Language of document : ECLI:EU:T:2022:559

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

14 septembre 2022 (*)

« Dumping – Importations de mélanges d’urée et de nitrate d’ammonium originaires de Russie, de Trinité-et-Tobago et des États-Unis – Règlement d’exécution (UE) 2019/1688 – Droit antidumping définitif – Marge de dumping – Détermination de la valeur normale – Ajustements – Construction du prix à l’exportation – Comparaison équitable – Préjudice de l’industrie de l’Union – Calcul de la sous‑cotation du prix – Ventes entre sociétés liées – Lien de causalité – Calcul de la marge de préjudice – Élimination du préjudice – Règle du droit moindre – Recours aux données disponibles »

Dans l’affaire T‑865/19,

AO Nevinnomysskiy Azot, établie à Nevinnomyssk (Russie),

AO Novomoskovskaya Aktsionernaya Kompania NAK “Azot”, établie à Novomoskovsk (Russie),

représentées par Mes P. Vander Schueren et T. Martin-Brieu, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Luengo et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Fertilizers Europe, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes B. O’Connor et M. Hommé, avocats,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents (rapporteur), C. Mac Eochaidh, Mme T. Pynnä et M. J. Laitenberger, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 17 janvier 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, AO Nevinnomysskiy Azot (ci-après « NEV ») et AO Novomoskovskaya Aktsionernaya Kompania NAK “Azot” (ci-après « NAK »), demandent l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2019/1688 de la Commission, du 8 octobre 2019, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de mélanges d’urée et de nitrate d’ammonium originaires de Russie, de Trinité-et-Tobago et des États-Unis d’Amérique (JO 2019, L 258, p. 21, ci-après le « règlement d’exécution attaqué »).

 Antécédents du litige

 Procédure administrative

2        Le 13 août 2018, à la suite d’une plainte, la Commission européenne a publié un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de mélanges d’urée et de nitrate d’ammonium (ci-après les « UAN ») originaires de Russie, de Trinité-et-Tobago et des États-Unis d’Amérique (JO 2018, C 284, p. 9).

3        L’enquête sur les pratiques de dumping et sur le préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2018 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances pertinentes aux fins de l’appréciation du préjudice a couvert la période comprise entre le 1er janvier 2015 et le 30 juin 2018 (ci-après la « période considérée »).

4        Le produit faisant l’objet de l’enquête correspondait à des mélanges d’UAN en solution aqueuse ou ammoniacale pouvant contenir des additifs, relevant actuellement du code NC 3102 80 00 (ci-après le « produit concerné »).

5        Les parties intéressées ont été invitées à participer à l’enquête. Plusieurs d’entre elles, dont les requérantes, ont présenté leurs observations écrites.

6        Le 20 mars 2019, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2019/455, soumettant à enregistrement les importations de mélanges d’urée et de nitrate d’ammonium originaires de Russie, de Trinité-et-Tobago et des États-Unis d’Amérique (JO 2019, L 79, p. 9).

7        Le 21 mars 2019, un document d’information reprenant les conclusions provisoires de la Commission a été communiqué aux requérantes (ci-après la « communication préalable »).

8        Le 10 avril 2019, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2019/576, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de mélanges d’UAN originaires de Russie, de Trinité-et-Tobago et des États-Unis d’Amérique (JO 2019, L 100, p. 7, ci-après le « règlement d’exécution provisoire »).

9        Le 12 juillet 2019, la Commission a informé les requérantes des faits et des considérations essentiels sur la base desquels il était envisagé d’instituer un droit antidumping définitif sur les importations du produit concerné en provenance, notamment, de Russie.

10      Le 8 octobre 2019, la Commission a adopté le règlement d’exécution attaqué.

11      L’article 1er, paragraphe 1,  du règlement d’exécution attaqué prévoit l’imposition d’un droit antidumping définitif sur les importations du produit concerné. L’article 1er, paragraphe 2, du même règlement d’exécution précise que ce droit antidumping prend la forme d’un montant fixe, compris entre 22,24 euros et 42,47 euros par tonne, applicable aux importations du produit concerné dans l’Union européenne fabriqué par différentes sociétés énumérées dans ledit règlement d’exécution. Le montant du droit a été fixé pour les requérantes à la somme de 27,77 euros par tonne de produit concerné.

12      Les requérantes ont présenté des observations écrites au cours de la procédure administrative.

 Résumé des motifs fondant le règlement dexécution attaqué

 Échantillonnage

13      Aux fins de l’enquête et conformément à l’article 17 du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »), la Commission a eu recours à l’échantillonnage des producteurs de l’Union et a retenu dans l’échantillon trois d’entre eux, représentant ensemble plus de 50 % du volume de la production totale de l’Union et de ses ventes.

14      S’agissant de l’échantillonnage des importateurs indépendants, la Commission a décidé qu’il n’était pas approprié de procéder à un tel échantillonnage et a transmis des questionnaires aux trois importateurs ayant accepté de coopérer.

15      En ce qui concerne l’échantillonnage des producteurs-exportateurs en Russie, à Trinité-et-Tobago et aux États-Unis (ci-après les « pays concernés »), seuls deux producteurs-exportateurs en Russie (à savoir Acron Group et EuroChem Group), un à Trinité-et-Tobago [à savoir Methanol Holdings (Trinidad) Ltd] et un aux États-Unis (à savoir CF Industries Holdings, Inc.) ont accepté de coopérer et de figurer dans l’échantillon. Compte tenu du nombre restreint de producteurs-exportateurs ayant répondu, la Commission a estimé que la constitution d’un échantillon n’était pas nécessaire.

 Produit concerné et produit similaire

16      Le produit soumis à l’enquête correspondait à des mélanges d’UAN en solution aqueuse ou ammoniacale, pouvant inclure des additifs, relevant du code NC 3102 80 00, originaires de Russie, de Trinité-et-Tobago et des États-Unis.

17      La Commission a considéré que le produit concerné, le produit fabriqué et vendu sur le marché intérieur des pays concernés ainsi que le produit fabriqué et vendu dans l’Union par l’industrie de l’Union constituaient des produits similaires.

 Dumping

18      Aux fins de la détermination de l’existence d’un dumping, la Commission a distingué, s’agissant de la valeur normale des producteurs-exportateurs russes, entre les deux producteurs-exportateurs russes ayant coopéré, à savoir Acron Group et EuroChem Group, en sachant que, au total, seuls trois groupes de sociétés produisaient des UAN en Russie au cours de la période d’enquête et que seuls Acron Group et EuroChem Group exportaient des UAN vers l’Union.

19      Dans le cas d’EuroChem Group, la valeur normale a été calculée comme étant la moyenne pondérée des ventes bénéficiaires sur le marché intérieur russe. Ses coûts de fabrication ont été ajustés, en application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, pour tenir compte des coûts du prix du gaz naturel en Russie. En effet, selon la Commission, le prix intérieur du gaz naturel étant faussé par l’application de la réglementation étatique, elle a remplacé ce dernier par un prix de référence international non faussé, à savoir le prix « Waidhaus ».

20      Pour déterminer le prix à l’exportation, la Commission a fait la distinction entre les différentes modalités d’exportation. Dès lors que les producteurs-exportateurs vendaient le produit concerné à l’exportation directement à des acheteurs indépendants dans l’Union, le prix à l’exportation a été défini comme étant le prix payé ou à payer pour le produit concerné vendu à l’exportation vers l’Union, conformément à l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base. Toutefois, lorsque les producteurs-exportateurs exportaient le produit concerné vers l’Union par l’intermédiaire de sociétés liées agissant en tant qu’importateurs, le prix à l’exportation était établi sur la base du prix auquel les produits importés étaient revendus pour la première fois à des acheteurs indépendants dans l’Union, conformément à l’article 2, paragraphe 9, dudit règlement. Dans ce cas, des ajustements du prix ont été opérés pour tenir compte de tous les frais intervenus entre l’importation et la revente, y compris les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux (ci-après les « frais VAG ») et les coûts de dilution, ainsi que d’un bénéfice raisonnable.

21      La Commission a ensuite comparé la valeur normale et le prix à l’exportation des deux producteurs-exportateurs russes ayant coopéré, au niveau départ usine. En vue d’assurer une comparaison équitable entre la valeur normale et le prix à l’exportation, elle a opéré des ajustements en application de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, pour tenir compte des rabais, des remises et des différences de quantités ainsi que des coûts de transport, d’assurance, de manutention, de chargement et des coûts accessoires ainsi que du coût du crédit.

22      À l’issue de cette comparaison, la Commission a calculé la marge de dumping pour chacun des producteurs-exportateurs russes ayant coopéré ainsi que pour les autres producteurs-exportateurs potentiels. Selon les sociétés concernées, cette marge de dumping variait entre 20 % et 31,9 % dans le règlement d’exécution attaqué. La marge de dumping des requérantes a été fixée à 20 %.

 Définition de l’industrie de l’Union

23      La Commission a constaté que le produit similaire était fabriqué par 20 producteurs connus de l’Union au cours de la période d’enquête. Ces entités, prises ensemble, constituaient l’« industrie de l’Union » au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement de base.

24      La Commission a également rappelé que trois de ces producteurs, représentant plus de 50 % de la production totale de l’Union du produit similaire, avaient été sélectionnés pour l’échantillonnage des producteurs de l’Union.

 Préjudice

25      La Commission a estimé qu’une évaluation cumulative des effets des importations en provenance des pays concernés était possible, les conditions d’une telle évaluation, prévues à l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base, étant réunies.

26      Dans le cadre de l’analyse du volume des importations, la Commission a constaté une augmentation de 64 % du volume des importations en provenance des pays concernés au cours de la période considérée ainsi qu’une augmentation de 72 % des parts de marché desdites importations, celles-ci passant de 21,9 % à 37,7 %, au cours de la période d’enquête. Plus précisément, au cours de la période considérée, le volume des importations en provenance de Russie a augmenté de 81 % et les parts de marché desdites importations de 90 %, passant de 7,1 % à 13,4 %.

27      Dans le cadre de l’analyse des effets sur les prix, la Commission a comparé, dans le règlement d’exécution provisoire, les prix des producteurs retenus dans l’échantillon des producteurs de l’Union avec ceux des producteurs-exportateurs ayant coopéré dans les pays concernés. Plus précisément, aux fins de la détermination de la sous-cotation des prix au cours de la période d’enquête, une comparaison a été effectuée entre, d’une part, les prix moyens pondérés facturés par les producteurs-exportateurs ayant coopéré dans les pays concernés au premier acheteur indépendant sur le marché de l’Union pour chaque type de produit ayant fait l’objet d’importations, établis sur une base coût, assurance, fret (CAF) et dûment ajustés pour tenir compte des droits de douane et des coûts postérieurs à l’importation, et, d’autre part, les prix de vente moyens pondérés correspondants facturés pour chaque type de produit des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon à des acheteurs indépendants sur le marché de l’Union.

28      La Commission a ainsi comparé le prix CAF à la frontière de l’Union des producteurs-exportateurs avec le prix départ usine des producteurs de l’Union représentant 60 % des ventes de ces derniers. Toutefois, pour les ventes de l’industrie de l’Union ayant entraîné des coûts de fret maritime pour la livraison des produits concernés dans des ports tels que Rouen (France) et Gand (Belgique), représentant 40 % des ventes des producteurs de l’Union, il a été jugé approprié d’utiliser les prix pour la livraison dans ces ports au lieu de calculer des prix départ usine.

29      La Commission a ainsi constaté que les importations en provenance des pays concernés sous-cotaient les prix de l’industrie de l’Union de 6,8 % en moyenne. Plus particulièrement, elle a estimé que la marge moyenne pondérée de sous-cotation était de 3,4 % pour les importations en provenance de Russie.

30      La Commission a ensuite apprécié l’incidence des importations sur l’industrie de l’Union au regard de différents indicateurs macroéconomiques et microéconomiques.

31      Au terme de son analyse des indicateurs de préjudice, la Commission a conclu que l’industrie de l’Union avait subi un préjudice important au sens de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base.

32      Dans le cadre du règlement d’exécution attaqué, la Commission a décidé de compléter ses calculs de la sous-cotation des prix, eu égard à l’arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑301/16, EU:T:2019:234), par deux calculs de sous-cotation supplémentaires qui, selon elle, permettaient de démontrer plus clairement que les importations faisant l’objet de pratiques de dumping étaient effectuées à des prix inférieurs à ceux de l’industrie de l’Union, quelle que soit la méthode utilisée.

33      La Commission a également relevé, dans le règlement d’exécution attaqué, que, en plus d’établir l’existence d’une sous-cotation des prix, l’enquête avait également révélé que, en tout état de cause, l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping avait été à l’origine d’un blocage notable des prix sur le marché de l’Union au cours de la période d’enquête, au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base. Elle a conclu que la sous-cotation n’était donc que l’un des facteurs dans une analyse beaucoup plus large des effets sur les prix, dans laquelle la dépression ou le blocage des prix était un argument clé du lien de causalité.

34      La Commission a donc maintenu sa conclusion selon laquelle l’industrie de l’Union avait subi un préjudice important au sens de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base.

 Lien de causalité

35      Au cours de la période considérée et dans un contexte de baisse de la consommation dans l’Union, la Commission a constaté, dans le règlement d’exécution provisoire, que les volumes des importations en provenance des pays concernés ainsi que les parts de marché de ces derniers avaient considérablement augmenté, tandis que les prix des pays concernés avaient diminué de 33 % en moyenne. Elle a relevé que l’augmentation de la part de marché des importations avait coïncidé avec une diminution similaire de la part de marché de l’industrie de l’Union. Compte tenu du fait que les UAN sont un produit de base sensible aux prix, que la part de marché des importations en provenance des pays concernés était de 37,7 % au cours de la période d’enquête et que ces importations avaient été réalisées à des prix sous-cotant les prix de l’industrie de l’Union, la Commission a conclu que ces importations avaient produit des effets dommageables considérables.

36      Dans le règlement d’exécution attaqué, la Commission a confirmé que les importations en provenance des pays concernés sous-cotaient les prix de vente des producteurs de l’Union. Elle a relevé que, en tout état de cause, l’analyse du lien de causalité avait pris en compte de nombreux autres facteurs à côté de la conclusion au sujet de la sous-cotation dans le cadre des effets des importations faisant l’objet d’un dumping. Ainsi, la dépression des prix ainsi que le blocage des prix au cours de la période d’enquête, causés par les importations concernées, étaient des arguments essentiels pour le lien de causalité.

37      Après avoir examiné d’autres facteurs, à savoir, notamment, le prix mondial de l’urée et l’augmentation des coûts des producteurs de l’Union, la Commission a conclu qu’aucun de ces facteurs n’avaient brisé le lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés et le préjudice important subi par l’industrie de l’Union.

 Niveau des mesures et intérêt de l’Union

38      Pour déterminer le niveau des mesures, la Commission a cherché à savoir si un droit plus faible que la marge de dumping serait suffisant pour éliminer le préjudice causé à l’industrie de l’Union par les importations faisant l’objet d’un dumping.

39      Dans le cas de la Russie, la Commission a conclu qu’un droit inférieur à la marge de dumping ne serait pas suffisant pour éliminer le préjudice causé à l’industrie de l’Union. Selon elle, les producteurs de l’Union n’étaient pas seulement lésés par le dumping, mais souffraient de distorsions supplémentaires des échanges par rapport aux producteurs-exportateurs russes, en raison de l’existence de distorsions sur les matières premières, au sens de l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base, en ce qui concerne le prix du gaz naturel sur le marché intérieur russe. Par conséquent, elle a conclu qu’il était dans l’intérêt de l’Union, ainsi qu’il est établi à l’article 7, paragraphe 2 ter, du règlement de base, lu conjointement avec l’article 9, paragraphe 4, deuxième alinéa, de ce règlement, de fixer le montant des droits au niveau des marges de dumping établies, étant donné qu’un droit inférieur à la marge de dumping ne suffirait pas à éliminer le préjudice subi par l’industrie de l’Union.

 Mesures antidumping

40      Concernant la forme des mesures antidumping, la Commission a choisi d’établir un droit fixe spécifique.

41      Le droit antidumping définitif a ainsi été établi, en dernier lieu, à un montant variant, selon les sociétés concernées, entre 22,24 euros et 42,47 euros par tonne de produit concerné. Pour les requérantes, ce droit s’est élevé à la somme de 27,77 euros par tonne de produit concerné.

 Présentation des requérantes

42      Les requérantes, sociétés anonymes de droit russe, sont actives dans la production et la vente de mélanges d’UAN. Les liens juridiques qu’elles entretiennent entre elles, au sein du groupe EuroChem, ne sont pas précisés.

43      Au cours de la période d’enquête, les requérantes vendaient leurs UAN sur le marché intérieur russe à des négociants liés, qui les revendaient à des clients indépendants.

44      Les ventes à l’exportation des requérantes dans l’Union au cours de la période d’enquête étaient toutes effectuées par l’intermédiaire d’un exportateur lié établi en Suisse (ci-après la « société commerciale suisse »), qui les revendait à un importateur lié établi en Allemagne, à savoir EuroChem Agro GmbH. Cette dernière revendait ensuite le produit concerné soit directement à des clients indépendants dans l’Union, soit à des négociants liés, situés en Bulgarie (EuroChem Agro Bulgaria LLC), en France (EuroChem Agro France SAS) et en Espagne (EuroChem Agro Iberia S. L. et Hispalense de Liquidos) (ci-après, pris ensemble, les « négociants liés »). Ces derniers revendaient ensuite le produit soit à l’un d’entre eux, soit à des clients indépendants.

45      Il s’ensuit, en substance, que toutes les ventes du produit concerné, tant sur le marché intérieur russe qu’à l’exportation, étaient effectuées par l’intermédiaire d’au moins une société liée, avant d’être revendu à un premier acheteur indépendant.

 Conclusions des parties

46      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement d’exécution attaqué dans la mesure où il les concerne ;

–        condamner la Commission et l’intervenante, Fertilizers Europe, aux dépens.

47      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

48      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant en partie irrecevable et en partie non-fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

49      Au soutien du recours, les requérantes invoquent quatre moyens :

–        le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 2, paragraphes 1, 9 et 10, du règlement de base et d’erreurs manifestes d’appréciation dans la détermination du prix à l’exportation et de la valeur normale ainsi que d’une violation de l’article 2, paragraphes 3 à 5, dudit règlement en ce qui concerne la détermination des « opérations commerciales normales », en référence à des coûts de production ajustés ;

–        le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 6, du règlement de base, du droit à une bonne administration et du principe de non-discrimination ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne l’analyse des effets produits par les importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix du marché de l’Union pour des produits similaires ;

–        le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, lu en combinaison avec l’article 9, paragraphe 4, du même règlement, et du droit à une bonne administration ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation, en raison d’une omission d’analyser si d’autres facteurs connus étaient susceptibles de causer un préjudice à l’industrie de l’Union et si le préjudice causé par ces autres facteurs n’était pas imputable aux importations faisant l’objet d’un dumping ;

–        le quatrième moyen est tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base, lu en combinaison avec l’article 9, paragraphes 4 et 5, et l’article 18, paragraphes 1, 4 et 5, du même règlement, du droit à une bonne administration et du principe d’égalité de traitement ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne le refus d’appliquer la règle du droit moindre à leurs importations.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphes 1, 9 et 10, du règlement de base et d’erreurs manifestes d’appréciation dans la détermination du prix à l’exportation et de la valeur normale ainsi que d’une violation de l’article 2, paragraphes 3 à 5, dudit règlement en ce qui concerne la détermination des « opérations commerciales normales », en référence à des coûts de production ajustés 

 Remarques liminaires

50      Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement de base, « [u]n produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers l’Union est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales pour un produit similaire dans le pays exportateur ».

51      À cette fin, en application de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l’exportation du produit en cause et la valeur normale de celui-ci.

52      En premier lieu, s’agissant de la méthode principale de détermination de la valeur normale d’un produit, elle est exposée à l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base (arrêt du 11 juillet 2017, Viraj Profiles/Conseil, T‑67/14, non publié, EU:T:2017:481, point 110), qui prévoit que « [l]a valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur ».

53      La Cour a également précisé que l’objectif de la notion d’« opérations commerciales normales » était d’assurer que la valeur normale d’un produit corresponde le plus possible au prix normal du produit similaire sur le marché intérieur de l’exportateur. Ainsi, si une vente est conclue selon des termes et des conditions qui ne correspondent pas à la pratique commerciale concernant les ventes du produit similaire dans ce marché au moment pertinent pour la détermination de l’existence ou non d’un dumping, elle ne constitue pas une base appropriée pour déterminer la valeur normale du produit similaire dans ledit marché (arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C‑393/13 P, EU:C:2014:2245, point 28).

