Language of document : ECLI:EU:C:2020:679

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 9 septembre 2020 (1)

Affaires jointes C225/19 et C226/19

R.N.N.S. (C‑225/19),

K.A. (C‑226/19)

contre

Minister van Buitenlandse Zaken

[demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank Den Haag, zittingsplaats Haarlem (tribunal de La Haye, siégeant à Haarlem, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Règlement (CE) nº 810/2009 – Article 32 – Code communautaire des visas – Décision de refus de visa – Droit du demandeur de former un recours contre cette décision – Droit à un recours juridictionnel – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Bonne administration »






I.             Introduction

1.        Les deux demandes de décision préjudicielle formées par le rechtbank Den Haag zittingsplaats Haarlem (tribunal de La Haye siégeant à Haarlem, Pays-Bas), au titre de l’article 267 TFUE, ont pour objet l’interprétation de l’article 32 du règlement (CE) nº 810/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un code communautaire des visas (code des visas) (2), lu à la lumière des articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2.        Ces demandes interviennent dans le cadre de deux litiges opposant les requérants au principal aux autorités néerlandaises compétentes au sujet du rejet par ces dernières des demandes de visas présentées par les requérants respectifs. L’objet des questions préjudicielles posées à la Cour est, en substance, de savoir si un État membre, qui prend la décision finale de rejeter une demande de visa en vertu de l’article 32, paragraphe 1, du code des visas, après qu’un autre État membre a émis des objections à la délivrance d’un visa en raison d’une menace imminente pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique, ou pour les relations internationales d’un État membre, est tenu de communiquer, dans sa décision de rejet ou au cours de la procédure de recours subséquente, l’identité de l’État membre ayant émis les objections et quelle motivation au fond cet État membre a invoquée à cet égard. Une autre question qui sous-tend les litiges au principal concerne les voies de recours disponibles pour contester lesdites objections à la délivrance d’un visa.

3.        Les présentes affaires offrent une nouvelle occasion pour la Cour de se prononcer sur le droit à un recours effectif, tel qu’il découle de l’article 47 de la Charte, dans le domaine de la politique commune des visas, caractérisé par une harmonisation législative partielle (3), où l’autonomie procédurale des États membres joue encore un rôle non négligeable, et ce en dépit du fait que le code des visas, en tant qu’instrument régissant les conditions de délivrance, d’annulation ou d’abrogation des visas uniformes, requiert, en principe, une application uniforme (4) par toutes les autorités des États membres – que celles-ci relèvent du pouvoir exécutif ou du pouvoir judiciaire – pour garantir une mise en œuvre cohérente de cette politique.

4.        Le législateur de l’Union a laissé aux États membres le soin d’assurer l’application des dispositions du code des visas en conformité avec leurs règles de procédure respectives, imposant toutefois l’obligation de respecter certaines garanties procédurales reconnues dans l’ordre juridique de l’Union et qui constituent une expression de l’état de droit, à savoir l’obligation de motivation et le droit de recours. Il reviendra à la Cour la tâche d’élucider l’étendue de ces garanties procédurales et d’expliquer la manière dont il faut les mettre en œuvre dans le cadre de l’application des règles de procédure nationales lorsqu’un recours est formé contre un refus de visa, tout en prenant en compte les spécificités du domaine de la politique commune des visas. Ce faisant, non seulement la Cour défendra l’état de droit, mais elle contribuera aussi à atteindre les objectifs de cette politique.

II.           Le cadre juridique

A.      La Charte

5.        L’article 41 de la Charte est rédigé comme suit :

« 1.      Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union.

2.      Ce droit comporte notamment :

a)      le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ;

b)      le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires ;

c)      l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions.

[…] »

6.         L’article 47, premier alinéa, de la Charte dispose :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. »

7.        L’article 51, paragraphe 1, de la Charte est rédigé comme suit :

« Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions et organes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l’application, conformément à leurs compétences respectives. »

8.        L’article 52, paragraphe 1, de la Charte énonce :

« Toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui. »

B.      Le code des visas

9.        Les considérants 28 et 29 du code des visas énoncent :

« (28)      Étant donné que l’objectif du présent règlement, à savoir la définition des procédures et des conditions de délivrance des visas pour le transit ou les séjours prévus sur le territoire des États membres, d’une durée maximale de trois mois sur une période de six mois, ne [peut pas être réalisé] de manière suffisante par les États membres et [peut] donc être mieux réalis[é] au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité. Conformément au principe de proportionnalité tel qu’énoncé audit article, le présent règlement n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

(29)      Le présent règlement respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus notamment par la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. »

10.      L’article 1er, paragraphe 1, du code des visas est libellé comme suit :

« Le présent règlement fixe les procédures et conditions de délivrance des visas pour les transits ou les séjours prévus sur le territoire des États membres d’une durée maximale de trois mois sur une période de six mois. »

11.      L’article 2 du code des visas est libellé comme suit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[…]

2)      “visa”, l’autorisation accordée par un État membre en vue :

a)      du transit ou du séjour prévu sur le territoire des États membres, pour une durée totale n’excédant pas trois mois sur une période de six mois à compter de la date de la première entrée sur le territoire des États membres ;

[…]

3)      “visa uniforme”, un visa valable pour l’ensemble du territoire des États membres ; 

[…] »

12.      L’article 22 du code des visas prévoit :

« 1.      Un État membre peut exiger des autorités centrales des autres États membres qu’elles consultent ses propres autorités centrales au cours de l’examen des demandes introduites par les ressortissants de certains pays tiers ou par certaines catégories de ces ressortissants. Cette procédure de consultation n’est pas applicable aux demandes de visas de transit aéroportuaire.

2.      Les autorités centrales consultées donnent une réponse définitive dans un délai de sept jours calendaires à compter de la date de leur consultation. Faute de réponse dans le délai imparti, les autorités consultées sont réputées ne pas avoir d’objection à la délivrance du visa.

3.      Les États membres notifient à la Commission l’introduction ou la suppression de l’exigence de consultation préalable avant qu’elle devienne applicable. Ces informations sont également communiquées au niveau du ressort territorial concerné, dans le cadre de la coopération locale au titre de Schengen.

4.      La Commission informe les États membres des notifications reçues.

5.      À compter de la date de remplacement du réseau de consultation Schengen, visée à l’article 46 du règlement VIS, la procédure de consultation préalable est régie par l’article 16, paragraphe 2, dudit règlement. »

13.      L’article 32, paragraphes 1 à 3, du code des visas dispose :

« 1.      Sans préjudice de l’article 25, paragraphe 1, le visa est refusé :

a)      si le demandeur :

[…]

vi)      est considéré comme constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique, au sens de l’article 2, point 19, du code frontières Schengen, ou pour les relations internationales de l’un des États membres, et, en particulier, qu’il a fait l’objet, pour ces mêmes motifs, d’un signalement dans les bases de données nationales des États membres aux fins de non-admission, […]

2.      La décision de refus et ses motivations sont communiquées au demandeur au moyen du formulaire type figurant à l’annexe VI.

3.      Les demandeurs qui ont fait l’objet d’une décision de refus de visa peuvent former un recours contre cette décision. Ces recours sont intentés contre l’État membre qui a pris la décision finale sur la demande, conformément à la législation nationale de cet État membre. Les États membres fournissent aux demandeurs les informations relatives aux voies de recours, comme indiqué à l’annexe VI. »

14.      L’annexe VI du code des visas comprend un formulaire type à utiliser dans le cadre des décisions sur les demandes de visas. S’agissant de la motivation de la décision, il prévoit une liste de motifs de refus, qu’il convient de cocher. Le motif de refus no 5 est libellé comme suit :

« Vous avez fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen (SIS) par ____ (mentionner l’État membre). »

15.      Le motif de refus no 6 est libellé comme suit :

« Un ou plusieurs États membres estiment que vous représentez une menace pour l’ordre public, la sécurité nationale ou la santé publique, au sens de l’article 2, point 19, du règlement (CE) no 562/2006 (code frontières Schengen), ou pour les relations internationales d’un ou plusieurs États membres ».

C.      Le règlement VIS

16.      L’article 38 du règlement (CE) nº 767/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 9 juillet 2008, concernant le système d’information sur les visas (VIS) et l’échange de données entre les États membres sur les visas de court séjour (règlement VIS) (5) prévoit :

« 1. Sans préjudice de l’obligation de fournir d’autres informations conformément à l’article 12, point a), de la directive 95/46/CE, toute personne a le droit d’obtenir communication des données la concernant qui sont enregistrées dans le VIS ainsi que de l’identité de l’État membre qui les a transmises au VIS. Cet accès aux données ne peut être accordé que par un État membre. Chaque État membre enregistre toute demande d’accès de cette nature.

2. Toute personne a le droit de faire rectifier des données la concernant qui sont inexactes et de faire effacer des données la concernant qui sont stockées illégalement. La rectification et l’effacement sont effectués sans délai par l’État membre responsable, conformément à ses lois, réglementations et procédures.

3. Si la demande visée au paragraphe 2 est adressée à un État membre autre que l’État membre responsable, les autorités de l’État membre auquel la demande a été présentée prennent contact avec les autorités de l’État membre responsable dans un délai de quatorze jours. L’État membre responsable vérifie l’exactitude des données ainsi que la licéité de leur traitement dans le VIS dans un délai d’un mois.

4. S’il apparaît que les données enregistrées dans le VIS sont erronées ou y ont été enregistrées de façon illicite, l’État membre responsable les rectifie ou les efface conformément à l’article 24, paragraphe 3. Cet État membre confirme par écrit et sans délai à la personne concernée qu’il a procédé à la rectification ou à l’effacement des données la concernant.

5. Si l’État membre responsable n’estime pas que les données enregistrées dans le VIS sont erronées ou y ont été enregistrées de façon illicite, il indique par écrit et sans délai à la personne concernée les raisons pour lesquelles il n’est pas disposé à rectifier ou à effacer les données la concernant.

6. L’État membre responsable fournit également à la personne concernée des précisions quant aux mesures qu’elle peut prendre si elle n’accepte pas l’explication proposée. Cela comprend des informations sur la façon de former un recours ou de déposer une plainte devant les autorités compétentes ou les juridictions de cet État membre, ainsi que sur toute aide, y compris de la part des autorités de contrôle nationales visées à l’article 41, paragraphe 1, dont la personne concernée peut disposer en vertu des lois, réglementations et procédures de cet État membre. »

17.      L’article 40, paragraphe 1, du règlement VIS dispose :

« Dans chaque État membre, toute personne a le droit de former un recours ou de déposer une plainte devant les autorités ou juridictions compétentes de l’État qui a refusé le droit d’accès ou le droit de rectification ou d’effacement des données la concernant prévu à l’article 38, paragraphes 1 et 2. »

III.        Les faits à l’origine des litiges, les procédures au principal et les questions préjudicielles

18.      La juridiction de renvoi motive la nécessité de saisir la Cour des demandes de décision préjudicielle de manière identique pour les deux affaires, sauf en ce qui concerne la situation individuelle des requérants.

19.      Le requérant au principal dans l’affaire C‑225/19, R.N.N.S., est un ressortissant égyptien qui réside dans son pays d’origine. Il s’est marié, le 28 août 2017, avec une ressortissante néerlandaise.

20.      Le 7 juin 2017, il a demandé un visa Schengen auprès du Minister van Buitenlandse Zaken (ministre des Affaires étrangères, Pays-Bas), afin de rendre visite à ses futurs beaux-parents, résidant aux Pays-Bas.

21.      Par décision du 19 juin 2017, ce ministre a refusé la délivrance du visa. La décision de refus a été motivée par le fait qu’un ou plusieurs États membres, en l’espèce la Hongrie, considèrent R.N.N.S. comme constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique, au sens de l’article 2, point 19, du code frontières Schengen, ou pour les relations internationales de l’un des États membres.

22.      Le 31 octobre 2017, le ministre des Affaires étrangères a rejeté comme non fondée la réclamation introduite par R.N.N.S. à l’encontre de cette décision.

23.      Le 22 novembre 2017, R.N.N.S. a introduit un recours à l’encontre de cette dernière décision devant la juridiction de renvoi, en soutenant qu’il ne peut pas être considéré comme constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique ou pour les relations internationales de l’un des États membres. Le requérant invoque, notamment, l’absence d’une protection juridictionnelle effective, étant donné qu’il ne serait pas en mesure de contester la décision de refus du ministre des Affaires étrangères sur le fond. Selon ce ministre, le motif de refus de la Hongrie ne peut pas faire l’objet d’un contrôle quant au fond aux Pays-Bas, raison pour laquelle R.N.N.S. devrait saisir les juridictions hongroises à ces fins.

24.      La requérante au principal dans l’affaire C-226/19, K.A., est une ressortissante syrienne résidant en Arabie saoudite. Elle est veuve et a des enfants majeurs, l’un des enfants résidant en Suède et trois enfants résidant aux Pays-Bas.

25.      Le 2 janvier 2018, K.A. a demandé un visa Schengen auprès du ministre des Affaires étrangères, afin de rendre visite à son fils résidant aux Pays-Bas.

26.      Par décision du 15 janvier 2018, ce ministre a refusé la délivrance du visa. La décision de refus a été motivée par le fait qu’un ou plusieurs États membres, en l’espèce la République fédérale d’Allemagne, considèrent K.A. comme constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique, au sens de l’article 2, point 19, du code frontières Schengen, ou pour les relations internationales de l’un des États membres.

