ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
16 septembre 1999 (1)
«Environnement Directive 85/337/CEE Évaluation des incidences de certains
projets publics et privés»
Dans l'affaire C-435/97,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177
du traité CE (devenu article 234 CE), par le Verwaltungsgericht, Autonome
Sektion für die Provinz Bozen (Italie), et tendant à obtenir, dans le litige pendant
devant cette juridiction entre
World Wildlife Fund (WWF) e.a.
et
Autonome Provinz Bozen e.a.,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 85/337/CEE du
Conseil, du 27 juin 1985, concernant l'évaluation des incidences de certains projets
publics et privés sur l'environnement (JO L 175, p. 40),
LA COUR (sixième chambre),
composée de MM. P. J. G. Kapteyn, président de chambre, G. Hirsch et H.
Ragnemalm (rapporteur), juges,
avocat général: M. J. Mischo,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,
considérant les observations écrites présentées:
pour World Wildlife Fund (WWF) e.a., par Me W. Wielander, avocat au
barreau de Bozen,
pour Autonome Provinz Bozen, par Mes H. Heiss et R. von Guggenberg,
avocats au barreau de Bozen,
pour Südtiroler Transportstrukturen AG, par Mes C. Baur, avocat au
barreau de Bozen, et S. Weber, avocat à Vienne,
pour Airport Bolzano Bozen AG, par Me P. Platter, avocat au barreau de
Bozen,
pour le gouvernement italien, par M. le professeur U. Leanza, chef du
service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères,
en qualité d'agent, assisté de M. P. G. Ferri, avvocato dello Stato,
pour le gouvernement néerlandais, par M. M. A. Fierstra, conseiller
juridique adjoint au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,
pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. E. Collins, Assistant
Treasury Solicitor, en qualité d'agent, assisté de M. D. Wyatt, QC,
pour la Commission des Communautés européennes, par M. G. zur Hausen,
conseiller juridique, en qualité d'agent,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de World Wildlife Fund (WWF) e.a.,
d'Autonome Provinz Bozen, de Südtiroler Transportstrukturen AG, d'Airport
Bolzano Bozen AG, du gouvernement italien, du gouvernement du Royaume-Uni
et de la Commission à l'audience du 18 mars 1999,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 29 avril 1999,
rend le présent
Arrêt
- 1.
- Par ordonnance du 3 décembre 1997, parvenue à la Cour le 24 décembre suivant,
le Verwaltungsgericht, Autonome Sektion für die Provinz Bozen, a posé, en
application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), six questions
préjudicielles relatives à l'interprétation de la directive 85/337/CEE du Conseil, du
27 juin 1985, concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et
privés sur l'environnement (JO L 175, p. 40, ci-après la «directive»).
- 2.
- Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un recours en annulation introduit
par les requérantes au principal, à savoir des personnes physiques qui se présentent
comme des riverains de l'aéroport de Bolzano-St Jacob et deux associations de
protection de l'environnement, à l'encontre, d'une part, de la décision n° 1230, du
27 mars 1997, du gouvernement de la province autonome de Bolzano et, d'autre
part, de la lettre du Landeshauptmann (chef du gouvernement de la province), du
11 avril 1997, ayant autorisé un projet de restructuration dudit aéroport.
- 3.
- Il résulte de l'ordonnance de renvoi que ce projet a pour objectif de transformer
un aéroport qui est utilisé depuis les années 1925/1926 à des fins militaires, pour
l'aviation sportive et qui l'a été également, pendant une certaine période et de
manière limitée, à des fins civiles, en un aéroport qui soit utilisable
commercialement dans le but d'effectuer des vols réguliers, ainsi que des vols
charters et des vols affectés au transport de fret.
- 4.
- Les travaux et aménagements prévus sont essentiellement les suivants: rénovation
de la piste existante, construction des accès et de places de parking, construction
d'une tour de contrôle avec les installations techniques de sécurité aérienne,
construction d'un bâtiment de dédouanement et d'un hangar, installation des
raccordements et des évacuations nécessaires, etc., ainsi que le prolongement de
la piste de 1 040 à 1 400 mètres. Il est constant que, à la date de l'ordonnance de
renvoi, ces derniers travaux n'avaient pas encore été autorisés en raison du fait que
le plan d'aménagement devait préalablement être modifié.
- 5.
- Cette restructuration de l'aéroport de Bolzano était prévue dans le plan de
développement et d'aménagement autorisé par la loi n° 3 de la province autonome
de Bolzano, du 18 janvier 1995 (ci-après la «loi n° 3/95»), qui exigeait, notamment,
l'élaboration d'une étude des incidences sur l'environnement. Cette étude, confiée
à une équipe d'experts par le maître d'ouvrage, la société Südtiroler
Transportstrukturen AG, a été élaborée et date de juin 1996. En outre, diverses
instances, dont l'agence chargée de l'environnement, ont été consultées, les
communes concernées ont été informées et des avis ont été demandés.
- 6.
- En particulier, à l'occasion de l'une de ces demandes d'avis, le projet a été examiné
par l'Amtsdirektorenkonferenz (l'assemblée des directeurs de l'administration de
la province) qui a émis un avis selon la procédure qualifiée par la juridiction
nationale «d'évaluation simplifiée des incidences sur l'environnement», prévue par
les articles 11 à 13 de la loi n° 27 de la province autonome de Bolzano, du 7 juillet
1992, instituant une procédure d'évaluation des incidences sur l'environnement,
dans sa version en vigueur à la date des faits au principal (B.V. Suppl. Ord 28
juillet 1992, n° 31, ci-après la «loi n° 27/92»). Toutefois, il est constant que la
procédure selon laquelle les actes attaqués ont été adoptés, à l'exception du
prolongement de la piste qui n'avait pas encore été autorisé, n'était pas celle
prévue par la directive.
Cadre réglementaire
La directive
- 7.
- La directive concerne, selon son article 1er, paragraphe 1, l'évaluation des
incidences sur l'environnement de certains projets publics et privés susceptibles
d'avoir des incidences notables sur l'environnement.
- 8.
