Language of document : ECLI:EU:T:2022:383

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

22 juin 2022 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Autorité de la chose jugée – Erreur d’appréciation – Proportionnalité – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à un procès équitable »

Dans l’affaire T‑479/21,

George Haswani, demeurant à Yabroud (Syrie), représenté par Me G. Karouni, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Limonet et V. Piessevaux, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours, le requérant, M. George Haswani, demande, d’une part, sur le fondement de l’article 263 TFUE, l’annulation de la décision (PESC) 2021/855 du Conseil, du 27 mai 2021, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2021, L 188, p. 90), et du règlement d’exécution (UE) 2021/848 du Conseil, du 27 mai 2021, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2021, L 188, p. 18) (ci-après les « actes de maintien de 2021 »), en tant que ces actes maintiennent son nom sur les listes annexées auxdits actes et, d’autre part, sur le fondement de l’article 268 TFUE, la réparation du préjudice moral qu’il aurait subi du fait de l’adoption des actes susvisés.

 Antécédents du litige

 Sur l’inscription initiale du nom du requérant sur les listes de personnes visées par les mesures restrictives

2        Le requérant est un homme d’affaires de nationalité syrienne.

3        Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2011/273/PESC, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2011, L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi que le gel des fonds et des ressources économiques de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

4        Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes, physiques ou morales, et des entités qui leur sont liées sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe. Le nom du requérant n’y figurait pas lors de l’adoption de ladite décision.

5        Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne entrent dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 442/2011, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2011, L 121, p. 1). La teneur de ce règlement est, pour l’essentiel, identique à celle de la décision 2011/273, mais il prévoit des possibilités de déblocage des fonds gelés. La liste des personnes, des entités et des organismes reconnus comme étant soit responsables de la répression en cause, soit associés à ces responsables, figurant à l’annexe II dudit règlement, est identique à celle figurant à l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 4, du règlement no 442/2011, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, physique ou morale, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives visées, il modifie l’annexe II en conséquence et, par ailleurs, examine la liste qui y figure à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

6        Par la décision 2011/782/PESC, du 1er décembre 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/273 (JO 2011, L 319, p. 56), le Conseil a estimé, compte tenu de la gravité de la situation en Syrie, qu’il était nécessaire d’instituer des mesures restrictives supplémentaires. Par souci de clarté, les mesures imposées par la décision 2011/273 et les mesures supplémentaires ont été regroupées dans un instrument juridique unique. La décision 2011/782 prévoit, à son article 18, des restrictions en matière d’admission sur le territoire de l’Union des personnes dont le nom figure à l’annexe I et, à son article 19, le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et des entités dont le nom figure aux annexes I et II.

7        Le règlement no 442/2011 a été remplacé par le règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2012, L 16, p. 1).

8        La décision 2011/782 a été remplacée par la décision 2012/739/PESC du Conseil, du 29 novembre 2012, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2012, L 330, p. 21), elle-même remplacée par la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14).

9        Par la décision d’exécution (PESC) 2015/383 du Conseil, du 6 mars 2015, mettant en œuvre la décision 2013/255 (JO 2015, L 64, p. 41), et par le règlement d’exécution (UE) 2015/375 du Conseil, du 6 mars 2015, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2015, L 64, p. 10) (ci-après les « actes initiaux »), le nom du requérant a été ajouté à la ligne 203 de la liste figurant à l’annexe I, section A (Personnes), de la décision 2013/255 et à la ligne 203 de la liste figurant à l’annexe II, section A (Personnes), du règlement no 36/2012 (ci-après, prises ensemble, les « listes en cause »).

10      D’une part, les « informations d’identification » inscrites dans les listes en cause mentionnent que le requérant réside à Yabroud (Syrie).

11      S’agissant, d’autre part, des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, ceux-ci sont rédigés comme suit :

« Important homme d’affaires syrien, copropriétaire de HESCO Engineering and Construction Company, importante société d’ingénierie et de construction en Syrie. Il entretient des liens étroits avec le régime syrien.

George Haswani soutient le régime et en tire avantage grâce à son rôle d’intermédiaire dans le cadre de transactions relatives à l’achat de pétrole à l’[État islamique en Irak et au Levant (EIIL)] par le régime syrien.

Il tire également avantage du régime grâce au traitement favorable dont il bénéficie, notamment un marché conclu (en tant que sous-traitant) avec Stroytransgaz, une grande compagnie pétrolière russe. »

12      Le 12 octobre 2015, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2015/1836, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 266, p. 75) et, d’autre part, le règlement (UE) 2015/1828, modifiant le règlement no 36/2012 (JO 2015, L 266, p. 1).

13      Aux termes du considérant 6 de la décision 2015/1836, « [l]e Conseil a estimé que, en raison du contrôle étroit exercé sur l’économie par le régime syrien, un cercle restreint de femmes et d’hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie n’[était] en mesure de maintenir son statut que grâce à des liens étroits avec le régime et au soutien de celui-ci, ainsi qu’à l’influence exercée en son sein », et « [l]e Conseil estime qu’il devrait prévoir des mesures restrictives pour imposer des restrictions à l’admission des femmes et des hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie, identifiés par [lui] et dont la liste figure à l’annexe I, ainsi que pour geler tous les fonds et ressources économiques qui leur appartiennent, qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par eux, afin de les empêcher de fournir un soutien matériel ou financier au régime et, par l’influence qu’ils exercent, d’accroître la pression sur le régime lui-même afin qu’il modifie sa politique de répression ».

14      La rédaction des articles 27 et 28 de la décision 2013/255 a été modifiée par la décision 2015/1836. Ces articles prévoient désormais des restrictions à l’entrée ou au passage en transit sur le territoire des États membres ainsi que le gel des fonds des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », sauf « informations suffisantes indiquant [que ces personnes] ne sont pas, ou ne sont plus, lié[e]s au régime ou qu’[elles] n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’[elles] ne sont pas associé[e]s à un risque réel de contournement ».

15      Le règlement 2015/1828 a modifié, notamment, la rédaction de l’article 15 du règlement no 36/2012 afin d’y intégrer les nouveaux critères d’inscription définis par la décision 2015/1836 et introduits dans la décision 2013/255.

 Sur les recours précédents introduits par le requérant

16      Le 5 mai 2015, le requérant a introduit devant le Tribunal un recours visant à obtenir l’annulation des actes initiaux, de la décision (PESC) 2015/837 du Conseil, du 28 mai 2015, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 132, p. 82), du règlement d’exécution (UE) 2015/828 du Conseil, du 28 mai 2015, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2015, L 132, p. 3) (la décision 2015/837 et le règlement d’exécution 2015/828 étant ci-après dénommés ensemble les « actes de maintien de 2015 »), de la décision (PESC) 2016/850 du Conseil, du 27 mai 2016, modifiant la décision 2013/255 (JO 2016, L 141, p. 125) et du règlement d’exécution (UE) 2016/840 du Conseil, du 27 mai 2016, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2016, L 141, p. 30) (la décision 2016/850 et le règlement d’exécution 2016/840 étant ci-après dénommés ensemble les « actes de maintien de 2016 ») pour autant que ces actes le concernent. Ce recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro T‑231/15.

17      Par arrêt du 22 mars 2017, Haswani/Conseil (T‑231/15, non publié, EU:T:2017:200), d’une part, le Tribunal a fait droit au recours du requérant pour autant qu’il visait l’annulation des actes initiaux et des actes de maintien de 2015 en tant qu’ils le concernent. D’autre part, le Tribunal a rejeté le recours en ce qui concerne les actes de maintien de 2016 comme étant irrecevable.

18      Par requête déposée le 26 mai 2017 au greffe de la Cour, le requérant a formé un pourvoi contre l’arrêt du 22 mars 2017, Haswani/Conseil (T‑231/15, non publié, EU:T:2017:200), enregistré au greffe de la Cour sous le numéro C‑313/17 P. Par arrêt du 24 janvier 2019, Haswani/Conseil (C‑313/17 P, EU:C:2019:57), la Cour a annulé le point 1 du dispositif de l’arrêt du 22 mars 2017, Haswani/Conseil (T‑231/15, non publié, EU:T:2017:200), par lequel le Tribunal avait prononcé l’irrecevabilité du recours pour autant qu’il visait à obtenir l’annulation des actes de maintien de 2016.

19      Par ordonnance du 11 septembre 2019, Haswani/Conseil (T‑231/15 RENV, non publiée, EU:T:2019:589), le Tribunal a rejeté le recours en tant qu’il était dirigé contre les actes de maintien de 2016 comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.

20      Le 31 juillet 2017, le requérant a introduit devant le Tribunal un recours visant à obtenir l’annulation, premièrement, des actes de maintien de 2016, deuxièmement, de la décision (PESC) 2017/917 du Conseil, du 29 mai 2017, modifiant la décision 2013/255 (JO 2017, L 139, p. 62) et du règlement d’exécution (UE) 2017/907 du Conseil, du 29 mai 2017, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2017, L 139, p. 15) (la décision 2017/917 et le règlement d’exécution 2017/907 étant ci-après dénommés ensemble les « actes de maintien de 2017 »), troisièmement, de la décision d’exécution (PESC) 2017/1245 du Conseil, du 10 juillet 2017, mettant en œuvre la décision 2013/255 (JO 2017, L 178, p. 13) et du règlement d’exécution (UE) 2017/1241 du Conseil, du 10 juillet 2017, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2017, L 178, p. 1) (la décision d’exécution 2017/1245 et le règlement d’exécution 2017/1241 étant ci-après dénommés ensemble les « actes de maintien de juillet 2017 ») et, quatrièmement, de la décision (PESC) 2018/778 du Conseil, du 28 mai 2018, modifiant la décision 2013/255 (JO 2018, L 131, p. 16) et du règlement d’exécution (UE) 2018/774 du Conseil, du 28 mai 2018, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2018, L 131, p. 1) (la décision 2018/778 et le règlement d’exécution 2018/774 étant ci-après dénommés ensemble les « actes de maintien de 2018 »). Ce recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro T‑477/17.

