existence de discussions au sujet des surtaxes AMS au sein d’un cercle restreint de transitaires, quand bien même serait-elle fondée, ne remet pas en cause l’appréciation faite par la Commission des éléments de preuve mentionnés aux points 46 à 53 ci-dessus.

146    Enfin, quant à l’argument visant l’encadrement de l’association FFI par des avocats et des consultants, voire la présence à certaines réunions de l’association FFI de représentants d’autres organisations actives dans le secteur, il est également dénué de pertinence, l’assistance juridique ou d’autres tiers consultants ne garantissant pas que les participants s’abstiennent de discuter de sujets anticoncurrentiels et ne remettant donc pas en cause les constatations factuelles de la Commission fondées sur le contenu de procès-verbaux, de courriels et de déclarations de transitaires. En effet, la caractérisation des faits tels qu’ils résultent des éléments de preuve dont la Commission dispose est déterminante.

147    Le grief tiré de l’absence de prise en compte par la Commission de la distinction entre l’appartenance des requérantes à l’association FFI et l’adoption d’un comportement anticoncurrentiel doit donc également être rejeté.

–       Sur le fait que les requérantes aient librement établi les surtaxes AMS

148    Les requérantes s’opposent à la présomption énoncée au considérant 471 de la décision attaquée selon laquelle la participation d’entreprises à des contacts illicites permet de présumer qu’elles tiendront compte des informations échangées avec les concurrents pour déterminer leur propre comportement. Selon elles, cela doit être étayé par des preuves tangibles, qui seraient inexistantes en l’espèce.

149    À cet égard, premièrement, les requérantes font valoir que les transporteurs de fret aérien ont annoncé publiquement, dès juillet 2004, la surtaxe AMS de 8 euros qu’ils avaient l’intention d’imposer, donc antérieurement à l’annonce qu’elles-mêmes avaient faite s’agissant de l’application d’une surtaxe identique de 8 euros en réponse à la tarification annoncée par lesdits transporteurs.

150    Cet argument est dénué de pertinence pour juger du caractère probant des éléments de preuve. En effet, même si les transporteurs de fret aérien ont soumis au paiement d’un droit déterminé la transmission de données, voire ont fait une annonce publique à cet égard, cela n’a pas d’incidence sur l’appréciation du comportement de chaque transitaire s’agissant de la fixation des prix pour ses propres clients. Le fait que le paiement d’un droit instauré par les transporteurs de fret aérien soit un coût d’intrant pour les transitaires n’invalide pas le constat de la nature illégale d’un accord entre transitaires relatif à la façon dont ce coût est répercuté en aval.

151    Deuxièmement, les requérantes estiment que, au considérant 169 de la décision attaquée, la Commission reconnaît elle-même que l’accord AMS n’était pas contraignant pour les membres de l’association FFI.

152    Cet argument doit également être rejeté. Au considérant 169 de la décision attaquée, à propos de la réunion du 19 mars 2003 et d’un argument soulevé par les requérantes devant la Commission, cette dernière a énoncé ce qui suit :

« Le procès-verbal de la réunion fait clairement référence à un accord conclu par les membres de [l’association FFI]. Peu importe dans quelle mesure l’accord du comité du fret aérien de [ladite association] était contraignant pour ses membres. En outre, un mois plus tard, lors de la réunion des PDG, cet accord a été présenté comme un accord conclu par les membres du comité du fret aérien de [l’association FFI] et aucune objection n’a été soulevée par les PDG. Aucun des documents officiels de [l’association FFI] ou des documents fournis par UTi n’indique qu’UTi n’adhérait pas à cet accord ou avait pris ses distances par rapport à celui-ci et qu’elle l’avait fait savoir aux autres membres de [ladite association]. »

153    Contrairement à ce que semblent vouloir affirmer les requérantes, la Commission n’a pas reconnu que l’accord relatif à l’AMS n’était pas contraignant pour les membres de l’association FFI, mais seulement qu’il n’était pas pertinent de déterminer dans quelle mesure il avait été contraignant, dès lors que le procès-verbal de la réunion du 19 mars 2003 faisait « clairement référence à un accord conclu par les membres de [l’association FFI] ».

154    En tout état de cause, le caractère contraignant ou non de l’accord n’est pas déterminant, car, comme la Commission l’indique au considérant 169 de la décision attaquée et ainsi qu’il est rappelé aux points 127 à 129 ci-dessus, en l’absence de distanciation publique de la part des requérantes, il peut être présumé qu’elles ont tenu compte de l’information obtenue dans le cadre des discussions relatives à l’entente.

155    L’argument doit donc être rejeté.

156    Troisièmement, les requérantes affirment avoir annoncé la surtaxe AMS qu’elles allaient imposer avant la conférence téléphonique du 19 août 2004 en publiant un communiqué le 13 août 2004. L’insertion de cette information dans le procès-verbal de la réunion du 19 août 2004 ne serait donc pas probante quant à l’existence d’une concertation, car il s’agirait d’une information publique et donc nullement, comme l’affirme la Commission dans la décision attaquée, d’une information relative à un comportement futur.

157    L’argument ne remet toutefois pas en cause la valeur probante des éléments de preuve relatifs à la conférence téléphonique du 19 août 2004, dont le procès-verbal qui fait état de la communication des surtaxes appliquées par les transitaires présents (voir le point 53 ci-dessus).

158    En effet, le communiqué auquel les requérantes font référence pour soutenir leur thèse selon laquelle la surtaxe appliquée par elles avait été rendue publique le 13 août 2004 se révèle être un communiqué purement interne à l’entreprise, étant donné qu’il est adressé à « toutes les entreprises du groupe UTi » (All UTi Operating Group Companies). Interrogées sur ce point à l’audience, les requérantes ont confirmé le caractère interne au groupe de ce document, même si elles ont ajouté que, à partir de cette communication, le prix standard fixé en interne allait être appliqué aux clients, de sorte que leur pratique deviendrait nécessairement connue par les autres acteurs du marché. Cependant, cet argument ne permet pas de déterminer à partir de quelle date la surtaxe était effectivement appliquée ni dans quelle mesure une telle information était nécessairement connue par les concurrents des requérantes.

159    Par ailleurs, il a déjà été relevé au point 106 ci-dessus qu’il ne peut être déduit du contenu du procès-verbal de la réunion du 19 août 2004 que les surtaxes communiquées à cette date par les différents transitaires présents n’étaient que des données du passé qui n’allaient pas continuer à être appliquées.

160    De surcroît, le seul fait pour les requérantes de recevoir des informations concernant des concurrents, informations qu’un opérateur indépendant préserve comme secrets d’affaires, suffit à manifester l’existence d’un esprit anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt BPB/Commission, point 39 supra, EU:T:2008:254, point 95 et jurisprudence citée).

161    En outre, comme cela a déjà été relevé au point 107 ci-dessus, il résulte également du procès-verbal de la conférence téléphonique du 19 août 2004 que ladite conférence permettait aux transitaires de s’assurer de la mise en œuvre de l’accord.

162    Enfin, en tout état de cause, comme il vient d’être rappelé au point 154 ci-dessus, en l’absence de distanciation publique de la part des requérantes, il peut être présumé qu’elles ont tenu compte de l’information obtenue dans le cadre des discussions relatives à l’entente.

163    L’argument doit donc également être rejeté.

164    Quatrièmement, selon les requérantes, leur courriel interne du 3 août 2004, mentionné au considérant 157 de la décision attaquée, ne pourrait servir à démontrer qu’elles n’ont pas indépendamment fixé le tarif de leur surtaxe AMS pour plusieurs raisons. D’abord, ce serait en raison de la conformité du montant qu’elles ont annoncé en août 2004 avec celui annoncé par les transporteurs de fret aérien en juillet 2004. Ensuite, ce serait en raison des propos de [confidentiel]relatifs à l’incapacité des transitaires à s’entendre sur un montant unique de la surtaxe AMS, aux termes du considérant 156 de la décision attaquée. Par ailleurs, ce serait en raison de l’absence de corroboration dudit courriel interne du groupe UTi du 3 août 2004 par le courriel interne [confidentiel] mentionné au considérant 192 de la décision attaquée, dont les requérantes estiment que, contrairement à l’affirmation de la Commission audit considérant 192, il n’indiquait qu’une prévision de surtaxes AMS comprises entre 12 et 15 euros, et non un montant de 8 euros. Enfin, ce serait en raison de la non-participation de l’auteur dudit courriel interne du groupe UTi du 3 août 2004 aux réunions de l’association FFI, ainsi qu’en raison du fait qu’il n’occupait pas un poste à responsabilité et qu’il n’avait pas accès aux informations relatives aux politiques de tarifications de l’AMS. Les requérantes ajoutent encore que la Commission a erronément interprété le contenu dudit courriel interne, notamment à cause de l’erreur commise par son auteur, dans la mesure où ce dernier a évoqué une ligne directrice de ladite association tandis qu’il ne s’agissait que de suivre les prix annoncés par les transporteurs de fret aérien en juillet 2004.

165    À cet égard, force est de constater que plusieurs éléments de l’argumentation des requérantes plaident en faveur de la thèse de la Commission selon laquelle le courriel interne du groupe UTi du 3 août 2004 atteste du fait qu’elles ont tenu compte de la recommandation de l’association FFI pour fixer le tarif de leur surtaxe AMS plutôt que des annonces des transitaires.

166    Comme cela a été relevé au considérant 153 de la décision attaquée, ledit courriel fait référence à la proposition de suivre la recommandation de l’association FFI de facturer 8 euros, dès lors qu’il y est indiqué : « [n]ous avons le mécanisme en place et allons implémenter le 13 août » et « [n]ous allons probablement suivre la recommandation FFI de 8 euros » (We have the mechanism in place and will be implementing on the 13th of aug. We will likely follow the FFI guideline of 8 euros). Le fait que le montant mentionné est le même que celui annoncé par les transporteurs de fret aérien au mois de juillet 2004 ne saurait être déterminant, car le courriel fait clairement référence à l’association FFI.

167    Par ailleurs, la Commission fait valoir à juste titre que l’intention des requérantes, figurant dans leur courriel interne du 3 août 2004, a été réitérée dans un courriel interne du 4 août 2004 du même auteur. Il ressort clairement de ce dernier courriel que l’auteur de celui-ci et du courriel interne 3 août 2004 a discuté avec la personne qui assistait aux réunions de l’association FFI au nom du groupe UTi.

168    L’argument selon lequel ces courriels ne sont pas pertinents car leur auteur ne participait pas lui-même aux réunions de l’association FFI ne saurait donc prospérer.

169    En outre, le courriel [confidentiel] du 5 août 2004, dont le contenu est rappelé au point 52 ci-dessus, ne contredit pas le courrier interne du groupe UTi, car il en résulte que, s’il n’y a pas eu d’accord sur un niveau exact du montant de la surtaxe AMS, à tout le moins, il y a eu un échange d’informations sensibles et un accord de principe sur l’instauration d’une telle surtaxe. Certes, des montants très divergents appliqués par différents transitaires et l’absence d’un accord sur un montant précis peuvent y être lus. Cependant, la décision attaquée ne retient pas l’hypothèse d’un accord sur un montant de surtaxe déterminé, mais celle d’un accord sur le principe de cette surtaxe et sur une certaine fourchette s’agissant de son montant.

