Language of document : ECLI:EU:T:2023:737

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

22 novembre 2023 (*)

« REACH – Substance homosalate – Utilisation exclusive pour la fabrication de produits cosmétiques – Contrôle de la conformité des enregistrements – Demande d’études de toxicité supplémentaires – Article 41 du règlement (CE) no 1907/2006 – Interdiction des expérimentations animales – Article 18, paragraphe 1, sous d), du règlement (CE) no 1223/2009 – Article 2, paragraphe 4, sous b), article 14, paragraphe 5, sous b), et section 3 de l’annexe XI du règlement no 1907/2006 – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Erreur de droit »

Dans l’affaire T‑656/20,

Symrise AG, établie à Holzminden (Allemagne), représentée par Mes R. Cana et E. Mullier, avocates,

partie requérante,

soutenue par

Cruelty Free Europe (CFE), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes S. Vandamme, V. McClelland, avocats, et M. P. Moser, barrister,

par

European Federation for Cosmetic Ingredients (EFfCI), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes R. Cana et E. Mullier, avocates,

et par

PETA International Science Consortium Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni),

et

PETA Science Consortium International eV, établie à Stuttgart (Allemagne),

représentées par Me R. Dereškevičiūtė, avocate, M. D. Scannell et Mme S. Love, barristers,

parties intervenantes,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par MM. W. Broere, L. Bolzonello et Mme A. Deloff-Bialek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger (rapporteur) et Mme N. Półtorak, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu l’ordonnance du 23 février 2021, Symrise/ECHA (T‑656/20 R, non publiée, EU:T:2021:99),

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        les ordonnances du 11 août 2021 admettant CFE, PETA International Science Consortium, PETA Science Consortium International et EFfCI à intervenir au soutien des conclusions de la requérante ;

–        la renonciation d’EFfCI à déposer un mémoire en intervention,

vu la renonciation d’EFfCI à participer à l’audience,

à la suite de l’audience du 22 novembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Symrise AG, demande l’annulation de la décision A-009-2018 de la chambre de recours de l’ECHA, du 18 août 2020 (ci-après la « décision attaquée »), relative au contrôle de conformité de son dossier d’enregistrement pour la substance homosalate (ci-après la « substance litigieuse »), rejetant son recours formé contre la décision du 13 mars 2018 par laquelle l’ECHA lui avait demandé de fournir, notamment, des études sur les animaux vertébrés (ci-après la « décision initiale »).

 Antécédents du litige

2        La requérante importe la substance litigieuse dont elle est la déclarante principale au titre du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, et rectificatif JO 2007, L 136, p. 3, ci-après le « règlement REACH »).

3        La substance litigieuse est une substance chimique organique monocomposante qui est utilisée exclusivement comme ingrédient dans les produits cosmétiques et de soins personnels en tant que filtre ultraviolet.

4        La substance litigieuse figure à l’annexe VI du règlement (CE) no 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif aux produits cosmétiques (JO 2009, L 342, p. 59, ci‑après le « règlement cosmétiques »), en tant que filtre ultraviolet admis dans les produits cosmétiques avec une concentration maximale de 10 % dans la préparation prête à l’emploi.

5        Le 2 novembre 2016, l’ECHA a procédé à un contrôle de conformité du dossier d’enregistrement de la requérante, sur le fondement des articles 41 et 50 du règlement REACH.

6        Le 17 novembre 2016, l’ECHA a soumis à la requérante sa proposition de décision initiale, dans laquelle il lui était demandé de réaliser une étude de toxicité subchronique (ci-après l’« étude 408 OCDE »), une étude de toxicité standard relative au développement prénatal (ci-après l’« étude 414 OCDE »), une étude de toxicité étendue sur une génération (ci-après l’« étude 443 OCDE ») et une étude d’identification des produits de dégradation. Le 9 janvier 2017, la requérante a présenté ses observations concernant cette proposition de décision. À ce titre, elle a présenté des adaptations concernant les études 408 OCDE, 414 OCDE et 443 OCDE, sur le fondement de la section 1.2 de l’annexe XI du règlement REACH. En ce qui concernait l’étude d’identification des produits de dégradation, la requérante s’est déclarée prête à la réaliser sous certaines conditions.

7        Le 7 septembre 2017, l’ECHA a notifié aux autorités compétentes des États membres sa proposition de décision initiale, conformément à l’article 51, paragraphe 1, du règlement REACH. Les autorités compétentes de deux États membres ont proposé à leur tour des modifications, conformément à l’article 51, paragraphe 2, du règlement REACH.

8        Le 10 novembre 2017, la requérante a soumis ses observations concernant ces propositions de modifications, conformément à l’article 51, paragraphe 5, du règlement REACH.

9        Le 13 mars 2018, l’ECHA a adopté la décision initiale, suivant l’accord unanime émanant du comité des États membres de l’ECHA et conformément à l’article 51, paragraphe 6, du règlement REACH. Par la décision initiale, l’ECHA a invité la requérante à procéder à quatre études, tout en rejetant les adaptations que celle-ci avait proposées. La première, l’étude 408 OCDE, devait être effectuée par voie orale sur des rats ou des lapins. La deuxième, l’étude 414 OCDE, et la troisième, l’étude 443 OCDE, devaient être effectuées par voie orale sur des rats. Enfin, la quatrième était une étude d’identification des produits de dégradation. Néanmoins, l’ECHA a laissé la possibilité à la requérante, conformément aux annexes VI à XI du règlement REACH, de proposer d’autres adaptations aux études demandées, en les justifiant scientifiquement, conformément aux règles générales des annexes XI et VI à X du règlement REACH. La décision initiale fixait un délai de 42 mois et 7 jours durant lequel ces informations devaient être fournies, qui expirait le 20 septembre 2021.

10      Le 12 juin 2018, la requérante a formé un recours contre la décision initiale devant la chambre de recours de l’ECHA et a demandé son annulation en ce qu’elle lui imposait de procéder aux études 408 OCDE, 414 OCDE et 443 OCDE et en ce qu’elle conditionnait la production de ces études à un délai d’environ 42 mois.

11      Le 18 août 2020, la chambre de recours a rendu la décision attaquée rejetant, en substance, le recours de la requérante contre la décision initiale.

 Conclusions des parties

12      La requérante, soutenue par PETA International Science Consortium Ltd et PETA Science Consortium International eV (ci-après, prises ensemble, « PETA »), conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’ECHA aux dépens.

13      Cruelty Free Europe (CFE) conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision attaquée.

14      L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré d’erreurs d’appréciation et d’interprétation du règlement REACH commises par l’ECHA en demandant que des essais sur des animaux vertébrés soient effectués. Le deuxième moyen est tiré de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation commises par l’ECHA en exigeant que l’étude 443 OCDE soit conduite par voie orale ainsi que d’une violation de l’obligation de motivation. Le troisième moyen est tiré de plusieurs erreurs et violations commises par l’ECHA dans la détermination du délai fixé pour la présentation des informations exigées.

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs d’appréciation et d’interprétation commises par l’ECHA en demandant que des essais sur des animaux vertébrés soient effectués

16      À l’appui de son premier moyen, la requérante soulève trois branches, tirées, la première, d’erreurs d’appréciation et d’interprétation du règlement REACH commises par l’ECHA en exigeant des essais sur des animaux vertébrés, la deuxième, d’une erreur d’appréciation commise par l’ECHA en considérant que le risque lié à l’exposition des travailleurs n’était pas couvert par le règlement cosmétiques et, la troisième, d’une erreur d’appréciation commise par l’ECHA en n’ayant pas tenu compte du fait que la sécurité de la substance litigieuse avait été évaluée au titre du règlement cosmétiques.

17      Par la première branche, la requérante soutient que l’ECHA a méconnu l’article 2, paragraphe 4, sous b), et le considérant 13 du règlement REACH, en exigeant, à l’égard de la substance litigieuse exclusivement utilisée dans des produits cosmétiques, la réalisation d’essais sur des animaux vertébrés.

18      Tout d’abord, la requérante soutient que l’article 2, paragraphe 4, sous b), du règlement REACH n’exclut pas les ingrédients cosmétiques de son champ d’application, mais que ce champ d’application est « sans préjudice » des essais sur les animaux vertébrés, qui relèvent du champ d’application du règlement cosmétiques. L’article 18, paragraphe 1, sous d), du règlement cosmétiques poserait l’interdiction des expérimentations animales, sans aucune exception concernant les animaux vertébrés, alors que l’article 18, paragraphe 2, du même règlement fixerait une procédure complexe permettant à la Commission européenne d’autoriser des dérogations aux interdictions dans certains cas précis et sous de strictes conditions.

19      Partant, selon la requérante, la seule interaction logique entre les règles pertinentes du règlement REACH et celles du règlement cosmétiques est que les informations en vue d’établir la sécurité des ingrédients cosmétiques ne sont obligatoires en vertu du règlement REACH que si cette exigence de sécurité ne relève pas du champ d’application du règlement cosmétiques. Ainsi, les exigences en matière d’informations du règlement REACH ne s’appliqueraient à une substance, utilisée exclusivement en tant qu’ingrédient cosmétique, que lorsqu’elles ne concerneraient pas des expérimentations visant à établir les effets sur la santé humaine.

20      En outre, la requérante soutient que la sécurité des ingrédients cosmétiques du point de vue de la protection de l’environnement ne relève pas du champ d’application du règlement cosmétiques et, donc, que les expérimentations sur les animaux vertébrés visant à établir la sécurité d’une substance pour l’environnement n’en relèvent pas non plus, le règlement REACH s’appliquant alors non pas « sans préjudice », mais directement et pleinement, même si la substance en cause est exclusivement utilisée comme ingrédient cosmétique.

21      La requérante affirme avoir expressément fait part, à de nombreuses reprises pendant la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision initiale, de ses préoccupations concernant les études sur les vertébrés, la substance litigieuse étant exclusivement utilisée dans des produits cosmétiques.

22      La requérante considère que l’applicabilité du règlement cosmétiques est une question de droit et que le règlement REACH ne prévoit aucune possibilité ni obligation de faire une adaptation du dossier d’enregistrement pour renoncer aux exigences en matière d’essais sur les animaux en raison de leur inapplicabilité à une substance donnée. Selon la requérante, en d’autres termes, les adaptations visent à ajuster la réponse aux exigences en matière d’informations standards applicables pour un effet donné, alors que, en l’espèce, sa position est que les exigences en matière d’informations standards n’étaient pas applicables et que, par conséquent, il n’était pas nécessaire d’y renoncer en invoquant une adaptation.

