Language of document : ECLI:EU:T:2011:364

Affaires T-144/07, T-147/07 à T-150/07 et T-154/07

ThyssenKrupp Liften Ascenseurs NV e.a.

contre

Commission européenne

« Concurrence — Ententes — Marché de l’installation et de l’entretien des ascenseurs et des escaliers mécaniques — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE — Manipulation des appels d’offres — Répartition des marchés — Fixation des prix »

Sommaire de l'arrêt

1.      Concurrence — Ententes — Accords entre entreprises — Affectation du commerce entre États membres — Critères d'appréciation — Affectation potentielle et significative — Entente s'étendant à l'ensemble du territoire d'un État membre — Cloisonnement des marchés nationaux — Inadmissibilité

(Art. 81 CE et 82 CE)

2.      Concurrence — Ententes — Accords entre entreprises — Affectation du commerce entre États membres — Caractère sensible — Appréciation au regard de la position et de l'importance des parties sur le marché

(Art. 81 CE)

3.      Concurrence — Répartition des compétences entre la Commission et les autorités nationales de concurrence — Communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence — Droit des entreprises de voir leurs affaires traitées par une autorité de concurrence donnée — Absence

(Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 11, § 6; communication de la Commission 2004/C 101/03, points 8 et 31)

4.      Communautés européennes — Régime linguistique — Notification des documents dans une langue autre que la langue des parties — Consentement des parties — Absence d'irrégularité

(Règlement du Conseil nº 1, art. 3)

5.      Concurrence — Règles de l'Union — Infractions — Imputation — Société mère et filiales — Unité économique — Critères d'appréciation — Présomption d'une influence déterminante exercée par la société mère sur les filiales détenues à 100 % par celle-ci

(Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2)

6.      Concurrence — Règles de l'Union — Infractions — Imputation — Société mère et filiales — Présomption d'une influence déterminante exercée par la société mère sur les filiales détenues à 100 % par celle-ci

(Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2)

7.      Concurrence — Règles de l'Union — Infractions — Imputation — Société mère et filiales — Unité économique — Critères d'appréciation — Présomption d'une influence déterminante exercée par la société mère sur les filiales détenues à 100 % par celle-ci — Violation du principe d'individualité des peines — Absence — Violation de la présomption d'innocence — Absence

(Art. 81 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2)

8.      Concurrence — Règles de l'Union — Infractions — Imputation — Société mère et filiales — Unité économique — Critères d'appréciation — Présomption d'une influence déterminante exercée par la société mère sur les filiales détenues à 100 % par celle-ci — Filiale détenue par une société holding intermédiaire — Circonstance ne suffisant pas à renverser la présomption

(Art. 81, § 1, CE)

9.      Actes des institutions — Motivation — Obligation — Portée — Décisions — Régularisation d'un défaut de motivation au cours de la procédure contentieuse — Inadmissibilité

(Art. 253 CE)

10.    Procédure — Mesures d'instruction — Audition de témoins

(Règlement de procédure du Tribunal, art. 64 et 65)

11.    Concurrence — Amendes — Décision de la Commission constatant une infraction adoptée postérieurement à une décision de clémence provisoire d'une autorité nationale de concurrence — Violation du principe ne bis in idem — Absence

(Art. 81 CE; convention d'application de l'accord de Schengen, art. 54; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 5, 14 et 23)

12.    Concurrence — Amendes — Décision de la Commission constatant une infraction adoptée postérieurement à une décision de clémence provisoire d'une autorité nationale de concurrence — Violation du principe de protection de la confiance légitime — Absence — Violation du principe de bonne administration — Absence

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23)

13.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Critères d'appréciation

(Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

14.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Cohérence entre les montants imposés à plusieurs entreprises

(Art. 81 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

15.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Prise en compte de la capacité économique de l'entreprise à créer un dommage

(Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

16.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Caractère dissuasif

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

17.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Circonstances aggravantes — Récidive — Notion

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 2)

18.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Réduction du montant de l'amende en contrepartie d'une coopération de l'entreprise incriminée — Conditions — Valeur ajoutée significative des éléments de preuve fournis par l'entreprise concernée

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 2002/C 45/03)

19.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Réduction du montant de l'amende en contrepartie d'une coopération de l'entreprise incriminée — Pouvoir d'appréciation de la Commission

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 2002/C 45/03)

20.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Réduction de l'amende en contrepartie de la coopération de l'entreprise incriminée — Conditions — Réduction du montant en cas d'absence de contestation

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communications de la Commission 96/C 207/04 et 2002/C 45/03)

21.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Non-imposition ou réduction de l'amende en contrepartie de la coopération de l'entreprise incriminée — Application de la communication sur la coopération — Réduction au titre de l'absence de contestation en dehors de ladite communication

