Language of document : ECLI:EU:T:2019:492

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

11 juillet 2019 (*)

« REACH – Établissement d’une liste des substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement (CE) no 1907/2006 – Inscription du bisphénol A comme substance toxique pour la reproduction sur cette liste – Articles 57 et 59 du règlement no 1907/2006  »

Dans l’affaire T‑185/17,

PlasticsEurope, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes R. Cana, É. Mullier et F. Mattioli, avocats,

partie requérante,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mme M. Heikkilä, MM. W. Broere et N. Herbatschek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée initialement par MM. D. Colas, J. Traband et B. Fodda, puis par MM. Colas, Traband et Mme E. de Moustier, en qualité d’agents,

et par

ClientEarth, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Me P. Kirch, avocat,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de l’ECHA du 4 janvier 2017 (ED/01/2017) par laquelle le bisphénol A a été inscrit sur la liste des substances identifiées en vue de leur inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3), telle que visée à l’article 59, paragraphe 1, de ce règlement, au motif que cette substance avait été identifiée comme une substance toxique pour la reproduction au sens de l’article 57, sous c), du règlement no 1907/2006,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme I. Labucka et M. A. Dittrich (rapporteur), juges,

greffier : M. F. Oller, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 11 décembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le bisphénol A [2,2-bis(4-hydroxyphenyl)propane ou 4,4’‑isopropylidènediphénol, no CE 201-245-8, no CAS 0000080‑05‑7] est une substance utilisée notamment comme monomère dans la fabrication de polymères. À cet égard, il s’agit d’une utilisation en tant qu’intermédiaire. De plus, le bisphénol A est employé à des fins non intermédiaires. Tel est le cas de son utilisation pour la fabrication de papier thermique.

2        En adoptant le règlement (UE) 2016/1179 de la Commission, du 19 juillet 2016, modifiant, aux fins de son adaptation au progrès technique et scientifique, le règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges (JO 2016, L 195, p. 11), la Commission européenne a modifié l’annexe VI du règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006 (JO 2008, L 353, p. 1), en ce sens que, désormais, le bisphénol A fait l’objet d’une classification en tant que substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B. Selon l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 2016/1179, ce règlement est applicable depuis le 1er mars 2018.

3        Le 30 août 2016, conformément à l’article 59, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses, France, ci‑après l’« autorité française compétente ») a présenté à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) un dossier conforme à l’annexe XV de ce règlement, proposant que le bisphénol A soit identifié comme une substance répondant aux critères énoncés à l’article 57, sous c), du règlement no 1907/2006, sur la base de sa classification comme substance toxique pour la reproduction. Au point 9 de ce dossier, intitulé « Information sur les utilisations de la substance », il est indiqué que le bisphénol A est utilisé à des fins intermédiaires, au sens du règlement no 1907/2006, mais qu’il ne s’agit pas de l’unique utilisation de cette substance.

4        Le 20 octobre 2016, la requérante, PlasticsEurope, a présenté des observations sur le dossier soumis par l’autorité française compétente. La requérante est une association professionnelle internationale, établie en Belgique et régie par le droit belge, qui représente et défend les intérêts de plus de 100 entreprises membres, constituées de fabricants et d’importateurs de produits en matières plastiques. Elle jouit de la personnalité et de la capacité juridiques. Quatre des entreprises membres de la requérante jouent un rôle actif dans la commercialisation du bisphénol A sur le marché de l’Union européenne et font partie du groupe « Polycarbonate/Bisphénol A » de la requérante. Les membres de ce groupe commercialisent du bisphénol A en vue d’utilisations intermédiaires et non intermédiaires.

5        En conformité avec l’article 59, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006, l’ECHA a envoyé le dossier élaboré par l’autorité française compétente conformément à l’annexe XV de ce règlement au comité des États membres.

6        Lors de sa 51e réunion, qui s’est tenue du 12 au 16 décembre 2016, le comité des États membres de l’ECHA est parvenu à un accord unanime s’agissant de l’identification du bisphénol A en tant que substance extrêmement préoccupante répondant aux critères énoncés à l’article 57, sous c), du règlement no 1907/2006.

7        Le 4 janvier 2017, le directeur exécutif de l’ECHA a adopté la décision ED/01/2017, par laquelle le bisphénol A a été inscrit sur la liste des substances identifiées en vue de leur inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006, telle que visée à l’article 59, paragraphe 1, dudit règlement (ci-après la « liste des substances candidates »), au motif que cette substance avait été identifiée comme étant toxique pour la reproduction au sens de l’article 57, sous c), du règlement no 1907/2006 (ci-après la « décision attaquée »).

