Language of document : ECLI:EU:T:2003:334

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
11 décembre 2003 (1)

«Concurrence – Règlement (CEE) n° 4056/86 – Vérification de locaux d'une société distincte de celle destinataire de la décision de vérification – Article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) – Fixation des prix – Preuve de l'infraction – Erreur d'appréciation des faits – Amendes – Proportionnalité – Circonstances atténuantes»

Dans l'affaire T-59/99,

Ventouris Group Enterprises SA, établie à Panama (Panama), représentée par Mes M. Proestou, M. Velmachou et E. Kinini, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. R. Lyal et D. Triantafyllou, en qualité d'agents, assistés de Me A. Oikonomou, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 1999/271/CE de la Commission, du 9 décembre 1998, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/34.466 – Transbordeurs grecs) (JO 1999, L 109, p. 24),



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),



composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme P. Lindh, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 2 juillet 2002,

rend le présent



Arrêt




Faits à l’origine du recours

1
La requérante, Ventouris Group Enterprises SA, est une société maritime d’exploitation de transbordeurs qui assure des services de transport de passagers et de véhicules entre la Grèce et l’Italie, principalement sur la ligne entre Patras et Bari.

2
À la suite d’une plainte adressée par un usager en 1992, selon laquelle les tarifs des transbordeurs étaient très semblables sur les lignes maritimes entre la Grèce et l’Italie, la Commission, agissant en vertu de l’article 16 du règlement (CEE) n° 4056/86 du Conseil, du 22 décembre 1986, déterminant les modalités d’application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes (JO L 378, p. 4), a adressé des demandes de renseignements à certains exploitants de transbordeurs. Puis, conformément à l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 4056/86, elle a procédé à des vérifications dans les bureaux de six exploitants de transbordeurs, à raison de cinq en Grèce et de un en Italie.

3
En particulier, le 4 juillet 1994, la Commission a adopté la décision C (94) 1790/5, imposant à la société Minoan Lines de se soumettre à une vérification (ci-après la «décision de vérification»). Les 5 et 6 juillet 1994, les agents de la Commission ont procédé à l’inspection des locaux situés avenue Kifissias 64 B, Maroussi, à Athènes, lesquels se sont révélés par la suite appartenir à la société European Trust Agency (ci-après l’«ETA»), une entité juridique distincte de celle mentionnée dans la décision de vérification. Au cours de cette vérification, la Commission a obtenu copie d’un grand nombre de documents considérés par la suite comme pièces à charge à l’égard des diverses entreprises visées par l’enquête.

4
Postérieurement, d’autres demandes de renseignements au titre de l’article 16 du règlement n° 4056/86 ont été adressées à la requérante ainsi qu’à d’autres compagnies maritimes afin que celles-ci fournissent un complément d’informations sur les documents découverts lors des vérifications.

5
Par décision du 21 février 1997, la Commission a ouvert une procédure formelle en envoyant une communication des griefs à neuf sociétés, dont la requérante.

6
Le 9 décembre 1998, la Commission a adopté la décision 1999/271/CE, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CE (IV/34.466 ─ Transbordeurs grecs) (JO 1999, L 109, p. 24, ci-après la «Décision»).

7
La Décision comprend les dispositions suivantes:

«Article premier

1. Minoan Lines, Anek Lines, Karageorgis Lines, Marlines et Strintzis Lines ont enfreint l’article 85, paragraphe 1, du traité CE en s’accordant sur les prix à appliquer aux services de transbordeurs rouliers entre Patras et Ancône.

La durée des infractions est la suivante:

a)
dans le cas de Minoan Lines et Strintzis Lines, du 18 juillet 1987 à juillet 1994;

b)
dans le cas de Karageorgis Lines, du 18 juillet 1987 au 27 décembre 1992;

c)
dans le cas de Marlines SA, du 18 juillet 1987 au 8 décembre 1989;

d)
dans le cas d’Anek Lines, du 6 juillet 1989 à juillet 1994.

2. Minoan Lines, Anek Lines, Karageorgis Lines, Adriatica di Navigazione SpA, Ventouris Group Enterprises SA et Strintzis Lines ont enfreint l’article 85, paragraphe 1, du traité CE en s’accordant sur les niveaux de prix devant être appliqués aux véhicules utilitaires sur les lignes de Patras à Bari et Brindisi.

La durée des infractions est la suivante:

a)
dans le cas de Minoan Lines, Ventouris Group Enterprises SA et Strintzis Lines, du 8 décembre 1989 à juillet 1994;

b)
dans le cas de Karageorgis Lines, du 8 décembre 1989 au 27 décembre 1992;

c)
dans le cas d’Anek Lines, du 8 décembre 1989 à juillet 1994;

d)
dans le cas d’Adriatica di Navigazione SpA, du 30 octobre 1990 à juillet 1994.

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes pour l’infraction constatée à l’article 1er:

Minoan Lines: une amende de 3,26 millions d’écus,

Strintzis Lines: une amende de 1,5 million d’écus,

Anek Lines: une amende de 1,11 million d’écus,

Marlines SA: une amende de 0,26 million d’écus,

Karageorgis Lines: une amende de 1 million d’écus,

Ventouris Group Enterprises SA: une amende de 1,01 million d’écus,

Adriatica di Navigazione SpA: une amende de 0,98 million d’écus.

[...]»

8
La Décision a été adressée à sept entreprises: Minoan Lines, établie à Héraklion, Crète (Grèce) (ci-après «Minoan»), Strintzis Lines, établie au Pirée (Grèce) (ci-après «Strintzis»), Anek Lines, établie à Hania, Crète (ci-après «Anek»), Marlines SA, établie au Pirée (ci-après «Marlines»), Karageorgis Lines, établie au Pirée (ci-après «Karageorgis»), Ventouris Group Enterprises SA, établie au Pirée (ci-après la «requérante» ou «Ventouris Ferries»), et Adriatica di Navigazione SpA, établie à Venise (Italie) (ci-après «Adriatica»).


Procédure et conclusions des parties

9
Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 1er mars 1999, la requérante a introduit un recours en annulation à l’encontre de la Décision.

10
Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande de sursis à l’exécution de la Décision ainsi qu’une demande de dispense de son obligation de constituer une garantie bancaire. Par ordonnance du 20 juillet 1999, le président du Tribunal a rejeté ces demandes et les dépens ont été réservés.

11
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a demandé à la Commission de répondre par écrit à une question et de produire certains documents. La Commission a déféré à ces demandes dans le délai imparti.

12
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience qui s’est déroulée le 2 juillet 2002.

13
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

annuler la Décision, en tout ou en partie; à titre subsidiaire,

annuler l’amende infligée à la requérante ou réduire son montant;

condamner la Commission aux dépens.

14
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter le recours dans son ensemble;

condamner la requérante aux dépens.


En droit

15
La requérante invoque quatre moyens à l’appui des ses conclusions tendant à l’annulation de la Décision. Le premier moyen est tiré d’une appréciation erronée des éléments de fait en ce que la Décision estime établie la participation de la requérante à un accord de fixation des prix pour la ligne Patras-Bari. Le deuxième moyen est tiré de l’illégalité de la vérification réalisée auprès de l’ETA au cours de laquelle la Commission aurait obtenu la plupart des éléments de preuve. Le troisième moyen, soulevé à titre subsidiaire, est tiré d’une application erronée de l’article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) aux faits de l’espèce en ce qu’il s’agirait d’accords d’importance mineure. Le quatrième moyen est tiré d’un défaut de motivation.

16
À titre encore plus subsidiaire, à l’appui de ses conclusions tendant à l’annulation ou à la réduction de l’amende infligée, la requérante invoque un cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité dans la détermination de l’amende en ce qui concerne l’appréciation de la durée et de la gravité de l’infraction ainsi que de la part de responsabilité de la requérante dans l’infraction.

I –  Sur les conclusions tendant à l’annulation de la Décision

Sur le premier moyen, tiré d’une appréciation erronée des éléments de fait en ce que la Commission estime établie la participation de la requérante à un accord de fixation des prix pour la ligne Patras-Bari

A – Considérations préalables

Arguments des parties

17
La requérante fait observer, tout d’abord, que c’est elle qui a créé la ligne de transbordeurs Patras-Igoumenitsa-Corfou-Bari en 1984 et qui, avec ses propres moyens, a contribué, en collaboration avec les autorités locales italiennes, à la création d’une infrastructure appropriée dans le port de Bari, permettant l’accostage de navires adaptés au transport de véhicules utilitaires, afin de satisfaire aux besoins du marché et d’offrir un service de meilleure qualité au consommateurs, aux passagers et aux transporteurs. Elle soutient avoir généré une clientèle fidèle et stable, qui, en ce qui concerne le transport de véhicules utilitaires, serait constituée de sociétés de transport international avec lesquelles elle collabore depuis plusieurs années sur la base de conventions spécifiques conclues avec chacune d’elles. Ainsi, chaque ligne maritime aurait ses propres caractéristiques géopolitiques et économiques et viserait un public différent. Dès lors, les sociétés maritimes qui assuraient une ligne spécifique n’auraient aucun intérêt, d’un point de vue économique, technique et commercial, à assurer une ou plusieurs autres lignes maritimes.

18
La requérante fait valoir que, eu égard à sa position spécifique et éminente sur la ligne Patras-Bari ainsi qu’à la stabilité et fidélité de sa clientèle, elle n’avait aucune raison de conclure des accords avec d’autres compagnies exerçant leurs activités sur des lignes maritimes différentes (Patras-Ancône, Patras-Brindisi) en vue de fixer les prix applicables aux véhicules utilitaires, comme le lui reproche la Commission. Au contraire, la requérante soutient quルelle avait la possibilité de déterminer, seule, sa politique commerciale et sa politique de prix, ce qu’elle aurait fait en tenant compte des conditions du marché, de la concurrence régnant sur celui-ci, de l’inflation, des fluctuations de la drachme grecque et du coût de fonctionnement des navires qu’elle exploitait. En outre, elle précise que sa politique commerciale a toujours été adoptée dans les limites du cadre tracé par les recommandations et les prescriptions du ministère hellénique de la Marine marchande en vue d’éviter les actes de concurrence déloyale et la fixation des prix à des niveaux «particulièrement dépréciés».

19
Elle estime que la Commission a fait une évaluation erronée des éléments de preuve en concluant à sa participation à un accord visant à fixer les prix applicables sur la ligne Patras-Bari aux véhicules utilitaires durant la période allant du 8 décembre 1989 à juillet 1994. Ainsi, elle reproche à la Commission d’avoir conclu à sa participation à un accord à partir d’éléments de preuve consistant en une correspondance échangée entre d’autres compagnies, qui concerne essentiellement une autre ligne maritime, à savoir celle unissant Patras à Ancône, et d’avoir conclu à sa participation au prétendu accord à partir de citations de la requérante que certaines des compagnies ont jugé utile de faire dans ladite correspondance. À cet égard, la requérante tient à préciser que, lors de la vérification effectuée sans préavis dans ses bureaux, la Commission n’a trouvé aucun document ou élément établissant qu’elle avait participé ou collaboré à un accord ou à des accords visant à fixer les prix applicables aux véhicules utilitaires.

20
De surcroît, la requérante reproche à la Commission de n’avoir pas pris en considération, comme éléments de preuve à décharge, une série de documents dont la Commission avait pris connaissance lors des vérifications (correspondance échangée entre les compagnies exerçant essentiellement leurs activités sur la ligne Patras-Ancône) et qui prouveraient l’inexistence d’un accord de la requérante avec celles-ci en vue de fixer les prix.

21
Ensuite, elle expose les raisons pour lesquelles elle estime que les divers éléments de preuve utilisés par la Commission pour justifier les griefs formulés à son égard ne peuvent être considérés comme probants.

22
La Commission relève, à titre liminaire, que, au considérant 5 de la Décision, elle a indiqué que les trois lignes maritimes en question n’étaient pas exploitées de manière isolée comme des marchés distincts, mais qu’elles présentaient un certain degré d’interchangeabilité. De plus, elle estime que la requérante admet indirectement que ces trois lignes constituent un marché unique, puisqu’elle affirme avoir été amenée à adapter les taux d’augmentation des prix pour 1993 et 1994 en fonction du taux souhaité par les compagnies des autres lignes aux fins d’éviter une guerre des prix.

23
En ce qui concerne la position éminente de la requérante sur la ligne Patras-Bari, la Commission souligne que l’article 85 du traité porte sur les ententes ayant pour but ou pour effet de limiter non seulement la concurrence effective, mais aussi la concurrence potentielle sur le marché visé. Or la requérante n’établirait pas qu’il était impossible (économiquement, techniquement ou commercialement) pour les sociétés exploitant d’autres lignes sur ledit marché d’exploiter la ligne Patras-Bari. À cet égard, la Commission considère que les allégations de la requérante sont arbitraires et contradictoires. En effet, tout en reconnaissant que les trois lignes en question reliaient la Grèce à l’Italie et qu’une de ces lignes pouvait, dans une certaine mesure, en remplacer une autre, la requérante prétend que chaque ligne avait ses propres caractéristiques géopolitiques et économiques et s’adressait à un public différent, et que, par conséquent, chaque ligne fonctionnait en fin de compte de manière autonome.

24
Par conséquent, l’affirmation de la Commission selon laquelle le marché en cause est celui de la prestation de services de transports par transbordeurs rouliers entre la Grèce et l’Italie et selon laquelle les diverses lignes de ce marché ne sont pas exploitées séparément comme des marchés distincts, mais présentent un certain degré d’interchangeabilité (considérants 3 à 5 de la Décision), ne serait pas contredite sur le fond.

25
La Commission estime ensuite que l’argument de la requérante selon lequel elle n’avait aucune raison de conclure des accords est dépourvue de pertinence dès lors que sa participation aux accords visant à fixer les tarifs internationaux applicables aux véhicules utilitaires a été démontrée.

Appréciation du Tribunal

26
Les arguments de la requérante visent à distinguer les diverses lignes maritimes unissant la Grèce à l’Italie et à reprocher à la Commission d’avoir omis, sans justification, de prendre en compte les différences fondamentales existant entre ces lignes. La Commission conteste l’approche de la requérante et soutient la thèse de l’infraction unique. Dès lors, se pose la question de la nature de l’infraction sanctionnée par la Décision, question qui doit être examinée avant de procéder à l’analyse de l’activité de recherche des éléments de preuve déployée par la Commission à l’égard de la requérante.

27
Le libellé du dispositif de la Décision indique que la Commission a sanctionné en l’espèce deux infractions: l’article 1er, paragraphe 1, vise un accord sur les prix des divers services de transport (véhicules utilitaires, passagers, véhicules des passagers, etc.) fournis par les transbordeurs rouliers entre Patras et Ancône; l’article 1er, paragraphe 2, vise un accord sur les prix du transport des véhicules utilitaires à appliquer sur les lignes de Patras à Bari et à Brindisi.

28
S’agissant de la première infraction, qui aurait eu lieu de juillet 1987 à juillet 1994, seules des entreprises assurant la ligne Patras-Ancône y auraient participé. Il s’agit de Minoan, d’Anek, de Karageorgis, de Marlines et de Strintzis. En revanche, s’agissant de la seconde infraction, celle concernant les lignes de Patras à Bari et à Brindisi de décembre 1989 à juillet 1994, trois des entreprises assurant lesdites lignes (Adriatica, Ventouris et Strintzis), mais également trois entreprises qui n’assurent pas lesdites lignes (Minoan, Anek et Karageorgis), y auraient participé. Il convient de noter, à cet égard, que la Commission n’a pas inversement estimé que les entreprises assurant les lignes du Sud (de Patras à Bari et à Brindisi) avaient pris part à une entente avec les entreprises assurant les lignes du Nord (de Patras à Ancône) concernant les prix applicables sur ces dernières lignes.

29
La Commission considère que la Décision ne vise pas deux infractions distinctes, mais une seule et même infraction ininterrompue. Elle soutient que l’article 1er de la Décision doit être lu à la lumière des motifs de la Décision et fait valoir que ces motifs se réfèrent toujours à un accord unique sur les trois lignes (Ancône/Bari/Brindisi-Patras) considérées comme formant un marché unique. Elle cite notamment le considérant 144 in fine de la Décision dans lequel elle a signalé:

«Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission estime que Minoan, Anek, Karageorgis, Marlines et Strintzis ont participé à un accord contraire à l’article 85 du traité, en s’accordant sur les prix qui seraient appliqués aux services de transbordeurs rouliers entre Patras et Ancône. La Commission considère également que Minoan, Anek, Karageorgis, Strintzis, Ventouris Ferries et Adriatica Navigazione se sont accordées sur les niveaux de prix devant être appliqués aux véhicules utilitaires sur les lignes Patras-Bari et Patras-Brindisi. Ces accords se sont inscrits dans le cadre d’un mécanisme collusoire plus vaste sur la fixation des prix des services de transbordeurs entre l’Italie et la Grèce. C’est pourquoi ils ne doivent pas être considérés comme des infractions distinctes, mais comme une seule et même infraction ininterrompue.»

30
Il est incontestable que le dispositif de la Décision et le considérant 144 de celle-ci ne reflètent pas la même idée dès lors que le dispositif ne retient pas l’existence d’une infraction unique.

31
Or, il convient de rappeler que c’est par le dispositif des décisions que la Commission indique la nature et l’étendue des infractions qu’elle sanctionne. Il doit être relevé qu’en principe, s’agissant précisément de la portée et de la nature des infractions sanctionnées, c’est le dispositif et non les motifs qui importe. C’est uniquement dans le cas d’un manque de clarté des termes utilisés dans le dispositif qu’il convient de l’interpréter en ayant recours aux motifs de la Décision. Comme l’a jugé la Cour, en vue de définir les personnes faisant l’objet d’une décision constatant une infraction, il convient de s’en tenir au dispositif de cette décision, lorsque celui-ci ne prête pas au doute (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 5073, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 315).