27.      Le 14 mai 2018, le ministre des Affaires étrangères a rejeté comme non fondée la réclamation introduite par K.A. à l’encontre de cette décision. Dans le cadre de cette procédure de réclamation, la requérante a sollicité ce ministre de demander de plus amples informations aux autorités allemandes concernant les raisons pour lesquelles elles considèrent la requérante comme constituant une telle menace. Toutefois, selon le ministre des Affaires étrangères, le code des visas ne contient aucune obligation pour le Royaume des Pays-Bas de demander de telles informations auprès des autorités allemandes.

28.      Le 28 mai 2018, K.A. a introduit un recours à l’encontre de cette dernière décision devant la juridiction de renvoi, en soutenant qu’elle ne peut pas être considérée comme constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique ou pour les relations internationales de l’un des États membres. K.A. invoque, notamment, l’absence d’une protection juridictionnelle effective, étant donné qu’elle ne serait pas en mesure de contester le motif de refus, celui-ci étant formulé d’une manière trop générale. Selon K.A., qui se réfère, notamment, à l’article 41 de la Charte, le ministre des Affaires étrangères aurait dû demander les motifs de fond sous-jacents à la décision des autorités allemandes.

29.      La juridiction de renvoi signale que, dans les deux procédures, les requérants ne font pas l’objet d’un signalement aux fins d’un refus de visa dans le système d’information sur les visas (VIS) ni d’un signalement aux fins d’un refus d’admission dans l’espace Schengen dans le système d’information Schengen (SIS).

30.      Dans les deux procédures au principal, la question se pose de savoir si et comment le motif de refus de l’article 32, paragraphe 1, sous a), vi), du code des visas peut être contrôlé dans le cadre d’un recours formé contre la décision définitive de refus de visa et si ce type de contrôle constitue un recours effectif.

31.      C’est dans ces conditions que le rechtbank Den Haag zittingsplaats Haarlem (tribunal de La Haye siégeant à Haarlem) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour, dans chacun des litiges pendants devant lui, les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Le recours formé, en vertu de l’article 32, paragraphe 3, du code des visas, contre une décision définitive de refus de visa fondée sur le motif visé à l’article 32, paragraphe 1, sous a), vi), du même code, constitue-t-il un recours effectif au sens de l’article 47 de la Charte dans les circonstances suivantes :

–        dans la motivation de la décision, l’État membre s’est borné à énoncer : “vous êtes considéré par un ou plusieurs États membres comme constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique, au sens de l’article 2, point 19, actuellement point 21, du code frontières Schengen, ou pour les relations internationales d’un ou de plusieurs des États membres” ;

–        l’État membre ne précise ni dans la décision ni dans le cadre du recours lequel ou lesquels de ces quatre motifs, prévus à l’article 32, paragraphe 1, sous a), vi), du code des visas, il oppose au demandeur ;

–        dans le cadre du recours, l’État membre ne fournit pas de renseignements précis quant à la teneur ou au fondement du ou des motifs à la base de l’objection de l’autre État membre (ou des autres États membres) ?

2)      Les circonstances qui sont décrites à la question 1 sont-elles conformes au principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte, en particulier pour ce qui concerne l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions ?

3)      a)      Les réponses aux questions 1 et 2 sont-elles différentes si, dans la décision définitive relative au visa, l’État membre indique une voie de recours effective et, en outre, suffisamment précisée, ouverte dans l’autre État membre contre l’autorité responsable nommément désignée de cet autre État membre (ou de ces autres États membres) qui a (ou ont) émis l’objection prévue à l’article 32, paragraphe 1, sous a), vi), du code des visas, voie de recours dans le cadre de laquelle ce motif de refus peut être mis en cause ?

b)      Pour répondre par l’affirmative à la question 1, en relation avec la question 3.a, faut-il que la décision sur le recours qui est exercé dans et contre l’État membre qui a adopté la décision définitive soit suspendue jusqu’à ce que le demandeur ait eu la possibilité d’exercer la voie de recours prévue dans l’autre État membre (ou les autres États membres) et, s’il l’exerce, jusqu’au prononcé de la décision (définitive) sur cette voie de recours ?

4)      Pour la réponse aux questions, est-il pertinent de savoir si (l’autorité de) l’État membre (ou des États membres) qui a (ou ont) émis l’objection à la délivrance du visa peut (ou peuvent) avoir la faculté d’intervenir dans la procédure de recours contre la décision définitive relative au visa en qualité de deuxième défendeur et, en cette qualité, peut (ou peuvent) être mis en mesure d’exposer le fondement du motif ou des motifs qui sont à la base de l’objection ? »

IV.    La procédure devant la Cour

32.      Les décisions de renvoi, datées du 5 mars 2019, sont parvenues au greffe de la Cour le 14 mars 2019.

33.      Les parties au principal, les gouvernements néerlandais, tchèque, allemand, italien, lituanien et polonais ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites dans le délai imparti conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

34.      Par mesure d’organisation de la procédure du 30 avril 2020, la Cour a posé des questions pour réponse écrite à l’ensemble des parties intéressées. Les observations écrites sur ces questions ont été déposées dans le délai imparti.

V.             Analyse juridique

A.      Observations préliminaires

1.      La nécessité d’une application uniforme du code des visas malgré l’absence d’une harmonisation intégrale

35.      Avant d’entamer l’analyse des questions préjudicielles posées à la Cour, il convient de rappeler l’importance que revêt le code des visas ainsi que l’objectif législatif de cet instrument juridique. Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, le code des visas fixe les procédures et conditions de délivrance des visas pour les transits ou les séjours prévus sur le territoire des États membres d’une durée maximale de trois mois sur une période de six mois. Il a été adopté dans le but de mettre fin aux dispositions disparates qui existaient auparavant, particulièrement en ce qui concerne les conditions essentielles d’entrée et les garanties procédurales, telles que l’obligation de motivation et le droit de recours contre les décisions de refus. Le législateur de l’Union a souhaité harmoniser ces conditions afin d’éviter le « visa shopping » et d’assurer un traitement égal des demandeurs de visas, comme il ressort du considérant 18 du code des visas.

36.      Il est cependant évident que, en l’absence d’une harmonisation intégrale en la matière, certains aspects plus ou moins liés à la délivrance de visas relèvent de la compétence législative des États membres. Cela résulte, en premier lieu, du fait que l’Union n’a pas exercé la compétence qu’elle partage avec ces derniers dans le domaine de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, au titre de l’article 4, paragraphe 2, sous j), TFUE. Ensuite, la compétence des États membres peut émaner d’un renvoi exprès au droit des États membres. De surcroît, ces derniers peuvent se voir conférer une marge d’appréciation ou discrétionnaire en ce qui concerne l’accomplissement de tâches spécifiques. Les compétences respectives de l’Union et des États membres en matière législative ou exécutive doivent donc être déduites au cas par cas des dispositions pertinentes par voie d’interprétation.

2.      Le caractère politiquement sensible de certains aspects

37.      Comme tout acte législatif né d’un compromis politique, le code des visas permet d’entrevoir des aspects considérés comme sensibles que les États membres ont préféré réglementer eux-mêmes. La genèse du code des visas apporte des indices sur le caractère sensible de certains aspects, parmi lesquels figurent la motivation d’une décision rejetant une demande de visa ainsi que le droit du demandeur de former un recours, qui font précisément l’objet des affaires au principal (6).

38.      Or, comme je l’ai déjà indiqué dans l’introduction des présentes conclusions, cela ne signifie pas que les États membres devraient être exemptés de l’obligation de respecter les garanties procédurales prescrites à l’article 47 de la Charte lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte. D’un autre côté, il se révèle nécessaire de tenir compte des spécificités du domaine de la politique commune des visas ainsi que des considérations de sécurité invoquées par les États membres, susceptibles de justifier des restrictions proportionnées auxdites garanties procédurales.

B.      Sur la première question

1.      Aspects généraux

a)      Griefs que les requérants au principal font aux États membres

39.      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une décision de refus de visa prise par l’autorité nationale compétente en raison de l’existence d’un motif de refus au titre de l’article 32, paragraphe 1, sous a), vi), du code des visas, respecte le droit à un recours effectif, tel que garanti à l’article 47 de la Charte, si cette décision est communiquée au demandeur de visa au moyen du formulaire type figurant à l’annexe VI, conformément à l’article 32, paragraphe 2, du même code. Ainsi que l’indique la juridiction de renvoi, ce formulaire type ne permet ni de distinguer entre les différentes catégories de menaces visées à l’article 32, paragraphe 1, sous a), vi), du code des visas, applicables aux différents cas, ni d’obtenir des renseignements précis quant à la teneur ou au fondement du ou des motifs à la base d’une objection d’un autre État membre, étant donné que l’État membre chargé de prendre la décision finale peut, en principe, se limiter à cocher la case 6 du formulaire type.

40.      La demande adressée à la Cour, visant à vérifier la compatibilité des dispositions pertinentes du code des visas ainsi que de la pratique administrative y afférente avec l’article 47 de la Charte, s’explique par le fait que les requérants au principal reprochent aux autorités nationales, premièrement, de ne pas motiver suffisamment leurs décisions de refus et, deuxièmement, de faire échec à l’exercice de leur droit à former un recours contre ces décisions. La prétendue insuffisance de motivation des décisions de refus semble porter préjudice aux droits des requérants au principal à plusieurs égards, ce qui ne saurait être exclu a priori, d’autant moins que l’article 32, paragraphe 3, du code des visas, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, impose aux États membres l’obligation de prévoir contre les décisions de refus de visas une procédure de recours, qui doit garantir, à un certain stade de la procédure, un recours juridictionnel (7).

41.      Afin de pouvoir utilement exercer les voies de recours instaurées par les États membres, le demandeur doit être informé des motifs sur lesquels est fondée la décision de refus. Ce n’est qu’à cette condition qu’il peut décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent. Le juge, pour sa part, doit avoir connaissance des motifs afin d’être en mesure d’exercer le contrôle sur la légalité de la décision nationale en cause (8). L’obligation de motivation poursuit donc un double objectif qui doit être pris en compte pour assurer un recours effectif. Pour des raisons de clarté, il conviendra d’analyser séparément ces deux aspects – d’un côté, la manière dont un refus de visa est communiqué au demandeur et, d’un autre côté, le contrôle de légalité auquel cette décision est soumise.

b)      Le champ d’application du droit à un recours effectif et les restrictions prévues par la Charte

42.      Le statut de ressortissants d’États tiers des requérants au principal ne fait pas obstacle à l’application de l’article 47 de la Charte aux cas d’espèce. Ainsi que la Cour l’a confirmé dans l’arrêt El Hassani (9), le droit à un contrôle de légalité d’une décision de refus de visa par un tribunal à un certain stade de la procédure est garanti à tout demandeur. Dans la mesure où l’exercice de ce contrôle de légalité requiert une motivation de la décision de refus de visa pour qu’il soit efficace, comme cela a été expliqué plus haut (10), il y a lieu de reconnaître au demandeur le droit d’être informé des motifs sur lesquels est fondée la décision de refus. Dans cet esprit, il convient de constater que les ressortissants d’États tiers relèvent aussi du champ d’application de l’article 47 de la Charte et peuvent, partant, invoquer le droit à un recours effectif devant les autorités nationales (11).

43.      Il convient toutefois de considérer que, ainsi que la Cour l’a rappelé dans l’arrêt ZZ (12), l’article 52, paragraphe 1, de la Charte admet des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, y compris le droit à un recours effectif, sous certaines conditions. Cette disposition exige que toute limitation respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause et requiert en outre que, dans le respect du principe de proportionnalité, elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union. Dans le cas d’espèce, il me semble que le législateur de l’Union, en adoptant le code des visas, a effectué une mise en balance des intérêts entre, d’une part, la garantie de l’état de droit et, de l’autre, la sauvegarde de la sécurité publique, qui se reflète parfaitement dans la législation. Les garanties de l’état de droit, plus précisément l’obligation de motiver les actes administratifs, ainsi que les possibilités de recours contre ces actes peuvent, comme cela sera exposé plus loin, être restreintes dans l’intérêt de la sécurité publique (13).

44.      Afin d’apporter une réponse utile aux questions préjudicielles, il est nécessaire de déterminer par voie d’interprétation des dispositions pertinentes quelle est la valeur que le législateur de l’Union a accordée auxdits intérêts et dans quelle mesure il a voulu les protéger. Cette interprétation révélera le stade d’évolution actuel du droit de l’Union dans le domaine de la politique commune des visas. Ainsi que je l’ai indiqué plus haut, l’analyse du droit à un recours effectif, tel qu’il a été mis en œuvre par le droit dérivé, se centrera sur deux aspects, à savoir la manière dont un refus de visa est communiqué au demandeur et le contrôle de légalité auquel cette décision administrative est soumise.

2.      La manière dont un refus de visa est communiqué au demandeur

45.      Je note d’emblée que la Cour s’est prononcée en termes très généraux quant à la manière dont l’intéressé doit être informé des motifs sur lesquels est fondée une décision administrative prise à son égard, exigeant uniquement qu’il puisse les connaître « soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique » (14). Il s’ensuit que la communication des motifs peut s’effectuer, en principe, de trois manières distinctes.

46.      Pour en venir plus particulièrement à l’analyse de certaines dispositions du code des visas, l’article 32, paragraphe 1, dudit code dispose que le visa est refusé si le demandeur est considéré comme constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique, au sens de l’article 2, point 19, du code frontières Schengen, ou pour les relations internationales de l’un des États membres et, en particulier, s’il a fait l’objet, pour ces mêmes motifs, d’un signalement dans les bases de données nationales des États membres aux fins de non-admission. En vertu de l’article 32, paragraphe 2, de ce code, la décision de refus et ses motivations sont communiquées au demandeur au moyen du formulaire type figurant à l’annexe VI. Cette décision de refus reflète les conclusions de l’examen effectué par l’État membre chargé d’adopter la décision finale, ainsi que le résultat de la procédure de consultation visée à l’article 22 du code des visas. Cela étant, il y a lieu d’observer que le formulaire type en question permet, en principe, aux États membres de cocher uniquement la case nº 6, qui énumère les motifs de refus, sans donner d’autres informations à l’intéressé. Le formulaire type ne fait donc pas de distinction entre les motifs de refus spécifiques dont l’article 32, paragraphe 1, du code des visas fait mention.