8        Le 12 janvier 2017, la décision attaquée a été publiée sur le site Internet de l’ECHA. À cette même date, conformément au point 2 du dispositif de la décision attaquée, une version actualisée de la liste des substances candidates a été publiée sur le site Internet de l’ECHA.

 Procédure et conclusions

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 mars 2017, la requérante a introduit le présent recours. Le mémoire en défense a été déposé au greffe du Tribunal le 21 juin 2017.

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal les 10 et 11 juillet 2017, ClientEarth et la République française ont demandé, respectivement, à intervenir au soutien des conclusions de l’ECHA.

11      La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 21 août 2017.

12      Par actes séparés, déposés au greffe du Tribunal les 24 et 28 août 2017, la requérante a introduit deux demandes de traitement confidentiel de certaines informations communiquées dans la requête en ce qui concerne, respectivement, la République française et ClientEarth.

13      Le 15 septembre 2017, la requérante a, sur invitation du greffe du Tribunal à régulariser sa requête, versé une copie de la décision attaquée au dossier du Tribunal.

14      Le 2 octobre 2017, la duplique a été déposée au greffe du Tribunal.

15      Par deux ordonnances du 1er décembre 2017, le président de la cinquième chambre du Tribunal a fait droit aux demandes d’intervention respectives de la République française et de ClientEarth.

16      La République française ne s’étant pas opposée, dans le délai imparti, au traitement confidentiel de certaines informations communiquées dans la requête demandé par la requérante le 24 août 2017, il a été fait droit à cette demande conformément au règlement de procédure du Tribunal.

17      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 18 décembre 2017, ClientEarth s’est opposée à la demande de traitement confidentiel de la requérante du 28 août 2017.

18      Le 15 janvier 2018, la République française et ClientEarth ont déposé leurs mémoires en intervention rédigés sur la base d’une version non confidentielle de la requête et les parties principales ont présenté leurs observations sur ces mémoires le 26 février 2018.

19      Par ordonnance du 1er mars 2018, le président de la cinquième chambre du Tribunal a rejeté la demande de traitement confidentiel à l’égard de ClientEarth.

20      Le 19 mars 2018, ClientEarth a déposé un mémoire en intervention complémentaire au greffe du Tribunal.

21      Le 9 avril 2018, la requérante a déposé au greffe du Tribunal une demande de traitement confidentiel visant à ce que soient occultées certaines informations contenues dans le mémoire en intervention complémentaire de ClientEarth au regard de la République française, à laquelle elle a joint une version non confidentielle de ce mémoire. Cette demande a été notifiée à la République française.

22      La République française ne s’est pas opposée à la demande de traitement confidentiel mentionnée au point 21 ci-dessus dans le délai imparti.

23      Le 18 mai 2018, la requérante et l’ECHA ont déposé au greffe du Tribunal leurs observations respectives sur le mémoire en intervention complémentaire de ClientEarth.

24      Lors de l’audience, à la suite d’une question posée par le Tribunal quant à la manière dont il convenait d’interpréter le point 61 de la requête, la requérante a précisé que son premier moyen ne visait pas le fait que le bisphénol A avait été identifié comme étant une substance extrêmement préoccupante pour toutes ses utilisations, mais que, dans la décision attaquée, l’ECHA n’avait pas, de manière explicite, exclu les utilisations intermédiaires de cette substance de son inscription sur la liste des substances candidates. C’est donc l’absence d’une telle mention qui permettrait de conclure que l’ECHA a violé l’article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement no 1907/2006.

25      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’ECHA aux dépens ;

–        ordonner toute autre mesure qu’il jugera utile.

26      L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

27      ClientEarth demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

28      La République française demande, quant à elle, à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

 Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

29      La requérante invoque trois moyens.

30      Par son premier moyen, la requérante fait valoir que, en adoptant la décision attaquée, sans exclure, de manière explicite, les utilisations intermédiaires de l’inscription du bisphénol A sur la liste des substances candidates, l’ECHA a violé l’article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement no 1907/2006. Le deuxième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité. Par le troisième moyen, la requérante reproche à l’ECHA d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en ne tenant pas compte d’informations relatives aux utilisations intermédiaires du bisphénol A.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement no 1907/2006

31      Par son premier moyen, la requérante fait valoir que, en identifiant le bisphénol A comme étant une substance extrêmement préoccupante pour toutes ses utilisations, c’est-à-dire sans exclure de manière explicite les utilisations intermédiaires de l’inscription du bisphénol A sur la liste des substances candidates, l’ECHA a violé l’article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement no 1907/2006.

32      En premier lieu, le bisphénol A serait utilisé sur le territoire de l’Union principalement en tant qu’intermédiaire isolé pour la production d’autres substances. Or, les intermédiaires isolés seraient exemptés du processus visant l’identification des substances extrêmement préoccupantes en vertu des articles 57 et 59 du règlement no 1907/2006.

