Language of document : ECLI:EU:C:2022:262

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

6 avril 2022 (*)

« Pourvoi – Dessin ou modèle communautaire – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑19/22 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 10 janvier 2022,

Sanford LP, établie à Atlanta, Georgia (États-Unis), représentée par Me J. Zecher, Rechtsanwalt,

partie requérante,

Les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Avery Zweckform GmbH, établie à Oberlaindern/Valley (Allemagne),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, MM. N. Jääskinen et M. Safjan (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocate générale, Mme L. Medina, entendue,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Sanford LP demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 novembre 2021, Sanford/EUIPO – Avery Zweckform (Étiquettes) (T‑443/20, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:767), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 15 mai 2020 (affaire R 2413/2018-3), relative à une procédure de nullité entre Avery Zweckform et Sanford.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que les questions de droit soulevées par le moyen unique invoqué au soutien de son pourvoi, tiré de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), et de l’article 6, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

7        Ce moyen comporte deux branches.

8        S’agissant des arguments en rapport avec la première branche, la requérante soutient, en premier lieu, que, aux points 88, 90 et 98 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l’utilisateur averti dispose de compétences techniques approfondies. Cette interprétation méconnaîtrait la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, selon laquelle l’utilisateur averti ne dispose pas d’une expertise technique détaillée et ne peut pas distinguer les caractéristiques dictées par une fonction technique d’un produit de celles qui sont arbitraires, soulevant dès lors une question importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union. L’importance de cette question irait au-delà de la présente espèce en raison du fait que la problématique des connaissances techniques de l’utilisateur averti se pose dans toutes les affaires dans lesquelles il y a lieu d’apprécier la pertinence et l’importance des éléments techniques pour l’impression globale produite par un dessin ou modèle.

9        En deuxième lieu, la requérante fait valoir, tout d’abord, que, en ayant considéré, aux points 93 et 98 de l’arrêt attaqué, que l’utilisateur averti ne prête pas une attention particulière aux caractéristiques perçues comme n’étant pas techniquement nécessaires, le Tribunal s’est écarté de sa jurisprudence selon laquelle seules les caractéristiques exclues de la protection ne sont pas prises en compte par l’utilisateur averti lors de la comparaison de l’impression globale produite par deux dessins ou modèles. Cette question revêtirait une importance pour le développement du droit de l’Union, dans la mesure où la Cour n’aurait pas encore eu l’occasion de se prononcer à cet égard. En outre, selon la requérante, l’attention que l’utilisateur averti porte aux caractéristiques perçues comme n’étant pas techniquement nécessaires est une question qui se pose dans toutes les affaires dans lesquelles il convient d’évaluer la pertinence et l’importance des éléments techniques pour l’impression globale produite par un dessin ou modèle.

10      Ensuite, la requérante soutient que, en ayant considéré, aux points 88 et 95 de l’arrêt attaqué, que l’utilisateur averti ne tient pas compte de l’intention du créateur lorsqu’il évalue si une caractéristique est techniquement nécessaire, le Tribunal s’est écarté de la jurisprudence de la Cour issue de arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, point 26). Selon cette dernière, les considérations ayant déterminé le choix par le créateur constituent le facteur décisif pour évaluer si une caractéristique de l’apparence d’un produit est techniquement nécessaire. La question soulevée serait importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union en raison du fait que le Tribunal aurait méconnu la jurisprudence de la Cour dans des affaires similaires. Par ailleurs, la pertinence des considérations du créateur pour évaluer si des caractéristiques doivent être considérées comme techniquement nécessaires serait une question qui se pose dans toutes les affaires portant sur l’évaluation de la pertinence et l’importance des éléments techniques pour l’impression générale produite par un dessin ou modèle.

11      Enfin, la requérante expose que, en considérant que l’utilisateur averti ignore l’existence d’autres dessins ou modèles lorsqu’il évalue si une caractéristique est techniquement nécessaire, le Tribunal a méconnu la jurisprudence de la Cour selon laquelle les considérations du créateur constituent le facteur décisif pour évaluer si une caractéristique de l’apparence d’un produit doit être considérée comme techniquement nécessaire et si l’existence d’autres dessins ou modèles est pertinente pour l’appréciation de ces considérations. Cette méconnaissance de la jurisprudence constituerait une question importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union, qui se poserait dans toutes les affaires dans lesquelles il convient d’évaluer la pertinence et l’importance des éléments techniques pour l’impression générale produite par un dessin ou modèle.

12      En troisième lieu, la requérante fait valoir que, aux points 80 et 82 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur en considérant que l’utilisateur averti ignore complètement les caractéristiques des dessins et modèles perçues comme indiquant l’origine des produits. Cette interprétation serait contraire à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, selon laquelle l’utilisateur averti percevrait toutes les caractéristiques d’un dessin ou modèle, même s’il n’attache pas beaucoup d’importance à certaines d’entre elles et percevrait également des caractéristiques vues comme décoratives, même si elles sont moins importantes pour l’impression globale. La méconnaissance de cette jurisprudence soulèverait une question importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union. Dans l’hypothèse où la Cour devrait considérer la jurisprudence antérieure comme étant inapplicable, un développement clarificateur du droit de l’Union s’imposerait en raison des difficultés que le Tribunal semble rencontrer pour résoudre les différents aspects de la question.

