Language of document : ECLI:EU:T:2014:613

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

4 juillet 2014 (*)

« Pourvoi – Pourvoi incident – Fonction publique – Fonctionnaires – Notation – Rapport d’évaluation – Exercice d’évaluation 2009 – Règle de concordance entre la requête et la réclamation – Article 91, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires – Avis du groupe ad hoc – Dénaturation – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑644/11 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 29 septembre 2011, Kimman/Commission (F‑74/10, non encore publié au Recueil), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Eugène Emile Marie Kimman, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Overijse (Belgique), représenté par Mes L. Levi et M. Vandenbussche, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par Mme C. Berardis-Kayser et M. G. Berscheid, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, M. Prek (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. Eugène Emile Marie Kimman, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 29 septembre 2011, Kimman/Commission (F‑74/10, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a rejeté son recours ayant pour objet l’annulation du rapport d’évaluation établi pour la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008 (ci-après le « rapport d’évaluation litigieux »).

2        Dans le mémoire en réponse, la Commission européenne a conclu au rejet du pourvoi du requérant et a formé un pourvoi incident, au titre de l’article 142, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, visant, d’une part, à l’annulation de l’arrêt attaqué en ce que celui-ci a rejeté ses fins de non-recevoir et en ce qu’il l’a condamnée à supporter ses propres dépens et un quart des dépens du requérant et, d’autre part, à ce que le Tribunal se prononce en conséquence de cette annulation.

 Faits à l’origine du litige

3        Les faits à l’origine du litige sont énoncés aux points 16 à 28 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants :

« (16)      Lors de l’introduction de son recours [devant le Tribunal de la fonction publique], le requérant était fonctionnaire de grade AD 9 auprès de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF).

(17)            Outre les tâches directement liées à son poste, le requérant exerçait différentes activités dans l’intérêt de l’institution et notamment de représentation du personnel. Au cours de l’année 2008, il a ainsi siégé dans douze CPEP ou groupes paritaires de travail.

(18)            Le 13 janvier 2009, l’exercice d’évaluation annuel portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 a été lancé (ci-après l’‘exercice d’évaluation 2009’).

(19)            Le 9 février 2009, le groupe ad hoc d’évaluation et de promotion visé à l’article 6, paragraphe 8, de l’annexe I des DGE 43 (ci-après le ‘groupe ad hoc’) a rendu son avis sur les activités de représentation du personnel exercées par le requérant.

(20)            Le 23 février 2009, le requérant et son évaluateur ont tenu le dialogue formel, prévu par l’article 7, paragraphe 4, des DGE 43.

(21)            Le 6 mars 2009, l’évaluateur a établi le rapport d’évaluation du requérant au titre de l’exercice d’évaluation 2009. Ce rapport a été finalisé par le validateur le 15 mai 2009.

(22)            Le 20 mai 2009, le requérant a introduit un appel contre le rapport d’évaluation de l’exercice 2009, avec demande de tenue d’un second dialogue. Ce second dialogue a eu lieu avec le validateur le 29 mai 2009. Le validateur a établi son avis le 9 juin 2009.

(23)            Le 12 juin 2009, le requérant a présenté ses observations sur l’avis du validateur.

(24)            Le 21 octobre 2009, le CPEP AD a rendu son avis au sujet du rapport du requérant pour l’exercice d’évaluation 2009.

(25)            Le 5 novembre 2009, l’évaluateur d’appel a confirmé le rapport du requérant pour l’exercice d’évaluation 2009, lequel est devenu définitif. Ce rapport mentionne l’attribution au requérant du niveau de performance II.

(26)            Par décision du 20 novembre 2009, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’’AIPN’) a attribué 5 points de promotion au requérant (ci-après la ‘décision d’attribution de 5 points de promotion’).

(27)            Par courrier du 2 février 2010, le requérant a formé une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut dirigée contre le rapport d’évaluation litigieux et contre la décision d’attribution de 5 points de promotion.

(28)            Par décision du 21 mai 2010, la réclamation a été rejetée par l’AIPN. »

 Procédure en première instance et arrêt attaqué

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 9 septembre 2010, le requérant a introduit un recours, enregistré sous la référence F‑74/10, tendant à l’annulation du rapport d’évaluation litigieux et à la condamnation de la Commission à l’ensemble des dépens.

5        Dans le mémoire en défense présenté devant le Tribunal de la fonction publique, la Commission a soulevé trois fins de non-recevoir, tirées, respectivement, de ce que le deuxième moyen, les six premières branches du troisième moyen ainsi que le quatrième moyen, à l’exception d’un grief, soulevés par le requérant n’avaient pas été soulevés dans la réclamation préalable. Sur le fond, la Commission a conclu que le recours devait être rejeté dans son ensemble.

6        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours dans son ensemble.

7        À cet égard, le Tribunal de la fonction publique a relevé que, même si le requérant avait dirigé ses conclusions en annulation seulement contre le rapport d’évaluation litigieux, il ressortait de ses écrits qu’il entendait attaquer non seulement ledit rapport d’évaluation, mais également la décision de classement dans le groupe de performance II ainsi que la décision d’attribution de 5 points de promotion (arrêt attaqué, point 31).

8        En ce qui concerne, en premier lieu, les conclusions en annulation dirigées contre le rapport d’évaluation litigieux et contre la décision de classement dans le groupe de performance II, le Tribunal de la fonction publique a examiné quatre moyens soulevés par le requérant.

9        Dans ce cadre, aux points 44 à 47, 70 et 88 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a, dans un premier temps, rejeté les fins de non‑recevoir soulevées par la Commission.

10      Plus particulièrement, et s’agissant, premièrement, de la recevabilité du deuxième moyen, tiré de l’erreur de motivation et de la violation de l’obligation de motivation, le Tribunal de la fonction publique a tout d’abord rappelé que, selon une jurisprudence constante, l’absence ou l’insuffisance de motivation était un moyen d’ordre public qui devait être examiné d’office par le juge. Ensuite, en se référant à son arrêt du 1er juillet 2010, Mandt/Parlement (F‑45/07, non encore publié au Recueil, point 119, ci-après l’« arrêt Mandt »), et en constatant que le requérant avait soulevé dans sa réclamation un moyen tiré de la violation des règles régissant la procédure d’appel devant le comité paritaire d’évaluation et de promotion pour le groupe de fonctions AD (ci-après le « CPEP AD ») en matière d’établissement des rapports d’évaluation, à savoir un moyen de légalité externe, relevant ainsi de la même catégorie que le moyen tiré de l’insuffisance de motivation, il a estimé que le requérant était recevable à soulever ce dernier moyen devant lui (arrêt attaqué, points 44 et 46).

11      S’agissant, deuxièmement, de la fin de non-recevoir soulevée par la Commission à l’égard des six premières branches du troisième moyen, tiré de ce que la procédure d’appel aurait été viciée, le Tribunal de la fonction publique a de nouveau constaté que lesdites six premières branches se rattachaient à un moyen de légalité externe que le requérant avait soulevé dans sa réclamation. Partant, il a conclu à la recevabilité de six premières branches du troisième moyen (arrêt attaqué, point 70).

12      S’agissant, troisièmement, de la recevabilité du quatrième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation, le Tribunal de la fonction publique a jugé que, contrairement aux affirmations de la Commission, le quatrième moyen n’était pas identique au premier moyen et a, par conséquent, rejeté la fin de non-recevoir de la Commission (arrêt attaqué, point 88).

