Language of document : ECLI:EU:T:2021:413

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

7 juillet 2021 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un luminaire – Marques de l’Union européenne figuratives antérieures représentant un ours en peluche – Motifs de nullité – Article 25, paragraphe 1, sous b) et e), du règlement (CE) no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑492/20,

S. Tous, SL, établie à Manrèse (Espagne), représentée par Mes D. Gómez Sánchez et J. Gracia Albero, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Söder, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Zhejiang China-Best Import & Export Co. Ltd, établie à Hangzhou (Chine),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 26 mai 2020 (affaire R 1553/2019‑3), relative à une procédure de nullité entre S. Tous et Zhejiang China-Best Import & Export,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, M. F. Schalin (rapporteur) et Mme P. Škvařilová‑Pelzl, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 24 juillet 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 18 décembre 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        L’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, Zhejiang China-Best Import & Export Co. Ltd, est titulaire du dessin ou modèle communautaire no 4422343-0012 (ci-après le « dessin ou modèle contesté ») demandé et enregistré, dans le cadre d’une demande multiple, le 26 octobre 2017, pour des « luminaires », compris dans la classe 26.05 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et représenté dans les vues suivantes :


2        Le 10 juillet 2018, la requérante, S. TOUS, a introduit une demande en nullité du dessin ou modèle contesté auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), fondée sur deux motifs, tirés, premièrement, d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), en raison de son absence de caractère individuel au sens de l’article 6 du même règlement et, deuxièmement, d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, en raison d’un usage non autorisé de son signe distinctif antérieur, car l’enregistrement du dessin ou modèle contesté était incompatible avec les enregistrements antérieurs.

3        La demande en nullité est fondée, notamment, sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque de l’Union européenne figurative no 1755636, telle que reproduite ci-après, déposée le 13 juillet 2000, publiée le 19 mars 2001, enregistrée le 7 septembre 2001 et renouvelée pour des produits relevant des classes 3, 9, 14, 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifiée, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux » ;

–        classe 9 : « Lunettes, lunettes de soleil, montures de lunettes, étuis à lunettes » ;

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; malles et valises ; sacs à mains » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ; tours de cou, foulards ; harnais (ceintures) » ;

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–        la marque de l’Union européenne figurative no 8127128, telle que reproduite ci-après, déposée le 26 février 2009, publiée le 21 septembre 2009, enregistrée le 26 janvier 2010 et renouvelée pour des produits relevant des classes 14, 18 et 25, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué, non compris dans d’autres classes ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; articles d’horlogerie et instruments chronométriques ; jais brut ou mi-ouvré ; boîtes de montre » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, et produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies et parasols » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

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4        Par décision du 20 mai 2019, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

5        Le 19 juillet 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

6        Par décision du 26 mai 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours au motif que le dessin ou modèle contesté présentait un caractère individuel et qu’il n’existait pas de risque de confusion avec les marques antérieures invoquées par la requérante.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        La requérante présente, à l’appui de son recours, deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec les articles 6 et 7 dudit règlement, en raison de l’absence de caractère individuel du dessin ou modèle contesté. Le second moyen est tiré d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 9, paragraphe 2, sous c), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), en raison de l’incorporation dans le dessin ou modèle contesté d’un signe distinctif jouissant d’une renommée.

 Sur le premier moyen, tiréd’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlementno 6/2002, lu en combinaison avec les articles 6 et 7 dudit règlement

10      Dans le cadre du premier moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que le dessin ou modèle contesté présentait un caractère individuel. Selon la requérante, une comparaison des droits en conflit révèle qu’il existe de multiples coïncidences dans les modalités de reproduction de la forme d’un petit ours. Tous les droits en conflit reproduiraient l’image d’un petit ours, vu de face, en position frontale et avec les bras ouverts ; la tête serait arrondie ou sensiblement circulaire ; les oreilles latérales seraient arrondies ; la tête et le corps seraient de proportions identiques ; les bras seraient arrondis et disposés le long du corps de manière symétrique ; et les pattes seraient arrondies et courtes. Le fait que, d’une part, les pattes soient plus ou moins fines et/ou stylisées et, d’autre part, que les oreilles soient un peu plus ou un peu moins grandes et/ou arrondies seraient des détails insignifiants par rapport à tous les éléments communs que les droits en conflit possèdent et qui, dans leur ensemble, produiraient la même impression générale sur l’utilisateur averti.

