Language of document : ECLI:EU:T:2020:562

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

25 novembre 2020 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Indemnité de dépaysement – Article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut – Refus d’octroi de l’indemnité de dépaysement – Résidence habituelle – Lieu d’exercice de l’activité professionnelle principale – Période quinquennale de référence »

Dans l’affaire T‑362/19,

UI, représenté par Me J. Diaz Cordova, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Bohr et Mme A.‑C. Simon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission du 27 août 2018 refusant au requérant l’octroi de l’indemnité de dépaysement et, d’autre part, à la réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi de ce fait,


LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et P. Nihoul, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, UI, est un ressortissant roumain qui est entré au service de la Commission européenne à Bruxelles (Belgique) en tant que fonctionnaire stagiaire le 16 août 2018.

2        Lors de son recrutement par la Commission, le requérant a rempli et signé, sans indiquer de date, un formulaire de candidature à un emploi de fonctionnaire ou d’autre agent. Dans ce formulaire, le requérant a indiqué que ses emplois précédents étaient les suivants :

–        du 27 octobre 2008 au 31 août 2010, directeur du développement chez […] à Bruxelles ;

–        du 1er septembre 2010 au 30 septembre 2015, travailleur indépendant en Roumanie ;

–        du 1er octobre 2015 au 15 juillet 2018, fonctionnaire au sein du Conseil de l’Union européenne à Bruxelles.

3        En outre, le 22 août 2018, le requérant a rempli et signé le formulaire d’entrée en fonctions permettant la détermination de ses droits au regard du statut des fonctionnaires de l’Union européenne dans sa version applicable au présent litige (ci-après le « statut »). Le requérant y a déclaré que, avant son entrée en fonctions au sein de la Commission, la Roumanie était son lieu de résidence, son lieu de recrutement, le centre de ses intérêts ainsi que l’endroit où il exerçait ses droits civils et où il possédait un bien immobilier. Il a ajouté qu’il était marié depuis […] 2011 avec une personne de nationalité roumaine travaillant à la Commission et qu’il avait eu un enfant né en 2016 en Belgique. Plus précisément, s’agissant de sa résidence habituelle au moment de son recrutement au sein de la Commission, le requérant a indiqué qu’il avait habité à Bucarest (Roumanie), du 16 août 2008 au 2 mars 2014, et à Suceava (Roumanie), du 3 mars 2014 au 15 août 2018. Le requérant a en outre indiqué que, le 11 février 2008, il avait enregistré une entreprise individuelle après de l’Oficiul Naţional al Registrului Comerţului (Office national du registre du commerce, Roumanie) et que, le 10 mars 2011, il avait renouvelé cet enregistrement auprès dudit office.  S’agissant des emplois qu’il avait exercés avant son recrutement au sein de la Commission, le requérant a indiqué ce qui suit :

–        du 27 octobre 2008 au 31 août 2010, salarié d’[…], à Bruxelles ;

–        du 31 août 2010 à 2014, travailleur indépendant, à Bucarest ;

–        de 2014 au 1er octobre 2015, travailleur indépendant, à Suceava ;

–        du 1er octobre 2015 au 16 août 2018, fonctionnaire au sein du Conseil, à Bruxelles.

4        De plus, selon les informations disponibles sur le système informatique de gestion du personnel Sysper (ci-après « Sysper »), du 7 juillet 2014 au 12 janvier 2015, le requérant a travaillé comme « personnel intra-muros » pour la Commission à Bruxelles en qualité d’employé d’un prestataire de services externe.

5        Par décision du 27 août 2018 (ci-après la « décision attaquée »), l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission a décidé de ne pas admettre le requérant au bénéfice de l’indemnité de dépaysement (16 % du montant total du traitement de base ainsi que de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge auxquelles il a droit) visée à l’article 69 du statut. En revanche, le requérant s’est vu accorder le bénéfice de l’indemnité d’expatriation (un quart de l’indemnité de dépaysement), visée à l’article 4, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut.

