Language of document : ECLI:EU:T:2015:91

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

11 février 2015 (*) (1)

« Protection des consommateurs – Règlement (UE) n° 15/2011 – Méthodes de détection de toxines lipophiles chez les mollusques bivalves – Remplacement de la méthode de dosage biologique sur souris par la méthode de chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem (LC-MS/MS) – Article 168 TFUE – Proportionnalité – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑204/11,

Royaume d’Espagne, représenté initialement par M. M. Muñoz Pérez, puis par M. S. Martínez-Lage Sobredo et enfin par M. A. Rubio González, abogados del Estado,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Jimeno Fernández et Mme A. Marcoulli, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (UE) n° 15/2011 de la Commission, du 10 janvier 2011, modifiant le règlement (CE) n° 2074/2005 en ce qui concerne les méthodes d’analyse reconnues des biotoxines marines chez les mollusques bivalves vivants (JO L 6, p. 3),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 mars 2014,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Dispositions générales

1        L’article 168, paragraphe 1, premier alinéa, TFUE prévoit :

« Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union. »

2        L’article 168, paragraphe 4, TFUE dispose :

« Par dérogation à l’article 2, paragraphe 5, et à l’article 6, [sous] a), et conformément à l’article 4, paragraphe 2, [sous] k), le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, contribuent à la réalisation des objectifs visés au présent article en adoptant, afin de faire face aux enjeux communs de sécurité :

[…]

b)      des mesures dans les domaines vétérinaire et phytosanitaire ayant directement pour objectif la protection de la santé publique ;

[…] »

3        Le règlement (CE) n° 852/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relatif à l’hygiène des denrées alimentaires (JO L 139, p. 1), le règlement (CE) n° 853/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, fixant des règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale (JO L 139, p. 55), et le règlement (CE) n° 854/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, fixant les règles spécifiques d’organisation des contrôles officiels concernant les produits d’origine animale destinés à la consommation humaine (JO L 139, p. 206), ont été adoptés sur le fondement de l’article 152, paragraphe 4, sous b), CE [devenu l’article 168, paragraphe 4, sous b), TFUE] et s’appliquent au secteur de l’exploitation des mollusques bivalves.

4        Le chapitre V de la section VII de l’annexe III du règlement n° 853/2004 fixe les normes sanitaires applicables aux mollusques bivalves vivants. Ce chapitre prévoit notamment, s’agissant des toxines lipophiles :

« Outre le fait de veiller à la conformité avec les critères microbiologiques adoptés en application du règlement (CE) n° 852/2004, les exploitants du secteur alimentaire doivent veiller à ce que les mollusques bivalves vivants commercialisés pour la consommation humaine soient conformes aux normes énoncées dans le présent chapitre.

[…]

2. La quantité totale de biotoxines marines (mesurées dans le corps entier ou dans toute partie comestible séparément) ne doit pas dépasser les limites suivantes :

[…]

c)      pour l’acide okadaïque, les dinophysistoxines et les pectenotoxines pris ensemble, 160 microgrammes d’équivalent[-]acide okadaïque par kilogramme ;

d)      pour les yessotoxines, 1 milligramme d’équivalent[-]yessotoxines par kilogramme,

et

e)      pour les azaspiracides, 160 microgrammes d’équivalent[-]azaspiracides par kilogramme. »

5        Les mesures d’application relatives aux règlements mentionnés au point 3 ci-dessus en ce qui concerne les méthodes d’analyses reconnues des biotoxines marines sont définies dans le règlement (CE) n° 2074/2005 de la Commission, du 5 décembre 2005, établissant les mesures d’application relatives à certains produits régis par le règlement n° 853/2004 et à l’organisation des contrôles officiels prévus par les règlements n° 854/2004 et (CE) n° 882/2004 du Parlement européen et du Conseil, portant dérogation au règlement n° 852/2004 et modifiant les règlements n° 853/2004 et n° 854/2004 (JO L 338, p. 27).

6        Avant l’adoption du règlement (UE) n° 15/2011 de la Commission, du 10 janvier 2011, modifiant le règlement n° 2074/2005 en ce qui concerne les méthodes d’analyse reconnues des biotoxines marines chez les mollusques bivalves vivants (JO L 6, p. 3, ci-après le « règlement attaqué »), l’annexe III, chapitre III, point A, du règlement n° 2074/2005 prévoyait :

« 2. Un seul essai biologique sur souris avec extraction à l’acétone peut être utilisé pour détecter l’acide okadaïque, les dinophysistoxines, les pecténotoxines et les yessotoxines. Ce test peut être complété au besoin par des opérations de séparation liquide/liquide avec de l’acétate d’éthyle/eau ou du dichlorométhane/eau afin d’éliminer les interférences potentielles. La détection des azaspiracides au moyen de cette procédure à des fins réglementaires requiert l’utilisation du corps entier comme prise d’essai.

3. Trois souris doivent être utilisées pour chaque test. La mort d’au moins deux souris sur trois dans les vingt-quatre heures suivant l’inoculation d’un extrait équivalent à 5 g d’hépatopancréas ou 25 g de corps entier doit être considérée comme critère de la présence, dans des proportions supérieures aux limites fixées, d’une ou plusieurs toxines mentionnées à l’annexe III, section VII, chapitre V, points 2[, sous] c), d) et e), du règlement (CE) n° 853/2004.

[…]

5. Un dosage biologique sur rat peut être utilisé pour détecter l’acide okadaïque, les dinophysistoxines et les azaspiracides. Trois rats doivent être utilisés pour chaque test. Une réaction diarrhéique chez l’un des trois rats est considérée comme critère de la présence d’acide okadaïque, de dinophysistoxines et d’azaspiracides dans des proportions supérieures aux limites fixées à l’annexe III, section VII, chapitre V, point 2[, sous] c) et e), du règlement (CE) n° 853/2004. »

7        L’annexe III, chapitre III, point B, du règlement n° 2074/2005 prévoyait en outre :

« 1. Une série de méthodes telles que la chromatographie liquide haute performance (CLHP) avec détection fluorimétrique, la chromatographie liquide (CL), la spectrométrie de masse (SM), les immuno-essais et les tests fonctionnels, tels que le test d’inhibition de la phosphatase, peuvent être utilisées en lieu et place des méthodes biologiques ou les compléter, sous réserve que, seules ou combinées, elles permettent de détecter au moins les analogues ci-après, elles ne soient pas moins efficaces que les méthodes biologiques et que leur mise en œuvre assure un degré équivalent de protection de la santé publique :

–        acide okadaïque et dinophysistoxines : une hydrolyse peut être nécessaire pour détecter la présence de DTX3,

–        pecténotoxines : PTX1 et PTX2,

–        yessotoxines : YTX, 45 OH YTX, Homo YTX et 45 OH Homo YTX,

–        azaspiracides : AZA1, AZA2 et AZA3. 

[…]

4. Les méthodes biologiques seront remplacées par d’autres méthodes de détection dès lors que du matériel de référence concernant la détection des toxines mentionnées à l’annexe III, section [VII], chapitre V, du règlement (CE) n° 853/2004 sera facilement accessible, que ces méthodes auront été validées et que le présent chapitre aura été modifié en conséquence. »

8        L’article 4, paragraphe 1, de la directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2010, relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques (JO L 276, p. 33), prévoit :

« Les États membres veillent, dans toute la mesure du possible, à ce que soit utilisée, au lieu d’une procédure, une méthode ou une stratégie d’expérimentation scientifiquement satisfaisante, n’impliquant pas l’utilisation d’animaux vivants. »

 Règlement attaqué

9        Le considérant 3 du règlement attaqué précise que le groupe scientifique sur les contaminants de la chaîne alimentaire de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a indiqué que les dosages biologiques sur souris et sur rat − qui étaient les méthodes officielles de détection des biotoxines lipophiles − présentaient des lacunes et n’étaient pas considérés comme un outil de contrôle approprié en raison de leur capacité de détection insuffisante, de leur spécificité limitée et de la grande variabilité des résultats.

10      Au considérant 5 du règlement attaqué, il est indiqué :

« Une méthode de chromatographie liquide – spectrométrie de masse (LC-MS/MS) a été validée dans le cadre d’une étude de validation interlaboratoires menée par les États membres et coordonnée par le laboratoire de référence de l’Union européenne pour les biotoxines marines (EU-R.L.M.B.). Cette méthode peut être librement consultée sur la page web d’EU-R.L.M.B. (http://www.aesan.msps.es/fr/CRLMB/web/home.shtml). Cette technique validée de chromatographie liquide (LC) – spectrométrie de masse (MS) doit être la méthode de référence pour la détection de toxines lipophiles et être systématiquement utilisée tant pour les contrôles officiels à tous les stades de la chaîne alimentaire que pour les autocontrôles des exploitants du secteur alimentaire. »

11      L’article 1er du règlement attaqué dispose que l’annexe III du règlement n° 2074/2005 est modifiée conformément à l’annexe du règlement attaqué.

12      L’annexe du règlement attaqué contient ce qui suit :

« À l’annexe III du règlement (CE) n° 2074/2005, le chapitre III est remplacé par le texte suivant:

‘CHAPITRE III

MÉTHODES DE DÉTECTION D’ANALYSE DES TOXINES LIPOPHILES

A. Méthodes chimiques

1) La méthode EU-R.L. LC-MS/MS est la méthode de référence pour la détection des toxines marines visées à l’annexe III, section VII, chapitre V, point 2[, sous] c), d) et e), du règlement (CE) n° 853/2004. Cette méthode détermine au moins les substances suivantes:

–        groupe acide okadaïque : OA, DTX1, DTX2, DTX3, y compris leurs esters ;

–        groupe des pecténotoxines : PTX1 et PTX2 ;

–        groupe des yessotoxines : YTX, 45 OH YTX, homo YTX et 45 OH homo YTX,

–        groupe des azaspiracides : AZA1, AZA2 et AZA3.

2) L’équivalence toxique totale est calculée au moyen des facteurs d’équivalence toxique (toxicity equivalent factors, TEF) recommandés par l’EFSA.

3) Si de nouveaux analogues importants pour la santé publique sont découverts, ils doivent être inclus dans l’analyse. L’équivalence toxique totale est calculée au moyen des facteurs d’équivalence toxique (TEF) recommandés par l’EFSA.