32
En l’espèce, le libellé du dispositif de la Décision ne présente aucune ambiguïté; au contraire, il est clair et précis. Il ressort clairement de celui-ci que la Commission a considéré établies, d’une part, une entente entre les compagnies assurant la ligne du Nord (Patras-Ancône) sur les prix applicables à cette ligne et, d’autre part, une entente entre toutes les entreprises visées par la Décision (à l’exception de Marlines) sur les prix d’un des services de transport fournis sur les lignes du Sud (Patras-Bari et Patras-Brindisi), celui des véhicules utilitaires. En outre, non seulement aucune mention n’est faite dans le dispositif de la Décision quant au caractère unique de l’infraction, mais, de plus, le dispositif est particulièrement précis dans sa description des infractions sanctionnées. En effet, d’une part, l’article 1er de la Décision est subdivisé en deux paragraphes visant des entreprises distinctes et, d’autre part, pour ce qui est du groupe d’entreprises visées au paragraphe 2 de l’article 1er de la Décision, le dispositif précise que la violation de l’article 85, paragraphe 1, du traité réside dans le fait qu’elles se sont accordées sur les niveaux de prix devant être appliqués aux véhicules utilitaires et ce uniquement sur les lignes Patras-Bari et Patras-Brindisi. Il s’ensuit que les deux paragraphes de l’article 1er de la Décision visent des infractions qui sont distinctes pour deux raisons: elles visent des entreprises différentes et elles ont une portée ou une intensité différente.

33
Le dispositif de la Décision n’étant pas ambigu, dans l’examen des divers moyens soulevés en l’espèce, il y a lieu de considérer que ce que la Commission a établi et sanctionné ce n’est pas une infraction unique concernant toutes les lignes, mais bien deux infractions distinctes, une concernant la ligne du Nord (article 1er, paragraphe 1) et une autre concernant les lignes du Sud (article 1er, paragraphe 2). S’agissant de la requérante, il ressort clairement de la Décision que celle-ci ne lui impute d’autres responsabilités que celles afférentes à l’infraction visée à l’article 1er, paragraphe 2, de la Décision.

B – Sur le bien-fondé du moyen

34
Eu égard à ce qui précède, dans le cadre du premier moyen, il convient d’examiner si c’est à juste titre que la requérante soutient que la Commission a commis une erreur d’appréciation en considérant les documents cités dans la Décision comme des preuves documentaires de sa participation à l’entente visée à l’article 1er, paragraphe 2, de la Décision, à savoir un accord de fixation des prix pour le transport des véhicules utilitaires sur les lignes de Patras à Bari et Brindisi entre le 8 décembre 1989 et le mois de juillet 1994. L’examen du bien-fondé de ce moyen exige une analyse détaillée des diverses preuves documentaires sur lesquelles reposent les appréciations de la Commission concernant la participation de la requérante à cette entente.

1. Sur la télécopie du 8 décembre 1989

–     Arguments des parties

35
La requérante se réfère tout d’abord à une télécopie adressée par Strintzis le 8 décembre 1989 à Anek, à Minoan, à Karageorgis et à la compagnie Hellenic Mediterranean Lines, à laquelle étaient jointes de prétendues «listes de prix» applicables aux véhicules utilitaires à partir du 10 décembre 1989 sur les lignes Patras-Ancône et Patras-Bari/Brindisi. Elle fait valoir que c’est à tort que, se fondant sur cette télécopie, la Commission a conclu, aux considérants 128 et 129 de la Décision, qu’elle avait participé à un accord visant à fixer les prix applicables aux véhicules utilitaires en 1990 (et valant à compter du 8 décembre 1989). Elle soutient qu’elle avait arrêté et fixé ses prix applicables en 1990 au transport de véhicules utilitaires bien avant que Strintzis n’envoie ladite télécopie. Afin d’étayer cette affirmation, la requérante se réfère, en particulier, à un télex qu’elle a adressé le 4 décembre 1989 à son agent principal en Italie, Pan Travel, lui communiquant ses nouveaux prix applicables aux véhicules utilitaires.

36
La requérante soutient que les «listes de prix» qui étaient jointes à la télécopie du 8 décembre 1989 ne constituaient pas un «accord» en vue de fixer les prix applicables aux véhicules utilitaires qu’elle aurait conclu avec les autres compagnies destinataires de la Décision, mais reflétaient simplement les prix qu’il était, selon elle, raisonnable d’appliquer sur les lignes assurant la liaison entre la Grèce et l’Italie et qu’elle avait déjà antérieurement décidé d’appliquer sur la ligne Patras-Bari. Ce serait, enfin, compte tenu du fait que le document en question reflétait les prix que la requérante estimait raisonnables et que, dans la mesure où ils concernaient la ligne Patras-Bari, elle avait déjà antérieurement arrêtés et publiés par l’intermédiaire de son réseau d’agents, que la requérante aurait signé ce document. La requérante tient à préciser que, afin de parvenir à communiquer ses prix le 4 décembre 1989, il avait fallu auparavant une longue période au cours de laquelle les départements compétents de la compagnie avaient traité les données résultant de leur analyse du marché concerné ainsi que de leurs prévisions quant aux fluctuations probables de la drachme grecque par rapport aux autres monnaies européennes et aux fluctuations probables du marché pétrolier, avant que leur proposition concernant les prix ne soit formulée et soumise au conseil d’administration de la société et qu’elle soit finalement approuvée ou modifiée. Partant, la Commission ne pourrait soutenir que, puisque les «tarifs» annexés à la télécopie du 8 décembre 1989 ne comportent pas de date, la requérante aurait pu avoir contresigné ces tarifs quelques jours plus tôt.

37
La requérante ajoute que, en tout état de cause, un document qui reprend certains prix indicatifs et sur lequel figurent seulement quelques signatures ne constitue pas un accord, dès lors qu’il est dépourvu des caractéristiques consacrant son caractère obligatoire, à savoir le fait qu’il prévoit des sanctions en cas de violation de l’accord, l’application d’éventuelles clauses pénales, le versement de dommages-intérêts, etc.

38
La Commission souligne tout d’abord que la requérante admet avoir signé le barème des prix joint à la télécopie du 8 décembre 1989. Ensuite, elle rappelle qu’il n’est pas nécessaire qu’un «accord» au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité soit de nature contraignante et qu’il suffit que les entreprises concernées aient manifesté leur volonté commune de se comporter d’une certaine manière sur le marché (arrêts du Tribunal du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission, T-1/89, Rec. p. II-867, point 120, et du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T-347/94, Rec. p. II-1751, point 65).

39
Eu égard à ce qui précède, il importerait peu de savoir si le barème en question exprimait les niveaux des tarifs que la requérante tenait pour raisonnables et qui faisaient l’objet de l’accord conclu avec les autres entreprises incriminées ou si ledit barème exprimait la proposition de celles-ci à laquelle la requérante aurait adhéré.

–     Appréciation du Tribunal

40
La télécopie envoyée le 8 décembre 1989 par Strintzis à Minoan, à Anek, à Karageorgis et à la compagnie Hellenic Mediterranean Lines contient des indications relatives aux prix pour le transport de véhicules utilitaires à appliquer à compter du 10 décembre 1989 sur les lignes de Patras à Ancône, de Patras à Bari et de Patras à Brindisi. L’auteur s’y exprime dans les termes suivants: «Veuillez trouver ci-joint une photocopie de la liste des prix applicables aux véhicules utilitaires sur les lignes reliant la Grèce et l’Italie signée également par Ventouris Ferrys.» Cette liste de prix est signée par Strintzis, par les diverses compagnies destinataires et par la requérante.

41
Il convient de constater, d’abord, que, dans sa requête, la requérante admet avoir signé la liste des prix jointe à cette télécopie.

42
Cette télécopie constitue donc un indice clair de l’existence d’un accord de fixation des prix applicables aux véhicules utilitaires entre les compagnies en cause, y compris la requérante. Le fait que la requérante ne figure pas parmi les destinataires de cette télécopie n’est pas de nature à contredire cette appréciation ni à conclure qu’elle ne faisait pas partie de l’entente, étant donné que l’auteur de cette télécopie indique expressément que la requérante est d’accord avec les prix proposés.

43
La requérante fait valoir qu’elle avait communiqué, le 4 décembre 1989, à son réseau d’agents ses nouveaux prix applicables en 1990 aux véhicules utilitaires et soutient que ce fait démontre que la liste de prix qui était jointe à la télécopie envoyée par Strintzis le 8 décembre 1989 ne constituait pas un accord, mais reflétait simplement les prix qu’il était, selon elle, raisonnable d’appliquer sur les lignes assurant la liaison entre la Grèce et l’Italie et qu’elle avait déjà antérieurement décidé d’appliquer sur la ligne Patras-Bari.

44
Cet argument ne peut être retenu.

45
Tout d’abord, comme le souligne la Commission, étant donné que la liste de prix jointe à la télécopie ne comporte pas de date, les dates de conclusion et de signature de l’accord restent à déterminer, celles-ci ayant pu avoir lieu le jour même où la télécopie a été envoyée ou quelques jours plus tôt. Plusieurs éléments semblent indiquer que l’accord sur les nouveaux prix avait été conclu avant la date d’envoi de la télécopie.

46
En premier lieu, le fait que l’auteur de la télécopie déclare que le tarif applicable aux camions a déjà été signé par Ventouris semble indiquer qu’à une date antérieure à son envoi la requérante avait déjà exprimé son accord. Comme le suggère la Commission, la liste communiquée le 8 décembre 1989 par Strintzis à Anek, à Minoan, à Karageorgis et à Hellenic Mediterranean Lines, contenant les signatures de ces cinq entreprises ainsi que celle de la requérante, aurait pu être signée même avant le 4 décembre, date à laquelle la requérante a procédé à la communication des prix applicables en 1990 à ses agents. Dans ces circonstances, c’est-à-dire si, une fois la liste des prix signée, elle avait procédé à sa communication immédiate aux agents de la compagnie, le télex du 4 décembre 1989 ne ferait que refléter l’application pratique des accords qu’elles avaient conclus auparavant. La requérante soutient que ses prix avaient été imités par les autres entreprises. Toutefois, une telle thèse ne peut être retenue, d’une part, parce que la télécopie signale expressément que la requérante est partie à l’accord et, d’autre part, parce que, même à admettre, comme la requérante le soutient, qu’elle avait déjà décidé d’appliquer d’une manière autonome les nouveaux prix, le fait non contesté qu’elle a contresigné une liste de prix ne saurait être interprété que comme une adhésion à un accord sur les prix futurs.

47
En second lieu, il convient de constater que les deux barèmes de prix applicables aux véhicules utilitaires pour 1990, celui du 4 décembre 1989 que la requérante prétend avoir fixé de façon autonome, et celui du 8 décembre 1989, qui a été signé par toutes les entreprises, non seulement présentaient exactement les mêmes tarifs, mais, en outre, prévoyaient comme date de mise en application le 10 décembre 1989.

48
Dans ces circonstances, la Commission pouvait à juste titre estimer que l’explication la plus plausible était que le barème commun des prix avait été décidé avant la date du 4 décembre 1989, mais que, pour des raisons non précisées, il n’a été envoyé que le 8 décembre 1989 aux autres compagnies. En fait, la signature d’un tel barème de prix par les six entreprises concernées n’aurait pu intervenir qu’au cours d’une réunion ou d’un envoi circulaire et préalable des pages en question. Dès lors, il semble probable que les destinataires de la télécopie de Strintzis du 8 décembre 1989 aient signé le document, chacun à leur tour, sur invitation de Strintzis et que, la requérante ayant été la dernière à le faire, elle ait gardé une copie du document signé par toutes les entreprises intéressées avant de le rendre à Strintzis, laquelle, agissant en quelque sorte comme secrétaire, aurait indiqué aux quatre autres sociétés que toutes les compagnies intéressées avaient signé en leur faisant parvenir une copie du barème des prix avec les six signatures.

49
En tout état de cause, même à supposer que les prix figurant dans le barème correspondent à des prix décidés antérieurement par la requérante, le seul fait non contesté qu’elle a envoyé ces prix à Strintzis suffirait pour conclure à sa participation à l’accord de fixation des prix dont fait état la télécopie du 8 décembre 1989. Deux circonstances confirment cette interprétation des faits: d’une part, la signature de la liste de prix par de toutes les compagnies, y compris la requérante et, d’autre part, le fait que Strintzis ait souligné expressément que la requérante était d’accord avec les prix proposés, aucune autre explication du fait que la requérante a décidé de communiquer ses prix pour 1990 à ses concurrents n’étant envisageable.

50
En fait, eu égard à l’importance et à la présence traditionnelle de la requérante sur la ligne Patras-Bari, qu’elle était la seule à assurer jusqu’en 1990, comme elle le souligne dans le préambule de sa requête, l’argument de la requérante selon lequel elle était la compagnie qui a étudié en détail et à l’avance les tarifs à appliquer en 1990 à la ligne Patras-Bari et qui a communiqué aux autres sociétés ses appréciations sur les prix à appliquer ne fait que confirmer l’importance du rôle de la requérante dans la mise en pratique de ce volet de l’entente. Dans ces conditions, comme le souligne la Commission, cette circonstance ne décharge pas la requérante de toute responsabilité.

51
La requérante ne peut prétendre qu’il s’agissait seulement de prix indicatifs, car si tel avait été le cas, elle n’aurait pas eu besoin de se compromettre à l’égard des autres entreprises souscrivant au barème. Il s’ensuit qu’il s’agissait d’un accord de fixation de prix entre les entreprises concernées et non d’un simple échange d’informations entre celles-ci.

52
S’agissant de l’absence d’obligation pour les entreprises signataires du barème de respecter les tarifs, évoquée par la requérante, il suffit de rappeler qu’il n’est pas nécessaire pour qu’une entente entre entreprises corresponde à un accord interdit par l’article 85, paragraphe 1, du traité d’être en présence d’un contrat de nature contraignante. Il suffit que les entreprises concernées aient manifesté leur volonté de se comporter d’une certaine manière sur le marché (arrêts Mayr-Melnhof/Commission, précité, point 65, et Rhône-Poulenc/Commission, précité, point 120).

53
En outre, il ressort de la jurisprudence que, aux fins de l’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité, la prise en considération des effets concrets d’un accord est superflue, dès lors qu’il apparaît que celui-ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun (arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429, et arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25/95, T-26/95, T-30/95 à T-32/95, T-34/95 à T-39/95, T-42/95 à T-46/95, T-48/95, T-50/95 à T-65/95, T-68/95 à T-71/95, T-87/95, T-88/95, T-103/95 et T-104/95, Rec. p. II-491, points 1120 et 1170).

54
Dès lors, le fait que les six sociétés en cause ont signé un barème de prix applicable aux différentes catégories de services, qui prévoit une date unique de début de mise en oeuvre, suffit à démontrer qu’un accord existait. Dans les circonstances de l’espèce, la requérante ne saurait se prévaloir de son ignorance des conséquences de sa signature du barème de prix. Elle aurait dû s’attendre à ce que la communication des prix qu’elle avait décidé d’appliquer et la signature postérieure par tous ses concurrents d’un barême de prix unique avec les mêmes tarifs applicable à une date déterminée pouvait constituer un accord sur les prix interdit par le traité. En effet, il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une infraction puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n’est pas nécessaire que l’entreprise ait eu conscience d’enfreindre l’interdiction de l’article 85 du traité; il suffit qu’elle n’ait pu ignorer que la conduite incriminée avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêt de la Cour du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246/86, Rec. p. 2117, point 41).

2. Sur la télécopie du 30 octobre 1990

–     Arguments des parties

55
La requérante conteste avoir reçu la télécopie adressée le 30 octobre 1990 par Strintzis à huit compagnies exerçant leur activité sur le marché du transport maritime entre la Grèce et l’Italie à laquelle était joint un tableau des prix (en drachmes grecques et en lires italiennes) applicables aux véhicules utilitaires sur les lignes Patras-Ancône, Patras-Bari et Patras-Brindisi à compter du 5 novembre 1990.

56
Elle conteste, en outre, la valeur probante concédée à cette télécopie par la Commission, qui a conclu, au considérant 130 de la Décision, que la requérante avait participé, avec les autres compagnies destinataires de la Décision, à un accord visant à fixer les prix applicables aux véhicules utilitaires pour 1991 et entrant en vigueur à compter du 5 novembre 1990. Cette conclusion méconnaîtrait le fait que, dès le début du mois d’octobre 1990, c’est-à-dire antérieurement à l’envoi de la télécopie, la requérante avait déjà fixé et publié les prix qui seraient applicables en 1991 aux véhicules utilitaires, comme cela ressortirait des documents adressés à la Commission (lettres confidentielles adressées par la requérante le 11 octobre 1990 à ses collaborateurs et aux sociétés de transport).

57
À cet égard, la requérante fait valoir que la mention des prix qu’elle avait décidé d’appliquer en 1991 dans une colonne intitulée «Bari» du tableau joint à la télécopie de Strintzis s’explique par la circonstance que, comme presque un mois s’était écoulé depuis qu’elle avait communiqué les prix en question à ses collaborateurs et qu’une relative transparence régnait sur le marché en ce qui concerne les prix publiés par chaque compagnie, les compagnies assurant les autres lignes avaient été informées, par un agent ou une société de transport, des prix pratiqués par la requérante pour les véhicules utilitaires et les avaient repris dans le tableau en question. Toutefois, cet argument ne serait qu’une explication et une interprétation logiques d’un acte accompli par un tiers, en l’espèce Strintzis, à propos duquel la requérante n’était, ni est, en mesure de connaître les raisons exactes pour lesquelles ses propres tarifs avaient été reproduits dans le «barème» joint à la télécopie en question. À cet égard, elle affirme que le fait que le «barème» joint à la télécopie de Strintzis du 30 octobre 1990 ne soit pas daté ne prouve rien en lui-même et surtout pas que les tarifs qui y figuraient avaient fait l’objet d’un «accord» antérieur.