33      En effet, premièrement, selon les termes clairs de l’article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement no 1907/2006, les intermédiaires isolés seraient exemptés du titre VII de ce règlement dans son intégralité, sans aucune exception, et, partant, de l’application des articles 57 et 59 dudit règlement qui se trouvent sous ledit titre VII. La formulation de l’article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement no 1907/2006 contrasterait nettement avec celle, notamment, de l’article 2, paragraphe 8, sous a), du même règlement, qui exempterait les intermédiaires du chapitre 1 du titre II dudit règlement « à l’exception des articles 8 et 9 ».

34      Deuxièmement, l’intitulé de l’article 57 du règlement no 1907/2006, « Substances à inclure dans l’annexe XIV », montrerait que l’inscription d’une substance sur la liste des substances candidates n’est pas un processus autonome, mais seulement la première étape vers l’inclusion de cette substance dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006, qui ne saurait être séparée du reste de la procédure ni être interprétée comme visant des objectifs indépendants. Cette appréciation serait confortée par la lecture du libellé de l’article 59 du règlement no 1907/2006, qui préciserait que ledit article est applicable « aux fins de l’identification des substances remplissant les critères visés à l’article 57 et de l’établissement d’une liste de substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV ». L’utilisation des mots « à terme » indique, de l’avis de la requérante, que l’inscription d’une substance sur la liste des substances candidates conduira, à un moment ou à un autre, à son inclusion dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006. Or, du fait que les utilisations intermédiaires ne relèveraient pas du champ d’application de l’autorisation, elles ne relèveraient pas non plus du champ d’application des étapes qui composent cette procédure, telles que visées aux articles 57 et 59 du règlement no 1907/2006.

35      Troisièmement, une série de dispositions démontrerait que, dans le cadre du système d’évaluation des substances et d’autorisation de leurs utilisations, tel qu’il a été établi par le règlement no 1907/2006, les intermédiaires ont un « statut juridique particulier ». Il s’agirait à cet égard d’une catégorie particulière de substances « intermédiaires », ce qui signifierait, par ailleurs, que les dispositions du règlement no 1907/2006 faisant référence aux « intermédiaires » ne devraient pas être appliquées ou comprises comme se rapportant aux « utilisations intermédiaires ». La « nature particulière » des intermédiaires serait reconnue au considérant 41 du règlement no 1907/2006 et résulterait implicitement mais nécessairement des exigences concernant l’enregistrement de ces substances, telles que prévues aux articles 17 à 19 du même règlement.

36      Or, selon la requérante, si le législateur avait estimé que l’exemption des intermédiaires de l’intégralité du titre VII du règlement no 1907/2006 ne permettait pas d’atteindre un niveau élevé de protection parce que les intermédiaires ne pourraient pas être identifiés conformément à l’article 59 dudit règlement, il aurait appliqué à l’exemption visée à l’article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement no 1907/2006 un correctif comparable à celui que constituerait la référence aux « conditions strictement contrôlées » figurant à l’article 17, paragraphe 3, et à l’article 18, paragraphe 4, de ce règlement. En n’appliquant pas un tel correctif, le législateur aurait clairement voulu, selon la requérante, que tous les intermédiaires soient exemptés de l’intégralité du titre VII du règlement no 1907/2006, sans exceptions ni conditions particulières.

37      Quatrièmement, les intermédiaires isolés restant sur le site qui sont utilisés dans des conditions strictement contrôlées seraient également exemptés de l’évaluation de la substance au titre de l’article 49 du règlement no 1907/2006, qui viserait la procédure de demande d’informations supplémentaires lorsqu’il existe des raisons de penser qu’une substance donnée présente un risque pour la santé humaine ou l’environnement. Dans ce contexte, la requérante rappelle que, selon la seconde phrase dudit article 49, lorsque l’autorité compétente d’un État membre estime que l’utilisation d’un intermédiaire isolé restant sur le site suscite un risque équivalent au niveau de préoccupation suscité par l’utilisation de substances remplissant les critères prévus à l’article 57 du même règlement, elle peut demander au déclarant de transmettre des informations supplémentaires portant directement sur le risque identifié et examiner toute information transmise et, le cas échéant, recommander toute mesure appropriée de réduction des risques en vue de prévenir les risques identifiés concernant le site en question. De l’avis de la requérante, si les mesures générales de gestion des risques prévues par le règlement no 1907/2006 en vertu de l’autorisation s’appliquaient aux intermédiaires, une telle disposition propre à un État membre pour les intermédiaires isolés restant sur le site serait vidée de son sens.

