Language of document : ECLI:EU:T:2012:368

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

12 juillet 2012 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale BAÑOFTAL – Marques nationales verbales antérieures KAN‑OPHTAL et PAN‑OPHTAL – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑346/09,

Dr. Robert Winzer Pharma GmbH, établi à Berlin (Allemagne), représenté par Me S. Schneller, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Alcon Inc, établie à Hünenberg (Suisse), représentée par Me M. Vidal‑Quadras Trias de Bes, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 28 mai 2009 (affaire R 795/2008‑1), relative à une procédure d’opposition entre Dr. Robert Winzer Pharma GmbH et Alcon Inc,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, N. Wahl et S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 1er septembre 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 27 janvier 2010,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 20 janvier 2010,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 29 avril 2010,

vu le mémoire en duplique de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 21 juillet 2010,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

à la suite de l’audience du 16 février 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 20 juillet 2004, l’intervenante, Alcon Inc, a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BAÑOFTAL.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Produits et préparations pharmaceutiques ».

4        La demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 15/2005, du 11 avril 2005.

5        Le 11 juillet 2005, la requérante, Dr. Robert Winzer Pharma GmbH, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée, pour tous les produits visés ci-dessus. Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés, respectivement, à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 [devenus, respectivement, article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009].

6        L’opposition était fondée sur les marques allemandes verbales antérieures KAN‑OPHTAL et PAN‑OPHTAL, enregistrées respectivement les 26 juillet 1994 et 25 août 1994 sous les numéros 2072707 et 2075971, pour les « produits pharmaceutiques et hygiéniques ».

7        Par décision du 2 avril 2008, la division d’opposition n’a pas fait droit à l’opposition. S’agissant du motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, elle a considéré qu’il n’existait aucun risque de confusion entre les marques antérieures et la marque demandée. Quant au motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, elle a conclu que les conditions d’application de cette disposition n’étaient pas réunies, dans la mesure où les marques antérieures et la marque demandée n’étaient pas similaires et que la renommée des marques antérieures n’avait pas été établie par la requérante.

8        Le 21 mai 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 28 mai 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours dans son intégralité et a confirmé la décision de la division d’opposition, au motif que les conditions de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 n’étaient pas réunies.

10      En premier lieu, la chambre de recours a indiqué que les produits désignés par les marques en conflit étaient non seulement délivrés sur ordonnance médicale, mais également proposés en vente libre dans les pharmacies. Ces produits pouvant être achetés sans conseils spécialisés, elle a conclu que le public pertinent était composé des « membres ordinaires du grand public [allemand], qui font preuve d’un niveau élevé d’attention » ainsi que des professionnels de la santé.

11      En deuxième lieu, la chambre de recours a considéré que les produits désignés par la marque demandée étaient compris dans les produits désignés par les marques antérieures et donc identiques à ces derniers.

12      En troisième lieu, elle a procédé à la comparaison des signes.

13      Sur le plan visuel, la chambre de recours a conclu à l’absence de similitude entre les marques antérieures et la marque demandée. Elle a indiqué à cet égard, premièrement, que les parties initiales desdites marques étaient différentes, deuxièmement, que « la lettre ‘ñ’ [serait] perçue comme une lettre étrangère et [aurait] un impact sur le consommateur allemand », troisièmement, que la marque demandée se composait d’un terme unique tandis que les marques antérieures étaient composées de deux éléments séparés par un trait d’union et, quatrièmement, que les éléments verbaux « oftal » et « ophtal » étaient différents étant donné que l’élément verbal « oftal » s’écrit avec un « f » tandis qu’« ophtal » s’écrit avec « ph ».

14      Sur le plan phonétique, la chambre de recours a estimé que les différences entre les parties initiales des marques en conflit neutralisaient l’identité phonétique des parties finales, le consommateur accordant normalement plus d’importance au début des marques.

15      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a conclu que le consommateur comprendrait que les éléments verbaux « oftal » et « ophtal » font référence à l’ophtalmologie et, partant, à des produits pour les yeux, qui sont inclus dans les produits désignés par les marques en conflit. Ces éléments auraient donc un faible caractère distinctif au regard des produits désignés, de sorte que les parties initiales des marques en conflit acquérraient un pouvoir distinctif plus important et influenceraient l’impression d’ensemble produite par chaque marque.

16      La chambre de recours a observé que la requérante avait produit certains éléments de preuve devant la division d’opposition, jugés insuffisants par celle-ci, pour démontrer qu’elle est le titulaire d’une série de marques comportant l’élément verbal « ophtal » et ayant acquis un caractère distinctif élevé en relation avec des produits ophtalmologiques de par leur usage ou de par leur renommée en Allemagne. La chambre de recours a également observé que la requérante avait produit, devant elle, d’autres éléments de preuve à cette fin. La chambre de recours a conclu que, même si les éléments de preuve fournis à différents stades de la procédure administrative étaient pris en considération, ils ne permettraient pas de constater que les marques antérieures jouissaient d’une renommée en Allemagne.

17      En quatrième lieu, procédant à l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a considéré que, en dépit de l’identité des produits, les différences visuelles et phonétiques des marques en conflit neutralisaient les similitudes entre celles-ci et que le faible caractère distinctif des éléments verbaux « oftal » et « ophtal » excluait tout risque de confusion entre les marques antérieures et la marque demandée.

 Conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        subsidiairement, renvoyer l’affaire devant l’OHMI ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

19      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

20      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;

–        ne pas accueillir les annexes de la requête au motif qu’elles ne lui ont pas été communiquées dans la langue de procédure ou, à titre subsidiaire, ordonner qu’une traduction dans la langue de procédure lui soit adressée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la demande de l’intervenante visant à ce que les annexes de la requête ne soient pas accueillies et, subsidiairement, à ce qu’elles soient traduites

21      Aux termes de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, « [s]ous réserve des dispositions particulières [prévues par le titre IV (articles 130 à 136) du même règlement], les dispositions [de ce règlement] s’appliquent aux recours dirigés contre [l’OHMI] et portant sur l’application des règles relatives à un régime de la propriété intellectuelle ». L’article 130, paragraphe 2, de ce règlement prévoit que « [les articles 130 à 136 dudit règlement] ne s’appliquent pas aux recours qui sont dirigés contre [l’OHMI] sans être précédés d’une procédure devant une chambre de recours ».

22      Conformément à l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable, en vertu des dispositions visées au point précédent, aux recours dirigés contre l’OHMI précédés d’une procédure devant une chambre de recours, comme celui de l’espèce, la requête doit être rédigée dans l’une des langues prévues à l’article 35, paragraphe 1, du même règlement, choisie par la partie requérante. Dans la présente affaire, elle a été rédigée en anglais, celle-ci ayant également été la langue de la procédure d’opposition qui fait l’objet du litige.

23      La requérante a annexé cinq documents à la requête, dont trois rédigés en anglais, à savoir une procuration pour son avocat, la décision attaquée et un extrait de la base de données de l’OHMI concernant la marque communautaire Ophtal nº 489948, dont la requérante est le titulaire et deux rédigés en allemand, à savoir un extrait du registre de commerce de la requérante et le certificat d’inscription au barreau de son avocat. La requérante a également annexé à la requête une traduction vers l’anglais de ces deux derniers documents.

24      Par décision du président de la première chambre du Tribunal du 30 octobre 2009, l’espagnol, langue dans laquelle la demande d’enregistrement de la marque BAÑOFTAL a été déposée devant l’OHMI, est devenu la langue de procédure en vertu de l’article 131, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement de procédure. Aux termes de cette disposition, « [e]n cas d’opposition au choix de la langue de procédure effectué par le requérant dans le délai visé [par l’article 131, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement] et en l’absence d’un accord à ce sujet entre les parties à la procédure devant la chambre de recours, la langue dans laquelle la demande d’enregistrement en cause a été déposée devant [l’OHMI] devient la langue de procédure ».

25      Le greffier du Tribunal a assuré la traduction de la requête vers l’espagnol par les services de la traduction, conformément à l’article 131, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure. Cette disposition prévoit :

« Si, en vertu [de l’article 131, paragraphe 2, du règlement de procédure], une autre langue que celle dans laquelle est rédigée la requête devient la langue de procédure, le greffier veille à assurer la traduction de la requête dans la langue de procédure ».

26      Dans son mémoire en réponse, l’intervenante a fait valoir que, conformément à l’article 35, paragraphe 3, du règlement de procédure, les annexes à la requête ne devraient pas être « accueillies » par le Tribunal, dans la mesure où elles ne lui ont pas été communiquées dans la langue de procédure et a demandé, à titre subsidiaire, qu’une traduction vers l’espagnol de ces annexes lui soit adressée.

27      Le 13 janvier 2012, le Tribunal a communiqué aux parties une traduction vers l’espagnol de la décision attaquée.

28      Lors de l’audience, l’intervenante a retiré sa demande visant à ce que la décision attaquée ne soit pas accueillie par le Tribunal. En revanche, elle a maintenu une telle demande pour ce qui concerne les quatre autres annexes de la requête (ci‑après les « annexes litigieuses »). Elle a également maintenu sa demande, présentée à titre subsidiaire, visant à ce qu’une traduction vers l’espagnol des annexes litigieuses lui soit adressée.

29      L’article 35, paragraphe 3, premier et deuxième alinéas, du règlement de procédure est rédigé comme suit :

« La langue de procédure est notamment employée dans les mémoires et plaidoiries des parties, y compris les pièces et documents annexés, ainsi que les procès-verbaux et décisions du Tribunal.

Toute pièce et tout document produits ou annexés et rédigés dans une langue autre que la langue de procédure sont accompagnés d’une traduction dans la langue de procédure. »

30      S’agissant de la demande de l’intervenante visant à ce que les annexes litigieuses ne soient pas accueillies par le Tribunal en application de cette disposition, il y a lieu de relever, d’emblée, que les dispositions relatives au régime linguistique contenues à l’article 131 du règlement de procédure constituent des dispositions particulières au sens de l’article 130, paragraphe 1, de ce règlement, qui se substituent aux dispositions générales relatives au régime linguistique du titre I dudit règlement en ce qui concerne les affaires de propriété intellectuelle régies par le titre IV (articles 130 à 136) du règlement de procédure.

31      En conséquence, l’article 35, paragraphe 3, premier et deuxième alinéas, du règlement de procédure, invoqué par l’intervenante à l’appui de sa demande, n’est pas applicable en l’espèce, la réglementation pertinente à cet égard se trouvant à l’article 131 de ce règlement.

32      Or, à la différence de l’article 35, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement de procédure, l’article 131 dudit règlement n’exige pas que toute pièce et tout document annexés à la requête et rédigés dans une langue autre que la langue de procédure soient accompagnés d’une traduction dans cette dernière langue. Cela est une conséquence du régime linguistique particulier du contentieux de la propriété intellectuelle, en vertu duquel la langue de procédure peut être déterminée après le dépôt de la requête et de ses annexes.