47.      Il s’ensuit que le demandeur est informé de manière très générale et succincte des motifs du refus de visa. Certes, ainsi que l’indique à juste titre la Commission dans ses observations, cela n’empêche pas les États membres de mentionner ces informations sur le formulaire, par exemple en complétant le champ « remarques ». En effet, cet espace offrirait, en principe, la possibilité de fournir des informations utiles au demandeur afin de l’aider à mieux comprendre les motifs de refus, à identifier des erreurs éventuelles et à demander des rectifications auprès de l’autorité nationale compétente. Il convient de souligner à cet égard que, même si aucune obligation d’inclure des informations plus détaillées ne peut être déduite des dispositions susmentionnées, cette possibilité est néanmoins prévue dans le formulaire type, qui lui-même fait partie intégrante du code des visas. Par conséquent, il y a lieu de partir de la prémisse que le formulaire type indiquant l’existence d’un ou plusieurs motifs de refus et incluant des remarques éventuelles des États membres constitue un « minimum d’information » que le législateur de l’Union a considéré comme suffisant pour respecter l’obligation de motivation de toute décision de refus de visa en tant qu’expression de l’état de droit.

48.      De surcroît, il ressort du dossier que c’est sur demande des requérants auprès des autorités néerlandaises que ceux-ci ont appris quels étaient les États membres ayant émis des objections contre la délivrance des visas dans le cadre de la procédure de consultation visée à l’article 22 du code des visas. En conséquence, il convient de noter que la procédure administrative nationale peut prévoir la possibilité de fournir des informations complémentaires, utiles pour le demandeur, complétant ainsi la motivation d’une décision de refus. Je partage l’avis du gouvernement allemand selon lequel l’identité des États membres ayant émis des objections devrait être révélée sur demande expresse du demandeur, afin de garantir la possibilité de contester l’appréciation de ces États membres en ce qui concerne la menace que constitue celui-ci.

49.      Je déduis des observations précédentes que, en l’absence d’une réglementation expresse au sein de l’Union concernant le degré de précision de la motivation qui doit figurer dans la décision de refus, le législateur de l’Union a voulu laisser aux États membres le soin de déterminer quelles sont les informations qu’ils souhaitent communiquer au demandeur. Une telle interprétation me paraît d’autant plus cohérente qu’il peut y avoir des raisons objectives justifiant une motivation moins détaillée de ladite décision, comme je l’exposerai dans les présentes conclusions.

a)      Raisons liées aux différents contextes dans l’ordre juridique de l’Union

1)      Limitation de la portée du droit protégé à l’article 47 de la Charte

50.      Premièrement, des raisons objectives liées aux spécificités d’un contexte normatif déterminé peuvent exiger un moindre degré de précision de la motivation d’un acte administratif. Cette limitation du droit de l’individu d’obtenir une décision administrative motivée répond souvent à des considérations pratiques que le législateur prend en compte, par exemple la charge de travail de l’administration (15). D’un point de vue théorique, le droit garanti à l’article 47 de la Charte, qui permet un contrôle de légalité de l’activité administrative, se voit accorder une portée plus limitée dans certains domaines du droit de l’Union que dans d’autres, sans que cela revienne à méconnaître son contenu essentiel.

51.      Dans ce contexte, il convient de rappeler la jurisprudence de la Cour selon laquelle l’obligation de motivation peut connaître un moindre degré de précision en fonction du domaine de droit administratif concerné. Également pertinente me paraît la jurisprudence de la Cour selon laquelle l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications détermine si la motivation d’une décision administrative peut être considérée comme suffisante (16). Or, il est évident que cet intérêt est déterminé en grande partie par le législateur lui-même dans la mesure où ce dernier définit le statut juridique du destinataire dans le domaine concerné.

52.      La Cour semble reconnaître cette prérogative du législateur, lorsqu’elle précise dans sa jurisprudence qu’il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents. Selon la Cour, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences du droit de l’Union doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (17). Dès lors, il convient d’analyser le statut juridique que le droit de l’Union accorde au demandeur de visa.

2)      Le droit de l’Union ne confère aucun droit d’entrée sur le territoire des États membres ni aucun droit subjectif à l’obtention d’un visa

53.      À cet égard, je tiens à soulever d’emblée que le droit de l’Union n’accorde aux ressortissants de pays tiers aucun droit d’entrée sur le territoire des États membres ni aucun droit subjectif à l’obtention d’un visa. Je me rallie pleinement à la position des avocats généraux Mengozzi, Bobek et Szpunar, qui ont écarté de manière unanime l’existence de tels droits, se fondant sur une analyse approfondie du code des visas, en prenant en compte, notamment, son objectif législatif, le contenu normatif de ses dispositions ainsi que les spécificités de la politique commune des visas. Afin d’éviter des répétitions, je me permets de renvoyer à leurs conclusions respectives présentées dans les affaires concernées, me réservant néanmoins le droit d’évoquer certaines de leurs observations qui me paraissent les plus pertinentes aux fins des présentes affaires.

54.      Ainsi que l’a soulevé à juste titre l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Koushkaki (18), le visa est conçu non pas comme un droit, mais bien comme une obligation imposée à celui qui souhaite séjourner pour une courte durée sur le territoire d’un État membre, c’est-à-dire comme un prérequis à l’entrée sur le territoire de l’Union. Le visa est un outil de contrôle des entrées, et donc des flux migratoires (19). L’avocat général Mengozzi a également observé que l’action entreprise au sein de l’Union dans le domaine des visas poursuit un objectif de type plutôt défensif, à savoir lutter contre l’immigration clandestine et éviter le « visa shopping », c’est-à-dire éviter qu’un État membre adopte une politique de visas notoirement plus favorable aux demandeurs, une telle politique représentant alors potentiellement un risque de déstabilisation de l’espace Schengen en raison de l’absence de contrôle aux frontières intérieures (20). C’est précisément pour cette raison que le code des visas établit une obligation de refus d’un visa lorsque les conditions requises du demandeur ne sont pas remplies (21). Il est donc évident que, dans la mesure où l’harmonisation partielle prévue par le code des visas a pour objectif une application uniforme des règles, notamment des motifs de refus, cela n’implique pas que les États membres doivent délivrer un visa dans toutes les circonstances (22).

55.      L’avocat général Bobek, pour sa part, est arrivé à la même conclusion dans l’affaire El Hassani (23), signalant que la seule existence de l’obligation de visa s’opposait déjà, en soi, à l’idée d’un droit d’entrée sur le territoire des États membres (24). Il a fait référence à l’article 2, point 2, sous a), du code des visas, dont il ressort qu’un visa est « [une] autorisation accordée par un État membre en vue du transit ou du séjour prévu sur le territoire des États membres, pour une durée totale n’excédant pas trois mois ». Il y a lieu de noter que l’obligation d’obtenir une autorisation – c’est-à-dire un consentement préalable au sens du droit administratif – conditionnant l’accès des ressortissants de pays tiers au territoire des États membres suppose logiquement l’absence de tout automatisme dans la procédure de délivrance des visas. Par conséquent, c’est à bon droit que les avocats généraux Mengozzi et Bobek se sont opposés à une interprétation du code des visas selon laquelle il existerait un droit subjectif à l’obtention d’un visa. En outre, je tiens à souligner qu’il ressort clairement du libellé de l’article 30 du code des visas que le fait d’être en possession d’un visa uniforme ou d’un visa à validité territoriale limitée ne suffit pas à conférer de droit d’entrée irrévocable.

56.      À mon avis, aucun droit subjectif ne saurait non plus être déduit des dispositions de la Charte, étant donné que ses dispositions ne confèrent à des ressortissants de pays tiers des droits en matière de liberté de circulation que dans deux cas de figure spécifiques. Premièrement, l’article 15, paragraphe 3, de la Charte dispose que les ressortissants des pays tiers qui sont autorisés à travailler sur le territoire des États membres ont droit à des conditions de travail équivalentes à celles dont bénéficient les citoyens de l’Union. Deuxièmement, l’article 45, paragraphe 2, de la Charte dispose que « [l]a liberté de circulation et de séjour peut être accordée, conformément aux traités, aux ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire d’un État membre ». Ainsi que l’avocat général Szpunar l’a fait remarquer dans ses conclusions dans l’affaire Fahimian (25), la Charte pose donc la condition préalable d’une entrée légale dans l’Union et elle ne fait pas naître un tel droit (26).

57.      À la lumière des considérations précédentes, compte tenu de la jurisprudence de la Cour, selon laquelle l’intérêt que peut avoir le destinataire d’une décision administrative détermine si la motivation qui y est contenue doit être considérée comme suffisante, et vu que le demandeur ne peut se prévaloir d’aucun droit subjectif à l’égard de l’administration, il ne me semble pas déraisonnable d’accepter un moindre degré de précision de la motivation d’une décision de refus de visa.

3)      La délivrance d’un visa en tant qu’exercice d’un pouvoir souverain

58.      L’absence d’un droit subjectif, c’est-à-dire d’un « intérêt légitime protégé par le droit » de l’Union (27), « obligeant [cette dernière] à entreprendre une action déterminée pour le titulaire de ce droit subjectif » (28), est révélatrice d’une position du demandeur de visa à l’égard de l’État, que l’on pourrait qualifier de faible. Toutefois, il me semble que c’est bien ce que le législateur a voulu lors de l’adoption du code des visas, surtout si l’on considère que la délivrance d’un visa au ressortissant d’un État tiers constitue l’exercice d’un pouvoir souverain, comme l’a remarqué l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Koushkaki. Plus précisément, il a rappelé que le droit des États de contrôler l’entrée des non‑nationaux sur leur territoire relève de la souveraineté étatique en tant que principe de droit international (29).

59.      L’avocat général Szpunar a développé cet argument dans ses conclusions dans l’affaire Fahimian, expliquant qu’en l’état actuel du droit international public, la première entrée aux fins d’une migration légale relève du pouvoir discrétionnaire quasi illimité de l’État (30). Selon les observations de l’avocat général Szpunar, cette souveraineté n’est pas remise en cause par les obligations internationales des États membres découlant des traités relatifs aux droits de l’homme (31), qui d’ailleurs n’ont pas non plus été invoquées par les requérants au principal afin d’obtenir l’accès au territoire du Royaume des Pays-Bas. De même, le fait que les États membres aient assumé volontairement des obligations en ce qui concerne la protection internationale des réfugiés, aussi importantes soient-elles, ne suffit pas, à lui seul, à remettre en cause leur plein pouvoir de décider si des ressortissants de pays tiers peuvent accéder à leur territoire. Cela étant dit, il convient, par souci de clarté, de préciser que le régime d’asile de l’Union, y compris le principe de « non-refoulement », n’est pas applicable au cas d’espèce, du fait que les requérants au principal ne cherchent pas à obtenir le statut de réfugiés en vertu des règles et procédures de droit international.

60.      Par souci d’exhaustivité, il convient de relever que les requérants au principal ne semblent pas pouvoir se prévaloir des dispositions du droit de l’Union en matière d’immigration, qui autorisent un séjour légal à certains membres de la famille d’un ressortissant d’un pays tiers sur le territoire des États membres. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (32), « impose aux États membres des obligations positives précises, auxquelles correspondent des droits subjectifs clairement définis, puisqu’il leur impose, dans les hypothèses déterminées par la directive, d’autoriser le regroupement familial de certains membres de la famille du regroupant sans pouvoir exercer leur marge d’appréciation » (33). Or, en l’absence de toute indication concrète en ce sens dans les décisions de renvoi, il y a lieu de considérer que les requérants au principal n’ont soumis aucune demande de regroupement familial. Il n’est pas évident non plus qu’ils remplissent les critères de membres de la famille spécifiés dans cette directive. Dès lors, il faut partir du principe que cette norme ne trouve pas à s’appliquer aux cas d’espèce.

4)      Le régime des visas comme instrument de politique étrangère et de sécurité

61.      Un autre argument qui me semble confirmer le statut juridique plutôt faible du demandeur par rapport à l’État dans le cadre d’une procédure de délivrance de visa est lié à la nature du régime des visas comme instrument de politique étrangère et de sécurité (34) ; cet argument a également été soulevé par l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Koushkaki (35) et développé par l’avocat général Bobek dans l’affaire El Hassani (36). En effet, le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union est caractérisé par une influence décisive des États membres dans la procédure de prise de décisions au sein du Conseil de l’Union européenne, qui donne lieu à des actions et des positions communes, les États membres gardant un vaste pouvoir discrétionnaire dans leurs votes, ce qui démontre clairement la manière dont ils exercent leur souveraineté (37). L’unanimité requise pour la prise desdites décisions en vertu de l’article 24, paragraphe 2, TUE et de l’article 31 TUE, ainsi que le rôle secondaire accordé au Parlement à l’article 36 TUE, mettent également en évidence le souci de sauvegarder leur souveraineté, dans la mesure où ces deux éléments ont pour effet d’empêcher l’adoption d’une politique étrangère et de sécurité déterminée, sans leur accord (38). Il convient de noter que les traités de l’Union reconnaissent expressément les responsabilités des États membres pour l’élaboration et la conduite de leur politique étrangère ainsi que pour leur représentation nationale dans les pays tiers et au sein des organisations internationales (39). Tous ces facteurs influent sur la politique de l’Union en matière de visas, bien que les décisions y afférentes aient été soumises à la majorité qualifiée dans le cadre de la révision des traités. En pratique, les États membres jouent un rôle déterminant (40).