38      En deuxième lieu, dans divers guides et documents d’orientation rédigés par l’ECHA, cette dernière reconnaîtrait elle-même qu’elle ne prend pas en compte les utilisations qui ne relèvent pas du champ d’application de l’autorisation lorsqu’elle recommande l’inclusion de substances dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006, c’est-à-dire lorsqu’elle établit un ordre de priorité pour les substances inscrites sur la liste des substances candidates en vue de leur inscription sur la liste d’autorisation, deuxième étape de la procédure d’autorisation. Dans ces documents, l’ECHA reconnaîtrait que les utilisations intermédiaires ne sont pas soumises à l’obligation d’autorisation lorsque la substance est incluse dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006, troisième étape de la procédure d’autorisation.

39      En troisième lieu, dans ses commentaires concernant les informations recueillies sur le bisphénol A lors de la consultation publique visée à l’article 64, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006, l’autorité française compétente aurait reconnu elle-même « qu’il convenait de considérer les monomères comme des intermédiaires qui ne [pouvaient] pas être soumis à autorisation en vertu du règlement [no 1907/2006] ».

40      En quatrième lieu, la requérante rappelle que l’inscription du bisphénol A sur la liste des substances candidates déclenche d’importantes obligations légales pour les fournisseurs de cette substance. Ceux-ci devraient non seulement mettre à jour leur fiche de données de sécurité, conformément à l’article 31, paragraphe 9, du règlement no 1907/2006, mais également communiquer à leurs clients et, sur leur demande, aux consommateurs, des informations concernant la concentration de bisphénol A dans leurs produits afin de leur permettre d’apprécier leur conformité aux obligations de notification et d’information au titre de l’article 33 du règlement no 1907/2006. De plus, ils devraient notifier à l’ECHA que le bisphénol A est présent dans des articles dans une concentration et un tonnage supérieurs aux exigences prévues à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006 et informer l’acteur situé immédiatement en amont dans la chaîne d’approvisionnement en cas de changement dans les mesures de gestion des risques applicables, conformément à l’article 34 du règlement no 1907/2006.

41      Or, en application de la décision attaquée, toute entreprise fournissant du bisphénol A pour des utilisations intermédiaires serait soumise aux obligations susmentionnées, alors même que, selon la requérante, premièrement, lesdites utilisations ne seront pas prises en compte par l’ECHA lorsqu’elle évaluera le degré de priorité du bisphénol A en vue de son inscription sur la liste des substances candidates et, deuxièmement, l’entreprise concernée n’aura pas besoin de demander une autorisation pour lesdites utilisations une fois que le bisphénol A sera inclus dans l’annexe XIV du règlement no 1907/ 2006.

42      L’ECHA, soutenue par la République française et ClientEarth, conteste ces arguments.

43      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il est constant entre les parties que, à l’heure actuelle, le bisphénol A est utilisé dans l’Union principalement comme intermédiaire. Plus particulièrement, lorsque le bisphénol A est utilisé dans la fabrication d’autres substances, comme les polymères, il répond à la définition de l’« intermédiaire isolé restant sur le site » au sens de l’article 3, point 15, sous b), du règlement no 1907/2006. Ainsi qu’il résulte non seulement de l’ensemble de ses écrits de procédure, mais également des précisions qu’elle a apportées lors de l’audience, la requérante reproche à l’ECHA d’avoir commis une erreur uniquement dans la mesure où la décision attaquée vise l’utilisation du bisphénol A en tant qu’intermédiaire. En revanche, aucun des arguments de la requérante ne vise les utilisations non intermédiaires de cette substance sur le territoire de l’Union.

44      Cela étant, en premier lieu, il convient de relever que, contrairement à ce que prétend la requérante et en dépit de ce qui pourrait être déduit d’une simple lecture du libellé de l’article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement no 1907/2006, une substance utilisée comme intermédiaire isolé restant sur le site ou comme intermédiaire isolé transporté n’est pas automatiquement exemptée de l’ensemble des dispositions du titre VII du règlement no 1907/2006. Une telle substance n’échappe donc pas à la procédure d’identification prévue à l’article 59 de ce règlement.

45      En effet, il résulte du point 62 de l’arrêt du 25 octobre 2017, PPG et SNF/ECHA (C‑650/15 P, EU:C:2017:802), que l’exemption prévue à l’article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement no 1907/2006 concerne la seule procédure d’autorisation prévue aux chapitres 2 et 3 du titre VII de ce règlement. En revanche, ainsi qu’il ressort du point 63 du même arrêt, ledit article 2, paragraphe 8, sous b), ne s’oppose pas à ce qu’une substance puisse être identifiée comme extrêmement préoccupante sur la base des critères prévus à l’article 57 du même règlement, et ce quand bien même elle ne serait utilisée que comme un intermédiaire isolé restant sur le site ou comme un intermédiaire isolé transporté.