11      En outre, en dépit d’une grande liberté de création des créateurs dans les domaines artistiques et de l’existence de toutes les formes possibles à la disposition du titulaire du dessin ou modèle contesté afin de représenter sur la lampe en question l’image d’un petit ours, la requérante avance que ce titulaire a choisi celle d’un petit ours en tous points similaire au petit ours représenté dans les enregistrements antérieurs de la requérante, en ne les distinguant que par des détails secondaires ou non pertinents, dans le seul but de tirer profit de la renommée acquise par les marques antérieures auprès des consommateurs, qui associeront sans doute le dessin ou modèle contesté aux marques TOUS.

12      En ce qui concerne l’utilisateur averti, la requérante fait valoir qu’il n’est pas un expert technique et que, par conséquent, lors de la comparaison des produits, il percevra le degré de similitude extrêmement élevé entre le dessin ou modèle contesté et ses droits de propriété intellectuelle antérieurs. En outre, compte tenu du secteur dont relèvent les produits en cause, à savoir celui des appareils d’éclairage, l’utilisateur averti se rapprocherait davantage du consommateur moyen retenu en droit des marques, c’est-à-dire du consommateur dont la perception du signe est imparfaite car, même s’il est bien informé et raisonnablement attentif et averti, il garde en mémoire une image imparfaite du signe, n’ayant pas l’occasion de comparer directement le dessin ou modèle contesté et le signe distinctif antérieur.

13      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

14      Il ressort du libellé de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 que le caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire enregistré doit d’abord être apprécié au regard de l’impression globale produite sur l’utilisateur averti concerné [voir arrêt du 25 octobre 2013, Merlin e.a./OHMI – Dusyma (Jeux), T‑231/10, non publié, EU:T:2013:560, point 28 et jurisprudence citée]. Cette impression globale doit, en outre, être différente de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité a été revendiquée, avant la date de cette priorité.

15      L’article 6, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 précise qu’il convient de tenir compte, dans l’appréciation du caractère individuel dont il s’agit, du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle en cause.

16      Par ailleurs, l’article 3, sous a), du règlement no 6/2002 définit un dessin ou modèle comme « l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit qui lui confère, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation ». Les droits antérieurs sont des marques figuratives dont les caractéristiques résultent de leurs lignes et contours. De ce fait, ils doivent être appréhendés comme s’il s’agissait de dessins ou modèles au sens de l’article 3, sous a), règlement no 6/2002 [voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2010, Baena Grupo/OHMI – Neuman et Galdeano del Sel (Personnage assis), T‑513/09, non publié, EU:T:2010:541, point 20].

17      Ces conditions légales rappelées, il convient de relever que la jurisprudence pertinente précise, à ce sujet, que le caractère individuel d’un dessin ou un modèle doit résulter d’une impression globale, du point de vue de l’utilisateur averti, de différence, ou d’absence de « déjà vu », par rapport à tout dessin ou modèle antérieur. Dans cette perspective, les différences insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale ne sauraient être prises en compte, seules les différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables pouvant être déterminantes [voir arrêt du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 29 et jurisprudence citée].

18      Au vu des critères mentionnés ci-dessus, il convient dès lors d’examiner si, du point de vue de l’utilisateur averti et compte tenu du degré de liberté dont le créateur de modèle peut bénéficier en l’espèce, l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté diffère de celle produite par les marques antérieures en cause.

 Sur le degré de liberté du créateur

19      Il y a lieu de relever que le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle est défini à partir, notamment, des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ou encore des prescriptions légales applicables au produit. Ces contraintes conduisent à une normalisation de certaines caractéristiques, devenant alors communes aux dessins ou modèles appliqués au produit concerné [arrêt du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, EU:T:2010:96, point 67].

20      Plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti.

21      Ainsi, un degré élevé de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles ne présentant pas de différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti [arrêt du 9 septembre 2011, Kwang Yang Motor/OHMI – Honda Giken Kogyo (Moteur à combustion interne), T‑11/08, non publié, EU:T:2011:447, point 33].

22      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que le degré de liberté du créateur était moyen s’agissant des appareils d’éclairage. Elle a toutefois précisé que cette liberté n’était, en principe, soumise à aucune limitation s’agissant des formes graphiques.

