Language of document : ECLI:EU:T:2010:292

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

8 juillet 2010 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres de l’AEE –Prestation de services de conseil en informatique – Rejet de l’offre – Recours en annulation – Compétence du Tribunal – Critères d’attribution établis dans le cahier des charges – Sous-critères – Erreur manifeste d’appréciation – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑331/06,

Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes N. Korogiannakis et N. Keramidas, avocats,

partie requérante,

contre

Agence européenne pour l’environnement (AEE), représentée par M. M. Hofstötter, en qualité d’agent, assisté de Me J. Stuyck, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de l’AEE du 14 septembre 2006, rejetant l’offre soumise par la requérante dans le cadre de la procédure d’appel d’offres EEA/IDS/06/002, concernant la prestation de services de conseil en informatique (JO S 118‑125101), et attribuant le marché public à d’autres soumissionnaires,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras, président, M. Prek (rapporteur) et V. M. Ciucă, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 octobre 2009,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’Agence européenne pour l’environnement (AEE) a été instituée par le règlement (CEE) n° 1210/90 du Conseil, du 7 mai 1990, relatif à la création de l’AEE et du réseau européen d’information et d’observation pour l’environnement (JO L 120, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 933/1999 du Conseil, du 29 avril 1999 (JO L 117, p. 1), et par le règlement (CE) n° 1641/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 22 juillet 2003 (JO L 245, p. 1), en vigueur à l’époque des faits du présent litige (ci-après le « règlement de base »).

2        Selon l’article 7 du règlement de base, l’AEE dispose de la personnalité juridique.

3        L’article 18 de ce règlement dispose :

« 1. La responsabilité contractuelle de l’[AEE] est régie par la loi applicable au contrat en cause. La Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour statuer en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat passé par l’[AEE].

2. En matière de responsabilité non contractuelle, l’[AEE] doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par elle ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

La Cour de justice est compétente pour statuer sur les litiges relatifs à la réparation de tels dommages.

[…] »

4        L’article 185, paragraphe 1, du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), dans sa version applicable aux faits de l’espèce, disposait :

« La Commission arrête un règlement financier-cadre des organismes créés par les Communautés, dotés de la personnalité juridique et qui reçoivent effectivement des subventions à la charge du budget. La réglementation financière de ces organismes ne peut s’écarter du règlement-cadre que si les exigences spécifiques de leur fonctionnement le nécessitent et avec l’accord préalable de la Commission. »

5        L’article 74 du règlement (CE, Euratom) n° 2343/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, portant règlement financier-cadre des organismes visés à l’article 185 du règlement financier (JO L 357, p. 72), dans sa version applicable aux faits de l’espèce, prévoyait ce qui suit :

« En ce qui concerne la passation des marchés publics, les dispositions pertinentes du règlement financier […] ainsi que de ses modalités d’exécution s’appliquent. »

6        La passation des marchés de services des institutions communautaires est assujettie aux dispositions du titre V de la première partie du règlement financier ainsi qu’aux dispositions du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution »). Ces dispositions s’inspirent des directives en la matière, notamment, s’agissant des marchés de services, de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), telle que modifiée par la directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1997 (JO L 328, p. 1), et remplacée par la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114).

7        Selon l’article 97 du règlement financier, dans sa version applicable aux faits de l’espèce :

« 1. Les critères de sélection permettant d’évaluer les capacités des candidats ou des soumissionnaires et les critères d’attribution permettant d’évaluer le contenu des offres sont préalablement définis et précisés dans les documents d’appel à la concurrence.

2. Le marché peut être attribué par adjudication ou par attribution à l’offre économiquement la plus avantageuse. »

8        L’article 100, paragraphe 2, du règlement financier énonce ce qui suit :

« Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire.

Toutefois la communication de certains éléments peut être omise dans les cas où elle ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre celles-ci. »

9        Selon l’article 130, paragraphe 3, des modalités d’exécution, dans sa version applicable aux faits de l’espèce :

« Le cahier des charges précise au moins :

a)      les critères d’exclusion et de sélection applicables au marché […] ;

b)       les critères d’attribution du marché et leur pondération relative ou, le cas échéant, l’ordre décroissant d’importance de ces critères s’ils ne figurent pas dans l’avis de marché ;

[…] »

10      Selon l’article 138, paragraphes 2 et 3, des modalités d’exécution :

« 2. L’offre économiquement la plus avantageuse est celle qui présente le meilleur rapport entre la qualité et le prix, compte tenu de critères justifiés par l’objet du marché tels que le prix proposé, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les caractéristiques environnementales, le coût d’utilisation, la rentabilité, le délai d’exécution ou de livraison, le service après-vente et l’assistance technique.

3. Le pouvoir adjudicateur précise la pondération relative qu’il confère à chacun des critères choisis pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges ou le document descriptif. Cette pondération peut être exprimée au moyen d’une fourchette dont l’écart maximal doit être approprié.

[…] »

11      Selon l’article 149 des modalités d’exécution, dans sa version applicable aux faits de l’espèce :

« 1. Les pouvoirs adjudicateurs informent dans les meilleurs délais les candidats et les soumissionnaires des décisions prises concernant l’attribution du marché ou d’un contrat-cadre ou l’admission dans un système d’acquisition dynamique, y inclus les motifs pour lesquels ils ont décidé de renoncer à passer un marché ou un contrat-cadre ou à mettre en place un système d’acquisition dynamique pour lequel il y a eu mise en concurrence ou de recommencer la procédure.

2. Le pouvoir adjudicateur communique, dans un délai maximal de quinze jours [de] calendrier à compter de la réception d’une demande écrite, les informations mentionnées à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier.

3. Pour les marchés passés par les institutions communautaires pour leur propre compte, au titre de l’article 105 du règlement financier, les pouvoirs adjudicateurs notifient le plus tôt possible après la décision d’attribution et au plus tard dans la semaine qui suit, simultanément et individuellement à chaque soumissionnaire ou candidat évincé, par lettre et par télécopie ou courrier électronique, que leur offre ou candidature n’a pas été retenue, en précisant dans chaque cas les motifs du rejet de l’offre ou de la candidature.

[…]

Les soumissionnaires ou candidats évincés peuvent obtenir des informations complémentaires sur les motifs du rejet, sur demande écrite, par lettre, par télécopie ou par courrier électronique et pour tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, sur les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire, sans préjudice des dispositions de l’article 100, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement financier. Les pouvoirs adjudicateurs répondent dans un délai maximal de quinze jours de calendrier à compter de la réception de la demande.

[…] »

 Antécédents du litige

12      La requérante, Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, est une société de droit grec, active dans le domaine de la technologie de l’information et des communications.

13      Par un avis de marché du 12 juin 2006, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO S 118-125101), l’AEE a lancé un appel d’offres portant sur une prestation de services de conseil en informatique. L’objet de cet appel d’offres était de conclure trois contrats-cadres avec des sociétés offrant un large éventail de services informatiques et connexes.

14      Le cahier des charges énonçait huit domaines d’expertise, dont six au moins devaient être couverts par les candidats. Selon son point 2, les huit domaines étaient les suivants :

–        domaine 1 : développement Web et gestion de contenu ;

–        domaine 2 : production multimédia et conception graphique ;

–        domaine 3 : gestion Linux ;

–        domaine 4 : développement du système Linux ;

–        domaine 5 : développement Windows ;

–        domaine 6 : gestion Windows ;

–        domaine 7 : gestion des données et des informations ;

–        domaine 8 : systèmes d’information géographique.

15      Le point 7, sous iii), du cahier des charges disposait :

« Le marché sera attribué à l’entreprise dont l’offre est économiquement la plus avantageuse et dont les opérations sont respectueuses de l’environnement au regard :

–        des compétences et de l’expérience des consultants juniors et seniors dont les [curriculum vitae (C.V.)] figurent dans les documents de l’offre (45 %) ;

–        de l’expérience de l’entreprise concernant l’accomplissement de tâches [analogues] à celles énumérées à titre de tâches provisoires dans chaque domaine d’expertise (45 %) ;

–        de la politique environnementale générale de l’entreprise (10 %).

Les offres se verront attribuer pour chaque critère d’expertise, au maximum, 45 points pour le premier critère, 45 points pour le deuxième critère, et 10 points pour le troisième critère.