23      Ensuite, la requérante relève que le règlement REACH et le règlement cosmétiques peuvent s’appliquer à la même substance. À cet égard, elle réitère le fait que le règlement REACH contient des dispositions expresses en ce qui concerne particulièrement l’expérimentation sur des animaux vertébrés entrant dans le champ d’application du règlement cosmétiques, à savoir son article 2, paragraphe 4, sous b), et son considérant 13. En effet, selon la requérante, si le règlement REACH devait s’appliquer aux substances exclusivement utilisées dans les produits cosmétiques, ce devrait être « sans préjudice » des essais sur les animaux vertébrés, qui relèvent du champ d’application du règlement cosmétiques.

24      Dans ce contexte, la requérante avance que, selon la jurisprudence de la Cour, si le législateur de l’Union européenne a explicitement prévu que les dispositions d’un acte de l’Union devaient s’appliquer « sans préjudice » de celles d’une directive, il a par là même signifié que les obligations résultant de cet acte de l’Union « ne sauraient directement affecter celles découlant » de la directive. La requérante considère ainsi que, en l’espèce, le règlement REACH s’appliquant « sans préjudice » des dispositions relatives aux essais sur les animaux vertébrés qui relèvent du champ d’application du règlement cosmétiques, les dispositions du règlement REACH, telles que les exigences en matière d’essais, ne sauraient directement affecter les obligations liées aux essais sur les animaux vertébrés découlant du règlement cosmétiques.

25      La requérante ajoute que le fait que les dispositions relatives aux essais sur les animaux du règlement REACH ne sauraient affecter l’interdiction de ces essais édictée par le règlement cosmétiques est, de surcroît, admis par l’ECHA dans sa fiche d’information sur l’interface entre le règlement REACH et le règlement cosmétiques (ci-après la « fiche d’information »). La fiche d’information reconnaîtrait expressément que « [l]es déclarants de substances utilisées exclusivement comme ingrédients dans des produits cosmétiques ne peuvent pas réaliser d’essais sur les animaux afin de satisfaire aux exigences en matière d’informations concernant les effets sur la santé humaine du règlement REACH ». Selon la requérante, cela implique que les exigences en matière d’informations du règlement REACH ne s’appliquent à une substance utilisée exclusivement en tant qu’ingrédient cosmétique que lorsqu’elles ne concernent pas des expérimentations visant à établir les effets sur la santé humaine.

26      En outre, la requérante estime que l’arrêt du 21 septembre 2016, European Federation for Cosmetic Ingredients (C‑592/14, EU:C:2016:703), ne doit pas être appliqué à l’interdiction de la réalisation d’expérimentations. Elle fait valoir que cet arrêt porte sur une situation de fait et de droit fondamentalement différente de celle en cause en l’espèce.

27      Enfin, la requérante soutient que l’argument de l’ECHA relatif aux conséquences pour les substances qui sont utilisées à la fois dans les produits cosmétiques et dans les médicaments, ces derniers étant régis principalement par la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), est dépourvu de pertinence. Premièrement, la substance litigieuse serait exclusivement utilisée comme ingrédient cosmétique et ne donnerait pas lieu à un double usage, de sorte que son utilisation dans des produits pharmaceutiques serait purement hypothétique. Deuxièmement, la présente affaire porterait uniquement sur l’interaction entre le règlement REACH et le règlement cosmétiques. Troisièmement, l’ECHA n’aurait ni expliqué ni démontré pourquoi et de quelle façon les observations de la requérante « aurai[en]t des conséquences importantes et […] inacceptables » en vertu de la législation pharmaceutique. En tout état de cause, la requérante relève que le règlement REACH prévoit, notamment, que les obligations d’enregistrement ne sont pas applicables aux substances qui sont utilisées dans des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire relevant du champ d’application de la directive 2001/83.

28      Les intervenantes se rallient aux arguments de la requérante.

29      En outre, CFE fait valoir que toutes les données figurant dans le dossier d’information établi au titre de l’article 11 du règlement cosmétiques sont mentionnées dans le rapport sur la sécurité du produit établi au titre de l’article 10 dudit règlement et peuvent donc conduire à une interdiction. Au soutien de cet argument, CFE produit, à l’annexe 3 de son mémoire en intervention, la déclaration d’un expert.

30      Par la deuxième branche, la requérante fait valoir que les expérimentations exigées sur des animaux vertébrés en vue d’établir la sécurité de la substance litigieuse pour la santé humaine ne sauraient être considérées comme étant en dehors du champ du règlement cosmétiques au motif qu’elles seraient justifiées en raison des risques liés à l’exposition des travailleurs.

31      La requérante ajoute que l’ECHA a établi une distinction artificielle entre les différentes catégories d’effets sur la santé humaine. Selon elle, le champ d’application du règlement cosmétiques couvre la sécurité des produits cosmétiques pour la santé humaine sans être limité à certaines catégories de personnes, à savoir les utilisateurs finaux.

32      Au soutien de cette affirmation, la requérante fait référence, premièrement, à l’article 3 du règlement cosmétiques, deuxièmement, à l’annexe I dudit règlement et, troisièmement, à la décision d’exécution 2013/674/UE de la Commission, du 25 novembre 2013, concernant les lignes directrices pour l’application de l’annexe I du règlement cosmétiques (JO 2013, L 315, p. 82).

33      Par la troisième branche, la requérante fait valoir que la sécurité de la substance litigieuse a été évaluée au titre du règlement cosmétiques.

34      À cet égard, la requérante fait valoir que les études sur lesquelles se fonde le comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (ci-après le « CSSC ») afin d’évaluer la sécurité d’un produit cosmétique, qui ont été totalement occultées tant dans la décision initiale que dans la décision attaquée, couvrent la toxicité pour le développement et la toxicité pour la reproduction, à savoir les deux effets concernant la santé humaine pour lesquels l’ECHA a exigé les études 408 OCDE, 414 OCDE et 443 OCDE. Ainsi, selon la requérante, l’ECHA a méconnu la jurisprudence selon laquelle elle était tenue, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation, d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et de prendre en considération tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que l’acte litigieux entendait régir.

35      La requérante ajoute que l’évaluation de la substance litigieuse au titre de son utilisation comme produit cosmétique constitue l’évaluation de la sécurité pour la santé humaine la plus pertinente et la plus appropriée, y compris pour les travailleurs. Premièrement, la requérante relève que l’exposition des consommateurs à la substance litigieuse est intentionnelle et qu’elle est la plus importante, la plus répétitive et la plus prolongée. Deuxièmement, cette exposition ne serait pas influencée par un quelconque type d’équipements de protection individuelle ou de barrières physiques que peut exiger le respect des bonnes pratiques de laboratoire et qui constitue des conditions d’hygiène au travail standards. Troisièmement, l’exposition des consommateurs serait l’exposition des groupes les plus vulnérables. À cet égard, la requérante observe que l’ECHA introduit un élément lié à l’exposition qu’elle applique uniquement aux ingrédients cosmétiques, qui ne repose sur aucune disposition du règlement REACH et qui n’est lié à aucune adaptation au titre de l’annexe XI dudit règlement. L’ECHA aurait été tenue de prendre en considération les explications de la requérante relatives à l’exposition des travailleurs en comparaison avec celle des consommateurs.

36      Par ailleurs, la requérante relève que la fabrication des produits cosmétiques est soumise au respect de bonnes pratiques extrêmement strictes en vertu du règlement cosmétiques.

37      Ainsi, selon la requérante, les informations ne peuvent être qualifiées de « manquantes » et ne peuvent être « adaptées » que si elles sont requises dès le départ. À cet égard, elle considère que la question de savoir si le règlement REACH exige ou non des expérimentations pour les ingrédients cosmétiques est une question de droit, et non une question de présentation d’une adaptation au titre dudit règlement.

38      La requérante ajoute que la substance litigieuse, exclusivement utilisée comme ingrédient dans les produits cosmétiques, est exemptée des exigences en matière d’informations standards du règlement REACH non pas ipso facto, mais par l’effet de la réglementation.

39      La requérante soutient qu’il ne s’agit pas là d’une question à traiter dans le cadre d’une adaptation, cela étant confirmé par le fait qu’une quelconque « adaptation pour des substances utilisées dans des produits cosmétiques » ne figure pas parmi les possibilités d’adaptation reconnues par l’annexe XI du règlement REACH. Il s’agit, selon elle, d’une question qui découle de l’application uniforme et cohérente du droit. Partant, elle considère que son dossier est conforme, puisque les exigences en matière d’informations concernant les effets sur la santé humaine relèvent du règlement cosmétiques.

40      La requérante conteste aussi l’affirmation de l’ECHA selon laquelle la décision d’exécution 2013/674 est « hors de propos ».

41      En outre, selon la requérante, la réponse de la Commission à une question parlementaire, invoquée par l’ECHA, constitue, tout au plus, une opinion de cette institution.

42      Enfin, la requérante considère que, en tout état de cause, à supposer que l’exposition des travailleurs soit pertinente, l’exposition des consommateurs constitue, en l’espèce, la pire des expositions humaines. La requérante estime que tous les risques potentiels pour la santé humaine ont été évalués par le CSSC conformément au règlement cosmétiques lors de l’examen de l’exposition des consommateurs.

43      À l’instar de la requérante, CFE soutient que, dans l’hypothèse, réfutée, où il existerait un risque lié à la substance litigieuse, les consommateurs y seraient en réalité davantage exposés que les travailleurs. En effet, les produits contenant la substance litigieuse seraient conçus pour être appliqués de manière répétée sur la peau, alors que, pour les travailleurs, l’objectif serait d’éviter tout contact, raison pour laquelle des équipements de protection individuelle importants seraient utilisés et d’autres mesures de gestion des risques seraient en place. Par conséquent, selon CFE, si la substance litigieuse est sûre pour les consommateurs, comme l’a conclu le CSSC, elle doit également l’être pour les travailleurs.

44      PETA fait valoir que, si la distinction effectuée par l’ECHA et la chambre de recours était suivie, cela permettrait à la personne responsable, au sens de l’article 4 du règlement cosmétiques, de faire état de l’absence d’expérimentations animales pour un produit cosmétique alors même que toute une batterie d’essais sur des animaux aurait été réalisée, en application du règlement REACH, sur une substance entrant dans sa composition, ce qui irait à l’encontre de l’article 20, paragraphe 3, du règlement cosmétiques.