54      Le règlement de base ne définit pas la notion d’« opérations commerciales normales ». Toutefois, ledit règlement prévoit notamment explicitement, à son article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, que les prix pratiqués entre des parties, paraissant être associées ou avoir conclu entre elles un arrangement de compensation, ne peuvent être considérés comme des prix pratiqués au cours d’opérations commerciales normales et ne peuvent être utilisés pour établir la valeur normale que s’il est établi, par exception, que ces prix ne sont pas affectés par cette relation (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C‑393/13 P, EU:C:2014:2245, points 22 et 23 et jurisprudence citée).

55      Selon la Cour, la notion d’« opérations commerciales normales » concerne le caractère des ventes considérées en elles-mêmes (voir arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C‑393/13 P, EU:C:2014:2245, point 25 et jurisprudence citée).

56      En deuxième lieu, s’agissant du prix à l’exportation, l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base dispose que ce prix est celui réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l’exportation vers l’Union. L’article 2, paragraphe 9, dudit règlement prévoit la possibilité de construire un prix à l’exportation, notamment lorsqu’il apparaît que ce dernier n’est pas fiable en raison de l’existence d’une association ou d’un arrangement de compensation entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers.

57      En troisième lieu, s’agissant de la comparaison du prix à l’exportation et de la valeur normale, celle-ci est effectuée de manière équitable, conformément à l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, lorsqu’elle est faite au même stade commercial pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d’autres différences qui affectent la comparabilité des prix. Dans les cas où la valeur normale et le prix à l’exportation établis ne peuvent être ainsi comparés, il sera tenu compte dans chaque cas, sous forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité.

58      En quatrième lieu, en ce qui concerne la marge de dumping, l’article 2, paragraphe 12, première phrase, du règlement de base précise que « [l]a marge de dumping est le montant par lequel la valeur normale dépasse le prix à l’exportation ».

59      Le premier moyen s’articule en cinq branches qu’il convient d’examiner dans l’ordre suivant :

–        la cinquième branche, relative au calcul de la valeur normale ;

–        la première branche, relative au calcul du prix à l’exportation et, en particulier, à l’ajustement des prix à l’exportation des requérantes au titre des frais VAG et, éventuellement, du bénéfice de la société commerciale suisse ;

–        la deuxième branche, relative au calcul du prix à l’exportation et, en particulier, à la déduction du prix à l’exportation des requérantes des frais VAG et des bénéfices d’EuroChem Agro lorsque cette dernière n’intervenait pas en tant qu’importateur ;

–        la troisième branche, relative au calcul du prix à l’exportation et, en particulier, à la déduction du prix à l’exportation des requérantes des frais VAG et des bénéfices liés à des opérations intervenues avant le passage de la frontière de l’Union ;

–        la quatrième branche, relative à la comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale.

 Sur la cinquième branche, relative au calcul de la valeur normale

60      Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission, en déterminant les opérations commerciales normales sur la base de coûts de production ajustés, a violé les paragraphes 3 à 5 de l’article 2 du règlement de base, relatifs au calcul de la valeur normale.

61      Selon les requérantes, la Commission n’aurait pas dû ajuster leurs coûts de production en remplaçant les coûts du gaz naturel qu’elles ont effectivement supportés par les prix à la frontière entre l’Allemagne et la République tchèque, ajustés au transport vers la Russie (ci-après le « prix Waidhaus ajusté »).

62      Dans ce contexte, les requérantes font valoir que la méthode d’ajustement des coûts appliquée en l’espèce par la Commission est incompatible avec l’interprétation donnée aux articles 2.2, 2.2.1 et 2.2.1.1 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping de l’OMC »), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (JO 1994, L 336, p. 3), par l’Organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dans son rapport relatif au différend « Ukraine – Mesures antidumping visant le nitrate d’ammonium » (WT/DS 493/AB/R, ci-après le « rapport de l’Organe d’appel de l’OMC sur le nitrate d’ammonium »), distribué le 12 septembre 2019.

63      Premièrement, la Commission aurait évalué le caractère raisonnable des frais et non des registres des requérantes, ce qui serait incompatible avec l’article 2.2.1.1 de l’accord antidumping de l’OMC, et donc avec l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

64      Deuxièmement, en s’appuyant sur les coûts du gaz naturel ajustés d’une manière incompatible avec l’article 2.2.1 de l’accord antidumping de l’OMC pour déterminer les « opérations commerciales normales », la Commission aurait violé l’article 2, paragraphe 4, du règlement de base.

65      Troisièmement, en n’expliquant pas les raisons pour lesquelles le prix Waidhaus ajusté aurait été à même ou capable de permettre d’aboutir à un coût de production « dans le pays d’origine », la Commission aurait violé l’article 2.2 de l’accord antidumping de l’OMC, et donc l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base.

66      La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

67      À cet égard, il convient de relever que l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base prévoit la possibilité de recourir à une valeur normale construite dans trois hypothèses, d’abord, lorsqu’aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales, ensuite, lorsque ces ventes sont insuffisantes et, enfin, lorsque, du fait de l’existence d’une situation particulière du marché, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable. Selon le second alinéa dudit paragraphe, il peut être considéré qu’il existe une situation particulière de marché, au sens de l’alinéa précédent, notamment lorsque les prix sont artificiellement bas, que l’activité de troc est importante ou qu’il existe des régimes de transformation non commerciaux.

68      Dans ces situations, l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base prévoit que la valeur normale du produit similaire est calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et les autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable ou sur la base des prix à l’exportation, pratiqués au cours d’opérations commerciales normales, vers un pays tiers approprié, à condition que ces prix soient représentatifs.

69      L’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base précise ainsi, d’une part, les critères de la mise à l’écart de la méthode d’établissement de la valeur normale, fondée sur les prix du marché intérieur du pays exportateur, et, d’autre part, les méthodes subsidiaires de calcul de cette valeur.

70      À cet égard, premièrement, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du considérant 36 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a estimé que le marché du gaz naturel en Russie faisait l’objet d’une distorsion, au motif, essentiellement, que les prix du gaz naturel étaient réglementés en Russie.

71      Or, le Tribunal a jugé que, compte tenu de ce prix réglementé du gaz naturel en Russie, le coût de production du produit concerné était affecté par une distorsion du marché intérieur russe en ce qui concerne le prix du gaz, ce prix ne résultant pas des forces du marché (arrêt du 7 février 2013, Acron/Conseil, T‑118/10, non publié, EU:T:2013:67, point 51).

72      C’est donc sans violer l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base que la Commission a pu estimer que les registres des requérantes ne pouvaient être considérés comme raisonnables et, partant, qu’elle pouvait ne pas tenir compte de ceux-ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 7 février 2013, Acron/Conseil, T‑118/10, non publié, EU:T:2013:67, points 52 et 53).

73      Pour la même raison, les requérantes ne sauraient utilement reprocher à la Commission, en se fondant sur les paragraphes 6.102 et 7.116 du rapport de l’Organe d’appel de l’OMC sur le nitrate d’ammonium, d’avoir apprécié le caractère raisonnable des coûts, cette critique n’étant d’ailleurs aucunement étayée.

74      Deuxièmement, en ce qui concerne l’article 2, paragraphe 4, du règlement de base, les requérantes se contentent d’indiquer que, « [l]orsque la [Commission s’est appuyée sur les coûts du gaz naturel ajustés d’une manière incompatible avec l’article 2.2.1.1 de l’accord antidumping de l’OMC pour déterminer les opérations commerciales normales, elle a agi d’une manière incompatible avec l’article 2.2.1 [dudit accord antidumping], et donc avec l’article 2, paragraphe 4, du règlement de base ».

75      Toutefois, les requérantes n’indiquent pas les raisons pour lesquelles les coûts du gaz naturel auraient été ajustés de manière incohérente, sinon en se référant au paragraphe 7.116 du rapport de l’Organe d’appel de l’OMC sur le nitrate d’ammonium, lequel ne permet cependant pas de comprendre les raisons pour lesquelles elles estiment que l’ajustement du prix du gaz aurait été, en l’espèce, incohérent.

76      Au demeurant, il convient de relever que les requérantes n’ont pas contesté le considérant 34 du règlement d’exécution attaqué, aux termes duquel la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles l’affaire sur le nitrate d’ammonium, portées devant l’OMC, n’était pas pertinente en l’espèce.

77      Troisièmement, les requérantes ne sauraient valablement reprocher à la Commission de ne pas avoir expliqué les raisons pour lesquelles le prix Waidhaus ajusté aurait été à même ou capable de permettre d’aboutir à un coût de production « dans le pays d’origine ».

78      En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 68 ci-dessus, l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base prévoit que, lorsque, du fait de la situation particulière du marché, les ventes de produits similaires ne permettent pas une comparaison valable, la valeur normale du produit similaire est calculée soit sur la base du coût de production dans le pays d’origine ajusté, soit sur la base des prix à l’exportation, pratiqués au cours d’opérations commerciales normales, vers un pays tiers approprié, à condition que ces prix soient représentatifs.

79      Or, en l’espèce, la Commission a eu recours au prix Waidhaus ajusté non pas pour approcher le coût de production dans le pays d’origine, mais pour déterminer le prix à l’exportation, ainsi qu’il ressort du point 41 du règlement d’exécution attaqué. Dès lors, il ne lui appartenait pas d’expliquer les raisons pour lesquelles le prix Waidhaus ajusté aurait été à même ou capable de permettre d’aboutir à un coût de production « dans le pays d’origine ».

80      Il résulte de ce qui précède que la présente branche doit être rejetée.

 Sur la première branche, relative au calcul du prix à l’exportation et, en particulier, à l’ajustement des prix à l’exportation des requérantes au titre des frais VAG et, éventuellement, du bénéfice de la société commerciale suisse

81      Outre une violation de l’obligation de motivation, les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a violé l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base en ajustant leur prix à l’exportation pour tenir compte des frais VAG et « peut-être » du bénéfice de la société commerciale suisse, dans la mesure où cette dernière n’interviendrait pas à titre d’importateur et n’exercerait pas les fonctions d’un importateur.

82      Premièrement, selon les requérantes, en vertu de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, seules les opérations intervenues entre le passage à la frontière de l’Union et la première revente à un acheteur indépendant sur le territoire de ses États membres devraient être prises en compte, puisque cette disposition aurait pour objet de déterminer, par un calcul à rebours, un prix à l’exportation au niveau de la frontière de l’Union. Devraient donc être exclus des ajustements les frais et les bénéfices liés à des opérations intervenues avant le passage de ladite frontière.

83      Deuxièmement, les requérantes estiment que la société commerciale suisse n’encourt aucun coût « normalement supporté par un importateur » dans l’Union. Ainsi, d’abord, les coûts de transport, figurant dans le rapport de la visite de vérification effectuée auprès de cette société, seraient ceux supportés par NAK en Russie. Ensuite, les frais portuaires supportés par ladite société auraient été encourus dans un port russe. Enfin, les frais de chargement pris en considération par la Commission auraient été supportés par NEV.

84      Troisièmement, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas exposé les raisons de la déduction des frais VAG de la société commerciale suisse et n’a pas expliqué « quelles activités de quelles sociétés [étaient] couvertes par la déduction de 4 % au titre des bénéfices ».

85      La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

86      À titre liminaire, en ce que les requérantes font, en substance, grief à la Commission d’avoir violé l’obligation de motivation, il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 75).

87      Cette exigence doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 76).

88      Premièrement, en ce qui concerne le prétendu défaut de motivation relatif à la prétendue déduction de 4 % appliquée au titre des bénéfices de la société commerciale suisse, il convient de relever que, au considérant 25, sous e), du règlement d’exécution provisoire, la Commission a identifié cette société comme étant un exportateur lié aux requérantes. Il ressort également du considérant 67 dudit règlement d’exécution que, lorsque la nécessité d’assurer une comparaison équitable entre la valeur normale et le prix à l’exportation le justifiait, la Commission a procédé à des ajustements pour tenir compte, notamment, des frais VAG des exportateurs liés, y compris de la marge.

89      Cependant, il ne ressort nullement du règlement d’exécution provisoire que la Commission a procédé à un ajustement du prix à l’exportation au titre des bénéfices des exportateurs liés, en particulier ceux de la société commerciale suisse.

90      Cela est confirmé par le point 4.3 de la communication préalable ainsi que par son annexe 2, aux termes desquels il ressort qu’une déduction de 4 % a été effectuée pour les ventes déclarées d’EuroChem Agro, mais pas en ce qui concerne les autres importateurs liés ou la société commerciale suisse. Il ressort de cette annexe et, en particulier, de la page 20 de celle-ci, que seul le bénéfice déclaré d’EuroChem Agro a été ajusté, tandis qu’il n’y a pas de colonne distincte concernant les bénéfices (ou les ajustements du bénéfice) dans les fichiers des autres importateurs liés.

91      Deuxièmement, s’agissant du prétendu défaut de motivation concernant la déduction des frais VAG de la société commerciale suisse, il convient de relever que les raisons de ladite déduction sont exposées au considérant 67 du règlement d’exécution provisoire, qui se réfère à la « nécessité d’assurer une comparaison équitable » sur le fondement de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base. Cela ressort également du point 4.3 de la communication préalable.

92      Il résulte de ce qui précède que le grief des requérantes tiré d’un défaut de motivation du règlement d’exécution attaqué à cet égard ne saurait être accueilli.

93      S’agissant du grief des requérantes relatif à l’illégalité de l’ajustement des prix à l’exportation, il convient de relever que l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base dispose que, en principe, le « prix à l’exportation est le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l’exportation vers l’Union ». C’est uniquement « [l]orsqu’il n’y a pas de prix à l’exportation ou lorsqu’il apparaît que le prix à l’exportation n’est pas fiable en raison de l’existence d’une association ou d’un arrangement de compensation entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers » que l’article 2, paragraphe 9, premier alinéa, dudit règlement permet de construire le prix à l’exportation sur la base du prix auquel les produits importés ont été revendus pour la première fois à un acheteur indépendant.

94      À cet égard, l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base prévoit que :

« Lorsqu’il n’y a pas de prix à l’exportation ou lorsqu’il apparaît que le prix à l’exportation n’est pas fiable en raison de l’existence d’une association ou d’un arrangement de compensation entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers, le prix à l’exportation peut être construit sur la base du prix auquel les produits importés sont revendus pour la première fois à un acheteur indépendant ou, si les produits ne sont pas revendus à un acheteur indépendant ou ne sont pas revendus dans l’état où ils ont été importés, sur toute autre base raisonnable.

Dans de tels cas, des ajustements sont opérés pour tenir compte de tous les frais, y compris les droits et les taxes, intervenus entre l’importation et la revente et d’une marge bénéficiaire, afin d’établir un prix à l’exportation fiable au niveau frontière de l’Union.

Les coûts au titre desquels un ajustement est opéré incluent ceux normalement supportés par un importateur, mais payés par toute partie ayant ses activités à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union et paraissant être associée à ou avoir conclu un arrangement de compensation avec l’importateur ou l’exportateur, et notamment les éléments suivants : transport habituel, assurance, manutention, chargement et coûts accessoires, droits de douane, droits antidumping et autres taxes payables dans le pays importateur du fait de l’importation ou de la vente des marchandises, ainsi qu’une marge raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et les autres frais généraux et le bénéfice. »

95      Il convient donc de constater que l’article 2, paragraphe 9, troisième alinéa, du règlement de base précise que les coûts au titre desquels un ajustement doit être opéré incluent également ceux supportés par une partie qui est établie à l’extérieur de l’Union, dès lors qu’elle paraît être associée et que ces coûts devaient être normalement supportés par un importateur ou par un tiers. Cette disposition ne saurait donc être limitée au seul ajustement des coûts normalement supportés par les importateurs et intervenus uniquement entre le moment du passage de la frontière de l’Union par le produit concerné et sa première revente à un acheteur indépendant, sans remettre en cause l’effet utile de l’article 2, paragraphe 9, dudit règlement.

96      Ainsi, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base s’applique uniquement aux coûts supportés par les sociétés agissant en qualité d’importateurs, il convient de relever que le premier alinéa de cette disposition vise, selon ses propres termes, l’« importateur ou un tiers », en sorte qu’il comprend nécessairement des entités qui ne procèdent pas à l’importation proprement dite des produits concernés. Par ailleurs, il y a encore lieu d’ajouter que le troisième alinéa de ladite disposition vise tant les coûts normalement supportés par un importateur que ceux qui pourraient être supportés par « toute partie ayant ses activités à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union ».

97      Ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, par l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, le législateur a entendu inclure les coûts des sociétés qui n’importent pas le produit concerné, mais qui supportent des coûts normalement associés à cette importation, ce qui respecte ainsi le mode de décision contractuel des opérateurs économiques, tout en déployant ses effets à l’égard des pratiques commerciales, ce qui permet, par le biais d’arrangements de quelque nature que ce soit, de faire en sorte que les coûts « normalement » supportés par un importateur soient attribués à un tiers, comme dans la présente espèce en ce qui concerne la société commerciale suisse, laquelle relève donc de ladite disposition.

98      Par ailleurs, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, il ne ressort manifestement pas de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base que seuls les coûts entre l’arrivée du produit concerné à la frontière de l’Union et la première revente à un acheteur indépendant devraient être pris en considération aux fins de la détermination du prix à l’exportation.

99      Ainsi que le souligne à juste titre la Commission, il se peut que, dans certaines situations, les coûts supportés par des intermédiaires avant l’importation fassent partie du prix à l’exportation réellement payé. À défaut, les producteurs-exportateurs pourraient avoir recours à plusieurs intermédiaires liés, établis en dehors de l’Union, afin de gonfler artificiellement les prix à l’exportation.

100    L’article 2, paragraphe 9, du règlement de base vise donc à garantir la fiabilité des prix à l’exportation, y compris lorsque des transactions entre des sociétés d’un même groupe sont susceptibles de priver de fiabilité les prix à l’exportation, notamment ceux qui sont facturés à une partie liée.

101    Ainsi, l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base vise à permettre l’ajustement des coûts supportés par des sociétés liées, éventuellement établies en dehors de l’Union, afin précisément d’éviter la situation dans laquelle un producteur-exportateur structurerait ses ventes afin que l’ensemble des coûts normalement supportés par un importateur (tels que les coûts de transport, d’importation, d’emballage, d’entreposage ainsi que les autres frais VAG, y compris le bénéfice) soient insusceptibles d’être pris en considération aux fins de la détermination du prix à l’exportation. Si tel n’était pas le cas, la Commission serait dans l’incapacité de fixer un prix à l’exportation qui soit fiable aux fins de la détermination de l’existence d’un dumping.

102    C’est d’ailleurs en ce sens que le Tribunal a jugé que l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base n’exclut pas que des ajustements soient opérés pour des frais intervenus avant l’importation, dans la mesure où ces frais sont normalement supportés par l’importateur (voir arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, point 41 et jurisprudence citée).

103    Par ailleurs, en matière d’ajustement opéré par la Commission dans le contexte d’une association entre le producteur-exportateur et l’importateur, il appartient à la partie intéressée qui entend contester l’étendue des ajustements opérés sur le fondement de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, en ce que les marges déterminées au titre des frais VAG et du bénéfice seraient excessives, de fournir des éléments de preuve et des calculs concrets justifiant ses allégations et, en particulier, le taux alternatif qu’elle propose le cas échéant (voir arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, point 44 et jurisprudence citée).

104    Or, les requérantes sont en association avec la société commerciale suisse, l’importateur lié, EuroChem Agro, et les négociants liés établis dans l’Union, en ce qu’ils appartiennent tous au même groupe, ainsi que cela ressort du considérant 37 du règlement d’exécution provisoire (voir, par analogie, arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, point 39).

105    De plus, d’une part, les requérantes n’ont pas démontré à suffisance de droit que de tels coûts et frais ne pouvaient être considérés comme des coûts normalement supportés par un importateur des produits concernés dans l’Union, alors même qu’ils sont en lien direct avec le déplacement du produit concerné dans son pays de production.

106    D’autre part, les requérantes admettent, aux points 5, 6 et 8 de la réplique, que ces coûts et frais ont été effectivement supportés par la société commerciale suisse ou par NEV et se contentent de faire valoir qu’ils ne peuvent être considérés comme des coûts normalement supportés par un importateur.

107    Il en résulte que la Commission pouvait à bon droit tenir compte des coûts de transport ainsi que des frais portuaires et de chargement.

108    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la présente branche doit être rejetée.