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communications de la Commission 96/C 207/04 et 2002/C 45/03)

22.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Non-imposition ou réduction de l'amende en contrepartie de la coopération de l'entreprise incriminée — Réduction au titre de l'absence de contestation en dehors de la communication sur la coopération — Proportionnalité

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 2002/C 45/03)

23.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Non-imposition ou réduction de l'amende en contrepartie de la coopération de l'entreprise incriminée — Réductions accordées au titre, d'une part, de la communication sur la coopération et, d'autre part, de l'absence de contestation en dehors de la communication sur la coopération

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 2002/C 45/03)

24.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Chiffre d'affaires global de l'entreprise concernée

(Art. 81 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 5, b))

25.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Respect du principe de proportionnalité — Conditions

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2)

1.      L’interprétation et l’application de la condition relative aux effets sur le commerce entre États membres, figurant aux articles 81 CE et 82 CE, doivent prendre comme point de départ le but de cette condition qui est de déterminer, en matière de réglementation de la concurrence, le domaine du droit de l'Union par rapport à celui des États membres. C’est ainsi que relèvent du domaine du droit de l'Union toute entente et toute pratique susceptible de mettre en cause la liberté du commerce entre États membres dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d’un marché unique entre les États membres, notamment en cloisonnant les marchés nationaux ou en modifiant la structure de la concurrence dans le marché commun.

Pour être susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique doivent, sur la base d’un ensemble d’éléments de fait et de droit, permettre d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, et cela de manière à faire craindre qu’ils puissent entraver la réalisation d’un marché unique entre États membres. Il faut, en outre, que cette influence ne soit pas insignifiante. Ainsi, l’affectation des échanges intracommunautaires résulte en général de la réunion de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants. Or, une entente s’étendant à l’ensemble du territoire d’un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l’interpénétration économique voulue par le traité.

(cf. points 55-57, 60)

2.      L’influence que peut exercer un accord ou une pratique concertée sur le commerce entre États membres s’apprécie notamment en considération de la position et de l’importance des parties sur le marché des produits concernés. Lorsque les entreprises participant à une entente représentent ensemble la majeure partie de l'offre des produits concernés sur le marché en cause, ladite entente peut être considérée comme susceptible d'affecter de manière sensible le commerce entre États membres.

Par ailleurs, la Commission n’a pas d’obligation de démontrer que les pratiques anticoncurrentielles ont un effet sensible sur les échanges entre États membres. En effet, l’article 81, paragraphe 1, CE requiert seulement que les accords et les pratiques concertées restrictifs de la concurrence soient susceptibles d’affecter le commerce entre États membres.

(cf. points 67-69)

3.      Il ressort des dispositions du règlement nº 1/2003 que la Commission garde un rôle prépondérant dans la recherche et la constatation d’infractions aux règles de la concurrence de l'Union, qui n’est pas affecté par la compétence parallèle dont disposent les autorités nationales de concurrence en vertu dudit règlement. En effet, conformément à l’article 11, paragraphe 6, de ce règlement, la Commission est en droit d’ouvrir une procédure en vue de l’adoption d’une décision même si une autorité nationale traite déjà une affaire, après consultation de cette dernière. En outre, conformément à ladite disposition, l’ouverture d’une procédure par la Commission dessaisit les autorités nationales de concurrence de leur compétence pour appliquer les règles de la concurrence de l'Union dans une telle affaire.

Par ailleurs, selon son point 31, la communication relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence ne confère pas aux entreprises impliquées un droit individuel à voir l’affaire traitée par une autorité donnée. Partant, une entreprise ne saurait prétendre avoir un droit ou une attente légitime à ce que des autorités nationales de concurrence poursuivent une infraction déterminée à la place de la Commission.

En outre, le point 8 de ladite communication est dépourvu d'effet contraignant, sa formulation démontrant que la simple possibilité de partage des tâches à laquelle il se réfère ne porte pas obligation pour la Commission de ne pas traiter une affaire lorsque les conditions qu'il énonce sont satisfaites.

(cf. points 76-77, 80)

4.      La Commission est une institution multilingue qui doit être considérée comme capable de travailler dans toutes les langues officielles de la Communauté. Une entreprise requérante ne saurait prétendre que la notification de la communication des griefs et de la décision clôturant la procédure administrative dans une langue officielle déterminée, alors même qu'elle aurait utilisé deux autres langues officielles dans le cadre de la procédure administrative, nuit à l’exercice de ses droits de la défense, dès lors qu’elle reconnaît avoir consenti à la notification des documents dans ladite langue.

