Language of document : ECLI:EU:T:2021:654

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

6 octobre 2021 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Services de traduction – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Attribution du marché à un autre soumissionnaire – Critères d’attribution – Méthode d’évaluation – Erreur manifeste d’appréciation – Égalité de traitement – Transparence – Obligation de motivation – Devoir de diligence – Principe de bonne administration »

Dans l’affaire T‑404/20,

Global Translation Solutions ltd., établie à La Valette (Malte), représentée par Me C. Mifsud-Bonnici, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes A. Katsimerou, L. André et M. Ilkova, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission, contenue dans la lettre du 17 avril 2020, rejetant l’offre soumise par la requérante pour le lot no 22 (EN>MT) dans le cadre de la procédure d’appel d’offres TRAD 19 et attribuant ce lot à un autre soumissionnaire, ainsi que de « toutes les décisions connexes »,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, Z. Csehi et Mme G. Steinfatt (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours 

1        Par un avis de marché du 20 mai 2019, publié dans le Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2019/S 96-231089), la Commission européenne, représentée par sa direction générale de la traduction (DGT), a lancé l’appel d’offres TRAD 19 portant sur l’attribution de contrats-cadres relatifs à des services de traduction. L’appel d’offres était divisé en 49 lots correspondant chacun à une combinaison linguistique.

2        La requérante, Global Translation Solutions ltd., a présenté une offre pour plusieurs lots et, en particulier, pour le lot no 22 concernant des services de traduction de l’anglais vers le maltais.

3        Le point 15 du cahier des charges du dossier d’appel d’offres, intitulé « Critères d’attribution », prévoyait ce qui suit :

« La DGT évaluera le mérite des offres au regard des critères d’attribution, à savoir la qualité et le prix.

Les critères de qualité consistent en :

–        une épreuve de révision ;

–        une épreuve de traduction ; et

–        une étude de cas.

Ces épreuves seront effectuées simultanément en ligne […]

[…]

Les pondérations de la qualité et du prix dans le rapport “qualité/prix” sont respectivement de 70 % et de 30 %.

Le nombre de points maximal et les notes de passage pour ces critères de qualité sont fixés comme suit :

Critère

Points

Note de passage

Épreuve de révision

40

28

Épreuve de traduction

40

28

Étude de cas

20

14

Total

100

70


[…]

La DGT évaluera les résultats de (i) l’épreuve de révision, (ii) l’épreuve de traduction et (iii) l’étude de cas, dans cet ordre. Pour pouvoir être évalué au critère ultérieur, les soumissionnaires devront obtenir la note de passage pour chaque critère.

Chaque épreuve sera évaluée par deux évaluateurs de la DGT. Le nombre de points octroyés consistera dans la moyenne des deux évaluations […] »

4        Les épreuves se sont déroulées le 14 janvier 2020.

5        Par lettre du 17 avril 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a informé la requérante que son offre pour les différents lots avait été rejetée, au motif que celle-ci ne présentait pas le seuil minimal de qualité requis. La Commission indiquait également que, étant donné que les épreuves étaient éliminatoires, les trois épreuves n’avaient pas nécessairement été notées.

6        S’agissant, plus particulièrement, du lot n° 22, seule l’épreuve de révision était assortie d’une note, à savoir la note de 25,28/40, alors que la note de passage pour cette épreuve était de 28/40. Sous l’intitulé « Commentaires », figuraient les observations des deux évaluateurs reproduites ci-après :

« 1. N’a pas repéré certaines erreurs et n’a pas apporté au texte les améliorations attendues. Une révision est nécessaire »

« 2. Aucune amélioration significative n’a été apportée à la traduction. Un certain nombre d’erreurs n’a pas été identifié ».

7        Par courriel du 24 avril 2020, la requérante a demandé à la Commission, notamment pour le lot n° 22, de lui fournir « l’épreuve de révision corrigée avec des “suivis des modifications” », « le détail et les motifs de l’attribution des notes pour l’épreuve de révision » et « l’identité de l’attributaire ».

8        Par courriel du 6 mai 2020, la Commission a répondu à la requérante, notamment en ce qui concerne le lot n° 22. À cet égard, tout d’abord, elle lui a communiqué l’identité du soumissionnaire retenu pour ce lot. Ensuite, elle a indiqué qu’il « n’existait pas de versions corrigées des épreuves de la requérante », l’évaluation n’ayant pas « consisté en une correction des épreuves, mais en un calcul des points sur la base d’une grille de notation standard, en utilisant les pondérations correspondant aux erreurs prédéfinies ». Elle a ajouté que « les points ont été convertis automatiquement en une note finale par l’utilisation d’une formule proportionnelle » et que « [l]a note finale [était] une moyenne des deux évaluations […] ». Enfin, la Commission a joint en annexe le document « REV » pour le lot n° 22 (ci-après le « document révisé »), consistant en une version corrigée du texte traduit dans la langue cible soumis aux candidats lors de l’épreuve de révision (ci-après le « texte à réviser »), qui indiquait « les erreurs prédéfinies et leur pondération respective ainsi que les deux passages détaillés à améliorer afin d’obtenir des points supplémentaires pour solutions satisfaisantes ».

9        Par courriel du 13 mai 2020, la requérante a demandé des informations supplémentaires sur l’évaluation de l’épreuve de révision pour le lot n° 22. Elle estimait, d’une part, qu’aucune information ne lui avait été fournie sur la manière dont les points avaient été attribués et, d’autre part, que la grille de notation standard utilisée par les deux évaluateurs ne fournissait pas de critères objectifs d’évaluation de la qualité de la révision. Elle a joint à son courriel deux versions du document révisé visant à montrer, respectivement, des erreurs que la Commission n’aurait pas prises en compte et des révisions incorrectes sur le plan linguistique. En outre, elle a réitéré la demande figurant dans son courriel du 24 avril 2020 de recevoir « l’épreuve de révision corrigée avec des “suivis des modifications” » et « le détail et les motifs de l’attribution des notes pour l’épreuve de révision ». Elle a également demandé une réévaluation immédiate de son offre.

10      Par courriel du 3 juin 2020, la Commission a indiqué à la requérante que, après avoir invité les évaluateurs à revoir leur évaluation en tenant compte des observations formulées par la requérante dans son courriel du 13 mai 2020, ceux-ci avaient maintenu leur note. Elle a également constaté que « les deux évaluateurs [avaie]nt donné la note de 25,28 » dans la mesure où la requérante « a[vait] manqué [huit] erreurs ». Elle a précisé de quelles erreurs il s’agissait ainsi que la pondération de celles-ci. Par ailleurs, elle a informé la requérante de ce qu’« [a]ucun point n’a[vait] été ajouté pour des améliorations des passages détaillés ». La Commission a précisé que « le score total (sur 72 points), a[vait] été recalculé sur un score de 40 points afin de donner à l’épreuve de révision sa juste pondération par rapport aux deux autres épreuves ».

11      Par courriel du 10 juin 2020, la requérante a demandé à la Commission de clarifier le calcul arithmétique de la note qui lui avait été allouée pour l’épreuve de révision.

12      Par courriel du 11 juin 2020, la Commission a détaillé le calcul de cette note en précisant que « la grille de notation prévoyait jusqu’à [huit] points supplémentaires pour l’amélioration de certains passages » et qu’aucun de ces points n’avait été attribué à la requérante.

13      Par courriel du 15 juin 2020, la requérante a demandé à la Commission des informations sur les « points supplémentaires pour l’amélioration de certains passages ». Elle lui a notamment demandé de lui fournir une liste des critères objectifs sur la base desquels les points supplémentaires avaient été attribués ainsi que les évaluations séparées des deux évaluateurs expliquant pourquoi ces points supplémentaires ne lui avaient pas été attribués.