58
De surcroît, la requérante considère que cette télécopie démontre, bien au contraire, l’inexistence d’une entente à laquelle elle aurait participé. Elle soutient que le fait que, dans sa télécopie du 30 octobre 1990, Strintzis invitait la requérante à lui confirmer son accord sur le contenu de la télécopie en question démontre qu’aucun accord définitif entre la requérante et les autres compagnies n’existait, car, dans le cas contraire, il n’aurait pas été nécessaire pour Strintzis d’inviter la requérante à confirmer son accord.

59
La Commission soutient que, puisque le barème joint à ladite télécopie n’est pas daté, l’accord aurait bien pu avoir été conclu à n’importe quel moment avant l’envoi de la télécopie et ceci d’autant plus que la télécopie et le télex de la requérante à son agent contiennent la même liste de prix et des dates d’entrée en vigueur très semblables.

–     Appréciation du Tribunal

60
La télécopie en question a été envoyée par Strintzis le 30 octobre 1990 à huit compagnies exploitant des transbordeurs entre la Grèce et l’Italie (Adriatica, Anek, Hellenic Mediterranean Lines, Karageorgis, Minoan, Med Lines, Strintzis et Ventouris Ferries). L’auteur s’y est exprimé dans les termes suivants: «Nous vous communiquons l’accord définitif concernant les tarifs pour les véhicules utilitaires, en vous priant de bien vouloir confirmer votre accord sur son contenu. Nous proposons d’annoncer les prix le 1er novembre et de les appliquer, comme convenu, à compter du 5 novembre 1990.» Un barème de prix exprimés en drachmes grecques et en lires italiennes pour différentes catégories de véhicules utilitaires, applicables sur les lignes de Patras à Ancône, Bari et Brindisi, était joint à cette télécopie.

61
Il convient d’ajouter que, selon le considérant 20 de la Décision, Minoan aurait par la suite envoyé à ses agents, le 2 novembre 1990, un document leur communiquant les nouveaux tarifs prenant effet à compter du 5 novembre 1990, en indiquant que ces prix avaient été convenus par les compagnies sur toutes les lignes reliant la Grèce à l’Italie.

62
La requérante, qui figure parmi les destinataires de la télécopie du 30 octobre 1990 et qui doit être considérée logiquement comme une des compagnies assurant les lignes entre la Grèce et l’Italie, ne saurait contester la valeur probante de ce document quant à sa participation à l’entente.

63
Elle prétend ne pas avoir reçu le document envoyé le 2 novembre 1990 par Minoan. Toutefois, il ressort de la teneur littérale même de ce document, dont l’existence et l’authenticité ne sont pas mises en question par la requérante, que celle-ci avait donné son accord sur les prix à appliquer pour les véhicules utilitaires et sur la date de mise en pratique des nouveaux barèmes.

64
Dès lors et compte tenu des circonstances de l’espèce, caractérisées par l’existence d’accords similaires au cours des années précédentes, la requérante ne saurait se prévaloir du fait que la Commission ne dispose pas d’un document prouvant qu’elle avait donné suite à la demande de Strintzis de lui confirmer son accord sur le contenu de la télécopie en question. En effet, il ressort de la jurisprudence que, pour qu’il y ait un accord au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49/92 P, Rec. p. I-4125, point 130, et Montecatini/Commission, C-235/92 P, Rec. p. I-4539, point 162; arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, T-141/89, Rec. p. II-791, point 95; Cimenteries CBR e.a./Commission, précité, point 958, et du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T-41/96, Rec. p. II-3383, point 67).

65
L’argument de la requérante pris d’une prétendue fixation et d’une publication préalable de ses nouveaux prix doit être rejeté pour les raisons exposées lors de l’examen de la valeur probante de la télécopie du 8 décembre 1989. Le fait que le barème envoyé n’était pas daté pourrait être interprété comme un indice d’une conclusion antérieure de l’accord. De même, le fait que les deux barèmes de prix applicables aux véhicules utilitaires pour 1991, celui prétendument fixé de manière autonome par la requérante (lettres confidentielles adressées par la requérante le 11 octobre 1990 à ses collaborateurs et aux sociétés de transport) et celui exposé dans la télécopie envoyée par Strintzis à toutes les entreprises le 30 octobre 1990, présentaient non seulement exactement les mêmes tarifs à appliquer, mais, en outre, des dates d’entrée en vigueur très semblables (d’une part, fin octobre ou début novembre et, d’autre part, le 5 novembre) constitue un indice de l’existence de l’accord.

3. Sur la télécopie du 25 février 1992

–     Arguments des parties

66
La requérante conteste l’interprétation, exposée dans la Décision (considérant 131), de la télécopie que l’ETA a adressée le 25 février 1992 à Minoan, selon laquelle ce document prouve sa participation à un accord visant à fixer les prix applicables aux véhicules utilitaires en 1992 sur la ligne Patras-Bari. Elle fait valoir qu’il s’agit uniquement d’un document interne provenant de compagnies tierces, qui ne lui a été ni adressé ni communiqué de quelque manière que ce soit et dans lequel l’ETA exprime son inquiétude et ses préoccupations à propos de la décision prise par la requérante d’étendre ses activités à une nouvelle ligne, à savoir la ligne Patras-Ortona. En outre, ce document ne concernerait pas la requérante, mais d’autres compagnies observant les prix arrêtés et annoncés par la requérante pour, éventuellement, adapter les leurs. En fait, la requérante soutient que le contenu de cette télécopie fait, au contraire, apparaître pleinement la véracité de ses affirmations selon lesquelles elle avait une politique de prix autonome sur la ligne qu’elle assurait et n’avait aucune raison de conclure des accords ou de coopérer avec des compagnies assurant des lignes différentes. Enfin, la requérante fait observer, à titre subsidiaire, que, même à considérer établie sa participation à un «accord» visant à la fixation des prix, il ressort de cette télécopie que ladite participation a cessé avec certitude à partir de 1992.

67
La requérante ajoute qu’il résulte d’une interprétation non seulement littérale, mais aussi téléologique de cette phrase, combinée avec le reste du texte de la télécopie, que l’ETA exprime à Minoan ses inquiétudes commerciales concernant la viabilité de la ligne et ses préoccupations quant à la politique de la requérante sur la ligne d’Ortona, afin que Minoan oriente en conséquence sa propre politique et qu’elle puisse décider si elle exploitera ou non un navire sur la ligne d’Ortona et, le cas échéant, les tarifs qu’elle fixera. En outre, la requérante fait valoir que si l’ETA utilise l’expression: «nous avons d’ores et déjà commencé à nous entretenir de la question», elle n’indique pas cependant, avec quel(s) interlocuteur(s) ces conversations ont commencé ni dans quel but.

68
Enfin, la requérante soutient que ce que l’ETA communiquait à Minoan était le barème des prix applicables pour les lignes à destination de Bari, d’Ortona et d’Ancône, c’est-à-dire des prix qui étaient effectivement en vigueur et qui étaient appliqués sur les lignes concernées, auquel elle joignait ses propositions pour les tarifs à appliquer sur la ligne à destination d’Ortona. Partant, ce serait de manière arbitraire et en dénaturant le sens réel de l’expression «en vigueur», qui signifie «qui est valable» ou «qui est appliqué», que la Commission interprète les mots le «barème en vigueur» comme signifiant le «tarif convenu».

69
La Commission soutient qu’étant donné que l’accord sur le barème des prix pour la ligne Patras-Bari existait déjà, ce document montre que des entretiens avaient commencé avec la requérante sur la politique tarifaire à appliquer sur la ligne d’Ortona. La Commission signale qu’il ressort clairement de ce document que la question de la politique tarifaire à appliquer sur la ligne Patras-Bari ne se posait pas, puisqu’un barème ayant fait l’objet d’un accord s’y appliquait déjà et que les efforts se focalisaient sur une nouvelle donnée, à savoir l’initiative prise par la requérante sur la ligne d’Ortona au sujet de laquelle des entretiens avaient déjà commencé.

–     Appréciation du Tribunal

70
Le document en question est une télécopie datée du 25 février 1992 par lequel l’agent exclusif de Minoan, à savoir l’ETA, informe le siège de Minoan dans les termes suivants:

«Nous avons l’honneur de vous informer des derniers développements concernant les lignes italiennes.

La société Ventouris a lancé son nouveau navire, le ‘Polaris’, sur la nouvelle ligne Patras/Ortona; sa capacité est de 150 véhicules utilitaires.

La société Karageorgis Lines a lancé le navire qu’elle a affrété, le ‘Nordboard’, d’une capacité de 100 véhicules utilitaires, sur la ligne Patras-Ancona.

Il est donc manifeste que la ligne est déjà desservie par un formidable tonnage en navires et que nous allons très certainement vivre une période de transition difficile.

Nous espérons lancer progressivement les Marilia & Noromorg et c’est pourquoi nous axons nos efforts sur la politique tarifaire à appliquer par la compagnie Ventouris sur la ligne d’Ortona.

Nous avons d’ores et déjà commencé à nous entrenir de la question.

Pour être plus précis, nous vous communiquons les tarifs actuels pour Bari, Ortona et Ancona et ceux que nous-même envisageons pour Ortona.

[...]

Nous vous tiendrons au courant de toute évolution.»

71
La requérante fait valoir que ce document n’est pas un élément prouvant, à lui seul, sa participation à l’entente concernant la ligne Patras-Bari ou le fait que l’entente concernant la ligne Patras Bari-Brindisi continuait à exister.

72
Or, il convient de préciser que, comme cela ressort du considérant 28 de la Décision, la Commission a évoqué ce document non pas comme un document prouvant la participation de la requérante à l’entente, mais comme un indice du fait «que l’accord consistant à maintenir des différences entre les tarifs appliqués sur les différentes lignes entre le Grèce et l’Italie se poursuivrait en 1992». Il s’ensuit que ce document n’est pas utilisé comme preuve de la participation de la requérante à l’entente, mais comme preuve de la continuation de l’entente. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu, dans l’examen du bien-fondé du présent moyen, d’examiner si ce document fournit la preuve de la participation de la requérante.

73
S’agissant de la force probante de ce document quant à la continuation de l’entente sur la ligne Patras-Bari, évoquée indirectement au considérant 28 de la Décision, il convient de constater que l’auteur de ce document, l’ETA, informe le destinataire, Minoan, des «tarifs actuels pour Bari, Ortona et Ancône». Or, les tarifs pour les lignes à destination de Bari et d’Ancône coïncident avec les tarifs que les entreprises intéressées, dont la requérante, avaient pratiqués en 1990, comme il ressort de la télécopie du 30 octobre 1990, examinée ci-dessus. Dans ces circonstances, la Commission pouvait considérer que si la question des tarifs applicables pour la ligne Patras-Bari n’est pas abordée dans la télécopie du 25 février 1992, c’est parce que l’entente continuait à être en vigueur.

74
Il s’ensuit que ce document pouvait être retenu comme un élément de preuve de la continuation de l’entente sur la ligne de Patras à Bari en 1992, tel que la Commission l’a fait au considérant 28 de la Décision.

4. Sur le télex du 24 novembre 1993 et sur la réunion du même jour

–     Arguments des parties

75
La requérante se réfère au télex que l’ETA a adressé à Minoan le 24 novembre 1993. Tout d’abord, elle précise qu’il ne lui a pas été envoyé. Ensuite, elle souligne l’erreur que comporte la Décision, qui, sur la base de ce document, indique que la requérante a participé à un accord visant à fixer les prix applicables aux véhicules utilitaires en 1993 et jusqu’au mois de juillet 1994. Elle soutient que, depuis l’année 1992, elle suivait une politique de prix autonome, laquelle, pour 1993, était fondée sur l’idée que, en augmentant ses prix de 5 à 10 %, elle pourrait faire face à l’inflation. Toutefois, étant donné la transparence qui régnait sur le marché quant aux prix et estimant qu’elle susciterait des réactions énergiques de la part des autres compagnies opérant sur le marché en cause si elle appliquait à ses prix le pourcentage de majoration précité, s’agissant notamment d’une entreprise de petite taille, elle aurait décidé de façon autonome et indépendante – afin de précéder les autres compagnies, qui s’orientaient vers des majorations encore plus importantes – de majorer ses prix de 15 %.

76
La requérante ne conteste pas avoir assisté à la réunion du 24 novembre 1993 à laquelle se réfère le télex susvisé. Toutefois, elle fait valoir que, après avoir informé les autres compagnies présentes qu’elle avait déjà décidé préalablement de sa politique de prix et après leur avoir indiqué les majorations de prix qu’elle appliquerait aux véhicules utilitaires sur la ligne Patras-Bari, elle a quitté la réunion avant que les participants ne soient parvenus à un accord faisant ainsi clairement comprendre aux autres compagnies qu’elle était opposée à d’éventuels accords ou pourparlers de ce type.

77
La requérante conteste, ensuite, la conclusion que la Commission tire de ce télex concernant la date d’entrée en vigueur du prétendu accord. Pour la requérante, puisque la réunion au cours de laquelle l’accord aurait été conclu a eu lieu le 24 novembre 1993, même à supposer sa participation à l’accord établie, la Commission ne pourrait en aucun cas estimer, comme elle le fait aux considérants 128 et 154 de la Décision, qu’elle a participé à un «accord» visant à fixer les prix applicables aux véhicules utilitaires pour toute l’année 1993. À cet égard, elle se réfère au post-scriptum fait par l’auteur du télex en question qui fait mention de «l’issue favorable à laquelle quatorze sociétés sont parvenues et [...] qu’elles observent sans qu’il soit besoin d’un contrat». Selon la requérante, cette affirmation est tellement vague qu’elle ne peut être considérée comme une preuve de sa participation à l’«issue favorable» en question ou à un quelconque «accord». Enfin, la requérante tient à souligner que le contenu du télex en question ne révèle ni l’identité des parties qui avaient conclu l’«accord préexistant», ni la période au cours de laquelle il est demeuré en vigueur, ni la date de fin de celui-ci.

78
La Commission estime qu’il résulte de ce document que, lors de la réunion du 24 novembre 1993, à laquelle la requérante admet explicitement avoir participé, des discussions avaient eu lieu concernant l’augmentation des prix de 15% et qu’un accord avait finalement été atteint.

–     Appréciation du Tribunal

79
Le télex du 24 novembre 1993 a été envoyé par l’ETA à Minoan afin de lui communiquer les résultats d’une réunion du même jour entre plusieurs compagnies maritimes ayant pour objet le réajustement des prix à pratiquer en 1994 sur les lignes de Patras à Ancône, Brindisi et Bari. L’auteur du télex s’exprime dans les termes suivants:

«Nous avons le plaisir de vous informer quà la réunion de ce jour, nous sommes parvenus à un accord sur le réajustement du tarif ‘véhicules’ de l’ordre de 15 % [...] avec effet immédiat, à compter du 16 décembre 1993.

Nous en sommes très heureux, car nous avions commencé avec le problème de l’échec de l’accord précédent du fait de l’opposition des compagnies Kosma-Giannatou et Ventouris A. Nous avons rétabli la situation petit à petit, passant d’abord de 5 à 10 % (positions de Strintzis, Ventouris G et Adriatica), pour obtenir finalement le pourcentage indiqué ci-dessus.

Nous vous confirmons que nous ne nous attendons pas à ce que cette augmentation ait un impact négatif sur les flux de marchandises ou de passagers.

En outre, nous avons aplani les différents conflits qui existent, comme vous le savez, au sujet des écarts d’un port à l’autre.

Nous sommes vraiment très heureux, car, sur le chiffre de production de 1993, cela va rapporter à notre compagnie de nouvelles recettes nettes de l’ordre de 600 000 000 [drachmes] chaque année.

[...]

PS:
Nous espérons que l’accord ci-dessus contribuera à la réalisation d’un accord analogue (au sens de la protection des tarifs) lors de la réunion de la semaine prochaine entre représentants des sociétés crétoises (nous relevons que les deux représentants des sociétés étaient présents aujourd’hui) et que nous réitérerons le succès obtenu par 14 sociétés (qui n’ont rien d’autre en commun), qui respectent cet accord sans qu’il soit besoin d’un contrat. Nous regrettons de nous montrer directifs, mais telle est la vérité, car beaucoup d’argent est perdu à cause de la concurrence effrénée en Crête et il est regrettable que les succès remportés à l’étranger soient consacrés à compenser ces pertes pour un pourcentage correspondant.

           [...]»

80
Ce télex démontre que, le 24 novembre 1993, certaines compagnies maritimes assurant les lignes entre la Grèce et l’Italie (vraisemblablement quatorze) se sont réunies pour tenter de s’accorder sur un réajustement des prix à pratiquer en 1994. Ce document montre qu’il y a eu des tentatives pour parvenir à un concours de volontés entre certaines compagnies sur la manière de se comporter sur le marché.

81
Il convient de constater que la requérante reconnait avoir assisté à cette réunion. Elle prétend néanmoins qu’elle s’est limitée à indiquer aux autres compagnies présentes qu’elle les avait informées préalablement de sa politique de prix et qu’elle a, après leur avoir indiqué les majorations de prix qu’elle appliquerait aux véhicules utilitaires sur la ligne Patras-Bari de l’ordre de 15 %, quitté la réunion avant que les participants ne soient parvenus à un accord, faisant ainsi clairement comprendre aux autres compagnies qu’elle était opposée à d’éventuels accords.

82
Toutefois, la requérante ne produit aucun élément de preuve à l’appui de telles affirmations. Il n’y a pas le moindre élément qui indique que la requérante ait quitté la réunion avant la conclusion de l’accord ni qu’elle ait manifesté aux autres sociétés participant à ladite réunion son opposition à ce genre d’accord ou de concertations. Il convient, en outre, de noter que cette réunion fait suite à d’autres réunions et échanges de courrier ayant le même objet et auxquels, selon le document en question, la requérante aurait également participé.

83
Dans ces circonstances, la participation de la requérante à un accord de réajustement des tarifs applicables aux véhicules utilitaires pour l’année 1994, contraire à l’article 85, paragraphe 1, du traité, ne peut pas être contestée.