21      Par arrêt du 16 janvier 2019, Haswani/Conseil (T‑477/17, non publié, EU:T:2019:7), le Tribunal a rejeté le recours du requérant en ce qui concerne les actes de maintien de 2016 comme étant irrecevable et, en ce qui concerne les actes de maintien de 2017, de juillet 2017 et de 2018, comme étant non fondé.

22      Par requête déposée le 18 mars 2019 au greffe de la Cour, le requérant a formé un pourvoi contre l’arrêt du 16 janvier 2019, Haswani/Conseil (T‑477/17, non publié, EU:T:2019:7). Ce pourvoi a été enregistré au greffe de la Cour sous le numéro C‑241/19 P. Par arrêt du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil (C‑241/19 P, EU:C:2020:545), la Cour a rejeté le pourvoi introduit par le requérant contre l’arrêt du 16 janvier 2019, Haswani/Conseil (T‑477/17, non publié, EU:T:2019:7).

23      Le 19 juillet 2019, le requérant a introduit devant le Tribunal un recours visant à obtenir l’annulation des actes de maintien de 2016, de 2017, de juillet 2017, de 2018, de la décision (PESC) 2019/806 du Conseil, du 17 mai 2019, modifiant la décision 2013/255 (JO 2019, L 132, p. 36), du règlement d’exécution (UE) 2019/798 mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2019, L 132, p. 1) (la décision 2016/806 et le règlement d’exécution 2019/798 étant ci-après dénommés ensemble les « actes de maintien de 2019 »), de la décision 2020/719 du Conseil, du 28 mai 2020, modifiant la décision 2013/255 (JO 2020, L 168, p. 66) et du règlement d’exécution 2020/716 du Conseil, du 28 mai 2020, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2020, L 168, p. 1) (la décision 2020/719 et le règlement d’exécution 2020/716 étant ci-après dénommés ensemble les « actes de maintien de 2020 ») pour autant qu’ils le concernent. Le requérant a également demandé réparation du préjudice qu’il aurait subi du fait de ces actes. Ce recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro T‑521/19.

24      Par arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil (T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608), d’une part, le Tribunal a rejeté la demande fondée sur l’article 263 TFUE en ce qui concerne l’annulation des actes de maintien de 2016, de 2017, de juillet 2017 et de 2018 comme étant irrecevable et, en ce qui concerne les actes de maintien de 2019 et de 2020, comme non fondée. D’autre part, il a rejeté la demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice moral subi par le requérant à la suite de l’adoption des actes susvisés comme non fondée.

 Sur la réinscription du nom du requérant sur les listes en cause et le maintien du nom du requérant sur les listes en cause jusqu’au 1er juin 2022

25      Par les actes de maintien de 2016, le nom du requérant a été maintenu à la ligne 203, section A (Personnes), des listes en cause par la mention de motifs différents de ceux mentionnés précédemment. Ces motifs d’inscription étaient rédigés comme suit :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ayant des intérêts et/ou activités dans les secteurs de l’ingénierie, de la construction, du pétrole et du gaz. Il détient des intérêts et/ou exerce une influence considérable dans plusieurs sociétés et entités en Syrie, en particulier HESCO Engineering and Construction Company, importante société d’ingénierie et de construction.

George Haswani entretient des liens étroits avec le régime syrien. Il soutient le régime et en tire avantage grâce à son rôle d’intermédiaire dans le cadre de transactions relatives à l’achat de pétrole à l’[EIIL] par le régime syrien. Il tire également avantage du régime grâce au traitement favorable dont il bénéficie, notamment un marché conclu (en tant que sous-traitant) avec Stroytransgaz, grande compagnie pétrolière russe. »

26      Par les actes de maintien de juillet 2017, le nom du requérant a été maintenu à la ligne 203, section A (Personnes), des listes en cause par la mention de motifs différents de ceux mentionnés précédemment (ci-après les « motifs d’inscription de juillet 2017 »). S’agissant des motifs d’inscription de juillet 2017, ceux-ci sont rédigés comme suit :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ayant des intérêts et/ou activités dans les secteurs de l’ingénierie, de la construction, du pétrole et du gaz. Il détient des intérêts et/ou exerce une influence considérable dans plusieurs sociétés et entités en Syrie, en particulier HESCO Engineering and Construction Company, importante société d’ingénierie et de construction. »

27      Les listes en cause ont été régulièrement mises à jour conformément à l’article 34 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et à l’article 32, paragraphe 4 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828. Le nom du requérant a été maintenu sur les listes annexées aux actes postérieurs à ceux cités au point 26 ci-dessus. Le Conseil a justifié l’adoption des mesures restrictives à l’égard du requérant par la mention de motifs identiques à ceux mentionnés dans les actes de maintien de juillet 2017.

28      Par lettre du 2 juin 2020, le Conseil a informé le représentant du requérant de l’adoption des actes de maintien de 2020, ainsi que de la possibilité de solliciter un réexamen de la décision de maintien de l’inscription de son nom sur les listes en cause avant le 1er mars 2021.

29      Le 27 mai 2021, le Conseil a adopté, d’une part, la décision 2021/855 qui a prorogé la décision 2013/255 jusqu’au 1er juin 2022 et, d’autre part, le règlement d’exécution 2021/848. Le nom du requérant a été maintenu à la ligne 203, section A (Personnes), des listes en cause sur la base de motifs identiques à ceux retenus dans les actes de maintien de juillet 2017.

 Conclusions des parties

30      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes de maintien de 2021 en tant qu’ils le concernent ;

–        ordonner la suppression de son nom des listes en cause ;

–        condamner le Conseil au paiement de la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

31      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, en cas d’annulation des actes de maintien de 2021, maintenir les effets de la décision 2021/855 jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement d’exécution 2021/848 ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Remarques liminaires

32      Le Conseil souligne, premièrement, que les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, tels qu’ils résultent des actes de maintien de 2021, n’ont pas changé et sont identiques à ceux examinés, sur le fond, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil (T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608). Deuxièmement, à l’exception du premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable, les arguments et les moyens présentés par le requérant à l’appui du présent recours reproduisent, en substance, ceux qu’il a présentés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil (T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608). Troisièmement, le requérant n’aurait apporté aucun élément indiquant qu’il n’est plus lié au régime syrien, qu’il n’exerce plus d’influence sur celui-ci ou qu’il n’est plus associé à un risque réel de contournement.

33      Dans ces circonstances, le Conseil renvoie, en substance, aux motifs de l’arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil (T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608), pour demander le rejet du deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, du troisième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité, et du quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation et de l’absence de preuves, et indique que ce n’est que par souci d’exhaustivité qu’il répond auxdits moyens.

34      Par ailleurs, en réponse à la demande en indemnité du requérant, le Conseil soutient que, ainsi qu’il résulte des explications d’espèce et de l’arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil (T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608), les moyens d’annulation invoqués par le requérant à l’égard des actes de maintien de 2021 ne sont pas fondés. En adoptant ces actes, il n’aurait donc commis aucune illégalité.

35      D’une part, il convient de relever, ainsi qu’il ressort des points 26, 27 et 29 ci-dessus, que les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause résultant des actes de maintien de 2021 sont les mêmes que ceux résultant des actes de maintien de juillet 2017 et des actes postérieurs à ceux-ci. De même, les éléments de preuve étayant ladite inscription n’ont pas été modifiés.

36      D’autre part, dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil (T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608), le Tribunal a eu à connaître d’un recours introduit, le 19 juillet 2019, par le requérant et par lequel il visait à obtenir, d’une part, l’annulation de douze actes maintenant son nom sur les listes en cause et, d’autre part, réparation pour le préjudice moral qu’il aurait subi à la suite de l’adoption de ces actes, tel que rappelé au point 23 ci-dessus. Parmi les actes dont le requérant avait demandé l’annulation, le Tribunal a examiné, sur le fond, la légalité des actes de maintien de 2019 ainsi que celle des actes de maintien de 2020, pour autant qu’ils concernent le requérant.

37      Ainsi qu’il ressort du point 24 ci-dessus, par arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil (T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608), le Tribunal a rejeté la demande fondée sur l’article 263 TFUE du requérant en ce qui concerne l’annulation des actes de maintien de 2019 et de 2020 comme non fondée ainsi que la demande fondée sur l’article 268 TFUE.

38      Enfin, il y a lieu de relever, à l’instar du Conseil, que, dans le cadre du présent recours, à l’exception du premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable, le requérant se prévaut des mêmes moyens et, en substance, des mêmes arguments que ceux qu’il a fait valoir dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil (T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608).

39      Or, il convient de rappeler que l’article 30, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et l’article 32, paragraphe 3, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, disposent que, si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne ou l’entité concernée. Par ailleurs, conformément à l’article 32, paragraphe 4, dudit règlement, les listes figurant aux annexes II et II bis sont examinées à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

40      Il résulte d’une lecture combinée de ces dispositions que le Conseil peut être amené, lors de tout réexamen préalable à l’adoption d’actes maintenant le nom d’une personne inscrite sur les listes en cause, voire à tout moment, à vérifier, en fonction des éléments de preuve substantiels ou des observations qui lui sont soumis, si la situation factuelle a changé depuis, notamment, un précédent réexamen, de telle manière que sa désignation n’est plus justifiée (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 91 et jurisprudence citée).

41      Par ailleurs, sans être lié au sens strict sous l’angle de l’autorité de la chose jugée, dès lors que l’objet du recours rejeté par l’arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil (T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608), n’est pas identique à celui du présent recours, le Tribunal ne saurait totalement faire abstraction du raisonnement qu’il a développé dans cette affaire, qui concerne les mêmes parties et soulève, pour l’essentiel, les mêmes questions juridiques (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 92).

42      Toutefois, rien ne permet de présumer, sans un examen des éléments de fait et de droit présentés au soutien des présents moyens, que le Tribunal parviendrait aux mêmes conclusions que celles retenues dans l’arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil (T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608) (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 93 et jurisprudence citée).

43      En l’espèce, il ne saurait donc être exclu, sans procéder à leur examen, que les arguments présentés par le requérant dans le cadre du présent recours soient susceptibles de démontrer que c’est à tort que le Conseil a décidé, en vertu des actes de maintien de 2021, de maintenir son nom sur les listes en cause. De même, de tels arguments pourraient amener le Tribunal à constater que le Conseil a commis une illégalité susceptible d’engager sa responsabilité extracontractuelle.