46      Compte tenu de l’interprétation faite par la Cour de l’article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement no 1907/2006 dans l’arrêt du 25 octobre 2017, PPG et SNF/ECHA (C‑650/15 P, EU:C:2017:802), il convient de conclure que, en l’espèce, l’ECHA a, à juste titre, fait application de l’article 59 de ce règlement pour fonder la décision attaquée.

47      En deuxième lieu, s’agissant de la question de savoir si, ainsi que le soutient la requérante (voir point 31 ci‑dessus), l’ECHA était tenue d’insérer, dans la liste des substances candidates, une mention explicite selon laquelle les utilisations intermédiaires n’étaient pas concernées par l’inscription du bisphénol A sur cette liste, il convient de relever que ni l’article 59, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 ni aucune autre disposition de ce règlement n’impose à l’ECHA d’agir de telle manière. En réalité, ainsi qu’il ressort du point 79 de l’arrêt du 25 octobre 2017, PPG et SNF/ECHA (C‑650/15 P, EU:C:2017:802), assortir l’inscription d’une substance sur la liste des substances identifiées en vue de leur inclusion à terme dans l’annexe XIV dudit règlement d’une mention précisant que cette inscription est sans incidence sur les utilisations exemptées au titre de l’article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement no 1907/2006 ne ferait que réitérer ce qui découle déjà dudit règlement.

48      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter l’ensemble des arguments de la requérante mentionnés aux points 32 à 34 ci‑dessus. En effet, ces arguments, qui sont fondés sur le libellé de diverses dispositions du règlement no 1907/2006, visent à étayer la thèse de la requérante suivant laquelle, en substance, l’article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement no 1907/2006 s’oppose à une application de l’article 59 de ce règlement à l’égard d’une substance qui est utilisée comme intermédiaire, alors que la Cour a clairement interprété ledit article 2, paragraphe 8, sous b), dans le sens contraire.

49      En troisième lieu, les arguments de la requérante autres que ceux qui font référence au libellé de diverses dispositions du règlement no 1907/2006 doivent être également rejetés, et ce pour les motifs suivants.

50      Premièrement, doit être écarté l’argument relatif aux conditions d’enregistrement assouplies pour les intermédiaires isolés restant sur le site ou transportés, telles que prévues à l’article 17, paragraphe 3, et à l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 (voir point 35 ci‑dessus).

51      D’une part, cet argument, qui vise en substance à démontrer que les intermédiaires isolés bénéficieraient d’un régime particulier, a déjà été soulevé dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 octobre 2017, PPG et SNF/ECHA (C‑650/15 P, EU:C:2017:802, point 27). La Cour a donc tenu compte du fait que, s’agissant de certaines utilisations de substances comme intermédiaires, certaines substances peuvent bénéficier de conditions d’enregistrement assouplies, telles que celles visées à l’article 17, paragraphe 3, et à l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006. Toutefois, cette circonstance n’a pas conduit à une interprétation de l’article 2, paragraphe 8, sous b), de ce règlement autre que celle mentionnée au point 45 ci‑dessus.

52      D’autre part, l’argument mentionné aux points 35 et 50 ci‑dessus méconnaît la finalité de la liste des substances candidates. Ainsi qu’il résulte d’une lecture combinée de l’article 59, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, du considérant 56 et de l’article 33 de ce règlement, l’un des objectifs de la liste des substances candidates est la fixation d’obligations de partage des informations sur les substances extrêmement préoccupantes au sein de la chaîne d’approvisionnement et avec les consommateurs. L’identification d’une substance conformément à l’article 59 du règlement no 1907/2006 sert à améliorer l’information du public et des professionnels sur les risques et dangers encourus. Par suite, une telle identification doit être considérée comme un instrument d’amélioration de la protection de la santé humaine et de l’environnement (arrêt du 7 mars 2013, Rütgers Germany e.a./ECHA, T‑96/10, EU:T:2013:109, point 137).

53      Or, la décision attaquée s’inscrit en droite ligne de l’objectif visant le partage des informations sur les substances extrêmement préoccupantes au sein de la chaîne d’approvisionnement et avec les consommateurs. Le fait que certaines substances extrêmement préoccupantes utilisées comme intermédiaires peuvent bénéficier des conditions d’enregistrement particulières fixées à l’article 17, paragraphe 3, et à l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 ne remet pas en cause la nécessité de soumettre de telles substances au régime de partage des informations visé notamment à l’article 33 du règlement no 1907/2006.