4) D’autres méthodes, telles que la chromatographie liquide (LC) – spectrométrie de masse (MS), la chromatographie liquide haute performance (CLHP) avec la détection appropriée, les immuno-essais et les tests fonctionnels, tels que le test d’inhibition de la phosphatase, peuvent être utilisées en lieu et place de la méthode EU-R.L. LC-MS/MS, pour autant :

a)      que seules ou combinées, elles puissent détecter au moins les analogues visés au point A, 1 du présent chapitre ; le cas échéant, des critères plus appropriés sont définis ;

b)      qu’elles remplissent les critères de performance préconisés par le laboratoire de référence susmentionné. Ces méthodes devront avoir fait l’objet d’une validation interlaboratoires et avoir passé avec succès les tests effectués dans le cadre d’un programme reconnu de tests d’efficacité. L’EU-R.L. soutient les activités visant une validation interlaboratoires de la technique en vue d’une normalisation officielle ;

c)      que leur application assure un degré équivalent de protection de la santé publique.

B. Méthodes biologiques

1) Afin que les États membres puissent adapter leurs méthodes à la méthode LC-MS/MS définie au point A 1 du présent chapitre, diverses procédures de dosage biologique sur souris, qui diffèrent par la prise d’essai (hépatopancréas ou corps entier) et par les solvants utilisés pour l’extraction et la purification, peuvent être appliquées jusqu’au 31 décembre 2014 pour détecter les toxines marines visées à l’annexe III, section VII, chapitre V, point 2[, sous] c), d) et e), du règlement (CE) n° 853/2004.

2) La sensibilité et la spécificité dépendent du choix des solvants utilisés pour l’extraction et la purification et il convient d’en tenir compte au moment du choix de la méthode, afin de couvrir la gamme complète des toxines.

3) Un seul essai biologique sur souris avec extraction à l’acétone peut être utilisé pour détecter l’acide okadaïque, les dinophysistoxines, les azaspiracides, les pecténotoxines et les yessotoxines. Au besoin, cet essai peut être complété par des opérations de séparation liquide/liquide avec de l’acétate d’éthyle/eau ou du dichlorométhane/eau afin d’éliminer les interférences potentielles.

4) Trois souris doivent être utilisées pour chaque test. La mort d’au moins deux souris sur trois dans les vingt-quatre heures suivant l’inoculation d’un extrait équivalent à 5 g d’hépatopancréas ou à 25 g de corps entier doit être considérée comme un critère de la présence, dans des proportions supérieures aux limites fixées, d’une ou de plusieurs toxines mentionnées à l’annexe III, section VII, chapitre V, point 2[, sous] c), d) et e), du règlement (CE) n° 853/2004.

5) Un dosage biologique sur souris avec une extraction à l’acétone suivie d’une séparation liquide/liquide avec de l’éther diéthylique peut être utilisé pour détecter l’acide okadaïque, les dinophysistoxines, les pecténotoxines et les azaspiracides, mais il ne peut pas être utilisé pour la détection des yessotoxines en raison de l’élimination possible de ces toxines au cours de la phase de séparation. Trois souris doivent être utilisées pour chaque test. La mort d’au moins deux souris sur trois dans les vingt-quatre heures suivant l’inoculation d’un extrait équivalent à 5 g d’hépatopancréas ou à 25 g de corps entier doit être considérée comme un critère de la présence d’acide okadaïque, de dinophysistoxines, de pecténotoxines et d’azaspiracides dans des proportions supérieures aux limites fixées à l’annexe III, section VII, chapitre V, point 2[, sous] c) et e), du règlement (CE) n° 853/2004.

6) Un dosage biologique sur rat peut être utilisé pour détecter l’acide okadaïque, les dinophysistoxines et les azaspiracides. Trois rats doivent être utilisés pour chaque test. Une réaction diarrhéique chez l’un des trois rats doit être considérée comme un critère de la présence d’acide okadaïque, de dinophysistoxines et d’azaspiracides dans des proportions supérieures aux limites fixées à l’annexe III, section VII, chapitre V, point 2[, sous] c) et e), du règlement (CE) n° 853/2004.

C. Après la période fixée au point B 1. du présent chapitre, le dosage biologique sur souris est utilisé uniquement pour le contrôle périodique des zones de production et de reparcage destiné à la détection de toxines marines nouvelles ou inconnues sur la base des programmes de contrôle nationaux élaborés par les États membres.’ »

 Faits

13      La Communauté autonome de Galice (Espagne) est une des principales régions d’Europe et du monde de production de mollusques bivalves.

14      Les mollusques bivalves peuvent être contaminés par des toxines marines dont la présence est souvent due à de hautes concentrations en phytoplancton toxique dans la mer, également appelées « marées rouges ».

15      Afin de protéger la santé publique, il est exigé que les zones de production de mollusques bivalves vivants destinés à la consommation humaine soient soumises à des contrôles périodiques visant à garantir l’absence de toxines marines. Les toxines lipophiles constituent un groupe spécifique de toxines marines.

16      Le 5 décembre 2005, la Commission des Communautés européennes a adopté le règlement n° 2074/2005, qui prévoyait que la méthode dite du « dosage biologique » constituait la méthode de référence pour détecter certaines toxines, dont les toxines lipophiles, au sein des coquillages. Cette méthode consistait essentiellement à injecter à des souris des extraits obtenus à partir de la chair de mollusques. La mort de souris dans un laps de temps de 24 heures après l’injection permettait de détecter l’éventuelle présence de substances toxiques pour l’homme.

17      En juillet 2006, la Commission a demandé à l’EFSA de rendre un avis scientifique sur les limites imposées en vue de la protection de la santé humaine et sur les méthodes d’analyse de différentes biotoxines marines visées par la législation de l’Union, en ce compris des toxines d’apparition récentes.

18      Le 13 août 2009, le panel sur les contaminants dans la chaîne alimentaire de l’EFSA (ci-après le « panel de l’EFSA ») a adopté un avis scientifique sur les biotoxines marines dans les coquillages [Scientific Opinion of the Panel on Contaminants in the Food Chain on a request from the European Commission on marine Biotoxins in Shellfish – Summary on regulated marine biotoxins. The EFSA Journal (2009) 1306, p. 1 à 23]. Dans cet avis, le panel de l’EFSA a notamment considéré que la méthode de dosage biologique sur les souris (ci-après la « méthode biologique ») n’était pas une méthode de contrôle appropriée en raison de la grande variabilité des résultats, de sa capacité de détection insuffisante et de sa spécificité limitée.

19      Une méthode alternative à la méthode du dosage biologique est la méthode de chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem (ci-après la « méthode LC-MS/MS »). Cette méthode est une méthode d’analyse chimique fondée sur une extraction et une analyse des toxines des tissus. La méthode LC-MS/MS a été validée dans le cadre d’une étude de validation interlaboratoires menée par les États membres et coordonnée par le laboratoire de référence de l’Union européenne pour les biotoxines marines (ci-après le « LRUEBM »).

20      Le 17 novembre 2010, le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale s’est réuni et s’est prononcé sur le projet de règlement de la Commission modifiant le règlement n° 2074/2005 afin de remplacer la méthode biologique par la méthode LC-MS/MS. Tous les membres de ce comité ont approuvé ce projet à l’exception du représentant du Royaume d’Espagne, qui s’est abstenu.

21      Le 10 janvier 2011, la Commission a adopté le règlement attaqué qui modifie l’annexe III du règlement n° 2074/2005 en imposant la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence pour la détection de toxines lipophiles marines chez les mollusques bivalves vivants.

 Procédure et conclusions

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 avril 2011, le Royaume d’Espagne a introduit le présent recours.

23      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

24      Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal (quatrième chambre) a invité les parties à répondre à certaines questions. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti.

25      Lors de l’audience, le Tribunal a demandé aux parties de répondre par écrit à certaines questions. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti et ont présenté leurs observations sur la réponse de l’autre partie.

26      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

 En droit

 Considérations liminaires

28      Le Royaume d’Espagne invoque trois moyens à l’appui du recours. Par le premier moyen, il invoque, en substance, une violation de l’article 168 TFUE et du principe de proportionnalité en raison du choix, par le règlement attaqué, de la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence pour la détection de toxines lipophiles dans des mollusques bivalves vivants destinés à la consommation humaine. Par un deuxième moyen, il invoque, en substance, une violation du principe de proportionnalité en raison de l’absence de prise en compte de l’impact économique de l’imposition de la méthode LC-MS/MS sur le secteur de production concerné. Enfin, par un troisième moyen, il invoque une violation du principe de confiance légitime compte tenu du non-respect des conditions prévues pour l’imposition de la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence.

29      Au vu de ces moyens, le Tribunal appréciera, d’abord, le grief fondé sur une violation de l’article 168 TFUE. Ensuite, il analysera l’ensemble des griefs fondés sur la violation du principe de proportionnalité invoquée dans les premier et deuxième moyens et, enfin, il examinera le grief tiré de la violation du principe de confiance légitime.

30      Par ailleurs, en ce qui concerne l’appréciation des moyens invoqués, il convient de rappeler que les institutions de l’Union jouissent d’un large pouvoir d’appréciation dans la mise en œuvre des mesures à prendre pour la protection de la santé humaine. En outre, il a déjà été jugé qu’elles disposaient, en matière de politique agricole commune, d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concernait la définition des objectifs poursuivis et le choix des instruments d’action appropriés (voir arrêt du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, Rec, EU:T:2002:209, point 166 et jurisprudence citée).

31      Ce large pouvoir d’appréciation implique un contrôle limité de la part du juge de l’Union. En effet, ledit pouvoir d’appréciation a pour conséquence que le contrôle du juge quant au fond se limite à examiner si l’exercice par les institutions de leurs compétences n’est pas entaché d’une erreur manifeste, s’il n’y a pas eu un détournement de pouvoir ou encore si elles n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation [arrêts du 9 septembre 2003, Monsanto Agricoltura Italia e.a., C‑236/01, Rec, EU:C:2003:431, point 135 ; du 15 octobre 2009, Enviro Tech (Europe), C‑425/08, Rec, EU:C:2009:635, point 47, et du 9 septembre 2011, France/Commission, T‑257/07, Rec, EU:T:2011:444, point 85].

32      S’agissant de l’examen par le juge de l’Union de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation entachant un acte d’une institution, il convient de préciser que, afin d’établir que cette institution a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation dudit acte, les éléments de preuve apportés par le requérant doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, Rec, EU:T:1996:195, point 59, et du 28 février 2012, Grazer Wechselseitige Versicherung/Commission, T‑282/08, EU:T:2012:91, point 158). Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de cette décision [arrêts Enviro Tech (Europe), point 31 supra, EU:C:2009:635, point 47, et du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, Rec, EU:T:2008:29, point 221].

33      Toutefois, la limitation du contrôle du juge de l’Union n’affecte pas le devoir de celui-ci de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence ainsi que de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, Rec, EU:C:2007:698, point 57, et du 6 novembre 2008, Pays-Bas/Commission, C‑405/07 P, Rec, EU:C:2008:613, point 55).