44      En outre, toujours à supposer que le Conseil opère dans ses écritures un renvoi global aux motifs de l’arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil (T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608), il y a lieu de rappeler, que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer, notamment, l’exposé sommaire des moyens invoqués. L’article 81, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure concernant le mémoire en défense étant analogue à l’article 76, sous d), dudit règlement, les exigences découlant de cette dernière disposition sont transposables au mémoire en défense (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T‑111/08, EU:T:2012:260, points 70 et 71, et du 16 septembre 2013, Wabco Europe e.a./Commission, T‑380/10, EU:T:2013:449, point 162). Ainsi, le Conseil ne peut pas opérer un renvoi global à un document volumineux, y compris aux motifs d’un arrêt, pour contester les moyens de la requête, même si les moyens examinés dans cet arrêt étaient identiques à ceux que le requérant a invoqués dans la présente affaire (voir, par analogie, arrêt du 22 mai 2012, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑300/10, EU:T:2012:247, points 42 et 43).

45      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent recours.

 Sur la compétence du Tribunal pour se prononcer sur le deuxième chef de conclusions du requérant

46      Par son deuxième chef de conclusions, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’ordonner la suppression de son nom des listes en cause.

47      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le juge de l’Union n’est pas habilité à adresser des injonctions aux institutions de l’Union dans le cadre de la compétence d’annulation qui lui est conférée par l’article 263 TFUE. En effet, conformément à l’article 264 TFUE, le Tribunal a uniquement la possibilité d’annuler l’acte attaqué. C’est à l’institution concernée qu’il appartient de prendre, en vertu de l’article 266 TFUE, les mesures que comporte l’exécution d’un éventuel arrêt d’annulation en exerçant, sous le contrôle du juge de l’Union, le pouvoir d’appréciation dont elle dispose à cet effet dans le respect aussi bien du dispositif et des motifs de l’arrêt qu’elle est tenue d’exécuter que des dispositions du droit de l’Union (voir arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil, T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608, point 50 et jurisprudence citée).

48      En outre, il convient encore de rappeler que, en matière de mesures restrictives, lorsque le Tribunal annule des actes ayant inscrit ou maintenu le nom d’une personne ou d’une entité sur les listes en cause, il appartient au Conseil de procéder, sur la base de l’article 266 TFUE, à un nouvel examen des faits afin d’apprécier s’il faut réinscrire ledit nom sur lesdites listes, sur la base de nouveaux motifs étayés à suffisance de droit, ou si, au contraire, il convient de le retirer. Ainsi, il n’appartient pas au Tribunal d’indiquer au Conseil si, en raison de l’annulation de tels actes, il convient de réinscrire le nom de la personne ou de l’entité concernées ou, au contraire, de le retirer des listes en cause (voir arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil, T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608, point 56 et jurisprudence citée).

49      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le deuxième chef de conclusions du requérant doit être rejeté en raison de l’incompétence du Tribunal pour en connaître.

 Sur les conclusions en annulation

50      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève quatre moyens, tirés, le premier, de la violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable, le deuxième, de la violation de l’obligation de motivation, le troisième, de la violation du principe de proportionnalité et, le quatrième, d’une erreur d’appréciation et de l’absence de preuves.

51      Il convient d’examiner, tout d’abord, le deuxième moyen, avant d’examiner, ensuite, le premier moyen, puis le quatrième moyen et, enfin, le troisième moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

52      À l’appui de son deuxième moyen, le requérant fait valoir que les motifs invoqués pour justifier l’inscription de son nom sur les listes en cause seraient généraux, vagues et abstraits. Premièrement, le requérant soutient, en substance, que les motifs d’inscription tels qu’ils résultent des actes de maintien de juillet 2017 méconnaissent encore davantage les exigences de motivation posées par la jurisprudence que ne le faisaient les motifs d’inscription, dont ils constituent un « raccourci », tels qu’ils étaient formulés antérieurement à l’adoption de ces actes. À cet égard, ils utiliseraient l’adjectif « influent », singulièrement vague, sans préciser en quoi le requérant serait « influent », notamment au regard de son activité au sein de la société HESCO Engineering and Construction Company (ci-après « HESCO »), et ne détermineraient ni ne qualifieraient les « intérêts » et « l’influence considérable » du requérant, de même que les « secteurs de l’ingénierie, de la construction, du pétrole et du gaz » et « plusieurs sociétés et entités » mentionnées. Ces motifs ne sauraient, dès lors, être considérés comme étant précis et concrets.

53      Deuxièmement, la référence aux affaires du requérant ne ferait pas apparaître le raisonnement du Conseil qui viserait, en réalité, les liens avec le régime syrien, non établis faute de base factuelle suffisante. D’ailleurs, le lien sous-jacent du requérant avec le régime syrien, que la nouvelle motivation suppose, serait contredit par l’arrêt du 22 mars 2017, Haswani/Conseil (T‑231/15, non publié, EU:T:2017:200), qui aurait reconnu que le lien du requérant avec le régime syrien ne serait pas établi par des bases factuelles suffisamment solides, de sorte que la présomption selon laquelle l’exercice d’une activité économique importante en Syrie est nécessairement lié au régime syrien aurait été renversée dans le cas présent. En outre, pareille présomption serait trop générale pour être conforme à l’obligation de motivation et il ne suffirait pas de démontrer la direction d’une activité commerciale et industrielle pour établir un tel lien.

54      Troisièmement, le requérant soutient, en substance, que les motifs d’inscription des actes de maintien de 2021, qui se fondent sur les critères d’inscription de la décision 2015/1836, méconnaissent le principe de sécurité juridique, en ce qu’ils punissent l’exercice d’une activité commerciale et économique selon des critères qui sont vagues. Le Conseil violerait le principe de sécurité juridique en omettant de préciser les activités incriminées pour lesquelles le requérant pourrait être sanctionné.

55      Quatrièmement, le requérant fait valoir que les motifs retenus à son égard se contentent de reproduire les critères abstraits et généraux de la décision 2015/1836. Or, la référence à des secteurs économiques très larges ne saurait suffire à conférer à ces motifs un caractère concret.

56      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

57      En premier lieu, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver un acte constitue une forme substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cet acte. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond dudit acte, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 96 et jurisprudence citée).

58      Or, les arguments mentionnés aux points 54 et 55 ci-dessus et selon lesquels, tout d’abord, le Conseil violerait le principe de sécurité juridique en omettant de préciser les activités incriminées pour lesquelles le requérant pourrait être sanctionné et, ensuite, la référence à des secteurs économiques très larges des motifs d’inscription ne saurait suffire à leur conférer un caractère concret doivent être rejetés dans le cadre du présent moyen. En effet, ces deux arguments se rattachent, en réalité, à l’analyse du bien-fondé de la motivation des actes de maintien de 2021. Dès lors qu’ils ne visent pas à remettre en cause spécifiquement le caractère suffisant de la motivation de ces actes, mais plutôt le bien-fondé de l’existence d’un lien entre le requérant et le régime syrien en raison de sa qualité d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ils doivent être examinés dans le cadre du quatrième moyen, tiré de l’erreur d’appréciation et de l’absence de preuves.

59      En second lieu, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue le corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 60 et jurisprudence citée).

60      Il convient également de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 61 et jurisprudence citée).

61      La motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel de fonds doit permettre que soient identifiées les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles celui-ci considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 63 et jurisprudence citée).

62      Cependant, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 64 et jurisprudence citée).

63      Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 65 et jurisprudence citée).

64      En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 66 et jurisprudence citée).

65      Il s’ensuit que, afin de déterminer si les actes de maintien de 2021 satisfont à l’obligation de motivation, il y a lieu de vérifier si le Conseil a exposé de manière compréhensible et suffisamment précise les raisons l’ayant conduit à considérer que le maintien du nom du requérant sur les listes en cause était justifié au regard des critères juridiques applicables.

66      Tout d’abord, il y a lieu de relever que le fait que la motivation en cause, constitue un « raccourci » ou un résumé de la motivation des actes adoptés avant le 10 juillet 2017 par le Conseil ne saurait avoir aucune influence sur le caractère suffisant de celle-ci, en ce qu’elle doit être appréciée au regard des circonstances propres de la présente espèce. Par conséquent, l’argument du requérant à cet égard mentionné au point 52 ci-dessus, doit être rejeté comme étant inopérant.

67      Ensuite, en ce qui concerne les raisons pour lesquelles des mesures restrictives visant le requérant ont été maintenues, il convient de relever que les motifs d’inscription du nom du requérant sont restés inchangés depuis l’adoption des actes de maintien de juillet 2017. En particulier, ils n’ont pas été modifiés lors de l’adoption des actes de maintien de 2021 qui sont les actes attaqués en l’espèce. Ainsi, le Conseil a motivé le maintien de son nom sur les listes en cause de la manière suivante :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ayant des intérêts et/ou activités dans les secteurs de l’ingénierie, de la construction, du pétrole et du gaz. Il détient des intérêts et/ou exerce une influence considérable dans plusieurs sociétés et entités en Syrie, en particulier HESCO Engineering and Construction Company, importante société d’ingénierie et de construction. »

68      D’une part, il convient de rappeler que le critère général d’inscription énoncé à l’article 27, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), et paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, dispose que la catégorie des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » fait l’objet de mesures restrictives, sauf s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime syrien ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement.

69      Il y a lieu de déduire des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, mentionnés aux points 26 et 67 ci-dessus, que ce dernier a vu son nom être maintenu sur les listes en cause en raison de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Autrement dit, l’inscription de son nom est fondée sur le critère défini au paragraphe 2, sous a), de l’article 27 et de l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et au paragraphe 1 bis, sous a), de l’article 15 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie).

