Language of document : ECLI:EU:C:2000:184

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

4 avril 2000 (1)

«Étiquetage et présentation de denrées alimentaires - Directive 79/112/CEE - Confiture de fraises - Risque de tromperie»

Dans l'affaire C-465/98,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par l'Oberlandesgericht Köln (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Verein gegen Unwesen in Handel und Gewerbe Köln eV

et

Adolf Darbo AG,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 79/112/CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard (JO 1979, L 33, p. 1),

LA COUR (première chambre),

composée de MM. L. Sevón, président de chambre, P. Jann et M. Wathelet (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Léger,


greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

-    pour le Verein gegen Unwesen in Handel und Gewerbe Köln eV, par Me W. Berg, avocat à Cologne,

-    pour Adolf Darbo AG, par Me K. Bauer, avocat à Cologne,

-    pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Stix-Hackl, Gesandte au ministère fédéral des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

-    pour le gouvernement finlandais, par M. H. Rotkirch, ambassadeur, chef du service des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et Mme T. Pynnä, conseiller juridique au même ministère, en qualité d'agents,

-    pour la Commission des Communautés européennes, par Mme C. Schmidt, membre du service juridique, et M. M. Shotter, fonctionnaire national détaché dans le même service, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales du Verein gegen Unwesen in Handel und Gewerbe Köln eV, représenté par Mes W. Berg et J. Ristelhuber, avocat à Cologne, d'Adolf Darbo AG, représentée par Mes K. Bauer et D. Gorny, avocat à Cologne, du gouvernement français, représenté par Mme R. Loosli-Surrans, chargé de mission à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, du gouvernement finlandais, représenté par Mme T. Pynnä, et de la Commission, représentée par Mme C. Schmidt, à l'audience du 24 novembre 1999,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 20 janvier 2000,

rend le présent

Arrêt

1.
    Par ordonnance du 2 décembre 1998, parvenue à la Cour le 18 décembre suivant, l'Oberlandesgericht Köln a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 79/112/CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard (JO 1979, L 33, p. 1, ci-après la «directive»).

2.
    Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant le Verein gegen Unwesen in Handel und Gewerbe Köln eV (association de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles dans le commerce et l'industrie, ci-après le «Verein») à Adolf Darbo AG (ci-après «Darbo»), à propos de l'étiquetage et de la présentation d'une confiture de fraises que cette société commercialise en Allemagne.

La réglementation communautaire

3.
    L'article 2, paragraphe 1, de la directive dispose:

«L'étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas:

a)    être de nature à induire l'acheteur en erreur, notamment:

    i)    sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et notamment sur la nature, l'identité, les qualités, la composition, la quantité, la durabilité, l'origine ou la provenance, le mode de fabrication ou d'obtention,

    ii)    en attribuant à la denrée alimentaire des effets ou propriétés qu'elle ne posséderait pas,

    iii)    en lui suggérant que la denrée alimentaire possède des caractéristiques particulières, alors que toutes les denrées alimentaires similaires possèdent ces mêmes caractéristiques;

...»

4.
    Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la directive:

«L'étiquetage des denrées alimentaires comporte, dans les conditions et sous réserve des dérogations prévues aux articles 4 à 14, les seules mentions obligatoires suivantes:

1)    la dénomination de vente;

2)    la liste des ingrédients;

...»

5.
    L'article 6, paragraphe 4, sous a), de la directive définit l'ingrédient comme étant «toute substance, y compris les additifs, utilisée dans la fabrication ou la préparation d'une denrée alimentaire et encore présente dans le produit fini éventuellement sous une forme modifiée». Le paragraphe 5, sous a), de cette disposition précise:

«La liste des ingrédients est constituée par l'énumération de tous les ingrédients de la denrée alimentaire, dans l'ordre décroissant de leur importance pondérale au moment de leur mise en oeuvre. Elle est précédée d'une mention appropriée comportant le mot 'ingrédients‘.»