170    Comme cela est mentionné au considérant 157 de la décision attaquée, l’existence d’un contact avec le groupe Exel au cours duquel a été évoqué un accord entre les principaux acteurs internationaux (major global players) prévoyant d’appliquer une surtaxe de 8 euros est établie par le courriel interne [confidentiel] du 5 août 2004. Il n’est alors pas déterminant qu’un courriel interne précédent ce dernier fait référence à une prévision de tarifs de la surtaxe AMS de l’ordre de 12 à 15 euros. En effet, cette preuve documentaire démontre clairement que le groupe Exel et le transitaire dont émane le courriel du 5 août 2004 ainsi que d’autres transitaires ont échangé des informations concernant les surtaxes AMS qu’elles comptaient facturer, d’autant plus que, indépendamment du fait que la Commission n’a pas retenu l’existence d’un accord sur un montant précis, le montant annoncé par le groupe Exel correspond à celui annoncé par les requérantes, à savoir 8 euros.

171    L’argument ne peut donc pas prospérer.

172    Dès lors, il convient de rejeter le grief tiré de l’absence d’analyse par la Commission des éléments prouvant que les requérantes auraient librement établi les surtaxes AMS.

173    Il résulte de ce qui précède qu’aucun des griefs avancés par les requérantes ne remet en cause la fiabilité et la cohérence des éléments de preuve concernant l’entente relative à l’AMS décrits dans la décision attaquée et rappelés aux points 46 à 53 ci-dessus. Par ailleurs, il n’en résulte pas que la Commission aurait erronément fait abstraction de données pertinentes ou ignoré des explications alternatives crédibles des faits retenus.

 Sur les conséquences à tirer des éléments de preuve

174    Les requérantes avancent, en substance, que leur présence aux six réunions et conférences téléphoniques décrites aux points 46 à 53 ci-dessus ne permet pas de conclure à leur participation à une infraction à l’article 101 TFUE, qu’il s’agisse d’un accord anticoncurrentiel ou d’une pratique concertée.

175    À cet égard, il doit être rappelé, à titre liminaire, que la Commission est en droit de qualifier une infraction complexe d’accord « et/ou » de pratique concertée dès lors que cette infraction comporte des éléments devant être qualifiés d’« accord » et des éléments devant être qualifiés de « pratique concertée » (arrêts du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec, EU:T:1999:80, point 697, et du 29 juin 2012, GDF Suez/Commission, T‑370/09, Rec, EU:T:2012:333, point 134). Dans une telle situation, la double qualification doit être comprise non comme une qualification exigeant simultanément et cumulativement la preuve que chacun de ces éléments de fait présente les éléments constitutifs d’un accord ou d’une pratique concertée, mais comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait dont certains ont été qualifiés d’accord et d’autres de pratique concertée au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d’infraction complexe (arrêts Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, EU:T:1999:80, point 698, et GDF Suez/Commission, précité, EU:T:2012:333, point 135).

176    Par ailleurs, comme cela a été rappelé aux points 127 à 129 ci-dessus, en présence, comme en l’espèce, de réunions d’entreprises concurrentes ayant pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence et visant, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché, il suffit pour la Commission de démontrer la participation de l’entreprise à ces réunions pour prouver sa participation à l’entente et il appartient à cette dernière de prouver sa distanciation.

177    Au vu de cette jurisprudence, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, leur présence à des réunions ou à des conférences téléphoniques ayant un objet anticoncurrentiel est suffisante pour retenir une infraction à l’article 101 TFUE à leur égard en l’absence d’explication alternative plausible.

178    En effet, du procès-verbal de la réunion du comité du fret aérien de l’association FFI du 19 mars 2003, résultent, d’une part, la présence du groupe UTi et, d’autre part, la conclusion d’un accord de nature anticoncurrentielle sur le fait de faire supporter les frais relatifs à l’AMS aux clients des transitaires et de ne pas se faire concurrence quant à ces frais. Par ailleurs, le contenu de cet accord est corroboré par sa communication aux PDG à la réunion du 8 avril 2003 et par une déclaration [confidentiel] (point 47 ci-dessus).

179    De plus, il résulte des procès-verbaux des réunions et des conférences téléphoniques ultérieures mentionnés dans la décision attaquée (considérants 148, 151, 153 et 158) que les requérantes ont participé auxdites réunions et auxdites conférences téléphoniques, qui ont eu pour objet la confirmation de l’accord initial ou l’échange d’informations relatives à sa mise en œuvre.

180    Il ne saurait être nié que l’objet de l’accord initial du 19 mars 2003 et des pratiques concertées qui l’ont suivi jusqu’au 19 août 2004 était le contrôle par les transitaires concernés des conditions de répercussion d’une hausse anticipée des coûts d’intrants, notamment en se mettant d’accord pour facturer le coût relatif aux frais générés par le système AMS à leurs clients et pour ne pas utiliser la surtaxe qui en résulterait comme un outil de concurrence entre eux. Comme la Commission le relève au considérant 467 de la décision attaquée, il existait dès lors une entente selon laquelle la surtaxe minimale devait être fixée au niveau des coûts supportés par les transitaires pour se conformer à la procédure AMS.

181    Un tel accord ou une telle pratique concertée peut entraîner une fixation artificiellement élevée du prix des services de transit et est donc une forme de collusion particulièrement nuisible au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence.

182    À cet égard, il y a lieu de préciser que la Commission considère que les ententes sanctionnées dans la décision attaquée, dont celle relative à l’AMS en cause en l’espèce, visent les services de transit en tant que lot de services.

183    En particulier aux considérants 3 à 6, 64 à 66, 614, 867 à 872, et 877 à 879 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, d’un point de vue économique, les transitaires transformaient les services de transport et d’autres intrants dans les services de transit, qui répondaient à une demande spécifique de leurs clients. Cette demande ne serait pas satisfaite par les services individuels dont les services de transit sont constitués. Les transitaires offriraient un lot de services à leurs clients qui leur permettrait d’expédier facilement des marchandises, sans devoir s’occuper des détails de l’organisation du transport. Ces services engloberaient les services de transport aérien, mais pourraient également englober des services d’entrepôt, de manutention de fret, de logistique ou de transport terrestre et des démarches douanières et fiscales. Dans l’hypothèse où les chargeurs seraient obligés d’acquérir eux-mêmes les services individuels nécessaires pour garantir que la marchandise arrive à bon port, d’une part, il leur incomberait de coordonner les différentes opérations à leur propre risque et, d’autre part, ils ne pourraient pas profiter des économies d’échelle que les transitaires seraient capables d’atteindre par la consolidation des marchandises de leurs différents clients. En revanche, les transitaires préfinanceraient ou achèteraient les services de tiers qui seraient nécessaires pour la fourniture des services de transit en gros et à l’avance et seraient en mesure, en regroupant par consolidation les marchandises de leurs propres clients en des cargaisons de poids et de dimension optimaux, d’exploiter des économies d’échelle et d’utiliser plus efficacement ces capacités que n’aurait pu le faire un de leurs clients s’il avait tenté d’acheter directement des services de transport aérien ou des services annexes auprès d’un transporteur aérien, d’une société d’assistance en escale ou d’entreposage. Pour les clients des transitaires, les services de transit auraient donc une valeur plus élevée que celle de leurs intrants considérés individuellement.

184    Par ailleurs, notamment aux considérants 209 à 212, 572, 621, 645, 868, 869 et 872 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, même si, par les ententes relatives à l’AMS, au CAF et à la PSS, les transitaires ne se sont mis d’accord que sur les surtaxes AMS, CAF et PSS, ces ententes visaient les services de transit. Dans ce contexte, premièrement, elle s’est fondée sur la considération selon laquelle ces surtaxes faisaient partie du prix total que les clients devaient payer pour la fourniture des services de transit. Deuxièmement, elle a relevé, s’agissant de l’entente relative à l’AMS, que les transitaires ayant participé à cette entente n’étaient pas de simples fournisseurs de services de dépôt AMS, n’avaient pas considéré les tiers non transitaires proposant des services individuels de dépôt AMS comme des concurrents réels ou potentiels et n’avaient pas cherché à impliquer de tels fournisseurs dans l’entente relative à l’AMS. Troisièmement, elle a retenu qu’il ressortait des éléments de preuve dont elle disposait que la décision d’un transitaire de ne pas répercuter des facteurs de risques et de coûts sur ses clients sous forme d’une surtaxe était susceptible de lui conférer un avantage concurrentiel sur le marché des services de transit en tant que lot de services. Le marché des services de transit étant caractérisé par de faibles marges, une légère hausse de prix ou l’imposition ou non d’une surtaxe pourrait jouer un rôle décisif pour la perte ou non par les transitaires de leurs clients, le maintien ou non de leur base de clients ou le gain ou non de nouvelles opportunités commerciales au détriment de leur concurrents.

185    Les requérantes n’avancent pas d’arguments concrets remettant en cause cette analyse de la Commission.

186    Or, le secteur des services de transit est un secteur à faibles marges, comme la Commission le relève au considérant 869 de la décision attaquée, sans être contestée sur ce point par les requérantes. Dans ce contexte, la concertation sur un élément de la composition du prix final peut avoir un impact sur le marché. En tout état de cause, la constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’une pratique concertée n’est pas subordonnée à celle d’un lien direct de celle-ci avec le prix à la consommation (arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, Rec, EU:C:2009:343, point 39).

187    Par ailleurs, les requérantes ne sont pas parvenues à apporter la preuve qu’elles n’ont pas tenu compte des informations échangées. Leurs arguments relatifs à leur autonomie de décision ne démontrent en aucun cas une distanciation publique du contenu de l’accord au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 127 à 129 ci-dessus. En outre, comme il était prévu dans l’accord initial du 19 mars 2003, elles ont instauré une surtaxe AMS qui se situait au niveau de ce qui avait été discuté entre les transitaires concurrents.

188    De surcroît, contrairement à ce que les requérantes font valoir, le courriel interne du 3 août 2004 démontre qu’elles ont tenu compte de l’accord et des discussions subséquentes visant à établir une vision commune quant aux taux à appliquer.

189    Il résulte de ce qui précède que, s’agissant de l’entente relative à l’AMS, la Commission a conclu sur la base de preuves précises et concordantes et à juste titre à la participation des requérantes à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE entre le 19 mars 2003 et le 19 août 2004.

190    Il reste toutefois à examiner le grief des requérantes visant l’absence d’influence potentielle de l’entente en cause sur le commerce entre États membres, dans la mesure où il s’agit également d’une condition d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

 Sur l’affectation du commerce entre États membres

191    Les requérantes estiment, en substance, que les considérations de la Commission figurant au point 5.2.1.3 de la décision attaquée, selon lesquelles l’entente relative à l’AMS était susceptible d’avoir affecté de manière sensible le commerce entre États membres, ne sont pas conformes à l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

192    Selon elles, en premier lieu, même s’il y avait eu un accord anticoncurrentiel, il n’aurait pas pu exercer une influence, directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur le commerce entre États membres. En effet, selon elles, quand bien même un accord aurait existé sur l’imposition d’une surtaxe AMS, ce qu’elles contestent, il n’aurait pas pu être mis en œuvre. Elles rappellent que, à la date du supposé accord du 19 mars 2003, la réglementation relative à l’AMS n’existait pas encore et que, lorsqu’elle est entrée en vigueur, le prétendu accord initial avait déjà expiré.

193    En deuxième lieu, les requérantes font valoir que, en l’espèce, il n’y a pas eu d’affectation du commerce entre États membres dans la mesure où le marché en cause était défini en termes de marchés nationaux, dans chaque État membre de l’Union, pour des prestations de transit de fret entre le marché national concerné et les États-Unis, et où il n’existait pas d’offre ou de demande transfrontalière de services de transit.

194    En troisième lieu, elles ajoutent que les surtaxes AMS sont dérisoires et portent sur une infime partie du prix moyen de chaque expédition, à savoir moins de 0,5 % dudit prix, que ce soit pour elles-mêmes ou pour leurs concurrents, de sorte qu’elles ne peuvent donc avoir la moindre incidence sensible sur le commerce entre États membres.