14      Par courriel du 16 juin 2020, la Commission lui a communiqué les deux grilles de notation remplies par les deux évaluateurs.

15      Par courriel du 17 juin 2020, la requérante a renouvelé sa demande d’informations s’agissant des « deux passages détaillés à améliorer […] pour solutions satisfaisantes » et sur la manière dont les points avaient été attribués à cet égard.

16      Par courriel du 29 juin 2020, à savoir à une date postérieure à l’introduction du présent recours, la Commission a répondu à la requérante en précisant que les différentes options possibles pour l’amélioration des deux passages n’avaient pas été prédéfinies et qu’un maximum de quatre points pouvait être attribué pour chaque passage à améliorer.

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 juin 2020, la requérante a introduit le présent recours.

18      Le 24 septembre 2020, la Commission a déposé le mémoire en défense.

19      Le 7 décembre 2020 et le 25 janvier 2021, la réplique et la duplique ont été respectivement déposées au greffe du Tribunal.

20      Les parties n’ayant pas demandé la tenue d’une audience, le Tribunal (troisième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, de son règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et « toutes les décisions connexes de la [Commission] » ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable en ce qu’il concerne « toutes [s]es décisions connexes » ;

–        rejeter le recours comme dépourvu de fondement en ce qu’il concerne la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du premier chef de conclusions, en ce qu’il vise l’annulation de « toutes les décisions connexes de la [Commission] »

23      La Commission soutient que le premier chef de conclusions est irrecevable en ce qu’il tend à l’annulation de « toutes [s]es décisions connexes » au motif que la requérante n’identifie pas ces dernières. La requête ne respecterait pas, à cet égard, les exigences de clarté et de précision requises par le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et par le règlement de procédure.

24      La requérante, en se référant, à cet égard, à l’arrêt du 27 avril 2016, European Dynamics Luxembourg e.a./EUIPO (T‑556/11, EU:T:2016:248), fait valoir que sa demande d’annulation « de toutes les décisions connexes » doit être lue comme une demande d’annulation de décisions dont elle n’a pas encore connaissance et qui sont liées limitativement et indissociablement à la décision attaquée.

25      Conformément à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 76, sous d) et e), du règlement de procédure, l’objet du litige et les conclusions de la partie requérante constituent deux indications essentielles devant figurer dans la requête introductive d’instance (ordonnance du 7 mai 2013, TME/Commission, C‑418/12 P, non publiée, EU:C:2013:285, point 32, et arrêt du 23 mai 2014, European Dynamics Luxembourg/BCE, T‑553/11, non publié, EU:T:2014:275, point 52).

26      Ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, l’indication de l’objet du litige ainsi que l’exposé sommaire des moyens dans la requête introductive d’instance doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle. De même, les conclusions de la requête introductive d’instance doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que le juge ne statue ultra petita ou bien omette de statuer sur un grief (ordonnance du 7 mai 2013, TME/Commission, C‑418/12 P, non publiée, EU:C:2013:285, point 33, et arrêt du 7 décembre 2018, GE.CO.P./Commission, T‑280/17, EU:T:2018:889, point 35).

27      Des conclusions qui, comme celles figurant dans la requête, tendent à l’annulation d’actes connexes à ceux attaqués, y compris ceux dont la requérante n’a pas connaissance, sans que ces actes soient identifiés, doivent être considérées comme non conformes à ces exigences, en ce qu’elles manquent de précision quant à leur objet (voir, en ce sens, arrêts du 23 novembre 2004, Cantina sociale di Dolianova e.a./Commission, T‑166/98, EU:T:2004:337, point 79 ; du 23 mai 2014, European Dynamics Luxembourg/BCE, T‑553/11, non publié, EU:T:2014:275, point 54, et du 7 décembre 2018, GE.CO.P./Commission, T‑280/17, EU:T:2018:889, point 36).

28      En l’espèce, la requérante n’a pas identifié de décisions émanant de la Commission qui pourraient être considérées comme des « décisions connexes » à la décision attaquée.

29      La requérante ne saurait utilement faire valoir que les « décisions connexes » doivent être entendues comme des décisions qui « pourraient avoir été prises par la [Commission] » et dont elle n’a pas encore eu connaissance.

30      En effet, d’une part, selon la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, une telle affirmation ne peut être considérée comme constituant une précision suffisante quant à l’objet de conclusions en annulation. D’autre part, ainsi que le relève à juste titre la Commission, la requérante procède à une lecture erronée de l’arrêt du 27 avril 2016, European Dynamics Luxembourg e.a./EUIPO (T‑556/11, EU:T:2016:248), qu’elle invoque à l’appui de son argument. Il résulte tant du point 30 que du point 261 de cet arrêt que les décisions connexes ayant été considérées comme indissociables à la décision de rejet de l’offre avaient été spécifiquement identifiées dans le chef de conclusions pertinent des parties requérantes dans cette affaire.

31      Il s’ensuit que le premier chef de conclusions est irrecevable en ce qu’il tend à l’annulation de « toutes les décisions connexes [de la Commission] ».

 Sur le fond

32      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la procédure d’appel d’offres en cause est régie par le règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier »). En revanche, le règlement délégué (UE) 2019/715 de la Commission, du 18 décembre 2018, portant règlement financier-cadre des organismes créés en vertu du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et du traité Euratom et visés à l’article 70 du règlement 2018/1046 (JO 2019, L 122, p. 1), auquel se réfère la requérante dans la requête, n’est pas applicable. En effet, ladite procédure n’a pas été lancée par un organisme créé en vertu du traité FUE et visé à l’article 70 du règlement financier.

33      À l’appui de la demande en annulation de la décision attaquée, la requérante invoque quatre moyens, tirés, premièrement, d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission dans l’évaluation de l’épreuve de révision, deuxièmement, de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence ainsi que de la législation applicable, troisièmement, du défaut de motivation de la décision attaquée et, quatrièmement, de la violation du devoir de diligence et du principe de bonne administration.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission dans l’évaluation de l’épreuve de révision

34      La requérante soutient que le pouvoir adjudicateur a commis une erreur manifeste d’appréciation en se fondant sur une grille de notation standard pour évaluer l’épreuve de révision. En utilisant cette grille, il se serait écarté de la méthode d’évaluation et des critères qualitatifs d’attribution définis dans le cahier des charges. Une telle grille constituerait, d’une part, un changement important intervenu au cours de la procédure d’appel d’offres et, d’autre part, irait au-delà des objectifs définis pour évaluer les critères qualitatifs d’attribution.

35      La requérante conteste, en particulier, l’évaluation relative aux deux passages détaillés figurant dans le texte à réviser et que les candidats devaient améliorer (ci-après les « passages à améliorer ») ainsi que celle relative aux erreurs prédéfinies figurant dans ce texte et que les candidats devaient corriger (ci-après les « erreurs prédéfinies »).

36      En premier lieu, s’agissant des passages à améliorer, la requérante estime que leur insertion dans le texte à réviser s’écarte des préconisations du cahier des charges, lequel prévoit, à son point 15.1, que « les soumissionnaires devront réviser un texte d’environ [six] pages standard, de telle sorte qu’il réponde aux exigences de qualité et soit exploitable en l’état ». Selon elle, aucune des exigences de qualité, tant linguistiques que techniques, définies par la Commission dans le cahier des charges ne fait référence à une amélioration stylistique à apporter au texte. Il aurait été attendu des soumissionnaires qu’ils révisent le texte et non qu’ils l’améliorent. Des améliorations stylistiques ne pourraient avoir été exigées pour rendre le texte « exploitable en l’état ». Il ressortirait du point 15.1 du cahier des charges que cette dernière exigence serait distincte des exigences de qualité.