84
L’allégation de la requérante selon laquelle elle s’était bornée à communiquer aux autres compagnies la décision qu’elle avait déjà prise de manière autonome et qu’elle s’était ensuite retirée des négociations litigieuses est démentie par le contenu de ce document. En effet, le rédacteur dudit texte fait allusion au «problème posé par l’effondrement de l’accord préexistant en raison d’oppositions entre les sociétés Kosma-Giannatou et Ventouris» et mentionne ensuite : «Nous avons rétabli la situation petit à petit, passant d’abord de 5 à 10 % (positions de Strintzis, Ventouris G et Adriatica).» Les passages susmentionnés démontrent qu’ont eu lieu des discussions et des négociations, marquées par quelques oppositions et désaccords internes qui ont pu être surmontés, et qu’un accord a été atteint. Enfin, la requérante n’a pas contesté être mentionnée explicitement comme une des entreprises ayant initialement exprimé un autre point de vue et qui, au cours des débats, aurait donné son accord sur le pourcentage d’augmentation du barème des prix en question, finalement approuvé par toutes les entreprises.

85
De même, il y a lieu de rejeter l’argument tiré d’une prétendue autonomie de la requérante qui aurait décidé antérieurement et de manière unilatérale d’augmenter les tarifs de 15 %. Les termes du télex sont suffisamment clairs pour démontrer qu’une discussion avait eu lieu et que la requérante y avait activement pris part.

86
Il convient d’ajouter qu’il ressort du texte du télex que, avant la réunion de novembre 1993, un accord existait déjà et persistait. En effet, le post-scriptum dudit document fait allusion à l’accord que les quatorze sociétés respectaient sans qu’il soit besoin d’un contrat. Dans ces circonstances, la Commission pouvait considérer que la requérante, qui figure comme l’une des entreprises ayant déjà exprimé sa position lors de la réunion, était une des quatorze sociétés qui avaient observé l’accord par le passé, c’est-à-dire au cours de l’année 1993. La requérante ne saurait se prévaloir du manque de précision du télex quant à l’identité et au nombre des entreprises ayant conclu l’«accord préexistant» et quant à la période pendant laquelle il était en vigueur.

87
Dans ces circonstances, même à supposer que la requérante n’ait pas tenu compte, dans la détermination de sa politique de prix, des paramètres négociés lors de la réunion, la Commission pouvait à juste titre estimer qu’elle avait enfreint l’article 85, paragraphe 1, du traité.

88
Les arguments de la requérante ne sont pas de nature à contredire cette conclusion.

89
La requérante ne saurait se prévaloir du fait que l’auteur de ce document évoque le fait que l’accord précédant n’avait pas eu le succès attendu. En effet, il ressort de la jurisprudence que, aux fins de l’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité, la prise en considération des effets concrets d’un accord est superflue, dès lors qu’il apparaît que celui-ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun (arrêts Consten et Grundig, précité, et Cimenteries CBR e.a./Commission, précité, points 1120 et 1170).

90
De surcroît, la participation à des concertations visant à limiter la concurrence est constitutive d’infraction sans qu’il soit nécessaire de déterminer si la requérante a pris part à la conférence en question de plein gré ou, ainsi qu’elle le prétend, sous l’effet de la contrainte (arrêts Mayr-Melnhof/Commission, précité, point 135, et Tréfileurope/Commission, précité, points 58 et 71).

91
Les conclusions précédentes ne sont pas contredites par la circonstance qu’elle n’était pas destinataire du télex et que son nom n’y était pas mentionné. En effet, les documents qui ont été trouvés au cours d’un contrôle effectué dans les bureaux d’autres entreprises incriminées peuvent être utilisés comme preuve contre la requérante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Atochem/Commission, T-3/89, Rec. p. II-1177, points 31 à 38). De même, l’absence de mention d’une entreprise dans un document relatif à un accord ne conduit pas à nier sa participation à celui-ci, dès lors que celle-ci a déjà été prouvée par d’autres documents et que cette absence de mention ne saurait donner un éclairage différent aux preuves documentaires utilisées par la Commission pour établir sa participation à l’accord (arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, précité, points 1390 et 1391).

92
Enfin, pour ce qui est de l’argument pris de l’ignorance que sa seule participation à la réunion puisse être qualifiée de contraire à l’article 85, paragraphe 1, du traité, il y a lieu de rappeler que, pour qu’une infraction aux règles communautaires de la concurrence puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n’est pas nécessaire que l’entreprise ait eu conscience d’enfreindre l’interdiction édictée par l’article 85 du traité. Il suffit qu’elle n’ait pu ignorer que la conduite incriminée avait pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence dans le marché commun (arrêts du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T-61/89, Rec. p. II-1931, point 157, et du 14 mai 1998, Gruber+Weber/Commission, T-310/94, Rec. p. II-1043, points 249 et 259).

93
Il ressort de tout ce qui précède que c’est à juste titre que la Commission a estimé que les documents examinés ci-dessus démontraient la participation de la requérante à l’entente concernant la ligne Patras-Bari.

94
Les autres arguments soulevés par la requérante, examinés par la suite, ne sont pas de nature à infirmer cette conclusion.

5. Sur les arguments concernant le télex du 7 janvier 1993

95
C’est à tort que la requérante reproche à la Commission d’avoir omis de tenir compte de documents constituant des preuves à sa décharge. La requérante invoque, à cet égard, le télex adressé le 7 janvier 1993 par Minoan aux autres compagnies assurant la ligne Patras-Ancône (Anek, Karageorgis et Strintzis), et évoque, en particulier, une mention relative aux «discussions interminables» avec les compagnies desservant les autres lignes qui démontrerait qu’elle ne voulait pas et n’avait aucune raison de participer à des discussions visant à parvenir à un accord sur les prix. Ce télex constituerait l’un des nombreux documents démontrant que l’«accord» en question concernait uniquement les compagnies assurant la ligne Patras-Ancône et non les compagnies assurant les autres lignes, situées plus au sud.

96
Or, dans ce télex, daté du 7 janvier 1993, par lequel Minoan communique à Strintzis, à Anek et à Karageorgis une proposition d’ajustement des tarifs «véhicules» sur les lignes Grèce-Italie, l’auteur s’exprime comme suit: «Notre décision de parvenir à un accord avec vous sur le réajustement, sans consultation préalable des compagnies qui exploitent les autres lignes italiennes, est motivée par le désir d’éviter les discussions interminables qui ne manqueraient pas d’avoir lieu si nous entamions cette consultation. Nous sommes convaincus que cet accord conjoint sera regardé d’un oeil favorable par ces compagnies [...] Dans le cas contraire, nous estimons que la perte de trafic de véhicules vers des ports meilleur marché ne dépassera pas les 15 % correspondant à la réadaptation de nos tarifs [...] Nous restons dans l’attente de votre accord.» Un barème des tarifs envisagés était joint à ce document.

97
Il ressort de la teneur de ce télex que Minoan a voulu négocier directement avec ses principaux concurrents sur la ligne Patras-Ancône, Strintzis, Anek et Karageorgis, et écarter des négociations les compagnies qui exploitaient les autres lignes, telle que la requérante. Partant, ce document ne peut pas, à lui-seul, établir la participation de la requérante et des autres compagnies de la ligne Patras-Bari-Brindisi à la tentative de réajustement des prix auquel il fait référence.

98
Toutefois, il ne ressort nullement de ce télex que les entreprises concernées, l’auteur et les destinataires, préféraient voir les autres entreprises, à savoir les compagnies qui exploitaient les autres lignes à destination de l’Italie, ne pas partager l’initiative de procéder au réajustement en cause. Au contraire, ce télex démontre que Minoan avait tout à fait confiance en ce que l’accord conjoint soit «regardé d’un oeil favorable par ces compagnies». De même, contrairement à ce que la requérante prétend, le fait que Minoan ait souligné dans son télex son désir d’éviter des «discussions interminables» avec les compagnies qui exploitent les autres lignes italiennes ne constitue pas un élément prouvant qu’elle ne faisait pas partie de l’entente ou qu’elle ne voulait pas ou n’avait aucune raison de participer à des discussions. Si, certes, ce document ne peut être interprété comme démontrant que les compagnies desservant les lignes Patras-Bari-Brindisi ont participé à l’accord pour le réajustement des prix, la référence aux discussions interminables avec les compagnies qui assurent les autres lignes italiennes démontre que des négociations ayant un but anticoncurrentiel ont eu lieu par le passé, en 1992. Ce document constitue, en outre, un indice de la volonté de Minoan et des autres compagnies assurant la ligne Patras-Ancône, d’inviter les compagnies assurant les autres lignes à adhérer au mouvement de réajustement des prix décidé pour ce qui est de la ligne Patras-Ancône.

6. Sur l’argument tiré du cadre législatif et de la politique des autorités grecques

99
L’argument tiré du cadre législatif grec et d’un prétendu besoin des sociétés maritimes d’échanger des informations en matière de prix pour être sûres d’appliquer des prix raisonnables, ainsi que l’exigerait le gouvernement, ne saurait être admis, en l’absence d’obligation juridique à cet égard.

100
Dans sa lettre du 23 décembre 1994, évoquée au point 101 de la Décision, en réponse à la lettre de la Commission du 28 octobre 1994, le ministère de la Marine marchande s’est exprimé comme suit:

«[...]

En ce qui concerne le mémorandum présenté par Strintzis Lines, je n’ai pas de commentaires particuliers sauf une précision, à savoir que le ministère n’intervient pas dans la politique de fixation des tarifs suivie par les sociétés sur les liaisons internationales. Nous n’intervenons que dans la fixation des prix sur les liaisons entre ports grecs.

Comme je vous l’ai déjà expliqué lors de notre réunion de septembre, la Grèce considère le corridor maritime entre les ports de sa côte occidentale et les ports de la côte orientale de l’Italie comme étant de toute première importance à la fois pour notre pays et pour la Communauté, puisque c’est la seule liaison directe importante entre la Grèce et le reste de l’Union européenne.

Il est donc de notre intérêt national et de l’intérêt communautaire que les navires opèrent pendant toute l’année entre la Grèce et l’Italie, pour faciliter nos importations et nos exportations ainsi que le trafic de passagers. D’autre part, vous comprendrez qu’il est de notre intérêt que les tarifs appliqués soient compétitifs, mais également fixés de telle sorte que le prix du transport reste peu élevé, pour que nos importations et nos exportations restent compétitives sur les marchés européens.

Pour en venir à la question spécifique que vous m’avez posée, je dois dire que je n’ai rien vu dans le mémorandum de Strintzis qui pourrait m’amener à cette conclusion.

Je suis sûr qu’il y a un malentendu. Il est impensable et il est absolument hors de question que le ministère menace de retirer des licences d’exploitation pour des liaisons entre ports nationaux lorsque des sociétés refusent de se mettre d’accord sur les prix pour les liaisons internationales.

Comme la législation pertinente ci-jointe vous le montrera, la licence d’exploitation accordée par le ministère pour les liaisons intérieures entraîne l’imposition de certaines obligations (dessertes pendant toute l’année, fréquence des trajets, etc.); si ces obligations ne sont pas respectées, le ministère a le droit de retirer la licence. De surcroît, les tarifs sont déterminés par une décision ministérielle prise à intervalles périodiques. Cette législation spécifique affecte les navires des sociétés pourvues de licences d’exploitation pour la partie nationale du trajet entre la Grèce et l’Italie (Patras-Igoumenitsa-Corfou) [...]»

101
De même, par lettre du 17 mars 1995, évoquée au point 103 de la Décision, en réponse à une lettre de la Commission du 13 janvier 1995, le représentant permanent adjoint de la République hellénique auprès des Communautés européennes s’est exprimé comme suit:

«1.
Le gouvernement hellénique accorde une grande importance à un développement sans heurts de la route maritime qui lie les ports de la Grèce occidentale (principalement Patras, Igoumenitsa et Corfou) aux ports italiens d’Ancône, de Bari, de Brindisi et de Trieste.

[...]

Les liaisons régulières et ininterrompues, pendant toute l’année, à partir des ports grecs vers les ports italiens et inversement, sont un facteur d’importance décisive pour faciliter et assurer le développement des importations et des exportations grecques, qui par extension affecte également le commerce communautaire dans son ensemble.

L’intérêt du gouvernement hellénique, et plus particulièrement du ministère de la Marine marchande, chargé de l’élaboration de la politique nationale pour les transports maritimes, est donc orienté vers la préservation du fonctionnement normal de la ligne Grèce-Italie.

Ainsi, les services offerts sur cette ligne sont qualifiés par nous de services d’intérêt public pour notre pays. Dans ces conditions, vous comprendrez qu’une préoccupation fondamentale du gouvernement grec est d’assurer la viabilité de cette ligne en évitant par tous les moyens une guerre des prix qui pourrait entraver la marche normale de notre commerce d’importation et d’exportation, mais également le trafic normal en véhicules et en passagers. Nous répétons que notre principal souci est d’assurer la circulation sur cette ligne maritime pendant toute l’année et d’éviter que le flux ne se tarisse à cause d’une guerre des prix.

2.      Partant de ces constatations et des positions adoptées en conséquence, les directions compétentes du ministère grec de la Marine marchande ont adopté des décisions afin de réglementer de la façon la plus adéquate le problème du trafic normal des véhicules, en fonction de la période correspondante de l’année. Des mesures ont donc été prises pour qu’un certain nombre de places soit toujours réservé sur les navires de transport de passagers et de véhicules aux véhicules utilitaires de transport de marchandises et que le garage des navires ne soit pas rempli uniquement de véhicules de tourisme, en particulier pendant les mois d’été où le trafic de passagers est plus élevé. Il a été rendu ainsi possible de maintenir le flux des marchandises et d’assurer un approvisionnement normal des marchés.

Il est également pris soin de respecter très strictement les plans de route des navires, afin d’éviter les retards, mais également pour pouvoir réglementer des questions comme la présence de sites appropriés d’accueil des navires dans les ports de destination, afin de garantir leur sécurité et d’améliorer le service des passagers et des véhicules transportés.

3.      Concernant les frets appliqués par les sociétés d’armement, nous précisons que l’implication du ministère de la Marine marchande, en tant qu’administration responsable du contrôle de la marine, en ce qui concerne les frets des liaisons côtières, se limite à la fixation des prix pour les seules opérations de cabotage interne. Nous précisons que, sur les lignes internationales, même dans les cas où le trajet comporte des escales dans des ports grecs (par exemple Patras-Corfou-Ancône), si la portion de trajet comprise entre les ports grecs est soumise à un barème agréé, les prix sur le trajet entre la Grèce et l’Italie sont fixés librement par les sociétés qui exploitent la ligne. Dans ce cas, il est vrai que le prix total du billet à destination finale de l’Italie est influencé – indirectement et partiellement, cela va de soi – par le tarif fixé par l’État pour la partie du transport qui est interne à la Grèce.

Par ailleurs, en ce qui concerne les tarifs des voyages vers l’étranger – qui sont libres, comme nous l’avons dit – le ministère de la Marine marchande incite les sociétés maritimes à se maintenir à un niveau peu élevé et concurrentiel et à éviter en tout état de cause que les augmentations annuelles ne dépassent les limites de l’inflation. En effet, nos intérêts nationaux imposent que notre commerce à l’exportation se maintienne à un niveau concurrentiel, et que nos importations restent aussi bon marché que possible. À partir de là, les sociétés ont le droit de fixer leurs tarifs suivant leurs propres critères commerciaux et économiques.

Cette liberté est limitée par la législation hellénique si elle conduit à une concurrence déloyale. Plus concrètement, la loi n° 4195/1929 (copie ci-jointe) vise à éviter la concurrence déloyale entre sociétés d’armement qui exploitent des lignes entre la Grèce et l’étranger en interdisant notamment les tarifs dérisoires, le départ simultané à partir du même port de deux ou plusieurs navires desservant la même ligne et le non-respect de la desserte annoncée (à l’exception de certains cas de force majeure – article 3). Lorsqu’il y a concurrence déloyale, le ministère de la Marine marchande a la possibilité de fixer des tarifs planchers et des tarifs plafonds (article 4). Dans ce cadre, il incite informellement les sociétés à maintenir leurs tarifs à des niveaux peu élevés et à éviter que les augmentations annuelles ne dépassent le niveau de l’inflation.

4.      Les observations ci-dessus nous ont semblé nécessaires pour montrer que la ligne maritime Patras-Italie, créée par initiative privée sans aucune aide de l’État, doit continuer de fonctionner sans interruption pour que les navires qui y opèrent fournissent les services d’intérêt public, comme nous les appelons pour notre pays, car cette liaison maritime est le seul lien direct avec les pays de l’Union européenne.

5.      Enfin, nous observons que le cadre juridique relatif à l’octroi et au retrait des licences d’exploitation qui, relevons-le, ne s’appliquent qu’aux liaisons internes à la Grèce, prévoit que, lorsque la société ne respecte pas les obligations indiquées dans la licence d’exploitation qui lui a été accordée (par exemple, exécution sans faille des liaisons annoncées, période annuelle d’immobilisation, respect de la fréquence des trajets), le ministère de la Marine marchande a la possibilité de retirer cette licence d’exploitation.»

102
Si ces deux courriers des autorités grecques soulignent que le bon fonctionnement et la régularité des lignes maritimes reliant la Grèce à l’Italie est une question d’importance nationale, ils confirment le fait que la conclusion d’accords visant à fixer les tarifs applicables sur les lignes internationales n’est imposée ni par la législation applicable en Grèce ni par la politique mise en oeuvre par les autorités grecques.

103
Certes, il ressort des précisions faites à la Commission par les autorités grecques qu’une de leurs préoccupations principales était d’assurer la régularité des liaisons maritimes avec l’Italie pendant toute l’année et qu’elles craignaient les effets nuisibles que des actes de concurrence déloyale pouvaient déclencher, telle une éventuelle guerre de prix. Il est également constant que, pour éviter de tels actes, la loi offre au ministère de la Marine marchande les pouvoirs de fixer des tarifs planchers et des tarifs plafonds. Mais, il n’en reste pas moins qu’aucune concertation sur les prix ne serait légitime, même dans un tel cas de figure, car chaque entreprise resterait libre de décider ses prix, de manière autonome, dans les limites des planchers supérieur et inférieur en question. En outre, les précisions contenues dans les lettres examinées ci-dessus confirment que les prix sur les lignes maritimes entre la Grèce et l’Italie sont fixés librement par les sociétés qui exploitent lesdites lignes. En outre, il ressort également de manière incontestable de ces déclarations que, afin d’assurer la compétitivité des exportations helléniques et le caractère raisonnable des prix des importations dans ce pays, le ministère de la Marine marchande a incité les sociétés maritimes non pas à augmenter les prix en concertation avec elles, mais uniquement à maintenir leurs prix à un niveau peu élevé et concurrentiel et à éviter, en tout état de cause, que les augmentations annuelles ne dépassent les limites de l’inflation.