62.      À ce propos, on observera que plusieurs accords conclus par l’Union et ses États membres avec des pays tiers ainsi que d’autres actes juridiques prévoient une libéralisation du régime des visas facilitant les déplacements, l’activité économique et les contacts entre les personnes. Ces accords et actes juridiques s’inscrivent dans une stratégie qui reflète les intérêts de l’Union et de ses États membres en matière de politique étrangère et de sécurité commune (41). Cette stratégie peut varier en fonction des relations internationales, mais aussi des divers groupes de pays tiers. Des privilèges, tels qu’une exemption de l’obligation de visa, peuvent être octroyés aux ressortissants de certains pays tiers sur la base du principe de réciprocité et être subordonnés à des conditions spécifiques sujettes au contrôle de l’Union et de ses États membres (42). Ils peuvent en conséquence également être révoqués lorsque les conditions de leur octroi ne sont plus remplies. De même, ils doivent pouvoir être révoqués lorsque la réciprocité de l’octroi n’est plus assurée, ainsi que l’a soulevé à juste titre l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Koushkaki (43). Lorsqu’ils prennent des décisions quant à l’opportunité de conclure de tels accords, l’Union et les États membres exercent leurs pouvoirs souverains et veillent à ce que ces décisions répondent aux nécessités qu’ils ont identifiées; ils assument ainsi leurs responsabilités à l’égard des citoyens de l’Union.

63.      C’est à la lumière des considérations précédentes que le code des visas doit, à mon avis, être interprété. Il ne faut pas oublier que, dans la mesure où le code des visas accorde un certain statut juridique aux ressortissants de pays tiers, ce statut juridique est déterminé par l’Union et ses États membres dans l’exercice de leur volonté souveraine. Dès lors, il y a lieu de conclure que, au stade actuel du développement du droit de l’Union en matière de visas, l’individu ne constitue qu’un « bénéficiaire » avec des droits limités, son statut juridique devant obéir aux objectifs définis par l’Union et ses États membres dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité.

5)      La large marge d’appréciation des autorités nationales quant à la détermination de l’éligibilité d’un individu à obtenir un visa

64.      Un autre aspect, lié à l’exercice de la souveraineté et qui me semble pertinent aux fins de la présente analyse, appelle quelques remarques, à savoir le rôle des autorités nationales dans l’examen des demandes de visas.

65.      J’observe tout d’abord qu’aux termes de l’article 32, paragraphe 1, sous a), vi), du code visas, le visa est refusé si le demandeur est « considéré comme constituant une menace » au sens de l’article 2, point 19, du code frontières Schengen, ce qui suppose, premièrement, une évaluation des risques par les autorités compétentes, prévue à l’article 21 du code des visas et, deuxièmement, qu’une certitude absolue concernant l’existence d’une véritable menace n’est pas nécessaire. Au contraire, il semblerait qu’il suffise, en principe, de constater certains indices suggérant des risques pour les intérêts légitimes en question pour appliquer cette disposition (44). En effet, une telle interprétation pourrait s’expliquer par le caractère préventif du régime des visas, conçu dans l’objectif de protéger la sécurité dans l’ensemble de l’espace Schengen des risques extérieurs comme la migration clandestine et la traite d’êtres humains (45). Par conséquent, il serait, en principe, possible de soutenir que les autorités nationales peuvent se fonder sur les indices dont elles disposent pour s’opposer à la délivrance d’un visa, sans être contraintes d’obtenir la certitude absolue que le demandeur constitue effectivement une menace. Par souci de cohérence, il conviendrait d’imposer des exigences moins strictes à la motivation d’une décision de refus.

66.      Je note aussi que, dans son arrêt rendu dans l’affaire Koushkaki (46), la Cour a mis en exergue la large marge d’appréciation dont disposent les autorités nationales pour déterminer l’éligibilité d’un individu à obtenir un visa. Il ressort de cet arrêt que l’appréciation de la situation individuelle d’un demandeur de visa, en vue de déterminer si sa demande ne se heurte pas à un motif de refus, implique des évaluations complexes fondées, notamment, sur la personnalité de ce demandeur, sur son insertion dans le pays où il réside, sur la situation politique, sociale et économique de ce dernier, ainsi que sur la menace éventuelle que constituerait la venue de ce demandeur pour l’ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales de l’un des États membres (47). Selon la Cour, de telles évaluations complexes impliquent l’élaboration de pronostics sur le comportement prévisible dudit demandeur et doivent notamment reposer sur une connaissance étendue du pays de résidence de ce dernier, ainsi que sur l’analyse de documents divers, dont il convient de vérifier l’authenticité et la véracité du contenu, et des déclarations du demandeur, dont la fiabilité devra être appréciée, comme le prévoit l’article 21, paragraphe 7, du code des visas (48).

67.      Dans son arrêt rendu dans l’affaire El Hassani, la Cour a réitéré la large marge d’appréciation dont bénéficient les autorités nationales en ce qui concerne les conditions d’application des motifs de refus prévus par le code des visas et l’évaluation des faits pertinents (49).

68.      Il est important de soulever que la Cour s’est fondée sur le même raisonnement dans l’arrêt Fahimian, qui concernait l’interprétation de la directive 2004/114/CE du Conseil, du 13 décembre 2004, relative aux conditions d’admission des ressortissants de pays tiers à des fins d’études, d’échange d’élèves, de formation non rémunérée ou de volontariat (50), c’est-à-dire un acte juridique différent du code des visas, mais relevant aussi du domaine de la politique d’immigration. Ainsi, la Cour a souligné la large marge d’appréciation reconnue aux autorités nationales lors de l’évaluation des faits pertinents visant à déterminer si les motifs énoncés à l’article 6, paragraphe 1, sous d), de la directive 2004/114 et tenant à l’existence d’une menace, notamment, pour la sécurité publique, s’opposent à l’admission du ressortissant du pays tiers (51). La Cour a jugé qu’il appartient à ces autorités nationales, pour déterminer si le demandeur de visa représente une menace, fût-elle potentielle, pour la sécurité publique, d’effectuer une appréciation globale de l’ensemble des éléments caractérisant la situation de cette personne (52). Il me semble pertinent de souligner que la Cour s’est appuyée à cette occasion sur une application analogue de sa jurisprudence dans l’affaire Koushkaki (53), déjà mentionnée plus haut.

69.      À mon avis, une telle marge d’appréciation conférée aux autorités nationales quant à la détermination de l’éligibilité d’un individu à obtenir un visa confirme le statut juridique faible que le code des visas accorde au demandeur.

6)      Le cadre juridique applicable à la citoyenneté de l’Union et au marché intérieur n’est pas transposable à la situation d’un demandeur de visa

i)      Les requérants au principal ne bénéficient d’aucun statut privilégié

70.      Il ressort des décisions de renvoi que quelques membres de la famille des requérants au principal résident aux Pays-Bas. La question qui se pose est donc de savoir si les requérants au principal bénéficient, en quelque sorte, d’un statut privilégié au motif que ces parents résident sur le territoire d’un État membre de l’Union. Un certain lien avec les libertés fondamentales du marché intérieur de l’Union pourrait, du moins théoriquement, être envisagé.

71.      À mon avis, cette question appelle clairement une réponse négative. Le cadre juridique applicable au marché intérieur de l’Union n’est pas transposable à la situation du demandeur de visa, ce qui constitue une autre raison importante pour laquelle ce demandeur ne peut se voir accorder une protection analogue à celle d’une personne qui exerce le droit de libre circulation et de séjour. Je pense en particulier aux règles concernant le traitement des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre.

72.      Ainsi que la Cour l’a établi dans sa jurisprudence, le législateur de l’Union a largement étendu l’application du droit de l’Union en matière d’entrée et de séjour sur le territoire des États membres aux ressortissants de pays tiers conjoints de ressortissants d’États membres (54). Plus concrètement, la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative aux droits des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres modifiant le re'glement (CEE) n612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (55), confère à tout ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union au sens de l’article 2, point 2, de cette directive, qui accompagne ou rejoint ce citoyen de l’Union dans un État membre autre que l’État membre dont il a la nationalité, des droits d’entrée et de séjour dans l’État membre d’accueil.

73.      À cet égard, il convient toutefois de rappeler que les règles applicables à cette catégorie de personnes visent, en réalité, à assurer la libre circulation du citoyen de l’Union. Le législateur de l’Union a reconnu l’importance d’assurer la protection de la vie familiale des ressortissants des États membres afin d’éliminer les obstacles à l’exercice des libertés fondamentales garanties par les traités (56). Si les citoyens de l’Union n’étaient pas autorisés à mener une vie de famille normale dans l’État membre d’accueil, l’exercice des libertés qui leur sont garanties par le traité serait sérieusement entravé (57). L’article 21, paragraphe 1, TFUE et les dispositions de la directive 2004/38 ne confèrent aucun droit autonome aux ressortissants d’États tiers. Les éventuels droits conférés à de tels ressortissants par les dispositions du droit de l’Union concernant la citoyenneté de l’Union sont des droits dérivés de l’exercice de la liberté de circulation par un citoyen de l’Union (58).

74.      Par conséquent, outre qu’il est improbable que ces dispositions soient applicables aux affaires en question, dès lors que les requérants au principal ne semblent pas constituer des membres de la famille au sens de l’article 2, point 2, de la directive 2004/38, il me paraît évident que l’intention du législateur de l’Union n’était pas d’étendre le cercle des bénéficiaires à d’autres personnes non expressément visées dans cette directive. Comme cela a été expliqué au paragraphe précédent, la décision d’étendre les droits d’entrée et de séjour à certains membres de la famille du citoyen de l’Union obéit à une certaine logique strictement liée au droit du marché intérieur ainsi qu’aux droits fondamentaux. Les États membres représentés au Conseil en tant qu’organes co-législateurs ont consenti volontairement, sur la base d’une décision souveraine, à conférer des droits à un cercle spécifique de bénéficiaires afin de développer le concept de citoyenneté de l’Union et de consolider le marché intérieur, ce qui exclut, en conséquence, toute application analogue de l’article 21, paragraphe 1, TFUE et des dispositions de la directive 2004/38 à d’autres catégories de ressortissants de pays tiers.

ii)    La protection de la sécurité publique dans le droit du marché intérieur

75.      Il en va de même pour les concepts juridiques liés à la citoyenneté de l’Union ou relevant du domaine du marché intérieur, tels que le concept de motifs de « sécurité publique » en tant qu’exception à la règle générale de la libre circulation. Comme je l’ai indiqué plus haut dans les présentes conclusions (59), les garanties de l’état de droit, notamment l’obligation de motiver les actes administratifs, peuvent être restreintes dans l’intérêt de la sécurité publique. Bien que cette affirmation générale soit, en principe, correcte, il est cependant nécessaire d’apporter quelques précisions importantes. Le fait que le code des visas et les dispositions mettant en œuvre les libertés du marché intérieur fassent référence à la « sécurité publique » n’implique pas qu’il s’agisse du même concept juridique et que celui-ci doive être interprété de la même façon. Conformément à ce qui a déjà été dit précédemment (60), le contexte d’une disposition dans l’ordre juridique de l’Union influe de manière décisive sur son interprétation.

76.      C’est pourquoi l’avocat général Szpunar a refusé à juste titre de transposer la jurisprudence de la Cour relative aux exceptions à la règle générale de la libre circulation au régime des visas, en cause dans les affaires au principal. Comme il l’a fait observer dans l’affaire Fahimian, il est compréhensible que ces exceptions fassent l’objet d’une interprétation restrictive (61), d’autant qu’il convient d’assurer le fonctionnement du marché intérieur. L’avocat général Szpunar a avancé d’autres arguments pertinents afin d’écarter une transposition des concepts juridiques relevant du domaine du marché intérieur au régime des visas, par exemple la différence de structure normative (62). Le fait de ne pas être considéré comme une menace pour la sécurité publique ne constitue pas une exception à un droit d’entrée qui serait d’interprétation large, mais seulement une condition négative applicable à un droit d’entrée. Ainsi que l’a relevé l’avocat général Szpunar, le contexte est tout à fait différent de celui du marché intérieur, et ce contexte a son importance. Le domaine spécifique du droit de l’immigration de l’Union implique qu’un ressortissant d’un pays tiers ne jouit pas des mêmes droits qu’un ressortissant d’un État membre, c’est-à-dire un citoyen de l’Union. En outre, l’avocat général Szpunar a souligné, après avoir indiqué que la directive 2004/114 a pour fondement juridique l’article 79 TFUE, qui figure dans la troisième partie, titre V, du traité FUE, que la conception de l’ordre public et de la sécurité publique dans le droit de la libre circulation n’est pas la même qu’en droit de l’immigration (63). Dans ce contexte, il a fait référence à l’article 72 TFUE, qui réserve la responsabilité qui incombe aux États membres pour le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure, et sur lequel je reviendrai plus tard dans mon analyse.