37      Les instructions données aux soumissionnaires le jour de l’épreuve se borneraient à indiquer que ces derniers étaient « invit[és] à apporter toute amélioration stylistique qu[‘ils] juge[aient] nécessaires » et à rendre « une version finale du texte cible qui soit pleinement exploitable sur le plan linguistique ». Ces instructions seraient trop vagues pour permettre à la requérante de comprendre qu’il lui incombait d’apporter des améliorations stylistiques au texte. En tout état de cause, ces instructions ne pourraient ajouter un critère d’attribution non prévu dans le cahier des charges.

38      La requérante souligne que l’attribution de huit points pour les passages à améliorer revêt une importance dans la mesure où, en l’absence de l’attribution de ces huit points, elle aurait atteint la note de passage pour l’épreuve de révision.

39      En second lieu, s’agissant des erreurs prédéfinies, la requérante soutient qu’elles ne correspondent pas aux exigences de qualité prévues dans le cahier des charges et que leur révision n’a pas pour effet de rendre le texte exploitable en l’état.

40      Plus particulièrement, elle souligne, premièrement, que la grille de notation standard donne un poids différent à des erreurs prédéfinies de même nature. En particulier, l’erreur no 5, classée comme étant une erreur de terminologie selon le document révisé, serait sanctionnée d’une pénalité de quatre points tandis que toutes les autres erreurs de terminologie seraient sanctionnées d’une pénalité de deux points. Or, la Commission n’aurait fourni aucune justification de cette différence. Deuxièmement, quelques erreurs prédéfinies ne seraient pas des erreurs linguistiques. Troisièmement, la Commission aurait omis d’identifier certaines autres erreurs dans le texte proposé pour l’épreuve de révision, ainsi que le montreraient les annexes A 8 à A 10, de sorte que ce texte aurait été, en tout état de cause, inexploitable en l’état et contraire aux exigences de qualité prévues par le cahier des charges. À titre d’exemple, elle invoque que la correction de l’erreur prédéfinie no 8 comporte quatre incohérences.

41      La Commission conteste les arguments de la requérante.

42      Aux termes de l’article 166, paragraphe 2, du règlement financier, le pouvoir adjudicateur précise, dans les documents de marché, les critères d’exclusion, de sélection et d’attribution applicables. Selon une jurisprudence constante, le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché à la suite d’un appel d’offres et le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. Ce large pouvoir d’appréciation est reconnu au pouvoir adjudicateur tout au long de la procédure de passation du marché, y compris en ce qui concerne le choix et l’évaluation des critères de sélection et d’attribution (arrêts du 17 septembre 2015, Ricoh Belgium/Conseil, T‑691/13, non publié, EU:T:2015:641, point 31 ; du 4 juillet 2016, Orange Business Belgium/Commission, T‑349/13, non publié, EU:T:2016:385, point 45, et du 10 février 2021, Sophia Group/Parlement, T‑578/19, non publié, EU:T:2021:77, point 58).

43      L’article 167, paragraphe 3, du règlement financier dispose que le pouvoir adjudicateur applique les critères d’attribution afin d’évaluer l’offre.

44      En l’espèce, la requérante ne conteste pas le choix des critères de sélection et d’attribution, mais l’évaluation du premier critère qualitatif d’attribution prévu par le point 15 du cahier des charges, à savoir l’épreuve de révision. Elle fait valoir, en substance, que le pouvoir adjudicateur a commis une erreur manifeste d’appréciation en utilisant la grille de notation standard pour évaluer ladite épreuve et, plus particulièrement, en insérant des erreurs prédéfinies et des passages à améliorer dans le texte à réviser.

45      Le cahier des charges prévoyait, en son point 15.1, relatif, notamment, à l’épreuve de révision, que « les évaluateurs évalueraient l’épreuve sur la base des exigences de qualité qui s’appliquent […] aux révisions produites en vertu des contrats-cadres » faisant l’objet de l’appel d’offres en cause. Il était également précisé, pour l’épreuve de révision, que « les soumissionnaires devraient réviser un texte […] afin qu’il respecte les exigences de qualité et soit exploitable en l’état ».

46      Les exigences de qualité s’appliquant aux révisions produites en vertu des contrats-cadres étaient indiquées au point 3 du cahier des charges, intitulé « Exigences de qualité et contrôle de qualité », et décrites plus précisément au point 3.1 du cahier des charges.

47      Le point 3.1 du cahier des charges, intitulé « Critères de qualité », énonçait que le texte produit dans le cadre de l’objet du marché devait « pouvoir être exploité en l’état lors de sa livraison, sans que [la DGT] doive le reformater, le réviser, le relire ou le corriger ». Ce point prévoyait deux types d’exigences, à savoir les exigences de qualité linguistique et les exigences de qualité technique. S’agissant, plus particulièrement, des exigences de qualité linguistique, elles étaient au nombre de six et étaient listées comme suit :

–        « le contenu du texte source doit être restitué dans le texte cible avec précision, sans omission ni ajout injustifiés ;

–        les références et les citations explicites ou implicites provenant de documents publiés doivent être vérifiées et citées correctement ;

–        la terminologie exacte doit être utilisée avec cohérence tout au long du texte, conformément au domaine pertinent, aux documents de référence et aux conventions d’écriture appropriées ;

–        les normes linguistiques applicables à la langue cible doivent être respectées avec cohérence, notamment en ce qui concerne la grammaire, la ponctuation et l’orthographe ;

–        les exigences stylistiques propres au document ou à l’institution doivent être respectées, par exemple le code de rédaction applicable et les modèles de document, ainsi que les instructions spécifiques de l’ordonnateur, etc. ;

–        les exigences stylistiques générales doivent être respectées ; le texte doit, par exemple, être fluide, idiomatique, homogène et adapté au public cible ».

48      Pour évaluer l’épreuve de révision, les évaluateurs ont utilisé une grille de notation standard pour consigner et calculer les points attribués aux soumissionnaires pour la correction de chacune des erreurs prédéfinies et pour la révision des passages à améliorer ainsi que le score final du candidat pour l’épreuve après application d’une formule proportionnelle. Cette grille s’appuyait sur le document révisé. Celui-ci indiquait les erreurs prédéfinies ainsi que les points à attribuer pour la détection de celles-ci. Il mettait également en évidence les deux passages que les soumissionnaires étaient censés améliorer (voir point 8 ci-dessus).

49      Contrairement à ce qu’avance la requérante, les évaluateurs ont évalué l’épreuve de révision conformément à ce que prévoyait le cahier des charges, à savoir sur la base des exigences de qualité linguistique mentionnées au point 47 ci-dessus.

50      S’agissant, d’une part, des erreurs prédéfinies, il ressort du document révisé et notamment de la brève description de chacune de ces erreurs que celles-ci correspondent à des manquements aux exigences de qualité linguistique listées au point 47 ci-dessus.