195    La Commission fait valoir que l’affectation sensible du commerce entre États membres par l’entente relative à l’AMS a été établie à suffisance de droit.

196    À cet égard, à titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 101, paragraphe 1, TFUE et l’article 53 de l’accord EEE ne visent que les accords qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres. Comme il ressort de la jurisprudence, pour être susceptible d’affecter le commerce entre États membres, un accord doit, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d’envisager, avec un degré de probabilité suffisant, qu’il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres (arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi e.a., C‑295/04 à C‑298/04, Rec, EU:C:2006:461, point 42).

197    Il y a également lieu de rappeler qu’un accord échappe à la prohibition de l’article 101 TFUE lorsqu’il n’affecte le marché que d’une manière insignifiante (voir arrêt du 21 janvier 1999, Bagnasco e.a., C‑215/96 et C‑216/96, Rec, EU:C:1999:12, point 34 et jurisprudence citée).

198    Le caractère transfrontalier des services de transit ne se confond pas avec la question du caractère sensible de l’affectation du commerce entre États membres. En effet, si toute transaction transfrontalière était automatiquement susceptible d’affecter sensiblement le commerce entre États membres, la notion de caractère sensible, qui est pourtant une condition d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, dégagée par la jurisprudence, serait vidée de tout contenu (arrêt du 16 juin 2011, Ziegler/Commission, T‑199/08, Rec, EU:T:2011:285, points 52 et 53).

199    S’agissant du caractère sensible de l’affectation du commerce, le paragraphe 53 des lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2004, C 101 p. 81, ci-après les « lignes directrices de 2004 »), dont ni la légalité ni la pertinence ne sont remises en cause dans le cadre du présent recours, est formulé comme suit :

« La Commission estime en outre que si un accord ou une pratique sont, par leur nature même, susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, par exemple parce qu’ils concernent des importations et des exportations ou bien plusieurs États membres, il existe une présomption positive réfutable que cette affectation du commerce est sensible, dès lors que le chiffre d’affaires réalisé par les parties avec les produits concernés par l’accord […] excède 40 millions d’euros. Dans le cas de ces accords qui, de par leur nature même, sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, on peut également souvent présumer que l’affectation du commerce sera sensible dès lors que la part de marché des parties est supérieure au seuil de 5 % mentionné ci-dessus. Toutefois, une telle présomption n’existe pas lorsque l’accord ne couvre qu’une partie d’un État membre (voir paragraphe 90 ci-dessous). »

200    Cette disposition instaure donc une présomption réfutable selon laquelle un accord ou une pratique affectent le commerce de manière sensible, d’une part, lorsque cet accord ou cette pratique est, par sa nature même, susceptible d’affecter le commerce entre États membres, tel étant le cas, par exemple, lorsqu’il concerne des importations et des exportations ou bien plusieurs États membres, et, d’autre part, lorsque le chiffre d’affaires réalisé par les parties avec les produits concernés par ledit accord ou ladite pratique excède 40 millions d’euros ou lorsque la part de marché des parties concernées s’élève au moins à 5 %.

201    Dans ce contexte, il y a également lieu de rappeler que, comme cela a déjà été indiqué aux points 182 à 185 ci-dessus, la Commission considère qu’il existe un marché spécifique pour les services de transit en tant que lot de services, que ces services sont visés par les ententes en cause dans la décision attaquée et que les requérantes ne remettent pas en cause cette analyse dans le cadre du présent recours.

202    Dans la décision attaquée, la question de l’affectation sensible du commerce sur ce marché par l’infraction relative à l’AMS est examinée aux considérants 598, 599, 603 et 616 à 621. La Commission a relevé, au considérant 617 de la décision attaquée, que les territoires affectés par l’entente relative à l’AMS étaient à la fois celui de l’EEE et celui des États-Unis. Elle a également considéré, au considérant 619 de ladite décision, que l’association FFI était une association qui représentait les intérêts des principaux transitaires mondiaux et que la part de marché combinée de ces derniers sur le marché affecté était par conséquent très au-dessus du seuil de 5 %. En outre, les États-Unis constituant l’un des plus importants marchés d’exportation pour l’EEE, la valeur des services de transit fournis sur cette route était par conséquent également élevée. Par ailleurs, la Commission a relevé dans la décision attaquée d’autres éléments pertinents, dont le fait que l’entente couvrait tout l’EEE (considérants 601 et 618), l’application de cette entente dans les États membres (considérant 598) et la possibilité d’un passage à d’autres modes de transport ou une réduction du niveau total des importations et des exportations sur les routes affectées à la suite de l’accord (considérant 599).

203    Aucun des arguments invoqués par les requérantes ne remet en cause cette analyse.

204    En premier lieu, quant à l’argument tiré de la pertinence de la date d’entrée en vigueur effective de l’AMS, il a déjà été examiné et rejeté dans le cadre de l’examen effectué ci-dessus relatif au caractère probant des éléments de preuve issus de la période antérieure à l’entrée en vigueur de la réglementation en cause (points 55 à 68 ci-dessus). Il en ressort que les transitaires étaient informés, déjà à la date de la réunion du 19 mars 2003, de la future mise en œuvre de cette réglementation et que c’est en fonction de cette connaissance qu’ils ont coordonné leurs actions, que ce soit, de manière légale, au sujet des aspects techniques de la mise en œuvre de ladite réglementation ou, de manière contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, s’agissant de la répercussion des coûts du système sur le prix facturé à leurs clients.

205    En deuxième lieu, quant au fait que les surtaxes AMS concerneraient des marchés nationaux d’exportation et qu’il n’existerait pas de demande transfrontalière pour les services de transit, l’argument ne peut prospérer.

206    Aucune preuve n’a été avancée soutenant la thèse de marchés nationaux. Il est toutefois relevé, dans la décision attaquée (voir, notamment, considérants 71, 617 et 618), que l’entente couvrait l’ensemble de l’EEE dans la mesure où les transitaires en cause offraient leurs services dans plusieurs États membres, voire sur tout le territoire de l’EEE, et où leurs clients pour les services de transit concernés étaient également établis dans l’EEE. Ces derniers éléments ne sont pas contestés.

207    Or, comme cela est indiqué au paragraphe 53 des lignes directrices de 2004, un accord qui affecte plusieurs États membres est, de par sa nature, susceptible d’affecter le commerce entre États membres. En effet, en l’espèce, indépendamment des flux des marchandises, les restrictions de concurrence entre les transitaires ont pu influencer ou modifier les flux commerciaux de services de transit dans le marché intérieur, comme la Commission l’a relevé au considérant 598 de la décision attaquée. Même si seules les ventes relatives à une route commerciale vers l’extérieur de l’Union étaient affectées, cela n’empêchait pas la Commission de conclure que la coordination quant aux surtaxes en cause était susceptible d’influencer le comportement des transitaires qui proposaient leurs services dans plusieurs États membres.

208    En troisième lieu, quant à l’argument tiré du montant dérisoire de la surtaxe AMS, il est dénué de pertinence dans la mesure où les services visés par l’entente sont ceux de transit en tant que lot de services (point 201 ci-dessus).

209    Comme la Commission le relève à juste titre au considérant 621 de la décision attaquée, la valeur représentée uniquement par l’activité de présentation des données requises par la réglementation AMS n’est pas déterminante, car la surtaxe AMS fait partie intégrante du prix total payé par les clients pour la fourniture des services de transit.

210    Par ailleurs, il faut tenir compte de la valeur des services de tous les participants à l’entente. Or, il est évident que le chiffre d’affaires des services de transit atteint par l’ensemble des participants à l’entente sur la route de commerce entre l’Union et les États-Unis est plus élevé que le seuil de 40 millions d’euros requis par le point 53 des lignes directrices de 2004, compte tenu du fait que, comme cela a été expliqué dans la note en bas de page n° 717 de la décision attaquée, le chiffre d’affaires d’un seul des participants à l’entente dépassait déjà ce seuil.

211    Il résulte de ce qui précède que la Commission a démontré à suffisance de droit que l’entente relative à l’AMS avait pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sens de l’article 101 TFUE et qu’elle était susceptible d’affecter le commerce entre États membres de manière sensible.

212    Les premier et deuxième moyens doivent donc être rejetés.

 Sur le troisième moyen, tiré, en substance, d’une violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE compte tenu du fait que les surtaxes AMS n’ont pas eu d’effet sensible sur la concurrence

213    Les requérantes avancent qu’un accord ou une pratique restrictive ne peut être contraire à l’article 101 TFUE que s’il existe un effet sensible sur la concurrence, condition qui ne serait pas remplie s’agissant de l’entente relative à l’AMS.

214    Tout d’abord, les surtaxes AMS auraient constitué une part négligeable du prix total des expéditions entre l’EEE et les États-Unis. Elles représenteraient moins de 0,5 % du coût moyen de la cargaison dans les cas où de telles surtaxes ont été imposées et le groupe UTi ne les aurait imposées que dans la moitié des cas. Le revenu total du groupe UTi sur le fret de sortie au départ de l’EEE pendant les années allant de 2005 à 2007 serait d’environ 35,8 millions d’euros, tandis que les surtaxes AMS n’auraient généré qu’un revenu de 326 783 euros. Les requérantes relèvent également que la décision attaquée n’examine pas leurs arguments à cet égard avancés au cours de la procédure administrative démontrant le caractère négligeable des surtaxes AMS pour le marché du transit.

215    Par ailleurs, les surtaxes AMS auraient été inévitables compte tenu de la décision des transporteurs de fret de les introduire.

216    Enfin, selon elles, la condition de l’effet sensible sur la concurrence s’applique indépendamment de la caractérisation de l’infraction comme étant une restriction par objet ou par effet. Elles se réfèrent à cet égard aux arrêts du 9 juillet 1969, Völk (5/69, Rec, EU:C:1969:35), et du 12 septembre 2000, Pavlov e.a. (C‑180/98 à C‑184/98, Rec, EU:C:2000:428).

217    La Commission fait valoir, en substance, que ces arguments sont dénués de pertinence et doivent être rejetés, car ils appliquent le concept d’une infraction de minimis à une entente caractérisée de fixation de prix et reposent sur l’incidence prétendument mineure d’une restriction par objet.

218    Le Tribunal considère que les arguments invoqués par les requérantes ne peuvent pas prospérer.

219    Quant à l’argument selon lequel les surtaxes relatives à l’AMS auraient été inévitables compte tenu de la décision des transporteurs de fret aérien de les introduire, il a déjà été examiné et rejeté dans le cadre de l’examen des premier et deuxième moyens ci-dessus. Même si l’entente concernait la répercussion d’une hausse du coûts des intrants, cela n’affectait pas le caractère restrictif du comportement des transitaires sur le marché en aval.

220    Quant à l’argument selon lequel la faible importance financière des surtaxes AMS aurait dû amener la Commission à considérer que l’entente ne pouvait avoir d’effet sensible sur la concurrence, il ressort du point 7 de l’arrêt Völk, point 216 supra (EU:C:1969:35), qu’un accord d’entreprises échappe à la prohibition de l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu’il n’affecte le marché que d’une manière insignifiante.

221    La communication de la Commission concernant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l’article [101 TFUE] (de minimis) (JO 2001, C 368, p. 13) confirme cette approche. Cependant, en son paragraphe 11, ladite communication exclut de son champ d’application les restrictions caractérisées, en citant comme exemple les accords ayant pour objet la fixation des prix pour la vente des produits aux tiers.

222    Par ailleurs, la jurisprudence confirme qu’un accord susceptible d’affecter le commerce entre États membres et ayant un objet anticoncurrentiel constitue, par sa nature et indépendamment de tout effet concret de celui-ci, une restriction sensible du jeu de la concurrence (arrêt du 13 décembre 2012, Expedia, C‑226/11, Rec, EU:C:2012:795, point 37).