 Sur la deuxième branche, relative au calcul du prix à l’exportation et, en particulier, à la déduction du prix à l’exportation des requérantes des frais VAG et des bénéfices d’EuroChem Agro lorsque cette dernière n’intervenait pas en tant qu’importateur

109    Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a violé l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base en déduisant de leur prix à l’exportation les frais VAG et les bénéfices d’EuroChem Agro, pour la partie de ses ventes correspondant aux ventes effectuées non aux négociants liés d’EuroChem Group, mais à des clients indépendants. Pour ces ventes à des clients indépendants, EuroChem Agro aurait supporté uniquement les frais de transport jusqu’à la frontière de l’Union, mais pas les frais de dédouanement et de stockage ultérieurs, qui auraient été supportés par les clients indépendants, ce qui serait confirmé par les réponses des importateurs indépendants au questionnaire qui leur a été adressé par la Commission. Dès lors, EuroChem Agro n’aurait exercé aucune des fonctions d’un importateur dans ce cas.

110    Il résulterait de l’article 2, paragraphe 9, deuxième alinéa, du règlement de base que, lorsque le prix à l’exportation est construit sur la base du prix appliqué au premier acheteur indépendant, il conviendrait de procéder à un ajustement pour tenir compte de tous les frais intervenus entre l’importation et la revente afin d’établir un prix à l’exportation fiable au niveau frontière de l’Union. Ainsi, selon les requérantes, devraient être exclus des ajustements les frais liés à des opérations intervenues avant le passage de ladite frontière ou concernant des opérations dans des pays tiers.

111    Les requérantes ajoutent que le considérant 57 du règlement d’exécution attaqué serait entaché d’une erreur, au motif, en substance, que la Commission a retenu à tort que EuroChem Agro exerçait « toutes » les fonctions d’un importateur.

112    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

113    À cet égard, il ressort de l’article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement de base, dont le libellé est rappelé aux points 93 et 94 ci-dessus, que la Commission peut considérer que le prix à l’exportation n’est pas fiable dans deux cas, à savoir lorsqu’il existe une association entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers ou en raison d’un arrangement de compensation entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers. En dehors de ces cas, la Commission est tenue, lorsqu’un prix à l’exportation existe, de se fonder sur celui-ci pour la détermination de l’existence d’un dumping (arrêts du 21 novembre 2002, Kundan et Tata/Conseil, T‑88/98, EU:T:2002:280, point 49, et du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil, T‑190/08, EU:T:2011:618, point 26).

114    Par conséquent, l’article 2, paragraphe 9, premier alinéa, du règlement de base n’exclut pas la prise en considération, aux fins de la détermination du prix à l’exportation, de frais supportés par des entités n’agissant pas en tant qu’importateurs. En effet, ce premier alinéa fait référence à une association ou à un arrangement compensatoire « entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers ».

115    Cette conclusion est confirmée par l’article 2, paragraphe 9, troisième alinéa, du règlement de base, qui dispose que les coûts pour lesquels des ajustements sont opérés « incluent ceux normalement supportés par un importateur, mais payés par toute partie ayant ses activités à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union et paraissant être associée ». Il ressort de ce libellé que les coûts supportés ou payés par une entité n’agissant pas en qualité d’importateur ne sont pas exclus du champ d’application de cette disposition. En outre, une telle exclusion irait, ainsi qu’il ressort de cette disposition, à l’encontre du premier alinéa dudit paragraphe, qui a précisément pour objet d’établir un prix à l’exportation fiable dans des situations où ce prix ne l’est précisément pas.

116    Il en résulte que la question de savoir si EuroChem Agro, dont il n’est pas contesté qu’elle fait partie du groupe EuroChem, devait ou non être qualifiée d’« importateur » ou d’« importateur lié » est indifférente. Seul importe de déterminer si, conformément à la jurisprudence rappelée au point 102 ci-dessus, les frais déduits par la Commission constituaient des coûts normalement supportés par l’importateur.

117    Or, il a été constaté, au point 105 ci-dessus, que, si EuroChem Agro ne procédait pas au dédouanement physique des produits qu’elle vendait ensuite à des acheteurs non liés, elle prenait en charge les coûts de transport de ces produits jusqu’à la frontière de l’Union, en sorte qu’elle supportait des coûts qui sont normalement supportés par un importateur, au sens de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, justifiant un ajustement à cet égard.

118    Par conséquent, la présente branche doit être rejetée.

 Sur la troisième branche, relative au calcul du prix à l’exportation et, en particulier, à la déduction du prix à l’exportation des requérantes des frais VAG et des bénéfices liés à des opérations intervenues avant le passage de la frontière de l’Union

119    Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a violé l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base en déduisant du prix à l’exportation les frais VAG et les bénéfices de la société commerciale suisse et d’EuroChem Agro, dans le cadre des ventes de cette dernière aux sociétés liées, situées en France, en Espagne et en Bulgarie.

120    Premièrement, les requérantes rappellent que les frais liés à des opérations intervenues avant le passage de la frontière devraient être exclus des ajustements. Or, en l’espèce, la Commission aurait ajusté tous les frais VAG et les bénéfices des sociétés liées, sans tenir compte du fait que certains de ces frais ne correspondaient pas à des opérations ayant eu lieu entre l’importation et la revente, en sorte qu’ils ne pouvaient pas faire l’objet d’un ajustement.

121    Deuxièmement, les requérantes prétendent avoir démontré et quantifié le montant des dépenses et des bénéfices antérieurs à l’importation, supportés par les sociétés liées, que la Commission n’aurait pas dû déduire aux fins de la détermination du prix à l’exportation. Ce montant correspondrait aux frais VAG et aux bénéfices supportés par la société commerciale suisse et par EuroChem Agro pour les ventes d’UAN à des entités indépendantes dans l’Union.

122    Troisièmement, les requérantes estiment que leurs allégations ont été rejetées sans la moindre motivation.

123    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

124    À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du point 21 de la réplique, les requérantes mettent uniquement en cause le décompte des frais VAG et des bénéfices des négociants liés en relation avec les activités ayant eu lieu avant le passage de la frontière de l’Union de la société commerciale suisse et d’EuroChem Agro.

125    Par conséquent, la présente branche repose sur la même prémisse erronée que les première et deuxième branches du premier moyen, selon laquelle l’article 2, paragraphe 9, premier alinéa, du règlement de base exclut la prise en considération des frais exposés avant l’importation.

126    En effet, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, il est indifférent que les frais VAG et les bénéfices déclarés concernent des frais intervenus avant ou après l’importation, dès lors que ce sont les frais liés à la vente finale au sein de l’Union qui, en raison de l’existence d’une relation intragroupe, peuvent être ajustés conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base.

127    Or, ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 105 et 117 ci-dessus, les frais supportés par la société commerciale suisse et par EuroChem Agro, même pour des activités ayant eu lieu avant le passage de la frontière de l’Union, ont pu valablement être considérés par la Commission comme relevant de coûts qui sont normalement supportés par un importateur, au sens de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base. Il en découle que la Commission pouvait également déduire un montant au titre de leur bénéfice aux fins de la détermination du prix à l’exportation des produits concernés de la société commerciale suisse et d’EuroChem Agro.

128    Il en résulte qu’est inopérante l’argumentation des requérantes par laquelle elles font grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait qu’elles avaient démontré et quantifié le montant des frais et des bénéfices de la société commerciale suisse et d’EuroChem Agro, selon elles, indument déduits.

129    Par ailleurs, en ce qui concerne l’allégation des requérantes selon laquelle la Commission a rejeté leur grief sans fournir la moindre motivation, il suffit de se référer aux considérants 56 et 57 du règlement d’exécution attaqué, qui expliquent à suffisance les raisons de ce rejet et qui permettent au Tribunal d’exercer son contrôle.

130    Il s’ensuit que la présente branche doit être rejetée.

 Sur la quatrième branche, relative à la comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale

131    Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission, en rejetant leur demande tendant à obtenir l’ajustement de la valeur normale pour tenir compte des frais VAG et du bénéfice d’EuroChem Trading RUS, LLC, a violé l’article 2, paragraphes 1 et 10, sous k), du règlement de base.

132    Les requérantes font valoir que les sociétés de l’Union, qui leur sont liées, et EuroChem Trading RUS exerçaient les mêmes fonctions de vente sur leurs marchés respectifs. Elles estiment que, étant donné que la Commission a procédé à des ajustements à la baisse du prix à l’exportation pour tenir compte des frais VAG et des bénéfices des sociétés de l’Union, liées à elles, un ajustement à la baisse de la valeur normale au titre des frais VAG et des bénéfices d’EuroChem Trading RUS aurait également dû avoir lieu, afin d’éviter une asymétrie entre la valeur normale et le prix à l’exportation. Dans ce contexte, selon elles, le fait que EuroChem Trading RUS et elles forment une entité économique unique ne constituerait pas un motif valable pour refuser un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base, dans la mesure où elles et des sociétés commerciales de l’Union constitueraient également une entité économique unique.

133    En réponse à la fin de non-recevoir soulevée par la Commission, les requérantes précisent que la quatrième branche du premier moyen est clairement expliquée et étayée dans la requête.

134    Les requérantes ajoutent également que l’allégation de la Commission selon laquelle elles n’ont pas fourni de preuves suffisantes pour établir que les fonctions exercées par EuroChem Trading RUS et par leurs sociétés commerciales situées en Suisse et dans l’Union étaient identiques n’avait pas été soulevée au cours de l’enquête, en sorte qu’il conviendrait de ne pas en tenir compte.

135    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

136    À cet égard, il convient de relever que la quatrième branche du premier moyen repose sur l’affirmation selon laquelle les requérantes « ont démontré que les frais VAG et les bénéfices des sociétés commerciales de l’Union et de la société commerciale nationale, EuroChem Trading RUS, qui sont liées aux mêmes fonctions de vente, sont des facteurs qui affectent le prix sur le marché intérieur et les prix à l’exportation, et par conséquent leur comparabilité. »

137    Ce passage est étayé par la note en bas de page 34 de la requête, qui se lit comme suit : « Commentaires sur le règlement provisoire, pages 22‑23 et annexe 8, annexe A.8 ».

138    Ce faisant, les requérantes non seulement recourent à une référence générale à un autre document aux fins de leur argumentation, mais, en outre, elles n’étayent pas non plus le postulat sur lequel repose celle-ci.

139    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit notamment contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. En outre, indépendamment de toute question de terminologie, cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans avoir à solliciter d’autres informations. Il faut, en effet, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même, et ce afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice (voir arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 356 et jurisprudence citée).

140    Par ailleurs, si le corps de la requête peut être étayé et complété sur des points précis par des références à des extraits de documents qui y sont annexés, une référence générale à d’autres documents, même ceux annexés à la requête, ne saurait compenser l’absence des arguments essentiels en droit qui, conformément aux dispositions susmentionnées, doivent figurer dans la requête. Ainsi, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier dans les annexes les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du 15 octobre 2020, Zhejiang Jiuli Hi-Tech Metals/Commission, T‑307/18, non publié, EU:T:2020:487, point 239 et jurisprudence citée).

141    Eu égard à la jurisprudence mentionnée aux points 139 et 140 ci-dessus, la quatrième branche du premier moyen doit être déclarée irrecevable.

142    En tout état de cause, à supposer même que la présente branche puisse être déclarée recevable, il convient de faire les constatations suivantes.

143    Tout d’abord, en ce que les requérantes tirent argument de l’exigence d’un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base, il convient de rappeler que la Cour a jugé que les ajustements effectués au titre de l’article 2, paragraphe 10, dudit règlement se distinguent, tant par leur objectif que par leurs conditions d’application, des ajustements opérés dans le cadre de la reconstitution du prix à l’exportation. Alors que ces derniers ajustements visent à déterminer le prix à l’exportation qui correspondrait à des conditions commerciales normales, les ajustements effectués au titre de cette dernière disposition tendent à redresser le prix à l’exportation ou la valeur normale déjà calculés en application des règles fixées à l’article 2, paragraphes 3 à 9, de ce règlement. Les ajustements prévus dans le cadre de l’article 2, paragraphe 10, du même règlement sont opérés en fonction d’éléments objectifs, qui correspondent aux particularités de chaque marché (d’origine et d’exportation), se répercutent de manière inégale sur les conditions de vente et affectent en conséquence la comparabilité des prix (arrêt du 4 mai 2017, RFA International/Commission, C‑239/15 P, non publié, EU:C:2017:337, point 43 ; voir également, par analogie, arrêt du 7 mai 1987, Minebea/Conseil, 260/84, EU:C:1987:206, points 41 et 42).

144    Or, les requérantes n’ont nullement étayé les raisons pour lesquelles un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base eut été justifié, étant en outre observé que les considérations effectuées par la Commission aux considérants 26 et 27 du règlement d’exécution attaqué, auxquels il est renvoyé, ne révèlent pas une erreur manifeste d’appréciation qu’elle aurait commise.

145    Par ailleurs, pour autant que les requérantes prétendent que la Commission a accepté de déduire les frais VAG d’EuroChem Trading RUS sans déduire le bénéfice du négociant lié, force est de constater que cette affirmation est erronée, dans la mesure où il ressort précisément du considérant 27 du règlement d’exécution attaqué que les frais VAG du négociant national n’ont pas été déduits au motif que ce dernier faisait partie de la même entité économique.

146    Il résulte des considérations qui précèdent que la présente branche doit être rejetée, ainsi que le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 6, du règlement de base et du droit à une bonne administration et du principe de non-discrimination ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne l’analyse des effets produits par les importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix du marché de l’Union pour des produits similaires

147    Le deuxième moyen est articulé en cinq branches. La première branche est relative à l’ajustement des prix de l’industrie de l’Union au titre des coûts de transport pour la livraison des produits dans les ports de Rouen et de Gand. Les deuxième et troisième branches, qui seront examinées ensemble, ont trait à l’ajustement au titre des frais VAG et des bénéfices des entités de vente liées. Dans le cadre de la quatrième branche, les requérantes font valoir que la Commission n’a ni expliqué ni démontré sa conclusion relative à un blocage des prix. Dans le cadre de la cinquième branche, elles invoquent une analyse incorrecte de l’imputation du préjudice aux importations faisant l’objet d’un dumping.

 Sur la première branche, relative à l’ajustement des prix de l’industrie de l’Union au titre des coûts de transport pour la livraison des produits dans les ports de Rouen et de Gand

148    Les requérantes font, en substance, grief à la Commission d’avoir violé l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, en ajustant le prix de l’industrie de l’Union au titre des coûts de transport pour la livraison des produits concernés dans les ports de Rouen et de Gand aux fins du calcul de la sous-cotation, alors qu’elle n’a pas procédé à un ajustement similaire pour le prix à l’exportation des producteurs-exportateurs ayant coopéré. Selon elles, les frais de transport ajoutés à une partie des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon gonflent artificiellement le prix auquel l’industrie de l’Union concurrence les importations d’une manière partiale qui favoriserait les intérêts de l’industrie de l’Union.

149    Dans cette perspective, premièrement, les requérantes font valoir, que le calcul de la sous-cotation présente une asymétrie importante, puisque les ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, qui ont été livrées dans l’Union à Rouen et à Gand, ont été comparées aux prix CAF frontière de l’Union des producteurs-exportateurs ayant coopéré, et ce indépendamment de la destination de ces dernières et du fait qu’elles aient ou non été en concurrence avec les ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon.

150    En premier lieu, une comparaison équitable aurait exigé que les prix CAF à l’importation agrégés soient comparés aux prix départ usine agrégés des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon (c’est‑à‑dire une comparaison opérée indépendamment de la destination) ou, à titre subsidiaire, la Commission aurait dû ajuster tant les prix à l’importation que les prix des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon pour tenir compte des coûts de transport supportés pour atteindre le même État membre de vente, avant de les agréger et de les comparer (c’est‑à‑dire une comparaison opérée en fonction de la destination).

151    Les requérantes précisent qu’elles ne soutiennent pas, dans ce contexte, que les ventes intérieures et les importations auraient été comparées sur la base de transactions spécifiques. Par ailleurs, bien que les prix des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon aient été agrégés, ces prix refléteraient les prix à la livraison dans l’État membre dans lequel la vente a finalement eu lieu.

152    En outre, il serait inexact d’affirmer que les importations qui n’étaient pas destinées à la France et à la Belgique ne nécessitaient aucun ajustement, car cela supposerait qu’elles aient été dédouanées en Lituanie, en Pologne ou aux Pays-Bas et destinées à ces États, et qu’elles sont donc comparables aux ventes départ usine des producteurs de l’Union. À cet égard, les requérantes soulignent qu’une part importante de leurs ventes étaient destinées à [confidentiel](1), ce qui ne serait pas comparable aux ventes livrées en France et en Belgique ou aux ventes départ usine prises en considération pour les producteurs de l’Union.

153    En second lieu, les requérantes font valoir, en substance, que la concurrence à Rouen ou à Gand n’aurait pas justifié un tel ajustement, dès lors que, selon des données provenant de l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat), 35 % des importations en provenance de la Russie n’étaient pas destinées à la France ou la Belgique, alors même qu’elles auraient été comparées au prix de vente moyen des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon qui incluait des coûts de transports vers l’Europe occidentale. Aucun élément du dossier de l’enquête ne contredirait l’argument des requérantes selon lequel 35 % des importations russes n’étaient pas destinées à Rouen et à Gand.

154    Contrairement à ce qu’affirme la Commission, les exportations effectuées par les requérantes vers l’Europe de l’Est ne seraient pas « directement en concurrence » avec les ventes en Europe de l’Est des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, dans la mesure où l’industrie de l’Union ne réaliserait pas de vente en [confidentiel]. Par conséquent, les requérantes estiment que la conclusion selon laquelle les exportations qu’elles ont effectuées vers l’Europe de l’Est étaient « directement en concurrence » avec les ventes en Europe de l’Est des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon est erronée. Par ailleurs, selon elles, 37 % de leurs ventes n’étaient destinées à aucune des destinations prises en compte par la Commission pour déterminer le prix de l’industrie de l’Union (à savoir Rouen ou Gand, la Lituanie, les Pays-Bas et la Pologne).

155    Deuxièmement, l’ajustement au titre des frais de transport aurait été appliqué en raison des faiblesses concurrentielles d’un producteur de l’Union, établi en Lituanie, et non de l’industrie de l’Union dans son ensemble.

156    Troisièmement, en se fondant sur les tableaux 3 et 7 du règlement d’exécution provisoire, les requérantes affirment que, sans les ajustements au titre des frais de transport et sans tenir compte des questions relatives au stade commercial, les importations ne sous-cotaient pas les prix de l’industrie intérieure de l’Union. Dans le cadre de la réplique, elles précisent que, bien qu’elles aient ajouté, par erreur, des droits de douane pour calculer le prix au débarquement de Trinité-et-Tobago, les autres calculs de la sous-cotation fournis ne contiendraient aucune erreur et la marge de sous-cotation de Trinité-et-Tobago demeurerait négative. Elles prétendent être dans l’impossibilité de fournir des calculs de la sous-cotation avec le degré de précision exigé par la Commission.

157    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

158    À titre liminaire, il convient de faire les observations suivantes.

159    Dans le cadre de l’échantillonnage des producteurs de l’Union, dont la représentativité n’est pas contestée par les requérantes, la Commission a retenu trois producteurs de l’Union, représentant ensemble plus de 50 % du volume de la production totale de l’Union et de ses ventes (voir point 13 ci-dessus). Ces trois sociétés étaient situées, respectivement, en Lituanie (AB Achema), en Pologne (Grupa Azoty Zaklady Azotowe Pulawy S.A.) et aux Pays-Bas (OCI Nitrogen B.V.). Pour environ 60 % de leurs ventes, le prix de vente départ usine a été utilisé pour les calculs relatifs à la sous-cotation. Pour les 40 % restants, qui correspondent à des ventes de l’industrie de l’Union ayant entrainé des coûts de fret maritime pour la livraison des produits dans des ports tels que Rouen et Gand, ce sont les prix pour la livraison dans ces ports qui ont été utilisés.

160    Les raisons de cet ajustement des prix au niveau CAF sont détaillées au considérant 128 du règlement d’exécution provisoire ainsi qu’aux considérants 107 et 173 et à la note en bas de page 19 du règlement d’exécution attaqué. La Commission a, notamment, indiqué, au considérant 128, sous ii), du règlement d’exécution provisoire, que les deux plus grands producteurs de l’échantillon se trouvaient en Pologne et en Lituanie, alors que les plus grands marchés des UAN se trouvaient en Europe occidentale et que ces deux producteurs étaient en concurrence, en Europe de l’Est, avec des importations russes, sur la base des prix départ usine et CAF et, en Europe occidentale, sur la base des prix franco lieu de livraison, avec des importations en provenance de Trinité-et-Tobago, de Russie et des États-Unis.

