Language of document : ECLI:EU:T:2012:531

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

10 octobre 2012 (*)

« Dumping – Importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de Chine – Statut d’entreprise évoluant en économie de marché – Délai pour l’adoption de la décision relative à ce statut – Principe de bonne administration – Charge de la preuve – Obligation de motivation – Article 2, paragraphe 7, sous b) et c), et paragraphe 10, du règlement (CE) n° 384/96 [devenu article 2, paragraphe 7, sous b) et c), et paragraphe 10, du règlement (CE) n° 1225/2009] »

Dans l’affaire T‑170/09,

Shanghai Biaowu High-Tensile Fasteners Co. Ltd, établie à Baoshan (Chine),

Shanghai Prime Machinery Co. Ltd, établie à Shanghai (Chine),

représentées initialement par Mes K. Adamantopoulos et Y. Melin, puis par Mes Melin, V. Akritidis et F. Crespo, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. J.-P. Hix, en qualité d’agent, assisté de Mes G. Berrisch et G. Wolf, avocats, puis par MM. Hix et B. Driessen, en qualité d’agents, assistés de Me Berrisch, avocat,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet et C. Clyne, en qualité d’agents,

et par

European Industrial Fasteners Institute AISBL (EIFI), représenté initialement par Mes J. Bourgeois, Y. van Gerven et E. Wäktare, puis par Me Bourgeois, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle du règlement (CE) nº 91/2009 du Conseil, du 26 janvier 2009, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine (JO L 29, p. 1),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 décembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les requérantes, Shanghai Prime Machinery Co. Ltd (ci-après « PMC ») et sa filiale Shanghai Biaowu High-Tensile Fasteners Co. Ltd (ci-après « Biaowu »), produisent et exportent des éléments de fixation vers l’Union européenne. Biaowu est spécialisée dans la production d’éléments de fixation, qu’elle vend sur le marché chinois et exporte par le biais de PMC.

2        À la suite d’une plainte déposée le 26 septembre 2007 par l’European Industrial Fasteners Institute AISBL (EIFI), la Commission des Communautés européennes a publié, le 9 novembre 2007, un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine (JO C 267, p. 31). L’enquête a couvert la période comprise entre le 1er octobre 2006 et le 30 septembre 2007.

3        Le 26 novembre 2007, les requérantes ont communiqué à la Commission leurs réponses au questionnaire d’échantillonnage.

4        Le 3 décembre 2007, les requérantes ont présenté une demande en vue de l’obtention du statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché (ci-après le « statut de SEM ») ainsi que de traitement individuel.

5        Le 5 décembre 2007, la Commission a indiqué que, en raison du nombre élevé de producteurs et d’exportateurs en Chine, elle avait décidé de recourir à l’échantillonnage, conformément au règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 56, p. 1), tel que modifié (ci-après le « règlement de base ») [remplacé par le règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51)], et en particulier conformément à l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base (devenu article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1225/2009). Les requérantes ont été retenues dans cet échantillon.

6        Entre le 17 et le 22 janvier 2008, la Commission a procédé à des perquisitions dans les locaux des requérantes relatives à leur demande en vue de l’obtention du statut de SEM.

7        Par télécopie du 4 février 2008, les requérantes ont communiqué des informations supplémentaires en réponse à certaines préoccupations soulevées par la Commission au cours de la perquisition. À la même date, les requérantes ont également soumis à la Commission leurs réponses aux sections A à D du questionnaire antidumping.

8        Le 31 mars 2008, les requérantes ont communiqué à la Commission des réponses aux sections E et F du questionnaire antidumping, conformément aux instructions données par celle-ci dans sa lettre du 21 février 2008.

9        Entre le 1er et le 4 avril 2008, la Commission a procédé à des contrôles aux sièges des producteurs du pays analogue, à savoir l’Inde, afin de vérifier les renseignements que ces derniers avaient communiqués dans leurs réponses au questionnaire, notamment ceux relatifs au prix des matières premières sur le marché indien.

10      Le 30 avril 2008, les requérantes ont reçu le document d’information sur le statut de SEM exposant les faits et considérations essentiels sur la base desquels la Commission a conclu que les requérantes ne satisfaisaient pas aux critères leur permettant de bénéficier du statut de SEM.

11      Par courrier du 16 mai 2008, après une audition à la Commission le 15 mai 2008, les requérantes ont présenté des observations relatives au refus du statut de SEM.

12      Les 16 et 17 mai 2008, la Commission a effectué des perquisitions dans les locaux des requérantes afin de vérifier leurs réponses au questionnaire antidumping.

13      Le 4 août 2008, la Commission a adressé aux requérantes un document d’information relatif à la non-institution de mesures antidumping provisoires. Les requérantes n’ont pas soumis de commentaires relatifs à ce document.

14      Le 3 novembre 2008, la Commission a adressé aux requérantes le document d’information finale exposant les faits et considérations essentiels, sur la base desquels elle avait l’intention de proposer au Conseil de l’Union européenne l’institution d’un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la Chine.

15      Par courrier du 24 novembre 2008, les requérantes ont formulé des commentaires concernant ce document d’information et ont formellement proposé de soumettre à la Commission une offre d’engagement au titre de l’article 8 du règlement de base (devenu article 8 du règlement n° 1225/2009).

16      Par courrier du 2 février 2009, la Commission a répondu au courrier des requérantes du 24 novembre 2008.

17      Le 26 janvier 2009, le Conseil a adopté le règlement (CE) nº 91/2009 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine (JO L 29, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).

18      Dans le règlement attaqué, le statut de SEM a été refusé aux requérantes au motif, premièrement, que les coûts du principal intrant, le fil machine en acier, ne reflétaient pas en grande partie les valeurs du marché, et, deuxièmement, que l’État chinois était soit en mesure d’influencer de manière significative les décisions relatives aux requérantes, soit de les bloquer. À cet égard, aux considérants 63, 66, 67, 68 et 70 à 72 du règlement attaqué, il est constaté ce qui suit :

« (63) Le statut de [SEM] a été refusé [aux requérantes] au motif que les coûts du principal intrant, le fil machine en acier, ne reflétaient pas en grande partie les valeurs du marché, comme l’exige l’article 2, paragraphe 7, [sous] c), du règlement de base. Il a été établi que les prix du fil machine en acier ou, dans certains cas, du fil tréfilé, facturés sur le marché chinois étaient sensiblement inférieurs à ceux qui étaient facturés sur d’autres marchés, notamment en Europe, en Inde, en Amérique du Nord et au Japon […]

[…]

(66) […] Sur la base de données obtenues et vérifiées au cours de l’enquête et d’informations provenant de sources commerciales indépendantes, telles que le Steel [Business Briefing], il est indiscutable que les prix du fil machine en acier sur le marché intérieur chinois sont sensiblement inférieurs aux prix pratiqués sur d’autres marchés. Vu que la [Chine] ne bénéficie d’aucun avantage comparatif naturel en ce qui concerne le minerai de fer, qu’elle importe aux prix du marché international, il est considéré que rien ne justifie les prix anormalement bas du fil machine en acier, qui ne reflètent pas en grande partie les valeurs du marché. Cette conclusion s’applique aussi bien au secteur dans son ensemble qu’individuellement à toutes les sociétés de l’échantillon qui ont fait l’objet de l’enquête. Par conséquent, il est considéré que le premier critère de l’article 2, paragraphe 7, [sous] c), n’est pas respecté.