104
Il s’ensuit que chacune des sociétés maritimes assurant lesdites lignes jouissait d’une autonomie notoire dans la détermination de sa politique de prix et que, dès lors, ces sociétés ont toujours été soumises aux règles de la concurrence. Ces lettres mettent en évidence le fait que, pour les autorités grecques, la pleine application des règles de concurrence et, donc, de l’interdiction des accords sur les prix découlant de l’article 85, paragraphe 1, du traité n’empêchait pas les compagnies maritimes, ni en droit ni en fait, de remplir la mission qui leur avait été confiée par le gouvernement grec. Dès lors, le fait que, dans sa lettre du 17 mars 1995, la représentation permanente de la République hellénique qualifie la liaison entre la Grèce et l’Italie de «services d’intérêt public» est sans pertinence aux fins de l’application de l’article 85 du traité. Pour des raisons identiques, il n’est pas nécessaire d’examiner si c’est à juste titre que la Commission conteste l’argument selon lequel les entreprises concernées par la Décision doivent être considérées en droit communautaire comme des «entreprises chargées de la gestion d’un service d’intérêt économique général», au sens de l’article 90, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 86, paragraphe 2, CE).

105
Les informations contenues dans les lettres en question confirment que la requérante ne saurait se prévaloir d’un prétendu concours cumulatif de paramètres ayant influencé les tarifs applicables à la partie internationale des lignes entre la Grèce et l’Italie et qui aurait eu pour effet de limiter l’autonomie des entreprises pour planifier et déterminer leur politique tarifaire. Elles confirment que le ministère de la Marine marchande grec ne s’immisçait dans la politique de fixation des tarifs, appliquée par les compagnies sur les lignes internationales, que pour les inciter informellement à maintenir leurs tarifs à des niveaux peu élevés et à éviter que les augmentations annuelles des tarifs ne dépassent le niveau de l’inflation. Face à une telle attitude des autorités grecques, la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des entreprises subsistait de manière évidente sur le marché.

106
Eu égard à tout ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le deuxième moyen, tiré de l’illégalité du contrôle effectué par la Commission dans les bureaux de l’ETA

Arguments des parties

107
La requérante souligne que les documents pris en considération par la Commission ont été acquis illicitement dès lors qu’ils ont été découverts au cours d’une vérification, effectuée par ses fonctionnaires en juillet 1994, dans les bureaux d’une compagnie (l’ETA) sur la base d’un mandat délivré pour inspecter les bureaux d’une autre compagnie, à savoir Minoan. Étant donné que l’ETA n’est pas la même personne morale que Minoan, mais qu’elle est simplement le représentant général de cette dernière, et que les fonctionnaires de la Commission n’avaient pas de mandat pour inspecter les bureaux de l’ETA, les investigations qu’ils y ont menées seraient irrégulières et les documents et données découverts dans ces bureaux auraient été acquis illicitement par la Commission. Par conséquent, ils ne seraient pas susceptibles d’être pris en considération en tant que pièces à charge.

108
La Commission fait remarquer, tout d’abord, que l’allégation de la requérante selon laquelle les documents dont la Commission a, en l’espèce, tenu compte proviennent du contrôle qui a été effectué dans les bureaux de l’ETA est imprécise et incorrecte. Ainsi, seuls deux des quatre documents que la requérante mentionne dans sa requête proviendraient du contrôle effectué dans les bureaux de l’ETA, les deux autres ayant été annexés aux mémoires qu’Anek a soumis à la Commission. De même, le télex du 22 octobre 1991, mentionnée au considérant 131 de la Décision, aurait été annexée à la réponse que Strintzis a fournie à une demande de renseignements de la Commission (communication des griefs, considérant 23, note 19).

109
En tout état de cause, la Commission considère qu’il y a lieu de rejeter l’argument susvisé de la requérante. Elle fait valoir que le fait que l’ETA dispose d’une personnalité juridique autonome et distincte n’empêche pas d’imputer son comportement à une autre société, car il y a lieu d’appliquer une approche économique et non purement légale en droit communautaire de la concurrence.

110
La Commission soutient que l’important, en l’espèce, est que les actions de l’ETA ont été menées au nom et pour le compte de Minoan, dont l’ETA était l’agent général exclusif (considérant 136 de la Décision), et que, en vertu des contrats conclus entre elles, l’ETA représentait Minoan devant toutes les autorités nationales et internationales ainsi qu’au sein de l’Union des armateurs grecs.

Appréciation du Tribunal

111
Dans le cadre de ce moyen, la requérante reproche en substance à la Commission d’avoir recueilli illégalement les preuves sur lesquelles repose la Décision, en ce qu’elle les a obtenues au cours d’une vérification effectuée dans les bureaux d’une entreprise qui n’était pas le destinataire de la décision de vérification. La requérante fait valoir que, en agissant ainsi, la Commission a abusé de ses pouvoirs en matière de vérification et a violé l’article 18 du règlement n° 4056/86 et les principes généraux du droit.

112
Le Tribunal estime qu’il convient d’apprécier le bien-fondé de ce moyen à la lumière des principes régissant les pouvoirs de la Commission en matière de vérification et du contexte factuel de l’espèce.

A – Pouvoirs de la Commission en matière de vérification

113
Il ressort du seizième considérant du règlement n° 4056/86 que le législateur a estimé que ce règlement devait prévoir «les pouvoirs de décisions et les sanctions nécessaires pour assurer le respect des interdictions prévues à l’article 85, paragraphe 1, et à l’article 86 [du traité] ainsi que des conditions d’application de l’article 85, paragraphe 3».

114
Plus précisément, les pouvoirs accordés à la Commission en matière de vérification sur le terrain sont exposés à l’article 18 du règlement n° 4056/86, qui est libellé comme suit:

«Article 18

Pouvoirs de la Commission en matière de vérification

1. Dans l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut procéder à toutes les vérifications nécessaires auprès des entreprises et associations d’entreprises.

À cet effet, les agents mandatés par la Commission sont investis des pouvoirs ci-après:

a)
contrôler les livres et autres documents professionnels;

b)
prendre copie ou extrait des livres et documents professionnels;

c)
demander sur place des explications orales;

d)
accéder à tous locaux, terrains et moyens de transport des entreprises.

2. Les agents mandatés par la Commission pour ces vérifications exercent leurs pouvoirs sur production d’un mandat écrit qui indique l’objet et le but de la vérification, ainsi que la sanction prévue à l’article 19, paragraphe 1, [sous] c), au cas où les livres ou autres documents professionnels requis seraient présentés de façon incomplète. La Commission avise, en temps utile avant la vérification, l’autorité compétente de l’État membre sur le territoire duquel la vérification doit être effectuée, de la mission de vérification et de l’identité des agents mandatés.

3. Les entreprises et associations d’entreprises sont tenues de se soumettre aux vérifications que la Commission a ordonnées par voie de décision. La décision indique l’objet et le but de la vérification, fixe la date à laquelle elle commence, et indique les sanctions prévues à l’article 19, paragraphe 1, [sous] c), et à l’article 20, paragraphe 1, [sous] d), ainsi que le recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision.

4. La Commission prend les décisions visées au paragraphe 3 après avoir entendu l’autorité compétente de l’État membre sur le territoire duquel la vérification doit être effectuée.

5. Les agents de l’autorité compétente de l’État membre sur le territoire duquel la vérification doit être effectuée peuvent, sur la demande de cette autorité ou sur celle de la Commission, prêter assistance aux agents de la Commission dans l’accomplissement de leurs tâches.

6. Lorsqu’une entreprise s’oppose à une vérification ordonnée en vertu du présent article, l’État membre intéressé prête aux agents mandatés par la Commission l’assistance nécessaire pour leur permettre d’exécuter leur mission de vérification. À cette fin, les États membres prennent, avant le 1er janvier 1989 et après consultation de la Commission, les mesures nécessaires.»

115
Le libellé de l’article 18 du règlement n° 4056/86 étant identique à celui de l’article 14 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204), et ces deux règlements ayant été adoptés en application de l’article 87 du traité CE (devenu, après modification, article 83 CE) pour préciser les modalités d’application des articles 85 du traité et 86 du traité CE (devenu article 82 CE), la jurisprudence relative à la portée des pouvoirs de la Commission en matière de vérifications au sens de l’article 14 du règlement n° 17 est également applicable au cas d’espèce.

116
Conformément à l’article 87, paragraphe 2, sous a) et b), du traité, le règlement n° 17 a pour objet d’assurer le respect des interdictions visées aux articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité et de déterminer les modalités d’application de l’article 85, paragraphe 3. Ce règlement est destiné ainsi à assurer la réalisation de l’objectif visé à l’article 3, sous f), du traité. À ces fins, il confère à la Commission un large pouvoir d’investigation et de vérification en précisant, dans son huitième considérant, que celle-ci doit disposer, dans toute l’étendue du marché commun, du pouvoir d’exiger les renseignements et de procéder aux vérifications «qui sont nécessaires» pour déceler les infractions aux articles 85 et 86 du traité (arrêts de la Cour du 26 juin 1980, National Panasonic/Commission, 136/79, Rec. p. 2033, point 20, et du 18 mai 1982, AM & S/Commission, 155/79, Rec. p. 1575, point 15). Le seizième considérant du règlement n° 4056/86 se prononce également dans ce sens.

117
Le juge communautaire a de même souligné l’importance que revêt le respect des droits fondamentaux et, en particulier, des droits de la défense dans toutes les procédures d’application des règles de la concurrence du traité et a précisé dans ses arrêts la façon dont les droits de la défense doivent être conciliés avec les pouvoirs de la Commission au cours de la procédure administrative et également au cours des phases préalables d’enquête et d’obtention d’informations.

118
La Cour a, en effet, précisé que les droits de la défense doivent être respectés par la Commission tant pendant les procédures administratives susceptibles d’aboutir à des sanctions que pendant le déroulement des procédures d’enquête préalable, car il importe d’éviter que ces droits ne puissent être irrémédiablement compromis dans le cadre de procédures d’enquête préalable, dont notamment les vérifications, qui peuvent avoir un caractère déterminant pour l’établissement des preuves du caractère illégal de comportements d’entreprises de nature à engager leur responsabilité (arrêt de la Cour du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46/87 et 227/88, Rec. p. 2859, point 15)

119
S’agissant plus précisément des pouvoirs de vérification reconnus par l’article 14 du règlement n° 17 à la Commission et de la question de savoir dans quelle mesure les droits de la défense limitent leur portée, la Cour a reconnu que l’exigence d’une protection contre des interventions de la puissance publique dans la sphère d’activité privée d’une personne, qu’elle soit physique ou morale, qui seraient arbitraires ou disproportionnées constitue un principe général du droit communautaire (arrêt Hoechst/Commission, précité, point 19, et arrêt de la Cour du 22 octobre 2002, Roquette Frères, C-94/00, Rec. p. I-9011, point 27). En effet, la Cour a jugé que, dans tous les systèmes juridiques des États membres, les interventions de la puissance publique dans la sphère d’activité privée de toute personne, qu’elle soit physique ou morale, doivent avoir un fondement légal et être justifiées par les raisons prévues par la loi et que ces systèmes prévoient, en conséquence, bien qu’avec des modalités différentes, une protection face à des interventions qui seraient arbitraires ou disproportionnées.

120
La Cour a jugé que les pouvoirs conférés à la Commission par l’article 14 du règlement n° 17 ont pour but de permettre à celle-ci d’accomplir la mission, qui lui est confiée par le traité CE, de veiller au respect des règles de concurrence dans le marché commun. Ces règles ont pour fonction, ainsi qu’il ressort du quatrième alinéa du préambule du traité, de l’article 3, sous f), et des articles 85 et 86, d’éviter que la concurrence ne soit faussée au détriment de l’intérêt général, des entreprises individuelles et des consommateurs. L’exercice de ces pouvoirs concourt ainsi au maintien du régime concurrentiel voulu par le traité dont le respect s’impose impérativement aux entreprises (arrêt Hoechst/Commission, précité, point 25).

121
La Cour a de même estimé que tant la finalité du règlement n° 17 que l’énumération, par son article 14, des pouvoirs dont sont investis les agents de la Commission font apparaître que les vérifications peuvent avoir une portée très large. Plus précisément, la Cour a affirmé expressément que «le droit d’accéder à tous locaux, terrains et moyens de transport des entreprises présent[ait] une importance particulière dans la mesure où il [devait] permettre à la Commission de recueillir les preuves des infractions aux règles de concurrence dans les lieux où elles se trouvent normalement, c’est-à-dire dans les locaux commerciaux des entreprises» (arrêt Hoechst/Commission, précité, point 26).

122
La Cour a tenu à souligner également l’importance de sauvegarder l’effet utile des vérifications comme instrument nécessaire afin que la Commission puisse exercer ses fonctions de gardienne du traité en matière de concurrence, en indiquant ce qui suit (arrêt Hoechst/Commission, précité, point 27): «[...] ce droit d’accès serait dépourvu d’utilité si les agents de la Commission devaient se limiter à demander la production de documents ou de dossiers qu’ils seraient à même d’identifier au préalable de façon précise. Un tel droit implique, au contraire, la faculté de rechercher des éléments d’information divers qui ne sont pas encore connus ou pleinement identifiés. Sans une telle faculté, il serait impossible à la Commission de recueillir les éléments d’information nécessaires à la vérification au cas où elle se heurterait à un refus de collaboration ou encore à une attitude d’obstruction de la part des entreprises concernées.»

123
Toutefois, il convient de noter l’existence de diverses garanties résultant du droit communautaire, offertes aux entreprises concernées, contre des interventions de la puissance publique dans leur sphère d’activités privées qui seraient arbitraires ou disproportionnées (arrêt Roquette Frères, précité, point 43).

124
L’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 impose à la Commission de motiver la décision ordonnant une vérification en indiquant l’objet et le but de cette dernière, ce qui, ainsi que la Cour l’a précisé, constitue une exigence fondamentale en vue non seulement de faire apparaître le caractère justifié de l’intervention envisagée à l’intérieur des entreprises concernées, mais aussi de mettre celles-ci en mesure de saisir la portée de leur devoir de collaboration tout en préservant en même temps leurs droits de la défense (arrêts Hoechst/Commission, précité, point 29, et Roquette Frères, précité, point 47).

125
De même, il incombe à la Commission d’indiquer dans ladite décision, avec autant de précision que possible, ce qui est recherché et les éléments sur lesquels doit porter la vérification (arrêt National Panasonic/Commission, précité, points 26 et 27). Ainsi que la Cour l’a jugé, une telle exigence est propre à préserver les droits de la défense des entreprises concernées, dans la mesure où de tels droits seraient gravement compromis si la Commission pouvait invoquer à l’égard des entreprises des preuves qui, obtenues au cours d’une vérification, seraient étrangères à l’objet et au but de celle-ci (arrêts de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission, 85/87, Rec. p. 3137, point 18, et Roquette Frères, précité, point 48).

126
En outre, il y a lieu de rappeler qu’une entreprise à l’encontre de laquelle la Commission a ordonné une vérification peut, conformément aux dispositions de l’article 173, quatrième alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, quatrième alinéa, CE), former un recours contre une telle décision devant le juge communautaire. Au cas où ladite décision serait annulée par ce dernier, la Commission se verrait empêchée, de ce fait, d’utiliser, à l’effet de la procédure d’infraction aux règles de concurrence communautaires, tous documents ou pièces probantes qu’elle aurait réunis dans le cadre de cette vérification, sous peine de s’exposer au risque de voir le juge communautaire annuler la décision relative à l’infraction dans la mesure où elle serait fondée sur de tels moyens de preuve (voir ordonnance du président de la Cour du 26 mars 1987, Hoechst/Commission, 46/87 R, Rec. p. 1549, point 34, et du 28 octobre 1987, Dow Chemical Nederland/Commission, 85/87 R, Rec. p. 4367, point 17; arrêt Roquette Frères, précité, point 49).

127
C’est à la lumière des considérations précédentes que l’examen du bien-fondé du moyen, tiré de la prétendue illégalité de la vérification, doit être effectué.

B – Sur le bien-fondé du moyen

128
L’examen du bien-fondé du présent moyen exige un exposé préalable des circonstances dans lesquelles la vérification a été effectuée en l’espèce.

1. Faits pertinents et non contestés par les parties

129
Le 12 octobre 1992, agissant en vertu du règlement n° 4056/86, à la suite d’une plainte dénonçant la similitude des tarifs des transbordeurs sur les lignes maritimes entre la Grèce et l’Italie, la Commission a adressé une demande de renseignements à Minoan à l’adresse de son siège social (Agiou Titou 38, Héraklion, Crète).

130
Le 20 novembre 1992, la Commission a reçu une lettre, en réponse à sa demande de renseignements, signée par M. Sfinias, sur du papier à lettres de Minoan, sur lequel figurait, en haut à gauche, un seul logo commercial, à savoir «Minoan Lines», et au-dessous duquel était mentionnée une seule adresse: «2 Vas. Konstantinou Av. (Stadion); 11635, ATHENS».

131
Le 1er mars 1993, la Commission a adressé une deuxième demande de renseignements à Minoan toujours à son siège social à Héraklion.