6.
    L'article 15 de la directive prévoit:

«1.    Les États membres ne peuvent interdire le commerce des denrées alimentaires conformes aux règles prévues dans la présente directive, par l'application de dispositions nationales non harmonisées qui règlent l'étiquetage et la présentation de certaines denrées alimentaires ou des denrées alimentaires en général.

2.    Le paragraphe 1 n'est pas applicable aux dispositions nationales non harmonisées justifiées par des raisons:

-    de protection de la santé publique,

-    de répression des tromperies, à condition que ces dispositions ne soient pas de nature à entraver l'application des définitions et règles prévues par la présente directive,

...»

Les réglementations nationales

7.
    L'article 17 du Lebensmittel- und Bedarfsgegenständegesetz (loi allemande relative aux denrées alimentaires et aux produits de consommation courante, ci-après le «LMBG») contient des dispositions visant à protéger le consommateur contre les risques de tromperie. Ainsi, aux termes du paragraphe 1 de cette disposition:

«il est interdit,

...

4.    en commercialisant des denrées alimentaires qui soit contiennent des additifs ou des résidus de substances autorisés au sens des articles 14 [produits phytosanitaires, engrais et pesticides] et 15 [aliments pour animaux contenant des substances pourvues d'un effet pharmacologique] ... d'utiliser des mentions ou autres indications suggérant qu'elles sont naturelles, purement naturelles ('naturrein‘) ou exemptes de résidus ou de polluants;

5.    de vendre des denrées alimentaires sous des dénominations, indications ou présentations susceptibles d'induire en erreur et, à titre général ou de manière isolée, de faire une publicité trompeuse ou d'autres déclarations de ce type. Une tromperie existe plus particulièrement

    a)    lorsqu'on donne aux denrées alimentaires des effets qu'elles n'ont pas d'après les connaissances scientifiques ou qui ne sont pas suffisamment établis scientifiquement,

    b)    lorsqu'on utilise des dénominations, indications, présentations, messages publicitaires ou autres déclarations de nature à induire en erreur, relatives à l'origine des denrées alimentaires, à leur quantité, à leur poids, à la date de leur fabrication ou de leur emballage, à leur durée de conservation ou à d'autres circonstances qui sont également déterminantes pour l'évaluation de la denrée,

        ...»

8.
    L'article 47 a, paragraphe 1, du LMBG dispose:

«... les produits au sens de la présente loi, qui sont régulièrement fabriqués et mis dans le commerce dans un autre État membre de la Communauté ... peuvent être introduits et être mis dans le commerce dans le pays, même s'ils ne satisfont pas aux dispositions en matière de droit des produits alimentaires de la République fédérale d'Allemagne. La première phrase ne s'applique pas aux produits qui

1.    ne sont pas conformes aux interdictions des articles 8, 24 ou 30 ou

2.    ne satisfont pas à d'autres dispositions juridiques adoptées à des fins de protection de la santé, dans la mesure où le caractère commercialisable des produits en République fédérale d'Allemagne n'a pas été reconnu ... par la publication d'une décision de portée générale du ministre fédéral dans le Bundesanzeiger.»

9.
    En Autriche, la troisième édition de l'Österreichisches Lebensmittelbuch (code alimentaire autrichien) fixe, en son chapitre B 5, intitulé «Confiture et autres produits à base de fruits», les conditions auxquelles est subordonnée la commercialisation d'une «confiture extra» portant la mention «naturrein»; aux termes de cette réglementation:

«Lorsqu'elles sont fabriquées sans sirop de glucose et en utilisant exclusivement, à la place des acides alimentaires et de leurs sels, du jus de citron frais ou conservé naturellement (concentré de jus de citron), les confitures extra et les confitures allégées peuvent se voir apposer la mention de mise en évidence 'naturrein‘. Quelle que soit la taille de leur conditionnement, ces produits ne sont pas conservés chimiquement.»