(67) Concernant l’interprétation du concept de ‘valeur du marché’, il convient d’entendre par là un prix de marché non faussé. À cet égard, comme indiqué plus haut, plusieurs sources et études signalent des interventions de l’État dans le secteur de l’acier en Chine. Par ailleurs, comme précisé ci-dessus, certains des plus grands producteurs chinois de fil machine en acier ont bénéficié de différents types de subventions en 2006 et en 2007, ainsi qu’il ressort de leurs états financiers vérifiés. Il convient également de garder à l’esprit qu’il appartient aux producteurs-exportateurs d’apporter la preuve qu’ils opèrent dans les conditions d’une économie de marché et que les coûts de leurs principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché. Cette preuve n’a pas été apportée en l’espèce.

(68) Certains producteurs-exportateurs ont également affirmé que, même s’il y avait une différence entre les prix des matières premières sur le marché intérieur chinois et d’autres marchés internationaux, cette différence pouvait s’expliquer par des différences de qualité. Il est toutefois évident que, même si des différences de qualité existaient, elles ne suffiraient pas à expliquer l’énorme écart de prix constaté entre des catégories similaires d’acier utilisées respectivement par les producteurs-exportateurs chinois et les producteurs communautaires et indiens. De plus, d’après les données publiées, la différence entre les prix du fil machine en acier facturés en Chine et ceux pratiqués sur d’autres marchés est très importante pour le même type de fil machine en acier ; selon des données publiées dans le Steel [Business Briefing], les prix intérieurs chinois de fil machine en acier se situaient dans une fourchette de 300 à 350 [euros]/t pendant la période d’enquête, alors que les prix en Amérique du Nord, en Europe et au Japon oscillaient entre 400 et 500 [euros]/t pour la même qualité. Les données obtenues et vérifiées au cours de l’enquête auprès des producteurs-exportateurs inclus dans l’échantillon et auprès des producteurs communautaires correspondent aux données publiées, présentées ci-dessus. Il est donc maintenu que, même s’il existait des différences de qualité, celles-ci ne suffiraient pas à expliquer l’énorme écart entre les prix des matières premières observés sur le marché intérieur chinois et ceux facturés sur d’autres marchés internationaux.

[…]

(70) Un groupe de producteurs-exportateurs a contesté la conclusion selon laquelle le statut de [SEM] devrait aussi être refusé parce qu’il a été constaté que l’État chinois (avec une participation de 47,18 %) était soit en mesure d’influencer de manière significative les décisions relatives à la société, soit de les bloquer; ce groupe a soumis des éléments de preuve à l’appui de sa contestation. Il a notamment fait valoir que les décisions concernant les prix, les coûts et les intrants étaient prises par le directeur général et les directeurs généraux adjoints nommés par le conseil d’administration, et non par les actionnaires. En conséquence, il a soutenu que le fait que certaines décisions étaient adoptées par l’assemblée des actionnaires à la majorité des deux tiers était sans importance, puisque aucune de ces décisions ne portait sur les prix, les coûts ou les intrants.

(71) Il est considéré que le maintien, durant le processus de privatisation, de la composition du conseil d’administration, nommé par l’actionnaire majoritaire, fait planer un doute sur l’indépendance de ses membres vis-à-vis de l’État. Il y a également lieu de noter que la composition de ce conseil ne reflétait pas la composition de l’actionnariat du groupe après la privatisation. Par conséquent, il ne peut être exclu que les décisions commerciales aient été indirectement influencées par l’État ; la société n’a pas été en mesure de prouver le contraire.

(72) La décision initiale de refuser, pour cette raison également, le statut de [SEM] à ce groupe est donc maintenue. »

19      En revanche, le Conseil a estimé que Biaowu répondait aux conditions d’octroi du traitement individuel énoncées à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base (devenu article 9, paragraphe 5, du règlement n° 1225/2009) (considérants 80 à 83).

20      Conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement n° 1225/2009], la valeur normale pour les requérantes a été déterminée sur la base des informations vérifiées émanant du producteur en Inde (considérants 91 et 92).

21      L’article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement attaqué a institué un droit antidumping définitif de 69,9 % sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier, autres qu’en acier inoxydable, importés par les requérantes dans la Communauté européenne.

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 avril 2009, PMC et Biaowu ont introduit le présent recours.

23      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal à la même date, les requérantes ont également introduit, en vertu de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal, une demande de procédure accélérée. Le 28 mai 2009, le Conseil a fait part de ses observations sur cette demande.

24      Par décision du 17 juin 2009, le Tribunal (cinquième chambre) a rejeté la demande de procédure accélérée.

25      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 juillet 2009, la Commission a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil.

26      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 août 2009, l’EIFI a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil. Dans leurs observations, respectivement déposées au greffe les 18 et 29 septembre 2009, le Conseil et les requérantes n’ont pas soulevé d’objections à l’encontre de cette intervention.

27      Par ordonnance du 14 septembre 2009, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis l’intervention de la Commission.

28      Par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 9 octobre 2009, la Commission a renoncé au dépôt du mémoire en intervention.

29      Par ordonnance du 13 novembre 2009, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis l’intervention de l’EIFI. Celui-ci a déposé son mémoire dans le délai imparti.

30      Les requérantes ont sollicité, le 29 septembre 2009, le traitement confidentiel à l’égard de l’EIFI de sept annexes à la requête. En outre, elles ont demandé, le 28 octobre 2009, que certains éléments confidentiels contenus dans le mémoire en défense ainsi qu’une de ses annexes soient exclus de la communication à l’EIFI. Elles ont produit une version non confidentielle de ces différents actes de procédure. La communication à l’EIFI desdits actes a été limitée à cette version non confidentielle. L’EIFI n’a pas soulevé d’objection à ce sujet.

31      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

32      Le 19 juillet 2011, le Conseil a répondu à la question écrite du Tribunal du 4 juillet 2011.

33      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

34      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 15 décembre 2011.

35      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

36      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

37      L’EIFI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens, y compris ceux exposés par lui du fait de son intervention.

 En droit

 Sur l’étendue du chef de conclusions en annulation

38      Sans formellement soulever une exception d’irrecevabilité au sens de l’article 114 du règlement de procédure, le Conseil expose que le recours devrait être déclaré irrecevable en ce que les requérantes demandent l’annulation du règlement attaqué dans sa globalité et non dans la seule mesure où il les concerne.

39      À titre liminaire, il y a lieu de relever que le règlement attaqué institue un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier de plusieurs sociétés.

40      Les requérantes concluent à l’annulation du règlement attaqué dans son intégralité. Dans l’exposé de leurs moyens et arguments, elles se limitent cependant à contester la légalité du droit antidumping imposé seulement à elles-mêmes.

41      Il convient de considérer, à cet égard, que l’éventuelle illégalité de ce droit n’affecterait la légalité du règlement attaqué que dans la mesure où il impose un droit antidumping aux requérantes. Elle n’affecterait pas, en revanche, la légalité des autres éléments du règlement attaqué, à savoir notamment les droits antidumping imposés aux autres sociétés destinataires.