77.      Il découle des considérations précédentes que le statut juridique d’un demandeur de visa ne peut pas être assimilé à celui d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille ressortissant d’un pays tiers. Par conséquent, il convient d’écarter toute application par analogie, au régime des visas, des concepts juridiques relatifs à la citoyenneté de l’Union et au marché intérieur.

iii) Les principes développés dans l’affaire ZZ ne sont pas transposables dans leur intégralité aux cas d’espèce

78.      J’ai quelques hésitations à marquer mon accord avec la proposition de la Commission tendant à appliquer par analogie les principes développés par la Cour dans l’affaire ZZ (64) aux cas d’espèce. Ainsi que la Commission l’avoue elle-même dans ses observations écrites, le contexte factuel se distingue de celui des affaires examinées en l’espèce, se caractérisant par une intensité plus faible de l’ingérence des autorités. Dans l’affaire ZZ, un citoyen de l’Union s’était vu refuser l’accès à l’État membre où vivaient son épouse et ses enfants et où lui-même avait résidé pendant des années au motif que sa présence dans l’État membre d’accueil était préjudiciable pour la sécurité publique. En revanche, dans les affaires au principal, les requérants sont des ressortissants de pays tiers n’ayant aucun lien de rattachement avec un État membre quelconque, qui se sont vu refuser la délivrance d’un visa. En conséquence, les affaires se situent dans des contextes juridiques très différents, puisque, dans l’affaire ZZ, la Cour était amenée à interpréter les dispositions de la directive 2004/38 et non pas, comme dans les affaires au principal, celles du code des visas.

79.      Eu égard aux différences importantes sur les plans factuel et juridique, et compte tenu des considérations précédentes, j’estime opportun de faire preuve de prudence en ce qui concerne l’application sans réserve des principes développés par la Cour dans l’affaire ZZ, même si les présentes affaires abordent une problématique similaire. Cette similarité ne doit pas permettre d’occulter le fait que le législateur de l’Union a effectué une mise en balance d’intérêts entre, d’une part, l’obligation de motiver une décision administrative et, d’autre part, la sauvegarde de la sécurité publique, en tenant compte d’un contexte juridique très différent de celui du marché intérieur, dans lequel la protection de la sécurité publique joue un rôle central, comme je l’expliquerai dans les paragraphes suivants.

b)      Raisons liées à la protection de la sécurité publique

80.      Ainsi que cela a déjà été indiqué plus haut (65), l’article 52, paragraphe 1, de la Charte admet des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, y compris à un recours effectif, sous certaines conditions. D’un point de vue théorique, des restrictions à l’exercice des droits peuvent être justifiées par des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union. J’observe, à cet égard, que tous les États membres ayant déposé des observations dans les présentes affaires ont invoqué la protection de l’ordre public et de la sécurité nationale comme raison pour ne pas divulguer des informations considérées confidentielles. La protection de la sécurité publique, surtout en ce qui concerne la gestion de données sensibles, constitue un tel objectif d’intérêt général, comme le confirment plusieurs dispositions garantissant la confidentialité des informations pour des raisons de sécurité.

81.      En vertu de l’article 346, paragraphe 1, TFUE, un État membre ayant émis une objection n’est pas tenu de fournir des renseignements quant aux motifs pour lesquels le demandeur est qualifié de menace pour la sécurité intérieure au sens de l’article 32, paragraphe 1, sous a), vi), du code des visas, car la communication d’informations relatives à la sécurité constitue un domaine particulièrement sensible.

82.      L’article 72 TFUE précise en outre que la politique commune en matière d’immigration et de contrôle des frontières extérieures ne porte pas atteinte à l’exercice des responsabilités qui incombent aux États membres pour le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure (66). Cette compétence comprend également l’introduction et l’application de dispositions en matière de conservation sous contrôle officiel de documents confidentiels ainsi que de divulgation de tels documents à des tiers. Ce principe de responsabilité des États membres a également été repris par l’Union dans le cadre de la disposition figurant à l’article 8, paragraphe 3, du code des visas, concernant les accords de représentation, qui prévoit que les règles applicables en matière de protection des données et de sécurité doivent être observées.

83.      La Cour, pour sa part, a reconnu dans sa jurisprudence que « des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales peuvent s’opposer à la communication de certaines informations ou de certains éléments de preuve à la personne concernée » (67). En conséquence, dans des cas exceptionnels et en particulier pour des raisons de sûreté de l’État, il est possible de priver les intéressés de certaines informations. Cela vaut pour une procédure administrative telle que celle de l’octroi de visa, mais aussi dans le cadre d’une procédure judiciaire à la suite de l’introduction d’un recours, comme je l’expliquerai ultérieurement.

c)      Conclusion intermédiaire

84.      À la lumière des observations précédentes, j’arrive à une conclusion intermédiaire qui peut être résumée de la manière suivante.

85.      Le formulaire type figurant à l’annexe VI du code des visas permet aux États membres de fournir au demandeur une motivation d’un degré de détail suffisant, qui prend en compte le statut juridique de ce dernier.

86.      Même si, au stade actuel d’évolution du droit de l’Union, les États membres ne sont pas obligés de fournir une motivation détaillée, rien ne les empêche d’inclure des « remarques » dans le formulaire type afin de faciliter un contrôle de légalité.

87.      Le législateur de l’Union peut également réviser la manière dont le refus de la délivrance d’un visa est communiqué au demandeur, après avoir procédé à une nouvelle mise en balance des intérêts en jeu. En effet, c’est ce que le législateur vient de faire avec l’adoption du règlement (UE) 2019/1155 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2019, portant modification du code des visas (68). Cette révision législative apporte des modifications importantes, dans la mesure où le nouveau formulaire type sépare désormais, d’une part, la catégorie de « menace pour l’ordre public ou la sécurité intérieure » et, de l’autre, celle de « menace pour la santé publique ». Les trois motifs de refus sont donc maintenant répartis dans trois cases distinctes. Il convient de relever également le considérant 15 du nouveau règlement, dont il ressort que « [l]a notification du refus devrait inclure des informations détaillées quant aux motifs du refus et aux procédures de recours. Durant la procédure de recours, les demandeurs devraient avoir accès à toutes les informations pertinentes pour leur dossier, conformément au droit national. » On constate ainsi la volonté du législateur d’ajuster graduellement le statut juridique du demandeur de visa afin de mieux répondre aux exigences de transparence qu’impose le droit à un recours effectif.

3.      Le contrôle de légalité auquel la décision de refus est soumise

88.      Les constatations précédentes relatives au statut juridique du demandeur de visa et à la manière dont les motifs de refus sont communiqués au demandeur ont des conséquences importantes pour l’analyse de l’étendue du contrôle juridictionnel dans le cadre du recours prévu à l’article 32, paragraphe 3, du code des visas, interprété à la lumière de l’article 47 de la Charte, comme cela sera montré dans les présentes conclusions.

a)      Les modalités du contrôle de légalité relèvent du droit national

89.      Le législateur de l’Union a conféré au demandeur le droit à un recours en conformité avec l’ordre juridique interne des États membres, ce qui a pour conséquence que les procédures de contrôle de légalité peuvent varier d’un État membre à l’autre. Des procédures de nature administrative, juridictionnelle ou même mixtes sont, en principe, possibles (69). À cet égard, la Cour a apporté des précisions utiles à l’interprétation des dispositions susmentionnées, statuant dans son arrêt rendu dans l’affaire El Hassani que, bien que « les modalités [de la procédure de recours contre les décisions de refus de visas] relèvent de l’ordre juridique de chaque État membre dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité[, c]ette procédure doit garantir, à un certain stade de la procédure, un recours juridictionnel » (70).

90.      D’ailleurs, il convient de réitérer aussi dans le présent contexte que, dans la mesure où l’ordre juridique interne prévoit des « procédures mixtes », par exemple, la possibilité de déposer une plainte auprès de l’autorité ayant émis la décision de refus (ou auprès de l’autorité administrative supérieure chargée de la supervision juridique), rien n’empêche les États membres de fournir, dans la mesure du possible, des renseignements plus détaillés. Cela étant dit, je note que, contrairement à ce que suggère le libellé de la première question préjudicielle, il semblerait que les requérants au principal aient obtenu légalement des informations plus détaillées des autorités néerlandaises, notamment sur les États membres ayant émis des objections contre la délivrance de visas. Par conséquent, ainsi que cela a été indiqué précédemment dans l’analyse (71), la procédure en place aux Pays-Bas semble garantir un minimum de transparence.

91.      L’importance d’un tel contrôle de légalité ne doit pas être sous-estimée. Ainsi que l’a indiqué l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Koushkaki, l’objectif du régime des visas consiste, en substance, à mettre en place une procédure aux conditions « plus visibles et plus lisibles pour le demandeur afin de lui assurer un traitement digne et respectueux de son humanité » (72). L’avocat général Bobek a, pour sa part, rappelé qu’« il existe un droit à ce que la demande [de visa] soit traitée correctement et dans le respect de la légalité, et ce droit peut constituer le fondement du contrôle juridictionnel de la décision sur la demande » (73). Toutefois, une question importante qu’il convient d’analyser dans les présentes conclusions pour répondre à la première question préjudicielle concerne la rigueur que doit avoir le contrôle juridictionnel des décisions de refus de visas.

b)      Un contrôle juridictionnel moins profond comme conséquence des prérogatives du Conseil dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune

92.      En tant qu’instrument de la politique étrangère et de sécurité de l’Union (74), le régime des visas dépend des prérogatives accordées au Conseil dans ce domaine, ce qui permet à ce dernier de l’adapter en fonction de la situation des relations internationales et des exigences de sécurité. Soutenu par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le Conseil est le mieux placé pour définir cette politique et la mettre en œuvre au niveau réglementaire, y compris en ce qui concerne l’accès de ressortissants de pays tiers au territoire de l’Union. Il est en mesure d’apprécier l’opportunité d’un maintien ou d’un changement éventuel de la politique des visas sur la base des informations recueillies par les différents services de l’Union et ses États membres (75). Il exerce donc ses compétences dans ce domaine dans l’intérêt d’une réalisation effective des objectifs définis par les traités (76).

93.      En vertu de l’article 13, paragraphe 2, TUE, « [c]haque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci ». Cette disposition traduit le principe d’équilibre institutionnel, caractéristique de la structure institutionnelle de l’Union, qui implique que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect de celles des autres (77). La répartition de compétences au sein de l’Union ainsi que les prérogatives du Conseil dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune impliquent nécessairement que les autres institutions doivent se voir accorder un rôle moins prépondérant (78). Il en va de même pour le contrôle juridictionnel des actes adoptés par le Conseil, comme le démontrent l’article 24, paragraphe 1, TUE et l’article 275 TFUE, qui excluent explicitement la compétence de la Cour dans ce domaine, à l’exception des aspects relevant de l’article 40 TUE, liés aux procédures et à l’étendue des attributions respectives des institutions, ainsi que du contrôle de légalité des mesures restrictives adoptées à l’encontre de personnes physiques ou morales (79). Comme je l’expliquerai dans les présentes conclusions, ces considérations sont pertinentes pour préciser quelle est l’étendue du contrôle juridictionnel au niveau national en ce qui concerne les décisions prises dans le domaine des visas.

94.      L’ordre constitutionnel des États membres prévoit une répartition de compétences semblable à celle qui est décrite aux paragraphes précédents, conférant traditionnellement au pouvoir exécutif des prérogatives dans le domaine de la politique extérieure et de sécurité, et ce pour les mêmes motifs que j’ai mentionnés. Il incombe généralement au pouvoir exécutif d’un État de formuler la politique extérieure et d’assumer la représentation diplomatique et consulaire à l’étranger (80). Conformément au raisonnement exposé dans les présentes conclusions, il me semble que le contrôle juridictionnel des actes ayant un lien intrinsèque avec ce domaine, tels que les décisions en matière de visas, devrait être plus restreint.

95.      À cet égard, je tiens à rappeler que le juge national est compétent pour appliquer le droit aux affaires portées devant lui, de sorte qu’il est amené à apprécier les faits et à trancher les questions juridiques qui pourraient surgir. En revanche, le juge national ne dispose généralement d’aucune compétence ou expertise en matière de politique étrangère et de sécurité. De surcroît, il ne dispose pas de la légitimation nécessaire, dans son ordre constitutionnel, pour prendre des décisions relevant de ce domaine particulièrement sensible. Par ailleurs, il ne saurait être exclu que ses actions fassent même échec aux objectifs poursuivis par les organes de l’État désignés pour exercer cette fonction. Par conséquent, vouloir accorder au juge national une fonction qu’il ne parviendrait pas à remplir ne me semble pas être une approche réaliste. Toutefois, il me semble que c’est précisément à cela que conduirait un contrôle juridictionnel illimité, susceptible d’obliger le juge à vérifier à chaque fois l’intégralité des motifs qui sous-tendent une décision de refus de visa afin de répondre aux exigences du droit de l’Union.

96.      Après avoir pris en compte tous les aspects susmentionnés dans le cadre de l’interprétation de l’article 32, paragraphe 3, du code des visas, je suis convaincu qu’un contrôle juridictionnel moins profond par le juge national s’impose dans les cas d’espèce. Je relève à cet égard que je ne suis pas le seul avocat général à la Cour à soutenir cette thèse, ainsi que je le montrerai dans les paragraphes qui suivent.

c)      Les États membres peuvent prévoir un contrôle juridictionnel moins profond

97.      En effet, je partage sans réserve l’avis des avocats généraux Bobek et Szpunar, qui se prononcent en faveur d’un contrôle juridictionnel moins profond, leur argumentation s’appuyant sur la large marge d’appréciation dont disposent les autorités décisionnaires quant à l’éligibilité d’un individu à obtenir un visa.

98.      Comme l’avocat général Bobek l’a fait observer à juste titre, « la large marge d’appréciation qui est laissée aux autorités des États membres se traduit logiquement par un niveau de contrôle juridictionnel plus léger de la part des tribunaux des États membres » (81). L’avocat général Szpunar observe, quant à lui, qu’« une large marge d’appréciation suppose un contrôle juridictionnel limité. Si tel n’était pas le cas, la marge d’appréciation serait remise en cause et ce serait le pouvoir judiciaire qui ferait le travail de l’exécutif (82). » Cette argumentation me paraît particulièrement convaincante dans un contexte tel que celui du domaine des visas, où, comme je l’ai déjà expliqué, les autorités compétentes doivent effectuer des évaluations complexes afin de protéger des risques extérieurs la sécurité dans l’ensemble de l’espace Schengen, sans pour autant devoir avoir une certitude absolue concernant l’existence d’une menace concrète (83). Un tribunal national ne saurait se substituer aux autorités compétentes qui, d’ailleurs, disposent de la compétence et des moyens requis pour accomplir cette tâche.