Le litige au principal

10.
    Darbo fabrique en Autriche, où elle est établie, une confiture de fraises, qu'elle commercialise dans cet État membre ainsi qu'en Allemagne sous la marque «d'arbo naturrein» et sous la désignation de «Garten Erdbeer» (fraise de jardin).

11.
    L'étiquette figurant sur l'emballage de la confiture comporte les mentions suivantes:

«En 1879, la famille Darbo a commencé à fabriquer des confitures. Aujourd'hui encore, les confitures d'arbo sont préparées d'après une recette tyrolienne transmise. Elles sont réchauffées et remuées prudemment. Ainsi des vitamines de grande valeur et l'arôme naturel des fruits sont conservés.

Fraise de jardin

Confiture extra

Fabriquée à partir d'au moins 50 g de fruits pour 100 g. Teneur totale en sucres 60 g pour 100 g. Conserver au frais après ouverture. Ingrédients: fraises, sucre, concentré de jus de citron, gélifiant pectine.»

12.
    Il ressort de l'ordonnance de renvoi que le gélifiant pectine que contient la confiture est constitué d'«acides dilués, provenant principalement des parties internes d'écorces d'agrumes, de restes de fruits ou de cossettes de betteraves à sucre».

13.
    Ladite ordonnance précise en outre que, selon des analyses effectuées en Allemagne, la confiture contient également, sous forme de traces ou de résidus, les teneurs suivantes de différentes substances: < 0,01 mg/kg de plomb, 0,008 mg/kg de cadmium, ainsi que 0,016 mg/kg de procymidone (pesticide) et 0,005 mg/kg de vinclozoline (pesticide).

14.
    Le Verein a demandé devant le Landgericht Köln, qui a rejeté sa requête, puis en appel, devant la juridiction de renvoi, la cessation de l'utilisation de la mention «naturrein» pour la confiture d'arbo, au motif qu'elle serait contraire à l'article 17, paragraphe 1, points 4 et 5, du LMBG pour trois raisons. Tout d'abord, le gélifiant pectine constituerait un additif, au sens du point 4, que le consommateur ne s'attendrait pas à trouver dans ladite confiture en raison de l'indication «naturrein»; ensuite, cette dernière mention serait de nature à induire le consommateur en erreur dans la mesure où l'air ainsi que les terrains dont proviennent les fruits composant la confiture seraientcontaminés par la pollution; enfin, compte tenu de la présence de résidus de plomb, de cadmium et de pesticides dans celle-ci, cette denrée ne saurait être qualifiée de «purement naturelle».

15.
    Devant la juridiction de renvoi, Darbo a contesté le caractère trompeur de la mention «naturrein», dès lors que le consommateur s'attendrait, compte tenu de la pollution des terrains et de l'air, à la présence de substances toxiques dans les aliments et saurait qu'il est impossible de faire de la confiture sans gélifiant, la pectine constituant à cet égard un gélifiant bien connu. Par ailleurs, la défenderesse au principal soutient qu'elle devrait être en mesure de commercialiser sa confiture en Allemagne, conformément aux articles 47 a, paragraphe 1, du LMBG, ainsi que 30 et 36 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE et 30 CE), puisque cette denrée est légalement fabriquée et commercialisée en Autriche sous la marque «d'arbo naturrein».

16.
    Ayant des doutes quant à la portée de l'article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive, l'Oberlandesgericht Köln a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Est-il contraire à [l'article 2, paragraphe 1, sous a), i)] de la directive relative à l'étiquetage qu'une confiture fabriquée dans un État membre (l'Autriche) et vendue dans cet État ainsi que dans un autre État membre (la République fédérale d'Allemagne) sous l'indication 'naturrein‘ ('purement naturelle‘) contienne le gélifiant pectine et < 0,01 mg/kg de plomb (AAS), 0,008 mg/kg de cadmium (AAS) ainsi que des pesticides, à savoir 0,016 mg/kg de procymidone et 0,005 mg/kg de vinclozoline?»