34      En outre, il y a lieu de rappeler que, dans les cas où une institution dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance fondamentale. La Cour a eu l’occasion de préciser que, parmi ces garanties, figurent notamment pour l’institution compétente l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et celle de motiver sa décision de façon suffisante (arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec, EU:C:1991:438, point 14 ; du 7 mai 1992, Pesquerias De Bermeo et Naviera Laida/Commission, C-258/90 et C‑259/90, Rec, EU:C:1992:199, point 26 ; Pays-Bas/Commission, point 31 supra, EU:C:2008:613, point 56, et France/Commission, point 31 supra, EU:T:2011:444, point 88).

 Sur la violation de l’article 168 TFUE

 Introduction

35      Le Royaume d’Espagne estime, en substance, que le règlement attaqué viole l’article 168 TFUE dans la mesure où le remplacement de la méthode biologique par la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence pour la détection des toxines lipophiles porte gravement préjudice à la protection de la santé publique. La Commission conteste cette allégation et estime, au contraire, que l’introduction de la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence par le règlement attaqué est une mesure nécessaire pour garantir un degré élevé de protection de la santé humaine en ce qui concerne la consommation de mollusques bivalves vivants.

36      À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que l’article 168 TFUE impose aux institutions de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union.

37      Ensuite, il y a lieu d’observer que, en l’espèce, le panel de l’EFSA a considéré, dans son avis du 13 aout 2009 (voir point 18 ci-dessus), que certaines valeurs limites en matière de biotoxines marines imposées par la législation de l’Union ne permettaient pas de protéger à suffisance les consommateurs.

38      Par ailleurs, s’agissant de la méthode de détection des toxines marines lipophiles, le panel de l’EFSA a considéré ce qui suit :

« […L]a capacité du dosage biologique sur souris à détecter les toxines du groupe AO à la valeur limite réglementaire européenne actuelle est insuffisante et conduit à des faux négatifs lors des contrôles officiels.

[…] À des concentrations inférieures à la valeur limite réglementaire, le groupe YTX peut entraîner des résultats positifs dans le protocole du dosage biologique sur souris utilisé pour les toxines du groupe AO.

[…] D’autres composés bioactifs non réglementées (par exemple les spirolides, les gymnodimines, les acides gras, etc.) ont également été signalés comme entraînant des résultats positifs dans le dosage biologique sur souris.

[…] Le dosage biologique sur souris ne permet pas de détecter des concentrations en toxines des groupes AO, AZA et PTX en dessous de leur valeur limite réglementaire européenne actuelle.

[…] Depuis la publication de l’avis de l’EFSA sur les toxines du groupe AZA, des informations sur la capacité du dosage biologique sur souris pour les toxines lipophiles à détecter les toxines du groupe AZA sont devenues disponibles [...]Le document indique que le dosage biologique sur souris, dans sa forme harmonisée, permet de détecter les toxines du groupe AZA, à la valeur réglementaire européenne actuelle de 160 µg/kg de chair de mollusques, selon une probabilité de 95 %. Cela semble suffisant pour l’application de la limite officielle actuelle pour les toxines du groupe AZA. Les auteurs notent également que, du fait de l’obliquité de la courbe dose réponse, le test n’a qu’une probabilité de détection d’environ 5 % à 80 µg/kg de chair de mollusques. Cela montre clairement que le dosage biologique sur souris pour les toxines lipophiles n’est pas un outil approprié pour l’application de toute valeur limite inférieure à 160 µg/kg de chair de mollusques et que le test n’est pas en mesure de fournir des informations à des valeurs proches de la limite réglementaire, ce qui peut être important dans le cadre des effets de la transformation. »

39      Sur la base de ces éléments, le panel de l’EFSA a conclu non seulement que les valeurs limites reprises dans le cadre réglementaire notamment pour les substances AO et AZA n’étaient pas suffisamment protectrices, mais également ce qui suit :

« Le dosage biologique sur souris pour les toxines lipophiles comporte des lacunes et n’est pas considéré comme un outil approprié à des fins de contrôle en raison de la grande variabilité dans les résultats, de la capacité de détection insuffisante et de la spécificité limitée.

[…] Le dosage biologique sur souris ne permet pas de détecter des concentrations considérablement inférieures aux niveaux européens actuels. Par conséquent, les effets des biotoxines lipophiles sur la transformation en vue de la commercialisation ne peuvent être contrôlés en utilisant le dosage biologique sur souris. Puisque les valeurs limites pour les biotoxines marines dans la chair de mollusques visent à protéger le consommateur, l’effet de la transformation doit être pris en considération lors du test sur le mollusque pendant le contrôle officiel. »

40      Par ailleurs, s’agissant de la méthode LC-MS/MS, le panel de l’EFSA a considéré :

« Pour les biotoxines lipophiles, la méthode multi toxines fondée sur la chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem est spécifique, a des limites de détection suffisantes et donc le plus grand potentiel pour remplacer les tests biologiques sur les mammifères. »

41      Compte tenu de ces appréciations scientifiques du panel de l’EFSA, la méthode biologique devait être considérée comme inappropriée pour la détection des toxines lipophiles connues. En particulier, pour les toxines OA, cette méthode était susceptible d’aboutir à de faux résultats négatifs (voir point 38 ci-dessus). Le maintien de la méthode biologique pour la détection de toxines lipophiles crée donc un risque pour la santé publique. La Commission, en tant qu’instance responsable de l’adoption de mesures afin de préserver un niveau élevé de protection de la santé publique, était donc tenue de prendre sans tarder des mesures à cette fin.

42      Le Royaume d’Espagne estime cependant que la décision de remplacer la méthode biologique par la méthode LC-MS/MS a été prise de façon précipitée.

43      À cet égard, il y a lieu d’observer que, compte tenu des limitations de la méthode biologique, la Commission devait prendre des mesures sans tarder.

44      En outre, si, dans son avis du 13 août 2009, le panel de l’EFSA a uniquement indiqué que la méthode LC-MS/MS était la méthode ayant le plus grand potentiel pour remplacer la méthode biologique, il convient de souligner que la méthode LC-MS/MS a été validée à la suite d’une étude de validation interlaboratoires menée par les États membres et coordonnée par le LRUEBM.

45      Partant, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir décidé de façon précipitée du remplacement de la méthode biologique par la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence pour la détection des toxines lipophiles reprises dans l’annexe III du règlement n° 2074/2005.

46      Le Royaume d’Espagne avance en outre cinq motifs à l’appui de l’allégation selon laquelle la décision de remplacer la méthode biologique par la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence a entraîné un risque plus important pour la santé publique. Premièrement, la méthode LC‑MS/MS entraînerait une réduction du nombre d’échantillons pouvant être analysés dans un même laps de temps. Deuxièmement, le coût supérieur de la méthode LC-MS/MS inciterait les opérateurs à réduire le nombre des autocontrôles effectués. Troisièmement, la méthode LC‑MS/MS serait sujette à l’« effet matrice » qui affecterait sa capacité de détection. Quatrièmement, à la différence de la méthode biologique, la méthode LC-MS/MS ne permettrait pas de détecter des toxines nouvelles ou inconnues. Enfin, cinquièmement, le matériel de référence certifié nécessaire à l’utilisation de la méthode LC-MS/MS ne serait pas disponible pour cinq des treize toxines mentionnées dans l’annexe III, chapitre III, point A, du règlement n° 2074/2005 reprise dans le règlement attaqué et le recours à des systèmes tels que l’« estimated relative molar response » (réponse molaire relative estimée) pour pallier l’absence de matériaux de référence impliquerait un important degré de variabilité.

47      Le Tribunal analysera chacun de ces motifs ci-après.

 Sur le temps d’analyse de la méthode LC-MS/MS

48      D’après le Royaume d’Espagne, la méthode LC-MS/MS permettrait un nombre plus restreint de contrôles par rapport à la méthode biologique dans un laps de temps de 48 heures. La réduction du nombre de contrôles possibles qu’impliquerait l’usage de la méthode LC-MS/MS entraînerait un risque accru pour la santé publique. La Commission conteste que la méthode LC/MS/MS entraîne une réduction du nombre de contrôles possibles en 48 heures par rapport à la méthode biologique.

49      À cet égard, il y a lieu d’observer, tout d’abord, que le temps d’analyse de chacune des méthodes diffère sans qu’il puisse être considéré qu’une méthode prend toujours plus de temps que l’autre.

50      En effet, s’agissant de la méthode biologique, dans l’hypothèse du recours à des souris pour la mise en œuvre des tests, il ressort de l’annexe III, chapitre III, point A, paragraphe 3, du règlement n° 2074/2005, dans sa version en vigueur avant l’adoption du règlement attaqué, que « [l]a mort d’au moins deux souris sur trois dans les vingt-quatre heures suivant l’inoculation d’un extrait équivalent à 5 g d’hépatopancréas ou 25 g de corps entier doit être considérée comme critère de la présence, dans des proportions supérieures aux limites fixées, d’une ou plusieurs toxines mentionnées à l’annexe III, section VII, chapitre V, points 2[, sous] c), d) et e), du règlement (CE) n° 853/2004 ».

51      Ainsi, le temps d’analyse selon la méthode biologique dépend du facteur variable que constitue la mort d’au moins deux souris sur trois dans les 24 heures suivant l’inoculation. Ce temps peut être supérieur à 24 heures lorsqu’est pris en compte le temps de préparation de l’extrait à inoculer et que les souris ne meurent pas. Il peut également être nettement inférieur à 24 heures si deux souris meurent peu de temps après l’inoculation.

52      S’agissant de la méthode LC-MS/MS, il ressort du rapport de l’unité de biotoxines de l’Instituto tecnolóxico para o control do medio mariño de Galicia (Intecmar, Institut technologique pour le contrôle du milieu marin en Galice) du 1er septembre 2011, qui contient une évaluation du temps d’analyse requis pour cette méthode, que, pour dix échantillons, le temps d’analyse pour les toxines lipophiles est de près de 18 heures (718 minutes + 324 minutes).

53      Partant, au vu de ce qui précède, il ne peut être exclu que, dans certains cas, le temps d’analyse pour dix échantillons avec la méthode LC-MS/MS soit inférieur à celui nécessaire pour analyser les mêmes dix échantillons avec la méthode biologique. En effet, si, lors de l’analyse avec la méthode biologique, les souris meurent plus de 18 heures après l’inoculation ou si elles ne meurent pas, l’analyse selon la méthode LC-MS/MS est plus rapide.

54      Ensuite et en tout état de cause, dans un rapport précédent de l’unité de biotoxines de l’Intecmar du 4 mars 2011, il a certes été considéré qu’avec la méthode biologique il était possible d’analyser 40 échantillons en 48 heures, alors qu’avec la méthode LC-MS/MS, au cours de la même période de 48 heures, il n’était possible d’analyser que 20 échantillons au maximum.