13      S’agissant de l’argument lié à la seconde branche, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur en considérant que seules les différences sur lesquelles l’utilisateur averti porte son attention et qui suscitent une attention particulière contribuent à l’impression globale des dessins ou modèles à comparer. Ainsi, il aurait méconnu sa jurisprudence, issue de l’arrêt du 21 mai 2015, Senz Technologies/OHMI – Impliva (Parapluies) (T‑22/13 et T‑23/13, EU:T:2015:310), point 57), selon laquelle, lorsque la liberté du créateur est limitée, il serait probable que des différences minimes suffisent à produire une impression globale différente. La requérante considère que la question du degré de différence nécessaire et des modalités de détermination de ce degré, qui se pose dans toutes les affaires portant sur l’évaluation de l’impression globale produite par un dessin ou modèle, n’a pas encore fait l’objet d’un examen par la Cour et, par conséquent, requiert son intervention.

14      À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20 et jurisprudence citée).

15      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21 et jurisprudence citée).

16      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22et jurisprudence citée).

17      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 22 février 2022, Sony Interactive Entertainment Europe/EUIPO, C‑679/21 P, non publiée, EU:C:2022:109, point 15 et jurisprudence citée).

18      En l’occurrence, s’agissant de l’argumentation soulevée aux points 6 à 13 de la présente ordonnance, par laquelle la requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu la jurisprudence de la Cour et sa propre jurisprudence, il y a lieu de rappeler qu’une allégation générale selon laquelle le Tribunal aurait appliqué sa propre jurisprudence ou celle de la Cour de manière erronée n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 16 de la présente ordonnance (voir, par analogie, ordonnances du 13 octobre 2020, Abarca/EUIPO, C‑313/20 P, non publiée, EU:C:2020:821, point 17 et du 22 février 2022, Sony Interactive Entertainment Europe/EUIPO, C‑679/21 P, non publiée, EU:C:2022:109, point 17).

19      Or, force est de constater que si la requérante précise les points de l’arrêt attaqué contestés et ceux des décisions de la Cour et du Tribunal qui auraient été méconnus, elle ne fournit pas suffisamment d’indications sur la similitude des situations visées dans ces décisions, permettant d’établir la réalité de la contradiction invoquée (voir, en ce sens, ordonnances du 13 février 2020, Confédération nationale du Crédit Mutuel / Crédit Mutuel Arkéa, C‑867/19 P, non publiée, EU:C:2020:103, point 18 et du 17 décembre 2020, Brands Up/EUIPO, C‑404/20 P, non publiée, EU:C:2020:1058, point 20).

20      En effet, la requérante se borne à indiquer que le Tribunal a méconnu sa propre jurisprudence ou celle de la Cour dans des affaires similaires et que celles-ci partent de prémisses opposées à celles sur lesquelles se fonde l’arrêt attaqué.

21      En ce qui concerne l’argumentation exposée aux points 9, 12 et 13 de la présente ordonnance, relative à l’absence de jurisprudence de la Cour portant sur l’attention prêtée par l’utilisateur averti aux caractéristiques perçues comme n’étant pas techniquement nécessaires ou comme indiquant l’origine du produit, ainsi que sur les différences qui contribueraient à l’impression globale des dessins ou modèles à comparer, il convient de rappeler que le fait qu’une question de droit n’a pas fait l’objet d’un examen par la Cour ne signifie pas pour autant que cette question revêt nécessairement une importance pour le développement du droit de l’Union, la requérante étant toujours tenue de démontrer une telle importance en fournissant des indications précises non seulement sur le caractère de nouveauté de cette question, mais également sur les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard d’un tel développement (voir, en ce sens, ordonnance du 24 février 2022, Sony Interactive Entertainment Europe/EUIPO, C‑678/21 P, non publiée, EU:C:2022:141, point 23 et jurisprudence citée). Or, une telle démonstration ne ressort pas de la présente demande, la requérante se limitant à affirmer, de manière générique, que les questions en cause n’ont pas encore été soumises au contrôle de la Cour.

22      Par ailleurs, il importe de souligner que si la requérante prétend que son pourvoi soulève une question susceptible de se poser dans toutes les affaires ayant pour objet l’évaluation de la pertinence et de l’importance des éléments techniques pour l’impression générale produite par un dessin ou modèle et l’évaluation de l’impression globale produite par un dessin ou modèle, force est de relever que, non seulement il ne s’agit que d’un argument d’ordre général n’étant pas de nature à justifier l’admission du pourvoi, mais que le fait qu’une question pourrait concerner un grand nombre d’affaires ne saurait manifestement être considéré comme étant pertinent pour établir l’importance juridique de la question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 4 mai 2021, Dermavita/EUIPO, C‑26/21 P, non publiée, EU:C:2021:355, point 21 et jurisprudence citée).

23      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

24      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

25      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

26      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Sanford LP supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.