42      Il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’un règlement instituant un droit antidumping impose des droits différents à une série de sociétés, une société n’est individuellement concernée que par les dispositions qui lui imposent un droit antidumping particulier et en fixent le montant, et non par celles qui imposent des droits antidumping à d’autres sociétés, de telle sorte que le recours de cette société n’est recevable que dans la mesure où il tend à l’annulation du règlement dans celles de ses dispositions qui la concernent exclusivement (voir arrêt de la Cour du 15 février 2001, Nachi Europe, C‑239/99, Rec. p. I‑1197, point 22, et la jurisprudence citée).

43      Dans ces circonstances, au regard des moyens et arguments avancés par les requérantes à l’appui de leur recours, il y a lieu d’interpréter le présent recours en annulation en ce sens qu’il ne vise que l’annulation partielle du règlement attaqué, dans la mesure où il impose un droit antidumping définitif aux requérantes.

 Sur le fond

44      À l’appui de leur recours, les requérantes soulèvent huit moyens. Le premier est tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement n° 1225/2009]. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, du règlement n° 1225/2009]. Le troisième moyen est tiré de la violation par les institutions de leur obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce. Le quatrième moyen est tiré de la violation des principes de bonne administration et de non-imposition d’une charge de la preuve déraisonnable. Le cinquième moyen est tiré de la violation du règlement (CE) n° 2026/97 du Conseil, du 6 octobre 1997, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 288, p. 1). Le sixième moyen est tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 10, du règlement n° 1225/2009]. Le septième moyen est tiré de la violation de l’article 253 CE. Enfin, le huitième moyen est tiré de la violation des droits de la défense.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base

45      L’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base prévoit que la question de savoir si le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché « doit être tranchée dans les trois mois de l’ouverture de l’enquête, après une consultation spécifique du comité consultatif et après que l’industrie communautaire a eu l’occasion de présenter ses observations » et que « [l]a solution retenue reste en vigueur tout au long de l’enquête ».

46      Force est de constater que le délai de trois mois prévu à l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, a été dépassé en l’espèce. En effet, l’enquête a été ouverte le 9 novembre 2007 alors que la décision par laquelle la Commission a exposé aux requérantes les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle a conclu que ces dernières ne satisfaisaient pas aux critères leur permettant de bénéficier du statut de SEM a été adressée aux requérantes le 30 avril 2008.

47      Dès lors, il convient d’examiner quelles doivent être les conséquences du dépassement opéré en l’espèce et, notamment, d’évaluer si ledit dépassement doit entraîner l’annulation du règlement attaqué.

48      À cet égard, le Tribunal a déjà rejeté la thèse selon laquelle tout dépassement du délai de trois mois par la Commission doit emporter automatiquement l’annulation du règlement relatif au réexamen adopté par la suite (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 mars 2009, Shanghai Excell M & E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, Rec. p. II‑565, ci-après l’« arrêt Shanghai Excell », points 115 et 126).

49      Même si l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt concernait une demande de réexamen d’un règlement initial en qualité de « nouvel exportateur » au sens de l’article 11, paragraphe 4, du règlement de base (devenu article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009), il convient de parvenir à la même conclusion générale sur cette question dans la présente affaire. En effet, il ne saurait être déduit ni du contenu des dispositions pertinentes ni de la finalité et de la structure du règlement de base que le dépassement du délai de trois mois pour la prise de la décision relative au statut de SEM peut entraîner automatiquement l’annulation du règlement attaqué.

50      À cet égard, il convient de préciser que le délai de trois mois a notamment pour objet d’assurer que la question de savoir si le producteur remplit les critères mentionnés audit article ne soit pas tranchée en fonction de son effet sur le calcul de la marge de dumping (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 14 novembre 2006, Nanjing Metalink/Conseil, T‑138/02, Rec. p. II‑4347, point 44 ; Shanghai Excell, point 48 supra, point 127, et du 8 novembre 2011, Zhejiang Harmonic Hardware Products/Conseil, T‑274/07, non publié au Recueil, point 37).

51      Les requérantes font valoir que, à la date de la décision relative au statut de SEM, la Commission disposait de toutes les informations essentielles pour la détermination des marges de dumping des requérantes ainsi que pour le calcul de la valeur normale dans le pays analogue. Ainsi, la Commission aurait pu trancher la question de la demande de statut de SEM des requérantes sur la base de son effet sur le calcul des marges de dumping. En l’absence de cette irrégularité procédurale due au dépassement du délai de trois mois, la décision relative au statut de SEM et, par conséquent, le règlement attaqué auraient pu être différents, puisque, calculée sur la base des données propres aux requérantes, leur marge de dumping aurait été de minimis.

52      À cet égard, il ressort du dossier que les réponses des requérantes aux sections E et F du questionnaire antidumping, concernant la valeur normale, ont été soumises à la Commission le 31 mars et le 1er avril 2008, et ce à la suite de la demande de cette dernière en date du 21 février 2008. Ainsi, il y a lieu de considérer que, pendant la période qui s’est écoulée entre l’expiration dudit délai et la décision relative au statut de SEM, la Commission a disposé des informations lui permettant de savoir quel effet cette décision pourrait avoir sur le calcul de la marge de dumping des requérantes.

53      Dès lors, il convient d’examiner si, en l’espèce, ce fait a pu remettre en cause l’effet utile du délai de trois mois tel qu’il a été relevé par la jurisprudence rappelée au point 50 ci-dessus.

54      Or, tel ne saurait être le cas. Il convient de rappeler que, dans le cas d’espèce, et conformément à l’article 2 du règlement de base, s’il avait été considéré que les requérantes opéraient dans les conditions d’une économie de marché, la valeur normale de leurs produits aurait été déterminée conformément aux règles applicables aux pays connaissant une économie de marché, à savoir sur la base des informations communiquées par elles-mêmes. En revanche, puisque le statut de SEM leur avait été refusé, la valeur normale devait être déterminée, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, sur le fondement des prix payés dans le pays analogue. Ainsi, afin de savoir quel serait l’effet de la décision relative au statut de SEM sur le calcul de la marge de dumping, les institutions devaient disposer des informations concernant les prix payés ou à payer dans le pays exportateur, ainsi que ceux payés ou à payer dans le pays analogue.

55      Le Conseil ne conteste pas le fait que les réponses des requérantes aux sections E et F du questionnaire antidumping, soumises à la Commission le 31 mars 2008, comportaient des informations concernant la valeur normale du produit concerné. Il fait valoir uniquement que, le statut de SEM n’ayant pas été octroyé, ces informations n’ont jamais été vérifiées. En outre, il soutient que l’effet de la décision relative au statut de SEM sur le calcul de la marge de dumping en l’espèce était évident, y compris avant l’expiration du délai de trois mois et certainement avant que la Commission ait reçu ou analysé les informations des requérantes concernant la valeur normale.