54      Deuxièmement, pour ces mêmes motifs, doit être également rejeté l’argument visant à démontrer que les intermédiaires isolés restant sur le site bénéficieraient d’une « nature particulière », voire d’un « statut juridique particulier », du fait de l’existence de conditions assouplies pour l’évaluation de la substance, telles que celles-ci découlent de l’article 49 du règlement no 1907/2006 (voir point 37 ci‑dessus).

55      Troisièmement, les arguments de la requérante relatifs à la manière d’interpréter les dispositions du règlement no 1907/2006 qui sont tirés de certains guides et documents d’orientation de l’ECHA ou encore de certains documents de l’autorité française compétente (voir points 38 et 39 ci‑dessus) ne peuvent être que rejetés. En effet, les opinions juridiques qui peuvent être dégagées de ces documents de l’ECHA et de l’autorité française compétente au sujet des dispositions du règlement no 1907/2006 ne sauraient l’emporter sur l’interprétation de son article 2, paragraphe 8, sous b), donnée par la Cour dans l’arrêt du 25 octobre 2017, PPG et SNF/ECHA (C‑650/15 P, EU:C:2017:802).

56      Enfin, quatrièmement, l’argument suivant lequel l’inscription du bisphénol A sur la liste des substances candidates « pour toutes ses utilisations », c’est-à-dire y compris les utilisations intermédiaires, déclencherait d’importantes obligations légales pour les fournisseurs de cette substance, alors que cette inscription ne serait pas utile dans la mesure où ces utilisations intermédiaires ne seraient pas susceptibles de faire l’objet d’une autorisation au titre de l’article 60, paragraphes 2 ou 4, du règlement no 1907/2006 (voir point 40 ci‑dessus), doit également être écarté. En effet, cet argument ne tient pas compte, lui non plus, de l’objectif de la liste des substances candidates lié à la fixation d’obligations de partage des informations sur les substances extrêmement préoccupantes, tel que mentionné au point 52 ci‑dessus.

57      Dans ces conditions, le premier moyen ne peut être que rejeté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

58      Par son deuxième moyen, la requérante reproche à l’ECHA d’avoir violé le principe de proportionnalité.

59      En premier lieu, selon la requérante, les inconvénients causés par la décision attaquée sont démesurés par rapport aux buts déclarés. En effet, l’inscription du bisphénol A sur la liste des substances candidates, y compris pour ses utilisations intermédiaires, ne serait pas nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par le règlement no 1907/2006, car ces utilisations intermédiaires ne joueront, de l’avis de la requérante, aucun rôle dans l’inclusion de cette substance dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006.

60      En second lieu, selon la requérante, puisque le bisphénol A est en grande majorité utilisé à des fins intermédiaires, une inscription de cette substance sur la liste des substances candidates, sans exclusion de manière expresse des utilisations intermédiaires, n’est ni nécessaire ni appropriée et ne constitue pas la mesure la moins contraignante. À cet égard, la requérante rappelle la « nature particulière » des intermédiaires, telle que celle-ci découlerait du considérant 41 du règlement no 1907/2006. Compte tenu du libellé de cette disposition, il conviendrait de conclure que le législateur a considéré que les intermédiaires isolés ne faisaient pas partie des substances les plus préoccupantes et qu’ils devaient, de ce fait, être exemptés de la procédure d’autorisation dans son intégralité. Or, en tenant compte des intentions du législateur au regard à la fois du titre VII du règlement no 1907/2006 relatif à l’autorisation et des dispositions du même règlement relatives aux exemptions accordées aux intermédiaires, il y aurait lieu de conclure que l’inclusion des utilisations intermédiaires d’une substance lors de son inscription sur la liste des substances candidates n’est pas appropriée.

61      L’ECHA, soutenue par la République française et ClientEarth, conteste ces arguments.

62      À titre liminaire, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union et qui est énoncé, notamment, à l’article 5, paragraphe 4, TUE, exige, selon une jurisprudence constante, que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (voir arrêt du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 124 et jurisprudence citée).

63      En premier lieu, s’agissant de la nécessité et du caractère approprié de la décision attaquée en tant que telle (voir point 59 ci‑dessus), il y a lieu de relever que la requérante n’indique ni clairement ni concrètement l’existence d’inconvénients autres que ceux résultant des obligations légales, à savoir notamment la mise à jour de la fiche de sécurité, telle que prévue à l’article 31, paragraphe 9, du règlement no 1907/2006, ainsi que la mise à disposition d’informations concernant la substance en cause conformément à l’article 34 de ce règlement.