70      D’autre part, la motivation des actes de maintien de 2021 permet au requérant de comprendre à suffisance que son nom avait été inscrit sur les listes en cause au motif qu’il est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. En outre, contrairement à ce que soutient le requérant au point 55 ci-dessus, la motivation des actes de maintien de 2021 ne saurait être considérée comme une simple reprise du critère établi à l’article 27, paragraphe 2, sous a), et à l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, puisqu’elle contient des éléments spécifiant les raisons pour lesquelles ce critère lui est applicable. Ainsi, ladite motivation précise que le requérant a des intérêts et des activités dans différents secteurs de l’économie syrienne et mentionne les intérêts qu’il possède au sein de HESCO, ce qui suffit à expliquer en quoi le requérant est « influent » au sein de cette dernière. De plus, HESCO est décrite comme une importante société d’ingénierie et de construction, ce qui permet au requérant de comprendre la raison pour laquelle le Conseil considère qu’il a des intérêts ou exerce des activités dans ces secteurs.

71      À cet égard, le fait que le Conseil n’ait pas exposé de manière détaillée les « intérêts » du requérant ni la manière dont il exerce une « influence considérable » au sein de HESCO ne saurait conduire à constater une violation de l’obligation de motivation qui lui incombe, dès lors que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 63 ci-dessus, le Conseil n’est pas tenu de spécifier tous les éléments de fait et de droit pertinents et que le requérant a été mis en mesure de comprendre la portée des mesures prises à son égard.

72      En revanche, ainsi que l’a indiqué le requérant au point 52 ci-dessus, la motivation des actes de maintien de juillet 2017 reprise dans les actes de maintien de 2021 ne permet pas de déterminer les sociétés et les entités en Syrie, hormis HESCO, dans lesquelles il aurait des intérêts ou exercerait une influence considérable. En outre, une telle identification n’est pas non plus possible à la lecture des actes de maintien de 2021 ou de la lettre du 2 juin 2020 du Conseil adressée au requérant. Dès lors, la référence vague et générale aux intérêts du requérant et à son influence considérable dans ces sociétés et entités en Syrie ne saurait être prise en considération pour justifier ou contribuer à justifier l’inscription de son nom sur les listes en cause (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil, T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608, point 120 et jurisprudence citée).

73      Néanmoins, dès lors qu’il ne s’agit pas de la seule raison pour laquelle le Conseil estime que le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, mais que d’autres éléments ont été avancés de manière suffisamment concrète et précise dans la motivation des actes de maintien de 2021, la constatation effectuée au point 72 ci-dessus ne permet pas de considérer que les actes de maintien de 2021 sont entachés d’une insuffisance de motivation de nature à entraîner leur annulation (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil, T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608 et jurisprudence citée).

74      Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable

75      Le requérant  soutient, en substance, que les actes de maintien de 2021 violent ses droits de la défense et son droit à un procès équitable, tels que prévus à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et aux articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, dans la mesure où le Conseil ne l’a pas entendu avant l’adoption desdits actes. Il ajoute que, eu égard à la gravité des sanctions imposées, le contentieux des mesures restrictives a, selon lui, un caractère pénal. En substance, dans le cadre du renouvellement de la décision d’inscription de son nom sur les listes en cause, l’effet de surprise n’aurait plus lieu d’être et le principe du contradictoire devrait être respecté en ce qui concerne, d’une part, la communication des motifs d’inscription préalablement à l’adoption des actes de maintien de 2021 et, d’autre part, le droit d’être auditionné. Selon le requérant, en l’espèce, ne pourrait être invoqué l’argument relatif à l’efficacité de la mesure projetée ni encore moins celui de l’effet de surprise, dès lors qu’il s’agit d’actes renouvelant l’inscription de son nom sur les listes en cause. Une telle irrégularité n’étant pas susceptible d’être régularisée au stade de la procédure devant le Tribunal, le requérant demande l’annulation des actes de maintien de 2021 pour autant qu’ils le concernent.

76      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

77      En premier lieu, il convient de rejeter comme étant irrecevable le grief du requérant tiré de la violation du droit à un procès équitable, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, au motif que le requérant omet de préciser en quoi le Conseil aurait violé ce droit.

78      En second lieu, s’agissant du grief du requérant relatif à la violation des droits de la défense, il importe de relever que l’adoption des actes de maintien de 2021 n’a pas été précédée d’une communication au requérant des éléments retenus à charge dans lesdits actes.

79      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense comporte notamment le droit d’être entendu, qui est consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 99 et jurisprudence citée).

80      L’article 52, paragraphe 1, de la Charte admet toutefois des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, pour autant que la limitation concernée respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 101 et jurisprudence citée).

81      Enfin, l’existence d’une violation des droits de la défense doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 102 et jurisprudence citée).

82      Il convient encore de préciser que le juge de l’Union distingue, d’une part, l’inscription initiale du nom d’une personne sur les listes imposant des mesures restrictives et, d’autre part, le maintien du nom de cette personne sur lesdites listes (arrêt du 30 avril 2015, Al-Chihabi/Conseil, T‑593/11, EU:T:2015:249, point 40).

83      Les actes visés par le présent recours étant des actes de maintien, il convient de rappeler qu’un effet de surprise n’est plus nécessaire afin d’assurer l’efficacité des mesures restrictives, de sorte que l’adoption de tels actes doit, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernée d’être entendue (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 62).

84      À cet égard, la Cour a souligné que l’élément de protection qu’offraient l’exigence de communication des éléments à charge et le droit de présenter des observations avant l’adoption d’actes qui maintiennent le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives était fondamental et essentiel aux droits de la défense. Cela est d’autant plus vrai que les mesures restrictives en question ont une incidence importante sur les droits et les libertés des personnes et des groupes visés (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 64).

85      Toutefois, lorsque le maintien du nom de la personne ou de l’entité concernée sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives est fondé sur les mêmes motifs que ceux qui ont justifié l’adoption de l’acte initial sans que de nouveaux éléments aient été retenus à son égard, le Conseil n’est pas tenu, pour respecter son droit d’être entendu, de lui communiquer à nouveau les éléments retenus à charge (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2016, Central Bank of Iran/Conseil, C‑266/15 P, EU:C:2016:208, points 32 et 33 et jurisprudence citée). La communication des éléments à charge s’impose, en revanche, lorsqu’il existe des éléments nouveaux par lesquels le Conseil réactualise les informations concernant la situation personnelle de la personne ou de l’entité concernée ou la situation politique et sécuritaire du pays à l’encontre duquel le régime de mesures restrictives a été adopté (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Kande Mupompa/Conseil, T‑170/18, EU:T:2020:60, points 71 et 72 et jurisprudence citée).

86      En l’espèce, ainsi qu’il a été signalé au point 29 ci-dessus, les actes de maintien de 2021 n’ont pas modifié le motif figurant dans les annexes des actes de maintien de juillet 2017. En outre, il ne ressort pas du dossier que le Conseil s’est fondé sur de nouveaux éléments de preuve pour adopter les actes de maintien de 2021, ni qu’il a pris en considération des éléments d’actualisation concernant la situation personnelle du requérant ou la situation politique et sécuritaire de la République arabe syrienne entre la date d’adoption des actes de maintien de juillet 2017 et celle des actes de maintien de 2021.

87      Il en résulte que le Conseil a respecté les droits de la défense du requérant lors de l’adoption des actes de maintien de 2021.

88      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du requérant.

89      Premièrement, l’argument du requérant selon lequel, dans le cadre du renouvellement de la décision d’inscription de son nom, l’effet de surprise n’aurait plus lieu d’être et le principe du contradictoire devrait être respecté en ce qui concerne, notamment, le droit d’être auditionné, doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, ni la réglementation en cause ni le principe général du respect des droits de la défense ne confèrent aux intéressés le droit à une audition (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 93, et du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 105).

90      Deuxièmement, le requérant fait valoir que le contentieux des mesures restrictives a un caractère pénal eu égard à la gravité des sanctions imposées. À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les mesures restrictives de gel des fonds ne sont pas de nature pénale. En effet, les avoirs des intéressés n’étant pas confisqués en tant que produits d’un crime, mais gelés à titre conservatoire, ces mesures ne constituent pas une sanction pénale et elles n’impliquent, par ailleurs, aucune accusation de cette nature (voir arrêt du 9 décembre 2014, Sport-pari/Conseil, T‑439/11, non publié, EU:T:2014:1043, point 89 et jurisprudence citée).

91      Partant, il convient de rejeter le premier moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation et de l’absence de preuves

92      Le requérant fait valoir, en substance, que le Conseil n’apporte pas d’éléments concrets, précis et concordants permettant de constituer une base factuelle suffisante afin d’étayer le motif justifiant le maintien de son nom sur les listes en cause. Selon le requérant, le Conseil n’a pas établi la preuve de son caractère « influent » ni celle de son « influence considérable » dans « plusieurs sociétés et entités », de sorte que la seule référence à HESCO, sans articuler de façon précise et concrète la réalité, la nature et la portée de son rôle, ne répondrait pas aux exigences requises en matière de preuves.

93      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

–       Considérations liminaires

94      Il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

95      Il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).

96      C’est en effet à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

97      À cette fin, il n’est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122).

98      Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

99      Conformément à la jurisprudence de la Cour, l’appréciation du bien-fondé d’une inscription doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 51, et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 50).

100    Enfin, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’enjeu, qui fait partie du contrôle de la proportionnalité des mesures restrictives en cause, il peut être tenu compte du contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures, du fait qu’il était urgent d’adopter de telles mesures ayant pour objet de faire pression sur le régime syrien afin qu’il arrête la répression violente dirigée contre la population et de la difficulté d’obtenir des preuves plus précises dans un État en situation de guerre civile doté d’un régime de nature autoritaire (arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46).

101    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments du requérant qui visent, en substance, à remettre en cause le motif d’inscription selon lequel il est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

102    À titre liminaire, d’une part, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort des points 68 et 69 ci-dessus, que l’inscription du nom du requérant est fondée sur le critère défini au paragraphe 2, sous a), de l’article 27 et de l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et au paragraphe 1 bis, sous a), de l’article 15 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie).