- Aux termes du paragraphe 2 du même article, on entend par «projet:
la réalisation de travaux de construction ou d'autres installations ou
ouvrages,
d'autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles
destinées à l'exploitation des ressources du sol».
- 9.
- L'article 1er, paragraphes 4 et 5, de la directive dispose respectivement que cette
dernière «ne concerne pas les projets destinés à des fins de défense nationale» et
qu'elle «ne s'applique pas aux projets qui sont adoptés en détail par un acte
législatif national spécifique, les objectifs poursuivis par la présente directive, y
compris l'objectif de la mise à disposition d'informations, étant atteints à travers la
procédure législative».
- 10.
- Selon l'article 2, paragraphe 1, de la directive, «Les États membres prennent les
dispositions nécessaires pour que, avant l'octroi de l'autorisation, les projets
susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, notamment en
raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à
une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à
l'article 4».
- 11.
- Cette dernière disposition distingue deux types de projets.
- 12.
- L'article 4, paragraphe 1, exige que, sous réserve de l'article 2, paragraphe 3, les
projets appartenant aux classes énumérées à l'annexe I de la directive soient soumis
à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Parmi les projets qui relèvent
de l'article 4, paragraphe 1, de la directive, l'annexe I, point 7, vise la
«Construction ... d'aéroports dont la piste de décollage et d'atterrissage a une
longueur de 2 100 mètres ou plus».
- 13.
- En ce qui concerne les autres types de projets, l'article 4, paragraphe 2, de la
directive prévoit:
«Les projets appartenant aux classes énumérées à l'annexe II sont soumis à une
évaluation, conformément aux articles 5 à 10, lorsque les États membres
considèrent que leurs caractéristiques l'exigent.
A cette fin, les États membres peuvent notamment spécifier certains types de
projets à soumettre à une évaluation ou fixer des critères et/ou des seuils à retenir
pour pouvoir déterminer lesquels, parmi les projets appartenant aux classes
énumérées à l'annexe II, doivent faire l'objet d'une évaluation conformément aux
articles 5 à 10».
- 14.
- Quant aux projets qui relèvent de l'article 4, paragraphe 2, de la directive,
l'annexe II, point 10, sous d), de cette dernière vise la «Construction ...
d'aérodromes (projets qui ne figurent pas à l'annexe I)» et le point 12 de la même
annexe mentionne la modification des projets figurant à l'annexe I.
- 15.
- Les articles 5 à 9 de la directive, auxquels l'article 4 fait référence, prévoient
essentiellement ce qui suit: l'article 5 précise les informations minimales que doit
fournir le maître d'ouvrage, l'article 6 instaure, notamment, l'obligation du maître
d'ouvrage d'informer les autorités et le public, l'article 8 mentionne l'obligation des
autorités compétentes de prendre en considération les informations recueillies dans
le cadre de la procédure d'évaluation et l'article 9 institue l'obligation des autorités
compétentes d'informer le public de la décision qui a été prise et des conditions
dont celle-ci est éventuellement assortie.
La loi n° 27/92
- 16.
- La loi n° 27/92 comporte deux annexes, l'annexe I et l'annexe II, qui énumèrent
différents projets et fixent, en combinaison avec les dispositions de la loi, les
conditions dans lesquelles ces projets sont soumis à la procédure d'évaluation des
incidences sur l'environnement.
- 17.
- Concernant les aéroports, la loi n° 27/92, annexe II, point 11, sous e), soumet à
cette procédure d'évaluation tous les projets relatifs à une nouvelle construction
d'aéroports.
- 18.
- En revanche, l'extension ou la transformation des aéroports existants relève,
comme tout autre projet d'extension ou de transformation, de l'article 2,
paragraphe 2, de la loi n° 27/92, lequel exige une évaluation des incidences sur
l'environnement soit pour les projets dépassant de 20 % les seuils mentionnés à
l'annexe II, soit pour les projets pour lesquels l'annexe I de ladite loi prévoit une
telle évaluation.
- 19.
- S'agissant des projets d'aéroports, l'annexe II de la loi n° 27/92 ne prévoit pas de
seuil, alors que, selon l'annexe I de la même loi, une évaluation est exigée
seulement pour des projets d'aéroports dont la piste de décollage et d'atterrissage
a une longueur de 2 100 mètres ou plus.
Le litige devant la juridiction nationale
- 20.
- Les requérantes au principal ont contesté devant la juridiction nationale la légalité
des actes attaqués, en faisant valoir que la procédure suivie pour l'autorisation du
projet ne serait pas conforme aux exigences de la directive. Selon elles, le projet
étant susceptible d'avoir, en raison de sa nature, de ses dimensions et de salocalisation, des incidences notables sur l'environnement, il relève de l'article 2,
paragraphe 1, de la directive et aurait dû être soumis à la procédure d'évaluation
conformément aux dispositions combinées de l'article 4, paragraphe 2, et de
l'annexe II de la directive et non pas à une simple «étude des incidences sur
l'environnement» suivie d'un examen du projet par l'Amtsdirektorenkonferenz,
lesquels ne satisfont pas aux exigences de la directive.
- 21.
- En revanche, selon les défenderesses au principal, la directive n'est pas applicable
au projet litigieux pour trois raisons essentielles.
- 22.
- D'abord, il ne s'agirait que d'un projet d'amélioration d'un aéroport d'une ampleur
réduite, qui n'aurait pas d'incidence notable sur l'environnement parce qu'il serait
destiné à améliorer le trafic aérien et à remédier aux nuisances pour
l'environnement que provoque ce dernier; en outre, le prolongement de la piste
d'atterrissage, qui passerait de 1 040 à 1 400 mètres, n'avait pas encore été
autorisé.
- 23.
- Ensuite, le projet ne serait pas soumis à une évaluation des incidences sur
l'environnement, conformément aux exigences de la directive, parce qu'il résulterait
des dispositions combinées de la loi n° 27/92 qu'il relève des projets figurant à
l'annexe II de la directive, lesquels, conformément à l'article 4, paragraphe 2, de
celle-ci, sont soumis à la procédure d'évaluation des articles 5 à 10 lorsque les États
membres considèrent que leurs caractéristiques l'exigent; il s'ensuivrait que la loi
n° 27/92, qui aurait été adoptée dans les limites de la marge d'appréciation
reconnue aux États membres par l'article 4, paragraphe 2, de la directive, serait
conforme à cette dernière disposition.