45      L’ECHA conteste les arguments de la requérante et des intervenantes.

 Sur l’examen effectué par la chambre de recours dans la décision attaquée

46      À titre liminaire, aux points 54 à 56 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, en l’absence de dispositions établissant la primauté d’un règlement sur l’autre, le règlement REACH et le règlement cosmétiques pouvaient s’appliquer à la même substance et que, donc, ces deux règlements devaient être interprétés et appliqués d’une manière cohérente et compatible.

47      Ensuite, la chambre de recours a examiné le règlement REACH et le règlement cosmétiques ainsi que leur relation.

48      S’agissant des règles pertinentes du règlement REACH, après avoir examiné, notamment, l’article 2, paragraphe 4, sous b), l’article 14, paragraphe 5, sous b), et la section 3 de l’annexe XI dudit règlement, la chambre de recours a conclu, au point 93 de la décision attaquée, que ce règlement ne contenait aucune disposition exemptant un déclarant de la réalisation d’études sur des animaux vertébrés en raison de la seule circonstance selon laquelle la substance dont l’enregistrement était demandé était utilisée uniquement comme ingrédient d’un produit cosmétique, tout en précisant que, aux fins de l’obtention d’une exemption, le déclarant devait démontrer que les conditions pour une adaptation énoncées à la section 3 de l’annexe XI du règlement REACH, lue conjointement avec l’article 14, paragraphe 5, sous b), du même règlement étaient remplies.

49      S’agissant des règles pertinentes du règlement cosmétiques, la chambre de recours a examiné, notamment, l’article 18, paragraphe 1, sous b) et d), et paragraphe 2, du règlement cosmétiques.

50      En premier lieu, la chambre de recours a considéré, aux points 101 à 104 de la décision attaquée, que l’article 18, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, du règlement cosmétiques prévoyait l’interdiction d’effectuer des expérimentations animales. La chambre de recours a précisé, notamment, d’une part, que cette disposition interdisait, à partir de certaines dates, de réaliser des études sur des animaux vertébrés si elles étaient effectuées « afin de satisfaire aux exigences du règlement cosmétiques » et, d’autre part, que cette condition n’interdisait pas, en soi, d’effectuer ce type d’études. À cet égard, la chambre de recours a observé que, en l’absence d’une disposition explicite en ce sens, l’article 18, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, du règlement cosmétiques ne pouvait pas être interprété comme interdisant la réalisation des études demandées sur la base du règlement REACH, en ajoutant qu’une telle interprétation n’assurerait pas une application cohérente et compatible de ces deux règlements.

51      En second lieu, la chambre de recours a considéré, aux points 105 à 107 de la décision attaquée, que l’article 18, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement cosmétiques prévoyait l’interdiction de la mise sur le marché de produits cosmétiques contenant des ingrédients qui, à partir de certaines dates, avaient fait l’objet d’une expérimentation animale « afin de satisfaire aux exigences du règlement cosmétiques ». À cet égard, la chambre de recours a relevé que, au point 39 de l’arrêt du 21 septembre 2016, European Federation for Cosmetic Ingredients (C‑592/14, EU:C:2016:703), la Cour avait jugé qu’une étude sur des animaux vertébrés n’était effectuée « afin de satisfaire aux exigences du règlement cosmétiques » que si elle figurait dans le rapport sur la sécurité du produit établi conformément à l’article 10 dudit règlement pour démontrer la sécurité pour les utilisateurs finaux de ce produit contenant la substance testée en tant qu’ingrédient.

52      Dans ce contexte, la chambre de recours a considéré, aux points 108 et 109 de la décision attaquée, que les résultats d’une étude effectuée en vue de se conformer aux informations standards requises par le règlement REACH pouvaient confirmer la sécurité du produit cosmétique contenant la substance faisant l’objet de la demande d’enregistrement, comme cela était démontré dans le cadre du rapport sur la sécurité du produit établi conformément à l’article 10 du règlement cosmétiques. Dans cette hypothèse, la chambre de recours a considéré que ces résultats devaient figurer dans le dossier d’information établi sur la base de l’article 11 du règlement cosmétiques.

53      Cependant, la chambre de recours a observé, aux points 110 et 111 de la décision attaquée, que les résultats des études réalisées sur des animaux vertébrés pouvaient remettre en cause la sécurité d’un produit cosmétique contenant une substance en contredisant le rapport sur la sécurité du produit établi conformément à l’article 10 du règlement cosmétiques. Dans ce cas de figure, la chambre de recours a considéré que, si la sécurité du produit cosmétique ne pouvait plus être garantie, il était possible que ce produit ne puisse plus être mis sur le marché. La chambre de recours a observé que cela n’était pas la conséquence automatique de la réalisation d’une étude sur des animaux vertébrés pour se conformer aux obligations d’informations standards requises par le règlement REACH, mais la conséquence du résultat de cette étude et du choix du législateur figurant aux articles 3 et 18 du règlement cosmétiques, en vertu desquels un produit cosmétique doit être sûr pour les utilisateurs finaux à condition que des animaux vertébrés ne soient pas sacrifiés pour que sa sécurité soit établie.

54      Ainsi, la chambre de recours a considéré, au point 112 de la décision attaquée, que ce n’était pas la réalisation d’études requises conformément au règlement REACH, mais plutôt l’usage des résultats de ces études qui étaient susceptibles de conduire à l’interdiction de mise sur le marché prévue à l’article 18, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement cosmétiques.

55      À la lumière de ces éléments, la chambre de recours a conclu, au point 116 de la décision attaquée, que le règlement cosmétiques n’interdisait pas au déclarant d’une substance utilisée, exclusivement ou parmi d’autres usages, comme ingrédient d’un produit cosmétique de réaliser des tests sur les animaux vertébrés aux fins de satisfaire aux informations requises pour l’enregistrement de cette substance par le règlement REACH.

56      S’agissant de la relation entre le règlement REACH et le règlement cosmétiques, d’une part, la chambre de recours a conclu, au point 117 de la décision attaquée, que le règlement REACH ne prévoyait aucune exemption, pour les déclarants d’une substance, de réalisation de tests sur les animaux vertébrés au motif que cette substance était utilisée uniquement dans les produits cosmétiques. En effet, selon la chambre de recours, même dans cette hypothèse, à la lumière de la section 3 de l’annexe XI du règlement REACH et de l’article 14, paragraphe 5, sous b), du même règlement, les déclarants sont tenus de prouver que les conditions pour une adaptation, au sens desdites dispositions, sont remplies. D’autre part, la chambre de recours a considéré que cette conclusion n’était pas remise en cause par le règlement cosmétiques sur la base de l’examen effectué aux points 94 à 116 de la décision attaquée.

57      Ainsi, la chambre de recours a considéré, aux points 118 à 122 de la décision attaquée, en premier lieu, que, en l’espèce, la requérante n’avait pas présenté d’adaptation conforme à la section 3 de l’annexe XI du règlement REACH, lue conjointement avec l’article 14, paragraphe 5, sous b), dudit règlement, et, donc, que l’ECHA n’était pas tenue d’évaluer si les conditions pour une telle adaptation étaient satisfaites. En second lieu, étant donné qu’il n’était pas contesté que les produits cosmétiques contenant la substance litigieuse étaient formulés dans l’Union, la chambre de recours en a déduit que les travailleurs autres que les professionnels au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous f), du règlement cosmétiques auraient pu être exposés à ladite substance, de sorte qu’au moins l’une des conditions prévues à la section 3 de l’annexe XI du règlement REACH, à savoir l’absence d’exposition ou une exposition négligeable, n’était pas satisfaite. Partant, la chambre de recours a conclu que, contrairement à ce que soutenait la requérante, l’ECHA n’avait pas commis d’« erreur d’évaluation » en lui demandant de compléter son dossier d’enregistrement par les études 408 OCDE, 414 OCDE et 443 OCDE ou en proposant des adaptations valables.

58      En ce qui concerne la circonstance selon laquelle l’ECHA n’a pas pris en compte le fait que la sécurité de la substance litigieuse avait été évaluée au titre du règlement cosmétiques, la chambre de recours a considéré, aux points 127 à 130 de la décision attaquée, d’une part, que, même en admettant que la substance litigieuse n’ait pas constitué un risque pour la santé des travailleurs, la requérante ne pouvait pas s’abstenir de fournir les études 408 OCDE, 414 OCDE et 443 OCDE, sauf à présenter une adaptation valable, et, d’autre part, que l’article 3 du règlement cosmétiques assurait la sécurité des utilisateurs finaux, de sorte que d’autres risques dus à l’exposition à la substance litigieuse, comme celui des travailleurs produisant les produits cosmétiques la contenant, n’étaient pas couverts.

 Sur le bien-fondé du premier moyen

59      Dans le cadre du premier moyen, il y a lieu d’examiner les trois branches ensemble et de vérifier si la chambre de recours, dans la décision attaquée, a commis une erreur de droit en raison d’une interprétation erronée du règlement REACH et du règlement cosmétiques.

60      Premièrement, la chambre de recours s’est fondée, en substance, sur l’absence de dispositions établissant la primauté d’un règlement sur l’autre, de sorte que les règlements REACH et cosmétiques doivent être interprétés et appliqués d’une manière cohérente et compatible. Deuxièmement, la chambre de recours a relevé le fait que le règlement cosmétiques n’interdisait pas au déclarant d’une substance utilisée, exclusivement ou parmi d’autres usages, comme ingrédient d’un produit cosmétique de réaliser des tests sur les animaux vertébrés aux fins de satisfaire aux informations requises pour l’enregistrement de ladite substance par le règlement REACH. Troisièmement, la chambre de recours a considéré que l’article 3 du règlement cosmétiques assurait la sécurité des utilisateurs finaux, de sorte que d’autres risques dus à l’exposition à la substance litigieuse, comme celui des travailleurs produisant les produits cosmétiques la contenant, n’étaient pas couverts par le règlement cosmétiques.

61      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, aux fins de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il convient de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt du 27 avril 2023, Castorama Polska et Knor, C‑628/21, EU:C:2023:342, point 36 et jurisprudence citée).

62      En l’espèce, la substance litigieuse est un composant utilisé dans la fabrication de produits cosmétiques et relève tant du règlement REACH que du règlement cosmétiques.

63      Ainsi, il est nécessaire de déterminer, en premier lieu, la relation entre le règlement REACH et le règlement cosmétiques et, en second lieu, lequel de ces règlements garantit la prévention des risques pour la santé des travailleurs découlant de l’exposition à la substance litigieuse.

