Language of document : ECLI:EU:C:2022:701

ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

16 septembre 2022 (*)

« Pourvoi – Référé – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Gel de fonds et de ressources économiques – Inclusion du nom du requérant – Urgence – Préjudice grave et irréparable – Absence »

Dans l’affaire C‑526/22 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 4 août 2022,

OT, représenté par Mes J.-P. Hordies et C. Sand, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. A. Boggio-Tomasaz, Mme M.‑C. Cadilhac et M. V. Piessevaux, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente




Ordonnance

1        Par son pourvoi, OT demande l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 30 mai 2022, OT/Conseil (T‑193/22 R, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2022:307), par laquelle celui-ci a rejeté sa demande tendant, premièrement, à surseoir à l’exécution du règlement d’exécution (UE) 2022/427 du Conseil, du 15 mars 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 871, p. 1), ainsi que de la décision (PESC) 2022/429 du Conseil, du 15 mars 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 871, p. 44) (ci-après, ensemble, les « actes litigieux »), en tant que ces actes le concerne, deuxièmement, à lui octroyer plusieurs mesures provisoires et, troisièmement, à enjoindre au Conseil de l’Union européenne de produire le dossier non confidentiel comprenant les motifs ayant fondé les actes litigieux ainsi que de le lui communiquer.

 Le cadre juridique

 Le règlement (UE) no 269/2014

2        L’article 4 du règlement (UE) no 269/2014 du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6 et rectificatif JO 2022, L 140, p. 62), prévoit, à son paragraphe 1 :

« Par dérogation à l’article 2, les autorités compétentes des États membres peuvent autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés ou la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques, aux conditions qu’elles jugent appropriées, après avoir établi que ces fonds ou ressources économiques sont :

a)      nécessaires pour répondre aux besoins essentiels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes énumérés à l’annexe I et des membres de la famille des personnes physiques qui sont à leur charge, notamment pour le paiement des vivres, des loyers ou des mensualités de prêts hypothécaires, des médicaments et des traitements médicaux, des impôts, des primes d’assurance et des factures de services d’utilité publique ;

b)      destinés exclusivement au règlement d’honoraires d’un montant raisonnable ou au remboursement de dépenses engagées pour s’assurer le service de juristes ;

[...]

d)      nécessaires pour couvrir des dépenses extraordinaires, à condition que l’autorité compétente ait notifié aux autorités compétentes des autres États membres et à la Commission, au moins deux semaines avant l’octroi de l’autorisation, les raisons pour lesquelles elle considère qu’une autorisation spéciale devrait être accordée. »

 La décision 2014/145/PESC

3        La décision 2014/145/PESC du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16), dispose, à son article 2, paragraphe 3 :

« L’autorité compétente d’un État membre peut autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, ou la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques, dans les conditions qu’elle juge appropriées, après avoir établi que les fonds ou les ressources économiques concernés sont :

a)      nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux des personnes dont la liste figure à l’annexe et des membres de leur famille qui sont à leur charge, notamment pour couvrir les dépenses liées au paiement de denrées alimentaires, de loyers ou de remboursement de prêts hypothécaires, de médicaments et de traitements médicaux, d’impôts, de primes d’assurance et de redevances de services publics ;

b)      destinés exclusivement au règlement d’honoraires d’un montant raisonnable et au remboursement de dépenses engagées pour s’assurer les services de juristes ;

[...]

d)      nécessaires pour des dépenses extraordinaires, pour autant que l’autorité compétente ait notifié aux autorités compétentes des autres États membres et à la Commission, au moins deux semaines avant l’autorisation, les motifs pour lesquels elle estime qu’une autorisation spéciale devrait être accordée. »

 Les antécédents du litige

4        Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 8 de l’ordonnance attaquée. Ils peuvent, pour les besoins de la présente procédure en référé, être résumés comme suit.

5        Par les actes litigieux, le nom du requérant a été ajouté sur les listes des personnes, entités et organismes faisant l’objet de mesures restrictives qui figurent à l’annexe I du règlement no 269/2014 et à l’annexe de la décision 2014/145 (ci-après les « listes en cause »).