13      Dans un second temps, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les trois moyens ainsi déclarés recevables comme non fondés (points 52, 79 et 106). De la même manière, il a rejeté comme non fondé le premier moyen, tiré de la violation de l’article 6 de l’annexe I de la décision C (2008) 3026 de la Commission, du 18 juin 2008, relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE 43 »), en raison de l’absence de prise en considération par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») de l’avis du groupe ad hoc d’évaluation et de promotion visé à l’article 6, paragraphe 8, de l’annexe I des DGE 43 (ci-après le « groupe ad hoc »), et à l’encontre duquel la Commission n’avait pas soulevé de fin de non-recevoir. En effet, le Tribunal de la fonction publique a jugé que, malgré l’absence de référence à l’avis du groupe ad hoc dans les appréciations portées par l’évaluateur sur le rendement, les compétences et la conduite dans le service du requérant, autrement que par la citation de cet avis, il pouvait être déduit de l’attribution au requérant du niveau de performance II que ledit avis avait bien été pris en compte par l’évaluateur (arrêt attaqué, point 39).

14      En deuxième lieu, le Tribunal de la fonction publique a examiné les deux moyens soulevés au soutien des conclusions du requérant dirigées contre la décision d’attribution de cinq points de promotion. Ces moyens ont été rejetés comme non fondés (arrêt attaqué, point 119).

15      En troisième lieu, en conséquence des irrégularités constatées dans le cadre de la procédure d’évaluation et de promotion conduite par la Commission, le Tribunal de la fonction publique a condamné cette dernière à supporter, outre ses propres dépens, le quart des dépens du requérant (arrêt attaqué, point 122).

 Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

16      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 9 décembre 2011, le requérant a formé le présent pourvoi.

17      Le 4 avril 2012, la Commission a déposé un mémoire en réponse, dans lequel elle a également formé un pourvoi incident contre l’arrêt attaqué.

18      Par lettre déposée le 2 mai 2012, le requérant a introduit une demande de présentation d’un mémoire en réplique.

19      Par décision du 14 mai 2012, le président de la chambre des pourvois a fait droit à cette dernière demande.

20      Le 15 juin 2012, le requérant a déposé un mémoire en réplique sur le pourvoi incident, conformément à l’article 143, paragraphe 2, du règlement de procédure.

21      Le 26 juin 2012, le requérant a déposé un mémoire en réplique pour compléter le pourvoi principal.

22      Par lettre déposée le 27 juin 2012, la Commission a introduit une demande de présentation d’un mémoire complémentaire au pourvoi incident.

23      Par décision du 5 juillet 2012, le président de la chambre des pourvois a décidé de faire droit à cette dernière demande.

24      Le 25 juillet 2012, la Commission a déposé un mémoire en duplique.

25      Le 10 août 2012, la Commission a déposé un mémoire complémentaire au pourvoi incident.

26      Le 24 septembre 2012, le requérant a déposé un mémoire en réponse au mémoire complémentaire au pourvoi incident. Le 25 septembre 2012, la procédure écrite a été clôturée.

27      Par ordonnance du 9 avril 2013, le président de la chambre des pourvois a décidé de suspendre la procédure jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑476/11 P, Commission/Moschonaki.

28      Après le prononcé de l’arrêt du Tribunal du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki (T‑476/11 P, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt Moschonaki »), la procédure devant le Tribunal a été reprise.

29      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues aux articles 64 et 144 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à répondre à une question écrite relative aux conséquences qu’il convenait de tirer de l’arrêt Moschonaki, point 28 supra, pour la solution du présent litige. Il a été déféré à cette demande dans les délais impartis.

30      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a constaté qu’aucune demande de fixation d’une audience n’avait été présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et a décidé, conformément à l’article 146 du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

31      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’arrêt attaqué ;

–        lui accorder le bénéfice de ses conclusions de première instance et, partant :

–        annuler le rapport d’évaluation litigieux ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        rejeter le pourvoi incident ;

–        condamner la Commission aux dépens des deux instances.

32      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les points 44 à 47, 70 et 88 (à l’exception de ce qui concerne le grief tiré de la prise en compte du travail dans l’intérêt de l’institution) de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal de la fonction publique a rejeté ses fins de non-recevoir, ainsi que le point 122 dudit arrêt, par lequel il l’a condamnée à supporter ses propres dépens et un quart des dépens du requérant ;

–        évoquer l’affaire sur ces points et trancher en conséquence ;

–        rejeter le pourvoi ;

–        à titre subsidiaire, faire droit à ses conclusions de première instance ;

–        condamner le requérant aux dépens des deux instances.

 En droit

33      Dès lors que la réponse à donner à l’un des moyens soulevés dans le cadre du pourvoi principal dépend de l’examen du pourvoi incident formé par la Commission, il convient de se prononcer d’abord sur ledit pourvoi incident.

 Sur le pourvoi incident

34      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a d’abord rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la Commission pour ensuite rejeter les conclusions du requérant sur le fond.

35      Le pourvoi incident contenu dans le mémoire en réponse de la Commission, introduit au titre de l’article 142, paragraphe 1, du règlement de procédure, vise à l’annulation des points 44 à 47, 70 et 88 (à l’exception de ce qui concerne le grief tiré de la prise en compte du travail dans l’intérêt de l’institution) de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal de la fonction publique a rejeté ses fins de non-recevoir, ainsi que le point 122 dudit arrêt condamnant la Commission à supporter ses propres dépens et un quart des dépens du requérant.

36      À cet égard, il résulte de la jurisprudence qu’est recevable le pourvoi formé contre un arrêt du Tribunal en ce que celui-ci a rejeté une exception d’irrecevabilité soulevée par une partie à l’encontre d’un recours, alors que le Tribunal a, dans la suite du même arrêt, rejeté ce recours comme non fondé (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, point 37, et la jurisprudence citée). En effet, le rejet de l’exception d’irrecevabilité fait grief à la partie qui a soulevé ladite exception et il y a lieu de considérer que cette partie a partiellement succombé en ses conclusions (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 23 mars 2004, Médiateur/Lamberts, C‑234/02 P, Rec. p. I‑2803, points 32 et 33, et la jurisprudence citée, et du 22 février 2005, Commission/max.mobil, C‑141/02 P, Rec. p. I‑1283, point 50).

37      Il y a donc lieu de considérer que le pourvoi incident formé par la Commission contre l’arrêt attaqué dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique a rejeté les fins de non-recevoir qu’elle avait soulevées à l’encontre de certains moyens de la requête doit être considéré comme recevable bien que les conclusions en annulation et les moyens soulevés au soutien de celles-ci aient été rejetées comme non fondées par le Tribunal de la fonction publique. En effet, le dispositif d’un arrêt doit être lu à la lumière des motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire dans la mesure où ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui y a été jugé et, en l’espèce, si les fins de non-recevoir soulevées par la Commission avaient été accueillies, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas pu procéder à l’analyse du bien-fondé de certains moyens de la requête, laquelle analyse constitue le support nécessaire du dispositif de l’arrêt attaqué (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2012, Commission/Strack, T‑197/11 P et T‑198/11 P, non encore publié au Recueil, points 27 à 33).

38      À l’appui de son pourvoi incident, la Commission soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une violation du droit de l’Union européenne dans l’interprétation et l’application de la règle de concordance entre la requête et la réclamation, exigée par l’article 91, paragraphe 2, premier tiret, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et, le second, d’une violation du droit de l’Union dans l’application du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, en ce que celui-ci l’a condamnée à supporter, outre ses propres dépens, le quart des dépens du requérant.

 Sur le premier moyen soulevé par la Commission, tiré d’une violation du droit de l’Union dans l’interprétation et l’application de la règle de concordance entre la requête et la réclamation, exigée par l’article 91, paragraphe 2, premier tiret, du statut

39      La Commission soutient que le Tribunal de la fonction publique a violé le droit de l’Union en estimant que le deuxième moyen et les six premières branches du troisième moyen, soulevés par le requérant en première instance, étaient recevables, alors qu’ils n’avaient pas été soulevés dans la réclamation préalable et qu’il ressortait implicitement de l’arrêt attaqué que ces moyens ne correspondaient à aucun chef de contestation figurant dans la réclamation. Quant au quatrième moyen soulevé en première instance, le Tribunal de la fonction publique aurait rejeté la fin de non‑recevoir de la Commission en la dénaturant. En effet, en déclarant ce moyen recevable dès lors qu’il ne serait pas identique au premier moyen, ce qui correspondrait à une motivation manifestement erronée, il se serait aussi prononcé de manière implicite sur le défaut de concordance invoqué par la Commission.