132
Le 5 mai 1993, il a été répondu à la lettre de la Commission du 1er mars 1993 par une lettre signée également par M. Sfinias, rédigée sur du papier à lettres de Minoan, sur lequel figurait également en haut de la page à gauche un seul logo commercial, à savoir «Minoan Lines», mais, cette fois-ci, sans qu’aucune adresse ne soit mentionnée au-dessous. Au bas de ce papier à lettres figuraient deux adresses: «INTERNATIONAL LINES HEAD OFFICES: 64 B Kifissias Ave. GR, 151 25, Maroussi, Athens» et, au-dessous, «PASSENGER OFFICE: 2 Vassileos Konstantinou Ave, GR, 116 35 Athens».

133
Le 5 juillet 1994, des agents de la Commission se sont rendus dans les locaux situés avenue Kifissias 64 B, Maroussi, à Athènes, et ont remis aux personnes les ayant reçus, lesquelles se sont révélées par la suite être des employés de l’ETA, d’une part, la décision de vérification et, d’autre part, les mandats D/06658 et D/06659, du 4 juillet 1994, signés par le directeur général de la direction générale de la concurrence et habilitant les agents de la Commission à procéder à la vérification.

134
S’appuyant sur lesdits documents, les agents de la Commission ont demandé aux employés de l’ETA d’accepter qu’il soit procédé à la vérification. Toutefois, ces derniers ont attiré leur attention sur le fait qu’ils se trouvaient dans les bureaux de l’ETA, qu’ils étaient des employés de l’ETA et que l’ETA était une personne juridique indépendante, sans autre rapport avec Minoan que celui d’être son agent. Les agents de la Commission ont insisté, après avoir téléphoné à leurs supérieurs hiérarchiques à Bruxelles, pour effectuer la vérification et ont rappelé aux employés de l’ETA que, en cas de refus, des sanctions au titre de l’article 19, paragraphe 1, et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 4056/86 pourraient être prises, ces deux dispositions étant citées dans la décision de vérification et leur teneur littérale figurant dans son annexe. En outre, ces agents de la Commission ont demandé à la direction de la vérification du marché et de la concurrence du ministère du Commerce hellénique, en tant qu’autorité nationale compétente en matière de concurrence, d’envoyer l’un de ses agents aux bureaux de l’ETA.

135
Les agents de la Commission n’ont pas expressément indiqué aux employés de l’ETA qu’ils avaient la possibilité de se faire assister d’un avocat, mais leur ont remis une note de deux pages contenant des explications au sujet de la nature et du déroulement normal de la vérification.

136
Les employés de l’ETA, après avoir téléphoné à leur directeur, alors absent d’Athènes, ont finalement décidé de se soumettre à la vérification, tout en signalant qu’ils allaient exprimer leur désaccord dans le procès-verbal.

137
Les agents de la Commission ont entamé, ensuite, la vérification, qui s’est achevée à la fin du jour suivant, le 6 juillet 1994.

138
Enfin, il convient de relever que l’ETA, en sa qualité de représentant de Minoan, était pleinement autorisée à agir et à se désigner dans le cadre de ses activités commerciales comme étant «Minoan Lines Athènes», ainsi qu’à faire usage de la marque et du logo de Minoan dans le cadre de ses activités d’agent.

139
À la lumière de ce qui précède, le Tribunal constate qu’il ressort clairement du cadre factuel que:

en premier lieu, dans la poursuite et la gestion de ses activités d’agent et de représentant de Minoan, l’ETA était autorisée à se présenter auprès du public en général et de la Commission comme étant Minoan, de sorte que son identité en tant que gestionnaire des activités commerciales en question était en pratique entièrement assimilée à celle de Minoan;

en deuxième lieu, le fait que les lettres adressées par la Commission à Minoan ont été transmises à M. Sfinias pour réponse directe à la Commission indique que tant Minoan que l’ETA et M. Sfinias savaient dès le début de l’intervention de la Commission que cette dernière était en train de donner suite à une plainte; ils ont également pris connaissance de la nature de la plainte, de l’objet de la demande de renseignements et du fait que la Commission agissait sur la base du règlement n° 4056/86, cité dans les lettres en question; il s’ensuit qu’en transmettant les lettres à M. Sfinias pour réponse Minoan a, de facto, autorisé non seulement ce dernier, mais également l’ETA à se présenter auprès de la Commission comme l’interlocuteur dûment mandaté de Minoan dans le cadre de l’enquête en question;

en troisième lieu, il ressort de tout qui précède ainsi que du fait que Minoan avait délégué l’exercice de ses activités commerciales à l’ETA que les bureaux situés avenue Kifissias 64 B étaient, en pratique, le véritable centre des activités commerciales de «Minoan» et, de ce fait, l’endroit où les livres et documents professionnels relatifs aux activités en cause étaient détenus.

140
Il s’ensuit que les locaux en question étaient des locaux de Minoan en tant que destinataire de la décision de vérification au sens de l’article 18, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 4056/86.

2. Sur le respect, en l’espèce, des principes régissant l’exercice par la Commission de ses pouvoirs en matière de vérification

141
Il ressort du dossier que tant les mandats que la décision de vérification présentés par les fonctionnaires de la Commission aux employés de l’ETA remplissaient l’exigence d’indiquer l’objet et le but de la vérification. En effet, la décision de vérification consacre une page et demie de ses considérants à exposer les raisons pour lesquelles la Commission estime qu’il pourrait y avoir une entente portant sur les tarifs des transbordeurs applicables aux passagers, aux véhicules et aux poids lourds entre les principales entreprises assurant les lignes maritimes entre la Grèce et l’Italie qui serait contraire à l’article 85, paragraphe 1, du traité. Elle expose les principaux traits du marché en cause, les principales compagnies actives sur ce marché, dont Minoan, les parts de marché des entreprises assurant les trois lignes différenciées et décrit en détail le type de comportement qu’elle considère pouvoir se révéler contraire à l’article 85, paragraphe 1, du traité. Elle indique clairement que l’entreprise destinataire, à savoir Minoan, est l’une des principales compagnies actives sur le marché en cause et souligne que cette entreprise connaît déjà l’existence de l’enquête sous objet.

142
Ensuite, dans le dispositif de la décision de vérification, l’article 1er indique expressément que le but de la vérification est de déterminer si les systèmes de formation des prix ou tarifs appliqués par les compagnies actives dans le secteur des transbordeurs rouliers entre la Grèce et l’Italie sont contraires à l’article 85, paragraphe 1, du traité. L’article 1er de la décision de vérification expose également l’obligation pour l’entreprise destinataire de se soumettre à la vérification et décrit les pouvoirs accordés aux agents de la Commission à l’occasion de ladite vérification. L’article 2 se réfère à la date à laquelle la vérification devait avoir lieu. L’article 3 fait mention du destinataire de la décision. Il est précisé que la décision de vérification s’adresse à Minoan. Trois adresses figurent comme lieux d’inspection possibles: en premier lieu, Quai Poseidon 28, au Pirée, en deuxième lieu, Quai Poseidon 24, au Pirée, et, en troisième lieu, avenue Kifissias 64 B, Maroussi, à Athènes, lieu où les agents de la Commission se sont finalement rendus. Enfin, l’article 4 indique la possibilité de former un recours contre la décision de vérification devant le Tribunal tout en soulignant que ce recours n’a pas d’effet suspensif sauf si le Tribunal en décide autrement.

143
Pour ce qui est des mandats accordés aux agents de la Commission en vue de procéder à la vérification, ils indiquent explicitement qu’ils sont habilités à y procéder dans le sens et le but exposés dans la décision de vérification, rendue en annexe de façon simultanée.

144
Dans ces conditions, il ressortait clairement du contenu de ces actes, d’une part, que la Commission voulait obtenir des indices et des preuves de la participation de Minoan à l’entente présumée et, d’autre part, qu’elle pensait pouvoir en trouver, entre autres lieux, dans les locaux sis avenue Kifissias 64 B, Maroussi, à Athènes, locaux qu’elle considérait appartenir à Minoan. Il convient, à cet égard, de rappeler que cette adresse figurait imprimée sur le papier à lettres utilisé par Minoan pour répondre le 5 mai 1993 à la lettre de demande de renseignements de la Commission du 1er mars 1993, au bas duquel figure la mention suivante: «INTERNATIONAL LINES HEAD OFFICES: 64 B Kifissias Ave. GR, 151 25, Maroussi, Athens».

145
Le Tribunal estime que la décision et les mandats de vérification contenaient tous les éléments pertinents pour permettre aux employés de l’ETA de juger si, compte tenu de la motivation de ladite décision et à la lumière de la connaissance qu’ils avaient de la nature et de la portée des relations existant entre l’ETA et Minoan, ils étaient obligés de permettre ou non la vérification envisagée par la Commission dans leurs locaux.

146
Il faut donc conclure que, pour ce qui est de la décision et des mandats de vérification, les exigences découlant de la jurisprudence ont été pleinement respectées, en ce qui concerne le titulaire des locaux inspectés, à savoir l’ETA, car, d’une part, en tant qu’entreprise gestionnaire des affaires de Minoan sur le marché des transbordeurs rouliers assurant les lignes maritimes entre la Grèce et l’Italie, elle était en mesure de saisir la portée de son devoir de collaboration avec les agents de la Commission et, d’autre part, ses droits de la défense ont été pleinement préservés compte tenu du degré de motivation desdits actes et de la mention explicite de la possibilité d’introduire un recours contre la décision de vérification devant le Tribunal. Le fait que ni ETA ni Minoan ne l’aient fait par la suite relève de leur choix et n’est pas de nature à infirmer cette conclusion, mais plutôt à la confirmer.

147
À cet égard, il y a lieu de rappeler que, si l’ETA était du point de vue juridique une entité distincte de Minoan, toutefois, dans son rôle de représentant de cette dernière et de gestionnaire exclusif des activités qui faisaient l’objet de l’enquête de la Commission, sa personnalité était entièrement assimilée à celle de son commettant, de sorte qu’elle était soumise à la même obligation de coopération que celui-ci.

148
En outre, dans l’hypothèse où il serait permis à Minoan de se prévaloir des droits de la défense de l’ETA en tant qu’entité distincte, force est de constater que ces droits n’ont jamais été mis en question. En effet, ni les activités distinctes, à supposer qu’il en ait existé, ni les propres livres et documents professionnels de l’ETA ne faisaient l’objet de la vérification en cause.

149
L’on ne saurait non plus reprocher à la Commission, dans les circonstances de l’espèce, ni d’avoir pensé que Minoan avait des locaux propres à l’adresse à laquelle les agents de la Commission se sont rendus, à Athènes, ni d’avoir, en conséquence, inclu ladite adresse dans sa décision de vérification comme étant l’adresse d’un des centres d’activités de Minoan.

150
Il convient ensuite d’aborder la question de savoir si, en insistant pour procéder à la vérification, la Commission a respecté le cadre de la légalité.

151
Il ressort de la jurisprudence, rappelée ci-dessus, que la Commission doit assurer dans ses activités de vérification le respect du principe de la légalité de l’action des institutions communautaires et du principe de protection contre les interventions arbitraires de l’autorité publique dans la sphère de l’activité privée de toute personne physique ou morale (voir arrêt Hoechst/Commission, précité, point 19). Il serait excessif et contraire aux dispositions du règlement n° 4056/86 et aux principes fondamentaux du droit de reconnaître à la Commission de façon générale un droit d’accès, sur la base d’une décision de vérification adressée à une entité juridique déterminée, aux locaux d’une entité juridique tierce sous le simple prétexte qu’elle est étroitement liée au destinataire de la décision de vérification ou que la Commission pense pouvoir y trouver des documents de cette dernière, et le droit d’effectuer des vérifications dans ces locaux sur la base de ladite décision.

152
Or, en l’espèce, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir tenté d’élargir ses pouvoirs de vérification en visitant les locaux d’une société autre que la société destinataire de la décision. Au contraire, il résulte du dossier que la Commission a agi diligemment et en respectant largement son devoir de s’assurer autant que possible, antérieurement à la vérification, que les locaux qu’elle envisageait d’inspecter étaient effectivement les locaux de l’entité juridique sur laquelle elle souhaitait enquêter. Il convient de rappeler, à cet égard, la préexistence d’une correspondance échangée entre la Commission et Minoan dans le cadre de laquelle cette société a répondu à deux courriers de la Commission au moyen de deux lettres signées par M. Sfinias, qui est finalement apparu comme étant l’administrateur de l’ETA, sans pour autant avoir fait la moindre mention de l’existence même de l’ETA ni du fait que Minoan agissait sur le marché via un agent exclusif.

153
En outre, il convient de constater, comme la Commission l’a relevé dans son mémoire en défense, sans être contredite par la requérante, que dans la liste des membres de l’Union des propriétaires grecs de transbordeurs est mentionné le nom de M. Sfinias, personne ayant signé les deux lettres au nom de Minoan, que, dans le barème des prix publié par Minoan, une agence générale est mentionnée à l’adresse Kifissias 64 B, Athènes et, enfin, que dans l’annuaire téléphonique d’Athènes, il est fait mention de la société Minoan Lines à l’adresse à laquelle la Commission s’est rendue pour procéder à la vérification.

154
Il reste la question de savoir si, une fois que les agents de la Commission ont su que l’ETA était une autre société pour laquelle ils ne disposaient pas de décision de vérification, ils auraient dû se retirer et revenir, le cas échéant, avec une décision adressée à l’ETA et dûment motivée en ce qui concerne les raisons justifiant une telle vérification dans le cadre de l’affaire en question.

155
Il convient de constater que, compte tenu des circonstances particulières exposées ci-dessus, la Commission a pu raisonnablement estimer que les «précisions» des employés de l’ETA ne suffisaient ni à faire immédiatement la lumière sur la question de la distinction entre les personnes morales, ni à justifier la suspension du déroulement du contrôle, d’autant plus que, comme le souligne la Commission, décider s’il s’agissait ou non de la même entreprise aurait requis une appréciation sur le fond et notamment une interprétation de la portée du champ d’application de l’article 18 du règlement n° 4056/86.

156
Force est de constater que, dans les circonstances de l’espèce, la Commission a estimé à bon droit, même après avoir su que les locaux situés à l’endroit visité appartenaient à l’ETA et non à Minoan, qu’ils devaient néanmoins être considérés comme des locaux utilisés par Minoan pour développer ses activités commerciales et, donc, qu’ils pouvaient être assimilés aux locaux commerciaux de l’entreprise destinataire de la décision de vérification. Il convient de rappeler à cet égard que la Cour a jugé que le droit d’accéder à tous locaux, terrains et moyens de transport des entreprises présente une importance particulière dans la mesure où il doit permettre à la Commission de recueillir les preuves des infractions aux règles de concurrence dans les lieux où elles se trouvent normalement, c’est-à-dire dans les «locaux commerciaux des entreprises» (arrêt Hoechst/Commission, précité, point 26). Dès lors, la Commission pouvait tenir compte, dans l’exercice de ses pouvoirs de vérification, de la logique selon laquelle ses chances de trouver des preuves de l’infraction présumée sont plus élevées si elle enquête dans les locaux à partir desquels la société qui est sa cible développe habituellement et de facto son activité en tant qu’entreprise.

157
Enfin et en tout état de cause, il y a lieu d’ajouter qu’il n’y a pas eu d’opposition définitive à ce que la Commission procède à la vérification.

158
Il s’ensuit qu’en l’occurrence, en insistant pour procéder à la vérification dans un cas comme celui de l’espèce, la Commission n’a pas outrepassé les pouvoirs d’enquête que lui reconnait l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 4056/86.

3. Sur le respect des droits de la défense et sur l’absence d’ingérence excessive de l’autorité publique dans la sphère d’activité de l’ETA

159
Comme il a été rappelé ci-dessus, la jurisprudence de la Cour et du Tribunal montre que, s’il y a lieu de préserver l’effet utile des vérifications de la Commission, celle-ci doit pour sa part s’assurer du respect des droits de la défense des entreprises concernées par la vérification et s’abstenir de toute intervention arbitraire ou disproportionnée dans leur sphère d’activités privées (arrêts Hoechst/Commission, précité, point 19; Dow Benelux/Commission, précité, point 30; arrêt de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Chemical Ibérica e.a./Commission, 97/87 à 99/87, Rec. p. 3165, point 16, et arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit «PVC II», T-305/94 à T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94, Rec. p. II-931, point 417).

160
Pour ce qui est du respect des droits de la défense, il convient de constater que ni la requérante ni l’entité juridique titulaire des locaux inspectés, à savoir l’ETA, n’ont estimé opportun d’introduire un recours contre la décision de vérification sur la base de laquelle la vérification a eu lieu, alors même qu’ils aurait pu le faire, comme l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 4056/86 le prévoit expressément.

161
En outre, s’agissant de la requérante, il suffit de constater qu’elle se prévaut de son droit de demander le contrôle de la légalité intrinsèque de la vérification dans le cadre du présent recours en annulation contre la décision finale adoptée par la Commission en application de l’article 85, paragraphe 1, du traité.

162
Il est également constant que, dans la mesure où les employés d’ETA ne se sont finalement pas opposés à ce que la Commission procède à la vérification, la Commission ne s’est pas vue obligée de demander un mandat judiciaire et/ou l’aide de la force publique pour procéder à la vérification. Il s’ensuit qu’une vérification comme celle de l’espèce doit être considérée comme une vérification effectuée avec la coopération de l’entreprise concernée. Le fait que l’autorité grecque de la concurrence ait été contactée et qu’un de ses agents se soit rendu sur les lieux de la vérification ne peut contredire la conclusion qui précède, car une telle mesure est prévue à l’article 18, paragraphe 5, du règlement n° 4056/86 pour les cas où l’entreprise ne s’oppose pas à la vérification. Dans ces conditions, il ne pourrait être question d’une ingérence excessive de l’autorité publique dans la sphère d’activité de l’ETA en l’absence d’un quelconque élément invoqué pour soutenir que la Commission serait allée au-delà de la coopération offerte par les employés de l’ETA (voir, en ce sens, arrêt PVC II, précité, point 422).