6        Le requérant ayant sollicité une rencontre avec le PMO, il a reçu une réponse le 4 septembre 2018 lui indiquant, d’une part, que la décision attaquée avait repris la décision du 7 avril 2016  émanant du Conseil, au sein duquel le requérant avait travaillé en tant que fonctionnaire et, d’autre part, que les documents produits par le requérant n’avaient pas été examinés.

7        Le 28 août 2018, le requérant a contacté le PMO pour solliciter un entretien. Dans les semaines qui ont suivi, le requérant et le PMO ont échangé plusieurs courriers électroniques. Le 13 septembre 2018, le PMO a confirmé sa décision de ne pas admettre le requérant au bénéfice de l’indemnité de dépaysement. À cet égard, le PMO a indiqué que l’inscription du requérant en tant que travailleur indépendant en Roumanie ne prouvait pas que, pendant la période de référence, il avait sa résidence habituelle en Roumanie. En outre, le PMO a précisé que les documents que le requérant avait communiqués ne démontraient pas sa présence en Roumanie pendant ladite période.

8        Le 4 octobre 2018, le requérant a répondu à la lettre du PMO du 13 septembre 2018 en fournissant, à l’appui de sa demande de se voir octroyer le bénéfice de l’indemnité de dépaysement, plusieurs arguments tirés de la jurisprudence et a exprimé son souhait de parvenir à une solution amiable.

9        Le 26 novembre 2018, en l’absence de réponse de la part du PMO, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

10      Par décision du 22 mars 2019, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation du requérant en considérant que les éléments produits par ce dernier ne démontraient pas que, pendant la période de référence énoncée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut et allant, en l’espèce, du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2015, il avait habité ou exercé son activité professionnelle principale en Roumanie. Au contraire, il résulterait des différents éléments examinés que le requérant avait habité et exercé son activité professionnelle principale en Belgique, à savoir dans l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation. À titre surabondant, l’AIPN a souligné que, par décision du 13 octobre 2015, le Conseil, ancien employeur du requérant, avait refusé à ce dernier le bénéfice de l’indemnité de dépaysement. À cet égard, l’AIPN a rappelé que, le 16 décembre 2015, le requérant avait introduit une réclamation contre cette décision et que, le 7 avril 2016, ladite réclamation avait été rejetée, au motif que, selon le Conseil, le requérant avait résidé de façon habituelle à Bruxelles pendant la période de référence, énoncée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, allant en l’espèce du 1er avril 2010 au 31 mars 2015.

11      Par courriel du 23 avril 2019, le requérant a été informé de la décision de rejet de sa réclamation du 22 mars 2019.

 Procédure

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 juin 2019, le requérant a introduit le présent recours. La requête a été définitivement régularisée le 4 décembre 2019.

13      Le 22 octobre 2019, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, l’affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur siégeant dans la quatrième chambre.

14      Le 17 février 2020, la Commission a déposé le mémoire en défense.

15      La phase écrite de la procédure a été clôturée le 15 avril 2020.

16      Les parties n’ayant pas demandé la tenue d’une audience de plaidoiries, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

 Conclusions des parties

17      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission à lui verser la totalité de l’indemnité de dépaysement de 16 % du montant total du traitement de base ainsi que de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge auxquelles il a droit ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission

19      La Commission soulève une fin de non-recevoir des arguments exposés au point 37 de la requête, en faisant valoir qu’ils manquent de clarté au motif qu’ils procèdent à un renvoi général à des arguments figurant dans une annexe de la requête.

20      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence constante, cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au juge de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête même. Si ce texte peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans la requête. Il n’appartient pas au juge de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du 30 septembre 2009, Skareby/Commission, T‑193/08 P, EU:T:2009:377, point 59 et jurisprudence citée).

21      Au point 37 de la requête, le requérant fait valoir qu’il a intentionnellement maintenu le centre de ses intérêts et ainsi sa résidence habituelle en Roumanie, durant la période de référence. Il indique que cela est démontré notamment par les « faits tels que décrits aux points 4, 7, 8, 10, 11 12, 16 et 18 de sa réclamation », laquelle se fonde sur la jurisprudence constante. Il ajoute que ces faits ayant été exposés dans sa réclamation, ils ne seront pas développés dans la requête.