40      À cet égard, d’une part, elle prétend que l’interprétation de la règle de concordance entre la requête et la réclamation, selon laquelle la « cause » du litige serait entendue comme la contestation de la légalité interne ou, alternativement, de la légalité externe d’un acte, est incompatible avec l’article 91, paragraphe 2, premier tiret, du statut, qui instaure une procédure précontentieuse dont la finalité est de faciliter le règlement amiable des litiges. Cette interprétation ne permettrait en effet plus à l’AIPN de connaître les griefs ou desiderata de l’intéressé et viderait la procédure précontentieuse de tout sens. L’arrêt attaqué aurait ainsi violé la jurisprudence constante du juge de l’Union ainsi que l’article 90 du statut. À titre subsidiaire, la Commission conteste la légalité d’un éventuel relevé d’office du moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation. D’autre part, elle conteste le raisonnement suivi aux points 113 et 116 à 118 de l’arrêt Mandt, point 10 supra, cité notamment au point 46 de l’arrêt attaqué.

41      Le requérant soutient que le raisonnement suivi dans l’arrêt Mandt, point 10 supra, déjà bien établi dans la jurisprudence, ne peut pas être débattu dans le cadre de la présente affaire. En toute hypothèse, ledit arrêt ne méconnaîtrait pas la finalité de la procédure précontentieuse. En outre, l’acte litigieux, en l’espèce, serait un rapport de notation, dont la contestation ne nécessiterait pas le dépôt d’une réclamation préalable, mais pourrait être directement portée devant le juge. Quant à la question de la recevabilité du quatrième moyen en première instance, l’arrêt attaqué serait en réalité entaché d’une erreur de motivation. De plus, dans la réponse à la question du Tribunal relative aux conséquences qu’il convenait de tirer de l’arrêt Moschonaki, point 28 supra, le requérant a exposé les raisons pour lesquelles, selon lui, toutes les branches du troisième moyen soulevées en première instance, notamment, étaient recevables, même sur la base de la règle de concordance entre la requête et la réclamation telle qu’interprétée par la jurisprudence avant l’arrêt Mandt, point 10 supra.

–       Sur la recevabilité du deuxième moyen soulevé en première instance

42      Il convient de rappeler que l’article 91, paragraphe 2, du statut dispose qu’un recours devant le Tribunal de la fonction publique n’est recevable que si l’AIPN a été préalablement saisie d’une réclamation, y compris dans le cas où, comme en l’espèce et contrairement à ce que fait valoir le requérant, l’acte attaqué est un rapport d’évaluation.

43      Selon une jurisprudence constante, la règle de concordance entre la réclamation, au sens de l’article 91, paragraphe 2, du statut, et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée (voir arrêt Moschonaki, point 28 supra, point 71, et la jurisprudence citée).

44      Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse, celle-ci ayant pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et l’administration (voir arrêt Moschonaki, point 28 supra, point 72, et la jurisprudence citée).

45      Il s’ensuit que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, dans les recours de fonctionnaires, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (voir arrêt Moschonaki, point 28 supra, point 73, et la jurisprudence citée).

46      En l’espèce, il convient de relever que, afin de conclure que la Commission ne pouvait exciper de l’irrecevabilité d’un moyen tiré de l’absence ou de l’insuffisance de motivation au seul motif que le requérant ne l’avait pas soulevé dans sa réclamation, le Tribunal de la fonction publique s’est positionné sur deux niveaux. Dans un premier temps, et statuant d’office, le Tribunal de la fonction publique a constaté que le rapport d’évaluation litigieux contenait une motivation suffisante au regard de l’obligation générale de motivation (arrêt attaqué, points 49 et 50).

47      Dans un second temps, le Tribunal de la fonction publique a examiné la recevabilité du moyen tel que soulevé par le requérant. À cet égard, il a précisé que la règle de concordance, sur laquelle la Commission avait fondé son argumentation, ne saurait intervenir que dans l’hypothèse où la requête modifie la cause de la réclamation, cette dernière notion de « cause » étant à interpréter au sens large. Faisant référence, notamment, au point 119 de l’arrêt Mandt, point 10 supra, le Tribunal de la fonction publique a précisé que, s’agissant de conclusions en annulation, telles que celles du recours en première instance dirigées contre le rapport d’évaluation, il convenait d’entendre par « cause du litige » la contestation par un requérant de la légalité interne de l’acte attaqué ou, alternativement, la contestation de sa légalité externe. Or, en l’espèce, le requérant avait soulevé dans sa réclamation un moyen de légalité externe, catégorie dont relève le moyen tiré de l’insuffisance de motivation, à savoir la violation des règles régissant la procédure d’appel devant le CPEP AD en matière d’établissement des rapports d’évaluation. En conséquence, le Tribunal de la fonction publique en a conclu que, en soulevant uniquement au stade de la requête le moyen tiré de ce que le rapport d’évaluation litigieux serait insuffisamment motivé, le requérant n’avait pas modifié la cause du litige tel que présentée dans sa réclamation (arrêt attaqué, point 46).

48      Il a ainsi écarté la fin de non-recevoir de la Commission et, par suite, a rejeté ledit moyen sur le fond en raison de ce que le requérant n’avait pas précisé dans quelle mesure les appréciations figurant dans le rapport d’évaluation litigieux étaient en régression par rapport aux appréciations contenues dans le rapport d’évaluation précédent (arrêt attaqué, points 47 à 50).

49      Il convient de conclure de ce qui précède, sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur la légalité du relevé d’office du moyen tiré de l’obligation de motivation, que, au point 46 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a constaté, en substance, que, dans sa réclamation devant la Commission, le requérant n’avait pas soulevé de moyen tiré de l’insuffisance de motivation, mais que, toutefois, les moyens tirés de la violation des règles régissant la procédure d’appel devant le CPEP AD en matière d’établissement des rapports d’évaluation et de l’insuffisance de motivation étant tous deux des moyens de légalité externe, il a considéré que le requérant était recevable à soulever ce nouveau moyen pour la première fois devant lui.

50      Force est de constater que, en se fondant sur la seule circonstance qu’un moyen vise à contester la légalité interne ou, alternativement, la légalité externe d’un acte attaqué, pour apprécier si des chefs de contestation reposent sur la même cause que celle sur laquelle reposent ceux invoqués dans la réclamation, le Tribunal de la fonction publique est allé, comme le soutient en substance la Commission, à l’encontre de la finalité poursuivie par l’article 91, paragraphe 2, du statut (arrêt Moschonaki, point 28 supra, point 75).

51      En effet, il importe certes de souligner, d’une part, que, puisque la procédure précontentieuse a un caractère informel et que les intéressés agissent en général à ce stade sans le concours d’un avocat, l’administration ne doit pas interpréter les réclamations de façon restrictive, mais doit, au contraire, les examiner dans un esprit d’ouverture, et, d’autre part, que l’article 91 du statut n’a pas pour objet de lier, de façon rigoureuse et définitive, la phase contentieuse éventuelle, dès lors que le recours contentieux ne modifie ni la cause ni l’objet de la réclamation (voir arrêt Moschonaki, point 28 supra, point 76, et la jurisprudence citée).

52      Toutefois, il n’en demeure pas moins que, selon une jurisprudence constante, pour que la procédure précontentieuse prévue par l’article 91, paragraphe 2, du statut puisse atteindre son objectif, il faut que l’AIPN soit en mesure de connaître de façon suffisamment précise les critiques que les intéressés formulent à l’encontre de la décision contestée (voir arrêt Moschonaki, point 28 supra, point 77, et la jurisprudence citée).