99.      En outre, il me semble que l’argumentation de l’avocat général Mengozzi va dans le même sens lorsqu’il écrit que la procédure de recours est conçue pour éviter les décisions arbitraires (84). Un contrôle destiné à faire obstacle à l’arbitraire implique, par définition, l’existence d’un seuil relativement élevé pour établir l’illégalité d’une décision administrative (85).

100. Cette interprétation a été confirmée par la jurisprudence de la Cour qui, dans l’arrêt rendu dans l’affaire Fahimian, a jugé que l’organe juridictionnel national devrait avoir compétence pour se pencher sur toutes les questions pertinentes, le contrôle étant pourtant limité à l’appréciation de « l’absence d’erreur manifeste » (86).

101. Ce constat signifie, à mon avis, que l’organe national appelé à exercer le contrôle juridictionnel d’une décision de refus de visa prise par l’administration au motif que l’individu concerné est considéré comme une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique, ou pour les relations internationales d’un État membre, au sens de l’article 32, paragraphe 1, sous a), vi), du code des visas, doit avoir la possibilité de vérifier lui-même si la procédure de consultation des autorités centrales des autres États membres décrite à l’article 22 du code des visas a été appliquée correctement et si les garanties procédurales ont été respectées dans le cas d’espèce.

102. En ce qui concerne le fond de la décision de refus, le contrôle juridictionnel doit prévoir la possibilité pour ledit organe national de vérifier que les limites de la marge d’appréciation exercée par l’administration pour déterminer l’éligibilité du demandeur à obtenir un visa n’ont pas été outrepassées. À cet effet, l’organe juridictionnel devra examiner si les éléments pertinents dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation étaient réunis. En l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de l’administration, l’organe juridictionnel doit conclure à la légalité de la décision de refus de visa.

103. Afin d’examiner s’il y a erreur manifeste d’appréciation, l’organe juridictionnel doit s’appuyer sur les informations contenues dans le dossier judiciaire, ce qui comprend le formulaire type dûment rempli, des « remarques » éventuelles étayant la décision de refus, ainsi que d’autres informations fournies, le cas échéant, par l’administration dans le cadre de la procédure administrative et précontentieuse. L’organe juridictionnel doit prendre en compte les circonstances spécifiques de chaque cas individuel, en particulier les soucis légitimes de sécurité quant à la nature et aux sources de renseignements.

d)      Comment concilier les soucis légitimes de sécurité des États membres avec les garanties procédurales qu’exige l’état de droit ?

104. Dans l’exercice du contrôle juridictionnel, les autorités seront occasionnellement amenées à gérer des données confidentielles, ce qui pose la question de savoir comment concilier les soucis légitimes des États membres avec les garanties procédurales qu’exige l’état de droit.

105. En principe, la réponse à cette question découle des observations précédentes, qui tiennent compte du statut juridique du demandeur de visa ainsi que des soucis de sécurité des États membres. Au stade actuel d’évolution du droit de l’Union, les États membres ne sont pas obligés de fournir une présentation exhaustive des motifs de la décision de refus, ce qui pourrait les amener à divulguer ou à permettre la divulgation d’informations sensibles qui pourraient poser un risque grave pour leurs intérêts nationaux. Ils peuvent se limiter à mettre à la disposition de l’organe juridictionnel l’information contenue dans le formulaire type figurant à l’annexe VI du code des visas, y compris des « remarques », ainsi que d’autres informations fournies par l’administration, par exemple à la suite d’une plainte, afin de faciliter un contrôle de légalité.

106. Dans la mesure où le droit de l’Union prévoit des garanties minimales, en laissant aux États membres le soin de déterminer les modalités de la procédure de recours dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité, rien ne les empêche de mettre également, sous certaines conditions, l’information qualifiée de confidentielle à la disposition de l’organe juridictionnel. Le cas échéant, comme l’a reconnu la Cour dans sa jurisprudence (87), les États membres peuvent, afin de protéger leurs intérêts nationaux, solliciter de l’organe juridictionnel « la mise en œuvre de techniques permettant de concilier, d’une part, les soucis légitimes de sécurité quant à la nature et aux sources de renseignements ayant été pris en considération pour l’adoption de la décision de refus concerné et, d’autre part, la nécessité de garantir à suffisance au justiciable le respect de ses droits procéduraux, tels que le droit d’être entendu ainsi que le principe du contradictoire ».

e)      Conclusion intermédiaire

107. Eu égard aux considérations qui précèdent, j’arrive à la conclusion intermédiaire suivante.

108. Le droit de l’Union prévoit un contrôle juridictionnel limité qui prend en compte la nature spécifique de la procédure de délivrance des visas.

4.      Réponse à la première question

109. Sur la base de cette analyse, il y a lieu de répondre à la première question préjudicielle que la décision de refus que le demandeur d’un visa reçoit des autorités nationales, à savoir le formulaire type contenant des remarques éventuelles, répond, en principe, aux exigences du droit à un recours effectif au titre de l’article 47 de la Charte. Même si, au stade actuel d’évolution du droit de l’Union, les États membres ne sont pas obligés de fournir une motivation détaillée, rien ne les empêche d’inclure des « remarques » dans le formulaire type, ainsi que d’autres informations fournies par l’administration, par exemple à la suite d’une plainte, afin de faciliter un contrôle de légalité.

110. Dans la mesure où le droit de l’Union prévoit des garanties minimales, en laissant aux États membres le soin de déterminer les modalités de la procédure de recours dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité, rien ne les empêche de mettre également, sous certaines conditions, des informations qualifiées de confidentielles à la disposition de l’organe juridictionnel. Le cas échéant, les États membres peuvent, afin de protéger leurs intérêts nationaux, solliciter de l’organe juridictionnel la mise en œuvre de techniques permettant de concilier, d’une part, les soucis légitimes de sécurité concernant la nature et les sources de renseignements qui ont été pris en considération pour l’adoption de la décision de refus concernée et, d’autre part, la nécessité de garantir à suffisance au justiciable le respect de ses droits procéduraux, tels que le droit d’être entendu ainsi que le principe de contradictoire.

C.      Sur la deuxième question

111. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 41 de la Charte, qui consacre le droit à une bonne administration, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une pratique telle que celle décrite dans la première question préjudicielle.

112. L’article 41, paragraphe 1, de la Charte prévoit que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union. Il résulte ainsi du libellé de l’article 41 de la Charte que celui-ci ne s’adresse pas aux États membres, mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union (88).

113. Par conséquent, une personne qui conteste une décision de refus de visa ne peut pas s’appuyer sur l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte relatif à l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions lors de toute procédure liée à sa demande (89).

114. Il importe cependant de relever que le droit à une bonne administration est inhérent aux dispositions de l’article 47 de la Charte, relatif au droit à une protection juridictionnelle effective et à un procès équitable (90). La Cour a reconnu que ce droit reflète un principe général du droit de l’Union, le droit à un recours effectif (91). Ce principe est aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la Charte (92).

115. Compte tenu de ces considérations, j’estime que, dans les affaires au principal, il convient de considérer que, dans les circonstances mentionnées dans la première question, le droit à une bonne administration est assuré pour les mêmes raisons que celles exprimées dans la réponse à la première question préjudicielle, relatives à la conformité de la situation examinée dans les affaires concernées à l’article 47 de la Charte.

D.      Sur les troisième et quatrième questions

116. Je propose de donner une réponse commune aux troisième et quatrième questions, étant donné qu’elles portent sur la possibilité de former un recours contre l’opposition à la délivrance d’un visa émise par un autre État membre dans le cadre de la procédure de consultation visée à l’article 22 du code des visas.

1.      Les limites de l’autonomie procédurale des États membres

117. À cet égard, il convient de rappeler que le code des visas ne réalise qu’une harmonisation législative partielle (93). Il en résulte que ce code ne prévoit aucune procédure spécifique permettant de contester l’appréciation de l’État membre ayant émis une objection à la délivrance d’un visa sur le fondement de l’article 22, paragraphe 2, du code des visas.

118. De surcroît, il y a lieu de relever que la procédure prévue à l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement VIS, ne trouve pas à s’appliquer aux cas d’espèce, étant donné que les requérants au principal ne font pas l’objet d’un signalement aux fins d’un refus de visa dans le VIS ni d’un signalement aux fins d’un refus d’admission dans l’espace Schengen dans le SIS (94).

119. Il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que, en l’absence de règles de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits des justiciables, en vertu du principe d’autonomie procédurale, à condition, toutefois, qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (95). Cela dit, les États membres ne sauraient se soustraire aux exigences qu’impose le droit garanti à l’article 47 de la Charte en ce qui concerne une protection juridictionnelle effective (96). Par conséquent, ils sont tenus de prévoir des voies de recours appropriées dans leurs ordres juridiques respectifs (97). Comme je l’illustrerai plus loin, diverses options peuvent être envisagées, sans pour autant favoriser un modèle déterminé (98).

2.      L’obligation d’informer les demandeurs sur les voies de recours disponibles

120. Dans ce contexte se pose la question de savoir si les États membres sont tenus d’informer les demandeurs sur les voies de recours disponibles. À cet égard, je note qu’il n’existe aucune disposition dans le code des visas qui règle expressément cet aspect. Cependant, l’article 32, paragraphe 3, du code des visas prévoit l’obligation de fournir aux demandeurs des informations relatives aux voies de recours disponibles contre la décision de refus de visa. Je favorise une application analogue de cette disposition, et cela pour les raisons que j’exposerai dans les présentes conclusions.

121.  Comme cela a été expliqué plus haut (99), la décision de refus reflète les conclusions de l’examen effectué par l’État membre chargé d’adopter la décision finale, ainsi que le résultat de la procédure de consultation visée à l’article 22 du code des visas. Dès lors, on peut supposer que l’opposition émise par un ou plusieurs États membres constitue un élément constitutif de la décision administrative. Dans la mesure où l’article 32, paragraphe 2, du code des visas prévoit que le demandeur doit être informé du motif de refus au moyen du formulaire type figurant à l’annexe VI de ce code, il me semble cohérent d’étendre cette obligation d’information aux voies de recours disponibles contre l’opposition émise par un ou plusieurs États membres.

122. Une application, au moins analogue, de l’article 32, paragraphe 3, du code des visas s’impose afin d’assurer la cohérence et l’efficacité de la protection juridictionnelle dans le cadre du recours garanti par le code des visas. La mise en œuvre du droit de l’Union par les organes administratifs nationaux oblige inévitablement ces derniers à de nombreuses interactions, ce qui produit des recoupements et des éléments de connexité. Dans une situation telle que celle des cas d’espèce, qui implique l’application des normes de divers ordres juridiques, ainsi que la participation de plusieurs entités administratives, la défense des droits du justiciable peut se révéler complexe. Pour ne pas la rendre illusoire, les États membres devraient, à mon avis, être tenus de fournir aux demandeurs des renseignements relatifs aux voies de recours, sur demande ou à la suite d’une plainte (100).

123. Il ressort de l’ordonnance de la Cour dans l’affaire Guérin automobiles/Commission (101) que la plupart des États membres connaissent une telle obligation d’information à la charge de l’administration. Comme le soulève la Cour à juste titre, « en général, c’est une intervention du législateur qui l’a imposée et réglementée » (102). Cela étant dit, le législateur de l’Union a expressément prévu une telle obligation d’information à l’article 32, paragraphe 3, du code des visas afin de faciliter le contrôle juridictionnel. L’application de cette disposition aux voies de recours disponibles contre l’opposition émise par un ou plusieurs États membres, que je propose, ne fait que rendre la protection juridictionnelle garantie par le législateur plus cohérente et efficace.

124. Pour conclure, je tiens à attirer l’attention sur le fait que le code européen de bonne conduite administrative, développé par le Médiateur européen, prévoit à son article 19, paragraphe 1, l’obligation d’indiquer les voies de recours existant en vue d’attaquer toute décision des institutions de l’Union pouvant porter atteinte aux droits ou aux intérêts d’une personne privée. Il en va de même pour le code développé par la Commission, qui impose cette obligation « lorsque le droit de l’Union le prévoit ». Même si ces codes ne sont pas directement applicables aux cas d’espèce parce que ce sont les États membres qui mettent en œuvre le code des visas, ils permettent de tirer des conclusions sur l’importance d’une telle information pour la défense des droits dans le cadre d’une procédure administrative (103).

3.      Éléments de réflexion : options envisageables pour des voies de recours à développer par les États membres

125. Comme cela a été indiqué plus haut, la défense des droits du justiciable peut se révéler complexe en fonction des données du cas concret, et ce d’autant plus que les ordres juridiques des États membres peuvent prévoir des voies de recours différentes. Les renseignements relatifs aux voies de recours devront tenir compte de la manière dont les différentes entités administratives coopèrent dans le cadre de l’examen d’une demande de visa.

126. Cela dit, et sous réserve de l’autonomie procédurale des États membres pour arrêter les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits des justiciables, il me semble que diverses options peuvent théoriquement être envisagées. D’une part, il est possible de prévoir une voie de recours exclusivement dans l’État membre qui adopte la décision finale, cette option se rapprochant au mieux de l’idée du « guichet unique » évoquée par la juridiction de renvoi. D’autre part, il est possible d’envisager une voie de recours dans l’État membre ayant émis l’objection. Les considérations suivantes ont pour objet d’apporter quelques éléments de réflexion afin de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi.

a)      Une voie de recours dans l’État membre qui adopte la décision finale ?