- 24.
- Enfin, le projet litigieux étant, d'une part, destiné à des fins tant civiles que
militaires et, d'autre part, prévu dans la loi n° 3/95 qui a autorisé le plan de
développement et d'aménagement, les exceptions mentionnées respectivement à
l'article 1er, paragraphes 4 et 5, de la directive trouveraient à s'appliquer.
- 25.
- Les requérantes au principal ont contesté cette argumentation en soutenant que,
en permettant aux autorités nationales de ne pas soumettre un projet susceptible
d'avoir des incidences notables sur l'environnement à une évaluation des incidences,
la loi n° 27/92 ne serait pas en conformité avec la directive et devrait être écartée
au profit de l'application des dispositions pertinentes de cette dernière.
- 26.
- Dans son ordonnance de renvoi, la juridiction nationale, considérant que le projet
litigieux, en tant qu'il concerne un aéroport ayant une piste d'atterrissage inférieure
à 2 100 mètres, relève des projets mentionnés à l'annexe II de la directive et entre
dans les prévisions de l'article 4, paragraphe 2, de cette dernière, a considéré que
la loi n° 27/92, par son article 2, paragraphe 2, ne soumet pas les extensions et
restructurations d'aéroports dont la piste d'atterrissage est inférieure à 2 100 mètres
à une évaluation des incidences sur l'environnement dans la mesure où aucun seuil
n'est fixé pour les projets relatifs aux aéroports. Cependant, selon la juridiction de
renvoi, le projet litigieux, en raison de sa nature, de sa dimension et
vraisemblablement en raison également de sa localisation dans une vallée encaissée,
à proximité directe d'une zone industrielle et d'une zone d'habitation, pourrait avoir
une incidence notable sur l'environnement.
- 27.
- Eu égard aux faits qu'il a constatés et aux considérations qu'il en a inférées, à
l'argumentation des parties, ainsi qu'aux réglementations communautaire et
nationale en cause, le Verwaltungsgericht, Autonome Sektion für die Provinz
Bozen, ayant des doutes sur l'interprétation de la directive, a décidé de surseoir à
statuer et de poser les questions préjudicielles suivantes:
«1) L'article 4, paragraphe 2, de la directive 85/337/CEE doit-il être interprété
en ce sens que
a) certaines classes des projets énumérés à l'annexe II peuvent être a
priori exclues globalement, à la libre appréciation des États membres,
de l'obligation de procéder à une évaluation des incidences sur
l'environnement,
ou
b) la marge de manoeuvre des États membres est limitée par
l'obligation, fixée par l'article 2, paragraphe 1, de la directive, de
soumettre dans tous les cas à une évaluation des incidences sur
l'environnement les projets susceptibles d'avoir des incidences
notables sur l'environnement, notamment en raison de leur nature, de
leurs dimensions ou de leur localisation?
c) L'article 4, paragraphe 2, conjointement avec l'article 2, paragraphe
1, de la directive autorise-t-il un État membre à définir (ou à ne pas
définir) certains types de projets ou critères et/ou seuils de telle sorte
que la restructuration d'un aéroport ayant une piste d'atterrissage
inférieure à 2 100 mètres peut être a priori exclue de l'obligation de
procéder à une évaluation des incidences sur l'environnement, bien
que le projet ait une incidence notable sur l'environnement, ou bien
la marge d'appréciation de l'État membre, dont il dispose en vertu de
l'article 4, paragraphe 2 de la directive [s'il y a lieu de répondre
positivement à la question posée sous b)], est-elle de ce fait dépassée?
2) L'article 4, paragraphe 2, de la directive, conjointement avec son article 2,
paragraphe 1, doit-il être interprété en ce sens que l'obligation de procéder
à une évaluation des incidences sur l'environnement s'applique également
(ou non) aux élargissements et aux restructurations des projets mentionnés
à l'annexe II, lorsque ceux-ci sont susceptibles d'avoir des incidences
notables sur l'environnement, ou bien, l'article 4, paragraphe 2, et l'article 2,
paragraphe 1, de la directive permettent-ils de faire échapper a priori à une
évaluation des incidences sur l'environnement les projets de restructuration
ayant une incidence notable sur l'environnement, et ce de façon explicite ou
implicite (par exemple, par l'intermédiaire d'une règle qui n'est pas
applicable aux aéroports).
3) Dans quelle mesure l'article 2, paragraphe 1, de la directive, également
conjointement avec l'article 2, paragraphe 2, autorise-t-il les États membres
à mettre en place (ou à utiliser) des procédures d'évaluation alternatives (à
la procédure normale d'évaluation des incidences sur l'environnement) et,
dans l'hypothèse d'une réponse affirmative à cette question:
a) quelles sont les exigences essentielles ou exigences minimales que
cette évaluation doit respecter pour se conformer aux objectifs de la
directive et, en particulier
b) la participation du public, au sens de l'article 6 de la directive, est-elle
une exigence essentielle de toute évaluation des incidences sur
l'environnement?
4) L'article 1er, paragraphe 5, de la directive 85/337 doit-il être interprété en
ce sens qu'il vise également les projets qui sont certes prévus par une norme
législative ayant un caractère programmatique mais qui sont autorisés par
une procédure administrative distincte?
Quelles sont les exigences minimales, du point de vue de l'évaluation
environnementale, que doit comporter la 'procédure législative pour
atteindre 'les objectifs poursuivis par la ... directive y compris l'objectif de
la mise à disposition d'informations?
5) Convient-il de faire application de l'exclusion du champ d'application de la
directive, prévue par l'article 1er, paragraphe 4, dans l'hypothèse d'un
aéroport utilisé à la fois à des fins civiles et militaires?
Le critère à utiliser est-il celui de l'utilisation principale ou bien suffit-il, pour
que le projet échappe à la directive, que l'aéroport serve également à des
fins militaires?