22      À cet égard, premièrement, il y a lieu d’observer que, contrairement à ce que soutient la Commission, le point 37 de la requête contient un renvoi non pas global, mais ponctuel, à une liste de circonstances de fait mentionnées dans la réclamation, à savoir :

–        que le requérant a été travailleur indépendant dans différents États membres, tels que la Belgique, l’Espagne, l’Irlande, la Hongrie, les Pays-Bas et le Luxembourg (point 4 de la réclamation) ;

–        que son épouse, en tant que fonctionnaire de la Commission, s’est vu reconnaître le centre de ses intérêts en Roumanie (point 7 de la réclamation) ;

–        que, pendant la période allant d’octobre 2011 à juin 2012, il a exercé son activité principale à Alicante (Espagne) pour l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), (point 8 de la réclamation) ;

–        qu’il a versé ses contributions pour l’assurance maladie en Roumanie (point 10 de la réclamation) ;

–        qu’il a acheté, avec sa femme, un bien immobilier en Roumanie (point 11 de la réclamation) ;

–        que, depuis 2002, il est le seul propriétaire d’un bien immobilier (point 12 de la réclamation) ;

–        que, par décision du 20 novembre 2015, le Conseil, son précédent employeur, a fixé le centre de ses intérêts, voire son lieu d’origine à Suceava, en Roumanie, en tant que lieu où il avait ses liens familiaux ainsi que ses intérêts transmissibles constitués par un bien immobilier de résidence (point 16 de la réclamation) ;

–        qu’il a demandé à pouvoir rencontrer le PMO pour comprendre les raisons du refus de lui accorder l’indemnité de dépaysement (point 18 de la réclamation).

23      Deuxièmement, il importe de noter que les circonstances de fait, mentionnées dans la réclamation et auxquelles le point 37 de la requête renvoie, sont également mentionnées dans la requête elle-même et correspondent aux points 5, 8, 9, 11 à 13, 18 et 20 de la requête.

24      Troisièmement, il convient de relever que, dans le mémoire en défense, la Commission a pu prendre position sur les circonstances de fait en cause.

25      Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que le requérant n’a pas procédé, au point 37 de la requête, à un renvoi global à d’autres écrits et que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels se fondent les arguments soulevés dans ledit point 37 ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de ce point. Ces arguments sont donc suffisamment clairs et précis pour permettre tant à la partie défenderesse qu’au Tribunal de les comprendre.

26      La fin de non-recevoir soulevée par la Commission est donc rejetée.

 Sur le fond

27      À l’appui de son recours et dans le cadre d’un moyen unique tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième tiret, de l’annexe VII du statut, le requérant fait valoir que la Commission a considéré à tort que, durant l’intégralité de la période de référence, il avait exercé son activité professionnelle principale et résidé de façon habituelle en Belgique. Le requérant fait valoir que son travail et sa résidence en Belgique étaient temporaires et que la Commission a négligé tous les éléments démontrant que, pendant la période de référence, il avait également exercé son activité professionnelle en dehors de la Belgique et que son intention était de maintenir sa résidence habituelle en Roumanie. Selon le requérant, la décision de ne pas lui accorder le bénéfice de l’indemnité de dépaysement méconnaît la jurisprudence de l’Union européenne ayant interprété et appliqué ladite disposition.

28      Plus précisément, premièrement, la décision attaquée irait à l’encontre du principe qui figure dans l’arrêt du 14 décembre 1995, Diamantaras/Commission (T‑72/94, EU:T:1995:212, point 50), selon lequel le fonctionnaire perd le bénéfice de l’indemnité de dépaysement uniquement s’il a eu sa résidence habituelle ou a exercé son activité professionnelle principale dans le pays du lieu de son affectation durant la totalité de la période de référence. La décision attaquée méconnaîtrait cette jurisprudence au motif que le PMO aurait négligé le fait que le requérant n’a pas exercé son activité professionnelle principale en Belgique durant la totalité de la période de référence.