127. Ainsi que l’énonce l’article 32, paragraphe 3, du code des visas, le recours contre une décision de refus de visa doit être « intent[é] contre l’État membre qui a pris la décision finale sur la demande, conformément à la législation nationale de cet État membre ».

128. En l’absence de dispositions plus détaillées, cela n’implique pas forcément que la contestation d’une objection émise par un autre État membre doive aussi être effectuée devant les autorités de l’État membre qui a pris la décision finale. Toutefois, je suis d’avis que le libellé de l’article 32, paragraphe 3, du code des visas doit être interprété comme un indice fort donné par le législateur en faveur de l’idée du « guichet unique », consacrée au considérant 7 du code des visas, qui permettrait au demandeur de n’avoir qu’un seul interlocuteur et de s’acquitter de toutes ses formalités administratives en un seul endroit. Les avantages pour la sauvegarde de ses intérêts sont évidents, d’autant plus que cela lui épargnerait la peine d’effectuer des démarches auprès de plusieurs administrations nationales, chacune opérant selon des règles différentes. En effet, le concept d’une procédure administrative se déroulant en plusieurs étapes et prévoyant la participation de diverses entités spécialisées n’est pas inconnu en droit administratif, tant au sein de l’Union qu’au sein des États membres. Partant, rien n’empêche les États membres de mettre en place les mécanismes appropriés d’un commun accord, au moins tant que des modifications éventuelles au code des visas n’auront pas été adoptées.

129. Les dispositions du code des visas ne s’opposent pas à une telle approche, pourvu que le droit de procédure national ainsi que des accords entre les États membres concernés, conclus dans l’exercice de leurs droits souverains, la prévoient. Il convient de rappeler à cet égard l’option dont les États membres disposent au titre de l’article 8 du code des visas, qui leur permet de se faire représenter par d’autres États membres en vue d’examiner les demandes et de délivrer des visas. Même si cette disposition ne concerne qu’un cas de figure spécifique, à savoir celui de la représentation, il démontre qu’un État membre peut conférer des compétences aux autorités d’un autre État membre pour traiter les demandes de visas.

130. Contrairement à ce que semble supposer la juridiction de renvoi, une intervention de l’État membre ayant émis une objection dans le cadre de la procédure juridictionnelle même (104) ne me paraît pas être la seule option envisageable. On pourrait également prévoir un transfert d’informations entre les États membres concernés, dans un esprit de coopération loyale et de confiance mutuelle – principes sur lesquels l’Union est fondée, comme l’énonce l’article 4, paragraphe 3, TUE – (105), l’État membre chargé d’adopter la décision finale étant celui qui met les informations obtenues à la disposition du juge national. Afin de protéger la confidentialité des informations fournies, cet État membre pourrait s’engager à solliciter de l’organe juridictionnel la mise en œuvre des techniques mentionnées au point 106 des présentes conclusions.

b)      Une voie de recours dans l’État membre ayant émis l’objection ?

131. Une voie de recours pourrait éventuellement être ouverte dans l’État membre ayant émis une objection à la délivrance d’un visa.

132. Cependant, il convient de noter que, même si le droit de l’Union ne s’oppose pas à cette approche, celle-ci impose au demandeur de visa un effort particulier, dans le sens où il se verrait obligé d’intenter un recours devant les autorités d’un État membre avec lequel il n’a aucun lien et qui, éventuellement, ne constitue pas la destination de son voyage (106). Vu sous cette perspective, exiger que le demandeur forme un recours devant l’État membre ayant émis une objection à la délivrance d’un visa ne paraît pas être l’option idoine pour garantir une protection juridictionnelle effective.

133. Au cas où une voie de recours « incidente » dans un autre État membre serait prévue, il serait raisonnable de prévoir jusqu’à sa conclusion la suspension de la procédure « principale », dans l’intérêt de la cohérence et de l’efficacité de la protection juridictionnelle.

c)      Réponse à la troisième et à la quatrième question

134. Sur le fondement des arguments exposés, je propose de répondre comme suit à la troisième et à la quatrième question.

135. Il relève de la compétence des États membres de décider de la nature et des modalités concrètes des voies de recours dont disposent les demandeurs de visas pour contester les objections émises à la délivrance d’un visa dans le cadre de la procédure de consultation prévue à l’article 22 du code des visas.

136. À l’instar de ce que prévoit l’article 32, paragraphe 3, du code des visas, les États membres devraient fournir aux demandeurs les informations relatives aux voies de recours sur demande ou à la suite d’une plainte.

VI.           Conclusion

137. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Rechtbank Den Haag zittingsplaats Haarlem (tribunal de La Haye siégeant à Haarlem, Pays‑Bas) :

1)      La décision de refus que le demandeur d’un visa reçoit des autorités nationales, à savoir le formulaire type figurant à l’annexe VI du règlement (CE) nº 810/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un code communautaire des visas (code des visas), contenant des remarques éventuelles, répond, en principe, aux exigences du droit à un recours effectif au titre de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Même si, au stade actuel d’évolution du droit de l’Union, les États membres ne sont pas obligés de fournir une motivation détaillée, rien ne les empêche d’inclure des « remarques » dans le formulaire type, ainsi que d’autres informations fournies par l’administration, par exemple à la suite d’une plainte, afin de faciliter un contrôle de légalité.

2)       Dans la mesure où le droit de l’Union prévoit des garanties minimales, en laissant aux États membres le soin de déterminer les modalités de la procédure de recours dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité, rien ne les empêche de mettre également, sous certaines conditions, des informations qualifiées de confidentielles à la disposition de l’organe juridictionnel. Le cas échéant, les États membres peuvent, afin de protéger leurs intérêts nationaux, solliciter de l’organe juridictionnel la mise en œuvre de techniques permettant de concilier, d’une part, les soucis légitimes de sécurité concernant la nature et les sources des renseignements qui ont été pris en considération pour l’adoption de la décision de refus concernée et, d’autre part, la nécessité de garantir à suffisance au justiciable le respect de ses droits procéduraux, tels que le droit d’être entendu ainsi que le principe du contradictoire.

3)      Il relève de la compétence des États membres de décider de la nature et des modalités concrètes des voies de recours dont disposent les demandeurs de visas pour contester les objections émises à la délivrance d’un visa dans le cadre de la procédure de consultation prévue à l’article 22 du code des visas.

4)      Les États membres sont tenus de fournir aux demandeurs les informations relatives aux voies de recours sur demande ou à la suite d’une plainte.


1      Langue originale : le français.


2       JO 2009, L 243, p. 1.


3       Voir prise de position de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire Vo (C‑83/12 PPU, EU:C:2012:170, point 42) ainsi que ses conclusions dans l’affaire Vethanayagam e.a. (C‑680/17, EU:C:2019:278, point 37).


4       Voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Koushkaki (C‑84/12, EU:C:2013:862, points 44 à 55).


5       JO 2008, L 218, p. 60.


6       Meloni, A., « The Community Code on Visas: harmonisation at last? », European Law Review, 2009, vol. 34, p. 671, explique que l’introduction d’une obligation de motiver le refus de visa et d’un droit de recours était un point de blocage non négociable pour le Parlement européen, soutenu par la Commission et certains États membres, qui considéraient ces dispositions comme une « pierre angulaire » des garanties pour les demandeurs de visas. En revanche, une large majorité des États membres s’est prononcée en faveur de la non-motivation des refus de visas et s’est opposée à l’introduction d’un droit de recours, préoccupée par le risque de saturation de leurs juridictions internes. En introduisant ces obligations, le code des visas a remédié à une faiblesse de l’ancien régime, à savoir l’absence d’une approche uniforme en ce qui concerne les droits et recours ouverts aux demandeurs de visas qui se voient opposer un refus.


7       Arrêt du 13 décembre 2017, El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:960, point 42).


8       Arrêt du 4 juin 2013, ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363, point 53 et jurisprudence citée).


9       Arrêt du 13 décembre 2017, El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:960, point 42).


10       Voir point 41 des présentes conclusions.


11       Jarass, H., Charta der Grundrechte der Europäischen Union, 3e édition, Munich 2016, article 47 de la Charte, points 5, 48 et 49, indique que l’article 47 de la Charte ne s’applique, en principe, qu’à la procédure juridictionnelle, alors que l’article 41, paragraphe 2, de la Charte prévoit des droits dans le cadre de la procédure précontentieuse administrative. Néanmoins, l’article 47 de la Charte peut être invoqué si l’article 41 de la Charte ne trouve pas à s’appliquer, ce qui est le cas lorsque les États membres mettent en œuvre le droit de l’Union. Selon l’auteur, découle de l’article 47 de la Charte l’obligation de motiver suffisamment les décisions administratives affectant la position de l’intéressé. L’autorité peut se dispenser d’une telle motivation pour des raisons liées à la sûreté de l’État. Voir aussi Lemke, S., Europäisches Unionsrecht, 7e édition, Baden-Baden 2015, article 47 de la Charte, point 4, p. 807, qui se prononce en faveur de l’applicabilité de l’article 47 de la Charte lorsque les États membres mettent en œuvre le droit de l’Union. Brouwer, E. R., « Wanneer een staat een visum weigert namens een andere staat - Vertegenwoordigingsafspraken in het EU-visumbeleid en het recht op effectieve rechtsbescherming », SEW Tijdschrift voor Europees en Economisch recht, 2015 (avril), p. 165, analyse le défaut de motivation d’une décision de refus de visa à la lumière de l’article 47 de la Charte. Hoffmann, H., The EU Charter of Fundamental Rights, Oxford 2014, point 47.67, p. 1219, analyse le droit d’obtenir une motivation d’un acte administratif sous l’angle de la protection juridictionnelle effective au titre de l’article 47 de la Charte.


12       Arrêt du 4 juin 2013, ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363, point 51).


13       Voir arrêt du 15 février 2016, J.N. (C‑601/15 PPU, ECLI:EU:C:2016:84, point 53). Voir, en ce sens, Van Drooghenbroeck, S./Rizcallah, C., Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Commentaire article par article, Bruylant, Bruxelles 2018, p. 1099 et 1103.


14       Arrêt du 17 novembre 2011, Gaydarov (C‑430/10, EU:C:2011:749, point 41). Voir, également, arrêts du 17 mars 2011, Peñarroja Fa (C‑372/09 et C‑373/09, EU:C:2011:156, point 63), et du 4 juin 2013, ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363, point 53).


15       Voir arrêt du 12 juillet 1989, Belardinelli e.a./Cour de justice (225/87, EU:C:1989:309, point 7), dans lequel la Cour rappelle sa jurisprudence constante, selon laquelle, afin de tenir compte des difficultés pratiques qui se présentent dans un concours à participation nombreuse, le jury d’un tel concours peut, dans un premier stade, ne communiquer aux candidats que les critères et le résultat de la sélection, quitte à fournir ultérieurement des explications individuelles aux candidats qui le demandent expressément.


16       Voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France (C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63), du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 166), du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil (C‑548/09 P, EU:C:2011:735, point 93), du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa (C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 139), du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission (C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 120), et du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236, point 122).


17       Voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France (C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63), du 22 juin 2004, Portugal/Commission (C‑42/01, EU:C:2004:379, point 66), du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 166), du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa (C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 140), du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission (C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 120), et du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236, point 122).


18       Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Koushkaki (C‑84/12, EU:C:2013:232).


19       Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Koushkaki (C‑84/12, EU:C:2013:232, point 51).


20       Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Koushkaki (C‑84/12, EU:C:2013:232, point 51).


21       Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Koushkaki (C‑84/12, EU:C:2013:232, point 52).


22       Ainsi que l’indique le gouvernement tchèque dans sa réponse aux questions posées par la Cour en faisant référence aux bases juridiques des traités permettant l’adoption du code des visas, celles-ci visent uniquement à uniformiser les procédures des États membres dans un domaine particulier, et non pas à introduire un droit général d’entrer sur le territoire des États membres.


23       Conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:659).


24       Conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:659, point 98).


25       Conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Fahimian (C‑544/15, EU:C:2016:908).


26       Conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Fahimian (C‑544/15, EU:C:2016:908, point 29).


27       Selon la définition de Von Jhering, R., « Der Geist des römischen Rechts auf verschiedenen Stufen seiner Entwicklung », IIIe partie, première section, Leipzig 1865, p. 316, citée par Hacker, P., Verhaltensökonomik und Normativität, Tübingen 2017, p. 234.


28       Alexy, R., « Grundrechte als subjektive Rechte und als objektive Normen », Der Staat, 1990, no 29, p. 53.


29       Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Koushkaki (C‑84/12, EU:C:2013:232, point 47).


30       Conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Fahimian (C‑544/15, EU:C:2016:908, point 27).


31       Conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Fahimian (C‑544/15, EU:C:2016:908, point 28).


32       JO 2003, L 251, p. 12.


33       Voir, en ce sens, arrêts du 27 juin 2006, Parlement/Conseil (C‑540/03, EU:C:2006:429, point 60), et du 4 mars 2010, Chakroun (C‑578/08, EU:C:2010:117, point 41).


34       Meloni, A., « EU visa policy: What kind of solidarity? », Maastricht Journal of European and Comparative Law, 10/2017, vol. 24, no 5, p. 652.


35       Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Koushkaki (C‑84/12, EU:C:2013:232, point 51).