6) Dans l'hypothèse d'une transposition non conforme à la directive, l'article
4, paragraphe 2, conjointement avec l'article 2, paragraphe 1, de la directive
a-t-il un effet direct vertical ('self executing), en ce sens que les autorités
de l'État membre sont tenues de soumettre (ou non) les projets litigieux à
une évaluation des incidences sur l'environnement?»
A titre liminaire
- 28.
- Dans leurs observations devant la Cour, les requérantes au principal exposent que
la juridiction de renvoi a, par une autre ordonnance, prise à la suite de leur
demande de mesures provisoires, à l'issue de cette procédure accessoire à la
procédure principale, suspendu le projet litigieux, au motif qu'il n'y avait pas eu
d'évaluation des incidences sur l'environnement; cette dernière ordonnance ayant
fait l'objet d'un recours introduit par les défenderesses au principal, le Consiglio di
Stato l'a annulée, par son arrêt n° 1411/97, du 29 août 1997, de sorte que les
travaux d'aménagement litigieux ont été poursuivis depuis lors. A cet égard, les
requérantes au principal demandent à la Cour de se prononcer, d'une part, sur la
question de savoir si la suspension de l'exécution de la mesure contestée, que la
juridiction de renvoi avait, selon elles, valablement décidée en l'espèce, aurait dû
être confirmée par le Consiglio di Stato et, d'autre part, dans l'hypothèse où la
Cour estimerait qu'une évaluation des incidences sur l'environnement était
nécessaire, sur les conséquences pratiques qu'emporterait sa propre décision à cet
égard.
- 29.
- En ce qui concerne ces demandes, il suffit de constater que la juridiction nationale
n'a posé aucune question à cet égard et que, par conséquent, il n'y a pas lieu de
les examiner (voir arrêts du 15 juin 1972, Grassi, 5/72, Rec. p. 443, point 4, et du
11 octobre 1990, Nespoli et Crippa, C-196/89, Rec. p. I-3647, point 23).
- 30.
- De son côté, l'une des défenderesses au principal, la société Airport Bolzano
Bozen AG, conteste la présentation d'une série de faits constatés dans l'ordonnance
de renvoi par la juridiction nationale. Elle conteste également, en invoquant les
dispositions du droit national, que cette dernière soit compétente pour connaître
du fond de l'affaire, au motif que les compétences de cette juridiction portent
uniquement sur des questions de droit.
- 31.
- En ce qui concerne la contestation de certains faits par la société Airport Bolzano
Bozen AG, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 177 du traité, fondé
sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour,
celle-ci est uniquement habilitée à se prononcer sur l'interprétation ou la validité
d'un texte communautaire, à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction
nationale (voir, notamment, arrêts du 2 juin 1994, AC-ATEL Electronics Vertriebs,
C-30/93, Rec. p. I-2305, point 16, et du 1er décembre 1998, Levez, C-326/96, Rec.
p. I-7835, point 25).
- 32.
- Dans ce cadre, il n'appartient pas à la Cour mais à la juridiction nationale d'établir
les faits qui ont donné lieu au litige et d'en tirer les conséquences pour la décision
qu'elle est appelée à rendre (voir arrêts du 29 avril 1982, Pabst & Richarz, 17/81,
Rec. p. 1331, point 12, AC-ATEL Electronics Vertriebs, précité, point 17, et Levez,
précité, point 26).
- 33.
- Quant à la contestation de la compétence de la juridiction nationale sur la base du
droit national, il y a lieu de rappeler qu'il n'appartient pas à la Cour, vu la
répartition des fonctions entre elle et les juridictions nationales, de vérifier si la
décision par laquelle elle a été saisie a été prise conformément aux règles
d'organisation et de procédure judiciaires de droit national (voir arrêt du 3 mars
1994, Eurico Italia e.a., C-332/92, C-333/92 et C-335/92, Rec. p. I-711, point 13).
Sur les première et deuxième questions
- 34.
- Par ses première et deuxième questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la
juridiction nationale soulève en substance deux problèmes.
- 35.
- Le premier est de savoir si les articles 4, paragraphe 2, et 2, paragraphe 1, de la
directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils confèrent à un État membre le
pouvoir d'exclure a priori et globalement de la procédure d'évaluation des
incidences sur l'environnement mise en place par la directive certaines classes de
projets relevant de l'annexe II de cette dernière, y compris leurs modifications, tel
que le projet de restructuration d'un aéroport dont la piste de décollage etd'atterrissage est inférieure à 2 100 mètres, même si celui-ci a des incidences
notables sur l'environnement.
- 36.
- A cet égard, il y a lieu de rappeler que, certes, l'article 4, paragraphe 2, second
alinéa, de la directive confère aux États membres une marge d'appréciation pour
spécifier certains types de projets à soumettre à une évaluation ou fixer des critères
et/ou des seuils à retenir. Cependant, une telle marge d'appréciation trouve ses
limites dans l'obligation, énoncée à l'article 2, paragraphe 1, de soumettre à une
étude d'incidences les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur
l'environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de
leur localisation (voir arrêts du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a., C-72/95, Rec. p.
I-5403, point 50, et du 22 octobre 1998, Commission/Allemagne, C-301/95, Rec. p.
I-6135, point 45).
- 37.
- Ainsi, statuant à propos de la législation d'un État membre selon laquelle certaines
classes entières des projets énumérés à l'annexe II de la directive étaient exclues
de l'obligation d'étude d'incidences, la Cour a jugé, dans l'arrêt du 2 mai 1996,
Commission/Belgique (C-133/94, Rec. p. I-2323, point 42), que les critères et/ou les
seuils mentionnés à l'article 4, paragraphe 2, de celle-ci ont pour but de faciliter
l'appréciation des caractéristiques concrètes que présente un projet en vue de
déterminer s'il est soumis à l'obligation d'une évaluation et non de soustraire
d'avance à cette obligation certaines classes entières des projets énumérés à
l'annexe II, envisageables sur le territoire d'un État membre.
- 38.