Sur la question préjudicielle

17.
    Par cette question, le juge de renvoi demande en substance si l'article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive s'oppose à l'utilisation de la mention «purement naturelle» pour qualifier une confiture de fraises qui contient du gélifiant pectine ainsi que des traces ou résidus de plomb, de cadmium et de pesticides dans les teneurs suivantes: 0,01 mg/kg de plomb, 0,008 mg/kg de cadmium, 0,016 mg/kg de procymidone et 0,005 mg/kg de vinclozoline.

En ce qui concerne la demande de reformulation de la question présentée par Darbo

18.
    Darbo soutient que la question posée par la juridiction de renvoi est imprécise et que celle-ci aurait dû interroger la Cour sur le point de savoir si l'article 17, paragraphe 1, point 4, du LMBG constitue une mesure d'effet équivalent au sens de l'article 30 du traité, au motif que ladite disposition nationale permet d'interdire la commercialisation en Allemagne d'une denrée alimentaire régulièrement commercialisée en Autriche sous la qualification de «purement naturelle».

19.
    À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une question préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu'elles posent à la Cour (voir, notamment, arrêts du 16 juillet 1998, ICI, C-264/96, Rec. p. I-4695, point 15, et du 21 janvier 1999, Bagnasco e.a., C-215/96 et C-216/96, Rec. p. I-135, point 20). En conséquence, il ne saurait être fait droit à la demande de Darbo tendant à ce que la question posée soit reformulée dans les termes qu'elle indique.

En ce qui concerne le fond

20.
    Ainsi que la Cour l'a jugé à plusieurs reprises à propos de dispositions analogues à celles contenues à l'article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive, destinées à éviter toute tromperie du consommateur et figurant dans un certain nombre d'actes de droit dérivé de portée générale ou sectorielle, il incombe à la juridiction nationale d'apprécier le caractère éventuellement trompeur d'une dénomination, d'une marque ou d'une indication publicitaire en prenant en considération l'attente présumée d'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, notamment, arrêt du 28 janvier 1999, Sektkellerei Kessler, C-303/97, Rec. p. I-513, point 36).

21.
    S'il appartient donc à la juridiction de renvoi d'examiner, à la lumière de ce critère, si, compte tenu de la présence de substances toxiques dans la confiture d'arbo, l'utilisation de la mention «purement naturelle» est de nature à induire le consommateur en erreur en ce qui concerne les caractéristiques de cette denrée alimentaire, la Cour dispose des éléments nécessaires pour formuler les considérations suivantes à propos de chacune des substances mentionnées dans la question préjudicielle.

22.
    S'agissant, en premier lieu, de la pectine, il suffit de constater que sa présence dans la confiture d'arbo est indiquée sur l'étiquette figurant sur l'emballage, conformément aux articles 3, paragraphe 1, point 2, et 6, paragraphes 4, sous a), et 5, sous a), de la directive. Or, ainsi que la Cour l'a déjà admis (voir arrêt du 26 octobre 1995, Commission/Allemagne, C-51/94, Rec. p. I-3599, point 34), les consommateurs, dont la décision d'acheter est déterminée par la composition des produits qu'ils se proposent d'acquérir, lisent d'abord la liste des ingrédients dont la mention est obligatoire en application de l'article 6 de la directive. Dans ces conditions, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ne saurait être induit en erreur par la mention «purement naturelle» inscrite sur l'étiquette, du simple fait que la denrée alimentaire comporte du gélifiant pectine dont la présence est régulièrement mentionnée sur la liste des ingrédients qui la composent (voir, dans le même sens, arrêt du 9 février 1999, Van der Laan, C-383/97, Rec. p. I-731, point 37).