36       Conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:659, point 99).


37       Palosaari, T., « From “Thin” to “Thick” foreign policy europeanization: Common Foreign and Security Policy and Finland », European Foreign Affairs Review, 12/2016, vol. 21, no 4, p. 583, souligne le caractère intergouvernemental de la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union, ainsi que le rapport traditionnel de ce domaine avec la souveraineté de l’État ; Koutrakos, P., « Judicial review in the EU's common foreign and security policy », International and Comparative Law Quarterly, 01/2018, vol. 67, no 1, p. 1, affirme qu’il est conventionnel de considérer la politique étrangère et de sécurité comme un domaine de volontés souveraines et d’intérêts nationaux par excellence.


38       Carli, E., La politica di sicurezza e di difesa comune dell’Unione europea, Torino 2019, p. 16 et 393, souligne l’exigence de l’unanimité pour la prise des décisions au sein du Conseil, ce qui, selon l’avis de l’auteur, met en évidence la nature intergouvernementale de la politique étrangère et de sécurité commune.


39       Voir « Déclaration sur la politique étrangère et de sécurité commune », déclaration no 13 annexée à l’acte final de la conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne.


40       Dumas, P., L’accès des ressortissants des pays tiers au territoire des États membres de l’Union européenne, Bruxelles 2013, p. 146 ; Balleix, C., La politique migratoire de l’Union européenne, Paris 2013, p. 47.


41       Meloni, A., « EU visa policy: What kind of solidarity? », Maastricht Journal of European and Comparative Law, 10/2017, vol. 24, no 5, p. 653.


42       Dumas, P., L’accès des ressortissants des pays tiers au territoire des États membres de l’Union européenne, Bruxelles 2013, p. 144 ; Delcour, L., « The EU’s visa liberalisation policy: what kind of transformative power in neighbouring regions? », The Routledge Handbook of the Politics of Migration in Europe, chapitre 32, Londres 2019, p. 410.


43       Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Koushkaki (C‑84/12, EU:C:2013:232, point 49).


44       Voir observations similaires de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Fahimian (C‑544/15, EU:C:2016:908, point 58).


45       Mungianu, R., « Frontex: Towards a Common Policy on External Border Control », European Journal of Migration and Law, vol. 15, no 4, 2013, p. 360 ; García Andrade, P., « EU external competences in the field of migration: How to act externally when thinking internally », Common Market Law Review, 02/2018, vol. 55, no 1, p. 163 ; Mazille, C., « L’accès des étrangers au territoire de l’Union et l’exigence de sécurité publique », Revue française de droit administratif, 11/2017, no 5, p. 929.


46       Arrêt du 19 décembre 2013, Koushkaki (C‑84/12, EU:C:2013:862).


47       Arrêt du 19 décembre 2013, Koushkaki (C‑84/12, EU:C:2013:862, point 56).


48       Arrêt du 19 décembre 2013, Koushkaki (C‑84/12, EU:C:2013:862, point 57).


49       Arrêt du 13 décembre 2017, El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:960, point 36).


50       JO 2004, L 375, p. 12.


51       Arrêt du 4 avril 2017, Fahimian (C‑544/15, EU:C:2017:255, point 42). Il convient de mentionner aussi l’arrêt du 10 septembre 2014, Ben Alaya (C‑491/13, EU:C:2014:2187, point 33), qui concerne également l’interprétation de la directive 2004/114.


52       Arrêt du 4 avril 2017, Fahimian (C‑544/15, EU:C:2017:255, point 43).


53       Arrêt du 19 décembre 2013, Koushkaki (C‑84/12, EU:C:2013:862, point 60).


54       Arrêt du 25 juillet 2008, Metock e.a. (C‑127/08, EU:C:2008:449, point 57).


55       JO 2004, L 158, p. 77.


56       Arrêt du 25 juillet 2008, Metock e.a. (C‑127/08, EU:C:2008:449, point 56).


57       Arrêt du 25 juillet 2008, Metock e.a. (C‑127/08, EU:C:2008:449, point 62).


58       Arrêts du 8 mai 2013, Ymeraga e.a. (C‑87/12, EU:C:2013:291, point 34), du 12 mars 2014, O. et B. (C‑456/12, EU:C:2014:135, point 36), et du 18 décembre 2014, McCarthy e.a. (C‑202/13, EU:C:2014:2450, point 34).


59       Voir point 43 des présentes conclusions.


60       Voir point 50 des présentes conclusions.


61       Conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Fahimian (C‑544/15, EU:C:2016:908, point 56).


62       Conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Fahimian (C‑544/15, EU:C:2016:908, point 59).


63       Conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Fahimian (C‑544/15, EU:C:2016:908, point 61).


64       Arrêt du 4 juin 2013, ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363, point 51).


65       Voir point 43 des présentes conclusions.


66       Caniard, H., « Pouvoirs et moyens de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes : Le règlement (UE) 2016/1624 traduit-il un renforcement des moyens et capacités ? », De Frontex à Frontex – Vers l’émergence d’un service européen des garde-côtes et garde-frontières, Bruxelles 2019, p. 43, rappelle que, malgré l’attribution de compétences à l’Union dans le domaine de l’espace de liberté, sécurité et justice, les traités comportent des clauses de réserve de compétence au profit des États.


67       Arrêts du 4 juin 2013, ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363, point 54), et du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 125).


68       JO 2019, L 188, p. 25.


69       Conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:659, point 119).


70       Arrêt du 13 décembre 2017, El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:960, point 42).


71       Voir point 48 des présentes conclusions.


72       Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Koushkaki (C‑84/12, EU:C:2013:232, point 56).


73       Conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:659, point 105).


74       Voir points 61 à 63 des présentes conclusions.


75       Voir point 62 des présentes conclusions.


76       Eeckhout, P., EU External Relations Law, 2e édition, Oxford 2012, p. 486, indique que le Conseil est l’institution la plus importante dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune. Alors que la prise de décisions dans le cadre de l’application du traité FUE se caractérise par une claire répartition des compétences entre le Parlement, le Conseil et la Commission, ce qui exige une coopération constante entre ces institutions, le Conseil « contrôle » clairement la politique étrangère et de sécurité commune. L’auteur explique que les fonctions exercées par le Conseil dans ce domaine sont principalement de caractère « exécutif ».


77       Arrêts du 14 avril 2015, Conseil/Commission (C‑409/13, EU:C:2015:217, point 64), et du 28 juillet 2016, Conseil/Commission (C‑660/13, EU:C:2016:616, points 31 et 32).


78       Voir point 61 des présentes conclusions concernant le rôle secondaire accordé au Parlement dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune.


79       Arrêts du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569, point 39), et du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236, point 60).


80       Voir, notamment, le droit constitutionnel des États-Unis d’Amérique, qui connaît la doctrine d’« executive power », conférant au président une compétence très importante dans le domaine de la politique extérieure et de défense par rapport au Congrès (en ce sens, Prakash, S., et Ramsey, M., « The Executive Power over Foreign Affairs », Yale Law Journal, 11/2001, vol. 111, no 2, p. 233) ; le rôle du gouvernement fédéral selon le droit constitutionnel allemand (Röben, V., Außenverfassungsrecht, Tübingen 2007, p. 91), et les prérogatives du pouvoir exécutif en droit constitutionnel français (Martin, V., « Les relations extérieures, “domaine réservé” du pouvoir exécutif ? », Giornale di Storia Costituzionale, 2014, no 28, p. 77).


81       Conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:659, point 109).


82       Conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Fahimian (C‑544/15, EU:C:2016:908, point 72).


83       Voir point 65 des présentes conclusions.


84       Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Koushkaki (C‑84/12, EU:C:2013:232, point 63). Voir, aussi, conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:659, point 109), où il exprime l’avis qu’« il suffit […] que les juridictions nationales s’assurent que le refus de visa n’a pas été décidé arbitrairement ».


85       Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une décision administrative autorisant une vérification revêt un caractère arbitraire lorsqu’elle a été adoptée en l’absence de toute circonstance de fait susceptible de justifier ladite vérification. Voir, en ce sens, arrêts du 18 juin 2002, HI (C‑92/00, EU:C:2002:379, points 56 à 64), et du 22 octobre 2002, Roquette Frères (C‑94/00, EU:C:2002:603, point 55).


86       Arrêt du 4 avril 2017, Fahimian (C‑544/15, EU:C:2017:255, point 46).


87       Arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 344), et du 4 juin 2013, ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363, point 57).


88        Arrêts du 21 décembre 2011, Cicala, (C‑482/10, EU:C:2011:868, point 28), du 17 juillet 2014, YS e.a. (C‑141/12 et C‑372/12, EU:C:2014:2081, point 67), et du 5 novembre 2014, Mukarubega (C‑166/13, EU:C:2014:2336, point 44).


89       Voir Lemke, S., Europäisches Unionsrecht (von der Groeben/Schwarze/Hatje), 7e édition, Baden-Baden 2015, Article 47, p. 807, qui fait valoir que l’article 41 de la Charte n’est pas applicable au droit de procédure administrative des États membres, même lorsque ceux-ci mettent en œuvre le droit de l’Union.


90       Conclusions de l’avocate générale Sharpston dans les affaires jointes YS e.a. (C‑141/12 et C‑372/12, EU:C:2013:838, point 36).


91       Arrêt du 8 mai 2014, H.N. (C‑604/12, EU:C:2014:302, point 49).


92       Arrêt du 22 décembre 2010, DEB (C‑279/09, EU:C:2010:811, points 30 et 31), ordonnance du 1er mars 2011, Chartry (C‑457/09, EU:C:2011:101, point 25), et arrêt du 28 juillet 2011, Samba Diouf (C‑69/10, EU:C:2011:524, point 49).


93       Voir point 3 des présentes conclusions.


94       Voir point 29 des présentes conclusions.


95       Arrêts du 15 mars 2017, Aquino (C‑3/16, EU:C:2017:209, point 48), du 13 décembre 2017, El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:960, points 25 et 26), et du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (C‑406/18, EU:C:2020:216, point 26).


96       Arrêts du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125, point 47), du 15 septembre 2016, Star Storage e.a. (C‑439/14 et C‑488/14, EU:C:2016:688, point 46), ainsi que du 8 novembre 2016, Lesoochranárske zoskupenie VLK (C‑243/15, EU:C:2016:838, point 65).


97       Voir, en ce sens, von Danwitz, T., Europäisches Verwaltungsrecht, Cologne 2008, p. 277.


98       Selon Alber, S., Europäische Grundrechte-Charta – Kommentar (Stern/Sachs), Munich 2016, article 47, points 55 et 56, 2016, p. 711, l’article 47 de la Charte ne précise pas quelles sont les voies de recours que les États membres doivent prévoir. Par conséquent, elles peuvent varier d’un État membre à l’autre. Cette disposition n’exige ni leur harmonisation ni leur adaptation au standard le plus élevé.


99        Voir point 46 des présentes conclusions.


100       Schmidt-Assmann, E., Kohärenz und Konsistenz des Verwaltungsrechtsschutzes, Tübingen 2015, p. 55, se prononce en faveur d’une obligation de fournir des renseignements concernant les voies de recours ouvertes au destinataire d’une décision administrative, au moins dans des situations administratives complexes.


101       Ordonnance du 5 mars 1999, Guérin automobiles/Commission (C‑153/98 P, EU:C:1999:123).


102       Ordonnance du 5 mars 1999, Guérin automobiles/Commission (C‑153/98 P, EU:C:1999:123, point 14).


103       Sander, P., Charta der Grundrechte der Europäischen Union – GRC-Kommentar (Holoubek/Lienbacher), Vienne 2014, article 41, point 21, p. 543, et Jarass, H., Charta der Grundrechte der Europäischen Union, 3e édition, Munich 2016, article 47, point 49, sont d’avis qu’une obligation d’informer le destinataire d’une décision administrative sur les voies de recours ne peut pas être déduite clairement de la jurisprudence de la Cour. Ils soulèvent néanmoins l’importance des codes de bonne conduite administrative du Médiateur européen et de la Commission.


104      Dans leurs réponses aux questions de la Cour, les gouvernements allemand et polonais ont fait référence aux dispositions de leur droit national en matière de procédure administrative permettant, en principe, la participation de tiers à une procédure judiciaire en raison de leur intérêt légal. Néanmoins, plusieurs États membres ont exprimé des réserves concernant cette possibilité au regard du principe d’égalité souveraine des États, qui exclut qu’un État se soumette à la juridiction d’un autre État [« par in parem non habet imperium » ; voir arrêt de la Cour internationale de justice du 3 février 2012, Allemagne c. Italie, Grèce (intervenant), en l’affaire des immunités juridictionnelles de l’État].


105      Cela dit, je tiens à constater que les gouvernements allemand et polonais ont signalé dans leurs réponses aux questions posées par la Cour qu’un tel échange d’informations entre les autorités des États membres peut effectivement avoir lieu. Le gouvernement polonais estime qu’un État membre qui émet une objection à la délivrance d’un visa en vertu de l’article 22, paragraphe 2, du code des visas doit motiver son objection. En l’absence d’une telle motivation, l’État membre qui examine la demande de visa peut poser une question afin d’obtenir des informations supplémentaires (y compris des documents supplémentaires pertinents, le cas échéant). Selon le gouvernement polonais, les réponses aux questions et les éventuels documents peuvent être transmis dans le cadre de l’échange d’informations complétant la consultation sur les visas, à condition qu’ils ne constituent pas des informations classées, pour lesquelles il serait nécessaire d’appliquer des exigences en matière d’informations classées et d’utiliser des moyens de transmission sécurisés appropriés. Les réponses aux questions complétant la consultation sur les visas devraient être fournies sans retard indu.


106      Voir raisonnement analogue de l’avocate générale Sharpston dans ses conclusions dans l’affaire Vethanayagam e.a. (C‑680/17, EU:C:2019:278, point 81) concernant le mécanisme de représentation prévu à l’article 8 du code des visas.