29      Deuxièmement, il ressortirait de la jurisprudence que l’inscription d’une entreprise dans le registre d’un État ou l’achat d’un bien immobilier dans cet État démontreraient le lien durable avec cet État (ordonnance du 26 septembre 2007, Salvador Roldán/Commission, F‑129/06, EU:F:2007:166, point 57). La décision attaquée méconnaîtrait cette jurisprudence dans la mesure où la circonstance que le requérant avait enregistré une entreprise et acheté un bien immobilier en Roumanie n’aurait pas dûment été prise en compte.

30      Troisièmement, selon la jurisprudence, l’inscription au registre d’une commune serait un élément purement formel qui ne permettrait pas d’établir la résidence effective de l’intéressé dans ladite commune (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2010, Tzvetanova/Commission, F‑33/09, EU:F:2010:18, point 43). La décision attaquée méconnaîtrait cette jurisprudence au motif que, pour considérer que, pendant la période de référence, le requérant avait résidé de façon habituelle en Belgique, le PMO aurait pris en compte les inscriptions du requérant aux registres de différentes communes dans cet État.

31      Quatrièmement, l’élément intentionnel serait, selon la jurisprudence, fondamental pour établir le lieu de la résidence habituelle (arrêt du 15 mars 2011, Mioni/Commission, F‑28/10, EU:F:2011:23, points 32 et 33). Or, la décision attaquée aurait méconnu cette jurisprudence au motif que le PMO aurait négligé les éléments démontrant l’intention du requérant de maintenir sa résidence habituelle en Roumanie ainsi que son intention de considérer son travail et sa présence en Belgique comme temporaires.

32      La Commission conteste les arguments du requérant et fait valoir que les éléments à sa disposition démontrent que celui-ci a, de façon habituelle, habité et exercé son activité professionnelle principale en Belgique durant la période de référence.

33      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 69 du statut dispose que l’« indemnité de dépaysement est égale à 16 % du total du traitement de base et de l’allocation de foyer ainsi que de l’allocation pour enfant à charge, auxquelles le fonctionnaire a droit ».

34      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, l’indemnité de dépaysement, égale à 16 % du montant total du traitement de base ainsi que de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge versées au fonctionnaire, est accordée au fonctionnaire :

–        qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation ;

–        qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. Pour l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération.

35      Le paragraphe 2 du même article dispose que « [l]e fonctionnaire qui, n’ayant pas et n’ayant jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation, ne remplit pas les conditions prévues au paragraphe 1 a droit à une indemnité d’expatriation égale à un quart de l’indemnité de dépaysement ».

36      Selon une jurisprudence constante, l’octroi de l’indemnité de dépaysement a pour objet de compenser les charges et les désavantages particuliers résultant de la prise de fonctions auprès de l’Union pour les fonctionnaires qui sont de ce fait obligés de transférer leur résidence de l’État de leur domicile à l’État d’affectation et de s’intégrer dans un nouveau milieu. La notion de dépaysement dépend également de la situation subjective du fonctionnaire, à savoir de son degré d’intégration dans le nouveau milieu résultant, par exemple, de sa résidence habituelle ou de l’exercice d’une activité professionnelle principale (voir arrêt du 24 janvier 2008, Adam/Commission, C‑211/06 P, EU:C:2008:34, point 38 et jurisprudence citée ; arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 44). L’octroi de l’indemnité de dépaysement vise ainsi à remédier aux inégalités de fait survenant entre les fonctionnaires intégrés dans la société de l’État d’affectation et ceux qui ne le sont pas (voir arrêt du 29 novembre 2007, Salvador García/Commission, C‑7/06 P, EU:C:2007:724, point 44 et jurisprudence citée ; arrêt du 15 mars 2011, Mioni/Commission, F‑28/10, EU:F:2011:23, point 24 et jurisprudence citée).