161    La Commission a conclu, au considérant 129 du règlement d’exécution provisoire, que, afin d’examiner s’il existait une sous-cotation des prix, il convenait d’ajuster 40 % des ventes des deux producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, situés en Europe de l’Est (à savoir Achema en Lituanie et Grupa Azoty en Pologne), afin que ces ventes puissent être comparées du point de vue de leur concurrence réelle avec les importations visées. C’est ainsi que la moyenne pondérée des prix de vente des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon a été comparée aux prix CAF des producteurs-exportateurs, qu’ils se rapportent à des ventes en Europe orientale ou en Europe occidentale.

162    Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du règlement de base, « pour les besoins du présent règlement, le terme “préjudice” s’entend, sauf indication contraire, d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union, d’une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union ou d’un retard sensible dans la création d’une telle industrie, et est interprété conformément aux dispositions du présent article. »

163    Selon l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, la détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

164    Quant à l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base, il dispose, notamment, que, en ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, il y a lieu d’examiner s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites.

165    Il résulte ainsi des dispositions du règlement de base rappelées aux points 162 à 164 ci-dessus qu’elles ne prévoient aucune méthode particulière en ce qui concerne la détermination de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires de l’industrie de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, point 175).

166    En outre, selon une jurisprudence constante, la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union suppose l’appréciation de situations économiques complexes et que le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil, T‑528/09, EU:T:2014:35, point 53 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate, C‑569/13, EU:C:2015:572, point 46 et jurisprudence citée).

167    Ainsi qu’il ressort clairement du considérant 108 du règlement d’exécution attaqué, la méthode retenue en l’espèce par la Commission n’a pas consisté à comparer le prix CAF à la frontière de l’Union des producteurs-exportateurs au prix départ usine des producteurs de l’Union. Selon la Commission, la situation dans le cas d’espèce était à ce point exceptionnelle qu’elle justifiait l’approche choisie pour les raisons exposées au considérant 128 du règlement d’exécution provisoire.

168    C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner les arguments avancés par les requérantes.

169    En premier lieu, en ce que les requérantes font valoir que l’ajustement opéré est asymétrique (voir point 149 ci-dessus), il convient de relever que ces dernières n’ont pas contesté le fait que la Commission avait agrégé les prix des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, indépendamment de leur destination, et les avait comparés aux prix à l’importation sur le marché de l’Union des requérantes, dans la mesure où le marché de l’Union pour les UAN était constitué par l’ensemble du territoire de l’Union et non par deux marchés régionaux distincts.

170    Par ailleurs, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, les prix agrégés des producteurs de l’Union n’ont pas été exprimés en fonction de la destination et ne reflètent pas les coûts supplémentaires liés à la livraison des marchandises dans l’État membre de vente.

171    En effet, pour les ventes destinées, par exemple, à la France ou à l’Espagne, réalisées par les deux producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon situés en Europe de l’Est et qui ont été transportées par voie maritime, la Commission indique avoir ajouté au prix départ usine les coûts de transport de l’envoi d’UAN dans un réservoir depuis les ports de Pologne et de Lituanie jusqu’aux ports de Rouen et de Gand, mais pas les coûts d’acheminement ultérieurs. Par conséquent, les prix ajustés pour le fret maritime des producteurs de l’Union ne reflètent pas la destination finale du produit et ne reflètent également pas les coûts supplémentaires liés à la livraison des marchandises dans l’État membre de vente, à l’instar du prix CAF à la frontière de l’Union déclaré par les requérantes.

172    Pour les autres ventes, il ressort de l’annexe 3 de la communication définitive, du 12 juillet 2019 (voir point 9 ci-dessus), que le prix départ-usine des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon ne comprend pas le prix d’acheminement ultérieur dans d’autres États membres. La Commission prend l’exemple, dans ses écritures, des ventes d’Azoty, situé en Pologne, effectuées aux premiers acheteurs indépendants en Pologne, en Bulgarie ou en France, pour lesquelles elle explique avoir utilisé le prix des ventes départ usine, sans aucun ajustement pour le fret maritime. Ainsi, les ventes de l’industrie de l’Union qui n’ont pas donné lieu à un fret maritime (c’est-à-dire les ventes « locales » non ajustées) ont entrainé des coûts de transport routier pour l’acheteur, lesquels n’ont pas été pris en considération lors de la détermination du prix de l’industrie de l’Union, à l’instar de ce qui se passe pour les importations en provenance de Russie.

173    Dans les deux cas, les coûts de transport au premier acheteur indépendant doivent encore être supportés.

174    Il s’ensuit que les prix agrégés des producteurs de l’Union n’ont pas été exprimés en fonction de la destination et ne reflètent pas les coûts supplémentaires liés à la livraison des marchandises dans l’État membre de vente.

175    Par conséquent, l’argument des requérantes selon lequel l’ajustement opéré est asymétrique, au motif que les prix agrégés des producteurs de l’Union étaient exprimés en fonction de la destination des ventes, est fondé sur une prémisse erronée et, partant, doit être rejeté.

176    En second lieu, en ce que les requérantes font valoir, en substance, que la concurrence à Rouen ou à Gand ne justifiait pas un tel ajustement, dès lors que 35 % des importations en provenance de Russie n’étaient pas introduites en France et en Belgique et que ces ventes n’étaient pas ajustées au titre des frais de transport (voir point 152 ci-dessus), il convient de relever que, au considérant 111 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a rejeté la contestation des requérantes relative à l’asymétrie de l’ajustement opéré entre l’industrie de l’Union et les exportations, qui s’appuyaient déjà sur ces mêmes chiffres, en expliquant que les prix des ventes dans l’Union n’avaient été ajustés que lorsque cela se justifiait (pour le transport vers Rouen et Gand), mais pas pour toutes les autres ventes. En prenant en considération ces données, il en ressort que 65 % des importations en provenance de Russie étaient destinées à la France ou à la Belgique, ce qui représente une part significative des importations russes. Par ailleurs, la totalité des importations concernant Trinité-et-Tobago et les États-Unis ont eu lieu à Rouen ou à Gand. Par conséquent, la plupart des importations en provenance des pays concernés ont eu lieu à Rouen ou à Gand.

177    C’est donc sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu, au regard du niveau élevé de concurrence à Rouen et à Gand, opérer l’ajustement, dans la mesure où il permet une comparaison entre 40 % des ventes de l’Union et 87,86 % du volume total des importations en provenance des pays concernés (65 % pour la Russie et 100 % pour Trinité-et-Tobago et les États-Unis) incluant les coûts de transport jusqu’à ces ports principaux.

178    Il ne saurait donc être valablement soutenu que l’ajustement en cause affecte le caractère objectif et équitable de la comparaison effectuée par la Commission.

179    En tout état de cause et à supposer que l’appréciation du caractère équitable s’impose en dépit du caractère justifié de l’ajustement en cause, il y a lieu de relever ce qui suit.

180    Afin de déterminer si la Commission devait, comme le soutiennent les requérantes, ajuster également les prix à l’exportation de ces dernières pour tenir compte des coûts de transport que celles-ci auraient supportés pour atteindre le même État membre de vente que les producteurs de l’Union, il convient de tenir compte des chiffres d’exportation, fournis par celles-ci, dans la mesure où il n’est pas contesté qu’ils seraient plus précis que ceux d’Eurostat.

181    Selon la Commission, les chiffres d’exportation en cause sont repris à l’annexe C8 de la réplique. Sur la base de ces chiffres, il ressort de ladite annexe que 62,7 % des ventes des requérantes ont donné lieu à une livraison à Rouen ou à Gand et que, pour le reste, ces ventes ont donné lieu à une livraison en [confidentiel]. Toutefois, celles ayant donné lieu à une livraison en Russie n’ont pas, en toute logique, fait l’objet d’exportation vers l’Union, en sorte qu’elles ne sont pas pertinentes pour établir les parts de vente des requérantes dans l’Union. Ainsi, si les ventes réalisées en Russie sont exclues de ce calcul, les parts de ventes des requérantes, calculées sur la base de ladite annexe, se présentent comme suit : Rouen ou Gand (65,52 %), [confidentiel].

182    Il ressort du calcul en cause que seuls [confidentiel] des exportations des requérantes dans l’Union étaient destinées à l’Europe de l’Est [confidentiel] et [confidentiel]  d’entre elles étaient destinées aux ports de Rouen et de Gand.

183    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la Commission a sans fondement considéré qu’un ajustement à la hausse des prix à l’exportation des requérantes à destination de l’Europe de l’Est n’était pas justifié.

184    D’une part, dans la réplique, les requérantes expliquent, en substance, que cet ajustement aurait été justifié, dès lors que l’industrie de l’Union n’avait pas réalisé de ventes en Europe de l’Est, en sorte que la conclusion selon laquelle leurs exportations vers l’Europe de l’Est étaient « directement en concurrence » avec les ventes en Europe de l’Est des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon est erronée.

185    À cet égard, la Commission a précisé que 60 % des ventes de l’industrie de l’Union, lesquelles n’avaient pas donné lieu à un ajustement au titre des frais de transport, étaient réalisées à l’échelle locale sur une base départ usine, dont 74 % en Europe orientale et 26 % en Europe occidentale. Cela revient donc à constater que 44,4 % du total des ventes de l’Union ont été réalisées à un niveau local en Europe de l’Est et 15,6 % en Europe occidentale. Par ailleurs, la Commission a précisé, en réponse à l’une des questions écrites du Tribunal du 26 janvier 2021, que le considérant 107 du règlement d’exécution attaqué confirmait qu’environ 60 % des ventes de l’Union étaient destinées à l’Europe de l’Est, ce qui n’a pas été contesté par les requérantes.

186    Il s’ensuit que 44,4 % des ventes de l’industrie de l’Union étaient en concurrence avec 18 % des importations russes en Europe de l’Est sur la base des prix départ usine et CAF. L’allégation des requérantes, mentionnée au point 154 ci-dessus, doit donc être rejetée. Le fait que ces ventes n’aient pas nécessairement eu lieu dans les mêmes États ne saurait être de nature à remettre en cause le fait que ces ventes étaient en concurrence dans cette région.

187    D’autre part, les requérantes allèguent qu’une partie importante de leurs ventes étaient destinées à [confidentiel], en sorte qu’elles ne seraient pas comparables aux ventes ajustées à destination de Rouen ou de Gand et aux ventes locales.

188    Or, premièrement, ainsi qu’il ressort des points 171 et 172 ci-dessus, cette allégation doit être rejetée, dès lors que les ventes départ usine ou ajustées prix CAF de l’industrie de l’Union à destination de [confidentiel] ont été traitées de la même façon que les ventes des requérantes à destination de cet État, dans la mesure où les coûts supplémentaires encourus pour le transport jusqu’au premier acheteur indépendant ont été systématiquement mis à la charge de ce dernier.

189    Il s’ensuit que les requérantes ne démontrent pas que la conclusion de la Commission selon laquelle les ajustements ont été opérés en raison du niveau élevé de concurrence à Rouen et à Gand est manifestement erronée ou a conduit à une violation du principe de non-discrimination.

190    Deuxièmement, en ce que les requérantes font valoir que l’ajustement pour frais de transport « semble » être uniquement justifié par les lacunes concurrentielles d’un seul producteur de l’Union (à savoir Achema en Lituanie) et non de l’industrie de l’Union dans son ensemble (voir point 155 ci-dessus), il convient de constater que cette argumentation, fondée sur le considérant 174 du règlement d’exécution attaqué, ne saurait prospérer.

191    En effet, le considérant 174 du règlement d’exécution attaqué se lit comme suit :

« Pour les ventes à Rouen ou Gand, comme indiqué au considérant 107 ci-dessus, les coûts de transport au point CAF étaient d’environ 15 à 20 % du prix CAF. Toutefois, ces coûts ont dû être pris en charge année après année et, en 2015 et 2016, l’industrie dans son ensemble, y compris les producteurs ayant à supporter ces coûts CAF, était rentable. Comme indiqué ci-dessus, les tendances dans ce cas montrent que le préjudice était apparent pour chacun [des] trois producteurs retenus dans l’échantillon et pas [uniquement pour] ceux situés en Pologne et en Lituanie. Il a donc été conclu que les coûts de transport associés à l’acheminement du produit jusqu’au marché n’atténuent pas le lien de causalité entre les importations faisant l’objet de pratiques de dumping et le préjudice subi par l’industrie de l’Union. »

192    Dès lors, eu égard à ces éléments, en particulier à la troisième phrase du considérant 174 du règlement d’exécution attaqué, qui n’est pas contestée par les requérantes, et en l’absence de preuves corroborant leur allégation selon laquelle l’ajustement pour frais de transport « semble » être uniquement justifié par les lacunes concurrentielles d’un seul producteur de l’Union, le présent grief doit être rejeté comme non fondé.

193    Troisièmement, en ce que les requérantes font valoir que les ajustements ont artificiellement gonflé le prix de vente des producteurs de l’Union (voir point 156 ci-dessus), il convient, toutefois, de relever que les requérantes n’ont pas contesté l’affirmation de la Commission en avançant des arguments suffisamment circonstanciés au cours de l’enquête, en sorte qu’ils n’ont nécessairement pas pu être pris en considération par la Commission.

194    Par ailleurs, les requérantes n’ont pas non plus contesté l’explication de la Commission selon laquelle l’utilisation des tableaux 3 et 7 du règlement d’exécution provisoire ne serait pas appropriée pour établir l’existence d’une sous-cotation des prix et ne serait pas pertinente, étant donné que le tableau 7 inclurait, pour l’Union, des ventes de types de produits qui n’ont pas été importés.

195    Enfin, ainsi qu’il ressort des données des tableaux 3 et 7 du règlement d’exécution provisoire, les prix à l’importation à la frontière de l’Union en provenance de Russie et des États-Unis au cours de la période d’enquête étaient inférieurs aux prix de vente des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, ce qui constitue une indication de la pression sur les prix exercés par les importations faisant l’objet d’un dumping.

196    Quatrièmement, s’agissant de l’argumentation des requérantes selon laquelle la Commission n’a pas procédé à un examen minutieux et impartial du cas d’espèce, en sorte qu’elle a violé le droit à une bonne administration, il suffit de constater qu’une telle argumentation est énoncée de manière abstraire et doit donc être rejetée comme étant irrecevable.

197    Par ailleurs et en tout état de cause, il convient de rappeler qu’il est exact que, dans le cas où les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, T‑413/03, EU:T:2006:211, point 63, et du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil, T‑26/12, non publié, EU:T:2015:437, point 112).

198    À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission a indiqué, au considérant 111 du règlement d’exécution attaqué, que « [les requérantes] ont contesté la symétrie entre le côté de l’industrie de l’Union et le côté des exportations, faisant valoir, sur la base d’une extraction d’Eurostat, que 35 % des importations en provenance de Russie ne seraient pas destinées à la France et à la Belgique et, par conséquent, ne transiteraient pas par des ports tels que Rouen ou Gand ». En outre, la Commission a précisé, au même considérant, que cet « argument [avait] été rejeté, car, pour les ventes de l’industrie de l’Union utilisées dans la comparaison, les prix CAF ont été utilisés au lieu des prix départ usine uniquement lorsque cela se justifiait (notamment pour les ventes via Rouen ou Gand), mais pas pour toutes les autres ventes ».

199    Il s’ensuit que la Commission, d’une part, a tenu compte des éléments avancés par les requérantes durant la procédure administrative et, d’autre part, a rejeté cette demande en motivant son choix, en sorte que la Commission n’a commis aucune violation du droit à une bonne administration.

200    En conséquence, la présente branche doit être rejetée.

 Sur les deuxième et troisième branches, relatives à l’absence de comparaison au même stade commercial et à l’illégalité de l’ajustement au titre des frais VAG et des bénéfices des entités de vente liées

201    Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission, en ne comparant pas les prix des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon avec les prix des producteurs-exportateurs ayant coopéré au même stade commercial dans le cadre de la sous-cotation, a violé l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base et commis une erreur manifeste d’appréciation.

202    Premièrement, s’appuyant sur l’arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑301/16, EU:T:2019:234, points 188 et 189), les requérantes reprochent à la Commission d’avoir pris en considération les prix des ventes réalisées par les entités de vente liées aux principaux producteurs de l’Union pour déterminer le prix de vente de l’industrie de l’Union, tout en ne prenant pas en considération les prix des ventes de leurs entités de vente pour déterminer le prix du produit concerné produit par ces dernières.

203    En se fondant sur les points 62 et 63 de l’arrêt du 30 novembre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil et Commission (T‑107/08, EU:T:2011:704), et sur le point 184 de l’arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑301/16, EU:T:2019:234), les requérantes font valoir qu’une comparaison équitable aurait exigé de comparer les prix appliqués à des clients indépendants, sans ajustement au titre des dépenses des entités liées. Selon elles, l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base ne permet pas à la Commission de construire le prix à l’exportation à des fins de sous-cotation.

204    À cet égard, les requérantes ajoutent que les prix à l’exportation utilisés aux fins du dumping et de la sous-cotation ne doivent pas nécessairement être identiques. En effet, l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base poursuivrait un objectif différent de celui de l’article 3, paragraphes 2 et 3, de ce règlement. En outre, les clients ne décideraient jamais d’acheter un produit sur le marché intérieur sur la base d’un prix à l’exportation théorique construit. Enfin, prendre en considération les frais VAG et les bénéfices des entités liées ne provoquerait aucune discrimination par rapport aux ventes directes.

205    Deuxièmement, l’asymétrie dans le calcul de la sous-cotation ne serait nullement corrigée par les calculs supplémentaires de la sous-cotation effectués par la Commission au stade définitif.

206    En premier lieu, le premier calcul supplémentaire, à savoir celui ayant donné lieu à la déduction des frais VAG et des bénéfices des entités de vente liées aux producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, n’aboutirait pas à une comparaison équitable, car il ne refléterait pas le prix négocié avec les clients dans l’Union. Les « prix négociés », mentionnés dans les arrêts du 30 novembre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil et Commission (T‑107/08, EU:T:2011:704), et du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑301/16, EU:T:2019:234), devraient ainsi s’entendre des prix pris en considération par les clients et sur la base desquels ces derniers décident d’acheter le produit concerné. Dans le cas de ventes indirectes, il s’agirait du prix facturé par l’entité liée au client. Ce prix pourrait être ramené à un niveau CAF aux fins de la comparaison afin de tenir compte des coûts de transport au sein de l’Union, mais il devrait toujours inclure les frais VAG et les bénéfices de l’entité liée, car ces derniers feraient partie intégrante du « prix négocié ». Ainsi, la Commission commettrait une erreur lorsqu’elle affirme que l’organisation des canaux de distribution dans l’Union ne devrait pas être déterminante dans l’examen des effets de prix, puisque, en déduisant les frais VAG et les bénéfices des entités de vente liées, elle aurait exclu certains coûts qui sont inclus dans le prix facturé par un producteur dans le cadre des ventes directes.

207    De plus, 60 % des ventes de l’industrie de l’Union prises en considération seraient toujours directement effectuées auprès de clients indépendants. Cette comparaison n’aboutirait pas à une comparaison au même stade commercial, dans la mesure où les ventes de l’industrie de l’Union à des clients indépendants auraient été comparées aux ventes à l’exportation à un stade intermédiaire (c’est‑à‑dire correspondant à une vente intragroupe).

208    Le considérant 114 du règlement d’exécution attaqué, invoqué par la Commission, concernerait la différence entre les prix appliqués par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon à l’égard des clients liés et des clients indépendants, et non les prix appliqués par les exportateurs, en sorte qu’il serait dépourvu de pertinence. Quant à la différence de prix alléguée, il n’existerait pas la moindre preuve que ces prix seraient presque identiques. En tout état de cause, même si les prix appliqués à l’égard des clients liés et ceux appliqués à l’égard des clients indépendants étaient identiques, les entités de vente liées supporteraient toujours des coûts.

209    En deuxième lieu, le second calcul supplémentaire, à savoir l’exclusion des ventes réalisées par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon par l’intermédiaire d’entités liées, ne serait pas équitable, puisqu’il exclurait 40 % des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon sans raison valable.