103    D’autre part, il importe de relever que la référence aux « sociétés et entités en Syrie », hormis HESCO, dans lesquelles le requérant aurait des intérêts ou exercerait une influence considérable ayant été considérée, au point 72 ci-dessus, comme étant trop vague et générale pour justifier ou contribuer à justifier l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, il n’y a pas lieu d’examiner si le Conseil a apporté des éléments de preuve permettant d’étayer cet aspect du motif d’inscription, ni, par conséquent, les arguments présentés par le requérant selon lesquels le Conseil n’aurait pas établi la preuve, d’une part, de l’« influence considérable » qu’il exercerait dans « plusieurs sociétés et entités » et, d’autre part, de ses intérêts et de son implication dans celles-ci.

–       Sur les éléments de preuve produits par le Conseil

104    S’agissant des éléments de preuve produits par le Conseil afin de justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause, il convient de relever qu’il s’agit d’éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des liens vers des sites Internet, des articles de presse et des captures d’écran provenant :

–        du site Internet de HESCO, consulté le 16 octobre 2017, identifiant le requérant comme le président du conseil d’administration de cette société, présentant ladite société comme étant une des principales sociétés d’ingénierie, de sous-traitance et de construction en Syrie, établie en 1990, exécutant d’importants projets en Syrie et à l’étranger et dont les clients appartenant au secteur public sont les sociétés Syrian Petroleum Company, Syrian Gas Company, Al Furat Petroleum Company, Mahrukat Company et six ministères du gouvernement syrien dont le ministère de la Défense et décrivant sa participation en tant que sous-traitant de la société russe Stroytransgaz dans un projet gazier de grande ampleur développé en Syrie ;

–        du site Internet The Japan Times, qui, dans un article du 7 décembre 2015 intitulé « Islamic State’s Raqqa bastion bombed » (Le bastion de Raqqa de l’État islamique bombardé), fait référence au requérant comme étant le copropriétaire de HESCO, décrite comme une importante société d’ingénierie et de construction en Syrie ;

–        du site Internet The Syria Report, qui mentionne, sur une page du 8 juillet 2012, que le requérant est le président du conseil d’administration de HESCO, elle-même présentée comme une société d’ingénierie et de construction impliquée dans des projets tels que la construction d’un pipeline en Jordanie ou des postes de collecte de gaz dans la région de Palmyre (Syrie) pour Syrian Petroleum Company, et qui reprend, dans un article consulté le 1er novembre 2017 et intitulé « Stroytransgaz Still Operating in Syria – Minister » (Stroytransgaz est toujours en activité en Syrie – Ministre), une déclaration faite par un ministre syrien en 2014 selon laquelle Stroytransgaz continuait d’exercer des activités en Syrie et s’était vu confier par le régime syrien la construction d’une installation de traitement de gaz ;

–        du site Internet Factiva, qui indique, sur une page consultée le 12 juillet 2016, que le requérant est un des hauts dirigeants de HESCO ;

–        du site Internet Ariba Discovery, qui présente, sur une page mise à jour en dernier lieu le 27 mai 2014, HESCO comme une entreprise de taille significative opérant, notamment, dans les secteurs du gaz, du pétrole et de la construction, employant 1 150 personnes et dont le chiffre d’affaires se situe entre 100 et 500 millions de dollars des États-Unis d’Amérique [(USD), environ entre 72,32 et 361,63 millions d’euros] ;

–        du site Internet The Economist qui mentionne, dans un article du 27 avril 2015 et intitulé « Oil output falls below 10,000 [barrels/day] » (La production de pétrole tombe en dessous de 10 000 barils/jour), HESCO comme participant à un projet gazier en Syrie avec Stroytransgaz ;

–        du site Internet Hydrocarbon Technology qui fait référence, sur une page datée du 3 février 2016 et intitulée « Arab Gas Pipeline (AGP), Jordan, Syria, Lebanon, Egypt » (Le Gazoduc arabe entre la Jordanie, la Syrie, le Liban et l’Égypte), au projet gazier en Syrie dans lequel HESCO agit en tant que l’un des sous-traitants de Stroytransgaz ;

–        du site Internet The Syrian Observer qui indique, dans un article du 11 mars 2014 et intitulé « Who is George Haswani, Who Helped Release Maaloula Nuns ? » (Qui est George Haswani qui a aidé à libérer les religieuses de Maaloula [Syrie] ?), que, à la fin de l’année 2013, le requérant a achevé la construction d’une usine de traitement de gaz dans le centre de la Syrie, en tant que sous-traitant de Stroytransgaz ;

–        du site Internet Inform Napalm qui fait référence, dans un article du 21 mai 2016 rédigé par A et intitulé « Russia’s economy interests behind its risky military move in Syria » (Les intérêts économiques de la Russie derrière son intervention militaire risquée en Syrie), à HESCO comme étant la principale sous-traitante de Stroytransgaz pour les projets gaziers et d’irrigation en Syrie ; cet article précise que Stroytransgaz s’est vu attribuer la construction du gazoduc arabe (AGP) d’une longueur de 319 kilomètres ; en outre, cet article mentionne le requérant comme étant le directeur de HESCO ;

–        du site Internet All4Syria qui mentionne dans un article publié le 10 mars 2014 et intitulé « Who is George Haswani, Who Helped Secure the Release of the Nuns ? » (Qui est George Haswani qui a aidé à libérer les religieuses ?), la société HESCO, créée comme une société sous-traitante de sociétés de pétrole et gaz russes ;

–        du site Internet Business Insider qui identifie, dans un article en date du 7 mars 2015 rédigé par B et intitulé « More details about the Syrian Christian businessman serving as Assad Regime’s liaison to ISIS » (Plus de détails sur le Syrien de confession chrétienne qui sert d’intermédiaire au régime d’Assad avec l’EIIL), HESCO comme étant la sous-traitante de Stroytransgaz et comme travaillant sur des projets conjoints au Soudan, en Algérie, dans les Émirats arabes unis ou en Irak et dans la construction d’une usine de traitement de gaz à Palmyre et qui indique que le requérant, par le biais de sa société HESCO, a livré des pièces de rechange aux véhicules militaires russes et leur a fourni du pétrole ; cet article identifie le requérant comme ayant des liens étroits avec le régime du président Bashar Al-Assad et personnellement avec le président Bashar Al-Assad ;

–        du site Internet Le Monde qui mentionne, dans un article du 26 février 2016, rédigé par C et intitulé « En Syrie, le régime [syrien], la Russie et l’État islamique unis pour exploiter un champ de gaz », d’une part, le fait que la Syrie a accordé le contrat de la construction de l’une des plus grandes installations gazières du pays à Stroytransgaz, épaulée par HESCO, propriété du requérant et, d’autre part, le fait que le requérant est très proche de M. Bashar Al-Assad ;

–        du site Internet Financial Times qui publie, dans un article en date du 15 octobre 2015, rédigé par D et E et intitulé « Isis Inc : Syria’s “mafia-style” gas deals with jihadis » (EIIL [...] : la « mafia syrienne du gaz » fait des affaires avec les djihadistes), un rapport détaillé sur une usine de traitement de gaz à Tuweinan (Syrie) en octobre 2015, selon lequel le site est en partie géré par HESCO, dont le propriétaire est le requérant et selon lequel les approvisionnements en gaz alimentent 90 % du réseau électrique de Syrie, dont dépend le régime de Bashar Al-Assad ;

–        du site Internet de l’organisation non gouvernementale Counter Extremism Project (le projet de lutte contre l’extrémisme, ci-après l’« ONG Counter Extremism Project ») qui, dans une lettre adressée au requérant en date du 6 mars 2015, faisait état de ses inquiétudes quant au rôle supposé du requérant comme intermédiaire dans les transactions pétrolières entre l’EIIL et le régime syrien et l’implication de sa société HESCO ;

–        du site Internet « companycheck.co.uk », consulté le 16 octobre 2017, qui est relatif à la société HESCO engineering and construction Company Limited sise à Londres (Royaume-Uni) et propose d’acheter le rapport de solvabilité de ladite société ;

–        du site Internet « endole.co.uk » qui indique, sur une page consultée le 3 février 2016 et relative à HESCO Engineering and Construction Company Limited, basée à Londres, que la société poursuit ses activités, qu’elle dispose de 2,04 millions de livres sterling [(GBP) environ 2,67 millions d’euros] d’actifs, qu’elle est estimée d’une valeur de 207 260 GBP (environ 271 894,84 euros) et que ses dossiers au registre du commerce sont à jour et qui propose d’acheter son rapport de solvabilité ; le requérant est indiqué comme ayant été le directeur de cette société et ayant démissionné ;

–        de la base de données commerciales en ligne Companies House sur une page consultée le 16 octobre 2017 ainsi qu’une capture d’écran contenant le sceau et la mention « Companies House », qui mentionnent le fait que le requérant n’est plus le directeur de HESCO Engineering and Construction Company Limited depuis le 20 octobre 2014 ;

–        de la base de données commerciales en ligne Trusted Numbers qui, sur une page consultée le 11 juillet 2016, indique une même adresse pour HESCO et HESCO Engineering and Construction Company Limited ;

–        de la base de données commerciales en ligne Data Rex qui mentionne, sur une page consultée le 11 juillet 2017, le requérant comme le directeur de HESCO ;

–        du site Internet de l’United States Department of the Treasury (département du Trésor des États-Unis d’Amérique) qui a publié, le 25 novembre 2015, un communiqué de presse de l’« Office of Foreign Assets Control » (Bureau du contrôle des avoirs étrangers) relatif à l’inscription du nom du requérant ainsi que de HESCO et de son alias, HESCO Engineering and Construction Company Limited, sur la « Office of Foreign Assets Control’s Specially Designated Nationals And Blocked Persons List » (liste du Bureau du contrôle des avoirs étrangers des ressortissants et des personnes bloquées spécialement désignées).