33      La demande de l’intervenante visant à ce que les annexes litigieuses ne soient pas accueillies par le Tribunal doit donc être rejetée.

34      Quant à la demande faite à titre subsidiaire par l’intervenante concernant la traduction de ces annexes, il y a lieu de noter que l’article 131, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure prévoit que, si une autre langue que celle dans laquelle est rédigée la requête devient la langue de procédure, le greffier du Tribunal assure la traduction de la requête vers cette dernière langue. En l’espèce, le greffier du Tribunal a assuré la traduction de la requête vers l’espagnol et, à la suite de la demande de l’intervenante, celle de la décision attaquée, annexée à la version anglaise de la requête.

35      S’agissant de la traduction des annexes litigieuses vers l’espagnol, il y a lieu de considérer qu’elle n’est pas nécessaire au bon déroulement de la procédure dans la présente affaire.

36      En effet, l’extrait du registre de commerce de la requérante, la procuration pour son avocat et le certificat d’inscription au barreau de celui-ci visent uniquement à prouver, conformément à l’article 44, paragraphes 3 et 5, du règlement de procédure, l’existence juridique de la requérante, l’habilitation de son avocat à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) et le fait que le mandat donné audit avocat a été régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet. Ces questions ont été examinées d’office par le greffe du Tribunal et n’ont pas été contestées par l’intervenante.

37      Quant à l’extrait de la base de données de l’OHMI concernant la marque communautaire Ophtal, il y a lieu de considérer que ce document est compréhensible même pour ceux qui ne connaissent pas l’anglais. En outre, l’existence de la marque communautaire en cause n’est pas contestée par les parties.

38      Par ailleurs, d’une part, l’intervenante s’est référée à plusieurs reprises dans ses mémoires, rédigés avant qu’une traduction de la décision attaquée vers l’espagnol ne lui ait été communiquée, à des observations faites par la chambre de recours dans cette décision et a traduit des extraits de celle-ci vers l’espagnol. D’autre part, elle a participé à la procédure devant la chambre de recours alors que la langue de cette procédure était l’anglais. En conséquence, l’intervenante a fait preuve d’une connaissance de l’anglais lui permettant de comprendre le contenu des annexes litigieuses, celles-ci étant soit rédigées en anglais, soit traduites vers cette langue.

39      Enfin, l’intervenante a bénéficié de deux tours de mémoires et d’une audience dans le cadre desquels elle a présenté des réponses développées aux arguments de la requérante sans faire valoir que l’absence de traduction vers l’espagnol des annexes litigieuses pourrait l’empêcher d’exercer ses droits procéduraux.

40      La demande de l’intervenante visant à ce qu’une traduction vers l’espagnol des annexes litigieuses lui soit communiquée doit donc être également rejetée.

 Sur la demande de la requérante visant à ce que la décision attaquée soit annulée

41      La requérante invoque deux moyens dans la requête à l’appui de sa demande d’annulation de la décision attaquée, le premier, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 ainsi que d’une violation de l’obligation de motivation, et le second, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. Lors de l’audience, la requérante a présenté un troisième moyen, tiré du fait que la chambre de recours se serait abstenue d’examiner un motif d’opposition fondé sur une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

42      Au préalable, il convient d’observer que la requérante opère un renvoi global aux arguments exposés dans ses écritures dans le cadre de la procédure antérieure devant l’OHMI, à titre de complément aux arguments développés dans la requête, et souligne que ceux-ci doivent également être considérés comme faisant partie de l’argumentation développée dans le cadre du présent recours.

43      Selon une jurisprudence constante, afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. À cet égard, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions pertinentes, doivent figurer dans la requête. Ainsi, dans la mesure où la requérante ne fait pas spécifiquement référence à des points précis de ses écritures contenant les arguments développés dans le cadre de la procédure devant l’OHMI, les références générales auxdites écritures doivent être déclarées irrecevables [voir arrêt du Tribunal du 14 juillet 2011, Winzer Pharma/OHMI – Alcon (OFTAL CUSI), T‑160/09, non publié au Recueil, points 21 et 22, et la jurisprudence citée].

44      Ensuite, il convient d’examiner le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 ainsi que de la violation de l’obligation de motivation.

45      La requérante fait valoir que les marques en conflit sont similaires sur les plans visuel et phonétique, contrairement à ce qu’a indiqué la chambre de recours dans la décision attaquée, dans la mesure où elles partagent six lettres placées dans le même ordre (« a », « n », « o », « t », « a » et « l »), un même nombre de syllabes, une structure de voyelles identique et, dans le cas des marques PAN‑OPHTAL et BAÑOFTAL, des lettres initiales écrites et prononcées presque de la même manière. Les éléments verbaux « ophtal » et « oftal » seraient également écrits et prononcés de manière soit similaire, soit identique. Vu l’identité de ces éléments, dont l’importance et le caractère distinctif auraient été négligés par la chambre de recours, les marques en conflit seraient, de même, similaires sur le plan conceptuel. L’élément verbal « ophtal » serait, en outre, présent dans une famille de marques renommées appartenant à la requérante, ce qui renforcerait son caractère distinctif. Par conséquent, les produits désignés par les marques en conflit étant identiques, il y aurait lieu de considérer qu’il existe un risque de confusion pour le public allemand.

46      L’intervenante fait observer que les marques en conflit doivent être comparées dans leur ensemble et en prenant en considération, d’une part, que le public pertinent fait preuve d’un niveau d’attention élevé et, d’autre part, que les parties initiales desdites marques sont différentes sur les plans phonétique et visuel. Les éléments verbaux « ophtal » et « oftal » étant descriptifs, il n’existerait pas de risque de confusion.