210    En outre, le second calcul supplémentaire n’aboutirait pas à une comparaison au même stade commercial dans la mesure où la comparaison ne tiendrait pas compte des coûts et d’une marge de bénéfice propre à ces entités, conformément à l’arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑301/16, EU:T:2019:234, point 184). Ainsi, les coûts associés à l’entité liée ne seraient pas pris en compte lors du calcul du prix à l’exportation ajusté, alors que les coûts similaires seraient inclus dans le prix des ventes directes de l’industrie de l’Union.

211    En troisième lieu, le principe de pleine concurrence serait dépourvu de pertinence dans le cadre des transactions intragroupe de l’industrie de l’Union.

212    Troisièmement, selon les calculs des requérantes, au même stade commercial, leur marge de sous-cotation aurait été de [confidentiel], comme le démontrerait l’annexe 10 de leurs observations sur le règlement d’exécution provisoire qui faisait partie du dossier de l’enquête. Dans le cadre de la réplique, les requérantes précisent que, bien qu’elles n’aient accès qu’à leurs propres données, les questions relatives au stade commercial qui affectent le calcul des sous-cotations concernent également la Russie et Trinité-et-Tobago.

213    Quatrièmement, dans la réplique, les requérantes font valoir que les ventes prises en considération ont été affectées à différents types de clients. Ainsi, un client indépendant et une entité liée seraient deux types de clients différents correspondant à des stades commerciaux distincts.

214    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

215    À titre liminaire, il convient de relever que, au point 176 de l’arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑301/16, EU:T:2019:234), le Tribunal a jugé :

« Le calcul de la sous-cotation des prix des importations en cause est réalisé, conformément à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice subi par l’industrie de l’Union du fait de ces importations et il est utilisé, plus largement, en vue d’évaluer ce préjudice et de déterminer la marge de préjudice, à savoir le niveau d’élimination dudit préjudice. L’obligation de procéder à un examen objectif de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping, inscrite audit article 3, paragraphe 2, impose de procéder à une comparaison équitable entre le prix du produit concerné et le prix du produit similaire de ladite industrie lors des ventes effectuées sur le territoire de l’Union. Afin de garantir le caractère équitable de cette comparaison, les prix doivent être comparés au même stade commercial. En effet, une comparaison effectuée entre des prix obtenus à des stades commerciaux différents, c’est-à-dire sans inclure l’ensemble des coûts afférents au stade commercial dont il y a lieu de tenir compte, donnera nécessairement lieu à des résultats artificiels ne permettant pas une appréciation correcte du préjudice de l’industrie de l’Union. Une telle comparaison équitable constitue une condition de la légalité du calcul du préjudice de cette industrie. »

216    Aux points 188 et 189 de l’arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑301/16, EU:T:2019:234), le Tribunal a ajouté :

« 188            [D]ès lors que la Commission a pris en considération les prix des ventes réalisées par les entités de vente liées au principal producteur de l’Union pour déterminer le prix du produit similaire de l’industrie de l’Union tout en ne prenant pas en considération les prix des ventes des entités de vente de Jindal Saw pour déterminer le prix du produit concerné produit par cette dernière, il ne saurait être considéré que le calcul de la sous-cotation a été effectué en comparant des prix au même stade commercial.

189            Or […] la comparaison de prix au même stade commercial constitue une condition de la légalité du calcul de la sous-cotation des prix du produit concerné. Partant, le calcul de la sous-cotation tel que réalisé par la Commission dans le cadre du règlement attaqué doit être considéré comme contraire à l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base. »

217    En l’espèce, il ressort d’une lecture combinée des considérants 112 et 114 du règlement d’exécution attaqué que, dans le cadre du calcul de la sous-cotation effectué au stade provisoire et repris, à titre principal, aux fins du calcul définitif, la Commission a, à l’égard des producteurs-exportateurs, réduit les prix de leurs ventes dans l’Union du montant des frais VAG et du bénéfice de leurs sociétés de négoce liées, mais n’a effectué aucune déduction de cette nature pour les ventes de l’industrie de l’Union par l’intermédiaire de négociants liés qui ont représenté 40 % des ventes de l’échantillon de l’industrie de l’Union utilisées pour la comparaison.

218    Ainsi qu’il ressort du point 176 de l’arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑301/16, EU:T:2019:234), mentionné au point 215 ci-dessus, la comparaison des prix du produit concerné et du produit similaire de l’industrie de l’Union au même stade commercial constitue une condition préalable à la licéité du calcul de la sous-cotation du prix du produit concerné. Dès lors, le calcul de la sous-cotation effectué par la Commission doit être considéré comme contraire à l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base.

219    Il s’ensuit que la méthode de calcul de la sous-cotation des prix visée au considérant 112 du règlement d’exécution attaqué est erronée. En ce qui concerne les requérantes, ces calculs avaient mis en évidence une sous-cotation de [confidentiel] au stade provisoire et de [confidentiel] au stade définitif.

220    Cela paraît confirmé par le considérant 113 du règlement d’exécution attaqué, qui se lit comme suit :

« En ce qui concerne [l’arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑301/16, EU:T:2019:234)], le Tribunal a constaté une erreur dans le fait que la Commission avait déduit les frais de vente des importateurs liés de Jindal dans l’Union des ventes au premier acheteur indépendant, alors que les frais de vente des entités de vente liées de l’industrie de l’Union n’avaient pas été déduits des prix de vente de l’industrie de l’Union au premier acheteur indépendant. Pour cette raison, le Tribunal a considéré que les deux prix n’étaient pas comparés de façon symétrique au même stade commercial. »

221    Cependant, après avoir relevé, aux considérants 112 et 113 du règlement d’exécution attaqué, que certaines parties mettaient en cause la méthode appliquée au regard de l’arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑301/16, EU:T:2019:234), la Commission a ajouté, au considérant 114 de ce même règlement, qu’elle entendait tenir compte de cet arrêt, en complétant ses calculs relatifs à la sous-cotation par deux calculs supplémentaires, le premier étant présenté à la dernière phrase de ce dernier considérant et le second, effectué à titre subsidiaire, étant présenté au considérant 115 dudit règlement d’exécution.

222    Il s’ensuit qu’il y a lieu d’examiner si la méthode utilisée par la Commission aux considérants 114 et 115 du règlement d’exécution attaqué pour évaluer le préjudice causé à l’industrie de l’Union et son application ne sont entachées d’aucune erreur.

223    Premièrement, s’agissant du premier calcul de sous-cotation supplémentaire, comme il ressort du considérant 114 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a estimé, d’une part, que, compte tenu du caractère minoritaire des ventes de l’industrie de l’Union par l’intermédiaire de parties liées ainsi que du faible montant des frais VAG et du bénéfice de ces parties liées, la sous-cotation pour les importations cumulées ne devait pas être remise en question, même si les calculs devaient être ajustés pour ces éléments. D’autre part, elle a estimé que, même en déduisant les frais VAG et le bénéfice des entités de vente liées aux producteurs de l’Union, la sous-cotation aurait subsisté pour tous les producteurs-exportateurs (à une exception près) et, en tout état de cause, pour chacun des pays concernés.

224    En ce qui concerne les requérantes, il ressort des conclusions définitives que la Commission leur a communiqué au cours de la procédure administrative que ce premier calcul supplémentaire a révélé une sous-cotation des prix de [confidentiel].

225    Il en résulte que, par ce calcul, la Commission a constaté et motivé l’existence d’une sous-cotation des prix calculée dans le respect de l’exigence de comparaison objective et équitable, dès lors que, en déduisant les frais VAG et le bénéfice des prix de vente pratiqués par des entités liées aux producteurs de l’Union, elle a ramené les prix retenus pour les producteurs de l’Union au même stade commercial que ceux des producteurs-exportateurs.

226    De plus, il y a lieu de relever que l’argumentation des requérantes, tirée du fait qu’elles ont fourni la preuve que, au même stade commercial, la marge de sous-cotation serait de [confidentiel], doit être rejetée comme étant tardive et, partant, irrecevable.

227    En effet, selon l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, les preuves sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires.

228    Or, d’une part, les calculs en cause sont contenus à l’annexe G.1, qui a été produite par les requérantes non dans la requête, mais uniquement au soutien du point 65 de leurs observations sur les réponses de la Commission aux questions écrites du Tribunal du 26 janvier 2021.

229    D’autre part, si la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure ne concerne pas la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve fournies à la suite d’une preuve contraire de la partie adverse (voir arrêt du 19 septembre 2019, Zhejiang Jndia Pipeline Industry/Commission, T‑228/17, EU:T:2019:619, point 45 et jurisprudence citée), les calculs en cause ne sauraient être considérés, en l’espèce, ni comme une preuve contraire ni comme l’ampliation des offres de preuve fournies à la suite d’une preuve contraire de la partie adverse.

230    En effet, si les calculs en cause réfutent les allégations contenues au point 28 des réponses de la Commission aux questions écrites du Tribunal du 26 janvier 2021, ils se limitent à étayer un argument des requérantes déjà exposé au point 74 de la requête et, à ce stade, non soutenu par des éléments de preuve pertinents, ce dernier point se limitant à faire état de l’existence d’une sous-cotation des prix des requérantes de [confidentiel], en renvoyant à l’annexe A.10 contenant non le calcul soutenant ce résultat, mais le « Questionnaire Response of the Swiss Trading Company ».

231    En tout état de cause, d’une part, il convient de relever que l’exigence de comparaison objective et équitable ne préjuge pas du stade commercial auquel la Commission doit procéder à la comparaison des prix, mais impose uniquement que cette comparaison soit effectuée au même stade commercial, s’agissant tant des prix des producteurs de l’Union que de ceux des producteurs-exportateurs.

232    D’autre part, pour ce qui n’est pas de l’objectivité et de l’équité de la méthode retenue par la Commission, mais de la mise en œuvre de celle-ci, elle implique l’appréciation de situations économiques complexes, justifiant que le contrôle juridictionnel de l’appréciation de cette institution soit limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreurs manifestes dans l’appréciation des faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate, C‑569/13, EU:C:2015:572, point 46 et jurisprudence citée).

233    Par ailleurs, dans la mesure où les requérantes font valoir que ce calcul est contraire aux points 62 et 63 de l’arrêt du 30 novembre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil et Commission (T‑107/08, EU:T:2011:704), il convient de constater que, au point 63 de cet arrêt, le Tribunal a précisé que les clients connaissaient les coûts de transport à partir du port de dédouanement jusqu’à leurs usines et pouvaient donc facilement calculer le prix final à partir des prix CAF au port de dédouanement négociés avec elles. En l’espèce, en revanche, il ne saurait être considéré que les clients achetant auprès d’entités liées avaient connaissance de la relation existant entre les producteurs-exportateurs et leurs entités liées.

234    En outre, il y a lieu de constater que l’arrêt du 30 novembre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil et Commission (T‑107/08, EU:T:2011:704), ne concernait pas une situation, telle que celle en l’espèce, dans laquelle la Commission a déduit les frais VAG et le bénéfice des prix de ventes des producteurs-exportateurs effectuées par l’intermédiaire d’entités liées.

235    Enfin, dans la même perspective que celle retenue dans la présente affaire au point 231 ci-dessus, il ne ressort pas de l’arrêt du 30 novembre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil et Commission (T‑107/08, EU:T:2011:704), que le Tribunal a exclu, de manière générale, la possibilité de prendre en considération, aux fins du calcul d’une sous-cotation, les prix CAF au débarquement dans les ports de dédouanement des producteurs-exportateurs.

236    Par ailleurs, les requérantes ne sauraient se prévaloir de l’arrêt du 2 avril 2020, Hansol Paper/Commission (T‑383/17, non publié, EU:T:2020:139), selon lequel au point 203 de celui-ci, le Tribunal a considéré que la Commission avait commis une erreur en décidant de déduire les frais VAG et une marge bénéficiaire, pour les reventes du produit considéré faites par l’entreprise liée à des clients indépendants, aux fins d’établir les prix à l’exportation dudit produit dans le cadre de la détermination du préjudice.

237    Ainsi que cela a déjà été précisé au point 231 ci-dessus, l’exigence de comparaison objective et équitable ne préjuge pas du stade commercial auquel la Commission doit procéder à la comparaison des prix.

238    Cela implique que, aux fins de la détermination de l’existence d’une sous-cotation des prix au titre de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base, la Commission demeure libre de recourir, par analogie, à l’article 2, paragraphe 9, de ce règlement.

239    En l’espèce, compte tenu, premièrement, de l’existence d’une association entre les requérantes et leurs entités liées, deuxièmement, du constat précédemment effectué selon lequel, dans le cadre du premier calcul supplémentaire, la comparaison des prix a été effectuée au même stade commercial, et troisièmement, du fait que les requérantes n’ont pas contesté l’affirmation de la Commission selon laquelle les ventes de l’industrie de l’Union à ses parties liées ont été réalisées aux prix du marché ni l’exactitude du premier calcul de sous-cotation supplémentaire, cette institution pouvait avoir recours, par analogie, à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base pour déterminer l’existence d’une sous-cotation des prix, sans violer l’article 3, paragraphes 2 ou 3, de ce règlement ni commettre d’erreur manifeste d’appréciation.

240    Deuxièmement, s’agissant du second calcul supplémentaire, il ressort du considérant 115 du règlement d’exécution attaqué que la Commission a exclu de ce calcul les ventes de l’industrie de l’Union effectuées par l’intermédiaire de parties liées. Par conséquent, ledit calcul se rapporte à environ 60 % des ventes des parties retenues dans l’échantillon de l’Union. En ce qui concerne les requérantes, ce calcul a révélé une sous-cotation de [confidentiel].

241    Dans ce contexte, les requérantes critiquent le fait que 40 % des ventes des producteurs de l’échantillon de l’Union ont été exclues du calcul de la sous-cotation, sans raison valable. De plus, le second calcul supplémentaire n’aboutirait pas à une comparaison au même stade commercial dans la mesure où la comparaison ne tiendrait pas compte des coûts et d’une marge de bénéfice propre à ces entités, conformément à l’arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑301/16, EU:T:2019:234, point 184). Ainsi, les coûts associés à l’entité liée ne seraient pas pris en compte lors du calcul du prix à l’exportation ajusté, alors que les coûts similaires seraient inclus dans le prix des ventes directes de l’industrie de l’Union.

242    Il convient de rejeter cette argumentation.

243    En effet, dans la mesure où la Commission a établi à suffisance de droit, dans le cadre du premier calcul supplémentaire, l’existence d’une sous-cotation des prix et dans la mesure où le second calcul supplémentaire, effectué à titre subsidiaire, n’est pas de nature à remettre en cause l’existence de la sous-cotation de prix, telle que retenue par la Commission dans le premier calcul de sous-cotation supplémentaire, ledit second calcul ne peut pas non plus être valablement invoqué pour remettre en cause la légalité du règlement d’exécution attaqué.

244    En tout état de cause, les requérantes ne sauraient valablement faire valoir que la comparaison des prix des producteurs de l’Union et ceux des producteurs-exportateurs n’aurait pas été effectuée au même stade commercial. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 115 du règlement d’exécution attaqué, la Commission n’a nullement comparé, d’une part, les ventes de l’industrie de l’Union à des clients indépendants avec, d’autre part, les ventes des requérantes à des parties liées, puisqu’elle a tenu compte des ventes effectuées par les producteurs-exportateurs à des clients indépendants, dûment ajustées au niveau CAF, ce que les requérantes ne contestent d’ailleurs pas.

245    Enfin, les requérantes n’ont pas démontré que le prix ajusté des producteurs-exportateurs ne comporte pas les mêmes composantes de prix que ceux des producteurs de l’Union. En effet, ainsi que l’a rappelé la Commission, les frais VAG et les bénéfices des entités de vente liées n’ont été pris en considération d’aucun côté de la comparaison.

246    Troisièmement, les requérantes se contentent de faire valoir une violation du droit à une bonne administration, en arguant que les calculs de la sous-cotation, effectués à différents stades commerciaux, n’ont pas été fondés sur un examen minutieux et impartial de tous les éléments pertinents de l’espèce, sans aucune autre précision.

247    À cet égard, il convient de relever que la Commission a indiqué, au considérant 112 du règlement d’exécution attaqué, que « [p]lusieurs parties intéressées [avaient] fait valoir que la méthode appliquée pour calculer la sous-cotation était erronée et incompatible avec l’arrêt [du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑301/16, EU:T:2019:234)] ». La Commission a précisé, au considérant 114 dudit règlement d’exécution, qu’elle avait « décidé de compléter les calculs relatifs à la sous-cotation effectués au stade provisoire à la lumière de cet arrêt récent du Tribunal et des observations des parties intéressées à ce sujet ».

248    Il en résulte que la Commission, d’une part, a tenu compte des éléments avancés par les requérantes durant la procédure administrative et, d’autre part, a rejeté cette demande en motivant sa décision.

249    Compte tenu de ces éléments, il ne saurait être valablement reproché à la Commission d’avoir manqué au droit à une bonne administration.

250    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les présentes branches doivent être rejetées.

 Sur la quatrième branche, tirée de ce que la Commission n’a ni expliqué ni démontré sa conclusion relative à un blocage des prix

251    Les requérantes reprochent, en substance, à la Commission d’avoir omis d’expliquer et de démontrer que les importations auraient provoqué un blocage des prix sur le marché de l’Union au cours de la période d’enquête.

252    La seule preuve d’un blocage des prix sur le marché de l’Union au cours de la période d’enquête serait le considérant 117 du règlement d’exécution attaqué, aux termes duquel « les prix de vente ne pouvaient pas être augmentés pour couvrir l’augmentation substantielle de coûts ». Aucun élément de preuve ne confirmerait que les importations auraient eu pour effet de déprimer ou de bloquer les prix.

253    En l’absence de sous-cotation, rien n’indiquerait que les importations auraient empêché les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon d’augmenter leurs prix en fonction de l’augmentation de leurs coûts.

254    Par conséquent, la conclusion de la Commission relative au blocage des prix sur le marché de l’Union au cours de la période d’enquête serait incompatible avec l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base, reposerait sur une erreur manifeste d’appréciation et violerait le droit à une bonne administration.

255    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

256    En premier lieu, il convient de rappeler que les première à troisième branches du deuxième moyen visant à remettre en cause les calculs de la Commission relatifs à la sous-cotation ont été rejetées. C’est eu égard à cette constatation qu’il convient d’examiner si les conclusions de la Commission relatives à un blocage notable des prix étaient manifestement erronées.

257    Premièrement, les requérantes n’ont pas contesté le considérant 130 du règlement d’exécution provisoire, selon lequel le produit concerné était un produit de base, la concurrence était largement fondée sur le seul prix et ses prix étaient transparents.

258    Deuxièmement, le considérant 117 du règlement d’exécution attaqué se lit comme suit :

« En plus d’établir l’existence d’une sous-cotation des prix, l’enquête a également révélé qu’en tout état de cause, l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping avait été à l’origine d’un blocage des prix sur le marché de l’Union pendant la période d’enquête. Le règlement provisoire a déjà mis en évidence l’existence d’un blocage des prix, notamment aux considérants 149, 166 et 167. Cette constatation est encore corroborée par les données fournies en réponse à l’argument d’une partie intéressée, au considérant 131 ci-après. En effet, comme expliqué de façon plus détaillée aux considérants 125 et 131, le blocage des prix sur le marché de l’Union a été clairement mis en évidence dans le règlement provisoire, car les prix de vente ne pouvaient être augmentés pour couvrir l’augmentation substantielle de coûts, parfaitement démontrée par le tableau 7. L’incapacité de l’industrie de l’Union à augmenter ses prix de vente a été causée par l’impact d’importations faisant l’objet de pratiques de dumping dans des volumes de plus en plus importants sur le marché de l’Union. Toutes ces données ont montré qu’en plus de la sous-cotation [résultant] des prix, les importations faisant l’objet de pratiques de dumping entraînaient un blocage notable des prix, au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement antidumping de base. »

259    Les données dont il est fait état dans le considérant 117 du règlement d’exécution attaqué n’ont pas non plus été contestées par les requérantes.

260    Troisièmement, les requérantes n’ont pas remis en cause le considérant 161 du règlement d’exécution attaqué, qui précise que :

« En ce qui concerne l’impact des importations en question sur la situation de l’industrie de l’Union, la Commission a rappelé que, par rapport à l’année précédente, la baisse la plus forte des prix à l’importation (– 30 %) et l’augmentation la plus prononcée des volumes d’importation (+ 50 %) ont eu lieu en 2016. Au cours de cette même année, l’industrie de l’Union a perdu des parts de marché (– 14 %), ses prix de vente ont chuté (– 26 %) et sa rentabilité a entamé une baisse spectaculaire pour arriver finalement à des pertes notables au cours de la période d’enquête. Concernant ces faits, il est indéniable qu’il existe un lieu de causalité manifeste entre les importations faisant l’objet de pratiques de dumping et le préjudice. »

261    Or, les requérantes ne démontrent pas que les conclusions de la Commission relatives à l’existence d’un blocage notable des prix, au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base, seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

262    Il résulte des considérations qui précèdent que l’allégation des requérantes selon laquelle il n’y a aucun élément de preuve confirmant que les importations ont pour effet de déprimer ou de bloquer les prix doit être rejetée, d’autant qu’elle repose essentiellement sur la prémisse erronée selon laquelle le calcul de la sous-cotation des prix serait lui-même erroné.