(cf. points 86, 414)

5.      Le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise. Ainsi, le fait qu’une société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction.

Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l'Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale.

Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché.

(cf. points 94-97, 310-313)

6.      Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l'Union, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Lorsque les liens organisationnels, économiques et juridiques existant entre lesdites entreprises peuvent établir l'existence d'une influence des sociétés mères sur la stratégie de leurs filiales, il est justifié de les concevoir comme une seule entité économique.

En revanche, la circonstance que les entreprises requérantes ont participé à la procédure administrative de manière autonome et ont présenté une réponse individuelle à la communication des griefs n'est pas de nature à renverser la présomption de responsabilité des sociétés mères pour le comportement de leurs filiales. En effet, si le fait pour la société mère de se présenter comme seul interlocuteur de la Commission au sujet de l'infraction concernée peut témoigner de l'exercice effectif d'une influence déterminante sur le comportement de la filiale, la présentation par les filiales d'un groupe de réponses séparées à la communication des griefs ne saurait toutefois constituer une preuve de l'autonomie desdites filiales.

(cf. points 96, 125-127)

7.      En vertu du principe d’individualité des peines et des sanctions, qui est applicable dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en vertu des règles de la concurrence de l'Union, une entreprise ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés. Toutefois, ce principe doit se concilier avec la notion d'entreprise. En effet, ce n’est pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu’elles constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE, qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère d’un groupe de sociétés. En outre, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission n'est pas transposable à une affaire déterminée. En effet, des décisions concernant d’autres affaires ne peuvent avoir qu’un caractère indicatif dès lors que les données circonstancielles des affaires ne sont pas identiques.

Le principe de la présomption d'innocence, tel qu'il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la convention européenne des droits de l'homme, fait partie des droits fondamentaux qui sont reconnus dans l’ordre juridique de l'Union et a été, par ailleurs, réaffirmé par l’article 6, paragraphe 2, UE ainsi que par l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de la présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir au prononcé d’amendes ou d’astreintes.

Dans ce contexte, une règle concernant l’imputabilité d’une infraction, telle la présomption d'influence déterminante d'une société mère détenant 100% du capital de ses filiales sur celles-ci, ne saurait violer ladite présomption. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ne s’oppose pas aux présomptions de fait ou de droit qui se rencontrent dans les lois répressives, mais commande de les enserrer dans des limites raisonnables prenant en compte la gravité de l’enjeu et préservant les droits de la défense. Ainsi, il ne saurait y avoir une violation de la présomption d’innocence si, dans des procédures de concurrence, certaines conclusions sont tirées des règles d’expérience commune, pourvu que les entreprises concernées conservent la possibilité de réfuter ces conclusions.

(cf. points 106-108, 112, 114 )

8.      La possibilité d’infliger une sanction pour le comportement infractionnel d’une filiale à sa société mère ultime ne s’oppose pas à ce qu’une société holding intermédiaire ou que la filiale elle-même soit sanctionnée, pour autant que la Commission ait pu considérer que lesdites sociétés constituaient une seule entreprise. Ainsi, en pareille hypothèse, la Commission a le choix, si les conditions de l’imputabilité sont réunies, de sanctionner la filiale ayant participé à l’infraction, la société mère intermédiaire qui l’a contrôlée pendant cette période et la société mère ultime du groupe. À cet égard, dans le contexte d’un groupe de sociétés, un holding est une société ayant vocation à regrouper des participations dans diverses sociétés et dont la fonction est d’en assurer l’unité de direction.

(cf. points 119, 122)

9.      Si, dans la motivation d’une décision qu’elle est amenée à prendre pour assurer l’application des règles de concurrence, la Commission n’est pas obligée de discuter tous les points de fait et de droit ainsi que les considérations qui l’ont amenée à prendre une telle décision, il n’en reste pas moins qu’elle est tenue, en vertu de l’article 253 CE, de mentionner, à tout le moins, les faits et les considérations revêtant une importance essentielle dans l’économie de sa décision, permettant ainsi au juge de l’Union et aux parties intéressées de connaître les conditions dans lesquelles elle a fait application du traité. En outre, sauf circonstances exceptionnelles, une décision doit comporter une motivation figurant dans son corps et ne peut être explicitée pour la première fois et a posteriori devant le juge. Ainsi, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief.

(cf. points 133, 146, 399)

10.    S'agissant de l'appréciation par le juge de première instance de demandes de mesures d'organisation de la procédure ou d'instruction soumises par une partie à un litige, le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d'information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi.