56      À cet égard, il ressort du dossier que, dès le début de l’enquête, la Commission disposait des informations générales indiquant que les prix chinois du fil machine en acier, le principal intrant des éléments de fixation, représentant approximativement 50 % de leur coût de production, étaient sensiblement inférieurs aux prix pratiqués sur d’autres marchés internationaux. Le Conseil ajoute que, en ce qui concerne plus particulièrement les requérantes, ce fait ressortait aussi des éléments de preuve qui avaient été fournis par ces dernières dans le cadre de leur demande de statut de SEM et vérifiés par la Commission avant l’expiration du délai de trois mois, à savoir lors des visites dans les locaux des requérantes entre le 17 et le 22 janvier 2008. Les requérantes n’ont pas contesté ce fait.

57      Ainsi, la Commission pouvait raisonnablement en déduire que, puisque les coûts de production des requérantes étaient inférieurs à ceux des producteurs d’un pays à économie de marché, qui n’ont pas accès aux matières premières chinoises, la valeur normale et, par conséquent, la marge de dumping en ce qui concerne les requérantes, seraient vraisemblablement inférieures dans le cas où celles-ci se verraient octroyer le statut de SEM.

58      Dès lors, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, l’effet de la décision relative au statut de SEM concernant les requérantes sur la marge de dumping était connu avant la demande et la réception des réponses des requérantes aux sections E et F du questionnaire antidumping.

59      Certes, lesdites réponses ont fourni à la Commission des informations complémentaires, notamment celles concernant les prix détaillés des différents produits tels que pratiqués par Biaowu sur le marché national. Lors de l’audience, les requérantes ont affirmé que ces données, prises ensemble avec les données des entreprises indiennes et des entreprises exportatrices, étaient nécessaires pour pouvoir calculer la marge de dumping. À cet égard, il convient de rappeler que la possibilité que la question relative à l’octroi du statut de SEM soit tranchée en fonction de son effet sur le calcul de la marge de dumping ne présuppose pas la connaissance de la marge de dumping exacte, calculée sur la base d’informations sur la valeur normale des requérantes, mais uniquement la connaissance des informations concernant l’effet que l’octroi du statut de SEM peut avoir sur cette marge selon les deux méthodes de calcul possibles. Or, en l’espèce, il convient d’observer que, selon les informations dont disposait la Commission, les prix chinois du principal intrant étaient tellement inférieurs qu’une marge de dumping inférieure dans le cas d’octroi du statut de SEM aux requérantes était la seule hypothèse vraisemblable.

60      Il s’ensuit que, dans les circonstances particulières de l’espèce, ce n’est pas le dépassement du délai de trois mois par la Commission qui a permis à celle-ci de trancher la question de savoir si les requérantes devaient bénéficier du statut de SEM en fonction de son effet sur le calcul de la marge de dumping. L’effet utile du délai de trois mois ne saurait donc être remis en cause par la prise de connaissance des informations contenues dans ces réponses.

61      Par ailleurs, les requérantes soutiennent que l’argumentation du Conseil est contradictoire, puisque si, comme ce dernier l’affirme, la distorsion était évidente avant l’expiration du délai de trois mois et que les informations des requérantes concernant leurs coûts et leurs ventes intérieures importaient peu, la Commission aurait pu rejeter leur demande de statut de SEM immédiatement. Toutefois, il y a lieu de rappeler que l’information pertinente quant à l’effet de la décision relative au statut de SEM sur le calcul de la marge de dumping ne portait pas sur les éventuelles distorsions et le caractère faussé des prix des intrants, mais uniquement sur le bas niveau de ces prix. À cet égard, il convient de relever que le Conseil a affirmé, d’une part, que la présence de distorsions sur le marché du fil machine en acier, ainsi que leur ampleur et leur pertinence, constituait en l’espèce une question importante et complexe devant faire l’objet d’un examen approfondi et, d’autre part, que l’effet de la décision relative au statut de SEM sur le calcul de la marge de dumping était évident, y compris avant l’expiration du délai de trois mois et certainement avant que la Commission ait reçu ou analysé les informations des requérantes concernant la valeur normale.

62      En tout état de cause, il convient de conclure que, en l’absence d’une disposition prévoyant soit expressément, soit implicitement, les conséquences du dépassement d’un délai procédural tel qu’en l’espèce, le dépassement en question ne peut entraîner l’annulation en tout ou en partie de l’acte dont le processus d’adoption comprend le délai en cause que s’il est établi que, en l’absence de cette prétendue irrégularité, ledit acte aurait pu avoir un contenu différent (voir arrêt Shanghai Excell, point 48 supra, point 138, et la jurisprudence citée).

63      À cet égard, les requérantes font valoir qu’une décision relative au statut de SEM prise dans le délai de trois mois, ou avant que la Commission n’ait disposé de toutes les informations nécessaires pour calculer la marge de dumping des requérantes, aurait pu être différente, dans la mesure où déterminer la marge de dumping uniquement sur la base d’une comparaison entre les ventes bénéficiaires sur le marché intérieur et les ventes à l’exportation des requérantes reviendrait à calculer une marge de dumping de minimis. Le tableau et le calcul qu’elles présentent à l’appui de cette affirmation démontreraient que, si le statut de SEM leur avait été accordé, le règlement contesté aurait pu avoir un contenu différent et leur être plus favorable.

64      Cette argumentation ne permet pas d’établir que, en l’absence de dépassement du délai de trois mois par la Commission, le Conseil aurait pu adopter un règlement différent plus favorable aux intérêts des requérantes que le règlement attaqué. L’affirmation de ces dernières selon laquelle une marge de dumping calculée sur la base des données fournies par elles‑mêmes aurait été beaucoup plus basse que celle fixée dans le règlement attaqué présuppose l’existence d’une décision leur octroyant le statut de SEM. Toutefois, les requérantes ne démontrent pas que telle aurait pu être la conclusion de la décision sur le statut de SEM si celle-ci avait été adoptée dans le délai de trois mois. Dans ce cadre, la seule affirmation des requérantes selon laquelle il serait raisonnable de penser que la Commission aurait pu décider de rejeter le statut de SEM afin d’obtenir un droit plus élevé ne saurait suffire à démontrer une telle possibilité.

65      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, du règlement de base

66      Ce moyen se compose de trois branches. Dans le cadre des deux premières branches, les requérantes soutiennent que le Conseil a violé ladite disposition en ce qu’il leur a refusé le statut de SEM aux motifs, premièrement, que leur principal actionnaire, une société détenue par l’État, pouvait influencer indirectement leurs décisions commerciales et, deuxièmement, que les coûts des principaux intrants ne reflétaient pas, en grande partie, les valeurs du marché. La troisième branche est tirée de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, tel qu’interprété conformément aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

67      Étant donné que la troisième branche ainsi qu’une partie de la deuxième branche sont tirées d’une interprétation prétendument erronée de la condition figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, premier tiret, seconde partie, du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, premier tiret, seconde partie, du règlement n° 1225/2009], imposant que les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché, le Tribunal estime qu’il convient, en premier lieu, d’examiner ensemble ces deux branches.

68      Selon une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition de droit communautaire, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, Rec. p. I‑4983, point 41, et la jurisprudence citée).