263    En second lieu, il convient de relever que les requérantes se contentent d’alléguer une violation du droit à une bonne administration, en arguant que les conclusions de la Commission relatives au blocage notable des prix ne sont pas fondées sur un examen minutieux et impartial de tous les éléments pertinents de l’espèce, sans aucune autre précision.

264    En l’espèce, les requérantes n’ayant apporté aucun élément qui pourrait démontrer, de quelque manière que ce soit, que la Commission a violé le droit à une bonne administration, il y a donc lieu de rejeter l’argument portant sur cette violation, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 139 ci-dessus.

265    Il s’ensuit que la présente branche doit être rejetée.

 Sur la cinquième branche, tirée d’une analyse incorrecte de l’imputation du préjudice aux importations faisant l’objet d’un dumping

266    Les requérantes soutiennent, en substance, que, lors de l’analyse du lien de causalité, la Commission aurait violé l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base et commis une erreur manifeste d’appréciation du fait qu’elle tient compte d’une sous-cotation et d’un blocage des prix dont l’importance, voire l’existence, n’auraient pas été régulièrement établies.

267    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

268    Cette allégation, qui n’est autrement justifiée que par l’argumentation reprise au point 266 ci-dessus, doit être rejetée dans la mesure où, ainsi qu’il ressort des points 250 et 265 ci-dessus, le Tribunal a écarté les griefs des requérantes tirés du caractère erroné de la sous-cotation des prix et du constat du blocage des prix effectué par la Commission.

269    Il résulte de ce qui précède que la présente branche doit être rejetée ainsi que le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, lu en combinaison avec l’article 9, paragraphe 4, dudit règlement, d’une violation du droit à une bonne administration et d’erreurs manifestes d’appréciation, en raison d’une omission d’analyser si d’autres facteurs connus étaient susceptibles de causer un préjudice à l’industrie de l’Union et si le préjudice causé par ces autres facteurs n’était pas imputable aux importations faisant l’objet d’un dumping

 Remarques liminaires

270    Il y a lieu de relever que l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base prévoit que les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qui causent au même moment un préjudice à l’industrie de l’Union, sont examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping au sens du paragraphe 6 de cet article, lequel précise qu’il doit être démontré, à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés, que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice important à l’industrie de l’Union (arrêt du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 33). Par ailleurs, il ressort de cette disposition, notamment des termes « les facteurs connus [...] causent un préjudice à l’industrie de l’Union », que ce règlement exige l’examen des facteurs qui causent directement un préjudice, ce qui présuppose un lien de causalité direct (voir, par analogie, arrêt du 14 novembre 2013, Conseil/Gul Ahmed Textile Mills, C‑638/11 P, EU:C:2013:732, point 28).

271    Il est de jurisprudence constante que la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union suppose l’appréciation de situations économiques complexes et que le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. Tel est notamment le cas en ce qui concerne la détermination des facteurs qui causent un préjudice à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une enquête antidumping (arrêts du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 34, et du 23 avril 2018, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission, T‑675/15, non publié, EU:T:2018:209, point 108).

272    Lors de sa détermination, les institutions de l’Union ont l’obligation d’examiner si le préjudice qu’elles entendent retenir découle effectivement des importations qui ont fait l’objet d’un dumping et d’écarter tout préjudice découlant d’autres facteurs et, notamment, celui qui aurait sa cause dans le comportement propre des producteurs de l’Union. Il appartient, à ce titre, aux institutions de l’Union de vérifier si les effets de ces autres facteurs n’ont pas été de nature à rompre le lien de causalité entre, d’une part, les importations en cause et, d’autre part, le préjudice subi par l’industrie de l’Union. Il leur appartient également de vérifier que le préjudice imputable à ces autres facteurs n’entre pas en ligne de compte dans la détermination du préjudice au sens de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base et que, par conséquent, le droit antidumping imposé n’excède pas ce qui est nécessaire pour éliminer le préjudice causé par les importations faisant l’objet d’un dumping. Toutefois, si les institutions de l’Union constatent que, en dépit de tels facteurs, le préjudice causé par les importations faisant l’objet d’un dumping est important, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement de base, le lien de causalité entre ces importations et le préjudice subi par l’industrie de l’Union peut en conséquence être établi (arrêts du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, points 35 à 37, et du 23 avril 2018, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission, T‑675/15, non publié, EU:T:2018:209, point 109).

273    Le troisième moyen se décompose en cinq branches. Les requérantes soutiennent, en substance, que d’autres facteurs auraient causé le préjudice, à savoir, dans la première branche, la concurrence au sein de l’Union dans la deuxième branche, les coûts de transport élevés des producteurs d’Europe de l’Est et, dans la troisième branche, l’évolution divergente des prix de l’urée et du gaz. Dans le cadre de la quatrième branche, elles font valoir que ces facteurs devraient être pris en considération individuellement, mais aussi collectivement. Quant à la cinquième branche, elle concerne le niveau d’élimination du préjudice.

 Sur la première branche, tirée de l’absence de prise en considération de la concurrence au sein de l’Union

274    Les requérantes soutiennent, en substance, que, lors de l’analyse du lien de causalité, la Commission, en n’examinant pas l’incidence de la concurrence au sein de l’Union, aurait violé l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base.

275    Premièrement, la Commission n’aurait pas recherché à savoir si l’impact allégué des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix ne résultait pas de la concurrence par les prix des producteurs de l’Union non retenus dans l’échantillon.

276    Deuxièmement, la Commission aurait examiné de façon isolée les faiblesses concurrentielles des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon établis en Europe de l’Est.

277    Tout d’abord, en ce qui concerne les coûts plus élevés du gaz, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que des coûts plus élevés du gaz, en termes absolus, auraient nécessairement une incidence sur la capacité d’un producteur à récupérer ces coûts et que des preuves du dossier démontraient que les deux producteurs d’Europe de l’Est retenus dans l’échantillon étaient soumis à des prix du gaz règlementés et plus élevés.

278    Ensuite, en ce qui concerne les coûts de transport plus élevées, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que l’échantillon des producteurs de l’Union aurait été largement dominé par les producteurs d’Europe de l’Est, lesquels supportent des frais de transport élevés, contrairement aux producteurs d’Europe occidentale, et qu’un seul producteur (Achema) aurait subi des pertes.

279    Enfin, le fait que l’industrie de l’Union ait réalisé des bénéfices raisonnables au cours des deux premières années de la période d’enquête analysée, en dépit de ses coûts du gaz plus élevés et de sa situation géographique, ne démontrerait pas qu’une pression ait été exercée sur les prix par les importations visées, les autres producteurs de l’Union ou, plus généralement, par des conditions de marché défavorables.

280    Troisièmement, la Commission ne pourrait pas simplement affirmer que le dossier ne contient aucune information indiquant que les prix des producteurs de l’Union non retenus dans l’échantillon seraient substantiellement différents des prix des producteurs retenus dans l’échantillon. Par ailleurs, les preuves soumises à la Commission auraient permis de conclure que les producteurs de l’Union en Europe occidentale étaient susceptibles d’exercer une pression sur les prix à l’égard des deux plus grands producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon établis en Europe de l’Est. Ainsi, elles démontreraient que les prix au sein de l’Union étaient inférieurs au prix au débarquement des importations.

281    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

282    À cet égard, il convient d’examiner si, comme le font valoir les requérantes, la Commission a violé l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base ou commis une erreur manifeste d’appréciation en n’examinant pas si le préjudice constaté résultait de la concurrence au sein de l’Union.

283    Premièrement, il y a lieu de relever que les requérantes ne contestent pas la représentativité de l’échantillon des producteurs de l’Union, établi conformément à l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base. En raison de cette caractéristique même, il ne saurait y avoir une obligation pour la Commission d’inclure les producteurs de l’Union non retenus dans l’échantillon dans son analyse du lien de causalité.

284    En effet, ainsi que la Commission l’a indiqué à juste titre, si, sur la base de l’échantillon des producteurs de l’Union, l’existence d’un préjudice important est établie et que ce préjudice est attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping, une analyse de la situation des producteurs de l’Union qui ne sont pas inclus dans l’échantillon remettrait en cause la représentativité de l’échantillon des producteurs de l’Union.

285    De surcroît, il convient de relever que l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base ne prévoit pas que l’échantillonnage auquel la Commission peut avoir recours n’a vocation à être employé ou ne peut être employé que pour certaines parties de l’analyse effectuée par celle-ci. Au contraire, il ressort de cette disposition que ledit échantillonnage, lorsqu’il est retenu, a vocation à s’appliquer à l’« enquête », prise dans son ensemble.

286    Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient valablement soutenir que la Commission devait rechercher si l’impact allégué sur les prix des importations faisant l’objet d’un dumping ne résultait pas de la concurrence par les prix des producteurs de l’Union non retenus dans l’échantillon, dont elles ne contestent pas la représentativité.

287    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la référence des requérantes au point 172 de l’arrêt du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil (T‑190/08, EU:T:2011:618), selon lequel l’analyse de l’existence d’un lien de causalité ne doit pas nécessairement être conduite au niveau de l’industrie de l’Union dans son ensemble. En effet, la solution dégagée dans cet arrêt ne se rapportait pas à la concurrence exercée par des producteurs de l’Union non retenus dans l’échantillon. Dans ce contexte, le Tribunal a précisé audit point qu’il était possible que, dans certaines circonstances, un préjudice causé individuellement à un producteur de l’Union par un facteur autre que les importations faisant l’objet d’un dumping doive être pris en considération dès lors qu’il a contribué au préjudice qui a été observé pour l’industrie de l’Union dans son ensemble.

288    Deuxièmement, en ce que les requérantes font grief à la Commission d’avoir examiné de façon isolée les faiblesses concurrentielles des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, établis en Europe de l’Est, force est, à nouveau, de constater que cette argumentation ne saurait être accueillie, dès lors que les requérantes ne critiquent pas la représentativité de l’échantillon des producteurs de l’Union.

289    En outre, les requérantes n’ont pas établi le caractère manifestement erroné de l’appréciation effectuée par la Commission au considérant 172 du règlement d’exécution attaqué, qui se lit comme suit :

« Concernant la question des prix du gaz auxquels sont soumis AB Achema et Grupa Azoty, la Commission a examiné comment et à quel coût les trois producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon s’approvisionnaient en gaz. Bien que les prix du gaz et les autres coûts d’approvisionnement en gaz varient clairement d’un État membre à l’autre, il est manifeste que la tendance des prix du gaz était semblable pour les trois producteurs. Les coûts liés au gaz ont baissé en 2016 et augmenté en 2017 et pendant la période d’enquête (voir également le tableau figurant sous le considérant 146 ci-dessus). Les trois producteurs ont vu leur rentabilité baisser continuellement au cours de la période d’analyse car la hausse des coûts (celui du gaz étant le plus important et le plus fluctuant) n’a pas donné lieu à des augmentations correspondantes des prix de vente en 2017 et pendant la période d’enquête. En d’autres termes, même si les chiffres absolus pour certains de ces indicateurs pouvaient avoir varié d’un producteur à l’autre (comme l’a prétendu EuroChem à la suite de la communication des conclusions définitives), le préjudice était apparent chez les trois producteurs et il n’y a aucune indication ou preuve au dossier qu’un échantillon différent aurait modifié les conclusions relatives au préjudice. »

290    Par ailleurs, les requérantes n’ont pas contesté la conclusion de la Commission concernant le producteur de l’Union retenu dans l’échantillon, situé en Europe Occidentale, selon laquelle ses marges bénéficiaires étaient bien inférieures au bénéfice en 2017, ce qui met en exergue le fait que ledit producteur était également affecté par la pression sur les prix exercée par les importations faisant l’objet d’un dumping.

291    Enfin, les requérantes n’ont pas démontré que les prix au sein de l’Union n’étaient pas plus élevés que les prix de vente des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon. En effet, elles mentionnent des données fondées sur leurs propres sources et ne démontrent pas, d’une part, que les données utilisées par la Commission conformément au tableau 3 du règlement d’exécution provisoire étaient incorrectes et, d’autre part, que ses conclusions étaient, à cette date, manifestement erronées.

292    Dès lors, au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en n’examinant pas l’incidence de la concurrence au sein de l’Union en tant que facteur ayant causé le préjudice constaté, la Commission n’a ni violé l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, ni commis d’erreur manifeste d’appréciation, ni violé, par conséquent, le droit des requérantes à une bonne administration, à supposer même que cette allégation, qui se limite à la seule affirmation de la violation de ce droit, satisfasse à l’exigence de l’article 76, sous d), du règlement de procédure et, partant, soit recevable.

293    Il s’ensuit que la présente branche doit être rejetée.

 Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de prise en considération des frais de transport élevés des producteurs d’Europe de l’Est

294    Les requérantes soutiennent, en substance, que, lors de l’analyse du lien de causalité, la Commission a, en imputant aux importations faisant l’objet d’un dumping le préjudice causé par les frais de transport élevés des producteurs d’Europe de l’Est, violé l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base.

295    Premièrement, la Commission aurait reconnu elle-même, au considérant 128, sous ii), du règlement d’exécution provisoire, que les frais de transport élevés avaient eu une incidence négative sur les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon.

296    Deuxièmement, ce seraient les frais de transport élevés des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon qui les auraient empêchés d’être concurrentiels en Europe occidentale, que ce soit face aux importations ou aux autres producteurs occidentaux, dans la mesure où la part de leurs coûts de transport au point CAF aurait été supérieure à la marge de sous-cotation.

297    Troisièmement, le blocage des prix aurait été également lié à l’incapacité des producteurs d’Europe de l’Est retenus dans l’échantillon de recouvrer leurs frais de transport élevés lorsqu’ils vendaient sur les marchés d’Europe occidentale.

298    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

299    À cet égard, il convient de relever que la présente branche repose, en substance, sur trois extraits du règlement d’exécution attaqué, sur lesquels les requérantes font reposer leur argumentation selon laquelle la sous-cotation et le blocage des prix auraient été causés par des coûts de transport élevés, coûts dont la Commission n’aurait pas tenu compte.

300    Toutefois, l’argumentation des requérantes selon laquelle les frais de transport n’auraient pas été pris en compte dans l’analyse de non-imputation est précisément contredite par les explications fournies par la Commission aux considérants 173 et 174 du règlement d’exécution attaqué.

301    En effet, le considérant 173 du règlement d’exécution attaqué se lit comme suit :

« En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la situation géographique des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon serait la cause du préjudice en raison de coûts de transports engagés pour apporter le produit concerné au marché, il y avait, pendant la période d’enquête, 20 producteurs connus du produit concerné ayant des sites de production dans toutes les parties de l’Union. De plus, au sein de l’échantillon, même si une part du volume des ventes a été transportée par voie maritime vers d’autres parties de l’Union, la plupart des ventes ont été réalisées à une échelle plus locale. […] il n’est pas inhabituel que des producteurs aient des clients à une distance telle que les coûts de transport soient considérables. Ce qui est cependant important pour l’enquête de la Commission, c’est que les prix sur ces marchés soient mis sous pression en raison de l’impact d’importations vendues à de prix déloyaux. Il convient également de souligner que l’industrie de l’Union a pu réaliser des bénéfices raisonnables au cours des deux premières années de la période analysée, en dépit de sa situation géographique. »

302    S’agissant du considérant 174 du règlement d’exécution attaqué, il est renvoyé au point 191 ci-dessus.

303    Les requérantes n’ont pas contesté les faits et considérations mentionnés dans les considérants 173 et 174 du règlement d’exécution attaqué, desquels il ressort clairement que l’argumentation des requérantes selon laquelle les frais de transport n’ont pas été pris en compte est fondée sur une prémisse erronée.

304    Par conséquent, la présente branche doit être rejetée.

 Sur la troisième branche, tirée de l’absence de prise en considération de l’évolution contradictoire des forces du marché pour l’urée et le gaz

305    Les requérantes soutiennent, en substance, que, lors de l’analyse du lien de causalité, la Commission a, en n’examinant pas conjointement l’évolution à la baisse des prix de l’urée qui affecte directement les prix des UAN et l’évolution à la hausse des coûts du gaz qui affecte directement les coûts des UAN, violé l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, commis une erreur manifeste d’appréciation et violé le principe de bonne administration.

306    En premier lieu, la baisse des prix des UAN au cours de la période considérée ne résulterait pas des importations, mais de l’évolution des prix de l’urée. Toute augmentation des prix aurait en effet pu conduire les clients à délaisser les UAN au profit d’un autre engrais à base d’azote dont les prix étaient alignés sur ceux de l’urée.

307    En second lieu, la rentabilité des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon serait liée à leurs coûts de fabrication, qui seraient eux-mêmes liés aux prix d’achat du gaz. L’augmentation des coûts du gaz au cours de la période considérée aurait donc entraîné une baisse de la rentabilité. Des prix du gaz élevés n’empêcheraient pas des pics de rentabilité, pour autant que les conditions du marché le permettent, c’est-à-dire lorsque les prix de l’urée sont élevés. La Commission n’aurait absolument pas pris en considération les éventuels effets préjudiciables des coûts du gaz naturel supportés par l’industrie de l’Union.

308    Selon les requérantes, c’est la combinaison de la baisse des prix de l’urée et de la hausse des coûts du gaz, et non chaque facteur pris individuellement, qui explique les raisons pour lesquelles la rentabilité a été affectée par les fluctuations du marché.

309    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

310    Premièrement, pour autant que les requérantes prétendent que la Commission n’a « pas tenu compte » de l’évolution des prix de l’urée et des coûts du gaz, il convient de relever qu’un tel grief ne saurait être accueilli, dès lors qu’il ressort précisément des considérants 157 à 169 du règlement d’exécution attaqué que la Commission a tenu compte de ces éléments.

311    Deuxièmement, il y a lieu de relever que le considérant 163 du règlement d’exécution attaqué se lit comme suit :

« Le producteur-exportateur […] a contesté la conclusion de la Commission selon laquelle les prix au comptant de l’urée à différents endroits du monde présentaient des variations, en fonction du marché, au cours de la période considérée. Il a affirmé que les informations visées par la Commission montraient en fait que les prix mondiaux de l’urée étaient corrélés. De plus, il a critiqué les quatre marchés mentionnés dans le document visé à la note de bas de page 15 du règlement [d’exécution] provisoire, car deux d’entre eux étaient en Chine, pays que la Commission considère comme marché faisant l’objet d’une distorsion en ce qui concerne l’urée, et fait valoir que les prix de marchés de référence tels que US Gulf FOB barge ou Middle East granular FOB, selon lui beaucoup plus importants, faisaient défaut. À cet égard, la Commission a noté qu’en ce qui concerne la qualité du document, comme aucune partie intéressée n’a présenté en temps utile des graphiques libres de droits d’auteur sur le prix des engrais, la Commission a utilisé certaines informations libres de droits d’auteur disponibles qui montrent en tout cas que ces derniers temps, les prix de l’urée ont suivi des évolutions différentes dans différentes parties du monde. »

312    Il ressort ainsi à suffisance du considérant 163 du règlement d’exécution attaqué que la Commission a constaté qu’aucune partie intéressée n’avait soumis en temps voulu des éléments de preuve, libres de droits d’auteur, sur les prix des engrais, ce qui l’avait contrainte à se fonder sur les informations libres de droits qui étaient disponibles. Ces dernières montrent, en tout état de cause, que, ces derniers temps, les prix de l’urée avaient suivi des évolutions différentes dans différentes parties du monde.

313    Les requérantes n’ont pas contesté le fait que les éléments de preuve soumis par les parties intéressées n’étaient pas libres de droit et n’ont pas allégué que la Commission aurait pu utiliser ces informations, bien que protégées, au titre du droit d’auteur.

314    Par ailleurs, en ce qui concerne les éléments de preuve produits par l’un des plus grands producteurs mondiaux d’engrais azotés dans le manuel de l’industrie des engrais (Fertilizer Industry Handbook), à savoir la société Yara, et sur la base desquels la Commission a conclu qu’il n’existait pas de prix mondial de l’urée, les requérantes font valoir que les tendances observées en Chine ne pouvaient pas être considérées comme représentatives, étant donné qu’elles résultaient de la décision de la Chine de se retirer des marchés internationaux de l’urée.