23      Il convient de relever que la chambre de recours a apprécié le degré de liberté du créateur conformément à la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus. En outre, le Tribunal a déjà jugé que le degré de liberté du créateur était élevé lorsqu’il s’agissait des parties individuelles d’une lampe, mais que celui-ci était généralement limité pour les lampes, puisqu’une lampe devait contenir une base et un dispositif d’éclairage [voir, en ce sens, arrêts du 28 septembre 2017, Rühland/EUIPO – 8 seasons design (Lampe en étoile), T‑779/16, non publié, EU:T:2017:674, point 25, et du 7 février 2019, Eglo Leuchten/EUIPO – Di-Ka (Lampe), T‑766/17, non publié, EU:T:2019:68, points 25 à 36].

24      Par conséquent, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a considéré, à juste titre, que si le degré de liberté du créateur était, en substance, élevé s’agissant des formes graphiques, ledit degré n’était, en revanche, que moyen s’agissant des appareils d’éclairage.

 Sur l’utilisateur averti

25      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la qualité d’« utilisateur » implique que la personne concernée utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce même produit est destiné. Le qualificatif « averti » suggère en outre que, sans être un concepteur ou un expert technique, l’utilisateur connaît différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissance quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise [voir arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 59 et jurisprudence citée ; arrêt du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication), T‑153/08, EU:T:2010:248, points 46 et 47].

26      La notion d’utilisateur averti doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle du consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui, en général, n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme du métier, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, contrairement à ce que prétend la requérante, la notion d’utilisateur averti peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non pas d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 53).

27      En outre, la Cour a jugé que la nature même de l’utilisateur averti, tel qu’elle l’a elle-même défini, implique que, lorsque cela est possible, il procédera à une comparaison directe du dessin ou modèle antérieur et du dessin ou modèle contesté (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2012, Neuman et Galdeano del Sel/Baena Grup, C‑101/11 P et C‑102/11 P, EU:C:2012:641, point 54 et jurisprudence citée).

28      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a entériné, au point 15 de la décision attaquée, les considérations de la division d’annulation à cet égard, à savoir que l’utilisateur averti était une personne qui connaissait bien la catégorie de produits dans laquelle le dessin ou modèle contesté pouvait être utilisé. En outre, il résulte de la jurisprudence que l’utilisateur averti, en tant qu’utilisateur final, connaît les lampes disponibles sur le marché et que ces connaissances proviennent de la lecture de matériels publicitaires, de catalogues et de la fréquentation de locaux de vente connus ou de foires (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2017, Lampe en étoile, T‑779/16, non publié, EU:T:2017:674, point 21).

29      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours, contrairement à ce que prétend la requérante, a fait une correcte application de la notion d’utilisateur averti.

 Sur l’impression globale

30      En l’espèce, le dessin ou modèle contesté représente un objet tridimensionnel, à savoir un appareil d’éclairage, constitué d’un large encadrement jaune en forme d’un ours en peluche, fixé sur un socle et dans lequel sont fixés un miroir et de nombreuses petites lampes dont la lumière est reflétée par le miroir. Les droits antérieurs sont constitués de formes graphiques, à savoir des représentations stylisées d’un ours en peluche avec un visage suggéré par trois points (la marque no 1755636) ou sans lesdits points (la marque no 8127128).

31      Comme l’a fait valoir à juste titre la chambre de recours, bien qu’il existe une certaine concordance au niveau du contour du petit ours stylisé, il existe de nombreuses différences entre le dessin ou modèle contesté et les droits antérieurs.

32      À cet égard, il y a lieu de relever que, en ce qui concerne le dessin ou modèle contesté, l’effet de lumière provoqué par la combinaison entre le miroir et les petites lampes ne passe pas inaperçu et que cette caractéristique n’est pas présente dans les marques antérieures. En outre, le contour du dessin ou modèle contesté diffère de celui des marques antérieures. Alors que la forme du cadre du dessin ou modèle contesté représente un ours en peluche debout avec des jambes minces et des oreilles un peu plus grandes pointant vers le haut, l’ours en peluche représenté par les marques antérieures est assis avec des jambes plus épaisses et des oreilles basses qui se détachent du côté de la tête. De plus, le contour du dessin ou modèle contesté est moins disproportionné que ceux des marques antérieures dans lesquelles l’ours semble plus imposant dans sa partie inférieure.

33      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a pu conclure, dans la décision attaquée, que l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté était différente de celles produites par les marques antérieures.