6        Le 16 mars 2022, le Conseil a procédé à la publication au Journal officiel de l’Union européenne d’un avis à l’attention des personnes, entités et organismes faisant l’objet des mesures restrictives.

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 avril 2022, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation des actes litigieux.

8        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit une demande en référé tendant, notamment, au sursis à l’exécution des actes litigieux et à l’octroi de plusieurs mesures provisoires.

9        Le 5 mai 2022, le requérant a déposé une demande de mesures d’organisation de la procédure.

10      Par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé introduite par le requérant.

11      D’une part, aux points 23 à 69 de cette ordonnance, le président du Tribunal a examiné la condition relative au fumus boni juris. Sur la base de cet examen, il a estimé, au point 70 de ladite ordonnance, que cette condition n’était pas remplie.

12      D’autre part, aux points 72 à 90 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a examiné la condition relative à l’urgence. Au point 91 de cette ordonnance, il a considéré que cette condition n’était pas non plus remplie.

 Les conclusions des parties

13      Le requérant demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        de suspendre les effets de l’inscription de son nom sur les listes en cause dans l’attente d’une décision sur le recours introduit dans l’affaire T‑193/22 ;

–        d’octroyer l’ensemble des mesures provisoires sollicitées en première instance, et

–         de réserver les dépens.

14      Le Conseil demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner le requérant aux dépens des deux instances.

 La procédure devant la Cour

15      Par acte séparé présenté au greffe de la Cour lors du dépôt du pourvoi, le requérant demande que la présente affaire soit soumise à la procédure accélérée prévue aux articles 133 et 136 du règlement de procédure de la Cour, applicables au pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de ce règlement.

16      À l’appui de cette demande, il a fait valoir, en substance, qu’il est dans une situation exceptionnelle et particulièrement précaire, au regard du refus du Conseil de réexaminer sa situation, des difficultés auxquelles sa famille est exposée et [confidentiel].

17      Il résulte de l’article 133 du règlement de procédure de la Cour que, à la demande soit de la partie requérante, soit de la partie défenderesse, le président peut, lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais, l’autre partie, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre cette affaire à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions de ce règlement.

18      Il importe toutefois de relever que, en application de l’article 39 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 57 de ce statut, il peut être statué selon une procédure sommaire dérogeant, en tant que de besoin, à certaines des règles contenues dans ledit statut et qui est fixée par le règlement de procédure de la Cour, sur un pourvoi formé contre une décision du Tribunal prise au titre des articles 278 ou 279 TFUE.

19      Or, cette procédure sommaire, dont les modalités sont précisées aux articles 160 à 164 du règlement de procédure de la Cour, constitue une procédure d’urgence conférant à la Cour la faculté de statuer dans des délais plus brefs que ceux d’une procédure accélérée.

20      En particulier, tout d’abord, le juge des référés peut, conformément à l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour, faire droit à une demande de référé avant même que l’autre partie n’ait présenté ses observations, cette mesure pouvant être ultérieurement modifiée ou rapportée, même d’office. Il est ainsi loisible à la partie ayant formé un pourvoi contre une décision du Tribunal prise au titre des articles 278 ou 279 TFUE d’assortir ce pourvoi d’une demande en référé devant la Cour, en vue d’obtenir le prononcé de mesures provisoires à très brève échéance.

21      Ensuite, alors que, dans les affaires soumises à une procédure accélérée le président peut, en application de l’article 134 du règlement de procédure de la Cour, refuser le dépôt d’une réplique, d’une duplique ou d’un mémoire en intervention, dans les affaires relatives aux demandes de mesures provisoires, le juge des référés a la faculté, en vertu de l’article 160, paragraphe 5, du règlement de procédure, de déterminer la forme des observations écrites des parties ou, le cas échéant, d’entendre la partie défenderesse uniquement en ses observations orales.