- La Cour a également précisé dans l'arrêt Kraaijeveld e.a., précité, point 53, qu'un
État membre, qui fixerait les critères et/ou les seuils à un niveau tel que, en
pratique, la totalité d'une classe de projets serait d'avance soustraite à l'obligation
d'étude d'incidences, outrepasserait la marge d'appréciation dont il dispose en vertu
des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphe 2, de la directive, sauf si la totalité
des projets exclus pouvait être considérée, sur la base d'une appréciation globale,
comme n'étant pas susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement.
- 39.
- Quant aux modifications de tels projets, la Cour a, dans l'arrêt Kraaijeveld e.a.,
précité, point 40, considéré que le seul fait que la directive ne mentionne pas
expressément les modifications de projets relevant de l'annexe II, au contraire des
modifications de projets figurant à l'annexe I, ne permet pas d'en déduire qu'elles
n'entrent pas dans le champ d'application de la directive.
- 40.
- Ainsi, en relevant que le champ d'application de cette dernière est étendu et son
objectif très large, la Cour a jugé que la notion de «modification de projet» entre
dans les prévisions de la directive, même en ce qui concerne les projets relevant de
l'annexe II de cette dernière, au motif qu'il serait porté atteinte à cet objectif si la
qualification de «modification de projet» permettait de faire échapper certains
travaux ou ouvrages à l'obligation de réaliser une étude d'incidences, alors que, en
raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, ces travaux ou
ouvrages sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement (voir
arrêt Kraaijeveld e.a., précité, point 39).
- 41.
- Le second problème soulevé par la juridiction nationale est de savoir si, compte
tenu du fait qu'un aéroport est le seul à être susceptible de restructuration dans la
province où il est installé, les articles 4, paragraphe 2, et 2, paragraphe 1, de la
directive confèrent néanmoins à un État membre le pouvoir d'exclure de la
procédure d'évaluation mise en place par la directive, comme n'étant pas
susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement, un projet
spécifique, tel que celui en cause au principal, soit en vertu d'un acte législatif
national, en l'occurrence la loi n° 27/92, soit sur le fondement d'un examen
individuel dudit projet.
- 42.
- A cet égard, il convient de rappeler que l'article 4, paragraphe 2, second alinéa, de
la directive dispose que «... les États membres peuvent notamment spécifier
certains types de projets à soumettre à une évaluation ou fixer des critères et/ou
des seuils à retenir pour pouvoir déterminer lesquels, parmi les projets appartenant
aux classes énumérées à l'annexe II, doivent faire l'objet d'une évaluation
conformément aux articles 5 à 10». Cette disposition mentionne, donc, à titre
indicatif, les méthodes auxquelles les États membres peuvent recourir afin de
déterminer, parmi les projets relevant de l'annexe II, quels sont ceux qui doivent
faire l'objet d'une évaluation au sens de la directive.
- 43.
- Par conséquent, la directive confère à cet égard aux États membres une marge
d'appréciation et ne les empêche donc pas d'utiliser d'autres méthodes, afin de
spécifier les projets nécessitant une évaluation des incidences sur l'environnement
conformément à la directive. La directive n'exclut donc nullement du nombre de
ces méthodes celle qui consisterait à désigner, sur le fondement d'un examen
individuel de chaque projet concerné ou en vertu d'un acte législatif national, un
projet spécifique, relevant de l'annexe II de la directive, comme n'étant pas soumis
à la procédure d'évaluation de ses incidences sur l'environnement.
- 44.
- Cependant, le fait que l'État membre dispose de la marge d'appréciation rappelée
au point précédent ne suffit pas à lui seul pour exclure un projet déterminé de la
procédure d'évaluation au sens de la directive. S'il en était autrement, la marge
d'appréciation reconnue aux États membres par l'article 4, paragraphe 2, de la
directive pourrait être utilisée par ces derniers pour faire échapper un projet
spécifique à l'obligation d'évaluation, alors qu'en raison de sa nature, de ses
dimensions ou de sa localisation ledit projet pourrait avoir des incidences notables
sur l'environnement.
- 45.
- Par conséquent, quelle que soit la méthode retenue par un État membre pour
déterminer si un projet spécifique nécessite ou non une évaluation, à savoir la
désignation d'un projet spécifique par la voie législative ou à la suite d'un examen
individuel du projet, cette méthode ne doit pas porter atteinte à l'objectif de la
directive, qui vise à ne soustraire à l'évaluation aucun projet susceptible d'avoir des
incidences notables sur l'environnement, au sens de la directive, sauf si le projet
spécifique exclu pouvait être considéré sur la base d'une appréciation globale
comme n'étant pas susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement.
- 46.
- Il y a lieu d'ajouter, concernant l'exclusion du projet en cause au principal de la
procédure d'évaluation en vertu des dispositions de la loi n° 27/92, que, en tout état
de cause, même si ce projet concerne l'unique aéroport de la province susceptible
d'une restructuration et qu'il a été effectivement visé par le législateur, ce dernier
ne saurait soustraire ledit projet à l'obligation d'évaluation que s'il était en mesure,
à la date d'adoption de la loi n° 27/92, d'apprécier de manière précise l'impact
global sur l'environnement que serait susceptible d'avoir la totalité des travaux
correspondant au projet considéré.
- 47.
- Quant à l'exclusion du projet, sur le fondement d'un examen individuel effectué par
les autorités compétentes, il résulte du dossier que les actes attaqués ont été
précédés d'une étude des incidences sur l'environnement réalisée par une équipe
d'experts, que des informations ont été communiquées aux communes concernées
et que le public a été informé par des avis de presse. En outre, l'agence pour
l'environnement et l'Amtsdirektorenkonferenz ont été consultées.
- 48.
- Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si, sur le fondement de l'examen
individuel effectué par les autorités compétentes et qui a conduit à exclure le projet
spécifique en cause au principal de la procédure d'évaluation mise en place par la
directive, ces dernières ont correctement apprécié, conformément à la directive, le
caractère notable des incidences dudit projet sur l'environnement.
- 49.
- Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première
et deuxième questions que les articles 4, paragraphe 2, et 2, paragraphe 1, de la
directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne confèrent à un État membre
le pouvoir ni d'exclure a priori et globalement de la procédure d'évaluation des
incidences sur l'environnement mise en place par ladite directive certaines classes
de projets relevant de l'annexe II de celle-ci, y compris leurs modifications, ni de
soustraire à une telle procédure un projet spécifique, tel que le projet de
restructuration d'un aéroport ayant une piste de décollage et d'atterrissage
inférieure à 2 100 mètres, soit en vertu d'un acte législatif national, soit sur le
fondement d'un examen individuel dudit projet, sauf si la totalité de ces classes de
projets ou le projet spécifique pouvaient être considérés, sur la base d'une
appréciation globale, comme n'étant pas susceptibles d'avoir des incidences
notables sur l'environnement. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si,
sur le fondement de l'examen individuel effectué par les autorités compétentes et
qui a conduit à exclure le projet spécifique en cause de la procédure d'évaluation
mise en place par la directive, ces dernières ont correctement apprécié,
conformément à celle-ci, le caractère notable des incidences du projet sur
l'environnement.
Sur la troisième question
- 50.
- Par sa troisième question, la juridiction nationale demande en substance si, dans
le cas d'un projet nécessitant une évaluation conformément à la directive,
l'article 2, paragraphes 1 et 2, de cette dernière doit être interprété en ce sens qu'il
autorise un État membre à utiliser une procédure d'évaluation autre que celle mise
en place par la directive, et si, lorsque cette procédure alternative est incorporée
à une procédure nationale existante ou à établir au sens de l'article 2, paragraphe
2, de ladite directive, elle doit respecter les exigences des articles 3 et 5 à 10 de
cette directive, parmi lesquelles figure la participation du public telle que prévue
à l'article 6 de celle-ci.
- 51.
- La juridiction nationale expose dans son ordonnance de renvoi qu'elle a des doutes
sur le point de savoir si la procédure d'autorisation prévue aux articles 11 à 13 de
la loi n° 27/92 est appropriée pour identifier de manière exhaustive les effets du
projet sur l'environnement. A cet égard, elle constate que, d'une part, ni les
répercussions sur le bruit ni celles sur l'air n'ont été examinées, comme l'exige à cet
égard l'article 3 de la directive, et que, d'autre part, le public n'a pas participé à
cette procédure, contrairement aux prescriptions de l'article 6 de la directive.
- 52.
- A cet égard, l'article 2, paragraphe 2, de la directive dispose que «L'évaluation des
incidences sur l'environnement peut être intégrée dans les procédures existantes
d'autorisation des projets dans les États membres ou, à défaut, dans d'autres
procédures ou dans celles à établir pour répondre aux objectifs de la présente
directive». Il résulte donc de cette disposition que la directive ne s'oppose pas à ce
que la procédure d'évaluation qu'elle met en place puisse être incorporée à une
procédure nationale existante ou à établir, à condition toutefois que les objectifs
de la directive soient respectés.
- 53.
- Toutefois, lorsqu'un projet nécessite une évaluation au sens de la directive, un État
membre ne saurait, sans porter atteinte à l'objectif de cette dernière, utiliser une
procédure alternative, même incorporée à une procédure nationale existante ou à
établir, pour soustraire ledit projet aux conditions prévues par les dispositions des
articles 3 et 5 à 10 de la directive.
- 54.
- Il y a donc lieu de répondre à la troisième question que, dans le cas d'un projetnécessitant une évaluation conformément à la directive, l'article 2, paragraphes 1
et 2, de cette dernière doit être interprété en ce sens qu'il autorise un État membre
à utiliser une procédure d'évaluation autre que celle mise en place par la directive,
lorsque cette procédure alternative est incorporée à une procédure nationale
existante ou à établir au sens de l'article 2, paragraphe 2, de ladite directive.
Toutefois, une telle procédure alternative doit respecter les exigences des articles
3 et 5 à 10 de cette directive, parmi lesquelles figure la participation du public telle
que prévue à l'article 6 de celle-ci.
Sur la quatrième question
- 55.
- Par sa quatrième question, la juridiction nationale demande en substance si
l'article 1er, paragraphe 5, de la directive doit être interprété en ce sens que relève
également de cette disposition un projet, tel que celui en cause au principal, qui,
bien que prévu par une norme législative de programmation, a fait l'objet d'une
autorisation selon une procédure administrative distincte et, en cas de réponse
affirmative, à quelles exigences doivent satisfaire une telle norme ainsi que la
procédure selon laquelle elle a été adoptée pour que les objectifs de ladite
directive, y compris celui de la mise à disposition d'informations, puissent être
regardés comme atteints.
- 56.
- A cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 1er, paragraphe 5, de la directive
dispose que cette dernière «ne s'applique pas aux projets qui sont adoptés en détail
par un acte législatif national spécifique, les objectifs poursuivis par la présente
directive, y compris l'objectif de la mise à disposition d'informations, étant atteints
à travers la procédure législative».
- 57.
- Il résulte de cette disposition qu'elle dispense de la procédure d'évaluation les
projets visés par la directive sous deux conditions. La première exige que le projet
soit adopté en détail par un acte législatif spécifique; selon la seconde, les objectifs
de la directive, y compris celui de la mise à disposition d'informations, doivent être
atteints à travers la procédure législative.
- 58.
- Concernant la première condition, il importe de rappeler que l'article 1er,
paragraphe 2, de la directive vise non pas les actes législatifs, mais l'autorisation
qu'il définit comme «la décision de l'autorité ou des autorités compétentes qui
ouvre le droit du maître d'ouvrage de réaliser le projet». Dès lors, si c'est un acte
législatif qui, au lieu d'une décision des autorités compétentes, ouvre au maître
d'ouvrage le droit de réaliser le projet, cet acte doit être spécifique et présenter les
mêmes caractéristiques que l'autorisation visée par l'article 1er, paragraphe 2, de la
directive.
- 59.