53      Or, ainsi que le fait valoir la Commission, l’interprétation de la règle de concordance entre la requête et la réclamation retenue par le Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt attaqué est susceptible de permettre à un requérant d’invoquer, pour la première fois devant le Tribunal de la fonction publique, un moyen ne présentant aucun lien avec ceux invoqués dans la réclamation, dès lors que ces moyens, pris ensemble, concernent soit la légalité interne soit la légalité externe de l’acte en cause. Dans ces conditions, l’AIPN n’aurait connaissance, dans le cadre de la réclamation, que d’une partie des griefs reprochés à l’administration. N’étant pas en mesure de connaître avec une précision suffisante les griefs ou desiderata de l’intéressé, comme l’exige la jurisprudence, l’AIPN ne pourrait donc pas tenter un règlement amiable (voir arrêt Moschonaki, point 28 supra, point 78, et la jurisprudence citée).

54      Il convient encore de relever que la circonstance que des moyens, contenus dans la requête et la réclamation, visent à contester la légalité interne ou, alternativement, la légalité externe d’un acte ne permet pas d’établir, à elle seule, que ces moyens puissent être considérés comme présentant entre eux un lien de rattachement étroit. Les notions de légalité interne et de légalité externe sont en effet trop larges et abstraites, au regard de l’objet précis du chef de contestation en cause, pour assurer qu’un tel rattachement puisse exister entre des moyens relevant exclusivement de l’une ou de l’autre de ces notions (arrêt Moschonaki, point 28 supra, point 79).

55      Il y a donc lieu de conclure que le Tribunal de la fonction publique a méconnu l’article 91, paragraphe 2, du statut en considérant que le requérant était recevable à soulever le nouveau moyen tiré de l’insuffisance de motivation pour la première fois devant lui, au motif que les moyens tirés de la violation des règles régissant la procédure d’appel devant le CPEP AD en matière d’établissement des rapports d’évaluation et de l’insuffisance de motivation étaient tous deux des moyens de légalité externe.

56      Il convient désormais d’examiner les conséquences à tirer de cette erreur de droit sur l’arrêt attaqué, en vérifiant si, au regard de la règle de concordance entre la requête et la réclamation, le moyen tiré de l’erreur de motivation et de la violation de l’obligation de motivation était recevable.

57      À cet égard, il importe de préciser que la mise en œuvre de la règle de concordance entre la requête et la réclamation ainsi que son contrôle par le juge de l’Union doivent garantir l’entier respect simultanément, d’une part, du principe de protection juridictionnelle effective, lequel constitue un principe général du droit de l’Union, exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, afin que l’intéressé puisse être en mesure de contester valablement une décision de l’AIPN lui faisant grief, et, d’autre part, du principe de sécurité juridique, afin que l’AIPN soit en mesure de connaître, dès le stade de la réclamation, les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée (arrêt Moschonaki, point 28 supra, point 82).

58      Ainsi, si l’immutabilité de l’objet et de la cause du litige entre la réclamation et la requête est nécessaire pour permettre un règlement amiable des différends, en informant l’AIPN, dès le stade de la réclamation, des critiques de l’intéressé, l’interprétation de ces notions ne saurait aboutir à restreindre les possibilités pour l’intéressé de contester utilement une décision lui faisant grief (arrêt Moschonaki, point 28 supra, point 83).

59      C’est la raison pour laquelle la notion d’objet du litige, laquelle correspond aux prétentions de l’intéressé, ainsi que celle de cause du litige, laquelle correspond au fondement, juridique et factuel, de ces prétentions, ne doivent pas être interprétées de manière restrictive (arrêt Moschonaki, point 28 supra, point 84).

60      Dans ce contexte, il doit en particulier être souligné que le seul changement de fondement juridique d’une contestation ne suffit pas à caractériser la nouveauté de la cause de celle-ci. C’est ainsi que plusieurs fondements juridiques peuvent soutenir une seule et même prétention et, partant, une seule et même cause. En d’autres termes, le fait d’invoquer la violation d’une disposition spécifique dans la requête, qui n’était pas invoquée dans la réclamation, n’implique pas nécessairement que la cause du litige ait été, de ce fait, modifiée. Il convient en effet de s’attacher à la substance de ladite cause et non pas au seul libellé de ses fondements juridiques, le juge de l’Union devant vérifier s’il existe un lien étroit entre ses fondements et s’ils se rattachent substantiellement aux mêmes prétentions (arrêt Moschonaki, point 28 supra, point 85).

61      Enfin, il convient de préciser que, dans l’hypothèse où le réclamant prend connaissance de la motivation de l’acte lui faisant grief par le biais de la réponse à sa réclamation ou dans l’hypothèse où la motivation de ladite réponse modifie, ou complète, substantiellement la motivation contenue dans ledit acte, tout moyen avancé pour la première fois au stade de la requête et visant à contester le bien-fondé de la motivation exposée dans la réponse à la réclamation doit être considéré comme recevable. En effet, dans de telles hypothèses, l’intéressé n’a pas été mis en mesure de prendre connaissance avec précision et de manière définitive des motifs sous-tendant l’acte lui faisant grief (arrêt Moschonaki, point 28 supra, point 86).

62      En l’espèce, le requérant avait soulevé dans la réclamation du 2 mai 2010 trois chefs de contestation, tirés, respectivement, de l’absence de prise en compte du groupe ad hoc dans le rapport d’évaluation litigieux, d’une erreur manifeste commise dans la mesure où la décision de l’AIPN aurait été adoptée sur la base d’une information incorrecte et d’une absence de prise en compte du travail que le requérant avait effectué dans l’intérêt de l’institution.

63      Il convient de relever, tout d’abord, qu’il est constant, ainsi que le Tribunal de la fonction publique l’a constaté, que, dans sa réclamation, le requérant n’a pas soulevé de moyen tiré de l’insuffisance de motivation du rapport d’évaluation litigieux. Il convient d’ajouter, à cet égard, que la réclamation ne contient aucun élément explicite et précis permettant d’interpréter celle-ci, même dans un esprit d’ouverture, comme visant un grief tiré de l’insuffisance de motivation du rapport d’évaluation litigieux.

64      Il doit être constaté ensuite que le Tribunal de la fonction publique n’a pas examiné si le moyen tiré de l’insuffisance de motivation pouvait être rattaché étroitement à un autre moyen ou argument figurant dans la réclamation. En effet, au point 46 de l’arrêt attaqué, ledit Tribunal s’est borné à constater que le requérant avait soulevé dans sa réclamation un moyen de légalité externe et que le moyen tiré de l’insuffisance de motivation relevait de la même catégorie.

65      Quant au requérant, il ne fait pas valoir que ledit moyen pourrait être rattaché étroitement à l’un des trois moyens soulevés dans la réclamation. Le requérant ne soutient pas non plus qu’il aurait pris connaissance de la motivation du rapport d’évaluation litigieux uniquement par le biais de la réponse à sa réclamation ou que la motivation de ladite réponse aurait modifié, ou complété, substantiellement la motivation contenue dans ledit rapport.

66      Force est donc de considérer que la cause sur laquelle repose le moyen tiré de l’insuffisance de motivation est différente de celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation.

67      Il découle de ce qui précède que le moyen tiré de l’erreur de motivation et de la violation de l’obligation de motivation, tel que soulevé par le requérant, aurait dû être rejeté comme irrecevable par le Tribunal de la fonction publique.

68      Il s’ensuit qu’il convient de faire droit au premier grief du premier moyen soulevé par la Commission.

–       Sur la recevabilité des six premières branches du troisième moyen soulevé en première instance

69      Le troisième moyen soulevé en première instance était tiré de ce que la procédure d’appel aurait été viciée et était divisé, en substance, en huit branches. La Commission avait fait valoir que les six premières branches dudit moyen étaient irrecevables au motif que le requérant n’en avait pas fait état dans sa réclamation.