23.
    Il y a lieu d'ajouter, ainsi que l'ont relevé M. l'avocat général, au point 29 de ses conclusions, et la Commission, que la pectine figure précisément au nombre dessubstances pouvant être ajoutées aux confitures extra, conformément aux dispositions combinées de l'article 5 et des annexes I, A, point 1, et III, B, de la directive 79/693/CEE du Conseil, du 24 juillet 1979, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les confitures, gelées et marmelades de fruits ainsi que la crème de marrons (JO L 205, p. 5), telle que modifiée par la directive 88/593/CEE du Conseil, du 18 novembre 1988 (JO L 318, p. 44), ainsi qu'aux dispositions combinées de l'article 2, paragraphe 2, et des annexes I et II de la directive 95/2/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 1995, concernant les additifs alimentaires autres que les colorants et les édulcorants (JO L 61, p. 1), telle que modifiée par la directive 98/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 octobre 1998 (JO L 295, p. 18).

24.
    S'agissant, en deuxième lieu, de la présence de résidus de plomb, de cadmium et de pesticides dans la confiture d'arbo, il convient de constater, ainsi que l'a relevé la Commission, que ces résidus ne constituent pas des ingrédients de la denrée alimentaire au sens de l'article 6, paragraphe 4, sous a), de la directive et ne figurent pas sur la liste des mentions obligatoires énumérées à son article 3, paragraphe 1.

25.
    Bien que la mention desdites substances sur l'emballage de la confiture ne soit pas prévue par la directive, il convient cependant d'examiner si, compte tenu de la présence de celles-ci dans les teneurs indiquées par la juridiction de renvoi, la mention «purement naturelle» sur l'étiquette est de nature à induire en erreur un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, sur les caractéristiques de la denrée alimentaire au sens de l'article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive.

26.
    Selon le Verein et le gouvernement finlandais, l'utilisation de la mention «purement naturelle» est de nature à créer chez le consommateur l'impression que la confiture d'arbo est un pur produit de la nature, exempt d'impureté ou de toute substance étrangère. Or, la simple présence de résidus de plomb, de cadmium et de pesticides, quelle que soit la teneur respective de ceux-ci dans la denrée, infirmerait cette mention, laquelle serait donc de nature à tromper le consommateur sur les caractéristiques de la confiture.

27.
    Cette argumentation ne saurait être accueillie. Il est constant que l'environnement naturel comporte la présence de plomb et de cadmium eu égard, notamment, à la pollution de l'air ambiant ou du milieu aquatique, ainsi que l'attestent plusieurs textes de droit communautaire, mentionnés par M. l'avocat général au point 65 de ses conclusions. Dès lors que les fruits de jardin sont cultivés dans un tel environnement, ils sont inévitablement exposés aux agents polluants qui y sont présents.

28.
    Dans ces conditions, à supposer même que, dans certains cas, des consommateurs puissent ignorer cette réalité et être de ce fait induits en erreur, ce risque demeure minime et ne peut par conséquent justifier une entrave à la libre circulation des marchandises (voir, dans le même sens, arrêts du 13 décembre 1990, Pall, C-238/89,Rec. p. I-4827, point 19; du 6 juillet 1995, Mars, C-470/93, Rec. p. I-1923, point 19, et Commission/Allemagne, précité, point 34).

29.
    La même conclusion s'impose, en troisième lieu, en ce qui concerne la présence de traces ou de résidus de pesticides dans la confiture d'arbo. En effet, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 70 de ses conclusions, l'utilisation de pesticides, même par les particuliers, constitue l'un des moyens les plus courants pour combattre la présence d'organismes nuisibles sur les produits végétaux et agricoles. Aussi la circonstance que des fraises de jardin soient cultivées de façon «naturelle» n'exclut-elle pas, en tout état de cause, toute présence de résidus de pesticides sur celles-ci.

30.
    Il convient, en dernier lieu, de vérifier si les teneurs en résidus de plomb, de cadmium et de pesticides mesurées dans la confiture d'arbo rendent la présence de ces substances incompatible avec la mention «purement naturelle» figurant sur l'étiquette. En effet, une telle mention pourrait être de nature à tromper le consommateur si la denrée alimentaire contenait un taux élevé de résidus de substances toxiques ou polluantes, sans même présenter un risque pour la santé du consommateur.