37      Si l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut se fonde, pour déterminer les cas de dépaysement, sur les notions de résidence habituelle et d’activité professionnelle principale du fonctionnaire sur le territoire de l’État du lieu d’affectation pendant une certaine période de référence, c’est en vue d’établir des critères simples et objectifs pour appréhender la situation des fonctionnaires qui sont obligés, du fait de leurs prises de fonctions auprès de l’Union, de changer de résidence et de s’intégrer dans leur nouveau milieu (voir arrêt du 30 juin 2005, Olesen/Commission, T‑190/03, EU:T:2005:264, point 61 et jurisprudence citée).

38      Selon une jurisprudence constante en matière d’indemnité de dépaysement, la résidence habituelle, au sens de la disposition susmentionnée, est le lieu où le fonctionnaire ou agent concerné a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts, étant entendu qu’aux fins de la détermination de la résidence habituelle il faut tenir compte de tous les éléments de fait constitutifs de celle-ci et, notamment, de la résidence effective de l’intéressé (voir ordonnance du 7 décembre 2011, Mioni/Commission, T‑274/11 P, EU:T:2011:719, point 24 et jurisprudence citée ; voir arrêt du 15 mars 2011, Mioni/Commission, F‑28/10, EU:F:2011:23, point 22 et jurisprudence citée).

39      Si le fait d’avoir habité, avant la période de référence, sur le territoire de l’État où est situé son lieu d’affectation ne saurait jouer un rôle déterminant quant à la question de savoir si l’intéressé est en droit de bénéficier de l’indemnité de dépaysement, il n’en demeure pas moins que cette circonstance représente un élément complémentaire pouvant être pris en considération avec d’autres faits pertinents (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2005, Salvador García/Commission, T‑205/02, EU:T:2005:368, point 86 et du 15 mars 2011, Mioni/Commission, F‑28/10, EU:F:2011:23, point 23 et jurisprudence citée).

40      Selon la jurisprudence, il suffit qu’un seul des critères visés à l’article 4 de l’annexe VII du statut, à savoir la résidence habituelle ou l’activité professionnelle principale, soit concrétisé dans le lieu d’affectation du fonctionnaire pour que celui‑ci ne puisse pas bénéficier de l’indemnité de dépaysement (voir arrêt du 28 février 2019, Pozza/Parlement, T‑216/18, non publié, EU:T:2019:118, point 29 et jurisprudence citée).

41      En effet, il ressort tant du libellé de la disposition en cause que de son objet que l’indemnité de dépaysement ne doit être accordée que lorsque aucune des situations qui y sont visées n’est constatée. Le requérant ne peut donc prétendre à cette indemnité que s’il n’a, de façon habituelle, ni habité ni exercé son activité professionnelle principale sur le territoire de son État d’affectation pendant la période de référence (voir arrêt du 28 février 2019, Pozza/Parlement, T‑216/18, non publié, EU:T:2019:118, point 30 et jurisprudence citée).

42      Enfin, selon la jurisprudence, les dispositions du droit de l’Union qui ouvrent droit à des prestations financières doivent être interprétées strictement. Dans l’étape actuelle, avancée, de l’intégration européenne, et compte tenu des moyens modernes de communication, y compris les nouvelles technologies, cette jurisprudence est encore plus justifiée s’agissant d’une prestation financière comme l’indemnité de dépaysement, en raison notamment de la finalité de cette indemnité, comparée à celle de l’indemnité d’expatriation que le requérant perçoit, destinée à compenser les désavantages que les fonctionnaires subissent en raison de leur statut d’étranger (voir arrêt du 15 mars 2011, Mioni/Commission, F‑28/10, EU:F:2011:23, point 37 et jurisprudence citée).

43      En l’espèce, il est constant que le requérant a la nationalité roumaine et qu’il n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation, à savoir la nationalité belge. La situation du requérant relève donc de l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième tiret, de l’annexe VII, du statut.

44      Il y a donc lieu d’examiner, si au regard de la jurisprudence mentionnée aux points 36 à 42 ci-dessus, le PMO n’a pas commis d’erreurs d’appréciation lorsqu’il a estimé que, pendant la période de référence, le requérant avait, de façon habituelle, habité et exercé son activité professionnelle principale en Belgique et n’avait donc pas droit à l’indemnité de dépaysement.