22      Enfin, si, en application de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, cette dernière doit, dans les affaires soumises à une procédure accélérée, statuer après avoir tenu une audience, il résulte des articles 160 à 164 de ce règlement que, dans les affaires relatives aux demandes de mesures provisoires, le juge des référés peut apprécier la pertinence de la tenue d’une audience par rapport à l’objet du litige ainsi que la nécessité d’obtenir des éclaircissements des parties aux fins de statuer sur ce litige (voir, en ce sens, ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 20 septembre 2021, République tchèque/Pologne, C‑121/21 R, EU:C:2021:752, point 13 et jurisprudence citée) et, partant, que ce juge peut se prononcer sans entendre les parties en leurs observations orales.

23      Au demeurant, l’application, dans le cadre d’une procédure de référé, de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, dont découle l’obligation de tenir une audience, serait incompatible avec le principe selon lequel une demande en référé doit permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur cette demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir du texte même de cette demande [voir, en ce sens, ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 8 octobre 2020, Junqueras i Vies/Parlement, C‑201/20 P(R), non publiée, EU:C:2020:818, point 102 et jurisprudence citée].

24      Dès lors, l’article 133 du règlement de procédure ne peut être appliqué à une procédure de pourvoi formé contre une décision du Tribunal prise au titre des articles 278 ou 279 TFUE.

25      Il s’ensuit que la demande d’application de la procédure accélérée présentée par le requérant doit être rejetée comme étant irrecevable.

 Sur le pourvoi

26      À l’appui de son pourvoi, OT invoque trois moyens portant, premièrement, sur l’appréciation de la condition relative au fumus boni juris, deuxièmement, sur l’absence de réponse du président du Tribunal à une demande de mesures d’organisation de la procédure introduite par OT et, troisièmement, sur l’appréciation de la condition relative à l’urgence.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation

27      Par son troisième moyen, qu’il convient d’examiner d’emblée, OT soutient, en premier lieu, que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en se fondant, pour constater que la condition relative à l’urgence n’était pas remplie, sur le fait qu’il n’avait pas démontré avoir fait usage sans succès de la possibilité d’introduire une demande de dérogation à l’interdiction d’entrée [confidentiel].

28      Il fait valoir que cette condition doit être appréciée non pas en fonction de la diligence du demandeur pour limiter son préjudice, mais par rapport aux effets des actes litigieux. En l’espèce, aucune demande de dérogation [confidentiel] n’aurait été introduite dans la mesure où, en raison de jurisprudences très restrictives, de telles demandes seraient systématiquement rejetées [confidentiel].

29      En deuxième lieu, l’appréciation selon laquelle, au regard des dérogations accordées à OT, celui-ci pourrait mener une vie normale serait « totalement en dehors de la réalité ». [confidentiel]

30      En troisième lieu, OT fait valoir que, en raison de l’absence de preuves sérieuses avancées par le Conseil et de l’urgence avérée [confidentiel], le président du Tribunal ne pouvait valablement juger que la condition relative à l’urgence n’était pas remplie.

31      Le Conseil conclut au rejet du troisième moyen comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

 Appréciation

32      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 156, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, selon une jurisprudence constante de la Cour, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours au fond. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 16 juillet 2021, Symrise/ECHA, C‑282/21 P(R), non publiée, EU:C:2021:631, point 26 et jurisprudence citée].

33      En particulier, ainsi que l’a relevé en substance le président du Tribunal aux points 72 et 73 de l’ordonnance attaquée, la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision au fond, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. C’est pour atteindre cet objectif que l’urgence doit être appréciée par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit causé à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au fond, sans avoir à subir un préjudice de cette nature. Si, pour établir l’existence de ce préjudice, il n’est pas nécessaire d’exiger que la survenance et l’imminence de celui-ci soient établies avec une certitude absolue et qu’il suffit que ledit préjudice soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant, il n’en reste pas moins que la partie qui sollicite une mesure provisoire demeure tenue de prouver les faits au regard desquelles elle estime qu’il existe un risque réel de survenance d’un tel préjudice [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 1er décembre 2021, Inivos et Inivos/Commission, C‑471/21 P(R), EU:C:2021:984, point 64].