47      L’OHMI fait valoir que la chambre de recours a dûment pris en compte les éléments verbaux « ophtal » et « oftal » dans la comparaison des marques en conflit. Néanmoins, ces éléments auraient un caractère distinctif très faible au regard des produits désignés par ces marques, dans la mesure où ils seraient associés à l’ophtalmologie par le public pertinent. Le poids de ces éléments dans la comparaison serait donc nécessairement limité. S’agissant de cette comparaison, l’OHMI fait observer que les lettres « n » et « ñ » sont différentes d’un point de vue visuel et phonétique, et cela même pour un consommateur allemand. L’OHMI soutient que, eu égard aux différences citées dans la décision attaquée entre les marques en conflit, au niveau d’attention élevé du public pertinent et au faible caractère distinctif des éléments verbaux « ophtal » et « oftal », tout risque de confusion entre les marques antérieures et la marque demandée est exclu.

48      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, une marque est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée.

49      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

50      En l’espèce, les marques antérieures étant des marques allemandes, la protection s’étend au territoire allemand.

51      L’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les produits visés par les marques en conflit sont identiques n’est pas contestée par la requérante. Il s’agit de produits pharmaceutiques relevant de la classe 5. Ces produits s’adressent aux pharmaciens ainsi qu’à des consommateurs finaux raisonnablement bien informés, attentifs et avisés, qui ont toutefois un degré d’attention élevé et bénéficient, dans leur choix, de l’aide de professionnels hautement qualifiés [arrêt du Tribunal du 28 octobre 2009, CureVac/OHMI – Qiagen (RNAiFect), T‑80/08, Rec. p. I‑4025, point 29, et la jurisprudence citée]. Partant, il convient d’approuver l’analyse de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent à l’égard duquel le risque de confusion doit être apprécié est composé des « membres ordinaires du grand public [allemand], qui font preuve d’un niveau élevé d’attention » ainsi que des professionnels de la santé (voir, en ce sens, arrêt OFTAL CUSI, point 43 supra, point 72).

52      Dans ces conditions, il y a lieu de déterminer si l’analyse de la chambre de recours quant à la comparaison des signes en conflit et à l’existence d’un risque de confusion est correcte.

 Sur la comparaison des signes

53      L’appréciation globale du risque de confusion doit, s’agissant de la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques par le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 25).

54      S’agissant de la comparaison sur le plan visuel, il y a lieu d’approuver la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit ne sont pas similaires.

55      À cet égard, il convient de relever que, premièrement, comme l’OHMI le fait valoir, le consommateur attache normalement plus d’importance à la partie initiale des mots [arrêt du Tribunal du 23 mai 2007, Henkel/OHMI – SERCA (COR), T‑342/05, non publié au Recueil, point 42].

56      Or, la partie initiale de la marque demandée est l’élément verbal « bañ », lequel diffère considérablement des éléments verbaux « kan » et « pan » qui constituent les parties initiales des marques antérieures.

57      En effet, les lettres « k » et « b » sont manifestement différentes d’un point de vue visuel.

58      Quant aux lettres « b » et « p », contrairement à ce que la requérante soutient, leur similitude visuelle n’est que limitée pour le public allemand [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 50].

59      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la requérante selon lequel cette similitude est plus apparente en ce qui concerne la reproduction manuscrite de la marque BAÑOFTAL et de la marque PAN‑OPHTAL effectuée par des médecins dans des prescriptions, dans la mesure où la représentation manuscrite de la lettre majuscule « P » et de la lettre minuscule « a » combinées pourrait être confondue avec une lettre majuscule « B ». En effet, ces prescriptions sont essentiellement adressées à des pharmaciens, professionnels censés connaître les différences entre les produits qu’ils commercialisent et particulièrement capables d’identifier les marques de produits pharmaceutiques indiquées dans des notes manuscrites des médecins. En tout état de cause, si la lettre majuscule « P » et la lettre minuscule « a » adoptaient véritablement, dans la version manuscrite de la marque PAN‑OPHTAL, l’apparence d’une lettre majuscule « B », la représentation de cette marque serait « Bn‑Ophtal », et non « Ban-Ophtal ».

60      Quant aux lettres « n » des marques antérieures et « ñ » de la marque demandée, il y a lieu de considérer que le public allemand comprendra que cette dernière, qui fait partie de l’alphabet espagnol et non de l’alphabet allemand, est une « lettre étrangère », comme l’a souligné la chambre de recours dans la décision attaquée. En toute hypothèse, il existe une différence visuelle entre ces deux lettres, aucune raison permettant de considérer que, d’un point de vue visuel, le consommateur allemand ne prêtera pas attention à la ligne horizontale faisant partie de la lettre « ñ », contrairement à ce que la requérante soutient.

61      La requérante relève à cet égard que la chambre de recours n’a pas motivé son affirmation, au point 20 de la décision attaquée, selon laquelle le « graphisme particulier » de la lettre « ñ » devrait permettre au consommateur allemand de faire la distinction entre les parties initiales des signes en conflit. Cet argument manque en fait. La chambre de recours a indiqué que ces parties initiales étaient différentes sans affirmer que cette différence reposait uniquement sur le « graphisme particulier » de la lettre « ñ ».

62      Deuxièmement, l’élément verbal « oftal » de la marque demandée présente une différence visuelle avec l’élément verbal « ophtal » des marques antérieures en ce que le premier est composé de cinq lettres et contient la lettre « f », tandis que le second compte six lettres et comporte le groupe de lettres « ph » (voir, en ce sens, arrêt OFTAL CUSI, point 43 supra, point 85). L’éventuelle identité phonétique des éléments verbaux « oftal » et « ophtal » ne modifie pas cette conclusion, contrairement à ce que soutient la requérante.