31.
    À cet égard, il ressort d'études conduites au plan tant international que communautaire, soumises à la Cour par la Commission et non contestées par les parties au principal ni par les États membres ayant présenté des observations, que les résidus de plomb et de cadmium qui ont été mesurés dans la confiture d'arbo sont présents dans celle-ci dans des proportions nettement inférieures aux valeurs maximales autorisées par l'ensemble des réglementations des États membres. Ainsi, il ressort d'une étude comparée de celles-ci, effectuée par la direction générale «industrie» de la Commission, que la législation allemande tolère, dans la plupart des fruits, un taux de 0,5 mg/kg de plomb et un taux de 0,2 mg/kg de cadmium. Or, selon la juridiction de renvoi, la confiture d'arbo contient des résidus correspondant à 0,01 mg/kg de plomb et 0,008 mg/kg de cadmium, soit des teneurs respectivement 50 fois et 25 fois inférieures aux valeurs maximales autorisées par la législation allemande.

32.
    Quant aux pesticides, il y a lieu de constater, ainsi que l'a relevé la Commission, que les teneurs mentionnées par la juridiction de renvoi s'avèrent particulièrement faibles par rapport aux valeurs admises par la réglementation communautaire. Ainsi, il ressort de l'annexe II de la directive 90/642/CEE du Conseil, du 27 novembre 1990, concernant la fixation de teneurs maximales pour les résidus de pesticides sur ou dans certains produits d'origine végétale, y compris les fruits et légumes (JO L 350, p. 71), dans sa version résultant de la directive 93/58/CEE du Conseil, du 29 juin 1993, modifiant l'annexe II de la directive 76/895/CEE concernant la fixation de teneurs maximales pour les résidus de pesticides sur et dans les fruits et légumes ainsi que l'annexe de la directive 90/642 (JO L 211, p. 6), et de la directive 98/82/CE de la Commission, du 27 octobre 1998, modifiant les annexes des directives 86/362/CEE, 86/363/CEE et 90/642 du Conseil (JO L 290, p. 25), que la teneur maximale pour les résidus présents dans les fraises (autres que les fraises des bois) est fixée à 5 mg/kg tant pour la procymidone que pour la vinclozoline. Or, selon la juridiction nationale, la confiture contient des résidus correspondant à 0,016 mg/kg de procymidone et 0,005mg/kg de vinclozoline, soit des teneurs respectivement 312 fois et 1 000 fois inférieures aux valeurs maximales autorisées par la réglementation susmentionnée.

33.
    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, nonobstant la présence de traces ou de résidus de plomb, de cadmium et de pesticides dans la confiture d'arbo, la mention «purement naturelle» sur l'étiquette de l'emballage de cette denrée alimentaire ne saurait être de nature à induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques de celle-ci.

34.
    Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l'article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive ne s'oppose pas à l'utilisation de la mention «purement naturelle» pour désigner une confiture de fraises qui contient du gélifiant pectine ainsi que des traces ou résidus de plomb, de cadmium et de pesticides dans les teneurs suivantes: 0,01 mg/kg de plomb, 0,008 mg/kg de cadmium, 0,016 mg/kg de procymidone et 0,005 mg/kg de vinclozoline.

Sur les dépens

35.
    Les frais exposés par les gouvernements français, autrichien et finlandais, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (première chambre),

statuant sur la question à elle soumise par l'Oberlandesgericht Köln, par ordonnance du 2 décembre 1998, dit pour droit:

L'article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 79/112/CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard, ne s'oppose pas à l'utilisation de la mention «purement naturelle» pour désigner une confiture de fraises qui contient du gélifiant pectine ainsi que des traces ou résidus de plomb, de cadmium et de pesticides dans les teneurs suivantes: 0,01 mg/kg de plomb, 0,008 mg/kg de cadmium, 0,016 mg/kg de procymidone et 0,005 mg/kg de vinclozoline.

Sevón
Jann
Wathelet

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 avril 2000.

Le greffier

Le président de la première chambre

R. Grass

L. Sevón


1: Langue de procédure: l'allemand.