64      Dans la mesure où la requérante se réfère, de manière abstraite et générale, aux inconvénients pour les fournisseurs du bisphénol A résultant, à la suite de l’adoption de la décision attaquée, d’une application de l’article 31, paragraphe 9, et de l’article 34 du règlement no 1907/2006, il y a lieu de souligner que la Cour a retenu aux points 62 et 63 de l’arrêt du 25 octobre 2017, PPG et SNF/ECHA (C‑650/15 P, EU:C:2017:802), qu’une substance utilisée comme intermédiaire n’était pas exemptée d’une identification en tant que substance extrêmement préoccupante selon la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006. Tel est le cas, car l’objectif de la liste des substances candidates relatif au partage des informations sur les substances extrêmement préoccupantes au sein de la chaîne d’approvisionnement et avec les consommateurs l’emporte sur les inconvénients résultant notamment d’une application de l’article 31, paragraphe 9, et de l’article 34 du règlement no 1907/2006.

65      Dans la mesure où la requérante doute de la proportionnalité de la décision attaquée en raison du fait que les utilisations intermédiaires ne jouent aucun rôle dans l’inclusion d’une substance dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006 (voir point 59 ci‑dessus), il y a lieu de rappeler que la décision attaquée vise à atteindre l’objectif lié au partage des informations sur les substances au sein de la chaîne d’approvisionnement (voir point 52 ci‑dessus). Les effets juridiques de la décision attaquée ne dépassent pas ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre ce but.

66      En second lieu, s’agissant de l’argument tendant à démontrer une violation du principe de proportionnalité du fait de l’absence de mention, dans la liste des substances candidates, des utilisations intermédiaires d’une substance qui est susceptible d’être employée tant à des fins intermédiaires qu’à des fins non intermédiaires (voir point 60 ci‑dessus), il y a lieu de constater que celui‑ci a également été soulevé dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 octobre 2017, PPG et SNF/ECHA (C‑650/15 P, EU:C:2017:802). Au point 79 de cet arrêt, la Cour a indiqué qu’une mesure visant à « assortir l’inscription d’une substance sur la liste des substances identifiées en vue de leur inclusion à terme dans l’annexe XIV dudit règlement d’une mention précisant que cette inscription est sans incidence sur les utilisations exemptées au titre de l’article 2, paragraphe 8, sous b), du même règlement » était dépourvue de toute pertinence aux fins de l’application du principe de proportionnalité.

67      Compte tenu de ce qui précède, l’ensemble des arguments invoqués par la requérante à l’appui du deuxième moyen doit être écarté.

68      Au demeurant, il convient de relever que, ainsi que l’a fait valoir ClientEarth à juste titre, une mention selon laquelle l’inscription d’une substance sur la liste des substances candidates ne concerne pas les utilisations intermédiaires, telle que celle souhaitée par la requérante, pourrait créer une confusion quant à la question de savoir si les obligations d’information découlant de l’inscription sur la liste des substances candidates sont applicables même en cas d’utilisation intermédiaire.

69      Compte tenu de ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation

70      Par le troisième moyen, la requérante reproche à l’ECHA d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en ne tenant pas compte d’informations relatives aux utilisations intermédiaires du bisphénol A.

71      Selon la requérante, l’ECHA est tenue d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce. De plus, au point 42 de l’arrêt du 15 mars 2017, Hitachi Chemical Europe et Polynt/ECHA (C‑324/15 P, EU:C:2017:208), la Cour aurait indiqué que les informations concernant les utilisations et l’exposition sont requises dans le cadre de la procédure d’identification au titre des dispositions de l’annexe XV du règlement no 1907/2006. Dans la décision attaquée, l’ECHA n’aurait pas pris en compte les informations mises à sa disposition concernant les utilisations du bisphénol A en tant qu’intermédiaire. Selon la requérante, ces informations se trouvaient dans le dossier conforme à l’annexe XV du règlement no 1907/2006 soumis par l’autorité française compétente qui a servi de base pour l’adoption de la décision attaquée. Or, l’annexe XV du règlement no 1907/2006 ne limiterait pas les informations devant figurer au dossier à celles se rapportant aux propriétés intrinsèques de la substance. De l’avis de la requérante, si l’ECHA avait examiné les informations relatives aux utilisations intermédiaires du bisphénol A, elle aurait dû conclure que cette substance ne pouvait pas être inscrite sur la liste des substances candidates ou, à tout le moins, qu’elle ne pouvait être inscrite qu’en excluant expressément ses utilisations intermédiaires.

72      L’ECHA, soutenue par la République française et ClientEarth, conteste ces arguments.

73      À titre liminaire, il y a lieu de constater que l’ECHA avait effectivement connaissance, lors de l’adoption de la décision attaquée, du fait que le bisphénol A pouvait être utilisé soit comme intermédiaire soit à des fins non intermédiaires. Il résulte en effet de la partie II, point 9, du dossier élaboré conformément à l’annexe XV du règlement no 1907/2006 soumis par l’autorité française compétente que les utilisations intermédiaires avaient été portées à la connaissance de l’ECHA par l’autorité française compétente.