–       Sur la relation entre le règlement REACH et le règlement cosmétiques

64      En premier lieu, l’article 2 du règlement REACH précise les limites et les conditions d’application dudit règlement. L’article 2, paragraphe 1, de ce règlement établit qu’il n’est pas applicable à certaines substances. L’article 2, paragraphe 2, de ce règlement indique que certains déchets ne sont pas des substances relevant de son champ d’application. L’article 2, paragraphe 3, de ce règlement dispose que les États membres peuvent prévoir des exemptions dans des cas spécifiques pour certaines substances, lorsque cela s’avère nécessaire aux intérêts de la défense. L’article 2, paragraphe 4, de ce règlement mentionne qu’il est applicable sans préjudice des dispositions de droit de l’Union relatives au lieu de travail et à l’environnement ainsi que du règlement cosmétiques en ce qui concerne les essais sur les animaux vertébrés qui entrent dans le champ d’application de ce dernier règlement, lequel a abrogé la directive 76/768/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO 1976, L 262, p. 169), et dont l’article 38 dispose que les références à la directive abrogée s’entendent comme faites à ce règlement. L’article 2, paragraphe 5, dudit règlement établit que les dispositions de ses titres II, V, VI et VII ne sont pas applicables lorsqu’une substance est utilisée dans des médicaments à usage humain ou à usage vétérinaire, dans des denrées alimentaires ou dans des aliments pour animaux. L’article 2, paragraphes 6 et 9, de ce règlement précise que certains titres ne sont pas applicables à certaines substances et aux polymères et l’article 2, paragraphes 7 et 8, de ce règlement exempte certaines substances et certains intermédiaires de l’application de certains titres.

65      Ainsi, il découle de l’article 2 du règlement REACH que le législateur a expressément prévu, d’une part, les hypothèses dans lesquelles ledit règlement ne devait pas être appliqué et, d’autre part, les hypothèses dans lesquelles ledit règlement s’appliquait « sans préjudice » d’autres textes.

66      En effet, l’article 2, paragraphe 4, sous b), du règlement REACH prévoit qu’il est applicable sans préjudice du règlement cosmétiques en ce qui concerne les essais sur les animaux vertébrés entrant dans le champ d’application de ce dernier.

67      Cela correspond, par ailleurs, à ce qui est prévu au considérant 13 du règlement REACH, selon lequel ledit règlement devrait s’appliquer sans préjudice des interdictions et des restrictions fixées par le règlement cosmétiques.

68      Partant, il y a lieu de conclure que c’est sans commettre d’erreur de droit que la chambre de recours a considéré, aux points 65 à 76 de la décision attaquée, que l’expression « sans préjudice » figurant à l’article 2, paragraphe 4, du règlement REACH ne devait pas être interprétée comme exemptant les déclarants de substances utilisées comme ingrédients dans des produits cosmétiques de toutes les obligations en matière d’informations découlant dudit règlement.

69      En second lieu, il convient d’examiner l’article 18, paragraphe 1, sous d), du règlement cosmétiques, qui définit le régime d’interdiction de l’expérimentation animale « afin de satisfaire aux exigences du[dit] règlement ».

70      La requérante fonde son argumentation sur la prémisse selon laquelle les expérimentations sur les animaux vertébrés sont interdites par l’article 18, paragraphe 1, sous d), du règlement cosmétiques.

71      Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler qu’il découle des points 36 à 39 de l’arrêt du 21 septembre 2016, European Federation for Cosmetic Ingredients (C‑592/14, EU:C:2016:703), auquel la chambre de recours se réfère, que l’expression « afin de satisfaire aux exigences du règlement cosmétiques », figurant à l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement cosmétiques, doit être interprétée en ce sens qu’elle interdit le fait de s’appuyer sur les résultats d’expérimentations animales figurant dans le rapport sur la sécurité du produit établi au sens de l’article 10 dudit règlement pour mettre ledit produit sur le marché de l’Union.

72      En revanche, comme la Cour l’a précisé au point 38 de l’arrêt du 21 septembre 2016, European Federation for Cosmetic Ingredients (C‑592/14, EU:C:2016:703), les expérimentations sur les animaux vertébrés dont les résultats figurent dans le dossier d’information établi au sens de l’article 11 du règlement cosmétiques ne suffisent pas à rendre applicable l’interdiction de mise sur le marché prévue à l’article 18, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

73      Il convient également d’observer que l’expression « afin de satisfaire aux exigences du règlement cosmétiques », interprétée par la Cour et figurant à l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement cosmétiques, est reprise textuellement à l’article 18, paragraphe 1, sous d), du même règlement.

74      Il s’ensuit que l’article 18, paragraphe 1, sous d), du règlement cosmétiques doit être interprété en ce sens que seules sont interdites les expérimentations qui figurent dans le rapport sur la sécurité du produit établi conformément à l’article 10 dudit règlement pour démontrer la sécurité de ce produit.

75      Par ailleurs, l’article 25, paragraphe 1, sous g), du règlement cosmétiques prévoit qu’un produit cosmétique peut être retiré du marché ou rappelé en cas de non-conformité aux exigences en matière d’expérimentation animale visées à l’article 18 dudit règlement. Il ressort donc des dispositions de l’article 25, paragraphe 1, sous g), du règlement cosmétiques, combinées avec celles de l’article 18, paragraphe 1, sous d), dudit règlement, que les expérimentations animales emportant le retrait du marché d’un produit cosmétique sont celles qui figurent dans le rapport sur la sécurité du produit établi conformément à l’article 10 de ce même règlement.

76      Partant, c’est sans commettre d’erreur de droit que, au point 102 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que l’expression « afin de satisfaire aux exigences du règlement cosmétiques » figurant à l’article 18, paragraphe 1, sous d), dudit règlement n’interdisait pas, en elle-même, d’effectuer des expérimentations animales.

77      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel la fiche d’information reconnaîtrait expressément que « les déclarants de substances utilisées exclusivement comme ingrédients dans des produits cosmétiques ne peuvent pas réaliser d’essais sur les animaux afin de satisfaire aux exigences en matière d’informations concernant les effets sur la santé humaine du règlement REACH ».

78      En effet, il suffit de constater que, en l’espèce, la requérante se limite à citer une phrase de la fiche d’information sans préciser que, d’une part, la phrase suivante indique que, « lorsqu’il y a un risque concernant un travailleur impliqué directement ou indirectement dans la fabrication d’une substance, les tests sur les animaux sont permis » et que, d’autre part, ladite fiche précise que, sur la base d’une détermination au cas par cas, les essais sur les animaux ne doivent pas être réalisés si, afin de satisfaire aux exigences du règlement REACH, le déclarant n’a pas besoin d’évaluer les risques découlant de l’exposition des travailleurs et si la substance est uniquement utilisée dans des produits cosmétiques. D’ailleurs, en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la requérante a reconnu l’existence de la phrase suivante dans la fiche d’information.

79      Partant, l’argument de la requérante manque en fait et doit être écarté.

–       Sur le règlement applicable afin de garantir la prévention des risques pour la santé des travailleurs dus à l’exposition à la substance litigieuse

80      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel, d’une part, le règlement cosmétiques couvre également les risques pour la santé des travailleurs découlant de l’exposition à la substance litigieuse et, d’autre part, la chambre de recours n’a pas tenu compte du fait que la sécurité de ladite substance avait été évaluée au titre de ce règlement, il convient de constater, à titre liminaire, que le règlement REACH et le règlement cosmétiques se chevauchent quant à l’un des objectifs qu’ils poursuivent, à savoir celui de protéger la santé humaine.

81      En effet, d’une part, l’article 3 du règlement cosmétiques prévoit qu’« [u]n produit cosmétique mis à disposition sur le marché est sûr pour la santé humaine lorsqu’il est utilisé dans des conditions d’utilisation normales ou raisonnablement prévisibles ». D’autre part, l’article 1er, paragraphes 1 et 3, du règlement REACH établit qu’« [il] vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement » et « repose sur le principe qu’il incombe aux fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval de veiller à fabriquer, à mettre sur le marché ou à utiliser des substances qui n’ont pas d’effets nocifs pour la santé humaine ou l’environnement ».

82      En outre, si, certes, le règlement cosmétiques ne contient pas de définition expresse et littérale de l’expression « santé humaine », son article 3 prévoit néanmoins qu’« [u]n produit cosmétique mis à disposition sur le marché est sûr pour la santé humaine lorsqu’il est utilisé dans des conditions d’utilisation normales ou raisonnablement prévisibles ». Ainsi, la sécurité pour la santé humaine, dans ledit règlement, est définie en référence à la façon dont un produit est « utilisé » et, à ce titre, à des « conditions d’utilisation normales ou raisonnablement prévisibles ». Or, compte tenu du sens de ces notions dans le langage courant, la santé humaine dont il s’agit est celle des consommateurs finaux et des professionnels qui utilisent les produits cosmétiques dans des conditions d’utilisation normales ou raisonnablement prévisibles. Les travailleurs impliqués dans la formulation d’un ingrédient d’un produit cosmétique ou dans la formulation du produit lui-même sont en revanche exposés à cet ingrédient durant tout le cycle de fabrication et dans des conditions qui diffèrent de l’usage du produit cosmétique final.

83      Dans ce contexte, il convient également d’examiner l’interprétation conjointe de l’article 14, paragraphe 5, sous b), du règlement REACH et de la section 3 de l’annexe XI du même règlement, effectuée par la chambre de recours dans la décision attaquée.

84      À cet égard, tout d’abord, d’une part, il convient de rappeler que l’article 14, paragraphe 5, sous b), du règlement REACH prévoit que « [l]e rapport sur la sécurité chimique ne doit pas prendre en compte les risques qui résultent pour la santé humaine des utilisations finales […] dans des produits cosmétiques rentrant dans le champ d’application [du règlement cosmétiques] ».

85      D’autre part, la section 3.1 de l’annexe XI du règlement REACH reconnaît la possibilité, pour un déclarant, de renoncer aux essais devant être effectués conformément aux sections 8.6 et 8.7 de l’annexe VIII et aux annexes IX et X du même règlement et, donc, aux études 408 OCDE, 414 OCDE et 443 OCDE demandées en l’espèce, sur la base du ou des scénarios élaborés dans le cadre du rapport sur la sécurité chimique. Cependant, sur la base de la section 3.2 de l’annexe XI du règlement REACH, dans tous les cas, le déclarant doit fournir une justification et une description suffisantes, ladite justification se fondant sur une évaluation approfondie et rigoureuse de l’exposition établie conformément à la section 5 de l’annexe I du même règlement. En outre, plusieurs critères doivent être satisfaits, parmi lesquels la preuve apportée par le fabricant ou l’importateur, pièces justificatives à l’appui, que les résultats de l’évaluation couvrant l’ensemble des expositions concernées tout au long du cycle de vie de la substance établissent l’absence d’exposition ou une exposition négligeable dans tous les scénarios de fabrication et pour toutes les utilisations identifiées visées à la section 3.5 de l’annexe VI du règlement REACH.