69      Par ailleurs, dès lors que les interprétations littérale et historique d’un règlement, et en particulier de l’une de ses dispositions, ne permettent pas d’en apprécier la portée exacte, il y a lieu d’interpréter la réglementation en cause en se fondant tant sur sa finalité que sur son économie générale (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, Rec. p. I‑1375, point 168, et du Tribunal du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, Rec. p. II‑753, point 148).

70      Enfin, il y a également lieu de rappeler que le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêt de la Cour du 15 mai 1997, TWD/Commission, C‑355/95 P, Rec. p. I‑2549, point 21).

71      Selon l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement n°1225/2009], « dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance de la [Chine] la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et conformément aux critères et aux procédures énoncés au point c), que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. Si tel n’est pas le cas, les règles du point a) s’appliquent ».

72      L’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base précise que « [l]a requête présentée au titre [de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base] doit être faite par écrit et contenir des preuves suffisantes de ce que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché, à savoir [, notamment,] si : […] les décisions des entreprises concernant les prix[,] les coûts [et l]es intrants, par exemple des matières premières, de la technologie, de la main-d’oeuvre, de la production, des ventes et des investissements, sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande et sans intervention significative de l’État à cet égard, et si les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché ».

73      En premier lieu, les requérantes critiquent l’interprétation des institutions tirée de ce qu’il conviendrait de prendre en compte un « marché non faussé » aux fins de vérifier si les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché. Selon elles, le critère tenant à ce que « les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché » implique qu’il convient de prendre en compte les valeurs du marché sur lequel la société achète ses intrants, c’est-à-dire, en l’espèce, le prix du fil machine en acier sur le marché chinois. Les institutions en estimant, au considérant 67 du règlement attaqué, que l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base visait un « marché non faussé » et en prenant en compte la valeur du fil machine en acier sur le marché international auraient suivi une interprétation erronée de cette disposition.

74      Aux fins de vérifier si les institutions ont suivi une interprétation incorrecte de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, premier tiret, du règlement de base en estimant que l’expression « les valeurs du marché » doit être comprise comme se référant à un marché non faussé et, partant, ont commis une erreur de droit, il convient de prendre en compte l’économie générale et l’objectif poursuivi par l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base.

75      L’article 2, paragraphe 7, sous a), dudit règlement établit une règle générale applicable aux pays ne disposant pas d’une économie de marché s’agissant de la détermination de la valeur normale du produit concerné. À titre de dérogation, l’article 2, paragraphe 7, sous b), de ce règlement prévoit la possibilité en ce qui concerne, notamment, les importations en provenance de la Chine, de permettre à un ou à plusieurs producteurs de démontrer que les conditions d’une économie de marché prévalent en ce qui les concerne et, ainsi, d’éviter l’application du paragraphe 7, sous a), de ce même article. L’objet des critères énoncés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du même règlement est de permettre de déterminer si la possibilité ouverte par le paragraphe 7, sous b), de ce même article trouve à s’appliquer.

76      Ainsi, la méthode de détermination de la valeur normale d’un produit visée à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base est une exception à la méthode spécifique prévue à cette fin à l’article 2, paragraphe 7, sous a), dudit règlement, cette dernière étant en principe applicable dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché. Il est de jurisprudence constante que toute dérogation ou exception à une règle générale doit être interprétée strictement (voir arrêt Shanghai Excell, point 48 supra, point 82, et la jurisprudence citée).

77      Or, force est de constater que le critère tenant à ce que les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, premier tiret, du règlement de base perdrait une grande partie de son utilité si pouvaient être prises en compte des valeurs dont le niveau a été artificiellement baissé du fait d’une intervention étatique.

78      Dès lors, dans la mesure où est en cause l’interprétation de l’un des facteurs destinés à vérifier si les conditions de marché prévalent à l’égard d’un producteur, l’expression « les valeurs du marché », figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, premier tiret, du règlement de base, ne saurait être comprise que comme se référant à un marché dans lequel la détermination des prix n’est pas faussée par des interventions étatiques du type de celles mises en exergue par le Conseil, notamment, aux considérants 63 et 67 du règlement attaqué.

79      Il convient donc de conclure que les institutions n’ont pas commis l’erreur de droit alléguée par les requérantes.

80      Dans le cadre de la troisième branche, les requérantes reprochent aux institutions d’avoir suivi une interprétation erronée de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base, en refusant le statut de SEM aux producteurs-exportateurs qui en ont fait la demande, au motif que leurs fournisseurs n’opéraient pas eux-mêmes dans des conditions d’économie de marché, alors même que le marché du fil machine en acier et celui des éléments de fixation étaient différents.

81      À l’appui de leur argumentation, elles observent que le règlement (CE) n° 905/98 du Conseil, du 27 avril 1998, portant modification du règlement de base (JO L 128, p. 18), et ayant conduit à l’introduction des dispositions de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base, a été adopté en raison des réformes opérées en Chine. Elles soutiennent également qu’il y a lieu d’interpréter ces dispositions à la lumière des obligations de la Communauté au titre de l’OMC, c’est-à-dire à la lumière de l’article 2 de l’accord sur la mise en oeuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO L 336, p. 103, ci‑après le « code antidumping de 1994 »), et du paragraphe 15 du protocole d’accession de la République populaire de Chine à l’Organisation mondiale du commerce du 23 novembre 2001 (ci-après le « protocole »). Il en découlerait que le statut de SEM ne peut être refusé que si les conditions d’une économie de marché n’existent pas dans la branche de production faisant l’objet de l’enquête. Partant, l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base ne saurait être interprété d’une manière aboutissant au rejet du statut de SEM à l’égard d’une société chinoise, au motif que ses fournisseurs de matières premières n’opéraient pas eux-mêmes dans des conditions d’économie de marché.

82      Dans la mesure où l’un des critères énoncés par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base consiste en ce que « les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché », il découle nécessairement d’une interprétation littérale du règlement de base que la référence au « marché » dans le cadre spécifique de ce critère ne peut se comprendre que par référence au marché des intrants et non au marché du produit concerné. En outre, pour les raisons mentionnées aux points 75 à 78 ci-dessus, « les valeurs du marché », figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, premier tiret, du règlement de base, ne sauraient être comprises que comme se référant à un marché dans lequel la détermination des prix n’est pas faussée par des interventions étatiques.

83      Partant, les institutions n’ont commis aucune erreur de droit en prenant en compte la circonstance que le prix du principal intrant, le fil machine en acier, ne reflétait pas les valeurs du marché.

84      Cette conclusion, loin d’être infirmée par l’argumentation des requérantes portant sur l’intention du Conseil, telle qu’exprimée dans le règlement n° 905/98, s’en trouve être renforcée.

85      Le préambule de ce règlement souligne, dans son cinquième considérant, l’importance qu’il y a à réexaminer la pratique antidumping menée à l’égard de la Chine, notamment, en précisant que la valeur normale d’un produit pourra être déterminée conformément aux règles applicables aux pays connaissant une économie de marché, dans les cas où il aura pu être démontré que les conditions du marché prévalaient pour un ou plusieurs des producteurs faisant l’objet de l’enquête portant sur la fabrication et la vente du produit en question. Il est également souligné dans le sixième considérant de ce même règlement que « l’examen de la prévalence des conditions de marché se fera sur la base de requêtes dûment documentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et souhaitant bénéficier de la possibilité de voir la valeur normale [du produit en cause] déterminée en fonction des règles applicables aux pays [connaissant une] économie de marché ».