À cet égard, il ne peut être fait droit à une demande d'audition de témoins d'une entreprise requérante lorsque les déclarations que celle-ci vise à obtenir par un tel témoignage devant le Tribunal ont déjà été faites devant la Commission, qu'elles ont été considérées comme étant non étayées par des éléments de preuve documentaires et même contredites par certains éléments du dossier.

Une demande de production d'une décision précédente de la Commission ne saurait être considérée comme nécessaire dans la mesure où la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence.

(cf. points 151-153, 211)

11.    Le principe non bis in idem, également consacré par l’article 4 du protocole nº 7 de la convention européenne des droits de l'homme, constitue un principe fondamental du droit de l'Union dont le juge assure le respect. Dans le domaine du droit de la concurrence de l'Union, ce principe interdit qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois par la Commission du fait d’un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou a été déclarée non responsable par une décision antérieure de la Commission qui n’est plus susceptible de recours. L’application du principe non bis in idem suppose donc qu’il ait été statué sur la matérialité de l’infraction ou que la légalité de l’appréciation portée sur celle-ci a été contrôlée. Ainsi, le principe non bis in idem interdit uniquement une nouvelle appréciation au fond de la matérialité de l’infraction, qui aurait pour conséquence l’imposition soit d’une seconde sanction, s’ajoutant à la première, dans l’hypothèse où la responsabilité serait une nouvelle fois retenue, soit d’une première sanction, dans l’hypothèse où la responsabilité, écartée par la première décision, serait retenue par la seconde.

S’agissant de la question de savoir si une décision d’une autorité de concurrence nationale peut empêcher la Commission de condamner ou de poursuivre une nouvelle fois la même entreprise, l’application du principe non bis in idem est soumise à une triple condition d’identité des faits, d’unité de contrevenant et d’unité de l’intérêt juridique protégé. Ce principe interdit donc de sanctionner une même personne plus d’une fois pour un même comportement illicite afin de protéger le même bien juridique.

À cet égard, une décision de clémence provisoire, prise par une autorité de concurrence nationale, n'éteignant pas définitivement l'action publique à l'encontre d'une infraction au droit de la concurrence, n'empêche pas la Commission de constater et de sanctionner ladite infraction.

Par ailleurs, à supposer même que l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen, constituant l'expression d'un principe général du droit de l'Union, à savoir le principe non bis in idem, puisse être invoqué dans le domaine du droit de la concurrence de l'Union, il devrait être constaté qu’une décision de clémence provisoire prise par une autorité de concurrence nationale ne saurait, en tout état de cause, être considérée comme relevant de cette disposition. En effet, l’octroi d’une immunité provisoire ne satisfait pas au caractère définitif de l’extinction de l’action publique requis par ladite disposition.

(cf. points 158-161, 166-167, 174-176)

12.    S'agissant d'une décision de la Commission sanctionnant une infraction aux règles de la concurrence de l'Union, postérieurement à des décisions de clémence provisoires adoptées par des autorités nationales de concurrence, une entreprise requérante ne saurait se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime lorsqu'elle n'avance aucun élément de preuve dont il ressortirait, d'une part, que la Commission lui aurait donné des assurances précises que les actes desdites autorités la mettraient à l'abri de toute poursuite et de toute condamnation et, d'autre part, qu'elle a reçu des assurances précises de ces autorités que les actes qu'elles ont adoptés empêcheraient la Commission de constater et de sanctionner ladite infraction.

La non-prise en compte par la Commission des décisions de clémence provisoires d'autorités nationales de concurrence ne saurait pas davantage violer le principe de bonne administration. En effet, si la Commission est obligée, en vertu du principe d’équité, de tenir compte des sanctions qui auraient déjà été supportées par la même entreprise pour le même fait, lorsqu’il s’agit de sanctions infligées pour infractions au droit des ententes d’un État membre et, par conséquent, commises sur le territoire de l’Union, une telle situation fait défaut lorsque lesdites autorités nationales n'ont imposé aucune sanction à l'entreprise requérante.

(cf. points 181, 185-186)

13.    La gravité des infractions au droit de la concurrence de l'Union doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte. À cet égard, la taille du marché concerné n’est en principe pas un élément obligatoire, mais seulement un élément pertinent parmi d’autres, pour apprécier la gravité de l’infraction, la Commission n’étant, d’ailleurs, pas obligée de procéder à une délimitation du marché concerné ou à une appréciation de la taille de celui-ci dès lors que l’infraction en cause a un objet anticoncurrentiel. En effet, les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA ne prévoient pas que le montant des amendes est calculé en fonction du chiffre d’affaires global ou du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises sur le marché concerné. Toutefois, elles ne s’opposent pas non plus à ce que de tels chiffres d’affaires soient pris en compte dans la détermination du montant de l’amende afin que soient respectés les principes généraux du droit de l'Union et lorsque les circonstances l’exigent.