55      Toutefois, l’Intecmar a précisé, dans le premier rapport du 4 mars 2011, que la limitation de la capacité d’analyse de la méthode LC/MS-MS à 20 échantillons sur une période de 48 heures était liée au fonctionnement optimal et simultané de deux équipes. Ainsi, en admettant que les chiffres avancés par l’Intecmar soient corrects, un doublement des équipes et de l’appareillage permettrait de traiter le même nombre d’échantillons avec la méthode LC-MS/MS qu’avec la méthode biologique dans une période de 48 heures.

56      Il s’ensuit que la limitation de la méthode LC-MS/MS alléguée par le Royaume d’Espagne n’est pas due au temps que nécessite l’analyse des échantillons par l’intermédiaire de cette méthode, mais bien aux ressources techniques et humaines mises à disposition afin d’effectuer lesdites analyses avec cette méthode.

57      Par conséquent, le Royaume d’Espagne ne démontre pas à suffisance de droit qu’il existe une différence entre le temps d’analyse de la méthode LC-MS/MS et celui de la méthode biologique qui est à l’origine d’un risque pour la santé publique.

58      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le Royaume d’Espagne sur la base de l’argument selon lequel il est possible avec la méthode biologique de « paralléliser » les essais, c’est-à-dire de procéder en parallèle à des injections, par groupe de trois souris, d’extraits provenant de mollusques et d’avoir les résultats de ces injections au plus tard après 24 heures, alors qu’une telle possibilité n’existe pas avec la méthode LC-MS/MS, dès lors que cette dernière suppose l’examen consécutif de quatre échantillons, c’est-à-dire que l’un doit être introduit après l’autre dans un appareil de chromatographie.

59      En effet, interrogé à cet égard lors de l’audience, le Royaume d’Espagne a indiqué qu’il était également possible de procéder à des analyses simultanées avec la méthode LC-MS/MS, mais que cela impliquait un plus grand nombre d’équipements et, par conséquent, des coûts plus importants.

60      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le Royaume d’Espagne invoque à tort la longueur des analyses faites au moyen de la méthode LC-MS/MS par rapport à celles faites par l’intermédiaire de la méthode biologique pour alléguer que le règlement attaqué viole l’article 168 TFUE.

 Sur les coûts de la méthode LC-MS/MS

61      Le Royaume d’Espagne estime, en substance, que le coût plus important de la méthode LC-MS/MS entraînera une diminution de la protection de la santé publique, car l’augmentation des coûts liée à la méthode LC-MS/MS inciterait les entreprises à réduire le nombre des autocontrôles.

62      D’après le Royaume d’Espagne, la méthode LC-MS/MS impliquerait une augmentation du coût par échantillon d’au moins 60 % par rapport au coût de la méthode biologique. À l’appui de cette allégation, le Royaume d’Espagne invoque, d’une part, un rapport final de la Junta nacional asesora de cultivos marinos (Jacumar, Conseil national consultatif de l’aquaculture marine), du 23 mars 2011, issu du sous-projet intitulé « Évaluation de l’impact des méthodes et niveaux utilisés pour le contrôle des toxines dans les moules », mené dans le cadre du projet « Culture des mytilidés : expansion et durabilité » de la Jacumar (ci-après le « rapport Jacumar ») et, d’autre part, un rapport de l’année 2010 de l’Agencia chilena para la inocuidad alimentaria (Agence chilienne pour l’innocuité alimentaire) intitulé « Informe anual de seguimiento y evaluación, programa nacional integrado de marea roja o floraciones algales nocivas, año 2010 » (Rapport annuel de suivi et d’évaluation, programme national intégré sur la marée rouge et les efflorescences d’algales nocives, année 2010, ci-après le « rapport chilien »).

63      La Commission conteste cette argumentation en invoquant notamment des évaluations des coûts desdites méthodes provenant d’agences ou d’acteurs anglais, à savoir l’évaluation du 18 octobre 2011 réalisée par le Centre for Environment, Fisheries & Aquaculture Science (CEFAS), canadien, à savoir l’évaluation du 18 octobre 2011 réalisée par le Canadian Food Inspection Agency (CFIA), et néo-zélandais, à savoir l’évaluation réalisée le 27 octobre 2011 par le Cawthron Institute (ci-après l’« évaluation du Cawthron Institute »).

64      À la suite de questions écrites posées par le Tribunal, les parties ont apporté certaines précisions à propos des coûts des méthodes en cause. Le Royaume d’Espagne a joint à ses réponses l’étude intitulée « Evaluación del impacto de los métodos y niveles utilizados para el control de toxinas en el mejillón », réalisée par les auteurs J. Blanco, J. Correa, S. Muniz, C. Marino, H. Martín et F. Arévalo et publiée en 2013 dans la Revista galega dos recursos marinos (art. inf. techn., 3 : p. 1-55).

65      Au vu de ces arguments, il y a tout d’abord lieu de constater que, dans le rapport chilien, la différence de coûts entre les méthodes en cause ne repose que sur des approximations. En outre, ce rapport ne précise pas les différents composants des coûts qui ont été pris en compte. Il ne permet donc pas d’apprécier, même sommairement, la pertinence des coûts pris en compte dans le cadre de la présente affaire. Il s’ensuit que le rapport chilien ne permet pas de démontrer à suffisance de droit la différence de coûts alléguée par le Royaume d’Espagne.

66      Ensuite, il y a lieu d’observer que, dans le rapport Jacumar, il a été considéré que le coût de l’analyse de 100 échantillons par semaine pour la détection de toxines diarrhéiques s’élevait, respectivement, à 46,06 euros par échantillon lorsque ladite détection était faite par le biais de la méthode biologique et à 76,32 euros par échantillon lorsque ladite détection était faite par le biais de la méthode LC/MS-MS. Sur cette base, le Royaume d’Espagne a considéré que la méthode LC-MS/MS impliquait un surcoût d’au moins 60 % par rapport à la méthode biologique.

67      Dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, le Royaume d’Espagne a précisé que l’analyse de 100 échantillons par semaine représentait plus ou moins la charge de travail du système de contrôle galicien effectué par Intecmar. Par ailleurs, sur la base de l’étude publiée en 2013 dans la Revista galega dos recursos marinos (voir point 64 ci-dessus), le Royaume d’Espagne a exposé les différents composants des coûts en question. Ces derniers comprennent, d’une part, pour les coûts de matériel, les coûts d’installation et des accessoires, d’entretien des installations, des consommables pour l’entretien, du matériel pour la préparation des échantillons, des réactifs, du matériel d’analyse, d’élimination des résidus ainsi que de certification et, d’autre part, pour les coûts de personnel, les coûts liés au bien-être animal, à l’étalonnage et aux ajustements, à la préparation des échantillons, à l’analyse ainsi qu’à l’évaluation des résultats et aux contrôles de qualité.

68      Cette évaluation des coûts ne peut être remise en cause par les différentes évaluations des coûts avancées par la Commission.

69      En effet, en ce qui concerne l’évaluation réalisée par le CEFAS, il en ressort, certes, que le ratio des coûts pour les méthodes en cause s’établit à 0,9 pour la méthode LC-MS/MS, contre 1 pour la méthode biologique. Toutefois, cette évaluation n’expose pas sur quelle base le CEFAS a établi ce ratio au motif que les informations ayant trait aux prix sont des informations commercialement sensibles. Il ne permet donc pas de comprendre pour quelle raison les appréciations contenues dans le rapport Jacumar seraient erronées. Il ne suffit dès lors pas à remettre en cause la pertinence du rapport Jacumar.

70      En ce qui concerne l’évaluation réalisée par le CFIA, il ne ressort pas de l’analyse de ce dernier que les coûts de matériels autres que les consommables ont été pris en compte. En outre, cette évaluation ne précise pas suffisamment les différentes composantes des coûts pris en considération de manière à démontrer le caractère erroné du rapport Jacumar. Partant, l’analyse des coûts réalisée par le CFIA ne suffit pas à remettre en cause le rapport Jacumar.

71      En ce qui concerne l’évaluation du Cawthron Institute, force est de constater que, dans cette évaluation, le prix pour la méthode biologique n’est qu’une estimation non détaillée, car le Cawthron Institute n’a pas de clients utilisant cette méthode d’analyse. Partant, la comparaison des coûts faite par le Cawthron Institute ne suffit pas pour remettre en cause la comparaison des coûts faite par l’étude Jacumar.

72      Ainsi, le Royaume d’Espagne a, à juste titre, considéré que les évaluations des coûts des méthodes en cause fournies par la Commission ne contenaient pas de données suffisamment vérifiables et n’étaient pas aussi rigoureuses que celles qu’il avait fournies.

73      Il convient cependant également d’observer que, dans ses écritures, le Royaume d’Espagne n’a pas exposé avec précision quelle était la méthodologie choisie pour évaluer certains coûts qu’impliquait chacune des méthodes en cause. En particulier, le Royaume d’Espagne n’a pas explicité comment était calculé l’amortissement du matériel, alors que la différence de coûts entre les méthodes en cause concerne principalement le coût du matériel.

74      En outre et en tout état de cause, même s’il est avéré que la méthode LC-MS/MS implique un coût plus important pour les exploitants du secteur des mollusques bivalves vivants en Galice, pour les motifs exposés ci-après, c’est à tort que le Royaume d’Espagne déduit de ce surcoût un risque accru pour la santé publique.

75      À cet égard, il importe d’indiquer que le Royaume d’Espagne allègue, en particulier, que le marché en cause est un marché où la demande des entreprises de conserveries détermine le prix de sorte que les opérateurs ne pourront pas répercuter les coûts additionnels des autocontrôles sur les consommateurs finaux. Il s’ensuit, selon le Royaume d’Espagne, que l’augmentation du coût des contrôles entraînera une réduction des autocontrôles par les opérateurs dudit secteur et, donc, un risque accru pour la santé publique. À l’appui de cet argument, le Royaume d’Espagne invoque l’article 5 du règlement n° 852/2004.

76      Compte tenu de cette argumentation, en premier lieu, il y a lieu d’observer que, si l’article 5, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous d), du règlement n° 852/2004 impose aux exploitants du secteur alimentaire la mise en place, l’application et le maintien de procédures, notamment, de surveillance efficace des points critiques de contrôle, le paragraphe 3 du même article précise que cette exigence ne s’impose pas aux producteurs de produits primaires et aux opérateurs connexes.