86      Ainsi, ressort de ce préambule le choix du législateur d’offrir la possibilité aux producteurs chinois de démontrer que les conditions de marché prévalent à leur endroit et que, partant, ils sont dans une situation analogue à celles applicables aux pays connaissant une économie de marché, ce qui justifie que la valeur normale du produit soit fixée de la même manière qu’à l’égard de ceux-ci.

87      Il est, dès lors, tout à fait conforme à l’intention du législateur que les institutions vérifient la manière dont les prix des principaux intrants sont fixés sur le marché national. En effet, un producteur chinois dont la valeur des principaux intrants est artificiellement baissée en raison d’une intervention étatique n’est pas dans une situation analogue à celle d’un producteur opérant dans un pays connaissant une économie de marché.

88      En ce qui concerne l’argumentation fondée sur la nécessité d’interpréter l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base à la lumière de l’article 15 du protocole, il est exact, certes, qu’en application d’une jurisprudence constante les textes communautaires doivent être interprétés, dans la mesure du possible, à la lumière du droit international, en particulier lorsque de tels textes visent précisément à mettre en oeuvre un accord international conclu par la Communauté (voir arrêt de la Cour du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica, C‑76/00 P, Rec. p. I‑79, point 57, et la jurisprudence citée).

89      Toutefois, pour les raisons mentionnées au point 82 ci-dessus, le critère figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, consistant en ce que « les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché », apparaît dépourvu de tout ambiguïté. Il n’est, dès lors, pas possible de l’interpréter à la lumière de l’article 15 du protocole. En tout état de cause, il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne résulte nullement de l’article 15 du protocole que les institutions seraient empêchées de tenir compte de la circonstance que les fournisseurs de matières premières d’une société chinoise n’opéraient pas eux-mêmes dans des conditions d’économie de marché.

90      Dans le cadre de la deuxième branche, les requérantes soutiennent, en deuxième lieu, que lors des vérifications sur place, elles ont démontré que leurs achats de matières premières se faisaient strictement aux prix du marché. Par ailleurs, les différences de prix constatées par les institutions auraient pu être causées par de nombreux facteurs autres que les subventions.

91      Il ressort des dispositions rappelées aux points 71 et 72 ci-dessus que la charge de la preuve incombe au producteur qui souhaite bénéficier du statut de SEM en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base. Partant, il n’incombe pas aux institutions de prouver que le producteur ne satisfait pas aux conditions prévues pour bénéficier dudit statut. Il appartient, en revanche, à ces institutions d’apprécier si les éléments fournis par le producteur concerné sont suffisants pour démontrer que les critères énoncés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, dudit règlement sont satisfaits pour lui reconnaître le statut de SEM et au juge de vérifier si cette appréciation n’est pas entachée d’une erreur manifeste (voir, en ce sens, arrêt Shanghai Excell, point 48 supra, point 83, et la jurisprudence citée).

92      En l’espèce, les requérantes n’apportent aucun argument supplémentaire ou élément de preuve à l’appui de l’affirmation selon laquelle leurs achats de matières premières se feraient strictement aux prix du marché ni sur les facteurs mentionnés comme ayant pu causer les différences de prix constatées par les institutions. Dès lors, leur argument doit être rejeté.

93      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les deuxième et troisième branches du deuxième moyen.

94      À cet égard, il y a lieu de relever que les conditions énoncées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base ont un caractère cumulatif, si bien que, lorsqu’un producteur n’en remplit pas une, sa demande tendant à l’obtention du statut de SEM doit être rejetée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, Rec. p. II‑3663, point 54).

95      Par conséquent, pour des raisons d’économie de procédure, il n’y a plus lieu de se prononcer sur la première branche du présent moyen, tirée de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, premier tiret, première partie, du règlement de base, en ce que le statut de SEM a été refusé aux requérantes au motif que leur principal actionnaire, une société détenue par l’État, pouvait influencer indirectement leurs décisions commerciales.

96      Partant, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation par les institutions de leur obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce

97      Les requérantes estiment que la conclusion selon laquelle les prix des matières premières en Chine seraient faussés en raison d’un subventionnement est fondée sur des informations insuffisantes et, partant, viole l’obligation des institutions, dans les domaines où elles disposent d’un large pouvoir d’appréciation, d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce. La différence de prix constatée par les institutions pourrait s’expliquer par le fait que les producteurs indiens ne sont pas performants et que, dans l’Union européenne, les industries sont soumises à des exigences environnementales et sociales beaucoup plus lourdes que celles pesant sur leurs homologues chinois. Les institutions auraient fondé leur constatation, selon laquelle des subventions sont à l’origine des prix chinois supposément plus bas, sur des études préparées par, ou à la demande, de groupes et d’associations ayants des intérêts opposés à ceux de l’industrie de l’acier chinoise.

98      Les requérantes se réfèrent également à la circonstance que, dans le règlement (CE) n° 112/2009 de la Commission, du 6 février 2009, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de fil machine provenant de la République populaire de Chine et de la République de Moldavie (JO L 38, p. 3), la Commission a conclu qu’un producteur-exportateur satisfaisait au premier critère de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.

99      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le domaine des mesures de défense commerciale, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Or, il est également de jurisprudence constante que, lorsque les institutions disposent d’un tel pouvoir, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale et que, parmi ces garanties figurent notamment l’obligation, pour l’institution compétente, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du Tribunal du 17 décembre 2008, HEG et Graphite India/Conseil, T‑462/04, Rec. p. II‑3685, point 68, et la jurisprudence citée).

100    Toutefois, il convient également de prendre en considération la circonstance que, ainsi qu’il a été rappelé au point 91 ci-dessus, la charge de la preuve incombe au producteur-exportateur qui souhaite bénéficier du statut reconnu aux entreprises évoluant en économie de marché. C’est dans ce cadre qu’il convient de vérifier si les institutions ont manqué à leur obligation au titre de la jurisprudence citée au point 99 ci-dessus.

101    Or, force est de constater que les requérantes ne se réfèrent pas, dans leur argumentation, à des éléments de preuve précis qui auraient été communiqués aux institutions et auraient pu remettre en cause les conclusions des institutions quant aux prix faussés des matières premières en Chine. Par ailleurs, il ressort du dossier que les observations des requérantes présentées à cet égard lors de la procédure administrative n’étaient pas non plus accompagnées de tels éléments de preuve.

102    Dans ces conditions, les requérantes ne sauraient valablement invoquer un manquement de la part des institutions à leur obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce.

103    En ce qui concerne la critique portant sur la contrariété entre l’approche privilégiée dans le présent règlement avec celle qui aurait été favorisée par la Commission dans son règlement n° 112/2009, il suffit de souligner qu’elle repose sur une prémisse erronée. Les requérantes soutiennent, en substance, qu’il résulterait de ce règlement que la Commission aurait admis qu’un producteur-exportateur chinois de fil machine en acier répondît aux conditions figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, premier tiret, du règlement de base. Toutefois, la lecture des considérants 24 à 31 du règlement n° 112/2009 démontre que la Commission n’a pas analysé le respect de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, premier tiret, du règlement de base, mais s’est exclusivement fondée sur la circonstance que le producteur-exportateur en question n’était pas en mesure de prouver qu’il remplissait d’autres critères nécessaires à l’obtention du statut de SEM pour rejeter sa demande.