51      En effet, l’irrespect du code de rédaction propre à la langue concernée (erreurs nos 1 et 3) correspond à un manquement à l’exigence de qualité selon laquelle les exigences stylistiques propres au document ou à l’institution doivent être respectées, par exemple le code de rédaction applicable. La différence de sens entre les textes source et cible (erreurs nos 2, 13, 25, 27 et 29), l’omission (erreur no 4) et l’ajout injustifié (erreur no 10) correspondent à des manquements à l’exigence de qualité selon laquelle le contenu du texte source doit être restitué dans le texte cible avec précision, sans omission, ni ajout injustifiés. Les erreurs de terminologie dans la langue cible (erreurs nos 5, 7 et 23) ainsi que l’utilisation d’une terminologie ou d’une formulation incohérente dans la langue cible (erreurs nos 12 et 18) correspondent à des manquements à l’exigence de qualité selon laquelle la terminologie exacte doit être utilisée avec cohérence tout au long du texte, conformément au domaine pertinent, aux documents de référence et aux conventions d’écriture appropriées. Les erreurs de ponctuation (erreurs nos 6, 9 et 24), de grammaire (erreurs nos 14, 19, 21 et 30) et d’orthographe (erreurs nos 15, 17, 20 et 26) correspondent à des manquements à l’exigence de qualité selon laquelle les normes linguistiques applicables à la langue cible doivent être respectées avec cohérence, notamment en ce qui concerne la grammaire, la ponctuation et l’orthographe. La citation erronée dans la langue cible (erreur no 8) et les titres ou références incorrects (erreurs nos 11 et 31) correspondent à des manquements à l’exigence de qualité selon laquelle les références et les citations explicites ou implicites provenant de documents publiés doivent être vérifiées et citées correctement. Enfin, le manque de précision ou de clarté (erreurs nos 16, 22 et 28) correspond à un manquement à l’exigence de qualité selon laquelle les exigences stylistiques générales doivent être respectées et le texte doit, par exemple, être fluide, idiomatique, homogène et adapté au public cible.

52      Dès lors, l’insertion des erreurs prédéfinies dans le texte à réviser et leur notation dans la grille de notation a permis aux évaluateurs de vérifier si la requérante était capable de corriger des manquements aux exigences de qualité linguistique au sein de ce texte.

53      S’agissant, d’autre part, des deux passages à améliorer, mis en exergue dans le document révisé, cet exercice correspond à la nécessité de rendre le texte à réviser conforme, notamment, aux exigences stylistiques générales énoncées au point 47 ci-dessus, lesquelles impliquent que le texte doit, par exemple, revêtir un caractère fluide, idiomatique et homogène et être adapté au public cible.

54      En outre, ainsi que le relève la Commission, cet exercice correspond également à la nécessité de rendre le texte cible « exploitable en l’état ». Ainsi, le point 3.1 du cahier des charges précise que le texte produit dans le cadre de l’objet du marché doit « pouvoir être exploité en l’état lors de sa livraison, sans que [la DGT] doive le reformater, le réviser, le relire ou le corriger ». À cet égard, la requérante ne saurait faire valoir que les « exigences de qualité » sont distinctes de l’exigence relative au caractère « exploitable en l’état » du texte, étant donné que cette dernière exigence figure dans le point 3.1 du cahier des charges relatif aux exigences de qualité. Par ailleurs, le point 15.1 du cahier des charges prévoyait une exigence similaire (voir point 45 ci-dessus).

55      Dès lors, l’évaluation de la nécessité d’améliorer les deux passages se présente comme une application pratique des exigences de qualité, permettant aux évaluateurs d’analyser si la requérante était capable de repérer que des passages du texte à réviser nécessitaient une amélioration pour qu’il respecte les exigences stylistiques générales et qu’il soit exploitable en l’état.

56      Il s’ensuit que, conformément à l’article 167, paragraphe 3, du règlement financier, en se fondant sur le document révisé et la grille de notation standard et, plus particulièrement, sur les erreurs prédéfinies et les passages à améliorer, le pouvoir adjudicateur ne s’est pas écarté des indications du cahier des charges relatives aux critères d’attribution, mais s’est, au contraire, appliqué à évaluer la capacité de la requérante à procéder à la révision du texte pour le rendre conforme aux exigences de qualité linguistique et qu’il soit exploitable en l’état. Ce faisant, le pouvoir adjudicateur n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lors de l’évaluation du premier critère qualitatif d’attribution du marché.

57      Les autres arguments de la requérante, relatifs aux erreurs prédéfinies, ne sauraient infirmer ces conclusions.

58      Premièrement, le fait que la grille de notation standard donne un poids différent à des erreurs prédéfinies de même nature ne saurait permettre de constater que le pouvoir adjudicateur a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation de l’épreuve de révision. À cet égard, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus, celui-ci dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’évaluation des critères d’attribution. Dès lors, il lui était loisible de considérer que certaines erreurs, pourtant de même nature, nécessitaient une déduction de points différente.

59      De plus, la Commission a expliqué, de manière plausible, que cette pondération des erreurs résultait du fait que leur gravité avait été prise en compte, de sorte qu’un nombre de points différent avait pu être octroyé pour la détection d’erreurs de même nature. En particulier, s’agissant de l’erreur de terminologie no 5, spécifiquement contestée par la requérante, la Commission a fait valoir que cette erreur nécessitait une déduction de quatre points en raison de sa gravité supérieure aux autres erreurs terminologiques. En effet, elle nécessitait, d’une part, que les soumissionnaires recherchent la terminologie adéquate dans un document officiel important et, d’autre part, qu’ils corrigent l’erreur qui conférait à la traduction en maltais un sens très différent de l’original, alors que les conséquences des autres erreurs de terminologie sur la compréhension du texte présentaient moins de gravité. Or, la requérante se borne à relever que la Commission n’a pas suffisamment étayé ces explications, ce qui ne saurait suffire à les priver de plausibilité. De plus, la requérante ne cherche pas à démontrer que cette erreur n’était pas plus grave que les autres erreurs terminologiques.

60      Deuxièmement, doit être écarté l’argument selon lequel « quelques erreurs » prédéfinies ne seraient pas des erreurs linguistiques à corriger. En effet, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que cet argument n’est aucunement étayé. La requérante n’identifie pas les erreurs prédéfinies qui, selon elles, n’en sont pas.

61      Il en va de même de l’argument selon lequel le pouvoir adjudicateur aurait commis une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où il aurait omis d’identifier certaines erreurs dans le texte à réviser, de sorte que ce texte ne serait pas exploitable en l’état. En effet, la requérante n’identifie pas quelles sont ces erreurs.

62      À cet égard, le renvoi aux annexes A 9 et A 10 de la requête effectuée par la requérante ne peut être considéré comme suffisant pour étayer son argumentation. En effet, selon la jurisprudence, si le texte de la requête peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans la requête. Il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir ordonnance du 19 mai 2008, TF1/Commission, T‑144/04, EU:T:2008:155, point 29 et jurisprudence citée ; arrêt du 4 juillet 2019, Italie/Commission, T‑598/17, non publié, EU:T:2019:482, point 30).

63      Seul l’argument visant à critiquer spécifiquement l’erreur no 8, consistant en une citation incorrecte d’un article du traité FUE dans la langue cible, est étayé par la requérante. Toutefois, cet argument est, en tout état de cause, inopérant. À supposer, comme elle le fait valoir, que la phrase faisant l’objet de l’erreur no 8 telle que corrigée dans le document révisé comportait toujours des « incohérences », il suffit de relever que la requérante n’a ni démontré ni même fait valoir qu’elle avait relevé ces incohérences lors de l’épreuve de révision et qu’elle a été indûment pénalisée à cet égard. Il ressort d’ailleurs de la grille de notation remplie par les deux évaluateurs pour l’épreuve de révision de la requérante que celle-ci a obtenu le maximum de points à pourvoir pour la correction de l’erreur no 8. Dès lors, la requérante ne démontre pas que la méthode d’évaluation choisie l’aurait lésée en ses droits.

64      Enfin, faisant suite à la demande de la requérante formulée dans le courriel du 13 mai 2020, son offre a fait l’objet d’une réévaluation de la part des évaluateurs sur la base des deux versions du texte à réviser qu’elle avait fournies et qui indiquaient tant les prétendues erreurs que la Commission n’aurait pas prises en compte que les prétendues révisions incorrectes sur le plan linguistique. Toutefois, au terme de cette réévaluation, les évaluateurs ont maintenu leur note (voir point 10 ci-dessus).