105    En outre, le Conseil a également produit la réponse du requérant du 23 mars 2015 à la lettre de l’ONG Counter Extremism Project qui lui avait été adressée le 6 mars 2015. Dans cette lettre, le requérant définissait HESCO comme une société d’ingénierie et de construction spécialisée dans l’industrie du pétrole et du gaz, travaillant dans ce secteur depuis 15 ans en tant que sous-traitant, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire syrien. Ainsi, il a mentionné les partenariats de HESCO avec deux entreprises russes, dont Stroytransgaz, l’ayant amenée à opérer, notamment, en Algérie, au Soudan ou encore aux Émirats arabes unis. Quant à la filiale de HESCO, basée à Londres, le requérant a indiqué qu’elle concluait des contrats pour l’obtention de matériaux divers afin de réaliser les projets de construction de HESCO. En revanche, il niait tout commerce lié à l’achat ou à la revente dans les secteurs pétroliers et gaziers. En outre, il a soutenu, en substance, que l’allégation selon laquelle il jouerait le rôle d’intermédiaire, au travers de sa société HESCO, entre l’EIIL et le régime syrien se fonderait uniquement sur leur travail dans un projet gazier, qu’il déplorait être contrôlé par l’EIIL. Cependant, il a indiqué qu’il n’achetait pas de pétrole à ce dernier au profit du régime syrien.

–       Sur la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil

106    Le requérant remet en cause la possibilité pour le Conseil de se prévaloir de preuves émanant de sources journalistiques ou politiques afin d’étayer les motifs d’inscription et en conteste, en substance, la fiabilité.

107    À cet égard, outre la jurisprudence citée au point 100 ci-dessus, il y a lieu de relever que, en l’absence de pouvoirs d’enquête dans des pays tiers, l’appréciation des autorités de l’Union doit, de fait, se fonder sur des sources d’information accessibles au public, des rapports, des articles de presse ou d’autres sources d’information similaires (voir arrêt du 12 février 2020, Kibelisa Ngambasai/Conseil, T‑169/18, non publié, EU:T:2020:58, point 96 et jurisprudence citée).

108    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et que le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, point 161 et jurisprudence citée).

109    En l’espèce, premièrement, contrairement à ce que soutient le requérant, le Conseil ne s’est pas fondé exclusivement sur des articles de presse ou sur des documents émanant de sources politiques, mais il a également produit des captures d’écran provenant du site Internet de HESCO, des bases de données commerciales Companies House, Trusted Numbers et Data Rex, du site Internet de l’United States Department of the Treasury. Le Conseil s’est également fondé sur une lettre adressée par l’ONG Counter Extremism Project au requérant et sur la réponse de ce dernier à ladite lettre.

110    Deuxièmement, concernant la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil, le requérant n’avance pas d’argument spécifique à cet égard, soutenant seulement qu’ils ne peuvent pallier les insuffisances et les défaillances au regard des exigences en matière de preuves dans un système de droit relevant d’institutions démocratiques, sans expliciter les insuffisances et les défaillances reprochées.

111    En tout état de cause, il convient de constater que les articles de presse émanent de sources d’informations numériques d’origines variées, non seulement locales, comme The Syria Report, mais également étrangères, telles que The Japan Times, The Economist, Inform Napalm, Le Monde ou encore Financial Times. En outre, le Conseil a produit des pages provenant du site Internet de HESCO, dont le requérant ne conteste pas être le président du conseil d’administration, du site Internet de l’United States Department of the Treasury et de bases de données commerciales, relayant des informations dépourvues de toute appréciation journalistique, et également une lettre adressée par l’ONG Counter Extremism Project au requérant et la réponse de ce dernier à cette lettre. Il convient encore de remarquer que ces différentes sources relayent des éléments d’information qui se corroborent. Enfin, il a déjà été jugé que, même si les éléments de preuve soumis par le Conseil n’indiquaient pas tous de manière expresse la source primaire de leurs informations, la situation de guerre en Syrie rendait, en pratique, difficile, voire impossible, le recueil de témoignages de la part de personnes acceptant d’être identifiées. Les difficultés d’investigation qui s’ensuivent et le danger auquel s’exposent ceux qui livrent des renseignements font obstacle à ce que des sources précises faisant état de comportements personnels de soutien au régime soient apportées (arrêt du 26 octobre 2016, Kaddour/Conseil, T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628, point 87).

112    Ainsi, au vu de ce qui précède, et en l’absence d’élément dans le dossier susceptible de remettre en cause la fiabilité des sources utilisées par le Conseil, il y a lieu de leur reconnaître un caractère sensé et fiable, au sens de la jurisprudence rappelée au point 108 ci-dessus.

–       Sur l’examen du critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie

113    Il convient de vérifier, ensuite, si l’ensemble des éléments de preuve soumis par le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe et constitue un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer le motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause.

114    En premier lieu, il convient de relever qu’il ressort de la quasi-totalité des éléments de preuve décrits aux points 104 et 105 ci-dessus et soumis par le Conseil que le requérant a fondé HESCO, société active dans le secteur de l’ingénierie et de la construction pétrolière et gazière, et qu’il en est copropriétaire. En particulier, ces éléments d’information se trouvent sur la page extraite du site Internet de HESCO elle-même, mais également sur la page extraite de la base de données commerciales Data Rex et sont confirmés par des articles émanant de différents sites Internet tels que The Syria Report, Le Monde ou encore The Japan Times. En outre, il importe de relever que ces éléments d’information sont corroborés par la réponse du requérant à la lettre de l’ONG Counter Extremism Project. Enfin, dans le cadre de la requête, le requérant ne nie pas son implication au sein de HESCO.

115    En second lieu, il y a lieu de relever que la quasi-totalité des preuves énumérées aux points 104 et 105 ci-dessus indique que HESCO est une société active dans le secteur de l’ingénierie et de la construction opérant dans les secteurs du gaz et du pétrole, ayant son siège à Damas (Syrie) et développant des projets de grande importance au Moyen-Orient. En particulier, ces éléments d’information sont mis en avant sur le site Internet de HESCO qui se décrit comme étant l’une des principales sociétés d’ingénierie, de sous-traitance et de construction en Syrie, établie en 1990, exécutant d’importants projets en Syrie et à l’étranger. À cet égard, le site Internet de HESCO mentionne un projet gazier de grande ampleur réalisé en Syrie pour le compte de la société Syrian Gas Company, en tant que sous-traitant de la société russe Stroytransgaz. Cet élément d’information est d’ailleurs confirmé par les articles émanant des sites Internet The Economist et Le Monde, tandis que de nombreux autres articles, comme ceux provenant de The Syria Report, Inform Napalm, et Financial Times, relayent l’information relative à la place importante occupée par HESCO dans le secteur gazier et font référence à d’autres projets auxquels ladite société participe. De plus, il convient de relever que l’extrait du site Internet Ariba Discovery présente HESCO comme étant une société de taille significative dont le chiffre d’affaires se situe entre 100 et 500 millions d’USD et employant 1 150 personnes. Enfin, ces éléments d’information sont corroborés par la réponse du requérant à la lettre de l’ONG Counter Extremism Project.

116    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptible de mettre en évidence le fait que le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie en raison du rôle qu’il exerce et des intérêts qu’il possède dans HESCO, importante société d’ingénierie et de construction.

117    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments avancés par le requérant.

118    Premièrement, le requérant soutient que le Conseil n’a pas effectué une appréciation in concreto de sa situation, dès lors qu’il n’a pas tenu compte de la circonstance qu’il serait retraité et ne serait plus en activité depuis de nombreuses années. Il s’ensuivrait qu’il ne verrait pas de quelle manière se manifesterait l’influence qu’il exercerait. Certes, le requérant indique, sans être contredit, être âgé de 75 ans. Toutefois, force est de constater que, comme le soutient le Conseil, le requérant n’a produit aucun élément de preuve permettant de confirmer son statut de retraité ainsi que le fait qu’il ne serait plus en activité depuis de nombreuses années. En tout état de cause, le caractère vague et général de ses allégations, dû au fait qu’il ne précise pas par rapport à quel emploi et à quelle fonction il serait retraité, ne permet pas de remettre utilement en cause son statut de copropriétaire ni de président du conseil d’administration de HESCO. Au surplus, même à admettre que le requérant se soit retiré de toutes ses fonctions, y compris, donc, de celle de président du conseil d’administration de HESCO, il n’en demeurerait pas moins qu’il reste son copropriétaire, de sorte qu’il y a lieu de conclure qu’il continue à y avoir des intérêts, voire est en mesure d’exercer une influence sur celle-ci.

119    Deuxièmement, le requérant ne saurait soutenir que le Conseil n’a pas démontré l’influence considérable qu’il était susceptible d’avoir au sein de HESCO, dès lors qu’il ressort très clairement de l’ensemble des preuves fournies qu’il est le copropriétaire de cette société et en est le président du conseil d’administration. Dans la mesure où, en outre, cette société jouit d’une place particulière dans l’industrie pétrolière et gazière en tant que société spécialisée en ingénierie et en construction dans ces secteurs, le Conseil était fondé à considérer que le requérant avait des intérêts et des activités dans les secteurs de l’ingénierie, de la construction, du pétrole et du gaz. Enfin, HESCO elle-même se prévaut, sur son site Internet, d’être l’une des principales entreprises d’ingénierie, de construction et de sous-traitance en Syrie, de sorte que le requérant ne saurait être considéré autrement que comme un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

120    Troisièmement, le requérant nie l’existence d’un lien entre lui et le régime syrien en raison de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Il convient de comprendre l’argument du requérant comme visant à renverser la présomption de lien existant entre lui et le régime syrien. En ce sens, le requérant entend se prévaloir, d’une part, des conclusions du Tribunal dans l’arrêt du 22 mars 2017, Haswani/Conseil (T‑231/15, non publié, EU:T:2017:200). En effet, selon lui, cet arrêt aurait établi de manière définitive qu’aucun lien n’existait entre lui et le régime syrien. D’autre part, il invoque l’arrêt du 12 février 2015, Akhras/Conseil (T‑579/11, non publié, EU:T:2015:97, point 69), qui aurait reconnu que la direction d’une activité commerciale et industrielle ne suffisait pas à établir un lien avec le régime.

121    À cet égard, il convient de relever que l’arrêt du 12 février 2015, Akhras/Conseil (T‑579/11, non publié, EU:T:2015:97), a été rendu dans un contexte législatif différent de celui existant au moment de l’adoption des actes de maintien de 2021. En particulier, il s’inscrivait dans un contexte législatif spécifique, à savoir celui résultant de la décision 2013/255 avant sa modification en 2015 par la décision 2015/1836, où les seuls critères qui existaient pour l’inscription du nom d’une personne sur les listes en cause étaient, précisément, les liens étroits entretenus avec le régime syrien, le soutien à ce dernier ou le bénéfice tiré de celui-ci.