C – Conclusion

163
Il ressort de tout ce qui précède qu’en l’espèce la Commission a pleinement respecté la légalité tant en ce qui concerne les actes de vérification qu’elle a adoptés que dans la manière dont s’est déroulée postérieurement la vérification et qu’elle l’a fait en préservant les droits de la défense des entreprises concernées et en respectant pleinement le principe général du droit communautaire garantissant une protection contre les interventions de la puissance publique dans la sphère d’activités privées de toute personne, qu’elle soit physique ou morale, qui seraient disproportionnées ou arbitraires.

164
Dès lors, il y a lieu de déclarer ce moyen non fondé.

Sur le troisième moyen, soulevé à titre subsidiaire et tiré d’une application erronée de l’article 85, paragraphe 1, du traité aux faits de l’espèce, en ce qu’il s’agirait d’un accord d’importance mineure

Arguments des parties

165
La requérante soutient que l’accord présumé est soustrait à l’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité. Dès lors qu’elle relèverait de la catégorie des petites et moyennes entreprises (PME) et que la Commission admet que sa participation à cet accord n’aurait pas affecté les conditions de concurrence sur le marché, il s’agirait d’un accord d’importance mineure. Sur ce point, la Décision serait contradictoire dans ses considérants 148 et 151.

166
La Commission considère que cette allégation est dénuée de fondement. Dès lors que l’accord empêche sensiblement la concurrence sur un segment significatif du marché en question, comme l’indique la Décision au considérant 151, il ne pourrait être assimilé aux accords d’importance mineure. Cette affirmation ne contredit pas le considérant 148 de la Décision selon lequel «l’infraction n’a eu qu’un effet réel limité sur le marché», car ce passage se rapporte aux circonstances atténuantes à prendre en compte pour fixer le montant de l’amende.

Appréciation du Tribunal

167
Il ressort des considérants 148 et 149 de la Décision que, s’agissant d’évaluer la gravité de l’infraction et les circonstances atténuantes à prendre en compte pour fixer le montant de l’amende, la Commission a estimé que l’infraction «n’avait eu qu’un effet réel limité sur le marché» et qu’elle «n’a produit ses effets que dans une partie limitée du marché commun, à savoir trois des lignes maritimes de l’Adriatique».

168
Toutefois, contrairement à ce que prétend la requérante, une telle constatation, laquelle a valu aux entreprises sanctionnées que leur infraction soit qualifiée seulement de «grave» au lieu de «très grave», n’est pas contradictoire avec le refus, signalé au considérant 151 de la Décision, de qualifier les faits d’accords d’importance mineure, même à supposer que la requérante puisse être qualifiée de PME.

169
La communication de la Commission, concernant les accords d’importance mineure qui ne sont pas visés par les dispositions de l’article 85, paragraphe 1, du traité (JO 1997, C 372, p. 13), indique que les accords entre PME échappent, en règle générale, à l’interdiction édictée à l’article 85, paragraphe 1, du traité. Dès lors, seuls sont susceptibles d’échapper à cette interdiction les accords conclus exclusivement par des PME. Or, comme le précise à juste titre la Commission dans la note en bas de page n° 10 de la Décision (considérant 151), en l’espèce, seules Marlines et la requérante pourraient être qualifiées de PME. Enfin, la requérante ne saurait contester le fait que l’entente sanctionnée en l’espèce a entravé de manière significative la concurrence dans une partie substantielle du marché en cause. Or, le point 20 de la communication précitée dispose que«[l]a Commission se réserve [...] d’intervenir à l’égard [d’]accords [conclus entre des PME] lorsqu’ils entravent de manière significative la concurrence dans une partie substantielle du marché en cause».

170
Il s’ensuit qu’il n’y a pas de contradiction entre les considérants 148 et 149 de la Décision, d’une part, et le considérant 151, d’autre part. Le présent moyen doit donc être rejeté.

Sur le quatrième moyen, tiré d’un défaut de motivation

Arguments des parties

171
La requérante fait valoir que l’accusation faite par la Commission d’avoir participé à l’accord ou aux accords en question à partir du 4 décembre 1989 jusqu’au mois de juillet 1994 sans interruption n’est ni suffisamment motivée ni étayée par des éléments de preuve suffisants.

172
La Commission estime que ces allégations sont dénuées de fondement. Elle rappelle qu’en vertu d’une jurisprudence constante une décision est suffisamment motivée lorsqu’elle présente de manière claire et logique les appréciations substantielles et juridiques de la Commission de façon à ce que tant le destinataire de la décision que le Tribunal puissent connaître les divers éléments du raisonnement de la Commission, sans que celle-ci doive nécessairement rappeler tous les éléments de fait et de droit que chaque intéressé a avancés au cours de la procédure administrative. Par ailleurs, elle rappelle que l’instruction est régie par le principe de la libre appréciation des preuves et que le Tribunal s’appuie exclusivement sur l’appréciation globale de la force probante d’un document et sur les règles élémentaires de la logique pour ce qui est de la preuve.

Appréciation du Tribunal

173
Dans le cadre de ce moyen, la requérante invoque conjointement, de manière un peu confuse, deux griefs qu’il convient de distinguer: d’une part, elle semble reprocher à la Commission d’avoir insuffisamment motivé la Décision; d’autre part, elle soutient que l’accusation de la Commission ne repose sur aucune base et est fondée sur des éléments de preuve insuffisants. Cette dernière question ayant été examinée dans le cadre du premier moyen, il y a lieu d’examiner uniquement le grief tiré d’une insuffisance de motivation de la Décision.

174
Il convient de rappeler que, si, en vertu de l’article 190 du traité CE (devenu article 253 CE), la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la décision et les considérations qui l’ont amenée à prendre celle-ci, il n’est pas exigé qu’elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés au cours de la procédure administrative (arrêt PVC II, précité, point 388).

175
En l’espèce, la Décision expose tous les éléments de preuve retenus aux considérants 16, 19, 22, 28, 37 et 38. Elle expose, par ailleurs, de manière détaillée toutes les appréciations de fait et de droit s’appuyant sur ceux-ci aux considérants 111, 112, 117 et 128 à 131. Le Tribunal estime que ces considérants de la Décision présentent clairement tant les faits que la Commission a estimé opportun de retenir comme constitutifs d’infraction que leur appréciation juridique. Le niveau de détail et la portée des explications fournies dans la Décision suffisent largement pour permettre à la requérante de prendre connaissance du raisonnement de la Commission et au Tribunal d’exercer aisément son contrôle juridictionnel.

176
Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté.

II – Sur les conclusions tendant à l’annulation ou à la réduction de l’amende

177
À titre subsidiaire, la requérante fait valoir, dans ses conclusions tendant à l’annulation ou à la réduction de l’amende, que, dans la détermination du montant de l’amende qui lui a été imposée, la Commission a violé le principe de proportionnalité en commettant des erreurs dans l’évaluation de la durée de l’infraction et de sa gravité ainsi que de la part de responsabilité de la requérante dans l’infraction.

A – Sur la première branche, tirée d’une erreur dans la détermination de la durée de l’infraction

Arguments des parties

178
La requérante soutient que la détermination de la période durant laquelle elle est censée avoir participé à l’infraction a été effectuée de manière arbitraire par la Commission. En particulier, elle considère que l’affirmation selon laquelle elle a participé sans interruption à l’accord à partir du 4 décembre 1989 jusqu’au mois de juillet 1994 n’est pas étayée par des éléments de preuve suffisants. Selon la requérante, la Commission ne peut, en aucun cas, lui reprocher d’avoir participé à l’accord en question au cours de la période 1992-1994 en l’absence d’élément de preuve allant dans ce sens. Dès lors, la requérante n’aurait pas dû se voir infliger une amende pour la période 1992-1994.

179
La Commission rappelle la jurisprudence relative au principe de la libre appréciation des preuves et à la motivation des décisions. Elle affirme avoir exposé les éléments de preuve concernant la requérante aux considérants 128 à 131 de la Décision. Ainsi, il résulterait notamment des documents datés du 25 février 1992, du 24 novembre 1993 et du 7 janvier 1993 que l’accord a continué d’exister entre les entreprises incriminées, y compris la requérante, pendant les années 1992, 1993 et 1994, alors qu’il n’existerait pas de preuve que la requérante se soit retirée de l’entente en 1991.

Appréciation du Tribunal

180
Comme il a été jugé dans le cadre de l’examen du premier moyen, il résulte de l’article 1er, paragraphe 2, de la Décision que ce que la Commission a reproché à la requérante en l’espèce est d’avoir participé à une entente sur les prix des véhicules utilitaires sur la ligne de Patras-Bari et de Patras-Brindisi pendant la période comprise entre le 8 décembre 1989 et le mois de juillet 1994.

181
Il ressort de la jurisprudence qu’il appartient à la Commission de prouver non seulement l’existence de l’entente, mais aussi sa durée (arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43/92, Rec. p. II-441, point 79, et arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, précité, point 2802).

182
S’agissant de la preuve de la continuation de l’infraction, le juge communautaire a précisé que le régime de concurrence instauré par les articles 85 et suivants du traité s’intéresse aux résultats économiques des accords, ou de toute forme comparable de concertation ou de coordination, plutôt qu’à leur forme juridique. Par conséquent, dans le cas d’ententes qui ont cessé d’être en vigueur, il suffit, pour que l’article 85 du traité soit applicable, qu’elles poursuivent leurs effets au-delà de leur cessation formelle (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 3 juillet 1985, Binon, 243/83, Rec. p. 2015, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T-327/94, Rec. p. II-1373, point 95).

183
Comme il a été jugé dans le cadre du premier moyen, les télex du 8 décembre 1989 et du 30 octobre 1990 démontrent l’existence d’un accord, tel que celui décrit à l’article 1er, paragraphe 2, de la Décision, ainsi que la participation de la requérante à cet accord au cours des années 1990 et 1991.

184
La requérante conteste la preuve de sa participation à l’entente à partir de 1992 et jusqu’à la date retenue par la Commission comme date de la fin de l’infraction, à savoir juillet 1994. Il convient d’examiner les éléments de preuve retenus par la Commission.

185
Comme il a été jugé dans le cadre de l’examen du premier moyen, le télex du 30 octobre 1990 démontre la participation de la requérante à une entente conclue entre des compagnies assurant les lignes Patras-Bari et Patras-Brindisi sur les prix du transport des véhicules utilitaires, applicables à partir du 5 novembre 1990.

186
Le télex du 22 octobre 1991, envoyé par Minoan à Anek, démontre clairement la continuation des ententes et des négociations concernant les lignes Patras-Ancône, Patras-Bari et Patras-Brindisi. Il suffit d’en rappeler quelques passages:

«[...] vous voulez appliquer à la ligne Patras-Trieste le même tarif que celui que nous avons tous convenu pour la ligne Patras-Ancône [...] la perspective d’un rupture de l’équilibre tarifaire que nous avons réussi, à grand peine, à établir pour tous les ports italiens. Permettez-nous de vous rappeler que grâce à un effort conjoint – auquel vous avez pris part – nous avons réorganisé les tarifs du mieux que nous avons pu et que nous avons fixé les différences sur la base des distances en milles nautiques jusqu’aux ports de Brindisi, de Bari et d’Ancône [...] nous insistons pour que vous vous en teniez – comme vous le devriez – à l’accord conclu entre les 11 compagnies [...] Nous vous proposons de fixer le prix pour la traversée [...] si vous persistez à appliquer les mêmes tarifs au départ de Trieste et d’Ancône à destination de la Grèce, notre accord relatif à une politique tarifaire commune pour la ligne d’Ancône prendra fin et chaque compagnie déterminera alors sa propre politique tarifaire.»

187
Le télex du 7 janvier 1993, envoyé par Minoan à Strintzis, à Anek et à Karageorgis, démontre la continuation en 1992 des négociations entre les sociétés qui s’étaient entendues en 1990, parmi lesquelles figure la requérante. Ce document fait très clairement ressortir l’objet de l’accord libellé «Tarifs des véhicules utilitaires sur la ligne Grèce-Italie-Grèce» (voir paragraphe 2 dudit document). Ce télex démontre également l’existence d’un accord antérieur ayant le même objet dans la mesure où il constate:

«[...] deux années se sont écoulées depuis le dernier ajustement des tarifs véhicules. Ce fait impose une nouvelle adaptation des tarifs en drachmes ou une réduction des tarifs en lires [...] Notre décision de parvenir à un accord avec vous sur le réajustement, sans consultation préalable des compagnies qui exploitent les autres lignes italiennes, est motivée par le désir d’éviter les discussions interminables qui ne manqueraient pas d’avoir lieu si nous entamions cette consultation.

Nous sommes convaincus que cet accord conjoint sera regardé d’un oeil favorable par ces compagnies [...]»

188
Le Tribunal estime que l’expression «nous sommes convaincus que cet accord conjoint sera regardé d’un oeil favorable par ces compagnies» démontre que d’autres contacts ont eu lieu et allaient avoir lieu avec les entreprises qui étaient parties à l’accord d’octobre 1990 (notamment la requérante). De même, les phrases «deux années se sont écoulées depuis le dernier ajustement des tarifs véhicules» et «ce fait impose une nouvelle adaptation des tarifs en drachmes ou une réduction des tarifs en lires» doivent être interprétées comme se référant au dernier accord sur les prix concernant le transport de véhicules utilitaires. Or, il ressort d’une analyse des diverses pièces documentaires relatives aux années précédentes que c’est, précisément, au cours du mois d’octobre 1990 que la dernière adaptation de ces tarifs a eu lieu (voir télécopie du 30 octobre 1990 envoyée par Strintzis à Adriatica, à Anek, à Hellenic Mediterranean Libes, à Karageorgis, à Med Lines, à Minoan, à Strintzis et à Ventouris). La participation de la requérante à cette adaptation a été établie par la Commission comme il a été jugé dans le cadre de l’examen du premier moyen.

189
Confirme également l’idée d’une continuation de l’entente le télex du 24 novembre 1993, dans lequel l’auteur s’exprime comme suit: «Nous en sommes très heureux, car nous avions commencé avec le problème de l’échec de l’accord précédent du fait de l’opposition des compagnies Kosma-Giannatou et Ventouris A. Nous avons rétabli la situation petit à petit, passant d’abord de 5 à 10 % (positions de Strintzis, Ventouris G et Adriatica), pour obtenir finalement le pourcentage indiqué ci-dessus.» Ce passage démontre qu’il y a eu des négociations cette année, au cours desquelles des divergences sont intervenues entre des entreprises dont certaines étaient également parties à l’ancien accord (Ventouris, Adriatica,etc.) L’expression «petit à petit» démontre qu’il y a eu toute une série de négociations au cours de l’année entre les sociétés, y compris avec la requérante, ce qui démontre la poursuite de la participation de celle-ci pendant la période comprise entre janvier et novembre 1993.

190
Il ressort de ce qui précède que la poursuite de l’accord au cours des années 1992 et 1993 ressort d’une lecture combinée de la télécopie du 30 octobre 1990, et des télex du 22 octobre 1991, du 7 janvier et du 24 novembre 1993.

191
En ce qui concerne la prolongation de l’entente jusqu’au mois de juillet 1994, date de la fin de l’infraction selon la Décision, il convient de relever que le télex du 24 novembre 1993 visait les prix pour le transport, sur les trois lignes unissant la Grèce et l’Italie, des véhicules utilitaires, prix applicables à partir du 16 décembre 1993, c’est-à-dire, en réalité, au cours de l’année 1994. Il convient également de se référer à un télex, envoyé par l’ETA au siège de Minoan le 26 mai 1994, dans lequel l’auteur s’exprime comme suit: «Nous avons pris une initiative visant à obtenir l’application d’un nouveau tarif sur les lignes à destination de l’Italie, avec des prix différents en cas de paiement comptant et de paiement par chèque à soixante jours. Le problème, c’est qu’il nous faut obtenir l’accord de seize compagnies. Nous sommes optimistes malgré tout.» Ce document montre qu’en mai 1994 Minoan a continué à faire des tentatives en vue de parvenir à un accord avec les autres entreprises pour modifier les tarifs qui étaient en application.

192
Enfin, le Tribunal estime inopérante l’évocation par la requérante, à la page 13 de sa requête, d’une contradiction entre la durée de l’infraction retenue dans la Décision, qui inclut l’année 1993 dans son intégralité, et celle retenue au point 62 de la communication des griefs, dans lequel elle aurait été accusée d’avoir participé à un accord contraire à l’article 85, paragraphe 1, du traité portant sur une partie seulement de l’année 1993. Il suffit à cet égard de constater que la requérante ne tire aucune conséquence particulière de la contradiction alléguée. En outre, et en tout état de cause, même à supposer qu’elle entende invoquer une violation des droits de la défense, une telle prétention ne saurait prospérer dans la mesure où, comme la requérante le signale elle-même à la page 13 de sa requête, elle a pu faire valoir devant la Commission au cours de l’audition sa position concernant la durée de l’infraction en 1993 que la communication des griefs lui imputait.

193
Compte tenu de ce qui précède et en l’absence de tout élément de preuve ou indice pouvant être interprété comme une volonté déclarée de la requérante de se distancer de l’objet de l’accord conclu en novembre 1993, c’est à juste titre que la Commission a considéré qu’elle disposait de preuves de sa continuation jusqu’au mois de juillet 1994, date à laquelle la Commission estime que l’entente a pris fin, ce qui coïncide avec la réalisation des premières vérifications. Il s’ensuit que cette branche doit être rejetée.

B – Sur la deuxième branche, portant sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et sur la détermination de la part de responsabilité de la requérante dans l’infraction

Arguments des parties

194
La requérante soutient, tout d’abord, que la Commission a qualifié à tort l’entente d’infraction grave, car elle a méconnu l’incidence limitée de celle-ci sur le marché du transport maritime entre la Grèce et l’Italie, le non-respect en pratique des prix publiés et le fait que, en raison du cadre législatif et réglementaire en vigueur en Grèce, le caractère illicite de l’accord n’était pas évident.