65      Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence, ainsi que de la législation applicable

66      La requérante soutient que, en élaborant la grille de notation standard et, en particulier, en établissant les erreurs prédéfinies et les passages à améliorer, la Commission a violé, d’une part, les principes généraux d’égalité de traitement et de transparence qui gouvernent les marchés publics ainsi que, d’autre part, l’article 160, paragraphe 1, l’article 166, paragraphe 2, et les points 16.3 et 21 de l’annexe I du règlement financier.

67      La requérante fait valoir que, selon la jurisprudence, les critères d’attribution doivent être mentionnés dans le cahier des charges et viser à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse. Ils doivent également être liés à l’objet du marché et être rédigés de telle sorte qu’ils ne confèrent pas au pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix. Or, la grille de notation standard ne répondrait pas à ces exigences. Elle contreviendrait, en outre, aux principes d’égalité de traitement et de transparence.

68      À cet égard, elle avance que la grille de notation standard modifie la méthode d’évaluation de l’épreuve de révision initialement établie dans la documentation de l’appel d’offres. Elle introduirait une évaluation de passages à améliorer alors que l’amélioration stylistique ne serait pas une exigence de qualité mentionnée dans le cahier des charges. Il en résulterait un manque de transparence.

69      En outre, le critère lié aux passages à améliorer aurait été élaboré après la date limite de soumission des offres. Or, si la requérante avait eu connaissance du fait qu’elle serait évaluée sur des passages à améliorer, cela aurait influencé la préparation de son offre.

70      Par ailleurs, selon elle, l’introduction du critère lié aux passages à améliorer ainsi que l’évaluation de ces passages n’étaient ni prévisibles ni raisonnables et n’étaient pas non plus liées à l’objet du marché.

71      Enfin, la grille de notation ne serait pas transparente s’agissant de l’attribution des points pour les passages à améliorer et elle allouerait inexplicablement un nombre de points de pénalité différent à des erreurs de même nature. La requérante fait à nouveau référence à l’erreur no 5 qui serait la seule erreur de terminologie à être sanctionnée d’une pénalité de quatre points, sans que la Commission ait fourni une justification à cet égard. La grille de notation ne permettrait donc pas une évaluation objective et conférerait par ailleurs une liberté inconditionnée de choix à la Commission.

72      La Commission conteste les arguments de la requérante.

73      À titre liminaire, il convient de constater que la requérante a bien identifié les dispositions du règlement financier qui constituent, selon elle, la « législation applicable » dont elle invoque la violation, à savoir l’article 160, paragraphe 1, l’article 166, paragraphe 2, et les points 16.3 et 21 de l’annexe I de ce règlement, de sorte que l’irrecevabilité du deuxième moyen en ce qu’il est tiré de la violation de la « législation applicable » et non de dispositions précisément définies, invoquée par la Commission, doit être écartée.

74      Aux termes de l’article 160, paragraphe 1, du règlement financier, tous les marchés financés totalement ou partiellement par le budget de l’Union respectent les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination.

75      L’article 166, paragraphe 2, du règlement financier impose au pouvoir adjudicateur de préciser, dans les documents de marché, notamment, les critères d’attribution applicables. Ainsi qu’il ressort du point 16.3, sous b), et du point 21.2 de l’annexe I du règlement financier, les critères d’attribution du marché et leur pondération relative doivent être précisés dans le cahier des charges.

76      Selon une jurisprudence constante, le pouvoir adjudicateur est tenu de veiller, à chaque phase d’une procédure d’appel d’offres, au respect du principe d’égalité de traitement et, par voie de conséquence, à l’égalité des chances de tous les soumissionnaires (voir arrêts du 14 juillet 2016, Alesa/Commission, T‑99/14, non publié, EU:T:2016:413, point 61 et jurisprudence citée, et du 16 octobre 2018, Proof IT/EIGE, T‑10/17, non publié, EU:T:2018:682, point 33 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, EU:C:2004:236, point 108).

77      Il ressort également de la jurisprudence que le principe d’égalité de traitement implique une obligation de transparence afin de permettre de vérifier son respect (arrêts du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, EU:C:2004:236, point 109 ; du 14 juillet 2016, Alesa/Commission, T‑99/14, non publié, EU:T:2016:413, point 63, et du 9 avril 2019, Close et Cegelec/Parlement, T‑259/15, non publié, EU:T:2019:229, point 70).

78      Ce principe de transparence a essentiellement pour but de garantir l’absence de risque de favoritisme et de comportement arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur. Il implique que toutes les conditions et modalités de la procédure de passation de marché soient formulées de manière claire, précise et univoque dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges de façon, d’une part, à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, d’autre part, à mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier si effectivement les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause (arrêts du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, EU:C:2004:236, point 111 ; du 4 juillet 2016, Orange Business Belgium/Commission, T‑349/13, non publié, EU:T:2016:385, point 50, et du 14 juillet 2016, Alesa/Commission, T‑99/14, non publié, EU:T:2016:413, point 64).

79      Conformément à la jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement et l’obligation de transparence signifient, notamment, que les soumissionnaires doivent se trouver sur un pied d’égalité aussi bien au moment où ils préparent leurs offres qu’au moment où celles-ci sont évaluées par le pouvoir adjudicateur (voir arrêt du 14 juillet 2016, TNS Dimarso, C‑6/15, EU:C:2016:555, point 22 et jurisprudence citée).

80      Ainsi, la Cour a jugé que l’objet et les critères d’attribution des marchés publics doivent être clairement déterminés dès le début de la procédure de passation de ceux-ci et qu’un pouvoir adjudicateur ne saurait appliquer, pour les critères d’attribution, des sous-critères qu’il n’a pas préalablement portés à la connaissance des soumissionnaires. De même, le pouvoir adjudicateur doit s’en tenir à la même interprétation des critères d’attribution tout au long de la procédure. Ces exigences s’appliquent, en principe, mutatis mutandis à l’obligation des pouvoirs adjudicateurs d’indiquer, dans l’avis de marché ou le cahier des charges, la « pondération relative » de chacun des critères d’attribution (voir arrêt du 14 juillet 2016, TNS Dimarso, C‑6/15, EU:C:2016:555, points 23 et 24 et jurisprudence citée).

81      Toutefois, la Cour a jugé qu’il n’existait pas d’obligation à la charge du pouvoir adjudicateur de porter à la connaissance des soumissionnaires potentiels, par une publication dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, la méthode d’évaluation qu’il comptait appliquer afin d’évaluer et de classer concrètement les offres au regard des critères d’attribution du marché et de leur pondération relative préalablement établis dans la documentation relative au marché en cause (arrêts du 14 juillet 2016, TNS Dimarso, C‑6/15, EU:C:2016:555, points 27 et 28, et du 16 octobre 2018, Proof IT/EIGE, T‑10/17, non publié, EU:T:2018:682, point 51).

82      De même, le Tribunal a jugé que le pouvoir adjudicateur n’était pas obligé de divulguer son système de notation ou sa méthode d’évaluation et qu’il était seulement tenu de communiquer les critères d’attribution applicables, les éventuels sous-critères ainsi que leur pondération relative (arrêts du 4 juillet 2016, Orange Business Belgium/Commission, T‑349/13, non publié, EU:T:2016:385, points 138 et 139, et du 16 octobre 2018, Proof IT/EIGE, T‑10/17, non publié, EU:T:2018:682, point 52).

83      À cet égard, la Cour a considéré qu’un comité d’évaluation devait pouvoir disposer d’une certaine liberté dans l’accomplissement de sa tâche et qu’il pouvait ainsi, sans modifier les critères d’attribution du marché établis dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché, structurer son propre travail d’examen et d’analyse des offres présentées (voir arrêt du 14 juillet 2016, TNS Dimarso, C‑6/15, EU:C:2016:555, point 29 et jurisprudence citée ; arrêt du 16 octobre 2018, Proof IT/EIGE, T‑10/17, non publié, EU:T:2018:682, point 53).