86      En outre, il convient de constater ce qui suit.

87      En premier lieu, le rapport sur la sécurité chimique établi conformément au règlement REACH ne doit pas prendre en compte les risques couverts par le règlement cosmétiques, conformément à l’article 14, paragraphe 5, sous b), du règlement REACH.

88      En deuxième lieu, le déclarant d’une substance peut, en principe, renoncer aux études demandées sous certaines conditions, prévues à la section 3 de l’annexe XI du règlement REACH, à savoir qu’il soit prouvé que les résultats de l’évaluation couvrant l’ensemble des expositions concernées tout au long du cycle de vie de la substance établissent l’absence d’exposition ou une exposition négligeable dans tous les scénarios de fabrication et pour toutes les utilisations.

89      En troisième lieu, le déclarant d’une substance utilisée uniquement dans des produits cosmétiques n’est pas exempté, au titre de la section 3 de l’annexe XI du règlement REACH, de fournir les informations standards à l’égard des propriétés intrinsèques de cette substance. Cette constatation découle de la circonstance selon laquelle les risques pour la santé humaine couverts par le règlement cosmétiques et le règlement REACH ne sont pas identiques. Le règlement cosmétiques vise les risques pour la santé humaine qui résultent des utilisations finales d’un produit cosmétique qui contient une substance (voir point 82 ci-dessus), alors que le règlement REACH vise les risques pour la santé humaine relatifs à l’ensemble des expositions tout au long du cycle de vie de la substance (voir point 88 ci-dessus), y compris, notamment, les risques auxquels sont exposés les travailleurs.

90      Ainsi, c’est sans commettre d’erreur de droit que la chambre de recours a considéré, aux points 85 à 92 de la décision attaquée, que l’exposition à laquelle étaient soumis les utilisateurs finaux d’un produit cosmétique ne pouvait pas être considérée comme étant une exposition qui relevait de la section 3 de l’annexe XI du règlement REACH, de sorte que l’évaluation d’une telle exposition ne devait pas figurer dans le rapport sur la sécurité chimique établi au sens de l’article 14, paragraphe 5, sous d), du même règlement. Cependant, la section 3 de l’annexe XI du règlement REACH établit que, pour qu’un déclarant puisse renoncer aux essais devant être effectués conformément aux sections 8.6 et 8.7 de l’annexe VIII et aux annexes IX et X de ce règlement, celui-ci doit prouver que les résultats de l’évaluation couvrant l’ensemble des expositions concernées tout au long du cycle de vie de la substance établissent l’absence d’exposition ou une exposition négligeable dans tous les scénarios de fabrication et pour toutes les utilisations.

91      Partant, compte tenu de la constatation effectuée au point 68 ci-dessus, il découle de l’interprétation conjointe de l’article 14, paragraphe 5, sous b), du règlement REACH et de la section 3 de l’annexe XI du même règlement que les déclarants d’une substance utilisée uniquement dans des produits cosmétiques ne sont pas exemptés de fournir les informations standards en ce qui concerne les propriétés intrinsèques de cette substance.

92      Il en découle que c’est sans commettre d’erreur de droit que la chambre de recours a conclu, d’une part, aux points 129 et 130 de la décision attaquée, que l’article 3 du règlement cosmétiques assurait la sécurité des utilisateurs finaux, de sorte que d’autres risques dus à l’exposition à la substance litigieuse, comme celui des travailleurs produisant les produits cosmétiques la contenant, n’étaient pas couverts et, d’autre part, aux points 85 à 92 de la décision attaquée, que le déclarant d’une substance utilisée uniquement dans des produits cosmétiques restait soumis à l’obligation de présenter les informations standards prévues par l’annexe IX du règlement REACH ou d’éventuelles adaptations sur la base de l’annexe XI du même règlement pour ce qui concernait l’exposition des travailleurs à ladite substance.

93      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments soulevés par la requérante.

94      S’agissant des arguments relatifs à l’annexe I du règlement cosmétiques et à la décision d’exécution 2013/674, il y a lieu de constater ce qui suit.

95      La partie A, point 8, de l’annexe I du règlement cosmétiques établit que le rapport sur la sécurité chimique comporte, « [s]ans préjudice de l’article 18 [du même règlement, le] profil toxicologique de la substance contenue dans le produit cosmétique pour tous les effets toxicologiques pertinents », de sorte que « [t]outes les voies d’absorption toxicologiques importantes sont examinées ».

96      Cependant, il convient de relever que, en premier lieu, la partie A de l’annexe I du règlement cosmétiques est intitulée « Informations sur la sécurité du produit cosmétique » et que, en second lieu, ses points 5 et 6, intitulés, respectivement, « Utilisation normale et raisonnablement prévisible » et « Exposition au produit cosmétique », se réfèrent, d’une part, à l’utilisation du produit cosmétique dans des conditions normales et prévisibles et, d’autre part, à l’exposition des utilisateurs finaux.

97      Ainsi, comme cela est constaté au point 92 ci-dessus, dans ce contexte, la partie A de l’annexe I du règlement cosmétiques doit être interprétée comme visant la sécurité d’un produit cosmétique pour ses utilisateurs finaux.

98      Partant, la partie A, point 8, de l’annexe I du règlement cosmétiques ne peut pas être interprétée comme couvrant les risques pour la sécurité des travailleurs impliqués dans la formulation d’un ingrédient d’un produit cosmétique ou dans la formulation du produit lui-même.

99      S’agissant de la décision d’exécution 2013/674, il convient de constater qu’elle ne peut pas concerner les travailleurs impliqués dans la formulation d’un ingrédient d’un produit cosmétique ou dans la formulation du produit lui-même, dans la mesure où ils ne sont pas dans la situation d’usage normal ou raisonnable du produit cosmétique, évoquée par son considérant 1, selon lequel « [i]l est essentiel que les produits cosmétiques mis à disposition sur le marché de l’Union ne présentent aucun risque pour la santé humaine lorsqu’ils sont utilisés dans des conditions d’utilisation normales ou raisonnablement prévisibles ».

100    En outre, le danger pour la santé humaine résultant, notamment, du processus de fabrication et de l’emballage, auquel se réfère la partie A de l’annexe de la décision d’exécution 2013/674, ne concerne pas les travailleurs, mais plutôt les consommateurs finaux. À cet égard, le point 3.4 de ladite annexe, intitulé « Impuretés, traces, informations concernant le matériau d’emballage », indique qu’« [u]ne trace est une petite quantité de substance présente de manière non intentionnelle dans le produit fini », que « [l]es traces doivent être évaluées au regard de la sécurité du produit fini » et que, « [é]tant donné que des substances peuvent migrer de l’emballage vers la formulation, les caractéristiques pertinentes du matériau d’emballage doivent être prises en considération ». Par ailleurs, le point 3.4.3 de la même annexe précise que « [l]a combinaison du matériau d’emballage, de la formulation du produit cosmétique et du contact avec l’environnement extérieur peut avoir une incidence sur la sécurité du produit fini ». Partant, le danger concerné par la décision d’exécution 2013/674 n’est pas celui relatif à la santé du travailleur dû à l’exposition à une substance contenue dans un produit cosmétique, mais plutôt celui relatif à la santé du consommateur final ou du professionnel qui fait un usage de ce produit dans des conditions normales.

101    S’agissant de l’argument de la requérante relatif au CSSC, il suffit de constater que le document intitulé « Notes of Guidance for the Testing of Cosmetic Ingredients and Their Safety Evaluation » (Notes d’orientation relatives aux essais d’ingrédients cosmétiques et à l’évaluation de leur sécurité), rédigé par ce comité, reproduit partiellement la fiche d’information et, notamment, la partie indiquant que, même si une substance est enregistrée uniquement comme étant un ingrédient d’un produit cosmétique, des tests sur les animaux peuvent être effectués pour évaluer le risque qu’elle présente concernant la santé des travailleurs. Ainsi, l’argument de la requérante selon lequel le CSSC contrôlerait tous les risques pour la santé humaine, y compris pour celle des travailleurs, ne peut pas être retenu, dans la mesure où la reproduction partielle de la fiche d’information démontre que ce comité considère lui-même que certains risques pour la santé humaine échappent à son contrôle et, partant, à celui du règlement cosmétiques.

102    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’exposition des utilisateurs finaux d’un produit cosmétique est la plus appropriée, elle part de la prémisse selon laquelle le consommateur d’un produit cosmétique entre plus en contact avec une substance contenue dans ce produit qu’un travailleur impliqué dans sa fabrication.

103    Cependant, cette affirmation n’est étayée par aucun élément de preuve et reste à l’état de pure allégation. En outre, comme le relève l’ECHA, il est possible que l’application occasionnelle, par voie cutanée, d’écrans solaires contenant la substance litigieuse à des concentrations relativement élevées soit sans danger pour les consommateurs, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il est sûr pour la santé d’un travailleur d’ingérer ou d’inhaler au quotidien une quantité à des concentrations inférieures de la substance litigieuse pendant une longue période. Par ailleurs, il convient de constater que, si l’interprétation proposée par la requérante devait être retenue, l’ECHA ne pourrait pas demander à un déclarant d’effectuer des tests sur les animaux pour évaluer les risques d’une substance pour la santé des travailleurs en raison du fait que cette substance, sûre pour les consommateurs, le serait aussi pour les travailleurs, de sorte que l’ECHA devrait considérer que la santé des travailleurs est protégée sans aucun repère scientifique certain et spécifique à cet égard.

104    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la santé des travailleurs est assurée par le respect de bonnes pratiques extrêmement strictes en vertu du règlement cosmétiques, il convient de rappeler que, conformément à l’examen effectué ci-dessus, le règlement cosmétiques ne concerne pas la sécurité des travailleurs, mais seulement celle des consommateurs finaux et des professionnels. En outre et en tout état de cause, il ressort également de l’examen réalisé ci-dessus que la sécurité concrète de la santé des travailleurs ne peut être déduite que de tests ou d’adaptations valables qui la confirment.