70      À cet égard, il convient de relever que, afin de rejeter la fin de non-recevoir de la Commission, le Tribunal de la fonction publique a rappelé que, comme il avait été constaté au point 46 de l’arrêt attaqué (voir point 47 ci-dessus), le requérant avait soulevé dans sa réclamation un moyen de légalité externe, catégorie à laquelle se rattachaient les six premières branches du troisième moyen. Partant, le Tribunal de la fonction publique en a conclu que le fait que le requérant avait soulevé ces six premières branches pour la première fois au stade de la requête en première instance n’avait pas eu pour effet de modifier la cause du litige tel que présenté dans la réclamation (arrêt attaqué, point 70).

71      Au vu de la jurisprudence et des développements exposés aux points 42 à 45 et 50 à 54 ci-dessus, il y a lieu de conclure que le Tribunal de la fonction publique a méconnu l’article 91, paragraphe 2, du statut en considérant que le requérant était recevable à soulever les six premières branches du troisième moyen pour la première fois devant lui, au seul motif que ces six branches du troisième moyen, tiré de ce que la procédure d’appel aurait été viciée, se rattachaient à la catégorie des moyens de légalité externe, tout comme le moyen tiré de la violation des règles régissant la procédure d’appel devant le CPEP AD en matière d’établissement des rapports d’évaluation, ce dernier ayant été soulevé dans la réclamation.

72      Il convient encore d’examiner si, au regard de la règle de concordance entre la requête et la réclamation, les six premières branches du troisième moyen, tiré de ce que la procédure d’appel aurait été viciée, étaient recevables.

73      Il est constant, ainsi que le Tribunal de la fonction publique l’a constaté, que, dans sa réclamation, le requérant n’a pas soulevé les critiques contenues dans les six premières branches du troisième moyen.

74      Dans la réponse à la question écrite posée par le Tribunal, le requérant a fait valoir que les six branches en question du troisième moyen se rattachaient étroitement à l’un des moyens soulevés dans la réclamation, à savoir le moyen relatif à l’illégalité de la décision de l’AIPN rendue à la suite de l’appel du requérant, critiquée notamment en raison de l’intervention, en amont de l’intervention du CPEP AD, de groupes de travail ayant rendu un « non-avis ». À cet égard, le requérant constate que lesdites branches appartiennent au troisième moyen relatif aux vices de procédure qui auraient affecté la décision de l’AIPN et que les deux dernières branches dudit moyen n’avaient pas fait l’objet d’une fin de non-recevoir de la part de la Commission.

75      Il convient d’observer que, dans le cadre de la réclamation, le requérant a soutenu que la décision de l’AIPN prise sur son appel contre le rapport d’évaluation litigieux avait été adoptée sur la base d’une information erronée, celle-ci ayant ainsi préjugé de cette décision. En réalité, le groupe de travail n’aurait pas rendu d’avis à son sujet. En conséquence, ladite décision n’aurait pas été suffisamment motivée.

76      Dans son recours en première instance, le requérant a en outre soulevé « de nombreuses irrégularités dans le fonctionnement des procédures d’appel et de recours internes », qui ont été résumées comme suit. Premièrement, des groupes de travail intermédiaires, non prévus par les DGE 43 (ci-après les « groupes intermédiaires »), seraient intervenus dans la procédure d’appel, avant que le CPEP AD n’adopte son avis. Deuxièmement, les travaux des groupes intermédiaires auraient eu lieu, ou à tout le moins auraient débuté, sans être encadrés par des règles de nature à garantir le respect de certains principes fondamentaux, comme les droits de la défense ou le principe de non-discrimination. Troisièmement, les membres des groupes paritaires de travail institués par les DGE 43 n’auraient pas été formés et auraient dû travailler dans la précipitation et n’auraient ainsi pas pu remplir leur mission, à savoir assurer la cohérence et l’homogénéité de la notation. Quatrièmement, le travail réalisé par les groupes paritaires de travail aurait été vicié en raison de la fluctuation importante de leur composition au cours de leurs travaux. Cinquièmement, les groupes paritaires de travail n’auraient pas exercé leur compétence, car lorsque leurs membres ne seraient pas arrivés à se mettre d’accord, ils s’en seraient remis à l’avis des groupes intermédiaires, lesquels auraient quasi systématiquement rendu des projets d’avis négatifs. Sixièmement, l’administration n’aurait mis à la disposition des agents ni les comptes rendus des réunions des groupes paritaires de travail ni les fiches d’évaluation des appels traités par ces derniers et elle n’aurait pas non plus établi de tableaux récapitulatifs des commentaires exprimés par lesdits groupes sur chaque dossier examiné (arrêt attaqué, points 54 à 59).

77      Or, ces critiques très précises n’ayant pas été invoquées, même implicitement, dans la procédure précontentieuse, elles ne sauraient être soulevées pour la première fois devant le juge de l’Union.

78      En effet, dans ces conditions, même en examinant la réclamation dans un esprit d’ouverture, force est de constater que l’administration ne pouvait interpréter celle-ci comme ayant eu également pour objet une mise en cause, même implicite ou indirecte, de ces différentes violations prétendues de la procédure d’appel.

79      Il s’ensuit que les six premières branches du troisième moyen, tiré de ce que la procédure d’appel aurait été viciée, auraient dû être rejetées comme irrecevables par le Tribunal de la fonction publique.

80      Il s’ensuit qu’il convient de faire droit au deuxième grief du premier moyen soulevé par la Commission.

–       Sur la recevabilité du quatrième moyen soulevé en première instance

81      Le quatrième moyen soulevé en première instance était tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation. Selon la Commission, le Tribunal de la fonction publique aurait implicitement, avec une motivation manifestement erronée, rejeté la fin de non-recevoir qu’elle avait soulevée en première instance.

82      Au point 85 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a relevé que, en défense, la Commission avait affirmé que le moyen était irrecevable, au motif qu’il était identique au premier moyen, tiré de la violation de l’article 6 de l’annexe I des DGE 43, commise en raison de l’absence de prise en considération, par l’AIPN, de l’avis du groupe ad hoc.

83      Par la suite, le Tribunal de la fonction publique a jugé que, contrairement aux affirmations de la Commission, le quatrième moyen n’était pas identique au premier moyen, puisqu’il était tiré de l’existence de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation et non de l’absence de prise en considération de l’avis du groupe ad hoc. Sur la base de ce raisonnement, il a rejeté « l’exception d’irrecevabilité du moyen soulevée en défense par la Commission » (arrêt attaqué, point 88).

84      Cependant, devant le Tribunal de la fonction publique, la Commission avait fait valoir que, à l’exception d’un des arguments, le quatrième moyen était irrecevable, car il n’aurait pas été soulevé par le requérant dans sa réclamation. Répondant ensuite au fond, la Commission a ajouté que « l’argument présenté par le requérant au point 61 de la requête [était] en substance identique à son premier moyen ».

85      Force est donc de constater que, aux points 85 et 88 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a dénaturé le sens de la fin de non-recevoir de la Commission. Par ailleurs, son raisonnement figurant au point 88 dudit arrêt ne pouvant être considéré comme constituant une réponse, même implicite, à l’argument de l’absence de concordance entre la réclamation et la requête, il convient de conclure que ledit Tribunal n’a pas statué sur la fin de non-recevoir de la Commission. De même, force est de constater que le Tribunal de la fonction publique s’est aussi mépris sur le sens exact de l’argument de la Commission quant au fond du moyen en question. Par conséquent, les points 85 et 88 de l’arrêt attaqué doivent être annulés (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, Rec. p. I‑3009, point 20).

86      Il convient ainsi d’examiner si, au regard de la règle de concordance entre la requête et la réclamation, le moyen tiré d’existence d’erreurs manifestes d’appréciation était recevable.