Au cours du premier tour, les entreprises obtenant au moins 25 points pour chacun des deux premiers critères dans six domaines d’expertise participeront à l’étape suivante. Les entreprises n’ayant pas obtenu ce score minimal seront exclues à ce stade.

Les points attribués pour le troisième critère seront alors ajoutés au score des entreprises ayant atteint le deuxième tour, et les candidats seront classés dans chaque domaine en fonction des notes et du tarif journalier moyen des consultants intramuros et extramuros et seniors et juniors. Les trois entreprises obtenant ainsi le meilleur classement d’ensemble dans leurs six meilleurs domaines se verront attribuer un contrat-cadre.

Lors de la signature de contrats ponctuels de tâches en vertu des contrats-cadres, les contrats seront proposés en premier lieu à la société dont l’offre est économiquement la plus avantageuse dans le domaine d’expertise considéré.

La compétence au niveau des critères de sélection et d’attribution doit être maintenue pendant toute la durée du contrat. Si le prestataire n’est plus compétitif pendant le contrat-cadre, un autre prestataire lui sera substitué ».

16      En juillet 2006, et sur demande de la requérante, l’AEE lui a fourni différentes explications sur la procédure d’appel d’offres concernée.

17      Le 31 juillet 2006, la requérante a soumissionné à l’appel d’offres.

18      Par courrier du 14 septembre 2006, l’AEE a informé la requérante que son offre avait été rejetée au motif qu’elle n’était pas la plus avantageuse économiquement parmi les offres techniquement conformes et lui a rappelé son droit d’obtenir des informations complémentaires sur les motifs du rejet de son offre et notamment les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire du marché.

19      Le 15 septembre 2006, la requérante a demandé des informations concernant le nom du soumissionnaire retenu, les résultats obtenus par la requérante et le soumissionnaire retenu pour chacun des critères d’attribution et la comparaison de son offre financière avec celle du soumissionnaire retenu, notamment concernant les tarifs journaliers du personnel. Elle a également demandé copie du rapport d’évaluation.

20      Par courrier du 28 septembre 2006, l’AEE a communiqué à la requérante les noms des trois attributaires ainsi que les résultats obtenus par elle. Elle l’a, en outre, informée que, en raison de la nature confidentielle du rapport d’évaluation, elle n’était pas en mesure de lui en fournir copie. Concernant les tarifs journaliers du personnel, l’AEE a indiqué que les tarifs proposés par la requérante étaient inférieurs d’environ 8 % à la moyenne de ceux de tous les soumissionnaires.

21      Le 29 septembre 2006, la requérante a demandé à nouveau une copie du rapport d’évaluation ainsi que la communication des résultats exacts et détaillés obtenus par les trois soumissionnaires retenus pour chacun des trois critères d’attribution, avec la documentation nécessaire permettant de comprendre la comparaison effectuée avec les résultats de la requérante, les tarifs journaliers proposés par les trois attributaires et les résultats obtenus concernant le troisième critère.

22      Par courrier du 13 octobre 2006, l’AEE a accordé à la requérante un accès partiel au rapport d’évaluation.

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 novembre 2006, la requérante a introduit le présent recours.

24      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

25      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

26      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 8 octobre 2009.

27      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de l’AEE de ne pas retenir son offre et d’attribuer le marché aux soumissionnaires retenus ;

–        condamner l’AEE aux dépens, même en cas de rejet du recours.

28      L’AEE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ou le rejeter comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

1.     Sur la recevabilité du recours

29      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, l’AEE émet des doutes quant à la recevabilité du recours, en tirant argument de l’article 18 du règlement de base qui vise expressément la Cour. En outre, elle conteste l’argumentation de la requérante selon laquelle la lecture combinée des articles 225 CE, 230 CE et 51 du statut de la Cour de justice conduit à conclure à la compétence du Tribunal.

30      Les conditions de recevabilité d’un recours relevant des fins de non-recevoir d’ordre public (voir ordonnance de la Cour du 7 octobre 1987, D. M./Conseil et CES, 108/86, Rec. p. 3933, point 10, et arrêt du Tribunal du 22 octobre 2008, TV 2/Danmark e.a./Commission, T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, Rec. p. II‑2935, point 62, et la jurisprudence citée), il appartient au Tribunal de se prononcer sur sa compétence pour statuer sur un recours en annulation dirigé contre un acte émanant de l’AEE.

31      À cet égard, s’il est exact que l’article 18 du règlement de base, cité au point 3 ci-dessus, prévoit que la Cour est compétente pour statuer en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat passé par l’AEE ainsi que pour les litiges en matière de responsabilité non contractuelle relatifs à la réparation de dommages, il ne saurait être déduit de cette disposition que le juge de l’Union n’est pas compétent pour connaître d’un recours en annulation dirigé contre un acte faisant grief de l’AEE.

32      Il convient, en effet, de relever que, même s’il est vrai que les agences établies sur la base du droit dérivé telles que l’AEE ne figurent pas parmi les institutions communautaires énumérées par les dispositions régissant le recours en annulation, cela ne s’oppose pas à ce que le Tribunal contrôle la légalité des actes de l’AEE (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Sogelma/AER, T‑411/06, Rec. p. II‑2771, ci-après l’« arrêt Sogelma », points 33 à 35).

33      Ainsi qu’il a été rappelé dans l’arrêt Sogelma (point 32 supra, point 37), il peut être déduit de l’arrêt de la Cour du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement (294/83, Rec. p. 1339), le principe général que tout acte émanant d’un organisme communautaire, destiné à produire des effets juridiques vis-à-vis des tiers, doit être susceptible d’un contrôle juridictionnel.

34      Or, le refus d’une offre dans le cadre d’une procédure de passation de marché public est un acte qui est, en principe, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. Il s’agit, en effet, d’un acte faisant grief au soumissionnaire écarté et modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir, en ce sens, arrêt Sogelma, point 32 supra, point 38).

35      Par conséquent, il y a lieu de conclure que les décisions prises par l’AEE dans le cadre de procédures de passation de marchés publics et destinées à produire des effets juridiques vis-à-vis des tiers constituent des actes attaquables devant le juge communautaire (voir, en ce sens, arrêt Sogelma, point 32 supra, point 43).

36      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation de l’AEE lors de l’audience, selon laquelle l’arrêt Sogelma, point 32 supra, ne trouve pas application directe dans le cas d’espèce, puisque, à la différence de l’agence défenderesse dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, l’AEE n’exerce pas de pouvoirs délégués par la Commission européenne.

37      Il importe, à cet égard, de souligner que les points 39 et 40 de l’arrêt Sogelma, point 32 supra, dans lesquels le Tribunal a souligné que, sur la base du règlement (CE) nº 2667/2000 du Conseil, du 5 décembre 2000, relatif à l’AER (JO L 306, p. 7), la Commission pouvait déléguer certains pouvoirs à cette agence, notamment concernant l’attribution des marchés, et que, dans ce contexte, les décisions qu’aurait prises la Commission ne pouvaient perdre leur qualité d’acte attaquable du seul fait de cette délégation, sous peine de créer un vide juridique, ne viennent que conforter, à titre surabondant, l’analyse du Tribunal contenue dans le point 37 du même arrêt.

38      Il suffit par conséquent de relever que, dotée de la personnalité juridique et des compétences prévues par le règlement de base, l’AEE est parfaitement à même d’édicter des actes faisant grief et, par suite, susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation.

39      Il résulte ainsi de l’article 230, premier alinéa, CE, tel qu’interprété à la lumière de l’arrêt Les Verts/Parlement, point 33 supra (points 23 à 25), et de l’arrêt Sogelma, point 32 supra (points 36 et 37), que le présent recours est recevable. Cette solution est au demeurant confirmée par l’article 263, premier alinéa, TFUE.

40      Il résulte de tout ce qui précède que le Tribunal est compétent pour connaître du présent recours.

2.     Sur le fond

41      Au soutien de sa demande en annulation, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation du règlement financier, des modalités d’exécution et de la directive 2004/18. Les deuxième et troisième moyens sont tirés, respectivement, d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’obligation de motivation.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation du règlement financier, des modalités d’exécution et de la directive 2004/18

42      Il convient d’observer, à titre liminaire, que, dans le cadre de ce moyen, la requérante invoque à tort la violation de certaines dispositions de la directive 2004/18. En vertu de l’article 105 du règlement financier, en effet, cette directive s’applique aux marchés passés par les institutions et les organismes communautaires, pour leur propre compte uniquement, pour les questions relatives aux seuils qui déterminent les modalités de publication, le choix des procédures et les délais correspondants. Par conséquent, le respect des obligations du pouvoir adjudicateur de définir préalablement les critères d’attribution et leur pondération doit être examiné à la lumière des dispositions du règlement financier et de ses modalités d’exécution.