315    Toutefois, force est de constater, à l’instar de la Commission, que les raisons invoquées pour justifier ces différences ne sont pas pertinentes, étant donné que ces raisons ne sauraient remettre en cause le fait qu’il existait différents prix. En effet, même s’il existe, ce qu’admettent d’ailleurs les requérantes, une certaine corrélation entre les prix de l’urée et ceux de l’UAN, ces prix ne concordent pas parfaitement et les fluctuations des prix ne sont pas identiques (ceux de l’urée étant parfois supérieurs à ceux de l’UAN et inversement), en sorte que les allégations des requérantes quant à la pertinence de la capacité de l’urée à faire baisser les prix des UAN ne saurait convaincre.

316    Partant, les requérantes n’ont pas démontré l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation des éléments de preuve sur la base desquels la Commission a conclu qu’il n’existait pas de prix mondial de l’urée.

317    Troisièmement, s’agissant de l’allégation des requérantes selon laquelle la baisse des prix des UAN des producteurs de l’Union résulte des prix de l’urée, il convient de relever que, si, de manière générale, la Commission a, certes, admis l’existence d’une corrélation entre le prix de l’urée et de l’UAN au considérant 159 du règlement d’exécution attaqué, elle a néanmoins fait état, sur la base d’éléments de preuve fournis par l’intervenante au titre de ses observations sur le règlement d’exécution provisoire du 26 avril 2019 et versés par la Commission dans les annexes B.3 et B.4 du mémoire en défense, que, au cours de la période concernée, la corrélation entre les prix de l’urée et ceux des UAN avait été interrompue.

318    Dès lors, nonobstant le fait que les requérantes contestent cette appréciation de la Commission, il ne saurait être fait grief à cette dernière d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que la baisse des prix de l’urée ne remettait pas en cause le lien de causalité existant entre les pratiques de dumping constatées sur le produit concerné et le préjudice pour l’industrie de l’Union.

319    En outre, si l’évolution des prix de l’urée au cours de la période concernée n’était pas un facteur contribuant, à tout le moins de manière déterminante, à la réduction des prix des ventes de l’Union, aucun des éléments fournis par les requérantes ne permet de conclure que cette évolution des prix de l’urée aurait pu avoir un effet une fois combinée à un autre facteur, à savoir les coûts du gaz.

320    Partant, les requérantes n’ont pas démontré que la Commission, en n’examinant pas conjointement l’évolution à la baisse des prix de l’urée qui affecterait directement les prix de l’UAN et l’évolution à la hausse des coûts du gaz qui affecterait directement les coûts de l’UAN, avait violé l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base ou commis une erreur manifeste d’appréciation.

321    Quatrièmement, en ce que les requérantes invoquent une violation du droit à une bonne administration, au motif que la Commission n’a pas examiné avec soin et impartialité les preuves qu’elles avaient présentées, il convient de relever que les requérantes n’ont pas précisé les éléments de preuve présentés au cours de la procédure administrative auxquels elles entendaient se référer, en sorte que ce grief doit être rejeté comme étant irrecevable, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 139 ci-dessus.

322    Au demeurant et en tout état de cause, il y a lieu de relever que la Commission a d’abord indiqué, au considérant 181 du règlement d’exécution attaqué, ce qui suit :

« […] Eurochem a fait valoir que la dynamique du marché avait causé le préjudice subi par l’industrie de l’Union plutôt que les importations en provenance des pays concernés. La dynamique du marché visée était une baisse des prix de l’urée et l’évolution des prix du gaz […] »

323    La Commission a poursuivi, au considérant 181 du règlement d’exécution attaqué, en ces termes :

« […] cette allégation semblait être une reformulation de ses allégations antérieures et d’allégations formulées par d’autres parties, qui avaient été précédemment examinées et rejetées. Néanmoins, pour résumer les conclusions de la Commission, l’industrie de l’Union a démontré qu’en 2015 et en 2016, elle était en mesure de réaliser un bénéfice que les prix du gaz aient été élevés ou bas. Toutefois, il est indéniable que l’augmentation des volumes d’importations à bas prix faisant l’objet de pratiques de dumping a déprimé les prix en 2017 et pendant la période d’enquête a empêché l’industrie de l’Union d’augmenter ses prix pour couvrir ses coûts. L’allégation que la dynamique du marché plutôt que les importations faisant l’objet de pratiques de dumping a causé le préjudice subi a donc été rejetée. »

324    Il en résulte que la Commission, d’une part, a tenu compte des éléments avancés par les requérantes durant la procédure administrative et, d’autre part, a rejeté cette demande en motivant son choix.

325    Il s’ensuit que la présente branche doit être rejetée.

 Sur la quatrième branche, tirée de l’absence de prise en considération collective des autres facteurs connus

326    Les requérantes soutiennent, en substance, que, lors de l’analyse du lien de causalité, la Commission a, en n’examinant pas collectivement les autres facteurs connus, mais en les examinant plutôt de manière isolée, violé l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base.

327    Selon les requérantes, la concurrence au sein de l’Union, la baisse des prix de l’urée au niveau mondial, l’augmentation du coût du gaz et les frais de transport élevés des producteurs de l’industrie de l’Union retenus dans l’échantillon ont eu un impact tel que le lien de causalité allégué entre les importations visées et la situation de l’industrie de l’Union ne saurait être invoqué.

328    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

329    À cet égard, il convient de constater que l’allégation des requérantes selon laquelle les conclusions de la Commission ne sont pas étayées par les preuves dont elle disposait n’a pas été explicitée dans la requête, en sorte que, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 139 ci-dessus, elle ne peut être que rejetée comme étant irrecevable.

330    En tout état de cause, d’une part, il y a lieu de relever que, au considérant 183 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a indiqué avoir analysé les facteurs évoqués par les requérantes non seulement individuellement, mais également collectivement. D’autre part, les requérantes fondent leur critique essentiellement, si ce n’est exclusivement, sur le défaut de prise en considération de facteurs dont, ainsi que cela ressort du rejet des première à troisième branches du présent moyen, elles n’ont pas démontré que, pris individuellement, ils étaient de nature à contribuer au préjudice constaté. Or, elles se bornent à alléguer l’existence d’effets cumulatifs desdits facteurs sans apporter de preuve de ceux-ci et, en conséquence, sans établir le caractère manifestement erroné de l’appréciation effectuée par la Commission.

331    Il s’ensuit que la présente branche doit être rejetée.

 Sur la cinquième branche, concernant le niveau d’élimination du préjudice

332    Les requérantes soutiennent, en substance, que, lors de l’analyse du lien de causalité, la Commission a violé l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base et commis une erreur manifeste d’appréciation en ne distinguant pas les effets préjudiciables des autres facteurs de ceux des importations faisant l’objet d’un dumping et en ne réduisant pas la marge de préjudice au regard de ces autres facteurs.

333    Les requérantes prétendent avoir démontré que, au cours de la procédure administrative, la concurrence au sein de l’Union, la situation géographique éloignée et les prix du gaz anormalement élevés de l’industrie de l’Union constituaient des causes de préjudice distinctes. Elles affirment également avoir quantifié l’impact de ces causes de préjudice sur l’industrie de l’Union.

334    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

335    À l’instar de la Commission, il convient de constater que, dans la mesure où les première à quatrième branches du troisième moyen ont été rejetées, la cinquième branche de ce moyen doit également être rejetée dès lors qu’elle est fondée sur la prémisse erronée qu’il serait fait droit à au moins l’une des quatre premières branches et que la marge de préjudice aurait dû être réduite.

336    Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base, lu en combinaison avec l’article 9, paragraphes 4 et 5, et l’article 18, paragraphes 1, 4 et 5, dudit règlement, d’une violation du droit à une bonne administration et du principe d’égalité de traitement ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne le refus d’appliquer la règle du droit moindre aux importations des requérantes

 Remarques liminaires

337    Selon l’article 5, paragraphe 3, du règlement de base, la Commission examine, dans la mesure du possible, l’exactitude et l’adéquation des éléments de preuve fournis dans la plainte afin de déterminer s’il y a des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête.

338    En vertu de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base, lorsqu’il ressort de la constatation définitive des faits qu’il y a dumping et préjudice en résultant et que l’intérêt de l’Union nécessite une action, un droit antidumping définitif est imposé par la Commission. Le montant du droit antidumping n’excède pas la marge de dumping établie et devrait être inférieur à cette marge, si ce droit moindre suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie de l’Union. L’article 7, paragraphe 2 bis, 2 ter, 2 quater et 2 quinquies, dudit règlement s’applique en conséquence.

339    En vertu de l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base, lorsqu’elle examine si un droit inférieur à la marge de dumping suffirait à éliminer le préjudice, la Commission détermine s’il existe des distorsions sur les matières premières quant au produit concerné. L’enquête de la Commission porte sur toute distorsion affectant les matières premières recensée au deuxième alinéa de ce paragraphe, pour l’existence de laquelle elle dispose d’éléments de preuve suffisants conformément à l’article 5 de ce règlement. Aux fins de cette enquête, les matières premières, transformées ou non, y compris l’énergie, pour lesquelles une distorsion est découverte doivent représenter au moins 17 % du coût de production du produit concerné. Aux fins de ce calcul, un prix non faussé de la matière première tel qu’il est établi sur les marchés internationaux représentatifs est utilisé.

340    L’article 7, paragraphe 2 ter, du règlement de base énonce, en substance, que, lorsque, compte tenu de toutes les informations qui lui ont été communiquées, la Commission peut clairement conclure qu’il est dans l’intérêt de l’Union de déterminer le montant des droits provisoires conformément au paragraphe 2 bis de cet article, à savoir à un niveau inférieur à la marge de dumping, le paragraphe 2 dudit article ne s’applique pas. La Commission sollicite activement auprès des parties intéressées des informations lui permettant de déterminer lequel des paragraphes 2 et 2 bis du même article doit s’appliquer. À cet égard, la Commission examine toutes les informations pertinentes, notamment en ce qui concerne les capacités inutilisées dans le pays exportateur, la concurrence sur le marché des matières premières et l’effet sur les chaînes d’approvisionnement pour les entreprises de l’Union. En l’absence de coopération, la Commission peut conclure qu’il est dans l’intérêt de l’Union d’appliquer le paragraphe 2 bis dudit article.

341    En l’espèce, les droits applicables aux requérantes ont été modulés en vertu de l’article 7, paragraphes 2 bis et 2 ter, et de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base.

342    Ainsi, la Commission a examiné si un droit inférieur à la marge de dumping suffirait à éliminer le préjudice. Après avoir constaté des distorsions sur les matières premières quant au produit concerné au sens de l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base, la Commission a conclu qu’il serait dans l’intérêt de l’Union, conformément à l’article 2, paragraphe 7 ter, dudit règlement, de fixer le montant des droits au niveau des marges de dumping, étant donné qu’un droit inférieur à la marge de dumping ne suffirait pas à éliminer le préjudice subi par l’industrie de l’Union.

 Sur la première branche, tirée de l’illégalité de la décision d’examiner si la règle du droit moindre devait s’appliquer aux importations en provenance de Russie

343    Les requérantes soutiennent que la plainte ayant donné lieu à l’ouverture de l’enquête ne fournissait pas de preuves, à tout le moins suffisantes au sens de l’article 5 du règlement de base, pour justifier une enquête au titre de l’article 7, paragraphe 2 bis, dudit règlement contre la Russie.

344    Premièrement, la plainte en cause ne contiendrait aucune référence à une « distorsion affectant les matières premières » au sens de l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base. Seul son résumé aurait fait référence à une « double tarification », ce qui étayerait uniquement l’allégation de l’existence d’une « situation particulière du marché », au sens de l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement. Ladite plainte n’aurait donc pas fourni de preuve d’une « double tarification » ni d’une quelconque « distorsion affectant une matière première » justifiant l’ouverture d’une enquête au titre de l’article 7, paragraphe 2 bis, de ce règlement contre la Russie.

345    Deuxièmement, la plainte en cause ne contiendrait aucune analyse relative aux « prix pratiqués sur les marchés internationaux représentatifs » du gaz naturel et n’indiquerait pas si le prix du gaz naturel russe serait ou non « sensiblement inférieur » à ces prix. Par conséquent, elle n’aurait fourni aucune preuve démontrant que des distorsions sur les matières premières auraient eu pour effet de rendre le prix du gaz naturel russe inférieur aux prix pratiqués sur les marchés internationaux représentatifs, au sens de l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base.

346    Troisièmement, dans la plainte en cause, aucune référence n’aurait été faite à la part des coûts du gaz naturel dans le coût de production total des UAN.

347    Quatrièmement, la plainte en cause ne comporterait aucune référence explicite à l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base. Ce dernier aurait été uniquement mentionné dans le résumé accompagnant ladite plainte.

348    Cinquièmement, dans la réplique, les requérantes ajoutent que la Commission aurait dû démontrer dans le mémoire en défense, sur la base de la plainte mentionnée dans l’avis d’ouverture de la procédure antidumping (à savoir la plainte initiale), que cette dernière contenait des preuves suffisantes pour justifier une enquête au titre de la règle du droit moindre. Les références à la version consolidée de la plainte, modifiée par l’industrie nationale à la suite d’une lettre d’insuffisance émise par la Commission, devraient être rejetées.

349    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

350    D’une part, en ce que les requérantes font valoir, en substance, que la plainte initiale ne contenait pas d’éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête au titre de l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base, il convient de relever que l’article 5, paragraphe 2, dudit règlement prévoit que la plainte contient les renseignements qui peuvent être raisonnablement à la disposition du plaignant et qui portent sur les points énumérés aux sous a) à d) de cette disposition. Celle-ci n’impose donc pas au plaignant de fournir des éléments de preuve suffisants pour ouvrir une enquête.

351    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 5, paragraphe 3, du règlement de base précise d’ailleurs ce qui suit :

« La Commission examine, dans la mesure du possible, l’exactitude et l’adéquation des éléments de preuve fournis dans la plainte, afin de déterminer s’il y a des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête. »

352    Il s’ensuit que la décision d’ouvrir une enquête ne dépend pas de la question de savoir si la plainte contient des éléments de preuve suffisants pour justifier son ouverture, mais de la question de savoir si les éléments de preuve dont dispose la Commission sont suffisants pour la justifier. Ainsi que l’a indiqué à juste titre la Commission, l’ouverture d’une enquête se fait au vu de l’ensemble des éléments de preuve disponibles, y compris les éléments de preuve contenus dans la plainte, et ce quelle que soit la présentation de l’affaire dans la plainte concernée.

353    En l’occurrence, à l’aune des éléments de preuve dont elle disposait, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que le prix du gaz naturel représentait plus de 17 % du coût de production, à partir du moment, en particulier, où les coûts variables représentaient 33 % de ce coût et que cette plainte indiquait que « le coût-clé de production est le gaz naturel », et en ouvrant une enquête relative aux UAN, en ce qui concerne les importations en provenance de Russie.

354    Pour le surplus, s’agissant de l’absence de référence expresse à l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base, il ne ressort pas de ce règlement que la plainte en cause devait comporter une telle référence, d’autant plus que cette plainte évoque, à plusieurs occasions, un système de double prix, et qu’un tel système constitue l’un des types de distorsions sur les matières primaires expressément mentionnés au deuxième alinéa de cette disposition. De même, le seul fait que certaines des informations utilisées par la Commission proviennent de l’« executive summary » plutôt que d’une autre partie de cette plainte ne saurait, en tant que tel, justifier l’impossibilité pour cette dernière d’en tenir compte.

355    Enfin, s’agissant de l’argument des requérantes relatif à la version consolidée de la plainte, la Commission pouvait légitimement recourir à cette version, dès lors qu’il n’est pas contesté qu’elle a été déposée avant l’ouverture de l’enquête.

356    Par conséquent, l’argumentation des requérantes relative à l’absence d’éléments de preuve suffisants dans la plainte en cause pour commencer une enquête au titre de l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base doit être rejetée.

357    D’autre part, en ce que les requérantes invoquent une violation du droit à une bonne administration, au motif que la Commission n’a pas examiné avec soin et impartialité tous les aspects pertinents de la plainte, il convient de relever que les requérantes n’ont apporté, conformément à la jurisprudence visée au point 139 ci-dessus, aucun élément de nature à démontrer, de quelque manière que ce soit, que la Commission aurait violé ce droit. En tout état de cause et pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 350 à 356 ci-dessus, les requérantes ne sauraient valablement se prévaloir d’une telle violation.

358    Il s’ensuit que la présente branche doit être rejetée.

 Sur la deuxième branche, tirée de l’illégalité du refus d’appliquer la règle du droit moindre à l’égard des importations en provenance de Russie

359    Les requérantes soutiennent que les conditions permettant de ne pas appliquer la règle du droit moindre au titre de l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base n’étaient pas, en l’espèce, réunies.

360    Premièrement, dans la mesure où il n’existerait aucune preuve démontrant que les prix du gaz naturel en Russie ne seraient pas fondés sur des considérations commerciales, l’évaluation de la Commission concluant que le gaz naturel russe ferait l’objet de « distorsions », d’une part, serait incompatible avec les engagements pris par la Russie dans le cadre de l’OMC et acceptés par l’Union, et, d’autre part, reposerait sur une erreur manifeste d’appréciation.

361    En effet, l’Union aurait accepté, dans le cadre de l’adhésion de la Russie à l’OMC, la politique de contrôle des prix du gaz naturel de cette dernière, à condition que ces prix restent fondés sur des considérations commerciales. Or, en raison de l’absence de coopération du gouvernement russe, la Commission aurait supposé que les ventes de Gazprom sur le marché intérieur n’étaient pas rentables et que seules ses ventes à exportation l’étaient, en sorte que Gazprom ne fonctionnait pas sur la base de « considérations commerciales normales, selon les principes de récupération des coûts et de réalisation d’un bénéfice ». La Commission aurait ainsi préféré s’appuyer sur des hypothèses sans fondement plutôt que d’examiner les preuves présentées par les parties intéressées.

362    Les requérantes ajoutent que la Russie avait la faculté de fixer des prix intérieurs inférieurs aux coûts, mais qu’il n’existerait aucune preuve démontrant qu’elle l’ait fait.

363    Deuxièmement, les requérantes estiment que la notion de « distorsions sur les matières premières » devrait être interprétée à la lumière de l’inventaire des restrictions à l’exportation de matières premières industrielles établi par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), conformément à l’article 7, paragraphe 2 bis, troisième alinéa, du règlement de base. Or, le gaz naturel russe n’aurait pas été identifié comme tel par cet inventaire.

364    Troisièmement, pour déterminer que les prix du gaz naturel russe étaient sensiblement inférieurs à ceux des marchés internationaux représentatifs, la Commission aurait comparé les prix russes avec le prix Waidhaus ajusté. Or, il n’existerait aucune raison justifiant que ce dernier puisse être considéré comme un « prix pratiqué sur les marchés internationaux représentatifs ». La conclusion de la Commission serait par conséquent incompatible avec l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base et constituerait une erreur manifeste d’appréciation.

365    Quatrièmement, en ayant recours au prix Waidhaus ajusté, la Commission n’aurait pas déterminé que le gaz naturel représentait plus de 17 % du coût de production du produit concerné sur la base d’un « prix non faussé de la matière première tel qu’il est établi sur les marchés internationaux représentatifs ». En outre, selon les requérantes, le seul calcul pertinent devrait chercher à déterminer si le gaz naturel représentait lui-même, sans les coûts de transport, plus de 17 % de leur coût de production.

366    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

367    Premièrement, en ce que les requérantes font valoir que le gaz naturel russe n’a pas fait l’objet d’une distorsion sur les matières premières, il y a lieu de constater que l’engagement souscrit par la Russie, dans le cadre de son adhésion à l’OMC, d’un contrôle des prix fondé sur des considérations commerciales n’exclut pas l’existence d’une telle distorsion.

368    En ce que les requérantes font également valoir qu’il n’existe aucune preuve que les prix du gaz naturel en Russie ne sont pas fondés sur des considérations commerciales, il convient de relever, en tout état de cause, que, en ce qui concerne le rapport Brattle, commandé par les requérantes, la Commission a indiqué, au considérant 38 du règlement d’exécution attaqué, que ses conclusions étaient fondées sur des estimations des coûts « tout compris » de Gazprom, et non sur des chiffres réels. L’analyse et les calculs effectués dans ce rapport reposaient donc sur un nombre d’hypothèses et d’estimations. Cette constatation n’a pas été contestée par les requérantes, en sorte que, en ne se fondant pas sur les conclusions contenues dans ledit rapport, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

369    En ce qui concerne les fournisseurs autres que Gazprom, la Commission a observé, au considérant 38 du règlement d’exécution attaqué, que cette hypothèse revenait à ignorer le fait que les sociétés pourraient avoir un niveau et une structure de coûts complètement différents. Cette constatation n’a pas été contestée par les requérantes.