 Sur la période de référence

45      Il ressort de la décision de rejet de la réclamation que la période de référence de cinq années prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut aurait dû, en principe, aller du 16 février 2013 au 15 février 2018, à savoir cinq années expirant six mois avant le 16 août 2018, date du recrutement du requérant par la Commission.

46      Cependant, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a précisé que, en l’occurrence, il y avait lieu de neutraliser la période pendant laquelle le requérant avait travaillé pour le Conseil. Le début de la période de référence a donc été reporté d’autant et il a été considéré que celle-ci allait du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2015.

47      S’agissant de la délimitation de la période de référence, il ressort de la jurisprudence que, au regard de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, l’accomplissement de services pour un autre État ou une organisation internationale a pour conséquence le maintien d’un lien de rattachement spécifique de l’intéressé avec cet autre État ou cette organisation internationale, faisant ainsi obstacle à la création d’un lien de rattachement durable avec l’État d’affectation et donc à l’intégration suffisante dudit intéressé dans la société de ce dernier État (voir, arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 49 et en ce sens, ordonnance du 21 octobre 2015, Arsène/Commission, F‑89/14, EU:F:2015:124, point 34 et jurisprudence citée).

48      S’agissant de la notion d’« organisation internationale », il convient de rappeler que les activités exercées au sein des institutions et des organismes de l’Union sont considérées comme des services effectués pour une organisation internationale, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut (voir arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 50 et jurisprudence citée).

49      La jurisprudence relative à l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut va dans le sens d’une neutralisation des périodes de services effectués pour un État ou une organisation internationale, ce qui a pour effet de voir la période de référence de cinq ans prolongée pour une durée équivalente (voir arrêt du 30 janvier 2014, Ohrgaard/Commission, F‑151/12, EU:F:2014:8, point 33 et jurisprudence citée).

50      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que la période de référence a été correctement établie par l’AIPN comme allant du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2015. Au demeurant, il importe de noter que, si le requérant soutient que la décision attaquée a violé l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut et est entachée d’erreurs d’appréciation, il ne soulève pas d’arguments spécifiques visant à contester la période de référence ainsi établie.

 Sur l’activité professionnelle principale

51      S’agissant du lieu où le requérant a exercé son activité professionnelle principale pendant la période de référence, premièrement, ce dernier soutient qu’il a été travailleur indépendant en Roumanie du 1er septembre 2010 au 30 septembre 2015. Deuxièmement, il fait valoir que, le 11 février 2008, il a enregistré une entreprise individuelle auprès de l’Office national du registre du commerce en Roumanie et que, le 10 mars 2011, il a renouvelé ledit enregistrement auprès dudit office. Troisièmement, pendant la période de référence, il aurait travaillé dans plusieurs États membres, tels que la Belgique, l’Irlande, l’Espagne, le Luxembourg, la Hongrie et les Pays-Bas, et il n’aurait jamais enregistré d’entreprise dans ces pays. Quatrièmement,  il aurait travaillé dans les locaux de la Commission en tant que contractant « intra-muros » et, par conséquent, il aurait interrompu l’exercice de son activité professionnelle en Belgique pendant la période de référence, car le travail au sein de la Commission ne saurait être considéré comme ayant été effectué en Belgique. Cinquièmement, durant la période allant d’octobre 2011 à juin 2012, il aurait travaillé à Alicante en Espagne auprès de l’EUIPO. Sixièmement, le 14 septembre 2012, il aurait signé une déclaration dans le cadre du Landenoverschrijdend Informatiesysteem ten behoeve van Migratieonderzoek bij de Sociale Administratie (Limosa, système d'information transfrontalier en vue de la recherche en matière de migration auprès de l'administration sociale) (ci-après « déclaration Limosa »), requise lorsque des personnes travaillent temporairement et à temps partiel en Belgique. Septièmement,  il aurait payé  ses cotisations d’assurance maladie ainsi que ses impôts en Roumanie.