43      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 97, paragraphe 1, du règlement financier impose au pouvoir adjudicateur l’obligation de définir et de préciser préalablement dans les documents d’appel à la concurrence les critères de sélection et les critères d’attribution. De plus, cette obligation consistant à assurer un niveau de publicité adéquat aux critères et aux conditions qui régissent chaque marché est précisée davantage dans les articles 135 à 137 des modalités d’exécution, pour ce qui est des critères de sélection, et dans l’article 138 des modalités d’exécution, pour ce qui est des critères d’attribution.

44      C’est à la lumière de ce qui précède qu’il convient d’examiner le présent moyen qui s’articule, en substance, en trois griefs distincts tirés, respectivement, d’une violation de l’obligation de distinguer la phase de sélection de la phase d’attribution, de l’application d’une pondération conférée aux sous‑critères d’attribution non communiquée aux soumissionnaires et d’une application erronée du troisième critère d’attribution concernant la politique environnementale générale.

 Sur le grief tiré d’une prétendue violation de l’obligation de distinguer la phase de sélection de la phase d’attribution

–       Arguments des parties

45      Dans la réplique, la requérante soutient que l’AEE n’a pas respecté son obligation de distinguer la phase de sélection de la phase d’attribution en mêlant les critères de sélection et ceux d’attribution. Elle aurait ainsi violé l’article 97 du règlement financier, les articles 135, 137 et 138 des modalités d’exécution, la jurisprudence de la Cour ainsi que le guide sur les règles applicables aux procédures de passation des marchés publics de services de la Commission. Dans le cahier des charges, certains éléments figurant à la section des critères de sélection seraient pratiquement identiques à ceux figurant à la section des critères d’attribution. De plus, l’AEE aurait admis avoir fondé son évaluation sur les références des soumissionnaires aux travaux effectués dans le passé pour d’autres clients et sur les C.V. de leurs experts qui, selon la requérante, constitueraient des éléments ne pouvant être pris en compte que dans le cadre de la phase de sélection. En effet, dans le cadre des marchés publics, les soumissionnaires seraient sélectionnés, notamment, sur la base de leur expérience, mais le contrat serait attribué sur la base de l’offre déposée pour un marché particulier. En l’espèce, l’AEE aurait même fait référence, lors de la phase d’attribution, à de prétendus problèmes de sécurité liés à un projet réalisé par la requérante.

46      L’AEE conclut à l’irrecevabilité de ce grief en tant qu’il serait contraire à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. En toute hypothèse, elle aurait, dans le choix des critères de sélection et d’attribution, respecté les articles concernés du règlement financier et des modalités d’exécution.

–       Appréciation du Tribunal

47      En vertu de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, « [l]a production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure ».

48      En l’espèce, la prétendue confusion des critères de sélection et d’attribution ressort, selon la requérante, du rapport d’évaluation et du mémoire en défense. En outre, elle soutient que la question avait déjà été évoquée dans le cadre des réponses de l’AEE à ses demandes de clarification. Or, il convient de relever que la requérante a pris connaissance du rapport d’évaluation ainsi que des informations concernées préalablement à l’introduction du présent recours, sans pour autant faire état de ce grief dans la requête.

49      Quant à l’affirmation de la requérante présentée lors de l’audience, selon laquelle elle s’est contentée de développer un point précis de la requête à la lumière des éléments inclus dans le mémoire en défense, force est de constater qu’elle n’est pas fondée. En effet, dans le point concerné de la requête, elle évoque une prétendue confusion dans les éléments à prendre en considération pour l’application des deux premiers critères, à savoir « Compétences » et « Tâches », et non une confusion entre les éléments à prendre en considération dans la phase de sélection et celle d’attribution.

50      Par conséquent, dans la mesure où ce grief, d’une part, ne repose pas sur des éléments de droit ou de fait qui se seraient révélés pendant la procédure et, d’autre part, ne peut être considéré comme l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance, il doit être considéré comme nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 1999, SGA/Commission, T‑189/95, T‑39/96 et T‑123/96, Rec. p. II‑3587, point 46).

51      Dès lors, il convient de rejeter ce grief comme étant irrecevable.

 Sur le grief tiré de l’application d’une pondération conférée aux sous-critères d’attribution non communiquée aux soumissionnaires

–       Arguments des parties

52      La requérante reproche, en substance, à l’AEE d’avoir, dans le cadre des deux premiers critères d’attribution, « Compétences » et « Tâches », violé le règlement financier et les modalités d’exécution, notamment l’article 130 et l’article 138, paragraphe 3, de celles-ci, ainsi que la jurisprudence de la Cour relative aux principes de transparence et d’égalité de traitement, en appliquant une pondération spéciale aux sous-critères, alors que celle-ci n’avait pas été mentionnée dans les documents de l’appel d’offres. En outre, les tableaux d’évaluation feraient apparaître de graves incohérences dans la notation des différents soumissionnaires.

53      À titre d’exemple, l’élément tenant à la « facilité d’utilisation et [à] la mise à l’épreuve sur groupe cible », qui ne correspondrait qu’à une partie du deuxième sous-critère de la liste de tâches provisoires pour le domaine 1, devait, selon la requérante, être pondéré à plus de 50 % du résultat total de cette liste pour expliquer son faible score. En toute hypothèse, une telle perte de points ne serait pas possible pour un seul sous-critère, qui, de plus, ne serait pas décisif. Il en serait de même en ce qui concerne les compétences du domaine 1. Sur la base de la note obtenue par la requérante et de sa motivation, cette dernière conclut que certains des quatre sous-critères de cette partie devaient avoir un poids plus important dans l’évaluation, alors qu’une telle pondération n’avait pas été communiquée aux soumissionnaires.

54      S’agissant du domaine 3, la requérante considère que la pondération appliquée aux sept sous-critères du critère « Compétences », non communiquée aux soumissionnaires, avait altéré significativement les résultats qui auraient dû être obtenus dans ce domaine. Concernant le critère « Tâches » de ce domaine, l’AEE aurait de la même manière attribué une pondération maximale au sous-critère relatif aux « mesures de sécurité » sans en avoir préalablement informé les soumissionnaires.

55      En effet, le résultat de l’évaluation prouverait non seulement l’existence de sous-critères, mais également des différences significatives dans leur pondération. À cet égard, la requérante soutient que le fait de ne pas qualifier de sous-critères les différentes compétences et tâches ne change pas leur nature, mais conduit à une évaluation arbitraire et erronée, ne reflétant pas le niveau des qualifications réelles des soumissionnaires. En outre, l’affirmation de l’AEE selon laquelle « un manque d’expérience dans une catégorie ne peut être compensé par des connaissances supérieures à la moyenne dans un autre domaine » prouverait que celle-ci avait utilisé une formule d’évaluation inconnue des soumissionnaires, faisant application d’un algorithme non divulgué pouvant même neutraliser l’expérience d’un soumissionnaire. Connaître cet algorithme préalablement aurait, selon la requérante, permis une préparation optimale des offres. En toute hypothèse, il aurait dû aboutir à ce que les soumissionnaires retenus obtiennent moins de points.

56      Ainsi, la requérante rejette l’explication de l’AEE qui consisterait à dire que, si un soumissionnaire satisfaisait aux exigences du pouvoir adjudicateur dans toutes les compétences ou tâches pour un domaine à l’exception de l’une d’entre elles, son offre devrait être rejetée comme inappropriée. Cela serait uniquement possible si cette compétence ou cette tâche pèse significativement plus que les autres ou si un algorithme de neutralisation a été utilisé. Par ailleurs, il ne ressortirait d’aucune des réponses aux demandes de clarification, sur lesquelles se fonde l’AEE, que les profils soumis dans un domaine devaient couvrir le domaine d’expertise tout entier. L’exigence d’une expérience globale d’un domaine serait même contraire aux directives de l’AEE et au sens commun. En revanche, si, comme le soutiendrait l’AEE, les éléments permettant d’apprécier l’expertise avaient été évalués comme un tout, la vaste expérience d’un soumissionnaire dans toutes les autres rubriques relatives aux « compétences » ou « tâches » d’un domaine spécifique devrait compenser le prétendu défaut d’expertise dans une seule d’entre elles. En toute hypothèse, les experts proposés par la requérante couvriraient la totalité du champ d’expertise exigé par l’AEE, sans que cela soit pour autant mentionné dans le cahier des charges.