77      Or, les producteurs du secteur des mollusques bivalves sont des producteurs de produits primaires. Cette qualification des producteurs du secteur des mollusques bivalves a d’ailleurs été confirmée par les parties lors de l’audience. Par conséquent, c’est à tort que le Royaume d’Espagne allègue, sur la base de l’article 5 du règlement n° 852/2004, que l’imposition de la méthode LC-MS/MS entraîne une augmentation du risque de la santé publique en raison d’un risque de baisse des autocontrôles par les producteurs de mollusques bivalves vivants.

78      Cependant, l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 852/2004 impose aux exploitants du secteur alimentaire effectuant une production primaire de se conformer notamment aux exigences spécifiques du règlement n° 853/2004. Ce dernier prévoit dans son annexe III, section VII, chapitre V, que les exploitants du secteur alimentaire doivent veiller à ce que les mollusques bivalves vivants commercialisés pour la consommation humaine ne contiennent pas une quantité totale de biotoxines supérieures à 160 microgrammes d’équivalent-acide okadaïque par kilogramme, 1 milligramme d’équivalent-yessotoxines par kilogramme et 160 microgrammes d’équivalent-azaspiracides par kilogramme. En outre, le considérant 5 du règlement attaqué précise que la méthode LC-MS/MS, en tant que méthode de référence, doit être systématiquement utilisée tant pour les contrôles officiels que pour les autocontrôles des exploitants du secteur alimentaire.

79      En deuxième lieu, il convient d’observer que même s’il devait être considéré, sur la base du rapport du groupe de recherche en économie halieutique du département d’économie appliquée de la faculté de sciences économiques et de l’entreprise de l’université de Saint-Jacques-de-Compostelle, datant de l’année 2011 et produit en tant qu’annexe de la requête, que le marché de la production des mollusques bivalves en Galice est dominé par les entreprises de conserveries de manière telle qu’une augmentation des coûts de production due à une nouvelle méthode de contrôle ne pourrait être répercutée sur les consommateurs finaux, il ne s’ensuit pas nécessairement que les producteurs et les autres exploitants des mollusques bivalves vivants limiteraient le nombre de contrôles qu’ils sont tenus d’effectuer. En effet, le surcoût généré par la nouvelle méthode de contrôle pourrait également inciter lesdits opérateurs à dénoncer devant les autorités compétentes la domination des entreprises de conserveries si lesdits opérateurs la considèrent comme abusive ou à adapter la taille de leur exploitation. Concernant ce dernier point, il y a lieu d’observer que le Royaume d’Espagne indique lui-même, en se fondant sur les paragraphes 3 et 4 des conclusions du rapport de l’université de Saint-Jacques-de-Compostelle, que les surcoûts liés à l’introduction de la méthode LC-MS/MS se traduiront probablement par une réduction de la main-d’œuvre employée dans ledit secteur. Partant, la déduction selon laquelle les exploitants du secteur des mollusques bivalves vivants ne respecteraient pas leurs obligations de procéder à des autocontrôles faute de pouvoir répercuter les coûts sur les consommateurs finaux est spéculative.

80      En troisième lieu et en tout état de cause, indépendamment des autocontrôles devant être effectués par les exploitants du secteur des mollusques bivalves vivants, il y a lieu d’observer que les États membres ont l’obligation d’effectuer des contrôles afin de veiller au respect des normes sanitaires et, en particulier, à ce que les limites de biotoxines marines lipophiles imposées par l’annexe III, chapitre V, section VII, règlement n° 853/2004 ne soient pas dépassées.

81      L’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 854/2004 impose ainsi aux États membres d’effectuer les contrôles officiels permettant de s’assurer que les exploitants du secteur alimentaire respectent les exigences prévues par les règlements n° 852/2004, n° 853/2004 et (CE) n° 1774/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 3 octobre 2002, établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine (JO L 273, p. 1).

82      L’article 4, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 854/2004, lu en combinaison avec l’article 6 dudit règlement, précise cette obligation en indiquant que les États membres doivent veiller à ce que la production et la mise sur le marché de mollusques bivalves soient soumises à des contrôles officiels tels que prévus à l’annexe II du même règlement. Cette annexe prévoit, à son tour, que, après que l’autorité compétente des États membres a classé les zones de production et de reparcage, ces zones doivent être contrôlées à intervalles réguliers afin de vérifier, notamment, la présence possible de plancton toxicogène dans les eaux de production et de reparcage ainsi que de biotoxines dans les mollusques bivalves vivants [voir, à ce titre, annexe II, chapitre II, point B, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 854/2004].

83      Cette obligation des États membres de procéder aux contrôles en question afin de garantir un niveau de protection de la santé publique adéquat ne peut être affectée par l’obligation qu’auraient les exploitants dudit secteur de procéder à des autocontrôles. En ce sens, le considérant 13 du règlement n° 852/2004 indique que le système de l’analyse des risques et de maîtrise des points critiques par les exploitants du secteur alimentaire ne devrait pas être considéré comme un mécanisme d’autoréglementation et ne devrait pas remplacer les contrôles officiels.

84      Enfin, si l’annexe II, chapitre II, point F, du règlement n° 854/2004 prévoit que l’autorité compétente peut prendre en compte les contrôles réalisés par les exploitants du secteur alimentaire ou par des organisations qui les représentent en vue de se prononcer sur le classement, l’ouverture ou la fermeture des zones de production de mollusques bivalves vivants, il y a lieu d’observer qu’il ne s’agit que d’une faculté de prise en compte qui n’exempte nullement l’autorité compétente de procéder aux contrôles officiels. En outre, une telle faculté n’est envisageable que pour autant que l’autorité compétente estime que lesdits contrôles sont fiables. Dès lors que le Royaume d’Espagne met lui-même en doute la tenue des autocontrôles requis pas les exploitants du secteur des mollusques bivalves vivants, il ne peut faire usage de la faculté en cause.

85      Ainsi, même dans le cas où les surcoûts qu’entraîne l’utilisation de la méthode LC-MS/MS mettraient effectivement en péril la fiabilité des autocontrôles effectués par les exploitants du secteur des mollusques bivalves vivants, comme le prétend le Royaume d’Espagne, l’autorité espagnole compétente pour les contrôles officiels des mollusques bivalves vivants ne pourrait en aucun cas prendre en compte les résultats des autocontrôles effectués par le secteur en vue de se prononcer sur la mise sur le marché desdits mollusques. L’autorité espagnole compétente reste tenue à son obligation de procéder aux contrôles officiels afin de vérifier la présence possible de biotoxines dans les mollusques bivalves vivants destinés à la consommation humaine.

86      En conclusion, il y a lieu de considérer que le respect par les exploitants du secteur des mollusques bivalves vivants de leurs obligations de procéder à des autocontrôles ne peut affecter l’obligation des États membres de procéder aux contrôles officiels requis. Il s’ensuit que l’invocation de circonstances qui seraient susceptibles d’affecter la fiabilité des autocontrôles par les exploitants du secteur des mollusques bivalves vivants ne suffit pas pour démontrer un risque accru pour la santé humaine.

87      Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de considérer que le Royaume d’Espagne n’a pas démontré à suffisance de droit que l’imposition de la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence par le règlement attaqué entraînerait un risque accru pour la santé publique en raison de l’augmentation des coûts liée à l’imposition de ladite méthode.

 Sur l’« effet matrice » de la méthode LC-MS/MS

88      Le Royaume d’Espagne estime, en substance, que l’« effet matrice » en cas de recours à la méthode LC-MS/MS rend celle-ci peu fiable. Il invoque à l’appui de ce grief un article de Jane Kilcoyne et Elie Fux intitulé « Strategies for the elimination of matrix effects in the liquid chromatography tandem mass spectrometry analysis of the lipophilic toxins okadaic acid and azaspiracid-1 in molluscan shellfish » (stratégies pour l’élimination des effets matrices dans l’analyse de chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem de toxines lipophiles, d’acides okadaïques et d’azaspiracide-1 dans des mollusques) (Journal of Chromatography A, 1217, 2010, p. 7123 à 7130, ci-après l’« article de Kilcoyne et Fux »). La Commission conteste cet argument.

89      À cet égard, il convient tout d’abord de préciser que l’« effet matrice » a pour conséquence que, en fonction de l’échantillon analysé, une quantité plus ou moins importante de toxine par rapport à celle existant en réalité est détectée.

Ensuite, il y a lieu d’observer que, dans l’article de Kilcoyne et Fux, il est effectivement indiqué que l’« effet matrice » est susceptible d’affecter les résultats obtenus avec la méthode LC-MS/MS. Il est ainsi précisé que la « quantification en utilisant la méthode LC MS/MS dans des matrices biologiques est souvent difficile en raison des ‘effets matrice’ qui altèrent l’exactitude et la précision de la méthode ». Cependant, les auteurs de cet article examinent différentes techniques pour corriger l’« effet matrice ». En conclusion, ils proposent certaines de ces méthodes. Ils indiquent ainsi ce qui suit :

« [La]réduction de la réponse instrumentale due à la matrice pour les AZA1 a été résolue en utilisant une méthode à pH acide avec lavage par un solvant organique et, alternativement, une méthode alcaline. L’augmentation de la réponse instrumentale due à la matrice observée pour les AO sur le quadrupôle/temps d’envol n’a été éliminée que par une méthode d’extraction sur phase solide on line. Dans le laboratoire de l’auteur, la méthode alcaline est la méthode choisie pour l’appareil à trois stades quadripolaires, alors que la méthode acide (utilisant l’extraction sur phase solide on line pour les analyses d’AO) est la méthode privilégiée pour le quadrupôle/temps d’envol [...] Cette étude démontre clairement que les divers instruments de la méthode LC MS/MS peuvent produire des résultats très différents en raison des interférences de la matrice; il est donc nécessaire d’évaluer d’abord les effets matrice et, là où ils existent, de mettre en œuvre des procédures afin de les éliminer et/ou de les corriger. » [« Matrix suppression for AZA1 was overcome using an acidic method with an organic solvent flush and alternatively by an alkaline method. Matrix enhancement observed for OA on the QToF was eliminated only by an on-line SPE method. In the author’s lab the alkaline method is the method of choice for the TSQ while the acidic method (using on-line SPE for OA analysis) is the preferred procedure for the QToF. […] This study clearly demonstrates that different LC-MS/MS instruments can produce very dissimilar results due to matrix interferences and that it is necessary to initially evaluate matrix effects and where present implement procedures to eliminate and/or correct them. »]

90      L’article de Kilcoyne et Fux démontre donc, comme le souligne à juste titre la Commission, que l’« effet matrice » a été analysé dans le contexte de la méthode LC-MS/MS et que différentes méthodes et stratégies sont susceptibles de répondre aux difficultés que crée l’« effet matrice » pour la méthode en question. Les auteurs de cet article ne comparent pas la méthode LC-MS/MS avec la méthode biologique. Ils font état d’une difficulté liée à la méthode LC-MS/MS et de manières pour la surmonter, mais sans indiquer qu’elle est insurmontable ou qu’elle justifie le maintien de la méthode biologique. Par conséquent, cet article ne permet pas de démontrer que la méthode LC-MS/MS entraîne un risque plus important pour la santé que la méthode biologique.