223    Interrogée sur cette dernière jurisprudence à l’audience, les requérantes se sont à nouveau référées à l’arrêt Pavlov e.a., point 216 supra (EU:C:2000:428).

224    Les circonstances en cause dans la présente affaire se distinguent toutefois de celles visées par l’arrêt Pavlov e.a., point 216 supra (EU:C:2000:428). Dans le cadre de cette dernière affaire, la Cour a considéré en ce qui concerne la décision des membres d’une profession libérale d’instaurer un fonds de pension responsable de la gestion d’un régime de pension complémentaire et de solliciter des autorités publiques une décision imposant à tous les membres de cette profession d’adhérer au fonds en question, que les effets restrictifs de cette décision étaient limités dans la mesure où elle ne concernait qu’un seul facteur de coût, à savoir le régime de pension complémentaire, lequel était peu important comparativement à d’autres facteurs, tels que les honoraires médicaux ou le prix des équipements médicaux. Par ailleurs, au point 96 dudit arrêt, la Cour a mis en évidence la possibilité de certains gains d’efficacité.

225    Cependant, dans la présente affaire, la surtaxe AMS est un élément du prix non négligeable compte tenu du fait que le secteur des services de transit est, comme cela a déjà été rappelé au point 186 ci-dessus, un secteur à faibles marges, de sorte que la concertation sur un élément de la composition du prix final peut avoir un impact sur le marché.

226    De surcroît, il ressort des points 94 et 95 de l’arrêt Pavlov e.a., point 216 supra (EU:C:2000:428), que la Cour a considéré qu’il s’agissait en l’espèce d’une infraction par effet.

227    Or, il a été conclu à l’issue de l’examen des premier et deuxième moyens que la Commission a retenu à juste titre que l’entente relative à l’AMS avait un objet anticoncurrentiel et était susceptible d’affecter le commerce entre États membres. L’arrêt Expedia, point 222 supra (EU:C:2012:795), postérieur à l’arrêt Pavlov e.a., point 216 supra (EU:C:2000:428), est clair s’agissant du fait que le caractère sensible de la restriction de la concurrence est établi en présence d’une restriction par objet susceptible d’affecter le commerce entre États membres.

228    En tout état de cause, il ressort du contexte des considérants 865 et suivants de la décision attaquée relatifs au calcul du montant de l’amende, et notamment du considérant 869, dans lequel la Commission a relevé l’impact de l’imposition d’une surtaxe sur la concurrence dans une industrie à faibles marges, que cette dernière a considéré que l’effet de ladite entente sur la concurrence était sensible.

229    Enfin, dans la mesure où les requérantes cherchent à remettre en cause l’absence d’un examen spécifique dans la décision attaquée du caractère prétendument de minimis de l’entente relative à l’AMS s’agissant de la restriction de la concurrence, force est de relever, d’une part, qu’il résulte de l’analyse qui précède que la Commission pouvait se limiter à constater que l’entente en cause constituait une restriction par objet susceptible d’affecter le commerce entre États membres et, d’autre part, que, comme cela a été relevé au point 228 ci-dessus, son analyse à cet égard ressort du contexte de la décision attaquée.

230    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le troisième moyen et, donc, l’ensemble des moyens concernant la preuve de la participation des requérantes à l’entente relative à l’AMS.

2.     Sur le second groupe de moyens, soulevé à titre subsidiaire, visant, en substance, à l’annulation ou à la réduction du montant de l’amende

231    À titre liminaire, il convient de rappeler que le contrôle de légalité des décisions adoptées par la Commission est complété par la compétence de pleine juridiction, qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement n° 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE.

232    Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou de l’astreinte infligée. Lorsque les considérations sur lesquelles la Commission s’est fondée pour fixer le montant de l’amende ou de l’astreinte infligée sont entachées d’une illégalité, mais que leur montant final doit être considéré comme approprié, la compétence de pleine juridiction habilite le juge à maintenir le montant de l’amende.

233    Il appartient dès lors au Tribunal, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier, à la date à laquelle il adopte sa décision, si les requérantes se sont vu infliger une amende dont le montant reflète correctement la gravité et la durée de l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, Rec, EU:T:2012:478, point 117 et jurisprudence citée).

234    Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et de rappeler que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, Rec, EU:C:2011:815, point 64).

235    Comme cela a été indiqué au point 21 ci-dessus, les requérantes soulèvent trois moyens au soutien de leur demande subsidiaire d’annulation ou de réduction du montant de l’amende. Dès lors que les quatrième et cinquième moyens concernent tous deux la façon dont la Commission a calculé le montant de l’amende et se recoupent en partie, il convient de les examiner ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré, en substance, d’une erreur dans l’application de la notion de gravité, et sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

236    Dans le cadre du quatrième moyen, les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas correctement évalué la gravité de l’infraction retenue en ce qui les concerne à trois égards. En premier lieu, elle aurait exagéré leur implication dans la mesure où, des neuf éléments de preuve à leur égard, aucun n’établirait de manière concluante leur participation à l’entente concernant l’AMS. En deuxième lieu, la Commission, d’une part, ferait erronément référence à une restriction caractérisée et, d’autre part, n’aurait pas suffisamment tenu compte du fait que les autres transitaires et elles-mêmes n’ont pas mis en œuvre l’entente relative à l’AMS en ne faisant qu’un examen succinct de la mise en œuvre effective de l’entente. En troisième lieu, la Commission n’aurait pas individualisé le comportement des requérantes par rapport à celui des autres transitaires en appliquant à l’ensemble des participants à l’infraction, d’une part, le même pourcentage de la valeur des ventes pour calculer le montant de base de l’amende ainsi que, d’autre part, le même pourcentage pour le montant additionnel, faisant ainsi abstraction du fait qu’elles n’ont été impliquées que dans une des quatre ententes.

237    Dans le cadre du cinquième moyen, les requérantes soutiennent que, dans la mesure où la jurisprudence insiste sur la prise en compte des caractéristiques du marché en cause pour l’application du principe de proportionnalité au calcul du montant de l’amende, quatre éléments du calcul de la Commission sont disproportionnés. En premier lieu, l’application d’un pourcentage de 16 % de la valeur des ventes pour calculer le montant de base de l’amende serait disproportionnée compte tenu du fait qu’elles n’ont pas participé à une entente dite « caractérisée ». En deuxième lieu, l’utilisation par la Commission des chiffres d’affaires cumulés du marché des services de transit de l’EEE pour calculer la valeur des ventes serait disproportionnée et ne tiendrait notamment pas compte du fait que l’AMS n’existait pas durant la quasi-totalité de la durée de l’entente ni du fait que, durant l’unique semaine au cours de laquelle l’accord relatif à l’AMS était en application, le montant des surtaxes AMS facturées était négligeable. En troisième lieu, l’application du coefficient multiplicateur relatif à la durée serait disproportionnée compte tenu du fait que la réglementation relative à l’AMS n’était en vigueur que durant une semaine pendant la durée de seize mois retenue pour l’entente. En quatrième lieu, l’inclusion d’un montant additionnel serait disproportionnée dans la mesure où l’imposition d’un tel montant additionnel a vocation à servir de mesure dissuasive dans le cas d’ententes caractérisées.

238    La Commission fait valoir qu’elle a correctement appliqué la notion de gravité et qu’elle n’a pas violé le principe de proportionnalité dans le cadre du calcul du montant de l’amende.

239    Les deux moyens en cause concernent, en substance, l’analyse de la Commission figurant aux considérants 857 à 958 de la décision attaquée. Il en ressort qu’elle a calculé le montant de base de l’amende de 3 068 000 euros concernant l’entente relative à l’AMS en retenant un pourcentage de 16 % de la valeur des ventes réalisées par les requérantes (7 956 930 euros) pour les services de transit aérien de l’EEE vers les États-Unis payés par les clients établis dans l’EEE. La Commission précise que le facteur de gravité, reflété dans la proportion de la valeur des ventes, prend en compte la nature de l’infraction et son étendue géographique et est conforme à sa pratique décisionnelle antérieure (considérant 947).

240    En outre, il ressort des considérants 953 à 957 de la décision attaquée que la Commission a appliqué un montant additionnel de 16 % à des fins dissuasives sur la base du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, compte tenu du fait que les quatre infractions, dont celle en cause ici, constituaient des accords de fixation de prix.

241    De plus, la Commission a appliqué un coefficient multiplicateur relatif à la durée de 0,75 année pour UTi Nederland et de 0,58 année pour UTI Worldwide (UK) tandis que, pour UTi Worldwide, un coefficient de 1,41 a été retenu (considérant 950 de la décision attaquée).

242    Enfin, la Commission n’a pas retenu de circonstances atténuantes ou aggravantes (considérant 1020 de la décision attaquée).

243    Les arguments invoqué par les requérantes et avancés à l’encontre de cette analyse dans le cadre des quatrième et cinquième moyens concernent, en substance, cinq problématiques : premièrement, le caractère disproportionné de la valeur des ventes retenue compte tenu de la courte période d’application de la réglementation AMS et du faible montant des surtaxes AMS, deuxièmement, le caractère erroné et disproportionné du pourcentage de la valeur des ventes retenue compte tenu de la nature de l’entente relative à l’AMS, de l’absence d’implication de leur part dans celle-ci et de l’absence de mise en œuvre concrète de celle-ci, troisièmement, le caractère disproportionné du coefficient multiplicateur relatif à la durée, quatrièmement, le caractère disproportionné du montant additionnel à titre dissuasif et, cinquièmement, une erreur quant à l’absence de différenciation entre le traitement des requérantes et celui des autres transitaires s’agissant de la proportion de la valeur des ventes retenue et du montant additionnel.

244    À cet égard, il convient de relever que, aux termes de l’article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’infraction et, en vertu de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende, la Commission doit prendre en considération la gravité et la durée de l’infraction.

245    Pour leur part, le principe de proportionnalité et le principe d’adéquation de la peine à l’infraction exigent que les amendes ne soient pas démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est-à-dire par rapport au respect du droit de la concurrence de l’Union, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence soit proportionné à celle-ci, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de sa gravité. En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doive fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doive à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (arrêt du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec, EU:T:2006:270, points 226 à 228).

246    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de l’appréciation de la gravité d’une infraction au droit de la concurrence de l’Union, la Commission doit tenir compte d’un grand nombre d’éléments dont le caractère et l’importance varient selon le type de l’infraction et ses circonstances particulières. Parmi ces éléments peuvent, selon les cas, figurer le volume et la valeur des marchandises faisant l’objet de l’infraction ainsi que la taille et la puissance économique de l’entreprise et, partant, l’influence que celle-ci a pu exercer sur le marché (arrêts du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec, EU:C:1983:158, point 121 ; du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec, EU:C:2009:505, point 96, et du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, Rec, EU:C:2011:816, points 58 et 59).

247    S’agissant, plus spécifiquement, du volume et de la valeur des marchandises faisant l’objet de l’infraction, le Tribunal a déjà constaté que, même s’il est incontestable que le chiffre d’affaires d’une entreprise ou d’un marché est, en tant que facteur d’évaluation de la gravité de l’infraction, nécessairement vague et imparfait, malgré sa nature approximative, il est considéré, à l’heure actuelle, tant par le législateur de l’Union que par la Commission et par la Cour comme un critère adéquat, dans le cadre du droit de la concurrence, pour apprécier la taille et le pouvoir économique des entreprises concernées (arrêt du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, Rec, EU:T:2009:142, point 93).

248    En effet, la partie du chiffre d’affaires global provenant de la vente des produits qui font l’objet de l’infraction est la mieux à même de refléter l’importance économique de cette infraction.