57      En outre, les propos de l’AEE selon lesquels seuls les principaux éléments des capacités requises afin d’accomplir les travaux dans les divers domaines figuraient dans le cahier des charges impliqueraient l’utilisation d’autres éléments considérés comme non principaux. Cela serait contraire à l’article 130 des modalités d’exécution et à la jurisprudence de la Cour et violerait les principes de transparence et d’égalité de traitement des soumissionnaires. L’AEE aurait, en particulier, omis de mentionner dans le cahier des charges certains éléments liés aux outils et aux services Eionet.

58      L’AEE conteste les arguments de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

59      Il y a lieu de rappeler que, lorsque, comme dans le cas d’espèce, l’attribution du marché se fait à l’offre économiquement la plus avantageuse, l’article 97, paragraphe 1, du règlement financier impose au pouvoir adjudicateur l’obligation de définir et de préciser préalablement dans les documents d’appel à la concurrence les critères d’attribution permettant d’évaluer le contenu des offres. En outre, en vertu de l’article 138, paragraphe 3, des modalités d’exécution, le pouvoir adjudicateur doit également préciser, dans l’avis de marché, dans le cahier des charges ou dans le document descriptif, la pondération relative qu’il confère à chacun des critères choisis pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse.

60      Ces dispositions visent à garantir le respect du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de transparence, consacrés à l’article 89 du règlement financier, à tous les stades de la procédure d’attribution d’un marché public, notamment celui de la sélection des soumissionnaires et celui de la sélection des offres en vue de l’attribution du marché (voir arrêt du Tribunal du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑59/05, non publié au Recueil, point 49, et la jurisprudence citée). Elles tendent également à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’interpréter tant les critères de sélection que les critères d’attribution de la même manière (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 18 octobre 2001, SIAC Construction, C‑19/00, Rec. p. I‑7725, point 42) et, par conséquent, de disposer des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs demandes de participation ou de leurs offres (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 décembre 2002, Universale-Bau e.a., C‑470/99, Rec. p. I‑11617, point 93).

61      Selon une jurisprudence constante, le pouvoir adjudicateur dispose d’un important pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise de décision de passer un marché sur appel d’offres et le contrôle du Tribunal doit se limiter à vérifier l’absence d’erreur grave et manifeste (voir arrêt du Tribunal du 21 mai 2008, Belfass/Conseil, T‑495/04, Rec. p. II‑781, point 63, et la jurisprudence citée).

62      En l’espèce, l’AEE a mentionné, au point 7, sous iii), du cahier des charges, les critères d’attribution qu’elle entendait retenir en vue de l’attribution du marché, à savoir les compétences et l’expérience des consultants juniors et seniors dont les C.V. figurent dans les documents de l’offre, l’expérience de l’entreprise concernant l’accomplissement de tâches semblables à celles énumérées à titre de tâches provisoires dans chaque domaine d’expertise et la politique environnementale générale de l’entreprise. En outre, elle a, aux points 2.1 à 2.8 du même cahier des charges, défini les différentes compétences et tâches qui, domaine par domaine, devaient être assurées par les soumissionnaires.

63      À cet égard, la requérante fait valoir, premièrement, que ces différents éléments mentionnés aux points 2.1 à 2.8 du cahier des charges représentent des sous-critères. Deuxièmement, elle déduit du rapport d’évaluation et notamment des commentaires concernant les notes obtenues qu’une pondération spéciale avait été attribuée à ces sous‑critères. Selon elle, la seule explication pour l’obtention d’une mauvaise note, notamment pour les domaines 1 et 3, serait celle d’une pondération secrète utilisée par le comité d’évaluation dans le cadre de laquelle les sous-critères auxquels l’offre de la requérante n’aurait prétendument pas répondu seraient très fortement pondérés.

64      La requérante invoque l’arrêt du 24 novembre 2005, ATI EAC e Viaggi di Maio e.a. (C‑331/04, Rec. p. I‑10109, point 32), dans lequel la Cour a déclaré que la détermination ex post, peu avant l’ouverture des enveloppes, des coefficients de pondération pour les sous-critères d’un critère d’attribution établis à l’avance était conforme à la directive 92/50, à condition qu’une telle détermination ex post ne modifie pas les critères d’attribution du marché définis dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché, qu’elle ne contienne pas d’éléments qui, s’ils avaient été connus lors de la préparation des offres, auraient pu influencer cette préparation et qu’elle n’ait pas été adoptée en prenant en compte des éléments susceptibles d’avoir un effet discriminatoire envers l’un des soumissionnaires.

65      À cet égard, il convient aussi de rappeler que, dans l’arrêt du 24 janvier 2008, Lianakis e.a. (C‑532/06, Rec. p. I‑251), la Cour a, en outre, précisé que, en déterminant ex post, après la présentation des offres et après le décachetage des demandes de manifestation d’intérêt, tant les coefficients de pondération que les sous‑critères pour ces critères d’attribution, le pouvoir adjudicateur avait violé l’obligation de publicité prévue à l’article 36, paragraphe 2, de la directive 92/50, lue à la lumière du principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques et de l’obligation de transparence.

66      Or, en l’espèce, il ne ressort pas du dossier, et en particulier des commentaires contenus dans le rapport d’évaluation, que le pouvoir adjudicateur ait appliqué des sous-critères pour les critères d’attribution mentionnés dans le cahier des charges et encore moins qu’il leur ait appliqué une quelconque pondération spéciale.

67      En effet, plutôt que des sous-critères, les différents éléments mentionnés en tant que compétences et tâches requises pour les huit domaines (points 2.1 à 2.8 du cahier des charges) constituent des clarifications du type de compétence et d’expérience que l’AEE exigeait et qui devaient être évaluées dans leur ensemble. Il est évident que, dans le cadre de sa fonction et de son large pouvoir d’appréciation, le comité d’évaluation ne pouvait pas se prononcer de façon détaillée, pour chaque offre et chaque domaine, sur les différentes notes faisant partie du score final par rapport à chaque élément descriptif des compétences et des tâches mentionné dans le cahier des charges. Il a, en revanche, effectué une comparaison globale, pour chacun des huit domaines, des offres présentées. Ainsi, dans son rapport, il a fait ressortir pour chaque note attribuée uniquement les plus importantes faiblesses de ces offres.

68      Enfin, l’argument de la requérante mentionné au point 55 ci-dessus, tiré de ce qu’il ressortirait de la déclaration de l’AEE l’utilisation d’une formule d’évaluation non divulguée, doit également être rejeté. En l’espèce, chaque domaine d’expertise étant présenté et évalué séparément, un éventuel manque d’expérience dans un domaine ne pouvait naturellement pas être compensé, à ce stade, par de meilleures connaissances dans un autre domaine.

69      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas démontré à suffisance de droit que l’AEE ait manqué à son obligation de définir et de préciser préalablement dans les documents d’appel à la concurrence les critères d’attribution permettant d’évaluer le contenu des offres et qu’elle ait appliqué une pondération spéciale non communiquée aux soumissionnaires à des sous-critères.

70      Par conséquent, ce grief doit être rejeté.

 Sur le grief tiré d’une application erronée du troisième critère d’attribution, concernant la politique environnementale générale

–       Arguments des parties

71      La requérante soutient que l’évaluation du critère environnemental a été effectuée de façon erronée, dans la mesure où l’AEE l’aurait fait reposer sur la preuve de l’existence d’un système certifié, alors que le cahier des charges mentionnait simplement une « politique environnementale générale de l’entreprise ». En effet, l’AEE aurait, d’une part, attribué le maximum de points à la seule société ayant présenté un certificat considéré comme approprié, sans tenir compte de sa contribution réelle à la protection de l’environnement. D’autre part, elle aurait qualifié à tort d’« intentions en la matière » une politique environnementale que la requérante pratiquerait effectivement et dont elle aurait présenté la véritable contribution à la protection de l’environnement. L’élément déterminant pour l’attribution des notes n’aurait donc pas été la politique environnementale réelle, mais une certification pourtant non exigée dans le cahier des charges.