63      Troisièmement, la structure des marques en conflit est différente, comme l’a indiqué la chambre de recours dans la décision attaquée, dans la mesure où la marque demandée se compose d’un terme unique tandis que les marques antérieures comportent deux éléments séparés par un trait d’union.

64      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que, lorsque les marques antérieures, d’une part, et la marque demandée, d’autre part, sont considérées globalement, les différences l’emportent sur les similitudes sur le plan visuel (voir, en ce sens, arrêt OFTAL CUSI, point 43 supra, point 85).

65      S’agissant de la comparaison sur le plan phonétique, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a constaté que les marques en conflit étaient différentes dans la mesure où les parties initiales desdites marques, qui auraient une importance accrue, ne sont pas prononcées de la même manière.

66      La requérante fait valoir à cet égard que le consommateur allemand prononcera les lettres « ñ » et « n » de la même façon.

67      L’OHMI répond que le consommateur allemand comprendra que la différence visuelle entre les lettres « n » et « ñ » implique une différence phonétique. Le consommateur serait en tout état de cause au courant de l’existence de la lettre « ñ », même s’il s’agit d’une lettre de l’alphabet espagnol. D’une part, elle apparaîtrait dans le mot « España », qui est le nom usuel du Royaume d’Espagne en espagnol, et sa représentation artistique constituerait le logotype de l’institution étatique espagnole de diffusion culturelle « Instituto Cervantes », qui possède cinq centres en Allemagne. D’autre part, un grand nombre de touristes allemands visiteraient régulièrement le territoire espagnol. Le consommateur allemand serait par ailleurs habitué à la variation de la sonorité des voyelles en fonction de l’existence ou non d’éléments visuels additionnels placés sur elles. Ainsi, en allemand, les lettres « ä », « ö » et « ü » seraient prononcées différemment des lettres « a », « o » et « u ».

68      L’intervenante soutient que, n’étant pas une lettre de l’alphabet allemand, la lettre « ñ » conférerait à la marque demandée un caractère de fantaisie et une prononciation différente de celle des marques antérieures.

69      À cet égard, il y a lieu de considérer que le consommateur allemand reconnaîtra sans doute une différence visuelle entre les lettres « ñ » et « n », comme il a été indiqué au point 60 ci‑dessus, mais, excepté dans le cas où il a une connaissance de l’espagnol, il prononcera très probablement ces deux lettres de la même façon. En effet, il est raisonnable de considérer que, lorsque le consommateur est confronté à une lettre dont la prononciation correcte lui est inconnue, il prononcera celle-ci comme la lettre connue dont la représentation graphique est la plus proche. Par ailleurs, le son produit par la lettre « ñ » est très peu commun en allemand et n’est pas usuellement représenté par une seule lettre, ce qui renforce la probabilité de ce que la prononciation des deux lettres en cause soit identique pour une partie non négligeable du public concerné. C’est à l’égard de cette partie du public qu’il convient d’examiner si les marques en conflit sont similaires d’un point de vue phonétique.

70      Le consommateur allemand prononçant les lettres « n » et « ñ » de la même façon, la seule différence sur le plan phonétique entre la marque demandée et les marques antérieures repose donc sur la prononciation de la première lettre de chaque marque. En effet, comme le fait valoir la requérante, la structure syllabique desdites marques est identique, l’existence d’un trait d’union dans les marques antérieures n’a pas une influence particulière sur le plan phonétique et les éléments verbaux « ophtal » et « oftal » seront prononcés de la même façon.

71      Dès lors, il y a lieu de considérer qu’il existe une similitude phonétique entre les marques en conflit.

72      Le degré de cette similitude est différent selon que l’une ou l’autre des marques antérieures est prise en considération.

73      En effet, les marques KAN-OPHTAL et BAÑOFTAL peuvent être considérées comme étant faiblement similaires sur le plan phonétique. Les sons produits, respectivement, par les consonnes « k » et « b », sont suffisamment éloignés pour distinguer perceptiblement la sonorité de ces deux marques, même si elles partagent un grand nombre de sons communs. D’une part, en allemand, la consonne « k » est vélaire, ce qui signifie que le son qu’elle produit est articulé avec la partie antérieure de la langue contre le palais mou, alors que la consonne « b » est bilabiale, ce qui signifie que le son qu’elle produit est articulé avec les deux lèvres. D’autre part, la consonne « k » est sourde, c’est-à-dire que les cordes vocales ne vibrent pas lors de l’émission du son, tandis que la consonne « b » est voisée, ce qui signifie que les cordes vocales vibrent lors de l’articulation.

74      En revanche, les marques PAN-OPHTAL et BAÑOFTAL sont très similaires sur le plan phonétique. Bien que sourde, la consonne « p » est aussi bilabiale et le son qu’elle produit peut être facilement confondu avec celui de la consonne « b » si ces deux consonnes sont suivies d’une même voyelle, comme le soutient en substance la requérante.

75      Il convient donc de considérer que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation lorsqu’elle a conclu que les marques en conflit étaient différentes sur le plan phonétique.