84      Cette liberté est aussi justifiée par des considérations d’ordre pratique. Le pouvoir adjudicateur doit pouvoir adapter la méthode d’évaluation qu’il appliquera afin d’évaluer et de classer les offres par rapport aux circonstances de l’espèce (arrêts du 14 juillet 2016, TNS Dimarso, C‑6/15, EU:C:2016:555, point 30, et du 16 octobre 2018, Proof IT/EIGE, T‑10/17, non publié, EU:T:2018:682, point 54).

85      En l’espèce, le cahier des charges prévoyait, au point 15, intitulé « Critères d’attribution », que le marché serait attribué à l’offre qui présenterait le meilleur rapport qualité-prix, calculé selon une formule proportionnelle détaillée au point 15.4. Les critères d’attribution relatifs à la qualité étaient au nombre de trois et consistaient en une épreuve de révision, une épreuve de traduction et une étude de cas. Ces critères de qualité, ainsi que leur pondération respective, étaient exposés dans un tableau figurant dans le cahier des charges. Il ressort de ce tableau que les épreuves de révision et de traduction permettaient d’obtenir un maximum de 40 points tandis que l’étude de cas permettait d’obtenir un maximum de 20 points. En outre, pour chaque épreuve, les candidats devaient obtenir une note de passage expressément mentionnée dans ledit tableau (voir point 3 ci-dessus).

86      S’agissant, plus particulièrement, du critère de qualité consistant en l’épreuve de révision, le point 2 du cahier des charges définissait la « révision » comme étant la « comparaison systématique du texte “source” et du texte “cible” avant livraison pour garantir que le texte “cible” restitue le texte “source” de manière précise et cohérente, qu’il réponde aux exigences de qualité fixées dans le présent cahier des charges ». Ainsi qu’il ressort des points 44 à 47 ci-dessus, le point 15.1, lu en combinaison avec le point 3 du cahier des charges, énonçait, en substance, que les soumissionnaires, candidats à l’épreuve de révision, seraient amenés à réviser un texte afin qu’il respecte notamment les exigences de qualité listées au point 47 ci-dessus et qu’il soit exploitable en l’état.

87      Les critères d’attribution du marché et leur pondération respective ont donc été déterminés dès le début de la procédure de passation du marché et ont permis aux soumissionnaires de comprendre objectivement l’importance effective conférée aux critères d’attribution lors de leur évaluation ultérieure par le pouvoir adjudicateur.

88      La nature et la portée du critère de qualité relatif à l’épreuve de révision, ainsi que les points pouvant être obtenus pour cette épreuve, étaient expliqués de manière suffisamment claire, précise et univoque, de sorte que tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents étaient en mesure de comprendre ce que la Commission attendait en ce qui concerne l’épreuve de révision. Le texte à réviser devait ainsi être entièrement conforme à toutes les exigences du cahier des charges, prises ensemble.

89      La requérante fait valoir que la grille de notation contrevient aux exigences jurisprudentielles relatives à la transparence des critères d’attribution, telles qu’exposées notamment au point 80 ci-dessus. Cependant, cette argumentation est dénuée de pertinence dans la mesure où, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, la grille de notation standard ne saurait être considérée comme un critère d’attribution.

90      En effet, ladite grille, qui s’appuie sur le document révisé, n’est que l’expression de la méthode mise en œuvre par les évaluateurs afin d’évaluer et de classer concrètement les offres au regard des critères d’attribution du marché. Les évaluateurs y ont consigné les points attribués ou déduits en fonction des éventuelles améliorations de deux passages et de la correction des erreurs prédéfinies (voir point 48 ci-dessus) et y ont calculé les scores des candidats. La requérante elle-même a qualifié la grille de notation standard de méthode d’évaluation dans le cadre du premier moyen.

91      Or, conformément à la jurisprudence citée aux points 81 et 82 ci-dessus, le pouvoir adjudicateur n’avait pas l’obligation de porter à la connaissance des soumissionnaires potentiels, par une publication dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, la méthode d’évaluation qu’il allait appliquer pour évaluer la qualité des épreuves de révision.

92      En outre, conformément à la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus, les évaluateurs étaient libres d’utiliser le document révisé et la grille de notation standard afin de structurer leur travail d’examen et d’analyse des offres présentées par les candidats. En suivant cette méthode d’évaluation, ils n’ont pas introduit de nouveaux critères d’attribution et n’ont pas modifié les critères d’attribution existants. En effet, ainsi qu’il ressort, en substance, des points 52 et 55 ci-dessus, l’insertion de passages à améliorer et d’erreurs prédéfinies dans le texte à réviser et leur notation leur a permis d’évaluer la qualité de l’épreuve de révision en se fondant sur les exigences de qualité linguistiques définies au point 15.1, lu en combinaison avec le point 3, du cahier des charges.

93      S’agissant, plus particulièrement, des passages à améliorer, il est certes vrai, comme le souligne la requérante, que les termes « améliorations stylistiques » ne figurent pas expressément dans la description des exigences de qualité linguistique au sein du cahier des charges. Toutefois, la requérante ne saurait faire valoir que l’évaluation de passages à améliorer n’était ni prévisible ni raisonnable. En effet, il était précisé, dans ledit cahier des charges, que les évaluateurs fonderaient leur évaluation des épreuves de révision sur les exigences de qualité applicables aux révisions livrées en vertu des contrats-cadres. De plus, il résulte de la définition même du terme « révision », contenue au point 2 du cahier des charges, que l’exercice de révision doit aboutir à un texte qui réponde aux exigences de qualité. Parmi ces dernières figurait le respect des exigences stylistiques générales, le texte devant, par exemple, être fluide, idiomatique, homogène et adapté au public cible. Or, il résulte notamment de l’exigence de rendre un texte idiomatique et adapté au public cible qu’il y avait lieu d’apporter au texte révisé des améliorations tant linguistiques que stylistiques.

94      Contrairement à ce que soutient la requérante, il n’était donc pas nécessaire que le terme « améliorer » figure expressément dans le cahier des charges dans la mesure où un soumissionnaire raisonnablement informé et normalement diligent était en mesure de comprendre, à la lecture des indications du cahier des charges sur l’épreuve de révision et les exigences de qualité linguistiques attendues, qu’il pouvait être amené à proposer des améliorations au texte.

95      Il n’était pas non plus nécessaire que la Commission détaille l’objectif et la portée de l’évaluation des passages à améliorer. À cet égard, c’est à bon droit que la Commission fait valoir qu’il lui est impossible de détailler, dans le cahier des charges, toutes les possibilités de révision d’un texte afin qu’il réponde aux exigences de qualité linguistique sans compromettre, d’une part, l’objectif même de l’épreuve, qui était de vérifier si le soumissionnaire avait la capacité de reconnaître qu’un texte ne répondait pas auxdites exigences, et, d’autre part, l’exigence relative à la garantie d’une concurrence réelle entre les soumissionnaires potentiels.

96      Par ailleurs, les instructions données aux réviseurs le jour de l’épreuve de révision indiquaient explicitement aux candidats qu’ils devaient « corriger les erreurs pour aboutir à une version du texte cible qui soit […] pleinement exploitable en l’état » et qu’ils étaient « encouragés à apporter toute amélioration stylistique qu[’ils] juge[aient] nécessaires ». Ces instructions ont donc permis aux candidats de se préparer adéquatement à l’épreuve de révision.