72      En outre, aucune comparaison entre son offre et celle qui a obtenu le plus de points en la matière n’aurait été effectuée. À cet égard, la requérante fait valoir qu’elle est titulaire du certificat ISO 9001:2000 et que sa politique est conforme à la charte de l’Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement pour les entreprises écodynamiques (ci-après « l’Institut bruxellois de l’environnement »). Partant, elle aurait dû obtenir le maximum de points. La requérante conteste aussi l’argument de l’AEE selon lequel l’influence du critère environnemental sur le résultat final aurait été négligeable et soutient que cela n’a aucunement été démontré.

73      L’AEE conteste les arguments de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

74      Il ressort du dossier que le troisième critère d’attribution faisait référence à la « politique environnementale générale de l’entreprise », sans spécification additionnelle. Il convient d’observer aussi que les commentaires relatifs aux notes attribuées à la requérante ainsi qu’aux soumissionnaires retenus font tous référence à l’existence éventuelle d’une certification. Dans ce cadre, la seule société ayant obtenu la note maximale de 10 points était celle ayant mis en place, selon le rapport d’évaluation, un « plan de gestion environnementale certifié ». En outre, la requérante a affirmé, sans être contredite par l’AEE, que, parmi les soumissionnaires qui n’avaient pas présenté de certification, elle avait obtenu la meilleure note.

75      Or, un critère d’attribution libellé d’une manière aussi générale qu’en l’espèce permet aux soumissionnaires de présenter leur politique en la matière librement et d’en fournir les preuves qu’ils estiment appropriées. À cet égard, la présentation d’un certificat pertinent fait partie des moyens classiques, parmi d’autres, de l’élaboration des offres dans le cadre des procédures de passation des marchés publics. La requérante étant une société qui participe régulièrement à ce type de procédures, elle ne pouvait l’ignorer. Elle a, elle-même, précisé, dans son offre ainsi que dans ses mémoires, que sa politique était conforme à la charte de l’Institut bruxellois de l’environnement et qu’elle disposait du certificat ISO 9001:2000.

76      Dans les circonstances de l’espèce, la requérante ne peut valablement affirmer, d’une part, que l’élément nécessaire, voire unique, pour l’attribution du meilleur score était une certification non exigée dans le cahier des charges et, d’autre part, qu’aucune comparaison entre son offre et celle ayant obtenu la meilleure note n’a été effectuée. En effet, si la présentation d’un certificat pertinent avait été la seule preuve possible d’une politique générale, les soumissionnaires ne l’ayant pas présenté ne se seraient vu attribuer aucun point. Or, non seulement tel n’a pas été le cas, mais les soumissionnaires n’ayant pas présenté de certificat pertinent n’ont pas tous obtenu la même note. Le comité d’évaluation a estimé ainsi que, parmi les offres de ces derniers, celle de la requérante en la matière était la meilleure. Cependant, sur la base des descriptions de leurs politiques environnementales générales respectives, ce comité a considéré que le certificat en question était la preuve la plus convaincante de la politique environnementale générale d’une entreprise à laquelle il a, par conséquent, attribué le maximum de points. Il s’ensuit que le comité a bien effectué une évaluation comparative des offres analysant la réalité des politiques environnementales présentées par les soumissionnaires et qu’il a constaté qu’un seul d’entre eux avait déjà mis en place une telle politique, alors que les autres ne faisaient part que de bonnes intentions en la matière.

77      En effet, ainsi que l’a confirmé l’AEE, l’existence d’une politique environnementale effective pouvait être prouvée par différents éléments. Or, le comité d’évaluation a estimé que la requérante n’avait pas présenté de documents équivalant à la certification en cause. Parmi de tels documents, le certificat ISO 9001:2000 et la conformité à la charte de l’Institut bruxellois de l’environnement n’ont pas été considérés par ce comité comme offrant des garanties d’une politique environnementale effective.

78      Partant, les arguments avancés par la requérante permettent uniquement de constater que, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, l’AEE a considéré que, parmi les offres de tous les soumissionnaires, le maximum des points revenait à celui ayant présenté, sous forme d’un certificat, la preuve d’une politique environnementale générale réelle, sans pour autant considérer un tel certificat comme l’unique preuve possible en la matière.

79      Dans ces circonstances, il convient de rejeter ce grief et, par conséquent, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

 Arguments des parties

80      La requérante soutient que l’évaluation dont son dossier a fait l’objet comporte une série d’erreurs d’appréciation graves et manifestes ainsi que d’omissions. Elle considère que le pouvoir d’appréciation important dont dispose le pouvoir adjudicateur ne doit pas être interprété comme un droit unilatéral de prendre des décisions arbitraires et sans fondement. Or, la série d’erreurs manifestes commises par l’AEE devrait être examinée comme un tout démontrant que, en l’espèce, ce pouvoir avait été outrepassé. En outre, le rapport d’évaluation ne ferait pas apparaître la nature concurrentielle de la procédure en cause. Selon la jurisprudence de la Cour, les règles qui régissent la passation des marchés publics devraient expressément figurer dans le cahier des charges et devraient être respectées par le pouvoir adjudicateur tout au long de ces procédures.

81      À l’appui de son argumentation, la requérante évoque les différents éléments de son offre ainsi que les conclusions du rapport d’évaluation les concernant. Elle fait notamment valoir que les experts proposés et/ou les projets mentionnés dans le cadre de son expérience répondaient largement aux nécessités de l’appel d’offres et que son offre aurait dû obtenir une meilleure note.

82      Ainsi, pour le domaine 1, intitulé « Développement Web et gestion de contenu », la requérante estime avoir présenté des consultants hautement qualifiés et/ou possédant une grande expérience dans le domaine. En outre, son expertise aurait été prouvée par la réalisation de projets antérieurs, à savoir Circle et Ermione. La requérante soutient que son offre aurait dû être classée en première position.

83      Concernant les tâches, la requérante estime que la note qu’elle a reçue, au motif que son expérience « ne répondait pas aux exigences de l’AEE en termes d’utilisabilité et de tests de groupe », n’est ni expliquée ni justifiée. Elle s’interroge, notamment, sur le point de savoir comment un soumissionnaire qui, prétendument, ne satisfait pas à un des critères, obtient 20 % de points en moins qu’un soumissionnaire qui est estimé moyen au regard de tous les critères. Selon la requérante, l’AEE n’a pas examiné en détail le tableau joint à son offre concernant ses expériences dans l’accomplissement de tâches similaires. Un examen croisé de l’ensemble des données fournies démontrerait que les notes techniques qu’elle a obtenues étaient déloyales et infondées. En effet, au moins 66 des 110 projets pertinents présentés par la requérante démontreraient son expertise dans le domaine, mais l’AEE en aurait isolé un seul pour faire valoir un manque de références. Par ailleurs, le cahier des charges serait imprécis sur ce point et n’aurait pas précisé le besoin exact de l’AEE.

84      Quant au domaine 2, intitulé « Production multimédia et conception graphique », la requérante rappelle avoir présenté les C.V. de six consultants possédant un niveau élevé d’expertise ainsi que 63 projets pertinents, ce qui attesterait de son expérience quant aux logiciels concernés. La formule utilisée par le comité d’évaluation aurait été employée d’une manière non transparente et sélective. La requérante déclare ne pas comprendre en quoi les offres des soumissionnaires retenus auraient été meilleures que la sienne.

85      Pour ce qui est des tâches, elle fait valoir que les 63 projets antérieurs, décrits dans son offre, fournissent une preuve adéquate de son expérience dans le domaine. En outre, les notes attribuées seraient contradictoires, un soumissionnaire estimé moyen au regard d’un seul des critères ne pouvant être considéré comme inférieur à un soumissionnaire estimé moyen au regard de tous les critères.

86      Dans le cadre du domaine 3, intitulé « Gestion Linux », la requérante fait tout d’abord valoir que l’affirmation de l’AEE selon laquelle un manque d’expérience dans une catégorie ne peut être compensé par des connaissances supérieures à la moyenne dans un autre domaine, trahit l’évaluation arbitraire de cette dernière et démontre le manque de clarté du cahier des charges. Le comité d’évaluation aurait décidé a posteriori quelle compétence ou quelle tâche dans chaque domaine d’expertise serait plus importante pour les projets.