76      S’agissant de la comparaison des marques en conflit sur le plan conceptuel, il convient de rappeler que la chambre de recours a observé dans la décision attaquée, dans le cadre de cette comparaison, d’une part, que les signes en conflit n’avaient « pas de signification » et, d’autre part, que « le consommateur allemand moyen comprendra[it] que les [éléments verbaux] ‘[o]ftal’ et ‘[o]phtal’ font référence à ‘ophtalmique’ ou à ‘ophtalmologie’ et, partant, à des produits pour les ‘yeux’, qui sont inclus dans la vaste description des marques [en conflit] ». La chambre de recours en a conclu que ces éléments verbaux avaient donc un « faible caractère distinctif au regard des produits », comme il a été indiqué au point 15 ci‑dessus.

77      À cet égard, il convient tout d’abord de relever que la requérante a remis en cause le constat de la chambre de recours quant au faible caractère distinctif de l’élément verbal « ophtal » des marques antérieures par rapport aux produits qu’elles désignent et, partant, a soutenu que cet élément présentait au moins un caractère distinctif moyen. Eu égard à l’incidence de cette question sur l’appréciation de la chambre de recours relative à la comparaison conceptuelle des signes en conflit, il importe de procéder dès à présent à l’examen des arguments de la requérante sur ce point.

78      Aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits pour lesquels la marque a été enregistrée [voir arrêts du Tribunal du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, Rec. p. II‑1677, point 35, et la jurisprudence citée ; du 13 décembre 2007, Cabrera Sánchez/OHMI – Industrias Cárnicas Valle (el charcutero artesano), T‑242/06, non publié au Recueil, point 51, et du 20 octobre 2011, Poloplast/OHMI – Polypipe (P), T‑189/09, non publié au Recueil, point 42].

79      Il y a lieu de rappeler également que, lorsque certains éléments d’une marque revêtent un caractère descriptif des produits et des services pour lesquels la marque est protégée ou des produits et des services désignés par la demande d’enregistrement, ces éléments ne se voient reconnaître qu’un caractère distinctif faible, voire très faible [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 septembre 2007, Koipe/OHMI – Aceites del Sur (La Española), T‑363/04, Rec. p. II‑3355, point 92, et el charcutero artesano, point 78 supra, point 52, et la jurisprudence citée]. Ce caractère distinctif ne pourra, le plus souvent, leur être reconnu qu’en raison de la combinaison qu’ils forment avec les autres éléments de la marque. Du fait de leur faible, voire très faible, caractère distinctif, les éléments descriptifs d’une marque ne seront généralement pas considérés par le public comme étant dominants dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, sauf lorsque, en raison notamment de leur position ou de leur dimension, ils apparaissent comme susceptibles de s’imposer à la perception du public et d’être gardés en mémoire par celui-ci (voir, en ce sens, arrêt el charcutero artesano, point 78 supra, point 53, et la jurisprudence citée). Cela ne signifie toutefois pas que les éléments descriptifs d’une marque sont nécessairement négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci. À cet égard, il convient, en particulier, de rechercher si d’autres éléments de la marque sont susceptibles de dominer, à eux seuls, l’image de celle-ci que le public pertinent garde en mémoire (arrêt P, point 78 supra, point 46).

80      La chambre de recours n’a pas exposé dans la décision attaquée les raisons pour lesquelles elle avait considéré que « le consommateur allemand moyen comprendra[it] que les éléments verbaux ‘[o]phtal’ et ‘[o]ftal’ font référence aux termes ‘ophtalmique’ ou ‘ophtalmologie’ ».

81      Néanmoins, le point 22 de la décision attaquée opère un renvoi à cet égard à deux décisions antérieures des chambres de recours de l’OHMI concernant des procédures d’opposition entre la requérante et la société espagnole Oftaltech SA, à savoir la décision de la deuxième chambre de recours du 29 octobre 2007 (affaire R 599/2007-2 – OFTASIL/OPHTAL, OPHTAN) et la décision de la quatrième chambre de recours du 23 janvier 2009 (affaire R 217/2008-4 – OFTALON/Ophtal e.a.). Il convient de considérer que, par ce renvoi, la chambre de recours a incorporé à cette décision la motivation relative au caractère faiblement distinctif des éléments verbaux « ophtal » et « oftal » contenue dans lesdites décisions antérieures, qui avaient été adressées à la requérante.

82      Le point 23 de la décision OFTALON/Ophtal e.a., point 81 supra, est rédigé comme suit :

« Les marques comparées reposent toutes linguistiquement sur la racine grecque commune ‘Ophthalmos’, qui se réfère à l’‘œil’. Elle constitue la base de termes couramment utilisés relatifs aux yeux et au traitement des yeux dans l’ensemble du territoire de l’Union européenne. En Allemagne, par exemple, ‘Ophthalmologie’ se réfère à la spécialisation médicale traitant de la structure, des fonctions et des maladies de l’œil. En anglais, le terme ‘ophtalmologist’ désigne un médecin spécialisé en la matière. L’équivalent en espagnol est ‘oftalmólogo/a’, en italien ‘oftalmologo/a’ et en français ‘ophtalmologiste’. L’utilisation de ces termes et de leurs variantes est très répandue, courante et bien connue des consommateurs relativement au domaine des biens dont ils relèvent (à savoir les préparations pharmaceutiques, notamment celles qui sont strictement liées à l’œil) […] »

83      Dans ses mémoires, la requérante ne conteste pas ces motifs. Cependant, elle affirme que l’élément verbal « ophtal » n’a pas un caractère descriptif pour le public allemand.

84      À l’appui de cette affirmation, premièrement, la requérante fait valoir qu’elle est le titulaire de la marque communautaire verbale Ophtal, enregistrée notamment pour les produits pharmaceutiques ainsi que les préparations de soins de santé, à savoir les médicaments pour les yeux, ce qui exclurait le caractère descriptif de l’élément verbal en cause.