- Par conséquent, pour présenter les mêmes caractéristiques qu'une autorisation,
telle que définie par l'article 1er de la directive, un acte législatif doit adopter le
projet en détail, à savoir de manière suffisamment précise et définitive, de sorte
qu'il comporte, à l'instar d'une autorisation, après leur prise en compte par le
législateur, tous les éléments du projet pertinents au regard de l'évaluation des
incidences sur l'environnement.
- 60.
- C'est seulement en respectant de telles exigences que les objectifs visés par la
seconde condition, prévue par l'article 1er, paragraphe 5, de la directive, peuvent
être atteints à travers la procédure législative. En effet, si l'acte législatif spécifique
qui adopte et, partant, autorise un projet spécifique ne comporte pas les éléments
du projet déterminé susceptibles d'être pertinents au regard de l'évaluation de ses
incidences sur l'environnement, les objectifs de la directive seraient compromis,
puisqu'un projet pourrait être autorisé sans évaluation préalable de ses incidences
sur l'environnement, alors même qu'il pourrait avoir des incidences notables sur ce
dernier.
- 61.
- Cette interprétation est corroborée par le sixième considérant de la directive selon
lequel l'autorisation des projets publics et privés susceptibles d'avoir des incidences
notables sur l'environnement ne devrait être accordée qu'après évaluation préalable
des effets notables que ces projets sont susceptibles d'avoir sur l'environnement et
cette évaluation doit s'effectuer sur la base de l'information appropriée fournie par
le maître d'ouvrage et éventuellement complétée par les autorités et par le public
susceptibles d'être concernés par le projet.
- 62.
- Il résulte de ce qui précède qu'une loi ne peut être considérée comme adoptant un
projet en détail, au sens de l'article 1er, paragraphe 5, de la directive, lorsque, d'une
part, elle ne comporte pas les éléments nécessaires à l'évaluation des incidences sur
l'environnement de ce projet, mais impose, au contraire, la réalisation d'une étude
à cet effet, laquelle doit être élaborée ultérieurement, et que, d'autre part, elle
nécessite l'adoption d'autres actes pour ouvrir au maître d'ouvrage le droit de
réaliser le projet.
- 63.
- Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question que l'article 1er, paragraphe 5,
de la directive doit être interprété en ce sens que ne relève pas de cette disposition
un projet, tel que celui en cause au principal, qui, bien que prévu par une norme
législative de programmation, a fait l'objet d'une autorisation selon une procédure
administrative distincte. Les exigences auxquelles doivent satisfaire une telle norme
ainsi que la procédure selon laquelle elle a été adoptée pour que les objectifs de
ladite directive, y compris celui de la mise à disposition d'informations, puissent
être regardés comme atteints consistent en l'adoption dudit projet par un acte
législatif spécifique comportant tous les éléments susceptibles d'être pertinents au
regard de l'évaluation des incidences sur l'environnement de ce projet.
Sur la cinquième question
- 64.
- Par sa cinquième question, la juridiction nationale demande si l'article 1er,
paragraphe 4, de la directive doit être interprété en ce sens qu'un aéroport qui
peut à la fois servir à des fins civiles et militaires, mais dont l'utilisation principale
est de nature commerciale, relève du champ d'application de cette directive.
- 65.
- Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l'article 1er, paragraphe 4, de la directive,
cette dernière «ne concerne pas les projets destinés à des fins de défense
nationale». Cette disposition exclut donc du champ d'application de la directive et,
partant, de la procédure d'évaluation qui y est prévue les projets ayant pour finalité
d'assurer la défense nationale. Une telle exclusion introduit donc une exception à
la règle générale d'évaluation préalable des incidences sur l'environnement établie
par la directive et doit, dès lors, être interprétée de manière restrictive. Seuls, par
conséquent, les projets destinés à titre principal à des fins de défense nationale
peuvent être exclus de l'obligation d'évaluation.
- 66.
- Il s'ensuit qu'entrent dans le champ d'application de la directive des projets, tels
que celui en cause au principal, dont l'objectif principal consiste, ainsi qu'il résulte
du dossier, à restructurer un aéroport afin qu'il soit utilisable commercialement,
même si cet aéroport peut également être utilisé à des fins militaires.
- 67.
- Par conséquent, il y a lieu de répondre à la cinquième question que l'article 1er,
paragraphe 4, de la directive doit être interprété en ce sens qu'un aéroport qui
peut servir à la fois à des fins civiles et militaires, mais dont l'utilisation principale
est de nature commerciale, relève du champ d'application de cette directive.
Sur la sixième question
- 68.
- Par sa sixième question, la juridiction nationale demande en substance, d'une part,
si les articles 4, paragraphe 2, et 2, paragraphe 1, de la directive doivent être
interprétés en ce sens que, lorsque la marge d'appréciation conférée par ces
dispositions est outrepassée par les autorités législatives ou administratives d'un
État membre, les particuliers peuvent les invoquer devant la juridiction d'un État
membre à l'encontre des autorités nationales et obtenir ainsi de ces dernières que
les règles ou mesures nationales incompatibles avec ces dispositions soient écartées.
Dans un tel cas, la juridiction de renvoi demande, d'autre part, s'il appartient aux
autorités d'un État membre de prendre, dans le cadre de leurs compétences, toutes
les mesures nécessaires, générales ou particulières, pour que les projets soient
examinés, afin de déterminer s'ils sont susceptibles d'avoir des incidences notables
sur l'environnement et, dans l'affirmative, qu'ils soient soumis à une étude
d'incidences.
- 69.
- S'agissant du droit pour les particuliers de se prévaloir d'une directive et, pour le
juge national, de la prendre en considération, la Cour a déjà jugé qu'il serait
incompatible avec l'effet contraignant que l'article 189 du traité CE (devenu article
249 CE) reconnaît à la directive d'exclure en principe que l'obligation qu'elle
impose puisse être invoquée par des personnes concernées. Particulièrement dans
les cas dans lesquels les autorités communautaires auraient, par voie de directive,
obligé les États membres à adopter un comportement déterminé, l'effet utile d'un
tel acte se trouverait affaibli si les justiciables étaient empêchés de s'en prévaloir
en justice et les juridictions nationales empêchées de le prendre en considération
en tant qu'élément du droit communautaire pour vérifier si, dans les limites de la
faculté qui lui est réservée quant à la forme et aux moyens pour la mise en oeuvre
de la directive, le législateur national est resté dans les limites de la marge
d'appréciation tracée par la directive (voir arrêts du 1er février 1977, Verbond van
Nederlandse Ondernemingen, 51/76, Rec. p. 113, points 22 à 24, et Kraaijeveld e.a.,
précité, point 56).