87      En outre, l’évaluation concernant les logiciels CIRCA et Eionet serait erronée et infondée. Notamment, la requérante aurait conçu et développé CIRCA et elle serait le cocontractant de la Commission et de l’AEE pour son développement principal et l’assistance s’y rapportant. Elle aurait, en outre, fourni à l’AEE le ReportNet, application qui utilise Eionet. La requérante aurait obtenu une note presque identique à celle de ses concurrents, alors que son évaluation serait meilleure et qu’elle aurait plus d’expérience que ses concurrents s’agissant de ces logiciels. La preuve en serait le fait qu’elle aurait remporté un précédent marché lié au logiciel CIRCA contre l’un de ces concurrents et que, dans le cadre d’autres projets, ce même concurrent aurait soit demandé son aide concernant CIRCA, soit sous-traité à la requérante toutes les tâches qui y sont relatives. Par conséquent, la requérante aurait dû être classée en première position pour ce domaine. Il serait donc évident que l’AEE a tenu compte d’un prétendu manque d’expérience dans une catégorie uniquement pour ce qui est de l’offre de la requérante.

88      Concernant le critère « Tâches », l’AEE aurait erronément et sans fondement qualifié son expérience dans le domaine des mesures de sécurité de médiocre. L’AEE aurait pris en compte uniquement sa propre expérience concernant CIRCA pour écarter toutes les autres références et son offre. Par ailleurs, même un éventuel problème de certification de sécurité dans l’utilisation de CIRCA ne justifierait une telle évaluation, la requérante ayant fourni dans son offre toutes les solutions adéquates permettant de répondre aux exigences de l’AEE. De plus, cette dernière n’aurait pas tenu compte des concepts de sécurité mis en œuvre par la requérante, répondant aux exigences spécifiques en matière de sécurité de ses clients. La requérante aurait présenté au moins 47 projets pertinents pour les institutions et disposerait d’une habilitation en la matière de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et de l’Union européenne. Elle aurait aussi fourni avec succès pendant quatre ans des services d’assistance à l’AEE et aux installations Eionet et CIRCA, sans qu’aucun utilisateur ait signalé de problème en matière de sécurité.

89      Dans le cadre du domaine 4, intitulé « Développement du système Linux », la requérante conteste la note obtenue pour le critère « Tâches ». Premièrement, elle estime disposer d’une grande expérience, attestée par la réalisation de cinq projets différents. Deuxièmement, l’expert proposé, dont l’expérience aurait été mise en doute par l’AEE, serait de niveau senior en matière de technologies de l’information et disposerait d’une connaissance étendue dans tous les domaines de compétence visés par le cahier des charges pour ce domaine. L’AEE se serait attendue à se voir communiquer des C.V. d’experts disposant d’une solide expertise dans toutes les technologies de ce domaine, alors que cela n’aurait pas été mentionné dans le cahier des charges et que, dans ses réponses aux questions de la requérante, elle aurait fait référence à une « division entre les exigences ». En toute hypothèse, les experts proposés par la requérante maîtriseraient toutes les technologies exigées par le cahier des charges.

90      En outre, l’AEE n’aurait pas indiqué les raisons pour lesquelles les offres des trois soumissionnaires retenus seraient meilleures que la sienne. La requérante indique avoir invité l’AEE à fournir des détails sur les profils proposés par les soumissionnaires retenus.

91      Quant au domaine 5, intitulé « Développement Windows », la note obtenue par la requérante serait erronée, puisque les six consultants proposés seraient des professionnels des technologies de l’information, possédant d’excellentes compétences dans toutes les tâches et activités requises. Tous les C.V. proposés par elle satisferaient aux exigences de tous les domaines d’expertise, même si cela n’avait pas été prévu par le cahier des charges. En outre, les commentaires de l’AEE manqueraient de précision, aboutissant à des conclusions abstraites et infondées, ne reflétant pas la réalité de l’offre de la requérante. Cette dernière aurait fourni une description d’au moins 43 projets, dont 29 totalement achevés, impliquant tous un développement Windows étendu, et aurait inclus des activités identiques à celles présentées dans le cahier des charges pour ce domaine, qui impliqueraient aussi d’autres technologies.

92      Concernant le domaine 6, intitulé « Gestion Windows », la requérante soutient que, même si ses qualifications prétendument limitées ne faisaient pas partie des exigences de ce domaine d’expertise, le C.V., notamment, d’un expert parmi ceux proposés montrait qu’il possédait une telle expérience. Les C.V. de deux autres experts feraient état d’une expertise étendue dans tous les domaines mentionnés dans le cahier des charges.

93      Les commentaires de l’AEE concernant les C.V. des experts proposés contrediraient la plupart des méthodologies d’évaluation connues, en ce qu’ils consisteraient à dire que des déficiences dans un domaine sont susceptibles d’influencer les notes attribuées dans un autre en raison d’une possible incidence sur l’efficacité de la société. Un tel raisonnement donnerait à l’AEE une liberté d’appréciation illimitée et l’autoriserait à employer des approximations dangereuses et infondées. En outre, la requérante aurait fait le choix de ne pas répéter les descriptions des projets communs à plusieurs candidats, mais de se limiter à leurs projets spécifiques, pour ne pas allonger très fortement leurs C.V.

94      En général, l’explication de l’AEE ne serait ni claire, ni précise, ni motivée. Cette dernière aurait notamment assimilé les notions de « gestion de sécurité » et de « mesures de sécurité ». En ce qui concerne les tâches, la requérante rappelle que, en vertu des critères d’attribution mentionnés dans l’appel d’offres, les tâches seraient évaluées en fonction de l’expérience de la société et non des C.V., contrairement à ce qu’aurait fait le comité d’évaluation.

95      Ce comité aurait, selon la requérante, commis la même erreur pour ce qui concerne les tâches du domaine 7, intitulé « Gestion des données et des informations ». En toute hypothèse, la requérante aurait proposé des experts hautement qualifiés dans l’accomplissement de ces tâches, disposant d’une connaissance approfondie dans les trois types de compétences mentionnés dans le cahier des charges. La requérante estime que l’AEE se fonde uniquement sur la dénomination du profil de chaque expert, et non sur leur expertise, et cela sans explication sérieuse.

96      Quant au domaine 8, intitulé « Systèmes d’information géographique », la requérante soutient que, contrairement aux commentaires de l’AEE, il ressort clairement des C.V. fournis que, parmi ses consultants, l’un d’entre eux avait l’expérience nécessaire pour le développement de l’infrastructure de données spatiales (SDI) et les autres une expérience d’analyse du système d’information géographique (GIS). Elle soutient aussi que les compétences demandées dans le cahier des charges ne font aucune mention d’une qualification particulière telle qu’une expérience antérieure des technologies-outils et des procédures de l’AEE, que la requérante n’aurait pas. L’expérience de ses experts, notamment dans l’utilisation des produits fabriqués par le partenaire de la requérante, correspondrait pleinement à toutes les exigences du cahier des charges, ce qu’aurait admis l’AEE. En ce qui concerne les tâches, la requérante fait valoir que sa note vient à l’encontre de son expérience dans le domaine, largement prouvée par la réalisation de cinq projets antérieurs.

97      Enfin, quant à la critique générale de l’AEE selon laquelle la requérante aurait fréquemment utilisé dans son offre les termes exacts du cahier des charges, au lieu de fournir une réponse substantielle et motivée aux exigences mentionnées par ce dernier, celle-ci serait erronée et infondée. Premièrement, les soumissionnaires seraient tenus d’utiliser les libellés des termes de référence pour pouvoir correctement décrire leur offre. Deuxièmement, la requérante aurait utilisé la description du cahier des charges pour démontrer son expérience dans l’accomplissement de tâches identiques à celles présentées.

98      L’AEE soutient qu’elle n’a commis aucune erreur d’appréciation et, a fortiori, aucune erreur manifeste.

 Appréciation du Tribunal

99      Ainsi qu’il a été rappelé au point 61 ci-dessus, les institutions et les agences de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise de décision de passer un marché sur appel d’offres et le contrôle du Tribunal doit se limiter à vérifier l’absence d’erreur grave et manifeste.

100    Il convient donc de vérifier si, en l’espèce, l’AEE a commis une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de l’attribution du marché en sélectionnant des offres autres que celle de la requérante.