Dans ce contexte, dès lors que la Commission n'a pas fixé le montant général d'une amende pour une infraction concernant un État membre en se fondant sur la taille du marché affecté, mais qu'elle a fondé sa décision sur la nature de cette infraction et sur son étendue géographique, la considération selon laquelle le montant de départ général d'une amende fixé pour l'entente dans cet État membre devrait refléter la taille prétendument limitée du marché concerné repose sur une prémisse erronée et la décision de la Commission ne viole pas le principe de proportionnalité.

Il en va de même de l'absence de prise en compte de l'impact de l'infraction sur le marché. En effet, conformément au point 1 A, premier alinéa, desdites lignes directrices, la Commission doit, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction, procéder à un examen de l’impact concret sur le marché uniquement lorsqu’il apparaît que cet impact est mesurable. Pour apprécier cet impact, il appartient à la Commission de se référer au jeu de la concurrence qui aurait normalement existé en l’absence d’infraction. Toutefois, lorsque la Commission considère qu'il était impossible de mesurer les effets précis d'une infraction sur le marché, sans que les entreprises concernées démontrent le contraire, et fonde sa décision sur la nature grave de l'infraction ainsi que sur l'étendue géographique de celle-ci sans tenir compte de l'impact de l'infraction sur le marché, elle n'excède pas de manière manifeste la marge d'appréciation dont elle dispose dans la détermination des amendes pour les infractions aux règles de concurrence.

(cf. points 193, 208-211, 215-216, 218-220, 226-230, 239-240, 243)

14.    À supposer même que la Commission, lorsqu’elle constate plusieurs infractions très graves dans une seule et même décision, doive respecter une certaine cohérence entre les montants de départ généraux des amendes et la taille des différents marchés affectés, rien n’indique que les montants de départ généraux fixés pour des infractions commises dans plusieurs États membres manquent de cohérence ou qu’ils ont dérogé à un prétendu mode de calcul dès lors que la Commission a fixé des montants de départ généraux d’autant plus importants qu’était importante la taille du marché, sans recourir pour autant à une formule mathématique précise, ce à quoi elle n’est, en tout état de cause, pas tenue.

(cf. points 235-236)

15.    Dans le cadre du calcul du montant des amendes infligées au titre de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, un traitement différencié entre les entreprises concernées est inhérent à l’exercice des pouvoirs qui incombent à la Commission en vertu de cette disposition. En effet, dans le cadre de sa marge d’appréciation, la Commission est appelée à individualiser la sanction en fonction des comportements et des caractéristiques propres aux entreprises concernées afin de garantir, dans chaque cas d’espèce, la pleine efficacité des règles de la concurrence de l'Union. Ainsi, selon les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, pour une infraction de gravité donnée, il peut convenir, dans les cas impliquant plusieurs entreprises comme les cartels, de pondérer le montant de départ général pour établir un montant de départ spécifique tenant compte du poids, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature. En particulier, il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs.

En outre, conformément au point 1 A, septième alinéa, de ces mêmes lignes directrices, la différenciation entre entreprises ayant participé à une même infraction ne doit pas obéir à un calcul arithmétique. En effet, les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement ne commandent pas que le montant de départ de l’amende représente pour tous les différents membres d’une entente un pourcentage identique du chiffre d’affaires individuel. Dès lors, pour vérifier si une répartition des membres d’une entente en catégories est conforme aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, le Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité de l’exercice du pouvoir d’appréciation dont la Commission dispose en la matière, doit se limiter à contrôler que cette répartition est cohérente et objectivement justifiée. Or, lorsqu'une entreprise a participé seulement à un volet d'une entente, le niveau de sa capacité à causer un préjudice important à la concurrence est moindre. Partant, une décision de la Commission déterminant le montant de départ spécifique de manière différente pour une telle entreprise ne saurait être discriminatoire.

Par ailleurs, le fait que le montant de départ de l’amende ne représente pas nécessairement pour tous les membres d’une entente un pourcentage identique de leurs chiffres d’affaires respectifs est inhérent à la méthode consistant à répartir les entreprises en catégories, laquelle entraîne une forfaitisation du montant de départ fixé aux entreprises appartenant à une même catégorie. Une telle méthode, bien qu’elle revienne à ignorer les différences de taille entre entreprises d’une même catégorie, ne saurait, en principe, être censurée.

Enfin, le droit de l'Union ne contient pas de principe d’application générale selon lequel la sanction doit être proportionnée à l’importance de l’entreprise sur le marché des produits faisant l’objet de l’infraction.