249    Ces principes sont reflétés dans les lignes directrices de 2006, qui prévoient une méthode générale pour le calcul du montant des amendes. En effet, il ressort du paragraphe 6 des lignes directrices de 2006 que « la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée [de celle-ci] est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction ».

250    Ainsi, les lignes directrices de 2006 prévoient que, dans une première étape, la Commission détermine le montant de base de l’amende. Dans le cadre de cette étape, en application du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, la Commission identifie la valeur des ventes de biens ou de services, réalisées par l’entreprise en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE au cours d’une année déterminée. Par ailleurs, elle applique à cette valeur un taux de gravité sous forme d’un pourcentage déterminé en fonction du degré de gravité de l’infraction et multiplie ce résultat par le nombre d’années de participation de l’entreprise à l’infraction. En cas d’accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, elle inclut un montant additionnel. Dans une seconde étape, elle tient compte des circonstances aggravantes ou atténuantes.

251    En adoptant les lignes directrices de 2006, la Commission s’est autolimitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Sans présenter de justifications, elle ne peut donc pas se départir de la méthode prévue par celles-ci, sous peine de se voir sanctionnée, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 95 supra, EU:C:2005:408, point 211).

252    C’est à l’aune de ces principes et de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner le bien-fondé des arguments invoqués par les requérantes au sujet des cinq problématiques identifiées au point 243 ci-dessus.

 Sur le caractère disproportionné de la valeur des ventes retenue compte tenu de la courte période d’application de la réglementation AMS et du faible montant des surtaxes AMS

253    Les requérantes font valoir que le calcul de la valeur des ventes fondée sur les ventes sur l’ensemble du marché des services de transit est disproportionné à leur égard compte tenu du fait que, d’une part, sur la quasi-totalité de la période considérée pour l’entente relative à l’AMS, l’importance économique de l’infraction n’est pas étayée faute d’existence des dispositions réglementaires en cause et, d’autre part, même dans la semaine durant laquelle la réglementation en cause était applicable, le montant des surtaxes AMS facturé par elles était négligeable, dès lors que, en moyenne, ce montant représentait 0,5 % des factures de leurs services de transit, et ce uniquement pour une minorité des clients établis dans l’EEE. Le chiffre d’affaires cumulé des services de transit pris en compte serait donc sans aucun rapport avec les surtaxes AMS en termes d’impact économique.

254    Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler qu’il ressort du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 que la valeur des ventes à prendre en compte pour déterminer le montant de base de l’amende est celle des ventes de biens ou de services réalisées par l’entreprise en relation directe ou indirecte avec l’infraction.

255    Comme cela a déjà été relevé aux points 182 à 185 ci-dessus, la Commission a indiqué aux considérants 867 à 870 de la décision attaquée avoir tenu compte du fait que l’entente relative à l’AMS visait les services de transit en tant que lot de services, y compris les services auxiliaires, la particularité du secteur du transit résidant dans le fait que les transitaires proposent à leur client une offre combinant plusieurs services (dont certains pourraient être acquis auprès de prestataires différents), offre qui permet au client de gagner du temps et de l’argent en lui évitant de devoir solliciter les différents services auprès de prestataires différents. Selon la Commission (considérant 867 de la décision attaquée), le fait que les participants à l’entente se soient entendues sur le prix d’une partie des services de transit a une incidence directe sur le prix global des services de transit payés par les clients, compte tenu notamment du fait que le transit est une industrie à faibles marges (considérant 869 de la décision attaquée).

256    Même si les requérantes ne remettent pas en cause l’analyse de la Commission tirée de l’existence d’une demande spécifique pour un lot de services de transit, elles relèvent que la valeur des ventes ainsi obtenue ne reflète pas l’impact économique de l’entente relative à l’AMS compte tenu du fait que les surtaxes AMS visées n’auraient été appliquées que pendant une semaine, qu’elles étaient de très faible valeur par rapport au montant total des ventes de services de transit et n’ont été appliquées qu’à une minorité des clients.

257    À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort de l’examen des premier et deuxième moyens que le fait que l’entrée en vigueur de la réglementation relative à l’AMS a eu lieu bien après le premier fait constitutif de l’entente n’empêchait pas la Commission de conclure à l’existence d’un infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE à partir de la date de l’accord de principe relatif à l’introduction de la surtaxe AMS conclu le 19 mars 2003.

258    Par ailleurs, le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 n’exige pas que, au stade de la fixation du montant des amendes, lorsque la Commission détermine la valeur des ventes des services réalisées en relation avec l’infraction, elle prenne en compte des critères tels que la gravité de l’infraction, leur effet sur le marché ou le dommage causé.

259    En effet, le point 13 des lignes directrices de 2006 a pour objectif de retenir comme point de départ pour le calcul du montant de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids de cette entreprise dans celle-ci. Par conséquent, si la notion de valeur des ventes visée au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne saurait, certes, s’étendre jusqu’à englober les ventes réalisées par l’entreprise en cause qui ne relèvent pas, directement ou indirectement, du périmètre de l’entente reprochée, il serait toutefois porté atteinte à l’objectif poursuivi par cette disposition si cette notion s’entendait comme ne visant que le chiffre d’affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu’elles ont réellement été affectées par cette entente (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, EU:C:2013:464, point 76).

260    Or, même si l’entente relative à l’AMS n’a concerné que la surtaxe pour compenser un coût d’intrant et non le prix global des services de transit, la Commission considère à juste titre qu’elle a pu avoir une influence directe sur le prix global des services de transit payés par les clients, compte tenu notamment du fait que le transit est une industrie à faibles marges. Ce sont donc bien les ventes réalisées pour les services de transit en tant que lot de services qui relèvent, directement ou indirectement, du périmètre de l’entente reprochée au sens de la jurisprudence citée au point 259 ci-dessus.

261    Par ailleurs, comme cela a déjà été relevé au point 60 ci-dessus, cela est vrai même pour la période de l’entente pendant laquelle la surtaxe AMS n’était pas encore en vigueur dans la mesure où les transitaires avaient déjà pu tenir compte de la coordination mise en œuvre quant au fait de ne pas imputer les frais relatifs à l’AMS aux clients dans le cadre de contrats relatifs à des services de transit conclus pendant cette période.

262    De surcroît, s’agissant du fait que les surtaxes en cause n’auraient été appliquées qu’à une minorité des clients des requérantes, il convient de rappeler que, en application du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, la Commission utilise la valeur des ventes en relation avec l’infraction sans que la mise en œuvre de l’infraction soit prise en compte. Il ne ressort donc pas de ce paragraphe que seule la valeur des ventes résultant des transactions réellement affectées par les ententes illicites peut être prise en considération pour calculer la valeur des ventes (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission, T‑211/08, Rec, EU:T:2011:289, point 58).

263    Toutefois, dans ce contexte, il convient également de rappeler que, selon la jurisprudence, la notion de valeur des ventes visée au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne saurait s’étendre jusqu’à englober les ventes réalisées par l’entreprise en cause qui ne relèvent pas, directement ou indirectement, du périmètre de l’entente reprochée (arrêt Team Relocations e.a./Commission, point 259 supra, EU:C:2013:464, points 73 à 78).

264    Or, les requérantes n’avancent aucun argument permettant de déduire que les ventes tirées des services de transit que la Commission a prises en compte, à savoir ceux sur la route commerciale concernée par l’entente relative à l’AMS, ne relevaient pas du périmètre de cette entente.

265    Par ailleurs, les juridictions de l’Union n’ont jamais imposé l’obligation à la Commission d’établir dans chaque cas quelles sont les ventes individuelles ayant été affectées par l’entente (arrêt Putters International/Commission, point 262 supra, EU:T:2011:289, point 60). Au contraire, comme il ressort de la jurisprudence de la Cour, une limitation de la valeur des ventes à celles pour lesquelles il est établi qu’elles ont réellement été affectées par une entente commise par une entreprise donnée aurait pour effet de minimiser artificiellement l’importance économique de celle-ci, dès lors que le seul fait qu’un nombre limité de preuves directes des ventes réellement affectées par l’entente a été trouvé conduirait à infliger au final une amende sans relation réelle avec le champ d’application de l’entente en cause. Une telle prime au secret porterait également atteinte à l’objectif de poursuite et de sanction efficace des infractions à l’article 101 TFUE et, partant, ne saurait être admise (arrêt Team Relocations e.a./Commission, point 259 supra, EU:C:2013:464, points 76 et 77).

266    Enfin, même s’il est vrai qu’il ne convient pas d’attacher une importance exagérée au chiffre d’affaires, ni l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, ni le principe de proportionnalité ne s’opposent à ce que la Commission utilise la valeur des ventes de produits ou de services réalisées en relation avec l’infraction en tant que point de départ pour le calcul du montant des amendes, dans la mesure où elle prend également en compte les autres éléments pertinents.

267    Ainsi, ces principes ne s’opposent pas à ce que, dans une première étape, la Commission se limite à déterminer la valeur des ventes, compte tenu du fait que les circonstances comme celles invoquées par les requérantes liées à l’effet de l’infraction sur le marché peuvent éventuellement être prises en compte en ce qui concerne la gravité de l’infraction, dans la mesure où elles sont pertinentes. Au contraire, en raison de son caractère objectif et de son lien avec l’activité des entreprises, l’utilisation de la valeur des ventes réalisées en relation avec l’infraction comme point de départ pour le calcul du montant des amendes contribue à la cohérence de la position de la Commission d’une affaire à l’autre et rend donc son action plus prévisible pour les entreprises concernées.

268    Dès lors, l’argument tiré du caractère disproportionné de la valeur des ventes retenue doit être rejeté.

 Sur le caractère erroné et disproportionné du pourcentage de la valeur des ventes retenu compte tenu de la nature de l’entente, de l’absence d’implication des requérantes dans cette entente et de son absence de mise en œuvre concrète

269    Quant au pourcentage de 16 % de la valeur des ventes retenu en l’espèce (point 239 ci-dessus), les requérantes soutiennent que la Commission a mal appliqué le concept de gravité parce qu’elle n’a tenu compte ni de l’absence de preuves de leur implication dans l’entente relative à l’AMS, ni du fait qu’il ne s’agissait pas d’une infraction restrictive par objet, ni, par ailleurs, du fait que l’entente n’avait pas été mise en œuvre. De même, le pourcentage en cause serait disproportionné compte tenu de l’absence d’entente caractérisée en l’espèce.

270    Les principes de la jurisprudence visant la prise en compte d’un certain nombre de facteurs pour tenir compte de la gravité d’une infraction dans le cadre du calcul du montant de l’amende, rappelés au point 246 ci-dessus, sont également reflétés aux paragraphes 19 à 22 des lignes directrices de 2006, auxquels les requérantes se réfèrent.

271    Le paragraphe 19 des lignes directrices de 2006 dispose que le montant de base de l’amende sera lié à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction, tandis que le paragraphe 20 de ces lignes directrices prévoit que l’appréciation de la gravité sera faite au cas par cas pour chaque type d’infraction, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce. Il découle du paragraphe 22 desdites lignes directrices que, afin de décider si la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné devrait être en bas ou en haut de l’échelle pouvant aller jusqu’à 30 % (paragraphe 21 des lignes directrices de 2006), la Commission tient compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et sa mise en œuvre ou non.