34      En l’espèce, le président du Tribunal a considéré, en se fondant sur trois motifs, qu’OT n’avait pas établi qu’il existait un risque réel de survenance d’un tel préjudice. Tout d’abord, il a considéré, au point 84 de l’ordonnance attaquée, que l’éventuelle privation de la liberté de circulation d’OT, l’empêchant de rejoindre sa famille [confidentiel], ne suffisait pas en elle-même à établir le risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable dans les circonstances de l’espèce. Ensuite, le président du Tribunal a estimé, au point 88 de cette ordonnance, qu’OT avait obtenu [confidentiel] des dérogations permettant à sa famille de mener une « vie normale ». Enfin, [confidentiel].

35      À cet égard, il convient, en premier lieu, de relever que, à l’appui du premier motif retenu par le président du Tribunal, celui-ci a notamment relevé, aux points 81 et 83 de l’ordonnance attaquée, qu’OT n’avait pas démontré, d’une part, avoir épuisé sans succès les différentes possibilités de demander une dérogation à l’interdiction d’entrée [confidentiel] qui lui est opposée ainsi que [confidentiel].

36      De même, à l’appui du troisième motif retenu par le président du Tribunal en ce qui concerne la condition relative à l’urgence, celui-ci a souligné, aux points 89 et 90 de l’ordonnance attaquée, qu’il était loisible à OT [confidentiel] d’introduire une demande de dérogation à l’interdiction d’entrée [confidentiel] ou encore de se rendre dans un pays tiers ne lui opposant pas de restriction d’entrée.

37      Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, en cas de demande de sursis à l’exécution d’un acte, l’octroi de la mesure provisoire sollicitée n’est justifié que si l’acte en question constitue la cause déterminante du préjudice grave et irréparable allégué. Il en découle que le sursis à l’exécution d’un acte ne doit pas être prononcé lorsque le préjudice invoqué trouve essentiellement sa source dans des facteurs indépendants de cet acte et que la contribution décisive de celui-ci à la réalisation de ce préjudice n’est pas établie [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 24 mai 2022, Puigdemont i Casamajó e.a./Parlement et Espagne, C‑629/21 P(R), EU:C:2022:413, points 238 et 239].

38      Il s’ensuit que, dans le cas où le risque de réalisation du préjudice peut être écarté par le demandeur en référé, en faisant usage des voies de droit prévues par le régime dont relève l’acte litigieux ou par d’autres réglementations applicables dans l’État concerné, il ne saurait en principe être considéré, alors que ce demandeur n’a pas fait usage de ces voies de droit, qu’il a apporté la preuve qu’il ne peut attendre l’issue de la procédure au fond, sans avoir à subir un préjudice grave et irréparable.

39      Certes, une telle solution ne saurait être retenue lorsque lesdites voies de droit ne sont pas susceptibles, en pratique, au regard de la réglementation ou de la pratique de l’État concerné, d’être utilisées avec succès par le demandeur.

40      En l’espèce, OT allègue que ni une demande de dérogation à l’interdiction d’entrée [confidentiel] n’étaient susceptibles de prospérer. Toutefois, force est de constater qu’il ne démontre pas le bien-fondé de cette allégation.

41      Il apparaît, en conséquence, qu’OT n’établit pas que le président du Tribunal a considéré à tort, en substance, aux points 81 et 89 de l’ordonnance attaquée, d’une part, qu’il appartenait à OT de démontrer qu’il avait épuisé sans succès les différentes possibilités d’introduire une demande de dérogation à l’interdiction d’entrée [confidentiel] et, d’autre part, que celui-ci n’avait pas procédé à une telle démonstration.

42      Par ailleurs, il y a lieu de relever que les constats du président du Tribunal figurant aux points 83 et 90 de l’ordonnance attaquée, selon lesquels il n’était pas établi que le requérant se trouve dans l’impossibilité [confidentiel] de se rendre dans un tel pays tiers, ne sont nullement contestés dans le pourvoi.

43      Dès lors, l’argument tendant à démontrer que le président du Tribunal a jugé à tort que les restrictions à la liberté de circulation d’OT ne suffisaient pas en elles-mêmes à établir le risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable dans les circonstances de l’espèce doit être écarté comme étant non fondé.