87      Dans le cadre du quatrième moyen, le requérant a soutenu, premièrement, que, alors même que, lors de la procédure d’appel, le validateur avait reconnu que le requérant avait effectué un « très bon travail », ses performances avaient été considérées comme justifiant uniquement l’attribution du niveau de performance II, deuxièmement, que la mention selon laquelle il n’était pas désireux de respecter ou de mettre en œuvre les décisions du management était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, troisièmement, que l’AIPN avait commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la prise en compte de l’utilisation, dans l’exercice de ses fonctions, d’autres langues que celles dont il avait justifié posséder une connaissance approfondie, quatrièmement, que le travail qu’il aurait réalisé dans l’intérêt de l’institution n’aurait pas été pris en compte pour l’attribution des points de promotion et, cinquièmement, que l’évaluateur n’aurait pas été impartial lorsqu’il a établi le rapport d’évaluation litigieux (arrêt attaqué, points 80 à 84).

88      Force est d’observer que, ainsi que le soutient la Commission, ces griefs n’ont pas étés soulevés dans la réclamation, à l’exception du grief selon lequel le travail réalisé par le requérant dans l’intérêt de l’institution n’aurait pas été pris en compte pour l’attribution des points de promotion, ce dernier correspondant au troisième chef de contestation soulevé dans la réclamation. À cet égard, il convient aussi de relever que, même si le Tribunal de la fonction publique a relevé l’existence de ce grief comme procédant de l’« allégation selon laquelle le travail réalisé par le requérant dans l’intérêt de l’institution et de la représentation du personnel n’aurait pas été pris en compte », il a, dans le cadre du quatrième moyen, examiné et répondu uniquement au volet concernant le travail dans l’intérêt de l’institution du requérant (arrêt attaqué, point 104).

89      Ces griefs soulevés pour la première fois devant le juge de l’Union comportent des critiques très concrètes de l’appréciation portée par l’administration, que cette dernière n’aurait pas pu identifier dans le contenu de la réclamation, et cela même en l’examinant dans un esprit d’ouverture.

90      Il s’ensuit que, à l’exception du grief selon lequel le travail réalisé par le requérant dans l’intérêt de l’institution n’aurait pas été pris en compte, le quatrième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation, aurait dû être rejeté comme irrecevable par le Tribunal de la fonction publique.

91      Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de faire droit au troisième grief du premier moyen soulevé par la Commission et, en conséquence, audit moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen soulevé par la Commission, tiré d’une violation du droit de l’Union commise par le Tribunal de la fonction publique dans l’application de son règlement de procédure en ce qu’il l’a condamnée à supporter, outre ses propres dépens, le quart des dépens du requérant

92      Dans le cadre d’un second moyen, la Commission soutient que, en la condamnant à supporter, outre ses propres dépens, le quart des dépens du requérant, le Tribunal de la fonction publique aurait appliqué de manière erronée son règlement de procédure. En effet, compte tenu du caractère exceptionnel des dispositions de l’article 88 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, celles-ci devraient être interprétées de manière restrictive. En outre, cette condamnation n’aurait pas été discutée dans la procédure et serait en contradiction avec le reste des motifs de l’arrêt attaqué. Or, l’« attitude » critiquable justifiant que la Commission supporte une partie des dépens du requérant devrait être dûment établie et motivée par le juge au regard de l’article 88 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, ce que l’arrêt attaqué ne ferait pas.

93      Au point 122 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a jugé que, « ainsi que cela résulte du point 76 [de l’]arrêt [attaqué], la procédure d’évaluation et de promotion conduite en l’espèce n’a[vait] pas été exempte d’irrégularités » et que, « [d]ans ces conditions, et par application des dispositions de l’article 88 du règlement de procédure [du Tribunal de la fonction publique], il sera[it] fait une juste appréciation des circonstances du litige en condamnant la Commission à supporter, outre ses propres dépens, le quart des dépens du requérant ».

94      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 88 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, « une partie, même gagnante, peut être condamnée partiellement voire totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance ». En outre, selon la jurisprudence, la mise des dépens à la charge de l’institution, partie gagnante, peut être justifiée par le manque de diligence de celle-ci lors de la procédure précontentieuse (ordonnance du Tribunal de la fonction publique du 10 mai 2011, Barthel e.a./Cour de justice, F‑59/10, non encore publiée au Recueil, point 33, et la jurisprudence citée).

95      Certes, l’article 88 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique laisse ce dernier apprécier s’il lui paraît justifié qu’une partie gagnante soit condamnée à une partie des dépens. Dans ce cadre, ledit article ne crée aucune obligation de consultation préalable des parties sur une telle répartition des dépens.

96      Toutefois, il convient d’observer que le point 122 de l’arrêt attaqué ne permet pas de comprendre les motifs pour lesquels le Tribunal de la fonction publique a opéré une telle répartition des dépens. En effet, outre l’erreur de plume évidente dans le renvoi au point de l’arrêt rappelant uniquement la jurisprudence appliquée, le raisonnement suivi par Tribunal de la fonction publique sur une éventuelle irrégularité comporte une contradiction. Ainsi, au point 75 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a relevé que l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43 faisait obligation au CPEP AD d’assortir son avis d’une motivation et que, en l’espèce, cette motivation n’était pas régulière, car les commentaires étaient stéréotypés et ne faisaient pas référence à des éléments relatifs à la situation particulière du requérant. Cependant, le Tribunal de la fonction publique a conclu au point 78 du même arrêt que, en l’espèce, l’avis du CPEP AD n’avait pas à être motivé, puisqu’il avait confirmé les appréciations portées par l’évaluateur et le validateur.

97      Au vu de cette dernière conclusion, la raison pour laquelle il a paru justifié au Tribunal de la fonction publique de condamner la Commission à supporter une partie des dépens n’apparaît pas clairement. Notamment, force est de constater que celui-ci n’avait constaté aucune irrégularité de la part de la Commission en l’espèce. Or, étant donné que l’article 88 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique constitue une exception à la règle prévue à l’article 78 du même règlement, selon laquelle toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, une condamnation de la Commission à supporter ses propres dépens et un quart des dépens du requérant sur la base d’une irrégularité, certes évoquée, mais non établie en l’espèce, ne saurait être considérée comme justifiée. Il y a donc lieu de constater que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit dans l’application de l’article 88 de son règlement de procédure.

98      Par conséquent, il convient de faire droit au second moyen soulevé par la Commission.

99      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué, d’une part, en ce qu’il déclare recevables le deuxième moyen, les six premières branches du troisième moyen et le quatrième moyen, à l’exception du grief selon lequel le travail réalisé par le requérant dans l’intérêt de l’institution n’aurait pas été pris en compte, soulevés par le requérant dans le cadre de la procédure en première instance ainsi que, d’autre part, en ce qu’il condamne la Commission à supporter, outre ses propres dépens, le quart des dépens du requérant afférents à ladite procédure.