85      Il ressort de la jurisprudence que l’OHMI est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union européenne. Si, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, l’examen de toute procédure d’opposition doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées ou bien rejetées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’examen de chaque opposition à l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, non encore publié au Recueil, points 73 à 77, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 22 novembre 2011, LG Electronics/OHMI (DIRECT DRIVE), T‑561/10, non publié au Recueil, point 31].

86      Il y a lieu de considérer que, dans le cadre de l’examen de la procédure d’opposition en l’espèce, la chambre de recours était tenue d’apprécier le caractère distinctif de l’élément verbal « ophtal » sur la base du règlement nº 207/2009, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et n’était donc pas liée dans cette appréciation par le fait qu’une instance de l’OHMI avait considéré préalablement dans le cadre d’une procédure différente que cet élément avait le caractère distinctif suffisant pour être enregistré en tant que marque communautaire. Par conséquent, à supposer que la requérante ait voulu entendre par sa référence à un autre enregistrement d’une marque que l’OHMI aurait dû suivre la même pratique en l’espèce, il y a lieu de rejeter cet argument.

87      Deuxièmement, la requérante fait valoir que l’élément verbal « ophtal » « représente une marque verbale renommée formant aussi une série de marques dont [la requérante] est titulaire ». Elle renvoie à certains documents présentés pendant la procédure administrative qui montreraient que les ventes des produits désignés par des marques lui appartenant, outre celles sur lesquelles est fondée l’opposition à l’enregistrement de la marque demandée, contenant l’élément verbal « ophtal », atteignent un chiffre d’affaires de plusieurs millions d’euros. La renommée de cet élément serait particulièrement importante sur le territoire allemand, dans la mesure où « le produit ‘Tim‑Ophtal’ dont [la requérante] est titulaire occupe une part de marché moyenne de 30 % ». De même, la requérante affirme que les éléments verbaux « ophtal » et « oftal » ne sont utilisés « en tant qu’indication relative aux produits en question nulle part dans l’Union européenne ». La seule exception serait « constituée par la requérante, au vu de ses nombreuses marques ‘Ophtal’ ».

88      À cet égard, il y a lieu de relever que les preuves de l’utilisation d’une marque antérieure caractérisée par un pouvoir distinctif faible n’ont pu en aucune façon transformer celle-ci en une marque intrinsèquement plus distinctive jouissant d’un domaine de protection plus vaste (arrêt OFTAL CUSI, point 43 supra, point 91).

89      Par ailleurs, presque la totalité des marques citées par la requérante à l’appui de sa thèse, telles que les marques allemandes TIM‑OPHTAL, SIC‑OPHTAL, LAC‑OPHTAL, etc., contiennent des éléments additionnels par rapport à l’élément « ophtal » qui ont été considérés par le Tribunal comme les éléments les plus distinctifs des marques dont ils font partie par rapport aux produits ophtalmologiques (arrêt OFTAL CUSI, point 43 supra, point 92).

90      Enfin, ainsi que le souligne en substance l’intervenante, les arguments de la requérante doivent être mis en perspective avec le fait que l’élément verbal « oftal » de la marque demandée fait partie de plusieurs marques communautaires qui n’appartiennent pas à la requérante, comme OFTALMEDIC, BIOFTALMIK, OFTALMIKOS, CELOFTAL ou OFTALTECH, et désignent des produits ou des services ophtalmologiques. Ce fait ressort d’un document présenté par l’intervenante devant le Tribunal et devant la chambre de recours qui contient les résultats d’une recherche sur la base de données de l’OHMI dont la véracité n’a pas été mise en cause par la requérante. Or, dans la mesure où, selon la requérante elle-même, l’élément verbal « oftal » est très semblable à l’élément verbal « ophtal » des marques antérieures, cela tend à démontrer que, en l’espèce, il y a lieu de relativiser la singularité que la requérante souhaite attribuer à ce dernier élément (voir, en ce sens, arrêt OFTAL CUSI, point 43 supra, point 94).

91      Troisièmement, la requérante fait valoir que l’OHMI aurait dû prendre en considération le fait que la renommée de l’élément verbal « ophtal » sur le territoire allemand a été reconnue par une juridiction allemande.

92      Néanmoins, le régime des marques communautaires est un système autonome dont l’application est indépendante de tout système national [arrêts du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47 ; du 15 mars 2006, Athinaiki Oikogeniaki Artopoiia/OHMI – Ferrero (FERRÓ), T‑35/04, Rec. p. II‑785, point 67, et OFTAL CUSI, point 43 supra, point 81]. Par conséquent, l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente, de sorte que l’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par des décisions intervenues dans certains États membres (voir arrêt OFTAL CUSI, point 43 supra, point 81, et la jurisprudence citée).

93      Ensuite, lors de l’audience, la requérante a fait valoir que l’élément verbal « ophtal » n’a aucune signification pour le public allemand. Or, il suffit de relever que cette affirmation n’est nullement étayée et, dès lors, ne saura mettre en cause le bien-fondé des motifs visés au point 82 ci‑dessus.

94      Dans ces circonstances, il y a lieu d’approuver le constat fait par la chambre de recours selon lequel, pour le public pertinent, il existe un lien conceptuel entre les éléments verbaux « ophtal » et « oftal », d’une part, et l’ophtalmologie, d’autre part (voir, en ce sens, arrêt OFTAL CUSI, point 43 supra, point 79).

95      Il découle de ce qui précède que la requérante n’a pas démontré que la chambre de recours avait commis une erreur en considérant que ces éléments verbaux présentaient un caractère distinctif faible pour ce qui concerne les produits destinés à un usage ophtalmologique.