272    S’agissant de l’appréciation de la gravité de l’infraction dans la décision attaquée, il ressort de ses considérants 893 à 896 que la Commission a considéré que, quant à leur nature, les ententes entre les transitaires avaient constitué des accords ou des pratiques concertées ayant pour objet de fixer de façon directe ou indirecte des prix ou d’autres conditions de transaction et que concrètement, s’agissant de l’AMS, les entreprises en cause s’étaient mises d’accord sur l’introduction et sur les principes de fixation d’une surtaxe et avaient échangé des informations sensibles relatives aux prix. Il en résulte également que, contrairement à ce qui était le cas pour d’autres infractions, la Commission n’a pas retenu que les entreprises en cause avaient fixé le niveau de la surtaxe. La Commission a également précisé, au considérant 899 de la décision attaquée, que les parts de marché cumulées des parties représentaient 45 à 55 % pour la route affectée par l’entente relative à l’AMS. S’agissant de l’étendue géographique de l’infraction, la Commission a précisé, au considérant 900 de la décision attaquée, que l’entente relative à l’AMS couvrait l’ensemble de l’EEE. Au considérant 902 de la décision attaquée, la Commission a relevé que les accords en cause, dont celui relatif à l’AMS, avaient généralement été mis en œuvre au moins de manière partielle et que leur mise en œuvre avait fait l’objet d’un suivi.

273    Au considérant 945 de la décision attaquée, la Commission a conclu ce qui suit : « [C]ompte tenu des circonstances particulières de la présente affaire, des critères exposés aux considérants 893-896 sur la nature et 900 sur l’étendue géographique ci-dessus, le pourcentage de la valeur des ventes à prendre en compte doit s’élever à 16 % pour chacune des infractions relatives à l’AMS, au CAF et à la PSS. »

274    Au considérant 947 de la décision attaquée, la Commission a précisé que le facteur de gravité, qui se reflète dans la proportion de la valeur des ventes, prenait dûment en compte la nature des infractions ainsi que leur étendue géographique, notamment pour l’entente relative à l’AMS, conformément à sa pratique décisionnelle antérieure.

275    À cet égard, s’agissant des éléments dont la Commission aurait, selon les requérantes, dû tenir compte dans son analyse de la gravité de l’infraction relative à l’AMS afin de respecter les principes évoqués ci-dessus, force est de constater que leurs arguments sont dans une large mesure identiques à ceux avancés au sujet de la preuve de l’infraction et de l’établissement de leur implication.

276    Plus particulièrement, quant au degré de leur implication, il résulte de l’examen des premier et deuxième moyens ci-dessus que, contrairement à ce que les requérantes font valoir, la Commission a pu retenir qu’elles avaient adhéré à une entente et pas seulement à une organisation professionnelle en tant qu’observateur, qu’un accord avait été conclu lors de la réunion du 19 mars 2003 dont elles ne s’étaient pas distanciées, que la Commission n’a pas déformé le contenu du courriel du 3 août 2004 et que les prétendus indices évoqués pour soutenir la thèse de leur participation marginale à l’entente n’emportent pas la conviction.

277    De même, quant à la nature de l’infraction, l’examen des premier et deuxième moyens ci-dessus a permis de conclure à l’existence d’une infraction par objet qui concernait directement ou indirectement la fixation du prix des services de transit par un accord sur le principe et les modalités d’une surtaxe AMS à imposer aux clients ainsi qu’un échange d’informations par la suite, et ce même si ladite surtaxe ne concernait directement qu’un élément du prix final des services de transit (voir, notamment, points 180 à 185 ci-dessus).

278    Or, il est de jurisprudence constante que les ententes horizontales en matière de prix font partie des infractions les plus graves au droit de la concurrence de l’Union et peuvent donc, à elles seules, être qualifiées de très graves (voir arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec, EU:T:2005:367, point 147 et jurisprudence citée).

279    Cela est confirmé au paragraphe 23 des lignes directrices de 2006, selon lequel les accords horizontaux visant la fixation de prix comptent parmi les restrictions de la concurrence les plus graves.

280    En outre, le paragraphe 21 des lignes directrices de 2006 prévoit que la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte pour la détermination du montant de l’amende peut être fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %, tandis qu’il ressort du paragraphe 23 desdites lignes directrices que les restrictions de concurrence les plus graves doivent être sévèrement sanctionnées, de sorte que la proportion des ventes retenues sera généralement en haut de l’échelle.

281    Dans ces circonstances et notamment au vu de la nature de l’infraction en cause, les requérantes ne sauraient faire valoir que la fixation d’un pourcentage de 16 % de la valeur des ventes en l’espèce est erronée. En effet, alors que la nature de l’infraction aurait justifié, selon les termes du paragraphe 23 des lignes directrices de 2006, de retenir un pourcentage des ventes en haut de l’échelle (qui va jusqu’à 30 %), le pourcentage retenu par la Commission se situe à peu près au milieu de cette échelle (voir, par analogie, arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, Rec, EU:T:2014:254, point 26).

282    S’agissant de la prise en compte de la mise en œuvre de l’entente, comme il ressort des considérants 945 et 947 de la décision attaquée, dont le contenu est rappelé aux points 273 et 274 ci-dessus, l’analyse de la gravité de l’entente relative à l’AMS repose, en substance, sur sa nature et son étendue géographique et non sur sa mise en œuvre, même si cette circonstance est mentionnée au considérant 902 de la décision attaquée (point 272 ci-dessus).

283    Cette approche se justifie au vu des circonstances particulières de l’affaire. En effet, elle concerne un accord horizontal visant les prix affectant tout le territoire de l’EEE. Une telle approche est conforme aux principes énoncés aux paragraphes 19 à 22 des lignes directrices de 2006, rappelés au point 271 ci-dessus.

284    Par ailleurs, la Commission a établi dans la décision attaquée que l’entente relative à l’AMS avait été partiellement mise en œuvre, notamment compte tenu du fait que les participants avaient instauré des surtaxes AMS pour leurs clients et que, lors de la réunion du 19 août 2004, ils avaient discuté de cas de non-respect de l’entente dans lesquels aucune surtaxe AMS n’était facturée. Ces appréciations n’ont pas été invalidées dans le cadre de l’examen des premier et deuxième moyens ci-dessus. Les requérantes ne sauraient donc affirmer que l’entente n’a pas été mise en œuvre du tout.

285    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la référence à des ententes et à des restrictions caractérisées ne satisferait pas à l’obligation de prendre en compte la mise en œuvre de l’entente pour fixer le montant de l’amende, qui serait confirmée par l’arrêt du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission (T‑11/06, Rec, EU:T:2011:560), outre le fait que ledit arrêt concerne l’application des lignes directrices ayant précédé celles de 2006, contrairement à ce que semblent vouloir affirmer les requérantes, il ne ressort pas des points 99 et 100 dudit arrêt qu’une réduction du montant de l’amende s’impose lorsque des membres de l’entente ne l’ont pas mise en œuvre.

286    De même, quant au paragraphe 22 des lignes directrices de 2006, comme la Commission le fait valoir, la prise en compte de facteurs autres que la nature de l’infraction mentionnés audit paragraphe 22 pourrait logiquement conduire à la prise en compte d’un pourcentage des ventes encore plus élevé qu’un pourcentage se situant au milieu de l’échelle de 30 %, tel que celui retenu en l’espèce.

287    Enfin, l’effet d’une pratique anticoncurrentielle n’est pas un critère déterminant dans l’appréciation du montant adéquat de l’amende. Des éléments relevant de l’aspect intentionnel peuvent avoir plus d’importance que ceux relatifs auxdits effets, surtout lorsqu’il s’agit d’infractions intrinsèquement graves (voir, en ce sens, arrêt Donau Chemie/Commission, point 281 supra, EU:T:2014:254, point 81).

288    Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur en appliquant un pourcentage de 16 % à la valeur des ventes pour tenir compte de la gravité de l’entente relative à l’AMS. Un tel pourcentage n’est pas disproportionné compte tenu de la nature de l’infraction et de son étendue géographique. Cela est d’autant plus vrai si les parts de marchés cumulées des entreprises concernées et la mise en œuvre au moins partielle de l’infraction sont prises en compte (point 272 ci-dessus).

 Sur le caractère disproportionné du coefficient relatif à la durée

289    Selon les requérantes, les coefficients multiplicateurs relatifs à la durée qui leur ont été appliqués sont disproportionnés au regard des circonstances particulières du cas d’espèce, notamment du fait que, durant la période d’infraction alléguée retenue de plus de seize mois à partir du 19 mars 2003, les dispositions réglementaires en cause étaient inexistantes, puisqu’elles n’ont été adoptées que le 4 mars 2004, l’AMS étant entré en vigueur le 13 août 2004 et uniquement pour les destinations situées sur la côte est des États-Unis, et n’ont eu cours que durant une semaine au cours de ladite période.

290    À cet égard, il y a lieu de rappeler que les lignes directrices de 2006 prévoient que le montant de l’amende est calculé en prenant en considération la gravité et la durée de l’infraction en cause, reflétant ainsi la règle édictée à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003.

291    Comme la Commission l’a expliqué au considérant 950 de la décision attaquée, les coefficients rappelés au point 241 ci-dessus de 0,75 année pour UTi Nederland, de 0,58 année pour UTI Worldwide (UK) et de 1,41 année pour UTi Worldwide tiennent compte de la participation effective de ces entités à l’infraction sur une base mensuelle arrondie au mois inférieur et prorata temporis. Elle a ajouté, au considérant 949 de la décision attaquée, que, alors que les filiales avaient pris part à différentes périodes de l’entente, au niveau du groupe UTi, les requérantes avaient participé au comportement collusoire de manière ininterrompue pendant toute la durée de l’entente, à savoir du 19 mars 2003 au 19 août 2004.

292    Force est de relever que l’argumentation des requérantes selon laquelle les coefficients retenus ne correspondent à aucune incidence économique plausible de l’infraction n’est qu’une reformulation d’arguments déjà rejetés dans le cadre de l’examen des premier et deuxième moyens ainsi que de l’argumentation relative au calcul de la valeur des ventes. En effet, il a déjà été considéré au point 257 ci-dessus que le fait que l’entrée en vigueur de la réglementation relative à l’AMS a eu lieu bien après le premier fait constitutif de l’entente n’empêchait pas la Commission de conclure à l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE à partir de la date de l’accord de principe relatif à l’introduction de la surtaxe AMS, conclu le 19 mars 2003.

293    Dans ce contexte, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la durée prise en compte pour le calcul du montant de l’amende ne doit pas refléter l’impact économique de l’infraction ou la période de sa mise en œuvre effective.

294    Dès lors que la Commission n’avait pas l’obligation de prouver les effets de l’accord en cause en l’espèce, celui-ci ayant pour objet de restreindre la concurrence, l’absence de mise en application de cet accord est sans pertinence pour le calcul de la durée de l’infraction. En effet, pour calculer la durée d’une infraction dont l’objet est de restreindre la concurrence, il convient uniquement de déterminer la durée pendant laquelle cet accord a existé, à savoir la période s’étant écoulée entre la date de sa conclusion et la date à laquelle il y a été mis fin (voir, en ce sens, arrêt du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T‑49/02 à T‑51/02, Rec, EU:T:2005:298, point 185 et jurisprudence citée). Ce principe est reflété, par ailleurs, au paragraphe 24 des lignes directrices de 2006, qui se réfère au nombre d’années de participation à l’infraction sans faire référence à la mise en œuvre ou aux effets concrets de celle-ci.

295    L’argumentation des requérantes doit donc être rejetée, car elle ne peut démontrer que les coefficients multiplicateurs relatifs à la durée, en ce qu’ils se fondent sur la durée de la participation des différentes entités du groupe UTi à l’entente relative à l’AMS, sont disproportionnés.

 Sur le caractère disproportionné du montant additionnel à titre dissuasif

296    Les requérantes remettent en cause le caractère proportionné de l’application d’un montant additionnel de 16 % à leur égard compte tenu du fait que l’entente en cause ne pourrait être qualifiée de « caractérisée ».