34      Il s’ensuit que la chambre de recours a correctement appliqué l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 et l’article 6, paragraphe 2, dudit règlement pour pouvoir conclure au point 26 de la décision attaquée que les droits antérieurs ne s’opposaient pas au caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

35      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec larticle 9, paragraphe 2, sous c), du règlement 2017/1001

36      La requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les preuves produites ne sont pas suffisantes pour prouver une renommée des marques antérieures pour les produits protégés et donc faire droit à la demande en nullité fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002.

37      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

38      Aux termes de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire doit être déclaré nul s’il est fait usage d'un signe distinctif dans un dessin ou modèle ultérieur et que le droit de l’Union européenne ou la législation de l'État membre concerné régissant ce signe confère au titulaire du signe le droit d’interdire cette utilisation. En outre, aux termes de l’article 25, paragraphe 3, de ce même règlement, ce motif de nullité peut être invoqué uniquement par le demandeur ou le titulaire du droit antérieur.

39      Conformément à l’article 9, paragraphe 2, sous c), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou des services lorsque ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou les services pour lesquels il est utilisé soient identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’Union et que l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l’Union européenne ou leur porte préjudice.

40      Il s’ensuit que le droit d’interdiction prévu par l’article 9, paragraphe 2, sous c), du règlement 2017/1001 est subordonné à trois conditions, à savoir, premièrement, l’identité ou la similitude du signe contesté avec la marque antérieure, deuxièmement, la renommée de la marque antérieure et, troisièmement, le risque que l’usage du signe contesté, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porte préjudice. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable les dispositions de l’article 9, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 [voir, par analogie, arrêt du 25 mai 2005, Spa Monopole/OHMI – Spa-Finders Travel Arrangements (SPA‑FINDERS), T‑67/04, EU:T:2005:179, point 30].

41      En l’espèce, il est constant que la requérante est titulaire des deux marques de l’Union européenne antérieures visées au point 3 ci-dessus. En outre, il ressort de la décision attaquée que tant la division d’annulation que la chambre de recours ont pris en compte la marque antérieure no 8127128, bien qu’elle fasse actuellement l’objet d’une procédure de nullité, et sont parties du principe, également au bénéfice de la requérante, que le dessin ou modèle contesté utilisait les marques antérieures au sens de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002.

42      Partant, la question principale est de savoir si la requérante a prouvé la renommée des deux marques antérieures en cause.

43      Or, tel n’est pas le cas. Certes, la requérante a produit, dans le cadre de la procédure administrative, un certain nombre de documents (tels que les photos de différentes célébrités intervenant en tant qu’ambassadrices des marques TOUS, différentes annonces publicitaires, des listes des occurrences résultant d’une recherche sur Internet avec le terme « tous », des catalogues, des déclarations et des photos). Toutefois, elle n’a pas apporté la preuve de la renommée des deux marques antérieures en cause pour les produits sur la base desquels la demande en nullité a été présentée.

44      À cet égard, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que les annexes 3.2 (déclaration écrite du gérant de la requérante du 21 juillet 2017), 3.4 (impressions de sites Internet concernant la collaboration entre la requérante et Samsung), 3.6 (déclaration écrite du gérant de la requérante, datant du 21 juillet 2017, relative aux prix et aux récompenses obtenus par la requérante au cours des années 2006 à 2017), 3.8 (liste de groupements et associations dont la requérante est membre) et 3.10 (listes des occurrences résultant d’une recherche sur Internet basée sur le terme de recherche « tous »), produites par la requérante devant la chambre de recours, concernent les marques TOUS et non les marques figuratives sans texte en cause.

45      De même, l’annexe 3.7 produite par la requérante, qui mentionne des décisions judiciaires, est dénuée de force probante du fait que soit une petite partie seulement de ces décisions a été traduite en allemand, soit rien n’a été traduit dans cette dernière langue, qui était la langue de procédure devant l’EUIPO. En ce qui concerne les décisions pour lesquelles il existe une traduction partielle, les parties traduites ne révèlent pas quelles marques étaient en cause, sur quels éléments de preuves sont fondés ces décisions et pour quels produits ou services une renommée a été établie. Partant, les traductions ne permettent pas de conclure à la renommée des marques antérieures. Il en va de même pour les décisions pour lesquelles il n’existe pas de traduction. À cet égard, et contrairement à ce que prétend la requérante, une traduction dans la langue de procédure est une exigence en vertu du règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28). En effet, l’article 29, paragraphe 5, dudit règlement dispose que, « [l]orsque les preuves fournies à l’appui de la demande ne sont pas rédigées dans la langue de la procédure en nullité, le demandeur doit en produire une traduction dans cette langue dans un délai de deux mois à compter du dépôt des preuves ». Il s’ensuit que l’EUIPO n’était pas tenu de prendre en compte les preuves non traduites. De même, il découle de l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 2245/2002, que l’EUIPO, en l’espèce, n’était pas tenu de demander une traduction d’office.