122    Toutefois, en l’espèce, l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause a eu lieu dans le contexte législatif résultant de la décision 2013/255 telle que modifiée par la décision 2015/1836. À ce titre, la décision 2015/1836 a notamment introduit comme critère d’inscription objectif, autonome et suffisant celui de « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », de sorte que le Conseil n’est plus tenu de démontrer l’existence d’un lien entre cette catégorie de personnes et le régime syrien, au sens où l’entendait la décision 2013/255 avant sa modification, ni non plus entre cette catégorie de personnes et le soutien apporté à ce régime ou le bénéfice tiré de ce dernier, étant donné qu’être une femme ou un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie suffit pour l’application des mesures restrictives en cause à une personne. Ainsi, il ne découle aucunement de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, qu’il incomberait au Conseil de rapporter la preuve que tant la condition relative à la situation de femme ou d’homme d’affaires influent que celle de liens suffisants avec le régime sont cumulativement remplies [voir, en ce sens, arrêts du 11 septembre 2019, HX/Conseil, C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, point 38 ; du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil, C‑241/19 P, EU:C:2020:545, points 71 à 74, et du 4 avril 2019, Sharif/Conseil, T‑5/17, EU:T:2019:216, points 55 et 56 (non publiés)].

123    En ce sens, le Tribunal a considéré qu’il pouvait être déduit du critère relatif à la qualité de « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » une présomption réfragable de lien avec le régime syrien (voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2019, Sharif/Conseil, T‑5/17, EU:T:2019:216, point 106, et ordonnance du 11 septembre 2019, Haswani/Conseil, T‑231/15 RENV, non publiée, EU:T:2019:589, point 60). Cette présomption trouve à s’appliquer dès lors que le Conseil est en mesure de démontrer non seulement que la personne est une femme ou un homme d’affaires exerçant ses activités en Syrie, mais aussi qu’elle peut être qualifiée d’influente. En effet, ainsi qu’il ressort des termes du considérant 6 de la décision 2015/1836, c’est l’influence que cette catégorie de personnes est susceptible d’exercer sur le régime syrien que le Conseil vise à exploiter en les poussant, par l’intermédiaire des mesures restrictives qu’il adopte à leur égard, à faire pression sur le régime syrien pour qu’il modifie sa politique de répression. Ainsi, dès lors que le Conseil est parvenu à démontrer l’influence qu’une femme ou un homme d’affaires peut exercer sur ledit régime, le lien entre ladite personne et le régime syrien est présumé.

124    Par conséquent, il convient également de rejeter l’argument du requérant visant à contester le caractère suffisant de la présomption de lien entre la qualité de « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » et le régime syrien. En effet, cet argument prend appui sur un courant de jurisprudence, auquel appartient l’arrêt du 12 février 2015, Akhras/Conseil (T‑579/11, non publié, EU:T:2015:97), qui n’est plus pertinent dans le cadre du contexte législatif des actes de maintien de 2021. De plus, force est de constater que le requérant n’a pas contesté la légalité du critère d’inscription prévu à l’article 27, paragraphe 2, sous a), et à l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836. Il ne saurait non plus être déduit de son argument, visant à faire valoir que les actes de maintien de juillet 2017, qui reprennent les critères de la décision 2015/1836, méconnaissent le principe de sécurité juridique, qu’il entend soulever une exception d’illégalité, conformément à l’article 277 TFUE, à l’encontre de l’article 27, paragraphe 2, sous a), et de l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836. En effet, par cet argument, il entend contester le bien-fondé des actes de maintien de 2021 qui, selon lui, ne lui permettent pas de savoir pour quelles activités il pourrait être sanctionné et ne soutient pas que la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, devrait être déclarée inapplicable à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil, T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608, point 159).

125    En outre, il y a lieu de rappeler que le respect des règles relatives à la charge et à l’administration de la preuve en matière de mesures restrictives par le Tribunal implique que ce dernier respecte le principe énoncé par la jurisprudence constante mentionnée au point 96 ci-dessus et rappelé par la Cour dans l’arrêt du 11 septembre 2019, HX/Conseil (C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, points 48 à 50), selon lequel, en substance, la charge de la preuve incombe à l’institution en cas de contestation du bien-fondé des motifs d’inscription. La Cour a ainsi jugé que la charge de la preuve de l’existence d’informations suffisantes, au sens de l’article 27, paragraphe 3, et de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, indiquant que la partie requérante n’était pas, ou n’était plus, liée au régime syrien, qu’elle n’exerçait aucune influence sur celui-ci et qu’elle n’était pas associée à un risque réel de contournement des mesures restrictives adoptées à l’égard de ce régime n’incombait pas à cette partie (voir, en ce sens, arrêts du 14 juin 2018, Makhlouf/Conseil, C‑458/17 P, non publié, EU:C:2018:441, point 86, et du 11 septembre 2019, HX/Conseil, C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, points 50 et 51).

126    Par conséquent, il ne saurait être imposé à la partie requérante un niveau de preuve excessif aux fins de renverser la présomption de lien avec le régime syrien. Ainsi, celle-ci doit être considérée comme ayant réussi à renverser ladite présomption si elle fait valoir des arguments ou des éléments susceptibles de remettre sérieusement en cause la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil ou leur appréciation, notamment au regard des conditions posées par l’article 27, paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ou si elle produit devant le juge de l’Union un faisceau d’indices de l’inexistence ou de la disparition du lien avec le régime syrien, ou de l’absence d’influence sur ledit régime ou de l’absence d’association à un risque réel de contournement des mesures restrictives, conformément à l’article 27, paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 3, de cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2020, Zubedi/Conseil, T‑186/19, EU:T:2020:317, point 71, et du 16 mars 2022, Sabra/Conseil, T‑249/20, EU:T:2022:140, points 133).

127    En l’espèce, force est de constater que le requérant ne se fonde que sur l’arrêt du 22 mars 2017, Haswani/Conseil (T‑231/15, non publié, EU:T:2017:200), pour renverser cette présomption.

128    Or, son argument ne saurait prospérer dès lors qu’il part de la prémisse erronée que l’annulation par le Tribunal de décisions en matière de mesures restrictives adoptées par le Conseil aurait pour conséquence que ce dernier ne puisse plus adopter de nouvelles mesures pour les mêmes motifs. Au contraire, il ressort de la jurisprudence que le Conseil a la possibilité de réinscrire le nom du requérant sur les listes en cause sur la base des mêmes motifs que ceux retenus lors de la première inscription pour autant, toutefois, que d’autres éléments de preuve que ceux apportés par le Conseil lors de la première inscription étayent à suffisance de droit lesdits motifs (voir, en ce sens, arrêts du 29 novembre 2018, National Iranian Tanker Company/Conseil, C‑600/16 P, EU:C:2018:966, points 45, 52 et 54, et du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil, T‑461/16, EU:T:2018:316, points 57, 69 et 83).

129    Il convient de déduire de cette jurisprudence que l’annulation, d’une part, des actes initiaux et, d’autre part, des actes de maintien de 2015 prononcée par l’arrêt du 22 mars 2017, Haswani/Conseil (T‑231/15, non publié, EU:T:2017:200), n’empêchait pas le Conseil, lors de l’exécution de cet arrêt, de se fonder, à nouveau, sur l’existence d’un lien entre le requérant et le régime syrien pour réinscrire et maintenir son nom sur les listes en cause, dès lors que de nouveaux éléments de preuve substantiels auraient été présentés afin d’étayer à suffisance de droit celle-ci.

130    En l’espèce, il y a lieu de relever que les éléments de preuve invoqués par le Conseil au soutien des actes de maintien de 2021 sont distincts de ceux qui avaient été soumis au Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 mars 2017, Haswani/Conseil (T‑231/15, non publié, EU:T:2017:200). En effet, le Conseil invoque à l’appui de sa décision de maintien de nouvelles pièces qui ne figuraient pas dans le dossier du requérant lors de la première inscription de son nom sur les listes en cause et sur lesquelles le Tribunal n’a dès lors pas statué dans l’arrêt du 22 mars 2017, Haswani/Conseil (T‑231/15, non publié, EU:T:2017:200). Or, ainsi qu’il résulte du point 116 ci-dessus, les éléments de preuve produits par le Conseil sont suffisants pour étayer à suffisance de droit le motif d’inscription tiré de la qualité d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, qui présume l’existence d’un lien avec le régime syrien. Dès lors, le requérant ne saurait se prévaloir de l’arrêt du 22 mars 2017, Haswani/Conseil (T‑231/15, non publié, EU:T:2017:200), pour renverser la présomption de lien avec le régime syrien en l’espèce et aurait dû apporter des indices de nature à la renverser, ce qu’il n’a pas fait.

131    Au vu de tout ce qui précède, il convient de constater que le requérant n’a présenté aucun argument ni élément permettant de douter de la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil ou de l’appréciation qu’il convenait d’en faire, ni n’a fait état d’aucun indice concret permettant au Tribunal de considérer qu’il n’existait pas, ou plus, de lien entre lui et le régime syrien, qu’il n’exerçait aucune influence sur ce régime ni qu’il était étranger à tout risque réel de contournement des mesures restrictives.

132    Partant, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

133    À l’appui de son troisième moyen, premièrement, le requérant soutient que les actes de maintien de 2021 ont été adoptés par voie générale sans tenir compte de sa situation concrète et individuelle en violation du principe de proportionnalité.

134    Deuxièmement, il fait valoir, en substance, que les mesures restrictives prises à son égard sont inappropriées et disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi, à savoir la lutte contre la répression exercée par le régime syrien, d’autant plus que l’effet positif pour la population exposée ne saurait être observé en l’absence de lien, établi avec suffisance, avec le régime syrien.