297    Aux considérants 953 et 954 de la décision attaquée, la Commission a précisé à cet égard que, indépendamment de la durée de la participation des entreprises à l’infraction, elle a ajouté au montant de base un montant additionnel de 16 % de la valeur des ventes dans le but de dissuader les entreprises de conclure des accords horizontaux de fixation de prix et de partage du marché, compte tenu des circonstances particulières de l’affaire et des caractéristiques concernant la gravité de l’entente.

298    Son approche se fonde sur le paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, qui dispose qu’un montant additionnel allant de 15 à 25 % de la valeur des ventes est inclus dans le montant de base de l’amende afin de dissuader les entreprises même de participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production.

299    Force est de relever que l’argumentation des requérantes ne remet pas en cause cette approche.

300    En effet, il a déjà été rappelé à plusieurs reprises ci-dessus que la Commission a pu retenir sans commettre d’erreur que l’entente relative à l’AMS s’apparentait à un accord horizontal de fixation de prix et constituait une restriction par objet.

301    Dès lors, conformément au paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, l’application d’un coefficient de la valeur des ventes à titre dissuasif est automatique. Par ailleurs, compte tenu du fait que la Commission a appliqué un montant additionnel qui se situe en bas de l’échelle mentionnée audit paragraphe 25, un tel montant n’est pas disproportionné.

302    Enfin, les requérantes ne sauraient valablement avancer que la motivation fournie aux considérants 953 et 954 de la décision attaquée n’est pas suffisante, dès lors que la Commission applique un taux très proche de la limite inférieure de la fourchette prévue pour les restrictions les plus graves (voir, en ce sens, arrêt Ziegler/Commission, point 198 supra, EU:T:2011:285, points 93 et 94).

303    Il résulte de ce qui précède que l’argumentation tirée du caractère disproportionné du montant additionnel doit être rejetée.

 Sur l’erreur quant à l’absence de différenciation entre le traitement des requérantes et celui des autres transitaires s’agissant de la proportion de la valeur des ventes retenue et du montant additionnel

304    Les requérantes font valoir que la Commission aurait dû individualiser leur comportement par rapport à celui des autres transitaires. Plus particulièrement, tout en reconnaissant que l’entente globale était composée de quatre volets, la Commission n’aurait pas analysé les conséquences juridiques du fait qu’elles n’ont été impliquées que dans un de ces quatre volets. Au vu du principe d’égalité de traitement, la Commission n’aurait pas dû traiter leur situation comme celle des transitaires dominants s’agissant du niveau de l’amende, pour établir de façon individualisée la gravité des griefs à leur égard. Elle aurait dû tenir compte du fait que le comportement qui leur est reproché ne concerne que l’AMS, qu’elles n’y ont participé qu’en raison de leur appartenance à l’association FFI et que leur participation aux réunions de ladite organisation n’incluait pas la participation à un quelconque plan visant à restreindre la concurrence. En dépit de ces circonstances, la Commission aurait appliqué à l’ensemble des participants à l’infraction le même pourcentage de 16 % pour calculer le montant de base de l’amende ainsi que le montant additionnel.

305    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission n’a pas retenu l’existence d’une infraction unique et continue dans la décision attaquée. Même si elle reconnaît que les quatre ententes sont liées à plusieurs égards (même marché, même nature et, partiellement, mêmes participants) (considérants 554 et 555 de la décision attaquée), elle considère qu’il s’agit de quatre ententes distinctes pour lesquelles il existait à chaque fois une infraction unique et continue (considérants 551 à 553 de la décision attaquée).

306    La distinction entre les ententes est justifiée dans la décision attaquée par plusieurs circonstances soutenant l’absence d’un plan d’ensemble : le fait que chacune des ententes est apparue en réaction à certaines circonstances locales et a impliqué du personnel local, le fait que des contacts concernant chacune des infractions ont eu lieu à différents endroits du globe, ont couvert des périodes différentes et ont impliqué des représentants différents des entreprises, le fait qu’à chaque réunion une seule infraction était discutée ainsi que le fait que, concernant chaque surtaxe, des entreprises en partie différentes ont été impliquées et le nombre de membres de l’entente a été, lui aussi, différent, seules trois entreprises ayant participé aux quatre infractions.

307    Les requérantes ne remettent pas en cause l’existence de ces éléments avancés par la Commission pour distinguer les quatre ententes. Par ailleurs, quant au fait que les quatre infractions concernaient le même marché, même si chacune d’entre elles concernait les services de transit, cela n’est pas une raison nécessaire et suffisante pour conclure à l’existence d’une infraction unique et continue compte tenu des éléments mentionnés au point 306 ci-dessus ainsi que du fait que chacune des quatre surtaxes en cause dans la décision attaquée concernait une route commerciale différente.

308    En outre, quant à l’argumentation des requérantes tirée de l’existence d’une entente entre transitaires dominants, à laquelle elles n’auraient pas participé et qui aurait porté sur divers comportements sur un seul et même marché, elle a déjà été rejetée dans le cadre de l’examen des premier et deuxième moyens effectué ci-dessus, l’existence éventuelle d’autres contacts que ceux retenus dans la décision attaquée ne remettant pas en cause la légalité de celle-ci.

309    Pour le surplus, il ressort de l’analyse effectuée aux points 253 à 288 ci-dessus que, au vu des caractéristiques de l’entente relative à l’AMS, la Commission a valablement pu retenir un pourcentage de 16 % de la valeur des ventes ainsi qu’un même pourcentage pour le montant additionnel appliqué à titre dissuasif.

310    Le fait que certaines autres entreprises participant à l’entente relative à l’AMS et à qui un même pourcentage de 16 % a été appliqué ont également été impliquées dans certaines ou dans toutes les autres ententes retenues dans la décision attaquée ne remet pas en cause la validité de ce pourcentage pour l’entente relative à l’AMS, pour laquelle les entreprises se trouvant dans une même situation se sont vu infliger un même traitement. Aucune violation du principe d’égalité de traitement ne doit donc être retenue à cet égard.

311    Enfin, la jurisprudence confirme que, dans le cadre des lignes directrices de 2006, la Commission n’est pas obligée de prendre en compte la gravité relative de la participation à l’infraction et les circonstances particulières d’une affaire au premier stade de la méthode de fixation du montant des amendes, mais peut prendre en compte de tels éléments lors de l’ajustement du montant de base en fonction de circonstances atténuantes et aggravantes propres à l’entreprise (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2011, Team Relocations e.a./Commission, T‑204/08 et T‑212/08, Rec, EU:T:2011:286, point 92, et du 25 octobre 2011, Aragonesas Industrias y Energía/Commission, T‑348/08, Rec, EU:T:2011:621, point 273).

312    Cependant, en l’espèce, il ne ressort pas de la décision attaquée que les requérantes ont invoqué des circonstances atténuantes dans le cadre de la procédure administrative.

313    En tout état de cause, dans la mesure où, par le biais de leur argumentation, les requérantes invoqueraient néanmoins la reconnaissance d’une circonstance atténuante à leur égard compte tenu de leur prétendu faible participation à l’entente relative à l’AMS devant le Tribunal, la Commission a raison de rappeler qu’elles ne se sont pas retirées de l’entente après l’accord de principe du 19 mars 2003 et qu’elles n’ont pas non plus fait preuve d’un comportement pouvant être qualifié de passif. Aucune circonstance atténuante ne doit donc être retenue à cet égard.

314    Il résulte de ce qui précède que les quatrième et cinquième moyens doivent être rejetés dans la mesure où ils visent à l’annulation de l’amende de 3 068 000 euros imposée aux requérantes à l’article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée.

315    Il convient également de les rejeter dans la mesure où ils sont soulevés au soutien de la demande d’exercice, par le Tribunal, de sa compétence de pleine juridiction dès lors que l’examen desdits moyens n’a révélé ni erreurs ni éléments inappropriés dans le cadre du calcul du montant de l’amende, les arguments avancés ne remettant pas en cause le fait que l’approche adoptée par la Commission tenait compte de manière adéquate de l’importance économique de la participation des requérantes à l’entente relative à l’AMS, laquelle visait les services de transit en tant que lot de services. Dans ce contexte, il convient également de relever que, même s’il ne peut pas être exclu que l’existence de faibles marges peut être une indication de la faible capacité financière d’une entreprise nonobstant l’ampleur de son chiffre d’affaires, aucun argument n’a été soulevé en l’espèce permettant d’établir que le montant de l’amende imputée serait excessif compte tenu de la capacité financière des requérantes.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur en ce que la Commission a retenu à l’encontre d’UTi Worldwide, en tant que société mère, un montant d’amende plus élevé que celui de l’amende infligée à ses deux filiales

316    Les requérantes soutiennent qu’il résulte de l’article 2 du dispositif de la décision attaquée que l’amende infligée solidairement à UTI Worldwide (UK) et à UTi Nederland ainsi qu’à leur société mère UTi Worldwide en raison du comportement allégué des deux premières s’établit à 2 965 000 euros, tandis que l’amende à la société mère UTi Worldwide au titre de sa responsabilité individuelle s’élève à 3 068 000 euros. Il en résulterait que, si UTi Nederland et UTI Worldwide (UK) versaient les montants de l’amende dont elles sont redevables au titre de leur responsabilité solidaire (2 965 000 euros au total), l’amende serait, de leur point de vue, entièrement payée, alors que la société mère UTi Worldwide resterait encore redevable de 103 000 euros. Or, selon les requérantes, une société mère ne peut voir sa responsabilité solidaire engagée que pour le montant total des amendes infligées à ses filiales qui ont directement participé à l’infraction, de sorte que le montant de l’amende devrait être réduit au moins de la différence entre l’amende infligée à UTi Worldwide et celle infligée à ses deux filiales.

317    Les cas comparables cités par la Commission dans ses écritures dans le cadre desquels l’amende infligée à la société mère serait différente de celle infligée à sa filiale seraient dépourvus de pertinence.

318    La Commission conteste cette argumentation et soutient que la différence entre les montants d’amende infligés aux requérantes s’explique par le fait que les périodes d’infraction imputées aux filiales ont fait l’objet d’un arrondissement tandis que la période appliquée à la société mère ne nécessitait aucun arrondissement. Le traitement favorable appliqué aux filiales ne discriminerait pas la société mère parce que la durée de participation à l’infraction la placerait dans une situation différente qui ne justifierait aucune réduction. Selon la Commission, il n’existerait aucune obligation de réduire le montant de l’amende infligée à une société mère si le montant de l’amende infligée à sa filiale solidairement responsable a été réduit pour des raisons qui lui sont propres et le montant des amendes infligées aux différentes entités juridiques au sein d’une même entreprise pourraient varier pour de multiples raisons.

319    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, comme cela a été mentionné au point 11 ci-dessus, un premier montant d’amende pour lequel les trois sociétés sont solidairement responsables et qui s’élève à 1 273 000 euros correspond au montant additionnel à caractère dissuasif de 16 % appliqué à la valeur des ventes (considérants 950 et 954 de la décision attaquée). UTi Worldwide est responsable du paiement d’un montant de 1 795 000 euros. Ce montant correspond notamment, d’une part, à une amende prononcée solidairement contre elle et contre UTI Worldwide (UK), à hauteur de 738 000 euros [valeur des ventes x facteur de gravité de 16 % x facteur durée de 0,58 retenue contre UTI Worldwide (UK)] et, d’autre part, à une amende prononcée solidairement contre elle et contre UTi Nederland, pour un montant de 954 000 euros (valeur des ventes x facteur de gravité de 16 % x facteur durée de 0,75 retenue contre UTi Nederland) (considérants 945 et 950 de la décision attaquée). Au total, UTi Worldwide est responsable pour un montant de 3 068 000 euros, soit 1 273 000 euros + 1 795 000 euros (valeur des ventes x facteur de gravité de 16 % x facteur durée de 1.41 retenue contre elle) (considérants 945 et 950 de la décision attaquée). Ce montant correspond au montant de base tel qu’il ressort du considérant 958 de la décision attaquée.