91      Par ailleurs, en réponse à une question écrite du Tribunal, le Royaume d’Espagne a contesté l’affirmation de la Commission selon laquelle l’« effet matrice » n’avait jamais été évalué pour la méthode biologique. Il a invoqué deux publications scientifiques de 2010 et 2011 afin de démontrer que l’« effet matrice » avait été étudié lors de l’utilisation de la méthode biologique. De la sorte, le Royaume d’Espagne confirme que l’« effet matrice » affecte également la méthode biologique. Or, si l’« effet matrice » est présent tant pour la méthode LC-MS/MS que pour la méthode biologique, la présence de cet effet ne permet pas, à elle seule, de démontrer un risque spécifique inacceptable pour la santé publique dans le cas de la méthode LC-MS/MS.

92      Enfin, il y a lieu d’observer que, dans la version de 2010 du protocole mis en place par le LRUEBM pour la détection de toxines marines avec la méthode LC-MS/MS, intitulé « European Union Reference Laboratory for marine biotoxins, EU-harmonised Standard Operating Procedure for determination of Lipophilic marine biotoxins in molluscs by LC-MS/MS » (Laboratoire de référence de l’Union européenne pour les biotoxines marines, procédure opérationnelle standard harmonisée à l’échelle européenne pour la détermination de toxines marines lipophiles dans des mollusques par la méthode LC-MS/MS) (2e version, juillet 2010), une phase de correction de l’effet matrice est prévue. En effet, le point 8.4 de ce protocole intitulé « Recovery correction and matrix correction » (correction par le rendement et correction de l’effet matrice) traite précisément de cette question, ainsi que cela a été confirmé par la Commission à la suite d’une question écrite du Tribunal.

93      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’« effet matrice » affectant la méthode LC-MS/MS, tel qu’invoqué par le Royaume d’Espagne, ne permet pas de démontrer à suffisance de droit que le règlement attaqué crée un risque pour la santé public et, partant, donne lieu à une violation de l’article 168 TFUE.

 Sur la détection des toxines nouvelles ou inconnues

94      Le Royaume d’Espagne invoque, en substance, un risque accru pour la santé publique tenant au fait que la méthode LC-MS/MS ne permet pas de détecter des toxines nouvelles ou inconnues. Cette méthode ne permettrait pas de détecter tout type de toxine, en particulier celles qui n’ont pas encore été découvertes. La Commission conteste cet argument.

95      Il est constant que la méthode LC-MS/MS ne permet pas de détecter des toxines nouvelles ou inconnues, alors que la méthode biologique a cette capacité.

96      Cependant, le règlement attaqué impose la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence uniquement pour des toxines marines connues. En effet, ainsi que cela ressort du point C de l’annexe du règlement attaqué, pour la détection de toxines marines nouvelles et inconnues, la méthode biologique est maintenue, y compris après la période transitoire pour la mise en œuvre de la méthode LC-MS/MS.

97      Par conséquent, le fait que la méthode LC-MS/MS ne permette pas de détecter des toxines marines nouvelles ou inconnues ne démontre pas que l’imposition de cette méthode comme méthode de référence entraîne un risque pour la santé publique et, partant, une violation de l’article 168 TFUE.

 Sur la disponibilité du matériel certifié nécessaire à l’utilisation de la méthode LC-MS/MS

98      Le Royaume d’Espagne estime que l’imposition par le règlement attaqué de la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence crée un risque pour la santé publique plus important que la méthode biologique en raison de l’absence de disponibilité du matériel de référence certifié pour toutes les toxines mentionnées dans l’annexe III, chapitre III, point A, du règlement n° 2074/2005. En particulier, le Royaume d’Espagne estime que le matériel de référence nécessaire à l’utilisation de la méthode LC-MS/MS n’était disponible que pour huit des treize substances en question et que, parmi ces huit substances, la disponibilité du matériel pour trois d’entre elles n’est intervenue qu’après la publication du règlement attaqué. La Commission conteste cette allégation au motif que tous les matériels de référence nécessaires étaient disponibles.

99      Il est constant que, pour effectuer des contrôles portant sur des biotoxines dans des mollusques bivalves vivants selon la méthode LC-MS/MS, il importe de disposer de matériel de référence, ainsi que cela ressort du point 3.2 de l’avis du panel de l’EFSA du 13 août 2009 (voir point 18 ci-dessus).

100    Le règlement attaqué impose l’utilisation de la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence pour déterminer la présence de treize substances, à savoir les substances OA, DTX1, DTX2, DTX3, y compris leurs esters, PTX1, PTX2, YTX, 45 OH YTX, homo YTX, 45 OH homo YTX, AZA1, AZA2 et AZA3 (voir point 12 ci-dessus).

101    Dans son avis du 13 août 2009, le panel de l’EFSA indique que, pour cinq des treize substances pour lesquelles le règlement attaqué impose l’utilisation de la méthode LC-MS/MS, les matériels de référence étaient disponibles commercialement. Il s’agit des substances OA, DTX1, PTX2, YTX et AZA1. L’avis précise encore que l’état de certification de nouveaux matériels de référence peut être trouvé sur les sites web des fournisseurs desdits matériels, à savoir le National Research Council Canada – Institute for Marine Biosciences (NRCC-IMB) et l’Institute for Reference Materials and Measurements (IRMM).

102    Au moment de la publication du règlement attaqué, seuls les matériels de référence pour les substances OA, DTX1, PTX2, YTX et AZA1 étaient disponibles commercialement.

103    Après cette publication, des matériels de référence pour d’autres substances sont devenus disponibles commercialement. Ainsi, au moment du dépôt de la réplique, les matériels de référence destinés aux substances DTX2, AZA2 et AZA3 étaient également disponibles commercialement. Par ailleurs, il ressort d’un document du LRUEBM du 13 août 2013, intitulé « List of Lipophilic Toxins Reference Material providers : OA-group, AZAs, YTXs PTSs » (Liste de fournisseurs de matériels de référence pour des toxines lipophiliques : groupe OA, AZA, YTX et PTS), qui a été produit par la Commission à la suite d’une question écrite du Tribunal, que, à cette date, était commercialement disponible le matériel de référence pour la substance homo YTX.

104    Au vu de ces faits, il convient d’observer, tout d’abord, que la commercialisation de quatre types de matériels de référence après la publication du règlement attaqué n’était pas de nature à entraîner un risque plus important pour la santé publique que l’usage de la méthode biologique. En effet, l’annexe III, chapitre III, point B, du règlement attaqué précise que, afin que les États membres puissent adapter leurs méthodes à la méthode LC-MS/MS, diverses procédures de dosage biologique sur souris pouvaient être appliquées jusqu’au 31 décembre 2014. Ainsi, le règlement attaqué n’impose pas l’usage de la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence dès sa publication, mais permet l’utilisation de la méthode biologique jusqu’au 31 décembre 2014.

105    Il s’ensuit que la mise à disposition de matériels de référence après la publication du règlement attaqué, mais avant le 31 décembre 2014, n’entraînera pas un risque accru pour la santé publique, puisque, jusqu’au 31 décembre 2014, les États membres peuvent continuer à procéder aux vérifications selon la méthode biologique s’ils ne disposent pas des matériels de référence requis pour l’analyse de certaines substances selon la méthode LC-MS/MS.

106    Ensuite, s’agissant de l’absence de disponibilité commerciale des matériels de référence pour quatre des treize substances en question, à savoir les substances PTX1, DTX3, 45 OH YTX et 45 OH homo YTX, en premier lieu, il y a lieu d’observer qu’un risque pour la santé publique ne peut exister que si les matériels de référence pour ces substances ne sont effectivement pas disponibles le 31 décembre 2014, date à laquelle les États membres sont tenus d’appliquer la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence pour la détection desdites substances.

107    En deuxième lieu, s’agissant plus particulièrement de l’absence de matériel de référence pour la substance DTX3, il convient d’observer que le panel de l’EFSA a indiqué, dans son avis du 27 novembre 2007 sur les acides okadaïques intitulé « Opinion of the Scientific Panel on Contaminants in the Food chain on a request from the European Commission on marin biotoxins in shellfish – okadaic acid and analogues » (Opinion du panel scientifique de l’EFSA chargé des contaminants de la chaîne alimentaire à la suite d’une demande de la Commission européenne sur les toxines marines dans les mollusques – acide okadaïque et analogues) [The EFSA Journal (2008) Journal number, 589, I-62], que les tests biologiques ne permettaient pas de détecter la substance DTX3. Partant, s’agissant de la substance DTX3, le Royaume d’Espagne ne peut pas alléguer que le remplacement, par le règlement attaqué, de la méthode biologique par la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence crée un risque plus important pour la santé publique en raison de l’absence de matériel de référence pour cette substance.

108    En troisième lieu et en tout état de cause, il convient de constater que, pour les matériels de référence qui n’étaient pas disponibles, il était possible de recourir de manière satisfaisante au système d’appréciation approximatif intitulé « estimated relative molar response » (réponse molaire relative estimée) sur la base des matériels de référence du même groupe qui étaient disponibles (voir point 46 ci-dessus).

109    En effet, il ressort des différentes versions du protocole établi par le LRUEBM pour l’utilisation de la méthode LC-MS/MS que les matériels de référence disponibles pouvaient servir pour une évaluation des substances pour lesquelles les matériels de référence n’étaient pas disponibles.

110    Ainsi, il ressort de la deuxième version du protocole pour l’utilisation de la méthode LC-MS/MS établi par le LREUBM, de juillet 2010, que le matériel de référence destiné à la substance PTX2 peut être utilisé pour une quantification indirecte de la substance PTX1 et que le matériel de référence destiné à la substance YTX peut être utilisé pour une quantification indirecte des substances 45 OH YTX et 45 OH homo YTX.

111    Dans la quatrième version, de juillet 2011, du protocole pour l’utilisation de la méthode LC-MS/MS établi par le LREUBM, il est précisé que l’approche consistant à présumer une réponse équimolaire entre les substances pour lesquelles il existait un matériel de référence certifié et celles appartenant au même groupe avait obtenu des résultats satisfaisants dans l’étude interlaboratoire de validation de la méthode LC-MS/MS, même si la méthode fondée sur les matériels de référence précis était préférable.