 Sur le pourvoi principal

100    À l’appui de son pourvoi, le requérant soulève quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 6 de l’annexe 1 des DGE 43, de la dénaturation des éléments du dossier et de la violation des règles relatives au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation, de la dénaturation du dossier et de la charge de la preuve. Le troisième moyen est tiré la violation du contrôle de l’obligation de motivation et de l’erreur manifeste d’appréciation ainsi que de la violation de l’article 4, paragraphe 6, des dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut, adoptées par la Commission le 18 juin 2008 (ci-après les « DGE 45 »). Enfin, le quatrième moyen est tiré de l’irrégularité de l’examen de l’appréciation de l’évaluateur quant à la prétendue réorganisation à l’essai depuis 2008, de la dénaturation du dossier et de la méconnaissance des règles de dévolution de la charge de la preuve ainsi que du contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

 Sur le premier moyen soulevé par le requérant

101    Le requérant soutient que, dans le cadre de l’examen du premier moyen du recours en première instance, tiré de l’absence de la prise en compte de l’avis du groupe ad hoc, le Tribunal de la fonction publique aurait violé l’article 6, paragraphe 8, de l’annexe I des DGE 43. Dans ce cadre, le Tribunal de la fonction publique aurait dénaturé le dossier et les règles de la charge de la preuve en faisant sienne la position de la Commission développée au cours de la procédure devant lui, alors que cette position serait contredite par les pièces du dossier. En outre, le Tribunal de la fonction publique aurait manifestement méconnu les règles relatives au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation en relevant que le requérant n’avait pas entièrement atteint le niveau de performance attendu de lui dans le cadre de son travail pour son unité opérationnelle à l’OLAF et en déduisant de l’octroi d’un niveau de performance II que l’avis du groupe ad hoc avait bien été pris en considération.

102    La Commission conteste cette argumentation.

103    À cet égard, il importe d’observer que, après avoir rappelé que l’article 6, paragraphe 8, de l’annexe I des DGE 43 impose à l’évaluateur de tenir compte de l’avis du groupe ad hoc concernant le rendement, les compétences et la conduite dans le service du requérant à l’occasion de ses activités de représentation du personnel et que, selon la jurisprudence, la seule citation de l’avis du groupe ad hoc ne suffit pas à satisfaire à l’obligation pesant sur les notateurs de prise en compte dudit avis, le Tribunal de la fonction publique a jugé qu’il ressortait du dossier que l’avis du groupe ad hoc avait bien été pris en compte par l’évaluateur (arrêt attaqué, points 37 et 38).

104    En premier lieu, en ce qui concerne l’affirmation du requérant selon laquelle le Tribunal de la fonction publique aurait ainsi violé l’article 6, paragraphe 8, de l’annexe I des DGE 43, force est d’observer que celui-ci n’avance pas davantage d’arguments à l’appui de cette affirmation et qu’elle doit, par conséquent, être rejetée.

105    En deuxième lieu, quant à l’argument selon lequel le Tribunal de la fonction publique aurait « dénaturé le dossier et les règles de la charge de la preuve », il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que le juge de première instance est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits par le juge de première instance ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant ce juge, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du Tribunal. Une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêt du Tribunal du 8 septembre 2008, Kerstens/Commission, T‑222/07 P, RecFP p. I‑B‑1‑37 et II‑B‑1‑267, points 60 à 62, et la jurisprudence citée).

106    À cet égard, sans indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal de la fonction publique, le requérant fait valoir que tant le validateur que l’AIPN ont soutenu qu’il avait pleinement rempli les attentes dans son unité opérationnelle. Cela ressortirait des commentaires de l’évaluateur, selon lesquels, notamment, ce dernier « ne [pouvait] pas lui-même commenter le travail du requérant effectué dans l’intérêt de l’institution ». Dès lors, cette argumentation est irrecevable.

107    En toute hypothèse, celle-ci doit être rejetée comme non fondée. L’appréciation que le Tribunal de la fonction publique a faite des passages du rapport d’évaluation litigieux et de la réponse à la réclamation mentionnés par le requérant ne fait apparaître aucune dénaturation de leur contenu. En particulier, il ne saurait être soutenu que ledit Tribunal ne pouvait pas valablement considérer que l’opinion exprimée dans ces documents, selon laquelle le requérant avait atteint pleinement le niveau de prestations attendu, prenait déjà en compte l’avis du groupe ad hoc. Par ailleurs, le requérant ne précise pas quelle règle concrète de la charge de la preuve le Tribunal de la fonction publique aurait violée.

108    En troisième lieu, sur la base de la conclusion figurant au point précédent, il y a lieu de rejeter aussi l’argumentation du requérant selon laquelle le Tribunal de la fonction publique aurait violé les règles relatives au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation. Dans le cadre de cette argumentation, le requérant part de la prémisse que l’appréciation selon laquelle le requérant avait atteint pleinement le niveau de prestations attendu concernait uniquement son travail dans le service et qu’il fallait ajouter à celle-ci les excellents commentaires du groupe ad hoc sur son travail.

109    Or, force est de constater que, par cette argumentation, le requérant conteste, en réalité, l’appréciation des faits opérée par le Tribunal de la fonction publique s’agissant de la prise en compte de l’avis du groupe ad hoc. Au regard de la jurisprudence rappelée au point 105 ci-dessus, cette argumentation doit être rejetée comme irrecevable.

110    Dans ces circonstances, le présent moyen doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

 Sur le deuxième moyen soulevé par le requérant

111    Le requérant soutient que, dans le cadre de l’examen du troisième moyen du recours en première instance, tiré de ce que la procédure d’appel aurait été viciée, le Tribunal de la fonction publique a violé l’obligation de motivation, dénaturé le dossier et violé les règles de la charge de la preuve. Notamment, ainsi que le requérant l’avait déjà souligné dans sa requête en première instance, le CPEP AD n’aurait pas examiné le recours interne du requérant et n’aurait pas rendu l’avis requis par l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43. Le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas pris ces éléments en considération et aurait donc fondé sa conclusion sur une lecture erronée des faits et une dénaturation des éléments du dossier. Le compte rendu de la réunion du CPEP AD du 20 janvier 2010, produit par la Commission en réponse à une question du Tribunal de la fonction publique et sur lequel ce dernier s’est fondé dans l’arrêt attaqué, ne démontrerait en rien qu’un examen de l’appel du requérant aurait eu lieu.

112    La Commission conteste cette argumentation qu’elle estime irrecevable et en tout état de cause non fondée.

113    Le présent moyen doit être rejeté comme non fondé. En effet, il ne ressort d’aucun des documents visés par le requérant dans son pourvoi que le Tribunal de la fonction publique aurait dénaturé des faits ou éléments de preuve en concluant que le CPEP AD avait bien examiné l’appel du requérant. Le compte rendu de la réunion du CPEP AD du 20 janvier 2010 et le tableau qui y est annexé font effectivement état de ce que, premièrement, le groupe paritaire est parvenu à un avis par consensus au sujet de l’appel du requérant et a proposé de confirmer le rapport d’évaluation litigieux et, deuxièmement, le CPEP AD a examiné et validé les conclusions des groupes paritaires et intermédiaires. Les éléments de preuve présentés par le requérant ne sauraient démontrer le contraire.

114    Il s’ensuit également que, contrairement à ce que soutient le requérant, le Tribunal de la fonction publique a pu valablement conclure que l’avis du CPEP AD avait confirmé les appréciations portées par l’évaluateur et le validateur (arrêt attaqué, point 78).

115    Le requérant présente en annexe de la réplique une note, en date du 19 mars 2012, adressée par le directeur de la direction B « Processus RH centraux 1 : carrière » de la direction générale « Ressources humaines et sécurité » au directeur général de cette même direction générale et invitant ce dernier à évaluer l’opportunité d’ouvrir une enquête administrative ou une procédure disciplinaire contre le requérant pour avoir produit une liste de noms de fonctionnaires en annexe A.12 de la requête en première instance. Cette pièce nouvelle qui est, certes, recevable, car parvenue au cours de la présente procédure, ne saurait remettre en question la conclusion critiquée du Tribunal de la fonction publique selon laquelle le CPEP AD avait bien examiné l’appel du requérant. En effet, la note confirme uniquement que, selon le requérant, la liste concernée avait été établie par les représentants du personnel ayant été membres du CPEP AD et que cette liste avait été envoyée au secrétariat dudit CPEP afin de contester, a posteriori, les résultats de son compte rendu final. Ainsi, cette note confirme que le compte rendu du CPEP AD du 20 janvier 2010 sur lequel le Tribunal de la fonction publique a fondé sa conclusion était un compte rendu final. En revanche, et contrairement à ce que soutient le requérant, elle ne se prononce pas clairement sur l’auteur de la liste en question, ni, d’aucune manière, sur sa valeur juridique ou sa véracité.