101    Il ressort du rapport d’évaluation que, en ce qui concerne la phase d’attribution, le comité d’évaluation a évalué les offres sur la base des critères d’attribution tels que précisés au point 7, sous iii), du cahier des charges. Cette évaluation portait ainsi sur les deux premiers critères, à savoir les compétences et l’expérience des consultants juniors et seniors, dont les C.V. devaient figurer dans les documents de l’offre, ainsi que l’expérience de l’entreprise concernant l’accomplissement de tâches semblables à celles énumérées à titre de tâches provisoires dans chaque domaine d’expertise. Les soumissionnaires obtenant au moins 25 points pour chacun des deux premiers critères dans six domaines d’expertise et participant ainsi à l’étape suivante ont, par la suite, été évalués également sur la base du troisième critère, celui de la politique environnementale générale de l’entreprise. Les points attribués pour le troisième critère ont été ajoutés au score des soumissionnaires ayant atteint le deuxième tour. Sur cette base, les candidats ont été classés dans chaque domaine en fonction des notes et du tarif journalier moyen des consultants intramuros et extramuros et seniors et juniors. Les trois soumissionnaires obtenant ainsi le meilleur classement d’ensemble dans leurs six meilleurs domaines se sont vu attribuer un contrat-cadre.

102    Dès lors, il convient de constater que le comité d’évaluation a strictement suivi la procédure d’attribution telle que définie dans le cahier des charges. Par ailleurs, il ressort des annexes au rapport d’évaluation que ce comité a effectué une évaluation comparative de toutes les offres de soumissionnaires participant à la phase d’attribution du marché. C’est sur la base des notes attribuées pour les critères « Compétences » et « Tâches » pour chaque domaine, auxquelles étaient ajoutées les notes pour le troisième critère, que ledit comité a pu obtenir un score final lui permettant d’identifier les trois meilleures offres.

103    À cet égard, il convient de rappeler qu’en l’espèce le marché a été attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse, aux termes de l’article 97, paragraphe 2, du règlement financier.

104    Dans ce cadre, le simple argument de la requérante selon lequel son offre répondait largement aux nécessités de l’appel d’offres ne saurait démontrer en soi une erreur manifeste d’appréciation du pouvoir adjudicateur. En effet, c’est sur la base d’une évaluation comparative des offres effectuée par le comité d’évaluation que le marché a été attribué aux seules offres présentant le meilleur rapport entre la qualité et le prix. Or, il ressort du rapport d’évaluation que l’offre de la requérante n’en faisait pas partie.

105    Plus particulièrement, la requérante soutient, dans le cadre des huit domaines d’expertise, qu’elle avait proposé dans son offre des experts hautement qualifiés et/ou fait preuve de projets semblables ou identiques à ceux exigés par l’appel d’offres et que, par conséquent, son offre aurait dû obtenir une évaluation meilleure. Cette argumentation ne saurait être accueillie. En effet, il ressort du rapport d’évaluation que, dans le cadre de chaque domaine et de chaque critère, les notes ont été attribuées sur la base d’une évaluation comparative. Ainsi, les meilleures notes correspondent aux meilleurs commentaires. Or, la requérante ne fournit aucun élément de nature à prouver que, en procédant ainsi, le comité d’évaluation ait commis une erreur manifeste d’appréciation.

106    Cette conclusion ne peut être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel les notes attribuées aux différents soumissionnaires ne correspondent pas toujours aux commentaires qui y sont afférents et sont même contradictoires. À titre d’exemple, l’offre de la requérante, estimée faible ou moyenne concernant l’un des critères, aurait obtenu une note inférieure à celle des soumissionnaires estimés moyens au regard de tous les critères (domaines 1 et 2). De même, dans le cadre du domaine 3, elle aurait obtenu une note presque identique à celle des autres soumissionnaires, alors que l’évaluation de son offre serait meilleure.

107    À cet égard, il convient d’observer que, concernant ces commentaires, il ressort du dossier que les points faibles de l’offre de la requérante mentionnés par le comité d’évaluation concernent tous des éléments clés des domaines concernés, précisés comme tels par le cahier des charges, ce qui explique la baisse de la note attribuée. Dans ces circonstances, l’explication avancée par la requérante d’une prétendue formule d’évaluation occulte n’est pas convaincante. En outre, les notes et les commentaires concernés formant, en l’espèce, un tout homogène, ils n’appelaient, de la part du comité d’évaluation, aucune explication ou justification autre que celles déjà fournies par lui et dont il vient d’être fait état.

108    En ce qui concerne le domaine 3, la requérante affirme que son offre aurait dû obtenir une meilleure évaluation en raison de sa large expérience dans les applications CIRCA et Eionet. Il ressort du rapport d’évaluation que le comité d’évaluation a bien confirmé ses bonnes connaissances de CIRCA, mais a aussi constaté une faible expérience de la requérante en ce qui concerne Eionet et dans le domaine des mesures de sécurité. Or, dans le cas où une expérience approfondie est exigée dans tout le domaine, d’éventuelles connaissances au-dessus de la moyenne dans une catégorie ou une partie dudit domaine ne peuvent compenser un manque d’expérience dans une catégorie précise. Loin de prouver une quelconque évaluation arbitraire de l’AEE, cette explication confirme une analyse comparative et globale des offres des soumissionnaires. En outre, les points concernés faisant partie des critères mentionnés par le cahier des charges, la requérante ne saurait soutenir le manque de clarté de celui‑ci.

109    Concernant les tâches, la requérante soutient avoir une très grande expérience dans le domaine des mesures de sécurité qui, par conséquent, n’aurait pas dû être évaluée comme médiocre. À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une évaluation comparative, le comité d’évaluation n’est pas uniquement tenu d’évaluer le nombre d’éléments présentés dans l’offre d’un soumissionnaire, mais aussi leur pertinence pour le domaine concerné. En toute hypothèse, il convient de constater que l’offre de la requérante a été classée en deuxième position pour les deux critères du domaine 3, ce qui permet de conclure que son expérience avait effectivement été prise en compte par le comité d’évaluation. Les arguments de la requérante concernant ce domaine doivent, dès lors, être rejetés.

110    Dans le cadre du critère « Tâches » du domaine 4, la requérante conclut, sur la base de l’argumentation de l’AEE, que cette dernière s’attendait à ce que les soumissionnaires proposent des C.V. d’experts disposant d’une solide expertise dans toutes les technologies de ce domaine, alors que cela n’aurait pas été mentionné dans le cahier des charges. Cet argument ne saurait être accueilli. En effet, il est vrai qu’il n’a pas été exigé dans le cahier des charges que les experts maîtrisent toutes les technologies de ce domaine. Cependant, dans la mesure où les offres font l’objet d’une comparaison relative, une offre présentant des experts polyvalents sera vraisemblablement mieux notée que celle présentant des experts répondant uniquement à certains profils. À cet égard, la requérante soutient que, dans le cadre de son activité, il serait contre-productif d’attendre qu’un type d’expert puisse s’acquitter de toutes les tâches. Or, elle ne fournit aucun élément de nature à prouver que, en estimant qu’un des soumissionnaires avait proposé des experts correspondant mieux aux exigences du cahier des charges, le comité d’évaluation ait commis une erreur manifeste d’appréciation en lui attribuant plus de points qu’à elle.

111    En outre, la requérante soutient que le comité d’évaluation a évalué, dans le cadre des domaines 6 et 7, le critère des tâches sur la base des C.V. au lieu de celle de l’expérience de la société. Il convient d’observer que le point 7, sous iii), du cahier des charges prévoyait, à cet égard, que le marché serait attribué au regard de l’expérience de l’entreprise concernant l’accomplissement de tâches semblables à celles énumérées à titre de tâches provisoires dans chaque domaine d’expertise (voir point 15 ci-dessus). Or, dans une société prestataire de services, les ressources humaines représentent un point important de sa valeur. Dans ce cadre, comme le soutient aussi l’AEE, l’expérience, attestée au moyen d’un C.V., d’un expert est de nature à prouver l’expérience de l’entreprise elle-même, les deux aspects étant indissociables. Par ailleurs, la requérante n’indique pas pourquoi cela consisterait à dire que des déficiences dans un domaine sont susceptibles d’influencer les notes attribuées dans un autre en raison d’une possible incidence sur l’efficacité de la société.