44      S’agissant, en deuxième lieu, du deuxième motif retenu par le président du Tribunal en ce qui concerne la condition relative à l’urgence, il ressort du point 87 de l’ordonnance attaquée [confidentiel].

45      Dans son pourvoi, le requérant ne conteste pas les constats ainsi opérés par le président du Tribunal.

46      En outre, il n’allègue pas qu’il ne serait pas, à l’avenir, en mesure d’obtenir le maintien de dérogations déjà accordées ou, le cas échéant, l’octroi de nouvelles dérogations destinées à répondre à ses besoins essentiels et à ceux de sa famille, à acquitter des frais nécessaires à sa défense ou encore à couvrir des dépenses extraordinaires, comme le prévoient l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 et l’article 2, paragraphe 3, de la décision 2014/145.

47      En conséquence, il ne saurait être valablement reproché au président du Tribunal d’avoir jugé, en substance, au point 88 de l’ordonnance attaquée, qu’OT n’était pas privé, malgré l’application des actes litigieux, de la possibilité de subvenir aux besoins de sa famille et de couvrir les frais liés à sa défense.

48      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, sans qu’il soit besoin de déterminer si les désagréments dont fait état OT dans son pourvoi sont de nature à l’empêcher de mener une « vie normale », que l’appréciation du président du Tribunal selon laquelle la restriction des possibilités d’OT d’utiliser ses avoirs résultant des actes litigieux n’était pas susceptible de lui causer un préjudice grave et irréparable n’est pas entachée d’une erreur de qualification juridique des faits.

49      En troisième lieu, dans la mesure où OT critique l’appréciation du président du Tribunal de la condition relative à l’urgence en faisant valoir que le Conseil n’a pas avancé de preuves sérieuses aux fins d’établir les faits sur lesquels son inscription sur les listes en cause est fondée, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que, si le caractère plus ou moins sérieux du fumus boni juris n’est pas sans influence sur l’appréciation de l’urgence, il n’en reste pas moins que le fumus boni juris et l’urgence constituent, conformément aux dispositions de l’article 156, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, deux conditions distinctes qui président à l’obtention d’un sursis à exécution, de telle sorte que le requérant demeure tenu de démontrer également l’imminence d’un préjudice grave et irréparable (voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 30 novembre 2021, Land Rheinland-Pfalz/Deutsche Lufthansa, C‑466/21 P‑R, non publiée, EU:C:2021:972, point 35 et jurisprudence citée).

50      Dès lors, à supposer même que l’inscription sur les listes en cause ne soit pas fondée sur des éléments de preuve sérieux, une telle absence de preuve ne saurait, en tout état de cause, suffire à démontrer que le président du Tribunal a commis une erreur de qualification juridique des faits en constatant que la condition relative à l’urgence n’était pas remplie en l’espèce, dans la mesure où OT n’a pas démontré que, en attendant l’issue de la procédure au fond, il risquait de subir un préjudice grave et irréparable.

51      Partant, l’allégation selon laquelle le président du Tribunal aurait commis une telle erreur doit être écartée comme étant inopérante.

52      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme étant, pour partie, inopérant et, pour partie, non fondé.

 Sur les premier et deuxième moyens

53      Ainsi qu’il a été rappelé au point 32 de la présente ordonnance, les conditions d’octroi des mesures provisoires étant cumulatives, une demande de mesures provisoires doit être rejetée dès lors que l’une de ces conditions fait défaut.

54      En l’espèce, le requérant n’est pas parvenu, par son troisième moyen de pourvoi, à démontrer que le président du Tribunal avait commis une erreur en jugeant que la condition relative à l’urgence n’était pas remplie.

55      Dès lors que les premier et deuxième moyens ne visent pas à remettre en cause l’appréciation de la condition relative à l’urgence par le président du Tribunal, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner ces moyens.

 Sur les dépens

56      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

57      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

58      Le Conseil ayant conclu à la condamnation d’OT aux dépens et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil.

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      OT est condamné aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.