97      La requérante fait encore valoir que l’évaluation effectuée par deux évaluateurs est rendue superflue par l’application de la grille de notation, dans la mesure où ils aboutissent nécessairement au même résultat. Toutefois, il suffit de relever que cet argument n’est pas de nature à remettre en cause la transparence du processus d’attribution du marché. De plus, il n’est pas exclu que les évaluateurs apprécient les passages à améliorer de manière différente. Au demeurant, ainsi que le relève la Commission, l’utilisation d’une grille de notation « standard » qui s’appuie sur le document révisé permet d’assurer une comparaison des offres objective et uniforme, alors même que l’exercice d’évaluation d’une révision comporte, par nature, une part de subjectivité.

98      Partant, la requérante ne parvient pas à démontrer que l’utilisation de la grille de notation standard contrevient aux principes de transparence et d’égalité de traitement, ni à l’article 160, paragraphe 1, à l’article 166, paragraphe 2, et aux points 16.3 et 21 de l’annexe I du règlement financier.

99      Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré du défaut de motivation de la décision attaquée

100    La requérante estime que la Commission n’a pas respecté son obligation de motivation de la décision attaquée, en violation de l’article 296 TFUE ainsi que de l’article 170 et du point 31 de l’annexe I du règlement financier.

101    En dépit de nombreux échanges avec la Commission, la requérante ne connaîtrait toujours pas les détails et les motifs de l’attribution des notes pour l’épreuve de révision, notamment s’agissant des passages à améliorer.

102    À cet égard, la Commission n’aurait pas expliqué de manière claire et non équivoque la manière dont les passages à améliorer ont été évalués et celle dont les points ont été attribués. Cela aurait empêché la requérante, d’une part, de comprendre les raisons pour lesquelles elle n’a pas obtenu les huit points prévus pour ces améliorations, alors même que l’obtention de ces huit points lui aurait permis d’obtenir la note de passage, et d’autre part, de contester utilement la méthode d’évaluation de ces passages.

103    La Commission rétorque qu’elle a satisfait à son obligation de motivation.

104    Selon l’article 170, paragraphe 2, du règlement financier, le pouvoir adjudicateur communique à tout soumissionnaire les motifs du rejet de son offre.

105    L’article 170, paragraphe 3, sous a), du règlement financier dispose que, sauf exception, le pouvoir adjudicateur communique à tout soumissionnaire dont l’offre est conforme aux documents de marché et qui en fait la demande par écrit le nom du soumissionnaire à qui le marché est attribué et les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue, le prix payé ou la valeur du marché.

106    Le point 31.1, premier et deuxième alinéas, de l’annexe I du règlement financier dispose :

« Le pouvoir adjudicateur informe, par voie électronique, tous les candidats ou soumissionnaires, simultanément et individuellement, des décisions prises concernant l’issue de la procédure dès que possible […]

Le pouvoir adjudicateur indique dans chaque cas les motifs du rejet de l’offre ou de la demande de participation ainsi que les voies de recours disponibles. »

107    Le point 31.2, première phrase, de l’annexe I du règlement financier énonce que « [l]e pouvoir adjudicateur communique les informations prévues à l’article 170, paragraphe 3, de ce règlement le plus tôt possible, et dans tous les cas dans un délai de quinze jours à compter de la réception d’une demande écrite ».

108    Selon la jurisprudence, lorsque, comme en l’espèce, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente de motiver de façon suffisante ses décisions. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (arrêts du 17 septembre 2015, Ricoh Belgium/Conseil, T‑691/13, non publié, EU:T:2015:641, point 33, et du 10 février 2021, Sophia Group/Parlement, T‑578/19, non publié, EU:T:2021:77, point 162).

109    Il résulte des dispositions réglementaires mentionnées aux points 104 à 107 ci-dessus ainsi que de la jurisprudence du Tribunal que le pouvoir adjudicateur satisfait à son obligation de motivation s’il se contente, tout d’abord, de communiquer immédiatement à tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre et fournit, ensuite, aux soumissionnaires ayant présenté une offre recevable et qui en font la demande expresse les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours à compter de la réception d’une demande écrite (arrêts du 17 septembre 2015, Ricoh Belgium/Conseil, T‑691/13, non publié, EU:T:2015:641, point 37, et du 10 février 2021, Sophia Group/Parlement, T‑578/19, non publié, EU:T:2021:77, point 163).

110    Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 296 TFUE selon laquelle il convient de faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (arrêts du 17 septembre 2015, Ricoh Belgium/Conseil, T‑691/13, non publié, EU:T:2015:641, point 38, et du 10 février 2021, Sophia Group/Parlement, T‑578/19, non publié, EU:T:2021:77, point 164).

111    Quant au délai dans lequel la motivation doit être fournie, la jurisprudence a précisé qu’elle devait, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief. Néanmoins, des informations communiquées à un moment ultérieur peuvent être prises en considération pour examiner le caractère suffisant de la motivation, pour autant qu’elles se limitent à fournir plus de détails quant à la motivation initiale et qu’elles reposent sur des éléments de fait et de droit existant à la date de ladite décision. La question de savoir si l’obligation de motivation a été respectée doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la partie requérante disposait, au plus tard, au moment de l’introduction du recours (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2019, Trasys International et Axianseu – Digital Solutions/AESA, T‑741/17, EU:T:2019:572, points 51 à 53 et jurisprudence citée).

112    C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner si la Commission a respecté son obligation de motivation du rejet de l’offre de la requérante.

113    Premièrement, par la décision attaquée, contenue dans la lettre du 17 avril 2020, la Commission a communiqué à la requérante les motifs du rejet de son offre ainsi que les voies de recours disponibles, conformément à l’article 170, paragraphe 2, du règlement financier et au point 31.1, premier et deuxième alinéas, de l’annexe I de ce règlement.

114    Plus précisément, elle a indiqué que l’offre de la requérante était rejetée au motif qu’elle ne présentait pas le seuil minimal de qualité requis. Elle a également précisé que la requérante avait obtenu la note de 25,28/40 à l’épreuve de révision alors que la note de passage était de 28/40 pour cette épreuve. Cette note était assortie des commentaires des deux évaluateurs (voir point 6 ci-dessus).

115    La Commission a encore indiqué que « les épreuves étant éliminatoires, les trois épreuves n’[avaient] pas nécessairement été notées ». En effet, la décision attaquée ne contenait pas de notes pour les autres épreuves. En lieu et place des commentaires des évaluateurs figurait, pour l’épreuve de traduction et l’étude de cas, la mention « Non applicable ».

116    Il s’ensuit que la lecture de la décision attaquée a permis à la requérante de comprendre la raison pour laquelle son offre n’avait pas été retenue.

117    Deuxièmement, le 24 avril 2020, la requérante a formulé une demande visant à obtenir des informations supplémentaires sur la décision d’attribution du marché (voir point 7 ci-dessus). Par courriel du 6 mai 2020, la Commission lui a communiqué l’identité du soumissionnaire retenu ainsi qu’un tableau dans lequel figuraient les points reçus par ce soumissionnaire s’agissant de la qualité de son offre, ceux reçus s’agissant du prix de celle-ci et le ratio de ces deux critères.

118    La Commission a donc bien fourni à la requérante les informations sur l’identité du soumissionnaire et sur les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue, et ce dans le délai de quinze jours prévu au point 31.2, première phrase, de l’annexe I du règlement financier, mentionné au point 107 ci-dessus.

119    Il s’ensuit que la Commission a satisfait à l’obligation de motivation en deux étapes prévue par la jurisprudence citée au point 109 ci-dessus.

120    La requérante ne saurait faire valoir qu’elle n’a pas obtenu suffisamment d’informations pour comprendre le rejet de son offre, notamment, s’agissant de l’évaluation des passages à améliorer lors de l’épreuve de révision, sur laquelle se concentre son argumentation.

121    En effet, dès la communication de la décision attaquée, contenant les observations des deux évaluateurs, elle a eu connaissance du fait qu’elle n’avait pas apporté les améliorations attendues au texte à réviser (voir point 6 ci-dessus).