52      La Commission conteste les arguments du requérant et fait valoir qu’il ressort des éléments de preuve que, pendant l’intégralité de la période de référence, le requérant a exercé son activité professionnelle principale en Belgique.

53      Afin d’identifier le lieu où le requérant a exercé son activité professionnelle principale au sens de l’article 4, paragraphe 1), sous a), de l’annexe VII du statut, il convient de tenir compte, parmi d’autres éléments, du lieu où le requérant a exercé son travail en exécution des différents actes contractuels qu’il a signés, à l’exception des actes qui ne relèvent pas, pour les raisons évoquées aux points 45 à 50 ci-dessus, de la période pertinente.

54      À cet égard, premièrement, il importe de relever que, ainsi que cela est indiqué dans la décision de rejet de la réclamation, le requérant a conclu deux contrats successifs avec des entreprises ayant leur siège en Belgique pour leur fournir des services de secrétariat. En vertu de ces contrats exécutés au cours de la période de référence, le requérant était tenu de travailler principalement en Belgique. En effet, selon le premier contrat, intitulé « convention de collaboration », conclu le 9 octobre 2009, avec une première société belge, le travail de secrétariat du requérant devait être effectué principalement auprès du bureau de ladite société situé à Bruxelles, les déplacements pouvant intervenir dans un rayon de 5 km autour du siège de l’entreprise et les éventuelles missions en dehors de la Belgique étant exceptionnelles et d’une durée de trois jours maximum. Selon le deuxième contrat, intitulé « accord de partenariat », conclu par le requérant le 2 avril 2013 avec une seconde société belge ayant son siège à Bruxelles, pour une durée d’un an renouvelable, les prestations de ce dernier devaient être effectuées dans le bureau de ladite société et, en cas de prestations auprès d’un client de cette société, cette dernière s’engageait à fournir au requérant l’infrastructure nécessaire.

55      S’agissant des contrats susmentionnés, il ressort de la décision du Conseil du 7 avril 2016 que le requérant a produit, devant ce dernier, des factures adressées à la première société belge portant les dates de novembre 2009, mars 2010, décembre 2010, février 2011, décembre 2011, janvier 2012, décembre 2012 et janvier 2013, ainsi que des factures adressées à la seconde société belge portant les dates de juin 2013, décembre 2013, janvier 2014 et mai 2014.

56      En outre, il convient de noter que les contrats en cause ont été signés par le requérant en tant que personne physique, et non au nom d’une entreprise enregistrée en Roumanie, et qu’il n’existe aucune preuve de la façon dont il a effectivement exécuté ces deux contrats. Ainsi, comme le fait valoir à juste titre la Commission, le requérant ne saurait soutenir que les sociétés avec lesquelles il avait conclu lesdits contrats étaient clientes de son entreprise enregistrée en Roumanie. Au demeurant, dans le deuxième contrat, à savoir l’accord de partenariat conclu avec la seconde société belge, le requérant indique comme lieu de résidence son adresse en Belgique.

57      De plus, comme le précise l’AIPN dans la décision de rejet de la réclamation, la déclaration fiscale des impôts payés en Roumanie pour l’année 2012-2013 ne saurait démontrer que, pendant la période de référence, le requérant a exercé son activité professionnelle principale dans ce pays, cette déclaration pouvant uniquement montrer que le requérant a payé certains impôts en Roumanie.

58      De surcroît, l’AIPN, dans la décision de rejet de la réclamation, a pertinemment mis en évidence que, s’il est possible d’admettre que le requérant avait organisé ses différentes activités en se déplaçant entre la Roumanie et la Belgique, il n’a cependant pas fourni la preuve qu’il avait effectué des déplacements fréquents entre ces États membres.

59      Deuxièmement, dans le mémoire en défense, la Commission fait valoir que, selon les informations disponibles dans Sysper, du 7 juillet 2014 au 12 janvier 2015, le requérant a travaillé pour la Commission en qualité de personnel intra-muros. À ce titre, la Commission précise que le requérant a été engagé en raison de son travail pour une entreprise belge fournissant ses services à la Commission.