105    En outre, l’examen effectué par la chambre de recours aux points 127 à 130 de la décision attaquée ne peut être remis en cause par l’argument de PETA selon lequel la distinction effectuée par l’ECHA et la chambre de recours va à l’encontre de l’article 20, paragraphe 3, du règlement cosmétiques.

106    À cet égard, il suffit de constater que, en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, PETA a confirmé que ledit argument n’avait pas été soulevé devant la chambre de recours dans le cadre de la procédure qui a abouti à la décision attaquée. Partant, cet argument doit être rejeté comme étant irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, BASF Grenzach/ECHA, T‑125/17, EU:T:2019:638, point 475).

107    Enfin, s’agissant de l’argument de CFE selon lequel il ressort de la déclaration d’un expert, annexée à son mémoire en intervention, que toutes les données figurant dans le dossier d’information établi au titre de l’article 11 du règlement cosmétiques sont mentionnées dans le rapport sur la sécurité du produit établi au titre de l’article 10 dudit règlement, il y a lieu de constater que, au-delà des doutes exprimés par l’ECHA quant à sa recevabilité, il ne peut pas être retenu.

108    En effet, il convient de constater que, dans sa déclaration reproduite à l’annexe 3 du mémoire en intervention de CFE, l’expert sollicité par celle-ci, certes, observe que, selon lui, en premier lieu, le fait pour le producteur d’une substance de ne pas prendre en considération toutes les informations concernant la sécurité de cette substance constituerait une mauvaise pratique et que, en second lieu, l’article 10, paragraphe 1, du règlement cosmétiques semble demander la prise en compte de toutes les données pertinentes disponibles et de toute nouvelle donnée confirmative ou contenant de nouvelles informations. Cependant, contrairement à ce que CFE soutient, ledit expert n’affirme pas que, dans la pratique, toute donnée résultant d’une étude sur des animaux vertébrés serait versée automatiquement dans le rapport sur la sécurité du produit établi conformément à l’article 10 du règlement cosmétiques.

109    En outre et en tout état de cause, comme la chambre de recours l’a observé aux points 110 et 111 de la décision attaquée sans commettre d’erreur de droit, si une étude effectuée sur des animaux vertébrés devait remettre en cause la sécurité d’un produit cosmétique en contredisant le rapport sur la sécurité du produit établi conformément à l’article 10 du règlement cosmétiques, l’interdiction de la mise sur le marché de ce produit ne serait pas la conséquence de la réalisation de cette étude, effectuée pour se conformer aux obligations d’informations standards requises par le règlement REACH, mais la conséquence des résultats de cette étude et du choix du législateur figurant aux articles 3 et 18 du règlement cosmétiques, en vertu desquels un produit cosmétique doit être sûr pour les utilisateurs finaux à condition que des animaux vertébrés ne soient pas sacrifiés pour que sa sécurité soit établie.

110    À la lumière de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré, en substance, de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation commises par l’ECHA en exigeant que l’étude 443 OCDE soit conduite par voie orale et d’une violation de l’obligation de motivation

111    À l’appui de son deuxième moyen, tout d’abord, la requérante rappelle que la substance litigieuse est utilisée comme ingrédient dans des produits cosmétiques et, donc, que la voie d’exposition humaine appropriée est la voie cutanée. Elle avance, premièrement, que le règlement REACH indique que l’étude 443 OCDE doit être conduite par la voie probable d’exposition humaine, deuxièmement, que le règlement (CE) no 1272/2008, du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement no 1907/2006 (JO 2008, L 353, p. 1), indique qu’il convient d’étiqueter et de classifier les substances selon la voie d’exposition humaine potentielle et, troisièmement, que le règlement (CE) no 440/2008 de la Commission, du 30 mai 2008, établissant des méthodes d’essai conformément au règlement no 1907/2006 (JO 2008, L 142, p. 1) semble également indiquer que le choix de la voix d’administration tient compte, notamment, des voies d’exposition humaine les plus appropriées. Ainsi, la voie d’exposition la plus appropriée, y compris en ce qui concerne l’exposition des travailleurs, serait la voie cutanée et ce serait par cette voie que l’étude 443 OCDE aurait dû être conduite.

112    Ensuite, en premier lieu, la requérante soutient que l’ECHA se trompe lorsqu’elle considère, sans aucun fondement, que la voie appropriée doit être choisie de façon à « augmenter au maximum les chances » d’obtenir des résultats, arguant que « le choix de la voie cutanée ne devrait pas aboutir à une exposition suffisante du fœtus pour donner des résultats significatifs ». La requérante soutient que cette approche est dépourvue de tout fondement au regard des dispositions juridiques ou des documents d’orientation potentiellement pertinents. Dans ce contexte, elle ajoute que le fait que la voie cutanée, par rapport à la voie orale, induise un taux d’absorption de la substance potentiellement moins élevé, entre 2 et 10 % de la substance se retrouvant dans l’organisme, ne fait pas de la voie orale la « voie probable de l’exposition humaine ».

113    En deuxième lieu, la requérante affirme que l’ECHA a violé l’obligation de motivation en ce qu’elle a demandé la conduite de l’étude 443 OCDE par voie orale en ne formulant que de vagues observations, alors même que ce n’était pas la voie d’exposition humaine la plus probable. Par ailleurs, selon la requérante, l’ECHA s’étant écartée de la voie d’exposition la plus appropriée, elle aurait dû justifier son choix au regard de la situation. À cet égard, la requérante considère que les justifications de l’ECHA concernant l’exposition des travailleurs sont inopérantes, en ce que ces derniers sont protégés par des mesures ainsi que par les bonnes pratiques de laboratoire en vigueur.

114    En troisième lieu, la requérante soutient que, dans le mémoire en défense, l’ECHA a dénaturé ses arguments. À cet égard, la requérante observe que l’ECHA prétend qu’elle fait valoir qu’« une étude 443 OCDE devrait toujours être réalisée selon la voie d’exposition humaine la plus probable », alors qu’elle soutient que la voie probable d’exposition humaine constitue « la voie d’administration par défaut dans le choix de la voie pertinente ». Selon la requérante, à aucun moment elle n’a prétendu que d’autres voies ne sauraient être appropriées et qu’elles ne pouvaient pas être utilisées pour effectuer une étude 443 OCDE.

115    En quatrième lieu, la requérante conteste l’allusion faite par l’ECHA à d’autres éléments pour justifier son choix d’imposer la voie orale, tels que la conception de l’étude et les propriétés connues d’une substance, sans déterminer de quelle façon concrète la conception de l’étude ou les propriétés connues de la substance litigieuse justifient l’utilisation de la voie orale dans ce cas particulier. La requérante ne conteste pas le fait que d’autres éléments puissent influer sur le choix de la voie la plus appropriée pour réaliser des essais. Selon elle, force est toutefois de constater que ces autres éléments ne peuvent être invoqués pour s’écarter de la voie d’administration par défaut, à savoir la voie d’exposition humaine probable, que s’ils ont effectivement donné lieu à une évaluation dans le cas concret et si les motifs justifiant de les invoquer ont été fournis. La requérante considère que l’ECHA n’a fait ni l’un ni l’autre en l’espèce et que, par ailleurs, les arguments avancés par celle-ci dans le mémoire en défense confirment qu’elle n’a pas effectué d’examen de la façon concrète dont les autres éléments étaient pertinents dans la présente affaire.

116    En cinquième lieu, la requérante avance que l’ECHA tente de justifier le choix de la voie orale en affirmant qu’il n’est pas exclu que la substance « puisse être ingéré[e] ou inhalé[e] durant la fabrication de produits cosmétiques ». Selon la requérante, ce faisant, l’ECHA fait complètement fi du processus concret de fabrication et des conditions d’hygiène au travail réglementaires, dans la mesure où, au cours du processus de fabrication, aucune exposition significative des travailleurs ne saurait survenir, compte tenu des mesures de protection et des bonnes pratiques de laboratoire en vigueur. Partant, toute exposition potentielle des travailleurs par inhalation ou ingestion ne pourrait survenir que par accident ou à cause d’une mauvaise utilisation. En outre, dans une étude 443 OCDE, ce ne serait pas l’exposition aiguë à court terme à une substance, à l’instar de celle qui surviendrait en cas d’inhalation ou d’ingestion accidentelle, qui serait analysée, mais, au contraire, l’exposition chronique à long terme à une substance et ses effets sur les descendants. Ainsi, la requérante ne voit pas dans quelle mesure cela pourrait être pertinent au regard de l’exposition des travailleurs.

117    Enfin, la requérante relève que l’ECHA prétend que l’utilisation de la voie orale se justifie dans la mesure où l’étude par la voie cutanée est « une étude complexe, susceptible de causer un stress important aux animaux vertébrés, d’une manière peu susceptible de donner des résultats utiles ». À cet égard, en premier lieu, la requérante confirme que l’étude peut être menée par la voie cutanée. Deuxièmement, elle soutient que les allégations relatives au stress prétendument causé aux animaux vertébrés et à l’utilité des résultats sont infondées.

118    L’ECHA conteste les arguments de la requérante.

 Sur l’examen effectué par la chambre de recours dans la décision attaquée

119    Tout d’abord, la chambre de recours a rappelé que, dans la décision initiale, l’ECHA avait considéré que la voie orale était la voie la plus appropriée pour relever les effets dangereux des substances sur la reproduction, comme cela est indiqué dans le « Guide des exigences d’information et évaluation de la sécurité chimique » de l’ECHA, et que, dans la mesure où la substance litigieuse était liquide, le test devait être effectué par voie orale.

120    Ensuite, pour répondre aux arguments de la requérante, la chambre de recours a indiqué que la section 8.7.3, colonne 1, de l’annexe IX du règlement REACH prévoyait qu’une étude 443 OCDE devait si nécessaire être effectuée en utilisant la voie d’administration la plus appropriée à l’égard de l’exposition humaine la plus probable. À cet égard, la chambre de recours a relevé que la section 8.7.3, colonne 1, de l’annexe IX du règlement REACH se référait à la méthode d’essai B.56, tel qu’établie par le règlement (UE) no 900/2014 de la Commission, du 15 juillet 2014, modifiant, aux fins de son adaptation au progrès technique, le règlement no 440/2008 (JO 2014, L 247, p. 1). La chambre de recours a ajouté que le point 18 de la méthode d’essai B.56 exigeait que « le choix de la voie d’administration tienne compte de la voie ou des voies les plus pertinentes à l’exposition humaine » et indiquait que, « [b]ien que le protocole prévoie l’administration de la substance d’essai dans la nourriture, il [pouvait] être modifié au profit d’une autre voie d’administration (eau de boisson, gavage, inhalation, voie cutanée), en fonction des caractéristiques de la substance chimique et des informations recherchées ».