195
Ensuite, la requérante prétend que sa part de responsabilité dans la réalisation de l’infraction présumée est mineure et affirme que le rôle qu’elle a joué dans celle-ci ne pourrait, en tout état de cause, être qualifié que de passif. Ainsi, elle fait valoir que son comportement n’était pas le résultat de sa libre volonté, mais le produit de la confusion qui régnait en Grèce entre les compagnies maritimes du fait du cadre législatif et réglementaire en vigueur et des prescriptions et recommandations formulées par le ministère de la Marine marchande. En outre, elle n’aurait pas participé activement à l’infraction présumée, car, en tant que PME, elle aurait été contrainte, pour pouvoir survivre, de suivre une politique commerciale défensive à l’égard des autres compagnies, qui étaient de grands transporteurs sur le marché du transport maritime entre la Grèce et l’Italie. Elle fait valoir ᄅgalement qu’elle a toujours agi dans le respect du cadre législatif et réglementaire en vigueur, conformément aux impératifs de la concurrence sur le marché en cause.

196
Enfin, l’appréciation de la responsabilité de la requérante dans la réalisation de l’infraction sanctionnée serait également erronée en ce que la Commission a ignoré le fait que la requérante a été seulement reconnue coupable d’avoir participé à une entente sur les lignes Patras-Bari et Patras-Brindisi. En outre, l’amende infligée à la requérante serait disproportionnée dans la mesure où cette infraction concernait uniquement les prix applicables aux transports des véhicules utilitaires, à la différence de l’entente sur la ligne Patras-Ancône, qui visait également les prix applicables au transport de passagers et des véhicules de ces derniers.

197
Dans ces circonstances, la requérante considère que, dans l’éventualité où le Tribunal devrait décider qu’elle a enfreint l’article 85 du traité, les considérations qui précèdent justifient la réduction de l’amende qui lui a été infligée au niveau le plus bas possible.

198
La Commission rappelle que, bien que les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices» rangent en principe les cartels ayant pour objet la fixation des prix au rang des infractions très graves, en l’espèce, elle a pris en compte les circonstances atténuantes alléguées par la requérante (en particulier aux considérants 148, 149 et 162 de la Décision), lesquelles l’ont amenée à conclure, de manière justifiée, qu’il s’agit d’une infraction grave et non très grave. De même, la Commission considère avoir dûment tenu compte tant de la confusion ayant découlé du cadre législatif que du rôle suiviste de la requérante comme cela ressort des considérants 163 et 164 de la Décision.

Appréciation du Tribunal

199
Il ressort de la jurisprudence que l’appréciation de la gravité de l’infraction, aux fins de la fixation du montant de l’amende, doit être effectuée en tenant compte notamment de la nature des restrictions apportées à la concurrence, du nombre et de l’importance des entreprises concernées, de la fraction respective du marché qu’elles contrôlent dans la Communauté ainsi que de la situation du marché à l’époque où l’infraction a été commise (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 176).

200
De même, lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, la Commission doit tenir compte du rôle joué par chacune des entreprises dans l’infraction (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française/Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, points 120 et 129) et, donc, examiner la gravité relative de la participation de chacune d’entre elles (arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, Rec. p. II-1711, point 110; arrêts Montecatini/Commission, précité, point 207; Commission/Anic Partecipazioni, précité, point 150, et Cimenteries CBR e.a./Commission, précité, points 4949 et 4994). En particulier, le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle a joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle a participé doit être pris en considération lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination de l’amende (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, précité, point 90).

201
L’examen des griefs soulevés par la requérante dans le cadre de la présente branche exige tout d’abord de rappeler le libellé de l’article 1er de la Décision et, ensuite, d’analyser la manière dont la Commission a entendu appliquer en l’espèce les lignes directrices.

202
Comme il a été jugé dans le cadre de l’examen du premier moyen, le dispositif de la Décision n’étant pas ambigu, il y a lieu de considérer que ce que la Commission a établi et sanctionné ce n’est pas une infraction unique sur toutes les lignes, mais bien deux infractions distinctes, une sur la ligne du Nord (article er, paragraphe 1) et une autre sur les lignes du Sud (article 1er, paragraphe 2).

203
Le Tribunal estime que, pour examiner la deuxième branche du cinquième moyen, il y a lieu d’aborder les griefs portant sur la qualification de la gravité de l’infraction, puis, ceux concernant la non- prise en compte des circonstances atténuantes et, enfin, le grief tiré de l’imposition d’une amende non proportionnée au poids spécifique de la requérante dans l’infraction sanctionnée.

1. Sur la détermination de la gravité de l’infraction

204
Il ressort des considérants 147 à 150 de la Décision que bien qu’en principe la Commission estime qu’une entente comme celle de l’espèce, conclue par certains des plus grands exploitants de transbordeurs rouliers sur le marché en cause afin de s’entendre sur les prix des services de transport de passagers et de véhicules, constitue, par nature, une infraction très grave au droit communautaire (considérant 147 de la Décision), en l’espèce, elle n’a considéré l’infraction en question que comme une infraction grave (considérant 150 de la Décision).

205
Le Tribunal relève qu’un accord visant à fixer les prix limite, de par sa nature, la concurrence (arrêt Chemiefarma/Commission, précité, point 133). En outre, les restrictions horizontales, telles que les cartels de prix, comme celles de l’espèce, sont qualifiées, en principe, d’infractions très graves selon les lignes directrices.

206
En l’espèce, il résulte de la Décision que la Commission est parvenue à la conclusion qu’il s’agissait d’une infraction grave aux règles de concurrence communautaires (considérant 150) après avoir reconnu (considérant 148) que l’infraction n’a eu qu’un effet réel limité sur le marché, admettant ainsi l’argument des entreprises concernées selon lequel elles n’ont pas appliqué intégralement tous les accords spécifiques sur les prix et, que, pendant toute la durée de l’infraction, elles se sont fait concurrence en matière de prix en pratiquant des remises différenciées. La Commission a reconnu également de manière expresse que le gouvernement grec a encouragé les entreprises, au cours de cette même période, à contenir leurs hausses de tarifs dans les limites de l’inflation, de sorte que les prix ont ainsi été maintenus à l’un des niveaux les plus bas du marché commun en matière de transport maritime entre deux États membres. La Commission a, en outre, admis (considérant 149) que l’infraction n’a produit des effets que dans une partie limitée du marché commun, à savoir trois des lignes maritimes de l’Adriatique, tout en soulignant que, même en prenant en compte l’ensemble des lignes maritimes entre la Grèce et l’Italie, le marché est de toute façon restreint par rapport à d’autres marchés de l’Union européenne. Enfin, elle a tenu compte (considérant 149) des chiffres correspondants au nombre de passagers, de véhicules et de remorques transportés en 1996 sur le marché en cause par comparaison aux autres lignes maritimes de l’Union européenne.

207
Il en découle que, lors de l’estimation de la gravité de l’infraction et, donc, du montant de base de l’amende infligée à la requérante, la Commission a tenu compte des circonstances atténuantes invoquées par la requérante, à savoir l’incidence limitée des accords sur le marché en cause, le fait que les prix fixés par les accords n’ont pas été respectés en pratique, le fait que le gouvernement grec a encouragé les entreprises à contenir leurs hausses de tarifs dans les limites de l’inflation ainsi que le fait que l’infraction n’a produit des effets que sur une partie limitée du marché commun.

208
Ces circonstances atténuantes ayant été prises en compte par la Commission et ayant justifié de sa part une réduction du niveau de gravité très élevé habituellement accordé à une entente sur les prix, la requérante ne saurait se prévaloir de ces mêmes circonstances pour invoquer une autre réduction du niveau de gravité de l’infraction. Cette partie de la deuxième branche doit donc être rejetée.

2. Sur la non-prise en compte des autres circonstances atténuantes

209
La requérante soutient également que la Commission n’a pas tenu compte de toutes les circonstances atténuantes réunies en l’espèce.

210
Aux considérants 163 et 164, la Décision expose les circonstances atténuantes que la Commission a prises en compte pour la détermination du montant final de l’amende à infliger à chaque destinataire de la Décision, une fois déterminé le montant de base.

211
Au considérant 163 de la Décision, la Commission admet qu’une certaine confusion parmi les compagnies grecques qui exploitent aussi des lignes intérieures existait quant à la question de savoir si les consultations sur les tarifs applicables à la partie internationale des lignes maritimes constituaient ou non une infraction. Elle s’exprime dans les termes suivants: «La pratique habituelle ─ qui n’est pas imposée directement par le cadre légal ou réglementaire ─ consistant à fixer les tarifs intérieurs, en Grèce, par le biais de consultations entre tous les exploitants nationaux (qui étaient alors censés présenter une proposition commune), et la décision prise ultérieurement par le ministère de la Marine marchande peuvent avoir créé une certaine confusion parmi les compagnies grecques qui exploitent aussi des lignes intérieures quant à la question de savoir si les consultations sur les tarifs applicables à la partie internationale des lignes maritimes constituaient ou non une infraction.» Compte tenu de ces éléments, la Commission a estimé qu’il convenait d’appliquer une réduction des amendes de 15 % pour toutes les compagnies (considérant 163, in fine).

212
Au considérant 164, la Décision expose que la Commission a estimé ce qui suit:

«Marlines, Adriatica, Anek et Ventouris Ferries ont eu un rôle exclusivement ‘suiviste’ dans l’infraction. Cette circonstance justifie une réduction des amendes de 15 % pour ces quatre compagnies.»

213
Force est de conclure que la Commission a tenu compte de toutes les circonstances atténuantes invoquées par la requérante et que cette prise en compte lui a valu une réduction de 30 % du montant de l’amende qui lui aurait sinon été infligée.

3. Sur la proportionnalité de l’amende par rapport au poids spécifique de la requérante dans l’infraction sanctionnée

214
Enfin, la requérante reproche à la Commission d’avoir commis une erreur dans la détermination du montant de l’amende en ce qu’elle a été calculée en méconnaissant la portée de l’infraction retenue à son égard, infraction concernant seulement la ligne Patras-Bari-Brindisi et visant uniquement les prix applicables aux transports des véhicules utilitaires, à la différence de l’entente sur la ligne Patras-Ancône qui visait également les prix du transport de passagers et des véhicules de ces derniers. En agissant de la sorte, la Commission aurait ignoré le fait que la requérante a été seulement reconnue coupable d’avoir participé à une entente sur les lignes Patras-Bari et Patras-Brindisi, ce qui aurait eu pour résultat l’imposition d’une amende disproportionnée par rapport à l’importance de l’infraction commise.

215
Il convient de rappeler la manière dont la Commission a déterminé le montant de base de l’amende en l’espèce.

216
Il est constant que la Commission a calculé le montant des amendes en l’espèce à partir du raisonnement, exposé au considérant 144 de la Décision, selon lequel la Commission a considéré que relèvent d’une «seule et même infraction ininterrompue» les deux ententes qu’elle estime établies dans la Décision. La Commission fait observer que c’est en raison du fait que l’infraction a été constatée sur les trois lignes, considérées comme formant un seul et même marché, que l’amende de base a été fixée en tenant compte du chiffre d’affaires des entreprises sur l’ensemble du marché des services de transbordeurs entre la Grèce et l’Italie.

217
Il ressort, en effet, des considérants 157 et 158 de la Décision que la Commission a calculé les amendes à partir d’un montant de base unique pour toutes les entreprises, modulé en fonction de leur taille respective, mais sans faire aucune distinction en fonction de leur participation à une ou aux deux infractions sanctionnées.

218
Or, il convient de rappeler qu’il a été jugé que le dispositif de la Décision montre clairement que la Commission a sanctionné deux infractions distinctes et qu’il n’est reproché à la requérante que d’avoir participé à l’entente sanctionnée à l’article 1er, paragraphe 2, à savoir celle concernant les niveaux des prix devant être appliqués aux véhicules utilitaires sur les lignes Patras-Bari et Patras-Brindisi. Il en découle que l’amende infligée à la requérante a été calculée à partir de la prémisse erronée suivant laquelle la Décision sanctionnait une seule infraction concernant les trois lignes.

219
La Commission a donc sanctionné de la même façon les entreprises ayant pris part aux deux infractions et celles n’ayant participé qu’à l’une d’entre elles, en méconnaissance du principe de proportionnalité. Or, pour des raisons d’équité et de proportionnalité, il importe que les compagnies dont la participation est restée circonscrite à une seule entente soient condamnées moins sévèrement que les compagnies qui ont participé à tous les accords litigieux. La Commission ne saurait sanctionner avec la même sévérité les compagnies auxquelles la Décision impute les deux infractions et celles qui, comme la requérante, ne se sont vu imputer que l’une des infractions.

220
Il s’ensuit que, dans la mesure où la requérante n’a été déclarée responsable que d’avoir participé à l’entente sanctionnée à l’article 1er, paragraphe 2, de la Décision, elle s’est vu infliger une amende disproportionnée par rapport à l’importance de l’infraction commise. Par conséquent, l’amende infligée à la requérante doit être réduite.

221
Au vu de l’économie de la Décision ainsi que du fait que la Commission a voulu appliquer en l’espèce une méthode visant à tenir compte du poids spécifique des entreprises et de l’effet réel des infractions commises sur la concurrence, le montant de l’amende de la requérante doit être fixé en prenant en considération l’importance relative du trafic sur les lignes visées par l’article 1er, paragraphe 2, de la Décision, Patras-Bari et Patras-Brindisi, par rapport à celle du trafic sur la ligne visée l’article 1er, paragraphe 1er, de la Décision, Patras-Ancône. Il ressort de la réponse de la Commission à la question formulée par le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, que le chiffre d’affaires total des entreprises sanctionnées dans la Décision s’élève à 114,3 millions d’écus. Il ressort du dossier que le chiffre d’affaires correspondant aux services de transport qui ont fait l’objet de l’entente sanctionnée par l’article 1er, paragraphe 2, de la Décision, sur les lignes Patras-Bari et Patras-Brindisi, équivaut, approximativement, à un quart du total du chiffre d’affaires qui avait été pris en compte.

222
Eu égard aux éléments susmentionnés, le Tribunal considère, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, que l’amende infligée à la requérante d’un montant de 1 010 000 écus doit être réduite à 252 500 euros.

223
Le recours doit être rejeté pour le surplus.

III – Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure

224
Dans son mémoire en réplique, la requérante a proposé au Tribunal de citer certains témoins à l’audience afin d’étayer les moyens de sa requête qui ne seraient éventuellement pas fondés au préalable sur des documents écrits ainsi que de compléter et de préciser ses affirmations et arguments. Le Tribunal estime que, l’affaire ne présentant pas de controverses concernant le déroulement des faits, il est en mesure d’exercer sa tâche juridictionnelle sans quil soit nécessaire d’entendre les témoins proposés.


Sur les dépens

225
Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l’espèce, il y a lieu de condamner la requérante à supporter ses propres dépens ainsi que les trois quarts de ceux exposés par la Commission, y compris lors de la procédure de référé.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

déclare et arrête:

1)
Le montant de l’amende infligée à Ventouris Group Enterprises SA est fixé à 252 500 euros.

2)
Le recours est rejeté pour le surplus.

3)
Ventouris Group Enterprises SA est condamnée à supporter ses propres dépens, ainsi que les trois quarts de ceux exposés par la Commission, y compris lors de la procédure de référé. La Commission supportera un quart de ses propres dépens.

Cooke

García-Valdecasas

Lindh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 décembre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh

Table des matières

Faits à l’origine du recours

Procédure et conclusions des parties

En droit

    I –  Sur les conclusions tendant à l’annulation de la Décision

        Sur le premier moyen, tiré d’une appréciation erronée des éléments de fait en ce que la Commission estime établie la participation de la requérante à un accord de fixation des prix pour la ligne Patras-Bari

            A – Considérations préalables

                Arguments des parties

                Appréciation du Tribunal

            B – Sur le bien-fondé du moyen

                1. Sur la télécopie du 8 décembre 1989

                    –  Arguments des parties

                    –  Appréciation du Tribunal

                2. Sur la télécopie du 30 octobre 1990

                    –  Arguments des parties

                    –  Appréciation du Tribunal

                3. Sur la télécopie du 25 février 1992

                    –  Arguments des parties

                    –  Appréciation du Tribunal

                4. Sur le télex du 24 novembre 1993 et sur la réunion du même jour

                    –  Arguments des parties

                    –  Appréciation du Tribunal

                5. Sur les arguments concernant le télex du 7 janvier 1993

                6. Sur l’argument tiré du cadre législatif et de la politique des autorités grecques

        Sur le deuxième moyen, tiré de l’illégalité du contrôle effectué par la Commission dans les bureaux de l’ETA

            Arguments des parties

            Appréciation du Tribunal

                A – Pouvoirs de la Commission en matière de vérification

                B – Sur le bien-fondé du moyen

                    1. Faits pertinents et non contestés par les parties

                    2. Sur le respect, en l’espèce, des principes régissant l’exercice par la Commission de ses pouvoirs en matière de vérification

                    3. Sur le respect des droits de la défense et sur l’absence d’ingérence excessive de l’autorité publique dans la sphère d’activité de l’ETA

                C – Conclusion

        Sur le troisième moyen, soulevé à titre subsidiaire et tiré d’une application erronée de l’article 85, paragraphe 1, du traité aux faits de l’espèce, en ce qu’il s’agirait d’un accord d’importance mineure

            Arguments des parties

            Appréciation du Tribunal

        Sur le quatrième moyen, tiré d’un défaut de motivation

            Arguments des parties

            Appréciation du Tribunal

    II –  Sur les conclusions tendant à l’annulation ou à la réduction de l’amende

        A –  Sur la première branche, tirée d’une erreur dans la détermination de la durée de l’infraction

            Arguments des parties

            Appréciation du Tribunal

        B –  Sur la deuxième branche, portant sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et sur la détermination de la part de responsabilité de la requérante dans l’infraction

            Arguments des parties

            Appréciation du Tribunal

                1. Sur la détermination de la gravité de l’infraction

                2. Sur la non-prise en compte des autres circonstances atténuantes

                3. Sur la proportionnalité de l’amende par rapport au poids spécifique de la requérante dans l’infraction sanctionnée

    III –  Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure

Sur les dépens



1
Langue de procédure: le grec.