112    Ainsi, il a été considéré par le LRUEBM que les matériels de référence disponibles au moment de l’adoption du règlement attaqué permettaient un contrôle suffisant des substances énumérées au point 100 ci-dessus, même lorsque le matériel de référence certifié spécifique à ladite substance n’était pas disponible. L’absence de certains matériels de référence certifiés pour la méthode LC-MS/MS ne fait donc pas obstacle à un niveau élevé de protection de la santé publique conformément à l’article 168 TFUE.

113    Le Royaume d’Espagne conteste toutefois cette appréciation et plus généralement la fiabilité de la méthode LC-MS/MS sur la base de, premièrement, l’étude de validation de cette méthode, telle qu’elle est reprise dans l’annexe A de la quatrième version, de juillet 2011, du protocole pour l’utilisation de la méthode LC-MS/MS établi par le LREUBM, deuxièmement, un article de A. Villar-González, M. L. Rodríguez-Velasco et A. Gago. intitulé « Determination of Liphophilic Toxines by LC-MS/MS : Single Laboratory Validation » [« Détermination des toxines lipophiles par LC-MS/MS : validation par un seul laboratoire », Journal of AOAC International 2011 ; 93 (3) : p. 909 à 922 , ci-après l’« article de Villar »] et, troisièmement, un article de Paz Otero, Amparo Alfonso, Carmen Alfonso, Paula Rodrígez, Mercedes R. Vieytes and Luis M. Botana, intitulé « Effect of Uncontrolled Factors in a Validated Liquid Chromatography-Tandem Mass Spectromy Method Question Its Use As a Reference Method for Marine Toxines : Major Causes for Concern » (« L’effet de facteurs non contrôlés dans une méthode validée de chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem met en cause son usage comme méthode de référence pour des toxines marines : un sujet de grandes préoccupations » Analytical Chemistry, 2011, 83, p. 5903 à 5911, ci-après l’« article d’Otero »).

114    S’agissant de l’étude de validation de la méthode LC-MS/MS citée ci-dessus, le Royaume d’Espagne estime que les résultats obtenus pas cette méthode présentent une énorme variabilité.

115    À cet égard, il convient d’observer qu’il ressort des données de l’étude en question que, sur 71 tests effectués, un seul résultat était en-dessous de 0,5 Horrat (0,46), un seul était au-dessus de 2,0 Horrat (2,01), 14 se situaient entre 1,5 et 2 Horrat, et 55 se situaient entre 0,5 et 1,5 Horrat.

116    Le terme Horrat (ratio d’Horwitz) désigne un paramètre utilisé pour évaluer la variabilité. D’après le document de l’Association of Official Agricultural Chemists (AOAC) International, intitulé « Guidelines for Collaborative Study Procedures To Validate Characteristics of a Method of Analysis », de 2005 (ci-après les « lignes directrices de l’AOAC »), l’Horrat est utilisé pour déterminer le caractère acceptable de la précision d’une méthode. Ces lignes directrices indiquent également que des valeurs Horrat comprises entre 0,5 et 1,5 peuvent être considérées comme indiquant que la valeur de performance de la méthode correspond aux performances passées. Une performance acceptable se situe entre 0,5 et 2 Horrat.

117    Dès lors que, pour l’ensemble des tests effectués, seuls deux résultats se situaient en dehors des valeurs comprises entre 0,5 et 2 Horrat, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, reconnaître une performance acceptable en termes de fiabilité à l’ensemble des tests effectués hormis les deux tests en question. C’est dès lors à tort que le Royaume d’Espagne déduit des tests de validation de la méthode LC-MS/MS que les résultats obtenus par cette méthode présentaient une énorme variabilité.

118    Le Royaume d’Espagne invoque en outre le fait que, pour quatorze valeurs, les résultats des tests se situaient entre 1,5 et 2 Horrat. Dans les lignes directrices de l’AOAC, il est précisé que, lorsque la valeur en Horrat est supérieure à 1,5 et inférieure à 2, la reproductibilité de la méthode est plus élevée que ce qui est normalement attendu, de sorte que le responsable de l’étude devrait rechercher les raisons possibles de ce niveau « élevé » du taux de Horrat, en s’interrogeant, notamment, sur l’homogénéité des échantillons de l’essai ou sur le caractère indéterminé de l’analyse ou de la propriété recherchée et d’examiner ces questions dans le cadre d’un rapport d’étude interlaboratoire.

119    Toutefois, le fait que, dans quatorze cas, il importait de rechercher les raisons de ce niveau « élevé » ne permet pas de conclure que la méthode LC-MS/MS présentait une énorme variabilité. En effet, les valeurs comprises entre 0,5 et 2 Horrat correspondent à une performance acceptable.

120    En outre et en tout état de cause, le Royaume d’Espagne ne démontre pas, sur la base desdites données, que la méthode LC-MS/MS était moins fiable que la méthode biologique. Il ne démontre pas que la méthode biologique a également été soumise à une étude de validation comparable et que les éventuels résultats d’une telle étude seraient meilleurs que ceux de l’étude de validation de la méthode LC-MS/MS.

121    Il s’ensuit que le Royaume d’Espagne ne démontre pas à suffisance de droit un manque de fiabilité de la méthode LC-MS/MS sur la base de résultats des tests de validation créant ainsi un risque pour la santé publique. Elle ne démontre dès lors pas davantage que le choix de la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence crée un risque plus important que le maintien de la méthode biologique comme méthode de référence.

122    S’agissant de l’article de Villar et de l’article d’Otero, il convient d’observer que ces articles ont été publiés après que le règlement attaqué a été adopté. En effet, l’article de Villar a été publié dans le troisième numéro du Journal of AOAC International de l’année 2011 et l’article d’Otero a été publié dans Analytical Chemistry le 7 juin 2011, alors que le règlement attaqué a été adopté le 10 janvier 2011.

123    Ainsi que cela a été reconnu par la jurisprudence, la légalité d’un acte de l’Union s’apprécie en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté (arrêts du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec, EU:C:1979:29, points 7 et 8, et du 12 décembre 1996, Altmann e.a./Commission, T‑177/94 et T‑377/94, Rec, EU:T:1996:193, point 119). Il s’ensuit qu’est exclue la prise en compte, lors de l’appréciation de la légalité de cet acte, d’éléments postérieurs à la date à laquelle l’acte de l’Union a été adopté (arrêt du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, Rec, EU:T:2006:267, point 325).

124    Compte tenu de cette jurisprudence, de la date d’adoption du règlement attaqué et de la date de publication des articles de Villar et d’Otero, ces articles ne peuvent être pris en compte pour l’appréciation de la légalité du règlement attaqué.

125    De plus, même s’il devait être considéré que les appréciations contenues dans ces articles pouvaient être connues par la Commission avant l’adoption du règlement attaqué, il convient d’indiquer ce qui suit.

126    En ce que le Royaume d’Espagne invoque l’article de Villar au motif qu’il ressortirait de cet article que, pour la méthode LC-MS/MS, la marge d’incertitude pour la détection des différentes toxines est importante, car l’intervalle de valeurs dans lequel se situe la valeur exacte serait très large, il convient d’observer que la marge d’incertitude en cause n’a pas amené les auteurs dudit article à considérer que la méthode LC-MS/MS n’était pas suffisamment performante pour déceler les toxines en question.

127    Au contraire, dans la conclusion de cet article, il est indiqué que les données de validation de la méthode LC-MS/MS reprises dans l’article ont prouvé que le protocole proposé est une alternative qui est suffisamment fiable pour la détermination des toxines lipophiles régies par la réglementation de l’Union.

128    En outre, comme l’a souligné la Commission dans ses observations sur les réponses du Royaume d’Espagne, l’article de Villar a trait à une validation de la méthode LC-MS/MS par un seul laboratoire (intralaboratoire) en vue de son application pour l’analyse des toxines lipophiles. Même en admettant qu’une étude intralaboratoire conduise à un questionnement sur la fiabilité de ladite méthode d’analyse, ce questionnement ne suffit pas, à lui seul, à remettre en cause la conclusion d’une étude de validation interlaboratoire postérieure menée par les États membres et coordonnée par le LRUEBM qui considère ladite méthode comme suffisamment fiable. Il importe en effet d’exposer la raison pour laquelle les conclusions de l’étude interlaboratoire seraient erronées. En l’espèce, l’invocation par le Royaume d’Espagne de certains résultats de l’évaluation intralaboratoire ne permet pas de considérer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

129    Enfin, le Royaume d’Espagne omet de comparer la fiabilité de la méthode LC-MS/MS avec celle de la méthode biologique. Il ne démontre pas sur la base de l’article de Villar que la méthode LC-MS/MS était moins fiable que la méthode biologique.

130    S’agissant de l’article d’Otero, il convient d’observer que les appréciations contenues dans celui-ci ont été vivement critiquées par d’autres auteurs dans des commentaires publiés subséquemment dans la revue Analytical Chemistry. Ces auteurs ont, notamment, critiqué la qualité scientifique des évaluations faites par Otero et par les autres auteurs de l’article en question. Ils ont notamment considéré ce qui suit :

« [L]es expériences et les observations décrites dans ce document ne justifient pas la remise en cause du bien-fondé ou de la fiabilité de la méthode [LC-]MS/MS comme méthode de référence en vue de protéger les consommateurs […] Nous concluons que, les auteurs s’étant référés à la mauvaise méthode, la publication entière est dénuée de pertinence s’agissant des ‘préoccupations’ et des ‘méthodes de référence proposées’. Malheureusement, cela signifie également que la publication est fondée sur une prémisse erronée […] Ce document révèle une mauvaise compréhension de facteurs cruciaux pour l’utilisation fructueuse de la méthode LC-MS[/MS] en général, ainsi que quelques problèmes de compétence spécifique dans les travaux sur les trois toxines. Nous démontrons l’existence de problèmes quant à la conduite et au compte rendu des expériences, y compris une éventuelle contamination croisée due à l’injecteur et le manque d’assurance qualité/contrôle qualité. Par conséquent, les conclusions spécifiques tirées de leurs données sont considérées comme non valables. »

131    Les critiques ainsi formulées mettent en doute la qualité scientifique de l’étude effectuée par Otero et les autres auteurs de l’article en cause. Or, à l’instar de ce qui a été jugé dans le contexte du respect du principe de précaution, l’évaluation scientifique doit se faire sur la base d’avis scientifiques fondés sur les principes d’excellence, de transparence et d’indépendance. En effet, ces exigences constituent une garantie procédurale importante en vue d’assurer l’objectivité scientifique des mesures et d’éviter la prise de mesures arbitraires (voir, en ce sens, arrêt Pfizer Animal Health/Conseil, point 30 supra, EU:T:2002:209, point 172).