121    Enfin, en tenant compte de la méthode d’essai B.56, la chambre de recours a considéré que la voie d’exposition humaine la plus probable ne pouvait pas être le seul élément à prendre en considération pour décider de la voie d’administration de la substance litigieuse pour l’étude 443 OCDE et que d’autres éléments devaient être pris en considération, tels que la conception de l’étude et les propriétés connues d’une substance.

122    À la lumière de ces éléments, aux points 172 à 174 de la décision attaquée, en premier lieu, la chambre de recours a rejeté la demande de la requérante en considérant que, certes, dans son utilisation courante dans les produits cosmétiques d’application cutanée, la voie d’exposition la plus probable à la substance litigieuse pour les humains était la voie cutanée, mais que, cependant, l’exposition à la substance litigieuse était possible par d’autres voies, par exemple dans le processus de formulation des produits cosmétiques la contenant. En second lieu, la chambre de recours a relevé que la réalisation d’une étude 443 OCDE requérait l’exposition du fœtus à la substance testée et que l’absorption dans le corps par exposition cutanée était normalement faible. En effet, la chambre de recours a rappelé que les données existantes montraient que seuls 2 à 10 % de la substance administrée par voie cutanée étaient systématiquement présents chez les animaux de laboratoire. Partant, la chambre de recours a considéré qu’il était peu probable que l’administration de la substance litigieuse par voie cutanée dans une étude 443 OCDE conduise à une exposition suffisante du fœtus pour donner des résultats significatifs, alors que l’administration par voie orale aurait maximisé la probabilité d’obtenir des résultats utiles permettant d’évaluer la toxicité potentielle de la substance litigieuse sur la reproduction.

 Sur le bien-fondé du deuxième moyen

123    À titre liminaire, en premier lieu, s’agissant de l’étendue du contrôle effectué par la chambre de recours, il ressort de la jurisprudence qu’un recours devant cette dernière contre une décision de l’ECHA dans le contexte de l’évaluation d’une substance peut seulement avoir pour objet d’examiner si les éléments soumis par la partie requérante sont susceptibles de démontrer que cette décision est entachée d’erreurs. Partant, dans le cadre d’un tel recours, la partie requérante ne peut pas se limiter à faire valoir que le résultat de l’évaluation sur lequel est fondée ladite décision aurait dû être différent, mais il lui incombe d’avancer des arguments visant à démontrer l’existence d’erreurs entachant l’évaluation scientifique sur laquelle est fondée la décision en question (arrêt du 20 septembre 2019, BASF Grenzach/ECHA, T‑125/17, EU:T:2019:638, point 86).

124    En deuxième lieu, s’agissant du contrôle des appréciations d’ordre scientifique figurant dans une décision de l’ECHA effectué par la chambre de recours, il convient de rappeler qu’il n’est pas limité à la vérification de l’existence d’erreurs manifestes. Au contraire, à cet égard, en se fondant sur les compétences juridiques et scientifiques de ses membres, la chambre de recours doit examiner si les arguments avancés par la partie requérante sont susceptibles de démontrer que les considérations sur lesquelles la décision de l’ECHA est fondée sont entachées d’erreurs (arrêt du 20 septembre 2019, BASF Grenzach/ECHA, T‑125/17, EU:T:2019:638, point 89).

125    En troisième lieu, le juge de l’Union effectue, sur une décision de la chambre de recours concernant un recours contre une décision prise au titre de l’évaluation d’une substance, un contrôle de légalité. Selon la jurisprudence, ce contrôle est limité lorsqu’il s’agit de l’appréciation d’éléments factuels d’ordres scientifique et technique hautement complexes. En effet, s’agissant de telles appréciations, le juge de l’Union se limite à contrôler si elles sont entachées d’une erreur manifeste, d’un détournement de pouvoir ou si l’auteur de la décision a manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 20 septembre 2019, Allemagne/ECHA, T‑755/17, EU:T:2019:647, point 120 et jurisprudence citée).

126    Or, il convient de constater que la section 8.7.3, colonne 1, de l’annexe IX, du règlement REACH indique que l’étude 443 OCDE est censée être réalisée par la voie d’administration la plus appropriée à l’égard de l’exposition humaine la plus probable. Cependant, sans être contredite explicitement sur ce point, l’ECHA fait valoir que, comme la chambre de recours l’a constaté aux points 169 et 170 de la décision attaquée, le point 18 de la méthode d’essai B.56 indique clairement que la voie d’exposition humaine la plus probable est l’un des éléments, mais pas le seul, à prendre en considération pour décider de la voie d’administration, en fonction des caractéristiques de la substance concernée et des informations recherchées. Ainsi, sur la base de cette prémisse, la chambre de recours était fondée à considérer que la voie d’administration la plus probable ne pouvait pas être le seul élément à retenir afin de déterminer, en l’espèce, la méthode de réalisation de l’étude 443 OCDE.

127    En outre, premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante soulevé à l’encontre de la justification relative aux autres expositions possibles à la substance litigieuse et, notamment, à l’exposition des travailleurs, il convient de rappeler que, au point 92 ci-dessus, il a été relevé que, même dans l’hypothèse d’une substance utilisée uniquement dans des produits cosmétiques, si ces produits étaient formulés dans l’Union, le déclarant était tenu de satisfaire aux obligations découlant du règlement REACH, dans la mesure où la sécurité des travailleurs n’était pas couverte par les règles établies dans le cadre du règlement cosmétiques. Cet élément est suffisant pour conclure que la justification apportée par la chambre de recours, selon laquelle il y a d’autres expositions possibles à la substance litigieuse, n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

128    Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante soulevé à l’encontre de la justification relative au fait que l’exposition du fœtus serait plus probable si la substance litigieuse était administrée par voie orale plutôt que par voie cutanée, la requérante se borne à affirmer que cette justification ne fait pas de la voie orale la « voie probable de l’exposition humaine », sans apporter d’éléments additionnels déterminants susceptibles de remettre en cause la décision attaquée.

129    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’approche de l’ECHA est dépourvue de tout fondement au regard des dispositions juridiques ou des documents d’orientation potentiellement pertinents, il convient de relever qu’il n’est pas susceptible de remettre en cause les données relatives au taux d’absorption très bas de la substance litigieuse par le corps en cas d’administration par voie cutanée. Partant, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la chambre de recours a pu conclure que la voie orale était susceptible de permettre d’obtenir des résultats plus utiles.

130    Troisièmement, en ce qui concerne la violation de l’obligation de motivation alléguée par la requérante, il suffit de constater que, à la lumière de l’examen effectué ci-dessus, notamment aux points 119 à 122 ci-dessus, la décision attaquée est motivée et que la chambre de recours a apporté des justifications suffisantes pour permettre de comprendre les raisons qui l’ont conduite à décider que l’étude 443 OCDE devait être effectuée par voie orale, et non par voie cutanée.

131    Quatrièmement, s’agissant de l’argument de la requérante, mentionné au point 114 ci-dessus, selon lequel l’ECHA a dénaturé ses arguments dans le mémoire en défense, il suffit de constater qu’une telle dénaturation, même si elle était avérée, serait dépourvue de toute incidence sur la légalité de la décision attaquée. Ainsi, cet argument ne peut pas prospérer.

132    Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré, en substance, de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation et de violations commises par l’ECHA dans la détermination du délai pour la présentation des informations exigées

133    Par son troisième moyen, la requérante fait valoir, en substance, que, dans la détermination du délai de 42 mois figurant dans la décision attaquée, l’ECHA a commis des erreurs manifestes d’appréciation et a violé l’article 25 du règlement REACH.

134    En premier lieu, la requérante affirme qu’un délai plus long, à savoir 54 mois, est nécessaire compte tenu du temps requis pour réaliser les études exigées. La requérante relève que cette circonstance a été portée à l’attention de l’ECHA dans le cadre du processus à l’origine de l’adoption de la décision initiale et du recours à l’origine de la décision attaquée.

135    Par ailleurs, selon la requérante, l’ECHA est tenue, dans chaque décision de contrôle de conformité, de préciser « les délais appropriés » à chaque cas individuel. À cet égard, la requérante soutient avoir avancé de nombreuses raisons pour expliquer que le délai de 42 mois fixé dans la décision initiale n’était pas approprié. L’ECHA aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en ignorant ses explications.

136    La requérante ajoute que l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle les problèmes de capacité des laboratoires ne sont plus pertinents depuis l’expiration du délai d’enregistrement de 2018 est sans fondement.

137    En deuxième lieu, la requérante invoque une violation de l’article 25 du règlement REACH en ce que l’ECHA a considéré que les études 408 OCDE, 414 OCDE et 443 OCDE ne devaient pas être menées de manière séquentielle, alors qu’elle avait pourtant accepté cette modalité séquentielle dans la décision initiale.

138    À cet égard, la requérante soutient qu’il est possible, compte tenu des résultats de l’une des études exigées, que les autres études ne soient plus nécessaires. Ainsi, la réalisation, d’abord, de l’étude 408 OCDE, puis de l’étude 414 OCDE et, enfin, de l’étude 443 OCDE, qui exige l’utilisation de plus d’animaux vertébrés que les deux premières, serait une façon habituelle de procéder compte tenu du principe de l’absence de toute autre solution et afin d’éviter la réalisation d’expérimentations sur des animaux vertébrés inutiles aux termes de l’article 25 du règlement REACH.

139    En ce qui concerne l’argument de l’ECHA selon lequel aucune des études 408 OCDE, 414 OCDE ou 443 OCDE ne saurait permettre d’omettre ou d’adapter l’une des deux autres, la requérante fait valoir que, si l’étude 408 OCDE révélait un effet de grande ampleur sur les paramètres les plus pertinents du point de vue humain, cela suffirait pour exiger le classement de la substance litigieuse, avec pour conséquence que l’étude 443 OCDE ne serait pas requise pour analyser cet aspect de façon plus approfondie. En outre, dans ce cas particulier, les prétendues indications d’effets nocifs sur lesquels l’ECHA s’est fondée pour demander l’étude 443 OCDE pourraient, en fait, être évaluées et faire l’objet d’une appréciation définitive dans le cadre de l’étude 408 OCDE et de l’étude 414 OCDE. Dans ces conditions, la requérante soutient que, puisque la question de savoir si l’étude 443 OCDE est, en l’espèce, effectivement requise au titre de la section 8.7.3, colonne 1, de l’annexe IX du règlement REACH est controversée, elle devrait être autorisée, compte tenu de l’article 25 du même règlement et de l’obligation d’éviter les essais inutiles sur des animaux vertébrés, à réaliser d’abord l’étude 414 OCDE, les résultats de celle-ci pouvant démontrer l’inutilité de la réalisation de l’étude 443 OCDE en l’espèce.