- 70.
- Par conséquent, dans le cas où cette marge d'appréciation est outrepassée et que,
partant, les dispositions nationales doivent être écartées à cet égard, il appartient
aux autorités de l'État membre, dans le cadre de leurs compétences, de prendre
toutes les mesures nécessaires, générales ou particulières, pour que les projets
soient examinés afin de déterminer s'ils sont susceptibles d'avoir des incidences
notables sur l'environnement et, dans l'affirmative, qu'ils soient soumis à une étude
d'incidences (voir arrêt Kraaijeveld e.a., précité, point 61).
- 71.
- Il y a donc lieu de répondre à la sixième question que les articles 4, paragraphe 2,
et 2, paragraphe 1, de la directive doivent être interprétés en ce sens que, lorsque
la marge d'appréciation conférée par ces dispositions est outrepassée par les
autorités législatives ou administratives d'un État membre, les particuliers peuvent
les invoquer devant la juridiction d'un État membre à l'encontre des autorités
nationales et obtenir ainsi de ces dernières que les règles ou mesures nationales
incompatibles avec ces dispositions soient écartées. Dans un tel cas, il appartient
aux autorités d'un État membre de prendre, dans le cadre de leurs compétences,
toutes les mesures nécessaires, générales ou particulières, pour que les projets
soient examinés, afin de déterminer s'ils sont susceptibles d'avoir des incidences
notables sur l'environnement et, dans l'affirmative, qu'ils soient soumis à une étude
d'incidences.
Sur les dépens
- 72.
- Les frais exposés par les gouvernements italien, néerlandais et du Royaume-Uni,
ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent
faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au
principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il
appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre),
statuant sur les questions à elle soumises par le Verwaltungsgericht, Autonome
Sektion für die Provinz Bozen, par ordonnance du 3 décembre 1997, dit pour droit:
1) Les articles 4, paragraphe 2, et 2, paragraphe 1, de la directive 85/337/CEE
du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l'évaluation des incidences de
certains projets publics et privés sur l'environnement, doivent être
interprétés en ce sens qu'ils ne confèrent à un État membre le pouvoir ni
d'exclure a priori et globalement de la procédure d'évaluation des
incidences sur l'environnement mise en place par ladite directive certaines
classes de projets relevant de l'annexe II de celle-ci, y compris leurs
modifications, ni de soustraire à une telle procédure un projet spécifique,
tel que le projet de restructuration d'un aéroport ayant une piste de
décollage et d'atterrissage inférieure à 2 100 mètres, soit en vertu d'un acte
législatif national, soit sur le fondement d'un examen individuel dudit
projet, sauf si la totalité de ces classes de projets ou le projet spécifique
pouvaient être considérés, sur la base d'une appréciation globale, comme
n'étant pas susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement.
Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si, sur le fondement de
l'examen individuel effectué par les autorités compétentes et qui a conduit
à exclure le projet spécifique en cause de la procédure d'évaluation mise en
place par la directive, ces dernières ont correctement apprécié,
conformément à celle-ci, le caractère notable des incidences du projet sur
l'environnement.
2) Dans le cas d'un projet nécessitant une évaluation conformément à la
directive 85/337, l'article 2, paragraphes 1 et 2, de cette dernière doit être
interprété en ce sens qu'il autorise un État membre à utiliser une
procédure d'évaluation autre que celle mise en place par la directive,
lorsque cette procédure alternative est incorporée à une procédure nationale
existante ou à établir au sens de l'article 2, paragraphe 2, de ladite
directive. Toutefois, une telle procédure alternative doit respecter les
exigences des articles 3 et 5 à 10 de cette directive, parmi lesquelles figure
la participation du public telle que prévue à l'article 6 de celle-ci.
3) L'article 1er, paragraphe 5, de la directive 85/337 doit être interprété en ce
sens que ne relève pas de cette disposition un projet, tel que celui en cause
au principal, qui, bien que prévu par une norme législative de
programmation, a fait l'objet d'une autorisation selon une procédure
administrative distincte. Les exigences auxquelles doivent satisfaire une
telle norme ainsi que la procédure selon laquelle elle a été adoptée pour que
les objectifs de ladite directive, y compris celui de la mise à disposition
d'informations, puissent être regardés comme atteints consistent en
l'adoption dudit projet par un acte législatif spécifique comportant tous les
éléments susceptibles d'être pertinents au regard de l'évaluation des
incidences sur l'environnement de ce projet.
4) L'article 1er, paragraphe 4, de la directive 85/337 doit être interprété en ce
sens qu'un aéroport qui peut servir à la fois à des fins civiles et militaires,
mais dont l'utilisation principale est de nature commerciale, relève du
champ d'application de cette directive.
5) Les articles 4, paragraphe 2, et 2, paragraphe 1, de la directive 85/337
doivent être interprétés en ce sens que, lorsque la marge d'appréciation
conférée par ces dispositions est outrepassée par les autorités législatives
ou administratives d'un État membre, les particuliers peuvent les invoquer
devant la juridiction d'un État membre à l'encontre des autorités nationales
et obtenir ainsi de ces dernières que les règles ou mesures nationales
incompatibles avec ces dispositions soient écartées. Dans un tel cas, il
appartient aux autorités d'un État membre de prendre, dans le cadre de
leurs compétences, toutes les mesures nécessaires, générales ou
particulières, pour que les projets soient examinés, afin de déterminer s'ils
sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement et,
dans l'affirmative, qu'ils soient soumis à une étude d'incidences.
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 1999.
Le greffier
Le président de la sixième chambre
R. Grass
P. J. G. Kapteyn