104    Il convient donc de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des principes de bonne administration et de non-imposition d’une charge de la preuve déraisonnable

105    Selon les requérantes, le règlement attaqué méconnaît le principe de bonne administration, inscrit également à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2007, C 303, p. 1, ci‑après la « charte des droits fondamentaux »), dès lors qu’une charge de la preuve déraisonnable leur aurait été imposée pour démontrer que les coûts des principaux intrants reflétaient en grande partie les valeurs du marché. En effet, les requérantes ne disposeraient pas d’informations pouvant démontrer que les marchés des principaux intrants ne sont pas faussés, que le secteur produisant l’intrant ne perçoit pas de subvention des autorités et que les prix de ces intrants sont analogues à ceux sur les marchés non faussés.

106    Selon la jurisprudence, il découle du principe de bonne administration qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union que la charge de la preuve que les institutions imposent aux producteurs-exportateurs demandant le statut de SEM ne peut pas être déraisonnable (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil, T‑221/05, non publié au Recueil, point 77).

107    En l’espèce, il convient de rappeler qu’il incombait aux requérantes d’apporter les éléments de preuve démontrant que les coûts de leurs principaux intrants reflétaient les valeurs de marché et, éventuellement, à la suite de la décision relative au statut de SEM, que les différences constatées par la Commission entre les prix des matières premières étaient dues à des raisons autres que l’intervention de l’État. Dans ce cadre, il n’était pas nécessaire pour les requérantes de démontrer l’absence d’intervention de l’État dans l’industrie en amont, mais uniquement que le niveau bas des prix des matières premières était justifié.

108    Une telle charge de la preuve ne saurait être considérée comme déraisonnable.

109    Par ailleurs, les faits qui, selon la Commission, ne permettaient pas d’octroyer le statut de SEM aux requérantes étaient clairement identifiés dans la décision relative au statut de SEM. Le fait que les requérantes les ont, par la suite, contestés confirme qu’elles ont pu valablement les identifier.

110    Les requérantes soutiennent que, par courriers des 16 mai et 24 novembre 2008, elles avaient discuté en détail du fond des arguments avancés par les institutions. Or, premièrement, il convient d’observer que, par ces courriers, les requérantes n’ont aucunement contesté la conclusion des institutions quant aux niveaux bas des prix des matières premières. Deuxièmement, en ce qui concerne, notamment, les prix faussés des matières premières en Chine, les requérantes se sont limitées à émettre, de manière générale et sans éléments à l’appui, d’autres hypothèses pouvant expliquer les prix inférieurs. Toutefois, des telles affirmations non étayées ne sauraient constituer la preuve nécessaire dans le cadre d’une demande de statut de SEM.

111    Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du règlement n° 2026/97

112    Les requérantes estiment que les institutions ont violé les dispositions du règlement n° 2026/97 lu à la lumière des règles de l’OMC. En substance, elles soutiennent que, en leur refusant le statut de SEM dans le cadre d’une procédure antidumping, les institutions auraient, d’une part, constaté des subventions sans avoir à suivre la procédure prévue par le règlement n° 2026/97, et d’autre part, compensé leur effet par une mesure illégale, à savoir le rejet du statut de SEM.

113    Ainsi qu’il a été souligné aux points 75 à 78 ci-dessus, les institutions ont suivi une juste interprétation de la condition tenant à ce que les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché, figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, premier tiret, du règlement de base en concluant que cette condition se référait à un marché dans lequel la détermination des prix n’était pas faussée par des interventions étatiques. Dans ce cadre, elles ont relevé que plusieurs sources et études signalaient des interventions de l’État dans le secteur de l’acier en Chine et que certains des plus grands producteurs chinois de fil machine en acier avaient bénéficié de différents types de subventions (considérant 67).

114    Toutefois, il convient de préciser que la présente procédure antidumping portait sur le produit concerné tel que défini aux considérants 40 à 47 du règlement attaqué et non sur le principal intrant des sociétés ayant demandé le statut de SEM. Ce n’est que dans le cadre de l’examen des demandes de statut de SEM que les institutions ont évoqué l’existence de subventions susceptibles d’expliquer le niveau anormalement bas des prix de ce principal intrant en Chine. Or, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les institutions n’étaient aucunement obligées d’ouvrir et de mener à bien une procédure prévue par le règlement n° 2026/97 pour des produits autres que le produit concerné et se situant sur le marché en amont.

115    En toute hypothèse, suivre l’argumentation des requérantes reviendrait à considérer que les institutions, dans des circonstances semblables à celles de l’espèce, ne peuvent refuser l’octroi du statut de SEM qu’après avoir ouvert une procédure antisubventions en application du règlement n° 2026/97. Or, une telle interprétation priverait, en grande partie, d’effet la condition figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, premier tiret, du règlement de base.

116    Dès lors, le cinquième moyen doit être rejeté.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base

117    Aux termes de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base :

« Il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale. Cette comparaison est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d’autres différences qui affectent la comparabilité des prix. Dans les cas où la valeur normale et le prix à l’exportation établis ne peuvent être ainsi comparés, il sera tenu compte dans chaque cas, sous forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité […] »

118    Outre les facteurs expressément prévus au titre desquels des ajustements peuvent être opérés, ledit paragraphe, sous k), prévoit qu’« un ajustement peut également être opéré au titre de différences relatives à d’autres facteurs non prévues aux points [précédents] s’il est démontré que ces différences affectent la comparabilité des prix […] et en particulier que les acheteurs paient systématiquement des prix différents sur le marché intérieur à cause d’elles ».

119    Les requérantes soutiennent que, à leur demande, les institutions auraient dû procéder à l’ajustement adéquat de la différence démontrée des prix des intrants en Chine et en Inde, cette différence ayant une incidence directe sur les prix des éléments de fixation dans ces deux marchés et leur comparaison. Selon elles, la valeur normale aurait dû être ajustée conformément à l’article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement n° 1225/2009].

120    Il ressort du considérant 92 du règlement attaqué que, n’ayant pas obtenu le statut de SEM, la valeur normale pour les requérantes a été déterminée sur la base des informations vérifiées émanant du producteur dans le pays analogue, à savoir l’Inde. Dès lors, afin de calculer la marge de dumping, les institutions ont correctement comparé les prix à l’exportation avec la valeur normale ainsi déterminée.

121    Afin que cette comparaison soit « équitable », des ajustements devaient être opérés au vu des différences constatées entre les facteurs dont il était revendiqué et démontré qu’ils affectaient les prix et, partant, la possibilité de comparer ces prix. Il convient d’observer que, conformément à cette disposition, de telles différences doivent être constatées entre les prix à l’exportation et les prix constituant la valeur normale, mais ne concernent pas les différences constatées entre les prix chinois et indiens des matières premières qui se répercuteraient sur les prix des produits concernés et donc la valeur normale.