74      Toutefois, aucune erreur manifeste d’appréciation ne saurait être reprochée à l’ECHA à cet égard, et ce pour les motifs suivants.

75      Ainsi qu’il résulte en substance de l’arrêt du 25 octobre 2017, PPG et SNF/ECHA (C‑650/15 P, EU:C:2017:802), si les conditions de la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006 sont réunies, une substance, qui est utilisée également comme intermédiaire, est identifiée par l’ECHA en tant que substance extrêmement préoccupante. Une telle identification et, partant, l’inscription d’une substance sur la liste des substances candidates sont effectuées uniquement en raison des propriétés intrinsèques d’une substance et non en raison des utilisations de cette dernière.

76      Certes, ainsi qu’il résulte du point 44 de l’arrêt du 15 mars 2017, Hitachi Chemical Europe et Polynt/ECHA (C‑324/15 P, EU:C:2017:208), s’agissant d’une substance répondant aux critères visés à l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, il serait erroné de considérer que cette disposition exclut, par principe, toute prise en considération des données autres que celles relatives aux dangers issus des propriétés intrinsèques des substances concernées. Ainsi qu’il ressort des points 40 et 44 de cet arrêt, l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 n’interdit pas la prise en considération de données autres que celles relatives aux dangers issus des propriétés intrinsèques des substances concernées.

77      Toutefois, premièrement, il convient de souligner que, en l’espèce, le bisphénol A a été inscrit sur la liste des substances candidates en raison de ses propriétés intrinsèques comme étant une substance toxique pour la reproduction au sens de l’article 57, sous c), du règlement no 1907/2006 et non en raison de ses propriétés intrinsèques visées à l’article 57, sous f), de ce règlement (voir point 7 ci-dessus).

78      Or, les précisions apportées par la Cour aux points 40 et 44 de l’arrêt du 15 mars 2017, Hitachi Chemical Europe et Polynt/ECHA (C‑324/15 P, EU:C:2017:208), visaient l’interprétation de la notion de « préoccupation » qui est employée uniquement à l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 et non à l’article 57, sous c), de ce règlement. Cela ressort également du point 32 de cet arrêt. L’interprétation donnée par la Cour de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, telle que retenue aux points 40 et 44 de l’arrêt du 15 mars 2017, Hitachi Chemical Europe et Polynt/ECHA (C‑324/15 P, EU:C:2017:208), n’a aucune incidence sur l’interprétation de l’article 57, sous c), du règlement no 1907/2006 dont il est question en l’espèce.

79      Deuxièmement, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, dans son arrêt du 15 mars 2017, Hitachi Chemical Europe et Polynt/ECHA (C‑324/15 P, EU:C:2017:208), en ce qui concerne une substance répondant aux critères visés à l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, la Cour n’a pas conclu que toutes les informations sur une substance, autres que celles concernant les propriétés intrinsèques de celle-ci, devaient être prises en compte lors de l’évaluation, telle que celle prévue à l’article 57 du règlement no 1907/2006. Au contraire, il ressort clairement des termes employés par la Cour qu’il existe une possibilité pour l’ECHA et non une obligation de prendre en compte les informations autres que celles concernant les propriétés intrinsèques.

80      Troisièmement, il ressort sans équivoque du point 72 de l’arrêt du 25 octobre 2017, PPG et SNF/ECHA (C‑650/15 P, EU:C:2017:802), que l’utilisation d’une substance en tant qu’intermédiaire n’est pas pertinente aux fins de l’identifier comme étant une substance extrêmement préoccupante remplissant les critères visés à l’article 57 du règlement no 1907/2006, étant donné que l’information liée à ladite utilisation ne concerne pas les propriétés intrinsèques de cette substance.

81      Au vu de tout ce qui précède, le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur la demande d’ordonner toute mesure utile

82      En l’espèce, outre le caractère lapidaire de la demande de mesure utile, laquelle ne donne aucune indication sur les mesures qui seraient éventuellement utiles à la solution du litige ni aucune motivation à la demande en cause non plus, il doit être relevé que les éléments contenus dans le dossier et les explications données lors de l’audience ont été suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties. Par suite, la demande susmentionnée ne peut qu’être écartée.

 Sur les dépens

83      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, l’ECHA et ClientEarth ont conclu à la condamnation de la requérante aux dépens de la présente instance. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’ECHA et par ClientEarth, conformément à leurs conclusions.

84      Selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La République française supportera donc ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      PlasticsEurope supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et par ClientEarth.

3)      La République française supportera ses propres dépens.

Gratsias

Labucka

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.