(cf. points 247-248, 253-254, 259-260, 263, 274, 277)

16.    La nécessité d’assurer un effet dissuasif suffisant à l’amende, lorsqu’elle ne motive pas l’élévation du niveau général des amendes dans le cadre de la mise en œuvre d’une politique de concurrence, exige que le montant de l’amende soit modulé afin de tenir compte de l’impact recherché sur l’entreprise à laquelle elle est infligée, et ce afin que l’amende ne soit pas rendue négligeable, ou au contraire excessive, notamment au regard de la capacité financière de l’entreprise en question, conformément aux exigences tirées, d’une part, de la nécessité d’assurer l’effectivité de l’amende et, d’autre part, du respect du principe de proportionnalité.

À cet égard, la Commission est en droit de retenir le chiffre d’affaires global de chaque entreprise faisant partie d’une entente comme critère pertinent aux fins de la fixation d’un taux multiplicateur de dissuasion. Ainsi, la taille et les ressources globales d’une entreprise sont les critères pertinents eu égard à l’objectif poursuivi, à savoir garantir l’effectivité de l’amende en adaptant son montant en considération des ressources globales de l’entreprise et de sa capacité à mobiliser les fonds nécessaires pour le paiement de ladite amende. En effet, la fixation du taux de majoration du montant de départ pour assurer un effet suffisamment dissuasif à l’amende vise davantage à garantir l’effectivité de l’amende qu’à rendre compte de la nocivité de l’infraction pour le jeu normal de la concurrence et, donc, de la gravité de ladite infraction.

Est, en outre, justifiée l'augmentation du montant de départ pour assurer la finalité dissuasive de l'amende, ce procédé consistant à effectuer une différenciation du traitement des participants à une même entente afin de tenir compte de la manière dont ils sont réellement affectés par l’amende. Une telle augmentation ne comporte pas une violation du principe d’égalité de traitement en raison du seul fait que la Commission se réfère au chiffre d’affaires global des participants et non aux chiffres d’affaires réalisés au sein de l’Union ou encore sur le marché national concerné, afin d’évaluer la nécessité de majorer le montant des amendes en vue de garantir leur effet dissuasif.

(cf. points 285, 287, 292, 294-295)

17.    La notion de récidive, telle qu’elle est comprise dans un certain nombre d’ordres juridiques nationaux, implique qu’une personne a commis de nouvelles infractions après avoir été sanctionnée pour des infractions similaires. En outre, le point 2 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA mentionne spécifiquement la récidive de la même ou des mêmes entreprises pour une infraction de même type parmi la liste exemplative des circonstances aggravantes qui peuvent justifier une augmentation du montant de base de l’amende.

À cet égard, il ne saurait être admis que la Commission puisse considérer, dans le cadre de l’établissement de la circonstance aggravante de récidive, qu’une entreprise doive être tenue responsable d’une infraction antérieure, pour laquelle elle n’a pas été sanctionnée par une décision de la Commission, et dans le cadre de l’établissement de laquelle elle n’a pas été destinataire d’une communication des griefs, en sorte qu’une telle entreprise n’a pas été mise en mesure, lors de la procédure ayant mené à l’adoption de la décision constatant l’infraction antérieure, de présenter ses arguments aux fins de contester, en ce qui la concerne, l’existence éventuelle d’une unité économique avec d’autres entreprises.

Une telle conclusion s’impose d’autant plus que, si, certes, le principe de proportionnalité exige que le temps écoulé entre l’infraction en cause et un précédent manquement aux règles de concurrence soit pris en compte pour apprécier la propension de l’entreprise à s’affranchir de ces règles, la Commission ne saurait être liée par un éventuel délai de prescription pour un constat de récidive.

De même, si, certes, il est raisonnablement permis de considérer qu’une société mère a effectivement connaissance d’une décision antérieure adressée par la Commission à sa filiale, dont elle détient la quasi-totalité du capital, une telle connaissance ne saurait pallier l’absence de constatation, dans la décision antérieure, d’une unité économique entre une telle société mère et sa filiale, aux fins d’imputer à ladite société mère la responsabilité de l’infraction antérieure et de majorer le montant des amendes qui lui sont infligées pour cause de récidive.

(cf. points 308, 319-320, 322)

18.    La communication sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes constitue un instrument destiné à préciser, dans le respect du droit de rang supérieur, les critères que la Commission compte appliquer dans le cadre de l'exercice de son pouvoir d'appréciation dans la fixation des amendes infligées pour infractions aux règles de la concurrence de l'Union. Il en résulte une autolimitation de ce pouvoir, qui n'est toutefois pas incompatible avec le maintien d'une marge d'appréciation substantielle pour la Commission.