320    Les requérantes ont donc raison de faire valoir qu’UTI Worldwide (UK) et UTi Nederland seront dégagées de leur responsabilité envers la Commission par le paiement d’un montant de 2 965 000 euros (1 273 000 euros + 738 000 euros + 954 000 euros), tandis que l’obligation d’ UTi Worldwide envers la Commission s’élève à 3 068 000 euros et est donc supérieure de 103 000 euros à la somme des montants pour lesquels ses filiales sont responsables. La Commission ne conteste d’ailleurs pas ces calculs.

321    Comme la Commission le relève, ces différences résultent des durées de participation à l’infraction différentes pour les deux filiales et pour la société mère, rappelée au considérant 950 de la décision attaquée.

322    Par ailleurs, des clarifications quant à la responsabilité des différentes entités ont été fournies par la Commission aux considérants 772 à 777 de la décision attaquée.

323    Plus précisément, UTI Worldwide (UK) a participé à l’entente du 19 mars au 21 octobre 2003, par l’intermédiaire de son employé M. H., et UTi Nederland du 21 octobre 2003 au 19 août 2004, par l’intermédiaire de son employé M. J. La Commission retient donc qu’UTI Worldwide (UK) et UTi Nederland sont responsables de leur participation directe à l’entente concernant l’AMS.

324    La société mère, UTi Worldwide, a participé à l’entente du 19 mars 2003 au 19 août 2004, c’est-à-dire pour la période combinée de la participation de ses filiales. Selon la Commission, il est présumé qu’UTi Worldwide exerçait une influence déterminante sur UTI Worldwide (UK) et UTi Nederland et, par conséquent, qu’UTI Worldwide (UK) et UTi Worldwide faisaient partie de la même entreprise auteur de l’infraction concernant l’AMS entre le 19 mars et le 21 octobre 2003, tandis que tel était le cas pour UTi Nederland et UTi Worldwide entre le 21 octobre 2003 et le 19 août 2004. Les requérantes ne contestent pas l’analyse de la Commission s’agissant de l’exercice d’une influence déterminante par UTi Worldwide sur ses filiales.

325    Quant aux coefficients appliqués aux filiales, la Commission a expliqué au considérant 950 de la décision attaquée que, conformément à sa pratique, elle a pris en compte la durée de participation effective sur une base mensuelle arrondie au mois inférieur et prorata temporis, afin de prendre en compte la durée de la participation de chaque entité en s’écartant donc de la méthode décrite au paragraphe 24 des lignes directrices de 2006, qui prévoit que les périodes de moins d’un semestre seront comptées comme une demi-année tandis que les périodes de plus de six mois mais de moins d’un an seront comptées comme une année complète. La méthode utilisée en l’espèce arrondit la durée vers le bas au mois le plus proche de la participation de chaque participant en faisant abstraction du nombre de jours.

326    Par ailleurs, la Commission a précisé encore les calculs suivants. Pour la société mère, UTi Worldwide, un coefficient de 1,41 a été retenu, 1 correspondant à une année complète et 0,41 correspondant aux 5 mois supplémentaires, tandis que, pour UTI Worldwide (UK), laquelle a participé à l’entente pendant une période de 7 mois et 2 jours, cette période ayant été arrondie à la baisse à 7 mois, un coefficient de 0,58 a été retenu et, pour UTi Nederland, une période de participation à l’entente de 9 mois et 28 jours ayant été retenue, période arrondie à la baisse à 9 mois, un coefficient de 0,75 a été retenu.

327    Par conséquent, l’arrondissement à la baisse de la durée de participation des filiales a conduit à une remise cumulée d’une période d’environ un mois en leur faveur qui n’a pas été accordée à la société mère.

328    Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que, comme en l’espèce, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne définit pas de façon indépendante son comportement sur le marché, parce qu’elle est sous l’influence déterminante de la société mère à cet égard, compte tenu en particulier des liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. Cela n’est pas remis en cause dans le cadre du présent recours.

329    Cependant, si, dans le cadre d’une relation capitalistique verticale de ce type, la société mère en cause est censée avoir commis elle-même l’infraction aux règles de concurrence du droit de l’Union, sa responsabilité pour l’infraction est entièrement dérivée de celle de sa filiale (arrêt du 10 avril 2014, Commission e.a./Siemens Österreich e.a., C‑231/11 P à C‑233/11 P, Rec, EU:C:2014:256, points 46 et 47 et jurisprudence citée).

330    En outre, la Cour a jugé que, dans la situation où la responsabilité de la société mère est purement dérivée de celle de sa filiale et dans laquelle aucun autre facteur ne caractérise individuellement le comportement reproché à la société mère, la responsabilité de cette société mère ne saurait excéder celle de sa filiale (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins, C‑286/11 P, Rec, EU:C:2013:29, points 37, 39, 43 et 49).

331    Dès lors, par analogie, dans le cas où la responsabilité d’une société, en tant que société mère, est entièrement dérivée de celle de plusieurs filiales, la somme totale des montants auxquels elle est condamnée ne devrait pas excéder le montant auquel sont condamnées ces filiales.

332    Certes, la Commission relève à juste titre que des circonstances propres à la situation de la société mère ou de la filiale pourraient mener à des montants différenciés, comme dans le cas de la prise en compte de la circonstance aggravante de récidive retenue à l’encontre d’une société mère et non de sa filiale.

333    Cependant, de telles circonstances particulières liées à la situation de l’une ou de l’autre société faisant partie de l’entreprise sanctionnée n’existent pas en l’espèce, le seul facteur en cause ici étant celui de la durée de participation à l’infraction, cette durée étant, en ce qui concerne la société holding, dérivée de celle de ses filiales.

334    Dans ces circonstances, au vu du principe rappelé au point 330 ci-dessus, si la Commission choisit pour toutes les entreprises destinataires de la décision attaquée une méthode de calcul du montant de l’amende favorable aux filiales d’une société mère, telle que celle appliquée en l’espèce en vertu de laquelle les périodes d’infraction imputées aux filiales ont fait l’objet d’un arrondissement vers le bas tandis que la période imputée à la société mère ne nécessitait aucun arrondissement, la société mère dont la responsabilité est entièrement dérivée de celle de ses filiales doit bénéficier de la même réduction de responsabilité que celle dont ont bénéficié ses filiales (voir, par analogie, arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, Rec, EU:C:2014:257, points 136 à 138).

335    Dès lors, en l’espèce, la Commission aurait dû tirer les conséquences de la réduction du montant de l’amende favorable à UTI Worldwide (UK) et à UTi Nederland résultant de la méthode de calcul choisie par elle afin d’en tirer les conséquences pour UTi Worldwide, le montant de l’amende pour laquelle cette dernière est responsable envers la Commission ne devant, en principe, pas dépasser celui pour lequel la responsabilité de ses filiales est engagée.

336    Il en résulte que le sixième moyen doit être accueilli et la décision attaquée annulée pour autant qu’elle a tenu UTi Worldwide pour responsable du paiement d’un montant global de 3 068 000 euros, qui dépasse le montant des amendes mises à la charge des filiales en cause.

337    Compte tenu de tout ce qui précède, le Tribunal réduit le montant de l’amende imposée à UTi Worldwide de 103 000 euros et le fixe à un montant global de 2 965 000 euros, ce qui correspond à la somme des montants pour lesquels les filiales UTI Worldwide (UK) et UTi Nederland sont tenues pour responsables (points 319 et 320 ci-dessus). À cette fin, le montant de l’amende de 1 795 000 euros imputable à UTi Worldwide figurant à la première ligne de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la décision attaquée (point 11 ci-dessus) est ramené à 1 692 000 euros.

338    Le recours est rejeté pour le surplus, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité du troisième chef de conclusions des requérantes, qui n’est soutenu par aucun moyen ou grief spécifique.

 Sur les dépens

339    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

340    En l’espèce, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que les requérantes supportent les neuf dixièmes des dépens de la Commission et de leurs propres dépens et que la Commission supporte un dixième de ses propres dépens et de ceux des requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C (2012) 1959 final de la Commission, du 28 mars 2012, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39462 – Transit), est annulée en tant que le montant de l’amende infligée à UTi Worldwide, Inc. excède celui des amendes infligées à UTi Nederland BV et à UTI Worldwide (UK) Ltd.

2)      Le montant global de l’amende infligée à UTi Worldwide à l’article 2, paragraphe 2, de la décision C (2012) 1959 final est fixé à 2 965 000 euros, le montant de l’amende qui lui est imputable en application de la première ligne de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de ladite décision étant fixé à 1 692 000 euros.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      UTi Worldwide, UTi Nederland et UTI Worldwide (UK) supporteront les neuf dixièmes des dépens exposés par la Commission européenne et de leurs propres dépens.

5)      La Commission supportera un dixième de ses propres dépens et de ceux exposés par UTi Worldwide, par UTi Nederland et par UTI Worldwide (UK).

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 février 2016.

Signatures

Table des matières


Antécédents et décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur le premier groupe de moyens, soulevé à titre principal, concernant la preuve de la participation des requérantes à l’entente relative à l’AMS

Sur le premier moyen, tiré, en substance, d’une erreur d’appréciation des faits et des éléments de preuve, et sur le deuxième moyen, tiré, en substance, d’une insuffisance de preuve de la participation des requérantes à un accord ou à une pratique concertée faussant la concurrence

Rappel de la jurisprudence relative à l’existence et à la preuve d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE ainsi qu’au devoir de contrôle du Tribunal

Sur les faits constitutifs et les éléments de preuve retenus dans la décision attaquée

Sur les griefs visant la valeur probante des éléments de preuve

–  Sur la circonstance selon laquelle les autorités américaines n’ont formellement adopté les règles relatives à l’AMS qu’au courant de l’année 2004

–  Sur le fait que la Commission elle-même ait remis en cause la valeur probante de certains éléments de preuve

–  Sur les prétendues erreurs s’agissant de la portée des discussions au sein de l’association FFI

–  Sur l’absence de preuves d’un accord sur les prix ou sur une fourchette de prix

–  Sur l’imposition sélective des surtaxes AMS par les requérantes

–  Sur l’absence de distinction entre l’appartenance à l’association FFI et l’adoption d’un comportement anticoncurrentiel

–  Sur le fait que les requérantes aient librement établi les surtaxes AMS

Sur les conséquences à tirer des éléments de preuve

Sur l’affectation du commerce entre États membres

Sur le troisième moyen, tiré, en substance, d’une violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE compte tenu du fait que les surtaxes AMS n’ont pas eu d’effet sensible sur la concurrence

2.  Sur le second groupe de moyens, soulevé à titre subsidiaire, visant, en substance, à l’annulation ou à la réduction du montant de l’amende

Sur le quatrième moyen, tiré, en substance, d’une erreur dans l’application de la notion de gravité, et sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

Sur le caractère disproportionné de la valeur des ventes retenue compte tenu de la courte période d’application de la réglementation AMS et du faible montant des surtaxes AMS

Sur le caractère erroné et disproportionné du pourcentage de la valeur des ventes retenu compte tenu de la nature de l’entente, de l’absence d’implication des requérantes dans cette entente et de son absence de mise en œuvre concrète

Sur le caractère disproportionné du coefficient relatif à la durée

Sur le caractère disproportionné du montant additionnel à titre dissuasif

Sur l’erreur quant à l’absence de différenciation entre le traitement des requérantes et celui des autres transitaires s’agissant de la proportion de la valeur des ventes retenue et du montant additionnel

Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur en ce que la Commission a retenu à l’encontre d’UTi Worldwide, en tant que société mère, un montant d’amende plus élevé que celui de l’amende infligée à ses deux filiales

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1 Données confidentielles occultées.