370    En ce que les requérantes font encore valoir que la Commission a simplement supposé que les prix du gaz naturel en Russie n’étaient pas fondés sur des considérations commerciales, il convient de relever qu’elle fonde son appréciation, en particulier, sur la résolution du gouvernement de la Fédération de Russie no 1021, du 29 décembre 2000, sur la réglementation par l’État des prix du gaz, des tarifs des services de transport et des redevances pour le raccordement technologique des équipements consommateurs de gaz aux réseaux de distribution de gaz sur le territoire de la Fédération de Russie, en vigueur au cours de la période d’enquête. Or, il ressort de l’article 11.1 de cette résolution que « [l]es prix de gros du gaz pour les systèmes d’approvisionnement en gaz qui approvisionnent les marchés étrangers en gaz sont réglementés sur la base d’une formule de prix du gaz », sans que ladite résolution n’évoque, contrairement à la version antérieure de la réglementation des prix du gaz, un critère imposant une rentabilité égale entre les ventes de gaz en Russie et celles destinées aux marchés étrangers.

371    En outre, dans le contexte de l’établissement des principes de fixation des prix, l’article 14 de la résolution en cause dispose que, « lors de l’examen des coûts et des bénéfices économiquement justifiés, les organismes de contrôle tiennent compte [notamment] du bénéfice prévisionnel des livraisons de gaz à l’exportation », mais n’inclut aucune référence à des bénéfices résultant des ventes de gaz en Russie.

372    Deuxièmement, les requérantes affirment que le gaz naturel russe n’a pas été identifié par l’inventaire des restrictions à l’exportation de matières premières industrielles établi par l’OCDE. Selon elles, il découlerait du considérant 9 du règlement (UE) 2018/825 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018, modifiant le règlement 2016/1036 et le règlement (UE) 2016/1037 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2018, L 143, p. 1), aux termes duquel « la Commission vérifie l’existence de distorsions sur les matières premières sur la base de la plainte déposée et [dudit] inventaire », que la Commission serait limitée par les données contenues dans cet inventaire.

373    À cet égard, il convient de relever que l’article 7, paragraphe 2 bis, cinquième alinéa, du règlement de base fait référence aux « matières premières, transformées ou non, y compris l’énergie ». Il s’ensuit que le champ de l’inventaire ne détermine pas les constatations de la Commission quant à l’existence d’une distorsion sur les matières premières concernant le gaz naturel russe.

374    En outre, l’article 7, paragraphe 2 bis, deuxième alinéa, du règlement de base contient une liste exhaustive de mesures qui sont considérées comme des distorsions sur les matières premières, notamment les systèmes de double prix, les taxes à l’exportation et les régimes de licences. Il n’est pas contesté par les requérantes que, aux considérants 212 à 215 du règlement d’exécution provisoire, la Commission a énuméré les preuves de l’existence de l’ensemble de ces trois mesures en ce qui concerne le gaz naturel en Russie.

375    Troisièmement, en ce que les requérantes font grief à la Commission d’avoir utilisé le prix Waidhaus ajusté, qui ne saurait être considéré comme un prix pratiqué sur les « marchés internationaux représentatifs », au sens de l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base, il convient de relever que cette disposition ne précise pas ce qu’il convient d’entendre par « prix pratiqués sur les marchés internationaux représentatifs ». Il s’ensuit que la détermination de ces prix implique l’appréciation de situations économiques complexes, pour lesquelles la Commission dispose d’une large marge d’appréciation.

376    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a jugé que le choix du prix Waidhaus ajusté comme prix de référence ne constituait pas une erreur manifeste d’appréciation, dans la mesure où le choix de ce prix apparaissait raisonnable, Waidhaus étant le principal point d’arrivée des livraisons de gaz russe dans l’Union et que, compte tenu du volume de gaz concerné et du nombre de contrats négociés, rien n’indiquait que le prix du gaz russe à Waidhaus ne soit pas le résultat de forces du marché exemptes de distorsions (voir, par analogie, arrêts du 7 février 2013, EuroChem MCC/Conseil, T‑84/07, EU:T:2013:64, points 96, 97 et 99, et du 7 février 2013, Acron/Conseil, T‑118/10, non publié, EU:T:2013:67, points 84, 85 et 87).

377    Enfin, les requérantes n’ont fourni aucun élément permettant de démontrer que, dans le cas d’espèce, le choix du prix Waidhaus serait manifestement déraisonnable.

378    Quatrièmement, les requérantes contestent la conclusion selon laquelle le gaz naturel représenterait plus de 17 % du coût de production des UAN.

379    Or, outre les considérations exposées au point 377 ci-dessus, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de l’enquête, les frais ajustés du gaz naturel auraient représenté, respectivement, 86 % et 68 % des coûts de production de NEV et de NAK, en sorte que, à supposer même des coûts de transport correspondant à une part très significative de ces deux proportions (86 % et 68 %), ce qui n’est pas allégué, les frais liés au gaz naturel auraient représenté au moins 17 % du coût de production des UAN pour les requérantes.

380    En outre, s’agissant des arguments des requérantes relatifs au niveau des prix à Trinité-et-Tobago, il convient de rappeler que la Commission a expliqué que les prix à Trinité-et-Tobago auraient été affectés par des subventions, ce qui n’est pas contesté par les requérantes. Enfin, en ce qui concerne les prétendus coûts effectifs du gaz, qui s’élèveraient, selon les requérantes, à 16 % du coût de production de NEV, il suffit de relever que cette proportion, par ailleurs à peine inférieure à celle de 17 % prévue par le règlement de base, reflète des coûts reposant sur des prix pour Trinité-et-Tobago affectés par des subventions et excluant les coûts de transport, en sorte qu’elle est artificiellement faible.

381    Cinquièmement, en ce que les requérantes font grief à la Commission d’avoir violé le droit à une bonne administration, au motif qu’elle n’a pas examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce en ce qui concerne l’application de la règle du droit moindre à la Russie, il convient de relever que les requérantes n’ont apporté aucun élément qui pourrait démontrer, de quelque manière que ce soit, que la Commission aurait violé ce droit. En tout état de cause et pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 350 à 356 ci-dessus, les requérantes ne sauraient valablement se prévaloir d’une violation de leur droit à une bonne administration.

382    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la présente branche doit être rejetée.

 Sur la troisième branche, tirée de l’illégalité du refus d’examiner la situation spécifique d’EuroChem dans le contexte de la non-application de la règle du droit moindre

383    Les requérantes soutiennent, en substance, que la règle du droit moindre devrait être modulée en fonction de chaque entreprise.

384    Ainsi, pour être conforme à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, l’application de la règle du droit moindre au titre de l’article 7, paragraphe 2 bis, et de l’article 9, paragraphe 4, dudit règlement devrait être déterminée pour chaque producteur-exportateur individuellement et non à l’échelle nationale.

385    Dès lors, les requérantes estiment que, en refusant de déterminer si la non-application de la règle du droit moindre était justifiée pour elles, la Commission a violé l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, commis une erreur manifeste d’appréciation et violé les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination.

386    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

387    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base dispose qu’« [u]n droit antidumping dont le montant est approprié à chaque cas est imposé d’une manière non discriminatoire sur les importations d’un produit, de quelque source qu’elles proviennent, dont il a été constaté qu’elles font l’objet d’un dumping et causent un préjudice, à l’exception des importations en provenance des sources dont un engagement pris au titre du présent règlement a été accepté ».

388    Force est de constater que l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base ne traite nullement de la question de savoir si l’analyse des éléments au titre de l’article 7, paragraphe 2 bis, dudit règlement doit être conclue sur une base spécifique ou à l’échelle du pays, en sorte que l’interprétation selon laquelle la première de ces dispositions exigerait que l’application de la règle du droit moindre, au titre de la seconde desdites dispositions, soit déterminée individuellement pour chaque producteur-exportateur, sous peine de violation de cette dernière disposition et du principe de non-discrimination, est erronée.  

389    Par ailleurs et en tout état de cause, quant à l’argumentation des requérantes relative à leur situation individuelle et selon laquelle aucune des distorsions constatées par la Commission n’affecte les fournisseurs de gaz autres que Gazprom, il suffit de constater qu’il n’a pas été démontré que les observations figurant aux considérants 24, 212, 215 et 216 du règlement d’exécution provisoire et aux considérants 215 et 223 du règlement d’exécution attaqué étaient manifestement erronées.

390    Plus particulièrement, les requérantes n’ont pas démontré en quoi les constatations de la Commission relatives au fait, ainsi qu’il ressort, en particulier des considérants 55, 213 et 216 du règlement d’exécution provisoire et des considérants 215 et 223 du règlement d’exécution attaqué, que Gazprom est le seul exportateur certifié de gaz naturel, sous forme gazeuse, qu’il existe une taxe à l’exportation et que les fournisseurs de gaz autres que Gazprom, à savoir les fournisseurs de gaz indépendants, appliquent des prix analogues à cette dernière, seraient entachées d’erreurs. Partant, à supposer même qu’elles se fournissent en gaz auprès de tels fournisseurs indépendants, elles bénéficiaient également de la distorsion dans les prix du gaz.

391    Enfin, s’agissant encore des arguments des requérantes tirés de ce que l’« influence » du prix réglementé sur les prix de fournisseurs indépendants ne constitue pas l’une des mesures de distorsion identifiées à l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base et que ces fournisseurs peuvent exporter du gaz sous forme liquide, il suffit de relever, d’une part, que cette influence des prix réglementés résulte notamment de taxes à l’exportation, lesquelles constituent l’une des mesures expressément énumérées par cette disposition, et, d’autre part, que, ainsi que le fait valoir la Commission, le gaz naturel liquide et le gaz sous forme gazeuse ne sont pas totalement interchangeables et que le gaz naturel liquide ne constitue qu’une faible part des exportations russes.

392    Il s’ensuit que la présente branche doit être rejetée.

 Sur la quatrième branche, tirée de l’illégalité du refus d’appliquer la règle du droit moindre à l’égard de la Russie, alors que les importations en provenance de Trinité-et-Tobago et des États-Unis se trouvant dans une situation comparable ont bénéficié de cette règle

393    Les requérantes soutiennent que l’enquête menée au titre de l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base a été discriminatoire.

394    Les requérantes affirment avoir fourni des commencements de preuve de l’existence de distorsions du marché des matières premières, au sens de l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base, en ce qui concerne les marchés du gaz naturel de Trinité-et-Tobago et des États-Unis.

395    En conséquence, en n’examinant pas l’existence des distorsions en cause, la Commission aurait violé l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, qui exige que les droits antidumping soient imposés de manière non discriminatoire, commis une erreur manifeste d’appréciation et violé les principes d’égalité et de non-discrimination.

396    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

397    À cet égard, il convient de relever que les requérantes évoquent les circonstances exposées par la Commission pour conclure à l’absence de traitement discriminatoire, notamment au considérant 217 du règlement d’exécution attaqué, sans toutefois remettre en cause ces circonstances.

398    En effet, à supposer même que les requérantes aient intérêt à soulever une telle argumentation eu égard à l’absence éventuelle de conséquences sur la décision en ce qui les concerne, il convient de constater que, après que les requérantes, à la suite de l’ouverture de l’enquête, ont avancé des arguments relatifs à Trinité-et-Tobago et aux États-Unis, d’une part, la Commission a expliqué que le producteur d’UAN dans ces pays bénéficiait d’un subventionnement de ses achats de gaz naturel. De plus, la Commission a, à juste titre, relevé que le subventionnement de matières premières ne constituait pas l’un des types de mesures figurant dans la liste exhaustive des mesures considérées comme étant des distorsions affectant des matières premières, établie par l’article 7, paragraphe 2 bis, deuxième alinéa, du règlement de base. Or, les requérantes n’ont contesté ni l’existence ni la qualification de ce subventionnement du gaz naturel dans ces pays.

399    D’autre part, concernant les allégations visant les États-Unis, les éléments avancés par les requérantes ne permettent pas de considérer que la conclusion de la Commission selon laquelle le système d’octroi de licences d’exportation, en ce qu’il serait automatique et imposerait une redevance d’un montant négligeable, ne constituait pas un « régime de licences » au sens de l’article 7, paragraphe 2 bis, deuxième alinéa, du règlement de base était entachée d’une erreur d’appréciation.

400    Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que les importations dans l’Union provenant de Trinité-et-Tobago et des États-Unis ne se trouvaient pas dans une situation comparable à celles provenant de Russie et, partant, cette institution n’a pas violé l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base. En conséquence, la présente branche doit être rejetée.

 Sur la cinquième branche, tirée de l’application illégale des données factuelles disponibles aux requérantes qui ont coopéré en raison de l’absence de coopération du gouvernement russe

401    Les requérantes soutiennent que l’absence de coopération du gouvernement russe n’aurait pas dû conduire à l’application à leur égard des données disponibles relatives aux distorsions sur le gaz naturel en Russie.

402    Premièrement, les requérantes estiment, en substance, que les conditions d’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base n’étaient pas remplies en ce qui les concerne, dans la mesure où elles avaient coopéré.

403    Deuxièmement, les requérantes font valoir que, en leur appliquant des données disponibles, sans leur donner la possibilité de présenter des observations, la Commission a violé l’article 18, paragraphe 4, du règlement de base.

404    En premier lieu, selon les requérantes, l’article 18, paragraphe 4, du règlement de base leur est applicable dans la mesure où elles ont contesté que le gaz russe faisait l’objet d’une « distorsion sur les matières premières » au sens de l’article 7, paragraphe 2 bis, dudit règlement.

405    En deuxième lieu, les requérantes font observer que, avant de leur appliquer les données disponibles, la Commission aurait dû les informer des éléments de preuve ou des renseignements qu’elle cherchait à obtenir ainsi que des raisons pour lesquelles les éléments de preuve ou les renseignements déjà fournis ne pouvaient pas être acceptés.

406    En troisième lieu, l’article 18, paragraphe 4, du règlement de base ne permettrait pas à la Commission d’accorder la possibilité de fournir des explications complémentaires après l’application des données disponibles.

407    Troisièmement, les requérantes avancent que, en n’ayant pas examiné les informations qu’elles avaient fournies et en s’étant uniquement concentrée sur l’absence de coopération du gouvernement russe, la Commission a violé leur droit à une bonne administration ainsi que l’article 18, paragraphe 5, du règlement de base, du fait qu’elle n’a pas examiné avec soin et impartialité les informations provenant d’autres sources indépendantes qu’elles avaient fournies.

408    Quatrièmement, les requérantes relèvent que, si la Commission s’est appuyée sur certaines données qu’elles avaient fournies dans le cadre de l’article 7, paragraphe 2 bis, du règlement de base, cela ne signifie pas qu’elle n’a pas ignoré la plupart des informations qu’elles avaient présentées et qu’elle se soit appuyée sur d’autres données disponibles à la place.

409    En conséquence, les requérantes estiment que, en leur appliquant, sans préavis, les données disponibles, alors qu’elles ont coopéré sans discontinuer, au motif qu’une autre partie à l’enquête n’a pas coopéré, la Commission a violé l’article 18, paragraphes 1, 4 et 5 du règlement de base ainsi que leur droit à une bonne administration.

410    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste les arguments des requérantes.

411    L’article 18, paragraphe 1, première phrase, du règlement de base dispose que :

« Lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus par le présent règlement, ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles. »

412    En outre, l’article 18, paragraphes 4 et 5, du règlement de base se lit comme suit :

« 4.      Si des éléments de preuve ou des renseignements ne sont pas acceptés, la partie qui les a communiqués est informée immédiatement des raisons de leur rejet et doit avoir la possibilité de fournir des explications complémentaires dans le délai fixé. Si ces explications ne sont pas jugées satisfaisantes, les raisons du rejet des éléments de preuve ou des renseignements en question sont communiquées et indiquées dans les conclusions rendues publiques.

5.      Si les conclusions, y compris celles qui concernent la valeur normale, sont fondées sur les dispositions du paragraphe 1, notamment sur les renseignements fournis dans la plainte, il faut, lorsque cela est possible et compte tenu des délais impartis pour l’enquête, vérifier ces renseignements par référence à d’autres sources indépendantes disponibles, telles que les listes de prix publiées, les statistiques d’importation officielles et les relevés douaniers, ou par référence aux renseignements obtenus d’autres parties intéressées au cours de l’enquête.

Ces informations peuvent comprendre des données pertinentes liées au marché mondial ou à d’autres marchés représentatifs, le cas échéant. »

413    À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission n’a pas appliqué l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base à leur égard en raison d’un comportement qui leur serait prétendument reproché.

414    Il n’en demeure pas moins que, aux fins de déterminer s’il existait une distorsion affectant des matières premières en Russie, la Commission a interrogé le gouvernement de la Fédération de Russie, en tant que partie intéressée, et que les informations pouvant provenir de cette partie étaient particulièrement pertinentes compte tenu, ainsi qu’il ressort notamment du considérant 215 du règlement d’exécution attaqué, de la nature des distorsions en cause (en particulier, des restrictions à l’exportation et une taxe à l’exportation), de leur impact sur les fournisseurs de gaz naturel autres que Gazprom et, donc, du fait que ces distorsions étaient susceptibles d’affecter tous les exportateurs dans ce pays, en ce compris les requérantes. Or, ce gouvernement n’a que partiellement coopéré, ainsi qu’il ressort notamment des termes du considérant 24 du règlement d’exécution provisoire, ce qui n’est pas contesté par les requérantes.

415    En conséquence, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, établir des conclusions préliminaires ou finales sur la base des données disponibles, conclusions qui pouvaient, le cas échéant, être appliquées aux requérantes.

416    En outre, la Commission a utilisé les informations fournies par les requérantes pour apprécier, en ce qui concernait ces dernières, l’existence d’une distorsion affectant les matières premières, lesquelles informations, par ailleurs, constituaient des données disponibles au sens de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base.

417    Dans ces conditions, il ne saurait être fait grief à la Commission d’avoir violé l’article 18, paragraphes 1 et 4, du règlement de base, d’autant plus que les requérantes ont eu la possibilité de commenter les conclusions provisoires de cette institution établies sur le fondement des informations dont elle disposait, notamment celles produites par les requérantes, et ainsi de contester le fait d’être concernées par la distorsion affectant le prix du gaz naturel.

418    De même, dans ces conditions, les requérantes ne sauraient valablement soutenir, en substance, qu’il n’est pas exclu que la Commission ait ignoré l’essentiel des informations qu’elles ont produites, qu’il est sans pertinence que la Commission ait examiné ces informations en tant que « données disponibles » et qu’elles n’ont bénéficié d’aucune possibilité de fournir les données qui auraient dû être obtenues de la part du gouvernement russe. S’agissant encore de l’allégation des requérantes selon laquelle la Commission a tiré des conclusions négatives du manque de coopération de ce gouvernement, elle n’est pas de nature à remettre en cause les considérations qui précèdent concernant une absence de violation de l’article 18, paragraphes 1 et 4, du règlement de base, puisqu’elle vise le bien-fondé des conclusions de la Commission.

419    Enfin, il suffit de constater que les requérantes n’ont pas étayé la prétendue violation de l’article 18, paragraphe 5, du règlement de base.

420    Partant, la présente branche doit être rejetée ainsi que le quatrième moyen dans son intégralité.

421    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’ordonner, comme le demandent les requérantes, à titre de mesure d’organisation de la procédure, la production, par la Commission, des éléments de preuve relatifs aux calculs supplémentaires de la sous-cotation et aux prix du gaz pour les producteurs de l’Union inclus dans l’échantillon, étant donné que le Tribunal a pu utilement statuer sur le recours sur la base des conclusions, moyens et arguments développés en cours d’instance et au vu des annexes déposées par les parties (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2006, Ter Lembeek/Commission, T‑217/02, EU:T:2006:361, points 249 et 250 et jurisprudence citée).

 Sur les dépens

422    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      AO Nevinnomysskiy Azot et AO Novomoskovskaya Aktsionernaya Kompania NAK “Azot” supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne et par Fertilizers Europe.

Svenningsen

Barents

Mac Eochaidh

Pynnä

 

      Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 septembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Données confidentielles occultées.