96      Toutefois, les marques en conflit ne désignent pas uniquement des produits pharmaceutiques destinés à un usage ophtalmologique, mais l’ensemble des produits pharmaceutiques. Dès lors, il y a lieu d’examiner si c’est également sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que les éléments verbaux « ophtal » et « oftal » avaient un faible caractère distinctif au regard de tous les produits visés par ces marques au seul motif qu’ils présentent un caractère distinctif faible pour ce qui concerne les produits ophtalmologiques.

97      La requérante a fait valoir dans le mémoire en réplique que la chambre de recours aurait dû évaluer le caractère distinctif des éléments verbaux « ophtal » et « oftal » à l’égard de tous les domaines d’application des produits pharmaceutiques.

98      À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, la catégorie des produits pharmaceutiques est suffisamment vaste pour qu’il puisse être distingué en son sein différentes sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome [arrêt du Tribunal du 23 septembre 2009, GlaxoSmithkline e.a./OHMI – Serono Genetics Institute (FAMOXIN), T‑493/07, T‑26/08 et T‑27/08, non publié au Recueil, point 35, et la jurisprudence citée].

99      En effet, la notion de produit pharmaceutique comprend des produits suffisamment différents quant à leur destination et à leurs consommateurs finaux, en fonction de leurs indications thérapeutiques spécifiques, ainsi que quant à leurs canaux de distribution, selon qu’ils sont soumis à prescription médicale ou en vente libre, pour qu’il puisse être défini en son sein diverses sous-catégories (voir arrêt FAMOXIN, point 98 supra, point 36, et la jurisprudence citée).

100    De plus, le critère de finalité ou de destination est un critère primordial dans la définition d’une sous-catégorie de produits ou de services, et la finalité ainsi que la destination d’un produit thérapeutique sont exprimées par son indication thérapeutique (voir arrêt FAMOXIN, point 98 supra, point 37, et la jurisprudence citée).

101    Or, comme l’OHMI l’a fait valoir, les éléments verbaux « ophtal » et « oftal » contiennent une information claire, pour le public pertinent, sur la possible application thérapeutique des produits désignés. Cette information claire serait perçue comme telle par le public pertinent même dans les cas où l’indication thérapeutique des produits en cause n’était pas liée à l’ophtalmologie. Dès lors, il y a lieu de considérer que l’aptitude des éléments verbaux « ophtal » et « oftal » à indiquer la provenance commerciale des produits pharmaceutiques non destinés à un usage ophtalmologique est, par rapport au public pertinent, intrinsèquement faible.

102    Par ailleurs, il convient de relever que, dans l’arrêt OFTAL CUSI, point 43 supra, le Tribunal a considéré que l’élément verbal « ophtal » était faiblement distinctif à l’égard des produits pharmaceutiques visés par les marques en conflit dans l’affaire à l’origine de cet arrêt sans effectuer une analyse séparée pour chaque sous‑catégorie de ces produits alors que, comme l’OHMI le fait valoir, parmi les produits visés par les marques dont il était question, il y avait des produits pharmaceutiques en général et des préparations ophtalmologiques et oto-rhino-laryngologiques en particulier (arrêt OFTAL CUSI, point 43 supra, points 72 et 82).

103    Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a pu estimer, sans commettre d’erreur, que les éléments verbaux « ophtal » et « oftal » présentaient un caractère distinctif faible à l’égard de l’ensemble des produits pharmaceutiques visés par les marques en conflit.

104    Dans la mesure où cette appréciation constitue l’essentiel de la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel effectuée par la chambre de recours, il y a lieu de considérer que ladite comparaison n’est pas entachée d’erreur.

 Sur le risque de confusion

105    L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74]. Or, il ressort également du principe d’interdépendance entre les facteurs qu’un degré élevé de similitude entre les marques se voit renforcé par un degré élevé de similitude entre les produits visés ou, a fortiori, par l’identité de ces derniers (arrêt La Española, point 79 supra, point 97).

106    Il ressort des observations faites aux points 65 à 75 ci‑dessus que, s’agissant de l’examen de la similitude phonétique entre la marque demandée et les marques antérieures, la chambre de recours a commis une erreur qui affecte le degré de similitude constaté des signes en conflit. L’importance de cette erreur se voit renforcée, en vertu du principe d’interdépendance visé au point antérieur, par le fait que les produits couverts par les marques en conflit sont identiques. L’erreur commise par la chambre de recours sur le degré de similitude des signes en conflit est susceptible de vicier, par conséquent, l’appréciation globale du risque de confusion opérée dans la décision attaquée et, dès lors, d’entacher cette appréciation d’erreur.

107    Dans ces circonstances, il convient d’accueillir le premier moyen et, partant, sans qu’il soit besoin d’examiner les deux autres moyens invoqués par la requérante, d’annuler la décision attaquée afin que la chambre de recours se prononce sur le risque de confusion à la lumière des éléments concernant la comparaison des signes examinés ci-dessus, de l’identité des produits et de toutes les circonstances pertinentes en l’espèce [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 mai 2011, São Paulo Alpargatas/OHMI – Fischer (BAHIANAS LAS ORIGINALES), T‑422/09, non publié au Recueil, point 48].

 Sur les dépens

108    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, dans la mesure où la décision attaquée est annulée, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

109    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du même règlement, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens. L’intervenante ayant succombé, celle-ci supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), du 28 mai 2009 (affaire R 795/2008‑1), est annulée.

2)      L’OHMI est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Dr. Robert Winzer Pharma GmbH.

3)      Alcon Inc supportera ses propres dépens.

Kanninen

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.