122    En outre, par courriel du 6 mai 2020, la Commission a communiqué à la requérante le document révisé dans lequel les passages à améliorer étaient clairement identifiés. Par courriel du 3 juin 2020, elle lui a indiqué qu’« [a]ucun point n’a[vait] été octroyé pour des améliorations des passages détaillés » alors que « la grille de notation prévoyait […] jusqu’à [huit] points supplémentaires pour l’amélioration de certains passages ». Par courriel du 11 juin 2020, elle a apporté des éclaircissements sur le calcul total de sa note. Enfin, par courriel du 16 juin 2020, elle lui a transmis les grilles de notation standard remplies par les deux évaluateurs s’agissant de son épreuve de révision.

123    À cet égard, pour déterminer s’il a été satisfait à l’exigence de motivation prévue par le règlement financier, les courriels du 6 mai et des 3, 11 et 16 juin 2020 peuvent être pris en compte, conformément à la jurisprudence citée au point 111 ci-dessus. En effet, ces courriels contiennent des informations, certes, communiquées à un moment ultérieur à la communication de la décision attaquée, mais qui se limitent à donner plus de détails quant à la motivation initiale. En outre, ces informations étaient en possession de la requérante au moment de l’introduction du recours.

124    Or, par la communication du document révisé, la requérante a pu prendre connaissance des passages à améliorer nécessitant, selon les évaluateurs, une amélioration stylistique. De plus, les explications fournies dans ces courriels ainsi que les grilles de notation standard font apparaître le nombre de points qui pouvaient être attribués au titre des passages à améliorer et que la requérante n’a pas obtenus.

125    En ce qui concerne le prétendu manque d’explications relatives à l’évaluation des passages à améliorer, telles que des explications sur les options possibles pour les améliorations des passages en cause, les solutions que les évaluateurs considéraient comme satisfaisantes, la manière dont les huit points prévus pour les passages à améliorer ont été attribués et notamment comment ces points ont été distribués entre les deux passages concernés, il suffit de relever que la requérante n’a pas proposé d’améliorations stylistiques des deux passages concernés. Partant, l’identification des passages à améliorer dans le document révisé suffisait à la requérante pour comprendre que, étant donné qu’elle n’avait pas apporté d’améliorations à ces passages, elle ne s’était pas vu attribuer les points correspondants.

126    Du reste, il ne saurait être exigé du pouvoir adjudicateur qu’il transmette à un soumissionnaire dont l’offre n’a pas été retenue, d’une part, outre les motifs du rejet de cette dernière, un résumé minutieux de la manière dont chaque détail de son offre a été pris en compte au titre de l’évaluation de celle-ci et, d’autre part, dans le cadre de la communication des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre retenue, une analyse comparative minutieuse de cette dernière et de l’offre du soumissionnaire évincé (arrêts du 3 mai 2018, EUIPO/European Dynamics Luxembourg e.a., C‑376/16 P, EU:C:2018:299, point 57, et du 14 octobre 2020, Close et Cegelec/Parlement, C‑447/19 P, non publié, EU:C:2020:826, point 37).

127    Il résulte de ce qui précède que l’ensemble des informations communiquées à la requérante lui a permis de connaître les éléments de fait et de droit sur la base desquels le pouvoir adjudicateur a considéré qu’elle n’avait pas obtenu la note de passage à l’épreuve de révision. Cette motivation, qui va d’ailleurs au-delà de ce qui était exigé par les dispositions pertinentes du règlement financier (voir point 119 ci-dessus), lui a permis de comprendre la justification du rejet de son offre et de contester utilement la décision attaquée devant le Tribunal.

128    Il convient donc de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du devoir de diligence et du principe de bonne administration

129    La requérante estime que le comportement de la Commission, dans ses échanges avec elle, a contrevenu au devoir de diligence ainsi qu’au principe de bonne administration et aux principes généraux régissant l’attribution des marchés publics, au titre desquels figurent les principes d’égalité de traitement, de transparence, de non-discrimination et de proportionnalité, consacrés à l’article 160, paragraphe 1, du règlement financier. La Commission n’aurait répondu à ses demandes d’informations que de manière fragmentaire.

130    En particulier, 53 jours auraient été nécessaires à la Commission pour communiquer à la requérante la grille de notation standard, alors même qu’elle l’avait demandée dès le 17 avril 2020. Or, ce n’est qu’après la communication de cette grille qu’elle aurait été en mesure de connaître la motivation de la Commission et de faire valoir ses droits en ce qui concerne les erreurs prédéfinies.

131    La Commission conteste les arguments de la requérante.

132    À titre liminaire, il convient d’écarter l’irrecevabilité, invoquée par la Commission, d’un prétendu grief tiré de la violation des « principes d’attribution des marchés publics ». En effet, la requérante a clairement énoncé que le quatrième moyen était pris de la violation des seuls « principes de diligence raisonnable et de bonne administration ». En tout état de cause, ainsi que la requérante l’a constaté dans la réplique, la référence effectuée au point 59 de la requête à une violation des « principes d’attribution des marchés publics » visait les principes figurant à l’article 160, paragraphe 1, du règlement financier. Or, la violation de ces principes fait également l’objet du deuxième moyen, pour lequel la Commission a été mise en mesure de préparer sa défense, conformément à la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus. Ce moyen a, au demeurant, été rejeté (voir point 99 ci-dessus).

133    En vertu de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union. À cet égard, la jurisprudence a précisé qu’il appartenait à l’administration, en vertu du principe de bonne administration, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents d’une affaire et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation ainsi que d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures qu’elle mettait en œuvre (arrêts du 28 juin 2016, AF Steelcase/EUIPO, T‑652/14, non publié, EU:T:2016:370, point 57, et du 13 juin 2019, Strabag Belgium/Parlement, T‑299/18, non publié, EU:T:2019:411, point 113).

134    En l’espèce, la requérante ne conteste pas que le pouvoir adjudicateur a examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents de son dossier avant de rejeter son offre.

135    En effet, elle se limite à soutenir que la Commission a violé le devoir de diligence et le principe de bonne administration en ne répondant que de manière fragmentaire à ses demandes, postérieures à la décision attaquée, de recevoir des explications sur l’évaluation et la notation de l’épreuve de révision. Or, par cette argumentation, la requérante ne démontre pas que la prétendue violation des principes susvisés a eu une incidence sur l’adoption de la décision attaquée de nature à entraîner son annulation.

136    En tout état de cause, la Commission a répondu à toutes les demandes d’informations de la requérante formulées dans ses courriels postérieurs à l’adoption de la décision attaquée, et ce dans un délai raisonnable.

137    En particulier, s’agissant de la communication des grilles de notation standard remplies par les évaluateurs, la requérante a demandé la communication « des évaluations séparées des évaluateurs » par courriel du 15 juin 2020 et la Commission les lui a communiquées dès le lendemain, à savoir le 16 juin 2020.

138    La requérante indique qu’elle avait demandé, dès le 17 avril 2020, que lui soient communiqués « le détail et les motifs de l’attribution des notes pour l’épreuve de révision » et que cette demande incluait la communication desdites grilles. À supposer que la Commission ait pu comprendre que, par cette demande, la requérante demandait à recevoir les grilles de notation relatives à son épreuve, il suffit de relever qu’elle lui a néanmoins donné, dans ses courriels postérieurs à la décision attaquée, un nombre suffisant d’explications sur la méthode d’évaluation et sur la notation de son épreuve de révision. De plus, les grilles de notation en cause lui ont été communiquées avant l’introduction du présent recours.

139    Il convient donc de rejeter le quatrième moyen et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

140    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Global Translation Solutions ltd. est condamnée aux dépens.

Collins

Csehi

Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.