46      En outre, il ressort de la jurisprudence que, eu égard aux termes de l’article 61 du règlement no 6/2002, le contrôle de légalité opéré par le Tribunal sur une décision de la chambre de recours doit se faire au regard des questions de droit qui ont été portées devant celle-ci. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas d’examiner de nouveaux moyens introduits devant lui ou de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’examen de ces nouveaux moyens et l’admission de ces preuves seraient contraires à l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires déposés par les parties dans le cadre de la procédure devant le Tribunal ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2013, Viejo Valle/OHMI – Établissements Coquet (Tasse et sous-tasse avec des stries et assiette creuse avec des stries), T‑566/11 et T‑567/11, EU:T:2013:549, point 63]. Dès lors, les décisions mentionnées dans la requête, à savoir celles de l’Office espagnol des brevets et des marques du 15 juin 2005, du 1er avril 2008 et du 6 février 2018, qui n’ont été invoquées par la requérante ni devant la division d’annulation ni devant la chambre de recours en tant qu’éléments de preuve, sont présentés pour la première fois devant le Tribunal et sont ainsi irrecevables.

47      Quant à l’annexe 3.9 produite par la requérante devant la chambre de recours, à savoir l’attestation fournie par l’Association nationale espagnole pour la protection des marques (Andema) concernant la marque verbale TOUS et les deux marques figuratives en cause, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, qu’elle ne fait pas de distinction entre l’élément « tous » et lesdites marques figuratives sans texte. En effet, elle n’opère qu’un renvoi, sommaire, au chiffre d’affaires mondial total réalisé sous la marque verbale TOUS et les autres marques figuratives de la requérante ainsi qu’aux dépenses publicitaires portant sur la période allant de 2011 à 2016. Elle ne permet pas de conclure que la marque verbale TOUS est systématiquement utilisée avec les deux marques antérieures en cause, ni d’évaluer le degré concret de la renommée de ces deux marques dans l’Union pour les produits qu’elles désignent.

48      Quant aux annexes 3.3, 3.5 et 4, qui concernent, respectivement, les annonces publicitaires, les catalogues, la presse écrite et les médias sociaux, elles ne suffisent pas davantage à prouver la renommée. À cet égard, il y a lieu de constater que la chambre de recours a, d’une façon détaillée, expliqué la raison pour laquelle lesdits documents ne suffisaient pas pour conclure à la renommée des marques figuratives en cause. De plus, la requérante n’a pas remis en cause cette explication détaillée.

49      Plus spécifiquement, l’annexe 3.3 contient des photos de célébrités avec une illustration correspondant à un ours. Toutefois, il n’y a aucun rapport avec des produits concrets. L’annexe 3.5 fait état de la marque verbale TOUS et des différentes reproductions de produits mentionnant le nom du fabricant « TOUS », mais ne contient pas les marques antérieures en cause. Par ailleurs, si l’annexe 4 comporte de nombreuses reproductions de produits contenant un ours, c’est sous une forme différente, de sorte que le consommateur ciblé ne reconnaît pas les marques antérieures.

50      Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a pu conclure que les pièces produites n’étaient pas suffisantes pour prouver une renommée des marques antérieures pour les produits désignés dans une partie substantielle de l’Union.

51      Par conséquent, en ce qui concerne l’argument de la requérante portant sur l’existence d’un profit indu, celui-ci ne saurait pas davantage prospérer au motif que les exigences de l’article 9, paragraphe 2, sous c), du règlement 2017/1001 ne sont pas remplies en l’espèce en raison de l’absence de renommée des marques antérieures en cause.

52      Dès lors, il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter le second moyen et, partant, de rejeter le recours pris dans son ensemble.

 Sur les dépens

53      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      S. Tous, SL, est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juillet 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.