122    Selon les requérantes, il aurait été démontré que les différences entre les prix des matières premières affectent les prix des produits concernés. Toutefois, elles ne démontrent pas en quoi cette différence affectait la possibilité de comparer valeur normale et prix à l’exportation. À cet égard, elles ne sauraient valablement affirmer, ainsi qu’elles l’ont fait lors de la procédure administrative, que, à cause des différences entre les prix chinois et indiens des matières premières, « les acheteurs pa[yai]ent systématiquement des prix différents sur le marché intérieur ». En effet, la différence de prix au sens de l’article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base doit être démontrée dans le cadre d’un seul marché intérieur et non par rapport à d’autres marchés, notamment par rapport au marché chinois.

123    Par ailleurs, si l’article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base permet une application assez large de la technique de l’ajustement, il ne saurait cependant être utilisé dans l’objectif de priver d’effet la disposition prévue à l’article 2, paragraphe 7, sous a), dudit règlement.

124    Il y a lieu, dès lors, de rejeter le sixième moyen.

 Sur le septième moyen, tiré de la violation de l’article 253 CE

125    Les requérantes affirment que les institutions n’ont pas examiné les éléments de preuve qu’elles ont présentés dans leurs observations sur la décision relative au statut de SEM et n’ont pas motivé le maintien du rejet dudit statut. En effet, dans le document du 4 août 2008, les institutions auraient affirmé que, compte tenu des éléments de preuve fournis par les requérantes, une analyse supplémentaire était nécessaire avant la conclusion sur l’éventuelle intervention de l’État. Cependant, elles n’auraient, ni dans le document d’information finale ni dans le règlement attaqué, motivé la confirmation du rejet des éléments de preuve fournis.

126    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que la motivation exigée par l’article 253 CE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge d’exercer son contrôle. Il ne saurait, toutefois, être exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si elle satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C‑76/01 P, Rec. p. I‑10091, point 88, et arrêt du Tribunal du 13 avril 2011, Far Eastern New Century/Conseil, T‑167/07, non publié au Recueil, point 103).

127    En l’espèce, il ressort, de façon claire et non équivoque, des considérants 70 à 72 du règlement attaqué (voir point 18 ci-dessus) ainsi que des points 62 à 64 du document d’information finale du 3 novembre 2008 que, à la suite des observations et des éléments de preuve présentés par les requérantes contre la conclusion selon laquelle le statut de SEM leur devrait aussi être refusé, parce qu’il a été constaté que l’État chinois était soit en mesure d’influencer de manière significative les décisions relatives à la société, soit de les bloquer, les institutions ont maintenu leur décision initiale de leur refuser le statut de SEM pour cette raison également. En outre, les institutions ont indiqué les principales raisons de cette décision, liées à la composition du conseil d’administration des requérantes.

128    En outre, il convient d’observer que, dans leurs observations sur le document d’information finale, du 24 novembre 2008, les requérantes ont contesté cette décision des institutions. Plus particulièrement, elles ont considéré que les conclusions de la Commission sur les doutes portant sur l’indépendance des membres du conseil d’administration ainsi que sur l’influence indirecte de l’État sur les décisions commerciales n’étaient pas incorrectes. Cependant, les requérantes ont réitéré leur argument selon lequel cela ne permettait pas à l’État d’influencer de manière significative les décisions de la société concernant les prix, les coûts et les intrants de manière qu’elles soient prises à l’encontre des signaux du marché. Il convient d’en conclure que, même si les requérantes n’étaient pas d’accord avec la Commission sur l’analyse nécessaire de ce critère spécifique pour l’obtention du statut de SEM, elles avaient parfaitement compris son raisonnement et étaient en mesure de défendre leurs droits.

129    Partant, il y a lieu de rejeter comme non fondé le septième moyen.

 Sur le huitième moyen, tiré de la violation des droits de la défense

130    Il ressort d’une jurisprudence constante que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit communautaire qui doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure (voir arrêt de la Cour du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, Rec. p. I‑9147, point 83, et la jurisprudence citée).

131    En vertu de ce principe, les entreprises concernées par une procédure d’enquête précédant l’adoption d’un règlement antidumping doivent être mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (voir arrêt du Tribunal du 19 novembre 1998, Champion Stationery e.a./Conseil, T‑147/97, Rec. p. II‑4137, point 55, et la jurisprudence citée).

132    Les requérantes invoquent une violation des droits de la défense dans la mesure où les institutions ne leur auraient pas fourni des informations essentielles sur la détermination de la valeur normale et des marges de dumping, ce qui les aurait empêché de contester effectivement des conclusions importantes de l’enquête.

133    Dans la réplique, elles reconnaissent que les informations concernant les prix et les coûts sont confidentielles et que le droit dérivé ne prévoit pas de mécanisme de divulgation comme celui pratiqué par d’autres systèmes. En revanche, elles font valoir que la procédure prévue dans le règlement de base telle qu’appliquée par le règlement attaqué viole leurs droits de la défense qui sont des droits fondamentaux au-dessus de toute législation dérivée et même dans une certaine mesure de la législation primaire.

134    Il convient de constater que, dans leurs écritures, les requérantes n’allèguent pas avoir demandé à la Commission la communication de ces informations pendant la procédure administrative. À cet égard, il y a lieu d’observer que, dans le document d’information finale du 3 novembre 2008, la Commission a informé les requérantes que la valeur normale n’avait pas été notifiée dans la mesure où elle ne pouvait pas être notifiée dans un format non confidentiel. Lors de l’audience, le Conseil et la Commission ont affirmé que les requérantes n’ont jamais demandé aux institutions la communication des données concernées et n’ont pas invoqué la violation de leurs droits de la défense à cet égard. Les requérantes n’ont pas contesté cette affirmation. Par ailleurs, aucune demande en ce sens ne ressort du dossier.

135    Dans ces circonstances, les requérantes ne sauraient valablement alléguer une violation de leurs droits de la défense dans le cadre de la présente procédure. En effet, selon le règlement de base, et notamment l’article 6, paragraphe 7, et l’article 20, paragraphe 1, dudit règlement (devenu l’article 6, paragraphe 7, et l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 1225/2009), les demandes d’informations doivent être adressées aux institutions par écrit.

136    Par ailleurs, à supposer que, dans le cadre du présent moyen, les requérantes entendent exciper, en substance, de l’illégalité du règlement de base, au motif d’une prétendue contrariété avec l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, il y a lieu de répondre que celle-ci ne saurait prospérer.

137    Selon l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux, le droit à une bonne administration « comporte notamment […] le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires […] ».

138    Si les requérantes mentionnent une possibilité de conciliation des droits et intérêts des différentes parties ainsi concernées, elles ne fournissent pas davantage d’arguments sur l’illégalité alléguée du règlement de base au vu de l’article de la charte des droits fondamentaux susmentionné.

139    Dès lors, il y a lieu de rejeter le huitième moyen.

140    Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

141    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Conseil et l’EIFI, conformément aux conclusions de ces derniers.

142    La Commission supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Shanghai Biaowu High-Tensile Fasteners Co. Ltd et Shanghai Prime Machinery Co. Ltd supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne et par l’European Industrial Fasteners Institute AISBL.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 octobre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.