Ainsi, la Commission bénéficie d'une large marge d'appréciation lorsqu'elle est appelée à évaluer si des éléments de preuve fournis par une entreprise ayant exprimé son souhait de bénéficier de la communication sur la coopération apportent une valeur ajoutée significative au sens du point 21 de ladite communication.

De même, la Commission, après avoir constaté que des éléments de preuve présentent une valeur ajoutée significative au sens du point 21 de la communication sur la coopération, dispose d’une marge d’appréciation lorsqu’elle est appelée à déterminer le niveau exact de la réduction du montant de l’amende à accorder à l’entreprise concernée. En effet, le point 23, sous b), premier alinéa, de la communication sur la coopération prévoit des fourchettes pour la réduction du montant de l’amende pour les différentes catégories d’entreprises visées. Eu égard à ladite marge d’appréciation, seul un excès manifeste de cette marge est susceptible d’être censuré par le juge de l'Union.

Dans ces conditions, la Commission ne commet pas d'erreur manifeste d'appréciation en déterminant la réduction de l'amende au titre de la communication sur la coopération au niveau inférieur d'une telle fourchette dès lors que les informations fournies par l'entreprise concernée étaient déjà en possession de la Commission ou ne se rapportaient pas à des faits précédemment ignorés par celle-ci et, bien qu'elles aient pu renforcer la capacité de cette dernière à prouver l'infraction, n'ont pas une valeur ajoutée significative. Une entreprise ne saurait non plus prétendre à une réduction supplémentaire de l'amende que la Commission lui a infligée en raison d'un document contemporain à l'infraction qu'elle lui aurait fourni, dès lors que ce document était déjà en possession de la Commission et que l'entreprise a simplement donné des explications complémentaires pour en comprendre la signification.

En outre, la Commission ne saurait, dans le cadre de son appréciation de la coopération fournie par les membres d’une entente, méconnaître le principe d’égalité de traitement. Une telle méconnaissance n'existe pas dès lors que, d’une part, l’appréciation de la valeur ajoutée d’une demande au titre de la communication sur la coopération s’effectue en fonction d'éléments de preuve déjà en possession de la Commission et que, d'autre part, une des entreprises concernées a apporté des preuves documentaires contemporaines présentant une valeur ajoutée significative tandis qu'une autre n’a apporté qu’un seul élément de preuve contemporain de sorte que, les deux entreprises ne se trouvant pas dans des situations comparables, le traitement différencié qui leur est appliqué est justifié.

(cf. points 332-333, 335, 337, 350, 355, 357, 361, 363, 367-369)

19.    Une société requérante sanctionnée pour infraction aux règles de concurrence de l'Union ne saurait se fonder sur le principe in dubio pro reo pour demander qu'un pourcentage plus favorable de réduction de l'amende infligée par la Commission lui soit appliqué dans un cas de prétendu doute entachant les motifs de la décision relative à la détermination de ce pourcentage. En effet, ledit principe est relatif à l’administration de la preuve de l’existence d’une infraction et vise à déterminer si les constatations de fait opérées par la Commission dans la décision attaquée sont étayées par les éléments de preuve qu’elle a produits.

(cf. point 343)

20.    Contrairement au titre D, point 2, second tiret, de la communication concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes de 1996, la communication sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes de 2002 ne prévoit pas de réduction du montant de l’amende en faveur d’une entreprise qui ne conteste pas, après avoir reçu la communication des griefs, la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. Dans le cadre de cette dernière communication, afin de pouvoir prétendre à une réduction du montant de l’amende, une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de celle-ci.

À cet égard, conformément aux points 21 et 22 de la communication sur la coopération de 2002, la Commission, aux fins d’apprécier la valeur ajoutée des éléments de preuve fournis par une entreprise, prend en compte non seulement la nature et/ou le niveau de précision des éléments de preuve, mais également les éléments de preuve déjà en sa possession au moment où l’entreprise concernée a formulé sa demande. Par conséquent, la Commission effectue son appréciation tant en fonction de la qualité de la coopération de l'entreprise concernée que de la comparaison de la valeur ajoutée en question avec les éléments de preuve déjà en sa possession.

(cf. points 378-379, 382, 393, 398)

21.    Le droit de se prévaloir de la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l'Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. En revanche, une personne ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration. Constituent de telles assurances des renseignements précis, inconditionnels et concordants émanant de sources autorisées et fiables.

Dans le cadre de la détermination du montant d'une amende pour infraction aux règles de la concurrence de l'Union, l'annonce, dans la communication des griefs, que la Commission envisage d'accorder une réduction du montant de l'amende en dehors de la communication sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes ne saurait constituer une assurance précise quant à l'ampleur ou au taux de la réduction qui serait, le cas échéant, accordée aux entreprises concernées. Partant, une telle affirmation ne saurait en aucun cas faire naître une quelconque confiance légitime à ce sujet.