140    En outre, la requérante soutient que, si les résultats de l’étude 414 OCDE faisaient apparaître des effets entraînant la classification de la substance litigieuse dans la catégorie 1B de toxicité pour la reproduction, cela signifierait que l’étude 443 OCDE n’est pas nécessaire.

141    La requérante affirme que, en considérant que le caractère séquentiel des études n’est pas justifié sur le plan scientifique, la décision attaquée exige qu’elle démarre immédiatement toutes les études afin que les résultats soient disponibles avant l’expiration du délai fixé à 42 mois. Cela pourrait entraîner le sacrifice, en plus de 100 animaux vertébrés pour l’étude 408 OCDE, d’environ 3 201 animaux vertébrés pour les études 414 OCDE et 443 OCDE, lesquelles, en fonction des résultats de l’étude 408 OCDE, pourraient ne pas être nécessaires.

142    En troisième lieu, la requérante invoque une erreur manifeste d’appréciation de l’ECHA quant au délai imposé, qui ne prend pas en compte l’éventuel besoin de conduire des investigations particulières ou des études approfondies supplémentaires à l’issue de la conduite de l’étude 414 OCDE.

143    La requérante ajoute que l’ECHA a délibérément dénaturé ses arguments en affirmant ne pas saisir  leur pertinence quant au délai d’enregistrement de l’année 2018 dans la mesure où les études 414 OCDE et 443 OCDE ne seraient pas exigées pour les enregistrements dans la fourchette de quantité comprise entre 1 et 100 tonnes par an visés par ce délai. À cet égard, la requérante soutient ne pas avoir prétendu que la disponibilité limitée des organismes de recherche sous contrat (ci-après les « ORC ») était liée au fait que ceux-ci devaient réaliser précisément les études 414 OCDE et 443 OCDE dans le contexte de la proximité du délai d’enregistrement pour l’année 2018. Au contraire, elle aurait fait valoir que les ORC avaient, de manière générale, des capacités limitées, quelles que soient les études considérées, en raison du nombre élevé d’études requises pour les enregistrements de l’année 2018.

144    Ensuite, la requérante conteste l’affirmation de l’ECHA selon laquelle les délais fixés reposeraient sur « l’expérience [de ses] experts et sur des consultations avec des [ORC] », celle-ci ne produisant, en l’espèce, pas le moindre élément de preuve attestant que le délai de 42 mois repose effectivement sur cette expérience et ces consultations.

145    Enfin, la requérante relève que le fait que l’ECHA ne justifie ni n’étaye en aucune façon ses assertions relatives au délai contraste avec son attitude à l’égard des explications et des arguments qu’elle-même a présentés quant à la raison pour laquelle un délai plus long s’imposait. À cet égard, la requérante précise qu’elle a présenté ses propres calculs sur le délai exigé et une estimation des délais requis selon un ORC. De plus, elle aurait expliqué que les autres laboratoires refusaient de produire des déclarations ou de s’engager de quelque façon que soit quant à leur disponibilité ou à un délai précis en l’absence d’une commande formelle de réalisation des études en cause.

146    L’ECHA conteste les arguments de la requérante.

 Sur l’examen effectué par la chambre de recours dans la décision attaquée

147    S’agissant de l’argument selon lequel un délai de 42 mois était trop court pour réaliser les études de manière séquentielle et pour soumettre une adaptation sur la base des résultats de l’étude 414 OCDE plutôt que d’une étude 443 OCDE, la chambre de recours a considéré, aux points 181 et 182 de la décision attaquée, ne pas avoir l’obligation, conformément à l’article 41 du règlement REACH, d’attendre qu’un déclarant établisse une adaptation pour son dossier d’enregistrement. En outre, la chambre de recours a considéré que rien ne justifiait, sur le plan scientifique, que les études requises par la décision initiale soient menées l’une après l’autre, de manière séquentielle.

148    S’agissant de l’argument tiré du fait que les laboratoires n’avaient pas la capacité de réaliser les études demandées dans la décision initiale en raison de la proximité de la date limite d’enregistrement pour l’année 2018, la chambre de recours a considéré, au point 185 de la décision attaquée, que la procédure devant elle avait un effet suspensif et que ledit délai n’était plus applicable. Partant, la chambre de recours a rejeté la demande de la requérante.

 Sur le bien-fondé du troisième moyen

149    Il convient d’examiner, d’abord, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le délai de 42 mois fixé par la décision initiale était suffisant.

150    À cet égard, il convient de relever que la chambre de recours a conclu, aux points 181 et 182 de la décision attaquée, que le délai fixé par la décision initiale n’était pas trop bref en se fondant sur deux motifs, à savoir le fait que, selon sa pratique, l’ECHA n’avait pas l’obligation, conformément à l’article 41 du règlement REACH, d’attendre qu’un déclarant établisse une adaptation pour son dossier d’enregistrement et le fait que rien ne justifiait, sur le plan scientifique, que les études requises par la décision initiale soient menées de manière séquentielle, soit l’une après l’autre.

151    En premier lieu, il convient de constater que la requérante ne conteste pas le fait que l’ECHA n’a pas l’obligation, conformément à l’article 41 du règlement REACH, d’attendre qu’un déclarant établisse une adaptation pour son dossier d’enregistrement.

152    En second lieu, s’agissant du fait qu’il n’y aurait pas de raisons scientifiques justifiant que les études 408 OCDE, 414 OCDE et 443 OCDE soient menées de manière séquentielle, il convient de constater ce qui suit.

153    D’une part, l’ECHA fait valoir qu’aucune des trois études ne peut permettre d’omettre ou d’adapter l’une des deux autres.

154    D’autre part, même si elle admet que l’étude 414 OCDE pourrait, en théorie, montrer des effets si sévères en matière de toxicité sur le développement que la substance litigieuse satisferait alors aux critères de classification en tant que substance toxique pour la reproduction de catégorie 1A ou 1B, l’ECHA souligne néanmoins que le fait que ladite substance soit classée comme telle n’exclurait pas qu’il convienne d’étudier ses effets sur la fertilité par l’intermédiaire d’une étude 443 OCDE.

155    La requérante conteste les arguments de l’ECHA en faisant valoir, en substance, que la réalisation d’une étude 443 OCDE à la suite d’une étude 414 OCDE n’est pas obligatoire dans tous les cas. Toutefois, elle reconnaît que l’opportunité de réaliser une étude 443 OCDE ne peut pas être exclue.

156    Or, dans ce contexte, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours à l’encontre d’une décision adoptée par la chambre de recours, lorsqu’il s’agit de l’appréciation d’éléments factuels d’ordres scientifique et technique hautement complexes, le contrôle que le juge de l’Union effectue est limité. En effet, s’agissant de telles appréciations, le juge de l’Union se limite à contrôler si elles sont entachées d’une erreur manifeste, d’un détournement de pouvoir ou si l’auteur de la décision a manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 20 septembre 2019, Allemagne/ECHA, T‑755/17, EU:T:2019:647, point 120 et jurisprudence citée).

157    Ainsi, à la lumière des explications fournies par l’ECHA, des arguments de la requérante et de la jurisprudence citée au point 156 ci-dessus, il y a lieu de conclure que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la chambre de recours a pu considérer qu’il n’y avait pas de raisons scientifiques justifiant que les études 408 OCDE, 414 OCDE et 443 OCDE soient menées de manière séquentielle.

158    En effet, concernant l’argument de la requérante selon lequel réaliser les études 408 OCDE, 414 OCDE et 443 OCDE de manière non séquentielle entraînerait le sacrifice de plus d’animaux et serait contraire à l’article 25 du règlement REACH, il convient de rappeler que ledit article, intitulé « Objectifs et règles générales », énonce, à son paragraphe 1, que, « [a]fin d’éviter les essais sur les animaux, les essais sur des animaux vertébrés réalisés aux fins du présent règlement ne sont effectués que s’il n’existe aucune autre solution ».

159    Selon la jurisprudence, un déclarant a, de façon générale et donc, notamment, si l’ECHA lui adresse une décision lui demandant de compléter son dossier d’enregistrement par une étude impliquant la réalisation d’essais sur des animaux, non pas simplement la possibilité, mais bien l’obligation de produire « autant que possible » des informations obtenues par des moyens autres que des essais sur des animaux et de n’effectuer de tels essais « que s’il n’existe aucune autre solution » (arrêt du 21 janvier 2021, Allemagne/Esso Raffinage, C‑471/18 P, EU:C:2021:48, point 132).

160    Or, il suffit de constater que, selon l’article 25 du règlement REACH, si l’ECHA demande à un déclarant de compléter son dossier d’enregistrement, ce dernier a l’obligation de produire « autant que possible » des informations obtenues par des moyens autres que des essais sur des animaux et de n’effectuer de tels essais « que s’il n’existe aucune autre solution ».

161    En outre, il ressort de l’examen effectué ci-dessus que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la chambre de recours a conclu que les études 408 OCDE, 414 OCDE et 443 OCDE ne devaient pas être réalisées de manière séquentielle. Partant, la demande de l’ECHA de réalisation desdites études de manière non séquentielle n’est pas contraire à l’article 25 du règlement REACH.

162    Enfin, l’argument de la requérante concernant les problèmes de capacité des laboratoires doit être rejeté. En effet, le recours devant la chambre de recours a produit un effet suspensif sur la décision initiale, de sorte que d’éventuels problèmes de capacité des laboratoires au cours de l’année 2018 sont dépourvus de pertinence, dans la mesure où, au point 192 de la décision attaquée, la chambre de recours a fixé un nouveau délai au 25 février 2024 pour que la requérante réalise les études 408 OCDE, 414 OCDE et 443 OCDE.

163    Partant, le troisième moyen doit être rejeté ainsi que le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

164    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

165    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’ECHA, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

166    Conformément à l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, CFE, PETA et EFfCI supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Symrise AG supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), y compris ceux afférents à la procédure de référé.

3)      Cruelty Free Europe (CFE), PETA International Science Consortium Ltd, PETA Science Consortium International eV et European Federation for Cosmetics Ingredients (EFfCI) supporteront, chacune, leurs propres dépens.

Kanninen

Jaeger

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.