116    Quant au reste de l’argumentation développée par le requérant dans le cadre de la prétendue dénaturation du dossier ainsi que d’une prétendue inexactitude matérielle, force est de constater que celle-ci avait déjà été présentée devant le Tribunal de la fonction publique. En réitérant ses affirmations, le requérant vise en réalité à obtenir une nouvelle appréciation des faits, ce qui échappe à la compétence du Tribunal.

117    Enfin, le requérant n’établit ni en quoi le Tribunal de la fonction publique aurait violé les règles de la charge de la preuve ou son obligation de motivation ni en quoi il aurait violé le droit de l’Union en subdivisant le troisième moyen présenté en première instance en huit branches. Concernant cette dernière critique, le requérant indique uniquement que, en procédant ainsi, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas pu utilement prendre en compte le contexte factuel ayant mené au présent litige.

118    Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté comme en partie irrecevable et comme en partie non fondé.

 Sur le troisième moyen soulevé par le requérant

119    Le troisième moyen est tiré de la violation du contrôle de l’obligation de motivation et d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que de la violation de l’article 4, paragraphe 6, des DGE 45.

120    Le requérant critique le point 104 de l’arrêt attaqué, qui porte sur l’examen du quatrième moyen du recours en première instance, tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation. Audit point, répondant à l’allégation selon laquelle le travail réalisé par le requérant dans l’intérêt de l’institution et de la représentation du personnel n’aurait pas été pris en compte, le Tribunal de la fonction publique a souligné que ni l’article 43 du statut ni les DGE 43 ne prévoyaient que le travail réalisé dans l’intérêt de l’institution par un fonctionnaire devait être expressément pris en compte dans l’établissement de son rapport d’évaluation ou pour décider du niveau de performance à lui attribuer, cet élément ne devant être obligatoirement pris en compte qu’au stade de la décision d’attribution des points de promotion. Il en a conclu que la seule circonstance que le rapport d’évaluation litigieux du requérant ne fasse pas état de ce travail ne saurait caractériser une erreur manifeste d’appréciation.

121    Premièrement, selon le requérant, l’exigence que le travail réalisé dans l’intérêt de l’institution soit expressément pris en compte dans l’établissement du rapport d’évaluation s’imposerait néanmoins au regard de l’obligation de motivation. Ainsi, le rapport d’évaluation devrait indiquer que le temps consacré par un fonctionnaire à ce type de travail a bien été pris en considération.

122    Or, sans qu’il y ait lieu de se poser la question de la recevabilité du moyen au regard de la règle de concordance entre la réclamation et la requête, il convient de préciser que le quatrième moyen présenté en première instance n’était pas tiré de la violation de l’obligation de motivation. Par conséquent, le requérant ne saurait reprocher au Tribunal de la fonction publique de ne pas avoir explicitement examiné ce moyen au regard de l’obligation de motivation dans l’arrêt attaqué.

123    Deuxièmement, doit être rejeté le grief tiré de la prétendue violation de l’article 4, paragraphe 6, des DGE 45. En effet, au point concerné de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique s’est prononcé sur l’erreur manifeste d’appréciation dont serait prétendument entaché le rapport d’évaluation litigieux et non la décision d’attribution des points de promotion. Dans ce cadre, le Tribunal de la fonction publique n’a pas pu violer l’article 4, paragraphe 6, des DGE 45, lequel concerne uniquement l’attribution de points de promotion.

124    Troisièmement, en concluant, de manière correcte, qu’il n’était pas exigé que le travail réalisé dans l’intérêt de l’institution fût expressément pris en compte dans l’établissement du rapport d’évaluation ou pour décider du niveau de performance, le Tribunal de la fonction publique n’a pas violé son obligation de contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

125    Quatrièmement, dans son pourvoi, le requérant critique également le point 115 de l’arrêt attaqué, qui fait partie des motifs par lesquels le Tribunal de la fonction publique s’est prononcé sur la prétendue violation des DGE 45 dont serait entachée la décision d’attribution de cinq points de promotion. Cependant, il n’indique pas précisément en quoi le Tribunal de la fonction publique aurait ainsi vicié son contrôle de l’obligation de motivation ou de l’erreur manifeste d’appréciation, ou bien l’article 4, paragraphe 6, des DGE 45, surtout au vu du fait qu’il ne conteste pas, notamment, les points 117 et 118 du même arrêt, par lesquels le Tribunal de la fonction publique a conclu que la motivation de la décision d’attribution de cinq points de promotion figurait implicitement dans le rejet de la réclamation.

126    En conséquence, il convient de rejeter le présent moyen comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen soulevé par le requérant

127    Le quatrième moyen, visant le point 101 de l’arrêt attaqué, est tiré de l’irrégularité de l’examen de l’appréciation de l’évaluateur sur la prétendue réorganisation à l’essai depuis 2008, de la dénaturation du dossier et de la méconnaissance des règles de dévolution de la charge de la preuve ainsi que du contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

128    À cet égard, force est d’observer que, au point 101 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a répondu à un grief du quatrième moyen du recours en première instance, tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation, qu’il aurait dû considérer comme irrecevable (voir points 81 à 90 ci-dessus).

129    Eu égard à l’irrecevabilité du grief concerné, introduit par le requérant devant le Tribunal de la fonction publique, le présent moyen, critiquant la réponse à ce grief, doit être écarté comme étant inopérant. En effet, ce moyen, à le supposer fondé, serait sans incidence sur l’annulation de l’arrêt attaqué.

130    Au vu de tout ce qui précède, le pourvoi principal doit être rejeté dans son ensemble.

131    Compte tenu de tout ce qui précède, le recours formé par le requérant à l’encontre du rapport d’évaluation litigieux doit être rejeté.

 Sur les dépens

132    Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que le Tribunal juge lui-même le litige, il statue sur les dépens.

133    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui‑ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

134    En outre, aux termes de l’article 88 du règlement de procédure, dans les litiges entre l’Union et ses agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles‑ci. Toutefois, en vertu de l’article 148, deuxième alinéa, du même règlement, l’article 88 du règlement de procédure ne s’applique qu’aux pourvois formés par les institutions.

135    En l’espèce, le requérant ayant succombé en ses conclusions dans le cadre du pourvoi principal et la Commission ayant conclu à ce qu’il soit condamné aux dépens, ce dernier supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre du pourvoi principal.

136    En outre, le requérant ayant succombé dans le cadre du pourvoi incident, il y a lieu de décider que, d’une part, ce dernier supportera les dépens afférents à la première instance et que, d’autre part, en application de l’article 88 du règlement de procédure, chaque partie supportera ses propres dépens dans le cadre du pourvoi incident.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 29 septembre 2011, Kimman/Commission (F‑74/10), est annulé, d’une part, en ce qu’il déclare recevables le deuxième moyen, les six premières branches du troisième moyen et le quatrième moyen, à l’exception du grief selon lequel le travail réalisé par le requérant dans l’intérêt de l’institution n’aurait pas été pris en compte, soulevés par le requérant dans le cadre de la procédure en première instance ainsi que, d’autre part, en ce qu’il condamne la Commission européenne à supporter, outre ses propres dépens, le quart des dépens du requérant afférents à ladite procédure.

2)      Le pourvoi principal est rejeté.

3)      Le recours formé par M. Eugène Emile Marie Kimman devant le Tribunal de la fonction publique est rejeté.

4)      M. Kimman est condamné à supporter l’intégralité des dépens afférents tant à la première instance qu’au pourvoi principal.

5)      Chaque partie supportera ses propres dépens dans le cadre du pourvoi incident.

M. Jaeger

M. Prek

A. Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 juillet 2014.

Signatures


* Langue de procédure : le français.