132    Compte tenu de ces critiques et du fait que la méthode LC-MS/MS a été validée par une étude menée par des laboratoires des États membres et coordonnée par le LRUEBM pour les treize substances en cause sur la base des matériels de référence disponibles au moment où elle a été réalisée, le Royaume d’Espagne ne démontre pas à suffisance de droit que le choix de la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence entraîne un risque pour la santé humaine.

 Conclusion

133    Pour les motifs qui précèdent, il convient de conclure, d’une part, que le Royaume d’Espagne considère à tort que la décision de remplacer la méthode biologique par la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence a été prise de manière précipitée et, d’autre part, qu’il n’a pas été démontré à suffisance de droit que cette décision avait entraîné un risque pour la santé publique en violation de l’article 168 TFUE. Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen du Royaume d’Espagne en ce qu’il est tiré d’une violation de l’article 168 TFUE.

 Sur la violation du principe de proportionnalité

 Introduction

134    Le Royaume d’Espagne avance, en substance, trois griefs à l’appui de son allégation selon laquelle la Commission a violé le principe de proportionnalité en adoptant le règlement attaqué. Premièrement, il estime que ledit principe a été violé parce que la méthode LC-MS/MS a des conséquences très négatives pour la santé publique et, par conséquent, qu’elle va à l’encontre de l’objectif poursuivi par le règlement attaqué. Deuxièmement, il considère que le principe de proportionnalité a été violé du seul fait que la Commission s’est abstenue de prendre en considération les implications économiques découlant de sa décision de remplacer la méthode biologique par la méthode LC-MS/MS. Troisièmement, il estime que le principe de proportionnalité a été violé parce que les surcoûts de l’introduction de la méthode LC-MS/MS par le règlement attaqué, dus à la fermeture de zones de production plus larges et aux coûts plus importants des autocontrôles, sont manifestement démesurés par rapport au but visé. Pour sa part, la Commission conteste ces griefs.

135    Au vu des allégations du Royaume d’Espagne, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, énoncé à l’article 5, paragraphe 4, TUE, fait partie des principes généraux du droit de l’Union. Ce principe exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, Rec, EU:C:2010:419, point 45 et jurisprudence citée).

 Sur l’objectif et le caractère approprié et nécessaire du règlement attaqué

136    En l’espèce, le règlement attaqué poursuit comme objectif une protection de la santé des consommateurs de mollusques bivalves. Il n’est pas contesté que cet objectif est un objectif légitime. De plus, l’imposition de la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence permet accessoirement de réduire le nombre des tests sur les animaux. Cette réduction constitue un des objectifs énoncés par l’article 4, paragraphe 1, de la directive n° 2010/63.

137    L’imposition de la méthode LC-MS/MS comme méthode de référence pour la détection des toxines marines reprise dans l’annexe III, section VII, chapitre V, paragraphe 2, sous c) à e), du règlement n° 853/2004 est également appropriée et nécessaire pour atteindre l’objectif principal de protection de la santé publique, dès lors qu’il a été établi, d’une part, que la méthode biologique ne permettait pas de détecter de façon suffisamment fiable lesdites toxines et, d’autre part, que la méthode LC-MS/MS était plus précise et permettait de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine (voir points 37 et suivants ci-dessus).

138    Le choix entre la méthode biologique et la méthode LC-MS/MS pour la détection des toxines marines reprises dans l’annexe III, section VII, chapitre V, paragraphe 2, sous c) à e), du règlement n° 853/2004 ne constitue donc pas un choix entre deux mesures tout aussi appropriées l’une que l’autre pour garantir une détection des toxines en cause, étant donné la différence de fiabilité entre ces méthodes.

139    Il s’ensuit que le Royaume d’Espagne considère à tort que le principe de proportionnalité a été violé au motif que la méthode LC-MS/MS aurait des conséquences très négatives pour la santé publique et, par conséquent, qu’elle irait à l’encontre de l’objectif poursuivi par le règlement attaqué.

 Sur l’absence de caractère démesuré des inconvénients

140    S’agissant de l’obligation pour la Commission de garantir, en application du principe de proportionnalité, que les inconvénients causés par l’introduction de la méthode LC-MS/MS ne soient pas démesurés par rapport aux buts visés, il convient d’observer ce qui suit.

141    La protection de la santé publique a une importance prépondérante par rapport aux considérations économiques, de sorte qu’elle est de nature à justifier des conséquences économiques négatives, même considérables, pour certains opérateurs (voir, en ce sens, ordonnance du 12 juillet 1996, Royaume-Uni/Commission, C‑180/96 R, Rec, EU:C:1996:308, point 93, et arrêt du 28 juin 2005, Industrias Químicas del Vallés/Commission, T‑158/03, Rec, EU:T:2005:253, point 134).

142    En l’espèce, il est établi que la méthode LC-MS/MS est une méthode permettant de détecter des toxines lipophiles connues de manière plus fiable que la méthode biologique. En effet, à la différence de la méthode LC-MS/MS, qui a été validée par plusieurs laboratoires sous le contrôle du LRUEBM, la méthode biologique a été considérée comme inappropriée pour la détection des toxines lipophiles connues et susceptible, pour les toxines OA, d’aboutir à de faux résultats négatifs (voir point 40 ci-dessus).

143    Compte tenu de ces éléments, même si l’allégation du Royaume d’Espagne selon laquelle le coût par échantillon pour la méthode LC-MS/MS est supérieur d’au moins 60 % au coût de la méthode biologique est avérée, il ne peut être considéré que ce surcoût est démesuré par rapport au but visé qui consiste en la protection de la santé des consommateurs de mollusques bivalves.

144    De surcroît, il y a lieu d’observer qu’il ne peut être considéré que le coût supplémentaire allégué de la méthode LC-MS/MS par rapport à la méthode biologique a été déterminé avec précision. En effet, comme indiqué au point 73 ci-dessus, le Royaume d’Espagne n’a pas exposé avec suffisamment de précision la méthodologie qui a été suivie pour établir ce coût supplémentaire.

145    De plus, lors de la détermination du coût supplémentaire de la méthode LC-MS/MS, le Royaume d’Espagne n’a pas démontré qu’il avait également pris en considération la réduction de coûts que pouvait entraîner ladite méthode pour les exploitants du secteur en raison de sa fiabilité accrue pour les toxines connues. En effet, ainsi que le souligne la Commission, la fermeture de zones de production en raison d’un nombre de faux résultats positifs plus importants résultant d’un contrôle réalisé avec la méthode biologique doit également être prise en considération dans un tel calcul. De même, une plus grande fiabilité de la méthode LC-MS/MS réduira le nombre de faux résultats négatifs qui représentent également un coût pour les exploitants de mollusques bivalves vivants. Le Royaume d’Espagne reconnaît cela lorsqu’il indique que tout problème sanitaire lié à un produit originaire de Galice pourrait provoquer des situations de discrédit généralisé à l’égard de tels produits.

146    Compte tenu de l’ensemble des éléments qui précèdent, c’est à tort que le Royaume d’Espagne allègue que les coûts de la méthode LC-MS/MS sont démesurés par rapport à l’objectif de protection de la santé visé par la désignation de cette méthode comme méthode de référence.

147    Il convient dès lors de rejeter les griefs du Royaume d’Espagne fondés sur une violation du principe de proportionnalité.

 Sur la violation du principe de confiance légitime

148    Par son troisième moyen, le Royaume d’Espagne estime que la Commission a changé la méthode de référence pour la détection de toxines lipophiles dans le règlement attaqué sans que soit remplie la condition prévue à l’annexe III, chapitre III, point B, paragraphe 4, du règlement n° 2074/2005 pour procéder à un tel changement, à savoir que le matériel de référence concernant la détection des toxines mentionnées dans l’annexe III, section VI, chapitre V, du règlement n° 853/2004 doit être facilement accessible. Le Royaume d’Espagne considère dès lors que la Commission a violé la confiance légitime des opérateurs découlant du règlement n° 2074/2005. La Commission conteste ce moyen, considérant que toutes les conditions énoncées à l’annexe III, chapitre III, point B, paragraphe 4, du règlement n° 2074/2005 ont été remplies.

149    À cet égard, il convient de rappeler que le droit de se prévaloir de la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (arrêts du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C-37/02 et C‑38/02, Rec, EU:C:2004:443, point 70, et du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, Rec, EU:T:1998:302, point 74). Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables (voir, en ce sens, arrêt du 25 mai 2000, Kögler/Cour de justice, C‑82/98 P, Rec, EU:C:2000:282, point 33). En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts du 24 novembre 2005, Allemagne/Commission, C‑506/03, EU:C:2005:715, point 58, et du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec, EU:C:2006:416, point 147). De plus, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose que les assurances données soient conformes aux normes applicables (arrêts du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, Rec, EU:T:2006:64, point 77, et du 4 février 2009, Omya/Commission, T‑145/06, Rec, EU:T:2009:27, point 117).

150    En l’espèce, l’annexe III, chapitre III, point B, paragraphe 4, du règlement n° 2074/2005, dans sa version applicable avant l’adoption du règlement attaqué, prévoyait que les méthodes biologiques seraient remplacées par d’autres méthodes de détection dès que le matériel de référence serait facilement accessible, que ces méthodes auraient été validées et que le chapitre III de l’annexe III du règlement en question aurait été modifié en conséquence (voir point 7 ci-dessus).

151    Si le non-respect de ces conditions pour l’adoption d’une nouvelle méthode de référence constitue avant tout une violation de la disposition en cause, ce non-respect est également susceptible d’être qualifié de violation du principe de protection de la confiance légitime, dès lors que la Commission est l’auteur du règlement n° 2074/2005 et que les dispositions dudit règlement confèrent une assurance précise à l’égard de tous ses destinataires.

152    Cependant, pour les motifs exposés aux points 98 et suivants ci-dessus, c’est à tort que le Royaume d’Espagne considère que les matériels de référence nécessaires pour opérer les tests selon la méthode LC-MS/MS n’étaient pas disponibles. En effet, pour les substances pour lesquelles des matériels de référence propres à ces substances n’étaient pas disponibles, il était possible de recourir de manière satisfaisante à une appréciation indirecte sur la base de matériels de référence destinés à des substances appartenant au même groupe et qui étaient disponibles.

153    Partant, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir adopté le règlement attaqué en violation des conditions reprises dans l’annexe III, chapitre III, point B, paragraphe 4, du règlement n° 2074/2005 ou d’avoir violé la confiance légitime du Royaume d’Espagne quant à l’application de cette disposition.

154    Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation du principe de confiance légitime doit être rejeté et, partant, le recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

155    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

156    Le Royaume d’Espagne ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 février 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.


1 Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.