135    Troisièmement, les mesures restrictives constitueraient une ingérence injustifiée à l’exercice de ses droits fondamentaux, tels que consacrés aux articles 15 à 17 de la Charte. En outre, le caractère disproportionné de telles mesures découlerait de ce qu’elles visent toute activité économique influente sans autre critère. Enfin, le requérant considère que la motivation indistincte des mesures restrictives équivaudrait à une prohibition générale des activités économiques en Syrie.

136    Quatrièmement, le requérant soutient en substance que le Conseil n’aurait envisagé aucune mesure moins contraignante que la mesure litigieuse, qui serait, néanmoins, appropriée pour la réalisation des objectifs poursuivis par les actes de maintien de 2021. Dès lors, les mesures restrictives adoptées à l’encontre de la Syrie ne respecteraient pas le principe de proportionnalité posé par l’article 28, paragraphe 4, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836.

137    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

138    Il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union et qui est repris à l’article 5, paragraphe 4, TUE, exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (voir arrêt du 31 janvier 2019, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, C‑225/17 P, EU:C:2019:82, point 102 et jurisprudence citée).

139    De plus, selon une jurisprudence constante, si le respect des droits fondamentaux constitue une condition de la légalité des actes de l’Union, ces droits fondamentaux ne jouissent pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ces droits, à condition qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 97 et jurisprudence citée).

140    Il en résulte que les droits fondamentaux invoqués par le requérant, à savoir le droit de propriété, consacré à l’article 17 de la Charte, et la liberté d’exercer une activité économique, consacrée aux articles 15 et 16 de la Charte, ne sont pas des prérogatives absolues et que leur exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Ainsi, toute mesure restrictive économique ou financière comporte, par définition, des effets qui affectent le droit de propriété et l’activité économique de la personne ou de l’entité qu’elle vise, causant ainsi des préjudices à cette dernière. L’importance des objectifs poursuivis par les mesures restrictives en cause est toutefois de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour les personnes ou les entités concernées (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 115).

141    En l’espèce, il est certes vrai que les droits du requérant sont restreints en partie du fait des mesures restrictives prises à son égard, dès lors qu’il ne peut pas, notamment, disposer de ses fonds éventuellement situés sur le territoire de l’Union ni les transférer vers l’Union, sauf en vertu d’autorisations particulières. De même, les mesures restrictives visant le requérant peuvent avoir un impact sur ses éventuelles activités professionnelles en raison des mêmes motifs et des limitations prévues quant à l’entrée ou au passage en transit sur le territoire de l’Union.

142    Cependant, en premier lieu, l’adoption de mesures restrictives à l’encontre du requérant revêt un caractère adéquat, dans la mesure où elle s’inscrit dans un objectif d’intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale que la protection des populations civiles. En effet, le gel de fonds, d’avoirs financiers et d’autres ressources économiques ainsi que l’interdiction d’entrer sur le territoire de l’Union concernant des personnes identifiées comme étant impliquées dans le soutien au régime syrien ne sauraient, en tant que tels, passer pour inadéquats (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 100 et jurisprudence citée).

143    À cet égard, il convient de rappeler que, si les mesures restrictives en cause ne visaient que les dirigeants du régime syrien, et non également les personnes soutenant ce régime, la réalisation des objectifs poursuivis par le Conseil aurait pu être mise en échec, ces dirigeants pouvant facilement obtenir le soutien, notamment financier, dont ils avaient besoin pour poursuivre ladite répression, par le biais d’autres personnes (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 147).

144    Ainsi, dès lors qu’il a été établi que le requérant était un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et qu’il n’avait pas renversé la présomption de lien avec le régime syrien, il ne saurait soutenir que l’adoption de mesures restrictives à son égard ne pourrait pas avoir un effet positif afin d’atteindre l’objectif défini au point 142 ci-dessus, ni que le Conseil a adopté les actes de maintien de 2021 sans tenir compte de sa situation concrète et individuelle.

145    En second lieu, en ce qui concerne leur caractère nécessaire, il convient de constater que les mesures alternatives et moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable ou une obligation de justification a posteriori de l’usage des fonds versés, ne permettent pas aussi efficacement d’atteindre l’objectif poursuivi, à savoir l’exercice d’une pression sur les soutiens du régime syrien, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 101 et jurisprudence citée).

146    Il en résulte que, étant donné l’importance primordiale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, les restrictions aux droits du requérant causées par les actes de maintien de 2021 sont justifiées par un objectif d’intérêt général et ne sont pas disproportionnées au regard des buts visés.

147    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument du requérant selon lequel, en substance, le Conseil n’aurait envisagé aucune mesure moins contraignante que la mesure litigieuse, qui serait, néanmoins, appropriée pour la réalisation des objectifs poursuivis par les actes de maintien de 2021. Il convient de comprendre cet argument comme visant à soutenir que les mesures en cause ne respectent pas le principe de proportionnalité posé par l’article 28, paragraphe 4, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836.

148    L’article 28, paragraphe 4, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, dispose que toutes les décisions d’inscription sur la liste sont prises sur une base individuelle et au cas par cas en tenant compte de la proportionnalité de la mesure.

149    Or, il convient de relever que le requérant ne précise pas quelles mesures moins contraignantes, alternatives ou plus adaptées à sa situation, auraient pu être prises par le Conseil. En outre, il résulte du point 144 ci-dessus, qu’il a été tenu compte de la situation concrète et individuelle du requérant. En tout état de cause, il doit être rappelé que, comme le soutient, en substance, le Conseil, l’article 28, paragraphe 6, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ainsi que l’article 16 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 364, et du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 127).

150    Par conséquent, il convient de rejeter l’argument du requérant.

151    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen et, partant, les conclusions en annulation dans leur ensemble comme étant non fondées.

 Sur les conclusions en indemnité

152    Premièrement, le requérant demande la réparation du préjudice qu’il prétend avoir subi du fait du maintien de son nom sur les listes en cause en raison, notamment, de ses liens avec l’EIIL. En effet, le maintien de cette motivation comme base des actes de maintien de 2021 serait source d’opprobre et de méfiance. À cet égard, le requérant reproche au Conseil d’avoir maintenu cette motivation, notamment, dans les actes de maintien de 2017, alors que le Tribunal a considéré, dans l’arrêt du 22 mars 2017, Haswani/Conseil (T‑231/15, non publié, EU:T:2017:200), que le Conseil n’avait pas apporté de preuves suffisantes pour démontrer l’existence d’un lien entre le requérant et l’EIIL. Deuxièmement, le requérant fait valoir que l’imputation de certains faits graves non prouvés les expose, lui et sa famille, à des périls, ce qui illustrerait l’importance du préjudice subi. Souffrant, par ailleurs, de sérieux problèmes de santé, le requérant sollicite l’allocation d’une somme de 100 000 euros au titre du préjudice moral subi.

153    Le Conseil fait part de ses doutes quant à la recevabilité des conclusions en indemnité compte tenu des exigences posées par l’article 76 du règlement de procédure et du manque de précision affectant la définition du caractère, de la réalité et de l’étendue du préjudice immatériel invoqué par le requérant. En tout état de cause, il conteste les arguments du requérant.

154    Il ressort de la jurisprudence que le principe de protection juridictionnelle effective des personnes ou entités visées par des mesures restrictives exige, afin que cette protection soit complète, que la Cour de justice de l’Union européenne puisse statuer sur un recours en indemnité introduit par ces personnes ou entités et visant à obtenir réparation des dommages causés par des mesures restrictives prévues par des décisions adoptées dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Partant, il convient de constater que la Cour et le Tribunal sont compétents pour statuer sur un recours en indemnité en tant que celui-ci vise à obtenir la réparation du préjudice prétendument subi en raison de mesures restrictives prises à l’encontre de personnes physiques ou morales et prévues par des décisions adoptées dans le cadre de la PESC (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2020, Bank Refah Kargaran/Conseil, C‑134/19 P, EU:C:2020:793, points 43, 44 et 49).

155    Il convient ensuite de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union du fait d’un comportement illicite de ses organes, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Dans la mesure où ces trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours en indemnité, sans qu’il soit dès lors nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, EU:T:2010:499, points 92 et 93). Par ailleurs, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (voir arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil, T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608, point 186 et jurisprudence citée).

156    En l’espèce, le requérant fait valoir, en substance, subir un préjudice en raison, d’une part, du maintien de son nom sur les listes en cause de l’affirmation selon laquelle il aurait des liens avec l’EIIL et, d’autre part, de l’imputation de certains faits graves non prouvés.

157    À cet égard, premièrement, il suffit de constater que, ainsi qu’il ressort du point 26 ci-dessus, la mention des liens entre le requérant et l’EIIL ne figure pas dans les motifs d’inscription de juillet 2017, tels que repris dans les actes de maintien de 2021, de sorte que celui-ci ne saurait alléguer l’existence d’un préjudice qui y serait lié.

158    Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que les arguments que le requérant a fait valoir afin de démontrer l’illégalité des actes de maintien de 2021 ont été rejetés, ainsi qu’il ressort du point 151 ci-dessus. Il résulte de ce qui précède que la condition relative à l’illégalité du comportement reproché à l’institution n’est pas remplie en l’espèce. Ainsi, l’une des conditions rappelées au point 155 ci-dessus n’étant pas remplie, la responsabilité de l’Union ne saurait être engagée.

159    Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires du requérant comme étant non fondées, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

160    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

161    En l’espèce, le requérant ayant succombé, il convient de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.


2)      M. George Haswani est condamné aux dépens.

Gervasoni

Madise

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 juin 2022.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Papasavvas


Table des matières


Antécédents du litige

Sur l’inscription initiale du nom du requérant sur les listes de personnes visées par les mesures restrictives

Sur les recours précédents introduits par le requérant

Sur la réinscription du nom du requérant sur les listes en cause et le maintien du nom du requérant sur les listes en cause jusqu’au 1 er juin 2022

Conclusions des parties

En droit

Remarques liminaires

Sur la compétence du Tribunal pour se prononcer sur le deuxième chef de conclusions du requérant

Sur les conclusions en annulation

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable

Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation et de l’absence de preuves

– Considérations liminaires

– Sur les éléments de preuve produits par le Conseil

– Sur la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil

– Sur l’examen du critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie

Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

Sur les conclusions en indemnité

Sur les dépens



*      Langue de procédure : le français.