112    Concernant le domaine 7, la requérante ne fournit aucun élément de preuve à l’appui de son estimation selon laquelle l’évaluation de l’AEE se fonde uniquement sur la dénomination du profil de chaque expert, et non sur leur expertise.

113    Quant à l’argument de la requérante, invoqué dans le cadre du domaine 8, selon lequel les compétences demandées dans le cahier des charges ne font aucune mention d’une qualification particulière telle qu’une expérience antérieure des technologies-outils et des procédures de l’AEE, il convient de constater que cet argument dénature les propos de l’AEE. En effet, le commentaire de la note obtenue ainsi que l’argumentation de l’AEE se réfèrent tous deux à l’expérience en ce qui concerne l’analyse GIS pour les activités de l’AEE, et non pour les technologies/outils et les procédures de l’AEE.

114    Enfin, quant à l’argument de la requérante selon lequel la série d’erreurs manifestes commises par le comité d’évaluation devrait être examinée comme un tout démontrant que le large pouvoir d’appréciation dont il disposait a été outrepassé, il ne peut non plus être accueilli. En effet, en l’absence d’erreur manifeste d’appréciation établie par la requérante, il ne saurait être possible d’aboutir à la conclusion d’une erreur grave et manifeste commise par le pouvoir adjudicateur, résultant de l’addition des erreurs.

115    Il résulte des considérations qui précèdent que la requérante n’a pas établi que l’AEE ait commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation de l’offre de la requérante. Par conséquent, il convient de rejeter le deuxième moyen comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

 Arguments des parties

116    La requérante soutient que, contrairement à ce qu’exigent l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution, l’AEE n’a pas expliqué comment l’offre de la requérante avait été comparée à celles des autres soumissionnaires. En effet, la requérante n’aurait disposé d’aucune information sur les mérites relatifs des soumissionnaires retenus, qui lui permette de déterminer comment le comité d’évaluation était parvenu à ces résultats. Les appréciations de l’AEE seraient vagues, contiendraient un jugement abstrait et ne seraient pas suffisamment détaillées. Elles ne permettraient donc pas aux intéressés de connaître les justifications de la décision afin de faire valoir leurs droits et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle.

117    D’une part, aucune explication n’aurait été fournie s’agissant de la raison pour laquelle certains C.V. n’étaient pas adaptés aux missions ou de la raison pour laquelle l’expérience antérieure de la requérante n’était pas suffisante. D’autre part, le défaut d’expertise des soumissionnaires retenus n’aurait pas affecté leurs notes. Par ailleurs, les commentaires fournis seraient, dans plusieurs cas, en contradiction avec les points attribués.

118    La notion de pouvoir d’appréciation important ne pourrait être appréciée qu’en examinant en détail la motivation donnée par le pouvoir adjudicateur dans sa décision d’attribution du marché et de rejet des offres des autres candidats. Cependant, l’AEE n’aurait pas indiqué les motifs pour lesquels elle a rejeté l’offre de la requérante.

119    L’AEE soutient qu’elle a observé son obligation de motiver sa décision conformément au règlement financier, aux modalités d’exécution et à la jurisprudence établie.

 Appréciation du Tribunal

120    Il résulte de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et de l’article 149 des modalités d’exécution que le pouvoir adjudicateur satisfait à son obligation de motivation s’il se contente, tout d’abord, de communiquer immédiatement à tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre et s’il fournit, ensuite, aux soumissionnaires ayant présenté une offre recevable et qui en font la demande expresse, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours de calendrier à compter de la réception d’une demande écrite (voir arrêts du Tribunal du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑465/04, non publié au Recueil, point 47, et la jurisprudence citée, et du 9 septembre 2009, Brink’s Security Luxembourg/Commission, T‑437/05, non encore publié au Recueil, point 160).

121    Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 253 CE, selon laquelle il convient de faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (arrêt du 10 septembre 2008, Evropaiki Dynamiki/Commission, T‑465/04, point 120 supra, point 48).

122    En outre, il importe de rappeler que l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

123    Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence que, lorsque l’institution ou l’agence concernée envoie une lettre, à la suite d’une demande d’explications supplémentaires au sujet d’une décision, avant l’introduction d’un recours, mais après la date fixée par l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution, cette lettre peut aussi être prise en considération pour examiner si la motivation en l’espèce était suffisante. En effet, l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la requérante disposait au moment de l’introduction du recours, étant entendu, toutefois, que l’institution n’est pas autorisée à substituer une motivation entièrement nouvelle à la motivation initiale (voir arrêt du Tribunal du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, non encore publié au Recueil, point 73, et la jurisprudence citée).

124    Par conséquent, pour déterminer si l’AEE a satisfait à son obligation de motivation prévue par le règlement financier ainsi que par les modalités d’exécution, il convient d’examiner les courriers du 14 septembre ainsi que du 28 septembre et du 13 octobre 2006, adressés à la requérante en réponse à sa demande expresse visant à obtenir des informations supplémentaires sur la décision d’attribution du marché en cause et de rejet de son offre.

125    Par courrier du 14 septembre 2006, l’AEE a informé la requérante que son offre avait été rejetée au motif qu’elle « n’était pas la plus avantageuse économiquement parmi les offres techniquement conformes » et lui a rappelé son droit d’obtenir des informations complémentaires sur les motifs de ce rejet et notamment sur les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire du marché.

126    Par courrier du 28 septembre 2006, en réponse à la demande écrite de la requérante du 15 septembre 2006, l’AEE lui a communiqué les noms des trois attributaires ainsi que les résultats obtenus par la requérante. Elle l’a en outre informée que, en raison de sa nature confidentielle, elle n’était pas en mesure de lui fournir copie du rapport d’évaluation.

127     À la suite du courrier du 29 septembre 2006, par lequel la requérante a réitéré sa demande écrite initiale, l’AEE a, par courrier du 13 octobre 2006, accordé à la requérante un accès partiel au rapport d’évaluation. Ce dernier indique clairement la procédure qui a été suivie lors de l’évaluation des offres des treize soumissionnaires et le fait que les offres des trois soumissionnaires retenus ont obtenu les trois meilleures notes finales. Il comporte, en outre, le détail des notes attribuées à la requérante et aux soumissionnaires retenus ainsi que leurs commentaires par domaine d’expertise et par critère.

128    Par conséquent, force est de constater que, sur la base de l’ensemble de ces informations, la requérante pouvait immédiatement identifier les caractéristiques et les avantages relatifs des offres retenues. Partant, l’AEE a pleinement rempli ses obligations telles qu’elles résultent du règlement financier et des modalités d’exécution.

129    Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.

130    Au vu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

131    La requérante conclut à ce que l’AEE soit condamnée à supporter la totalité des dépens, en vertu de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, même si le recours devait être rejeté. L’AEE n’aurait pas reconnu les violations nombreuses et sérieuses qu’elle a commises et n’aurait pas rectifié la situation dans le cadre d’une procédure de recours. En l’absence de possibilité d’une procédure de révision, la requérante n’aurait pas eu d’autre choix que d’introduire le présent recours. La requérante invoque, à cet égard, l’arrêt du Tribunal du 17 mars 2005, AFCon Management Consultants e.a./Commission (T‑160/03, Rec. p. II‑981).

132    L’AEE conteste cette argumentation.

133    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En application du paragraphe 3, deuxième alinéa, de la même disposition, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l’autre partie les frais qu’elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

134    En l’espèce, il y a lieu d’observer, d’une part, que la jurisprudence invoquée par la requérante n’est pas applicable à la présente affaire, dans la mesure, notamment, où aucune illégalité n’a été établie. D’autre part, la requérante n’a fourni aucun élément justifiant l’application en l’espèce de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure et la condamnation de l’AEE à lui rembourser des frais qui auraient été jugés frustratoires ou vexatoires.

135    En conséquence, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’AEE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE est condamnée aux dépens.

Vilaras

Prek

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2010.

Signatures



Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la recevabilité du recours

2.  Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré d’une violation du règlement financier, des modalités d’exécution et de la directive 2004/18

Sur le grief tiré d’une prétendue violation de l’obligation de distinguer la phase de sélection de la phase d’attribution

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le grief tiré de l’application d’une pondération conférée aux sous-critères d’attribution non communiquée aux soumissionnaires

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le grief tiré d’une application erronée du troisième critère d’attribution, concernant la politique environnementale générale

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.