Une pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne saurait pas davantage servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence.

(cf. points 421-425)

22.    Le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l'Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés.

À cet égard, ne viole pas le principe de proportionnalité une décision de la Commission qui n'octroie qu'une réduction minimale de 1 % du montant de l'amende, au titre de l'absence de contestation des faits, et eu égard à la valeur marginale d'une coopération offerte après la communication des griefs, dès lors que cette réduction s'ajoute à celles déjà accordées dans le cadre de la communication sur l'immunité d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes.

(cf. points 428, 432, 449)

23.    La Commission ne saurait, dans le cadre de son appréciation de la coopération fournie par les membres d’une entente, méconnaître le principe d’égalité de traitement. Toutefois, outre que les réductions des montants des amendes accordées dans le cadre de la communication sur l'immunité d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes et les réductions accordées en dehors du cadre de cette communication constituent des étapes distinctes du calcul du montant des amendes, les entreprises ayant coopéré à la fois dans le cadre de ladite communication et en dehors de cette communication, d’une part, et les entreprises ayant uniquement coopéré en dehors de la même communication, d’autre part, ne se trouvent pas dans des situations comparables. Partant, la Commission peut à bon droit appliquer une réduction du montant de l'amende pour la coopération en dehors de la communication sur la coopération, d'une part, directement au montant total de l'amende aux entreprises qui n'ont pas coopéré dans le cadre de ladite communication et, d'autre part, au montant déjà réduit au titre de ladite communication aux entreprises qui ont coopéré dans le cadre de celle-ci.

(cf. points 435-437)

24.    Selon l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à une infraction aux règles de la concurrence de l'Union, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent. Le chiffre d’affaires visé à cette disposition s’entend du chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée. Ainsi, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires prévu à ladite disposition doit être calculé sur la base du chiffre d’affaires cumulé de toutes les sociétés constituant l’entité économique agissant en qualité d’entreprise au sens de l’article 81 CE.

(cf. points 443-444)

25.    En vertu du principe de proportionnalité, dans le cadre de la détermination du montant des amendes pour infraction aux règles de la concurrence de l'Union, les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux buts visés, c’est-à-dire par rapport au respect des règles de concurrence, et le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci. En outre, dans la détermination du montant des amendes, la Commission est fondée à prendre en considération la nécessité de garantir à celles-ci un effet suffisamment dissuasif.

À cet égard, premièrement, des ententes consistant principalement en une collusion secrète entre concurrents pour se partager les marchés ou geler les parts de marché en se répartissant les projets de vente et d’installation d’ascenseurs et/ou d’escaliers mécaniques neufs, et pour ne pas se faire concurrence en ce qui concerne la maintenance et la modernisation d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques, figurent, de par leur nature même, parmi les violations les plus graves de l’article 81 CE. À cet égard, la taille relativement faible du marché des produits en cause, à la supposer avérée, n’est que d’une importance moindre par rapport à l’ensemble des autres éléments attestant de la gravité de l’infraction.

Deuxièmement, la règle de la proportionnalité des amendes par rapport à la taille et à la puissance économique des unités économiques concernées, agissant en qualité d’entreprises au sens de l’article 81 CE, n'est pas violée dès lors que celles-ci n’excèdent pas le plafond visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, lequel vise à éviter que les amendes soient disproportionnées par rapport à l’importance de l’entreprise.

Troisièmement, la Commission, lors du calcul des amendes, peut prendre en considération, notamment, la taille et la puissance économique de l’unité économique agissant en qualité d’entreprise au sens de l’article 81 CE. Toutefois, l’entreprise pertinente à prendre en considération peut ne pas correspondre à chaque filiale ayant participé aux infractions constatées, mais aux entreprises constituées par la société mère et l’ensemble de ses filiales.

Quatrièmement, la Commission n’est pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction, d’assurer, au cas où des amendes sont infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation parmi celles-ci quant à leur chiffre d’affaires global ou à leur chiffre d’affaires sur le marché concerné par l’infraction. En effet, le montant final de l'amende ne constitue pas, a priori, un élément approprié pour déterminer un éventuel défaut de proportionnalité de l'amende au regard de l'importance des participants de l'entente. La détermination du montant final de l'amende est, notamment, fonction de diverses circonstances liées au comportement individuel de l’entreprise en cause, et non à sa part de marché ou à son chiffre d’affaires, telles que la durée de l’infraction, l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes et le degré de coopération de ladite entreprise

(cf. points 450-456)