60      À cet égard, tout d’abord, il importe de rappeler que, s’agissant d’une période de travail au sein des institutions de l’Union, la jurisprudence ne l’assimile pas à l’interruption de l’exercice de l’activité professionnelle principale pendant la période de référence sur le territoire du lieu de l’affectation, mais prévoit le déplacement dans le temps du point de départ de la période de référence afin de neutraliser la période correspondant de travail au sein desdites institutions (voir points 47 à 50 ci-dessus).

61      Ensuite, il convient de relever que la situation du requérant ayant effectué des activités en qualité de personnel intra-muros de la Commission ne saurait être comparée à celle d’une personne engagée par un organisme international. Au demeurant, il convient de noter que le requérant cherche à soutenir, sans en apporter la preuve, que son activité professionnelle au sein de la Commission a été réalisée en qualité de sous-traitant externe par l’intermédiaire de son entreprise enregistrée en Roumanie, tandis que la Commission soutient que le requérant travaillait pour une entreprise belge fournissant ses services à la Commission. Dans les deux cas, il ne saurait être soutenu que le requérant a établi des liens juridiques directs avec la Commission. Ainsi ses activités ne sauraient être considérées comme « des services effectués pour une organisation internationale », au sens de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Pozza/Parlement, T‑216/18, non publié, EU:T:2019:118, point 51 et jurisprudence citée). C’est pour cette raison, d’ailleurs, que la période d’exercice des activités du requérant en qualité de personnel intra-muros de la Commission n’a pas à juste titre été neutralisée et ne peut davantage être considérée comme ayant « interrompu » l’exercice de son activité professionnelle principale sur le territoire du lieu de son affectation.

62      Troisièmement, en ce qui concerne les affirmations du requérant selon lesquelles il a exercé son activité professionnelle principale en dehors de la Belgique et a donc interrompu, pendant la période de référence, l’exercice de son activité dans cet État, il convient de relever que, comme l’indique pertinemment la décision de rejet de la réclamation, le requérant n’a présenté aucun document spécifique permettant d’identifier les activités exécutées et le lieu d’exécution de ses tâches pour le compte de son entreprise enregistrée en Roumanie. Le requérant n’a pas davantage produit de documents afférents à ses prétendues activités comme travailleur indépendant en Irlande, au Luxembourg, en Hongrie et aux Pays-Bas.

63      En ce qui concerne la période de travail alléguée en Espagne, les documents produits par le requérant, à savoir des tickets de caisse de lieux de restaurations, des reçus de taxi et une attestation, datée du 22 septembre 2016, indiquant que le requérant a pris un appartement avec une chambre de octobre 2011 à juin 2012 par le biais d’une agence de location espagnole, qu’il a pu effectuer des déplacements en taxi et qu’il a profité des services de restauration, il convient d’observer ce qui suit.

64      Si les documents en question peuvent constituer des indices d’un séjour du requérant en Espagne, ils ne prouvent cependant pas que le requérant a interrompu la période d’exercice de son activité professionnelle principale en Belgique. En effet, la période indiquée de travail en Espagne coïncide avec la période pendant laquelle le requérant exerçait son activité en application de la convention de collaboration conclue avec la première société belge, pour laquelle le requérant a fourni des factures de décembre 2011 et de janvier 2012. Ainsi, comme le fait valoir la Commission, la période de séjour en Espagne représente uniquement une absence sporadique de la Belgique. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas de la jurisprudence que, pour démontrer qu’il a interrompu l’exercice de son activité professionnelle principale en Belgique, il pourrait se limiter à prouver qu’il a travaillé quelques jours ou pendant une courte période dans un autre État.

65      Quatrièmement, en ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel la signature d’une déclaration Limosa en 2011 montrerait qu’il percevait son travail en Belgique comme étant uniquement temporaire, d’une part, il convient d’observer, à l’instar de la Commission, que la période couverte par cette déclaration, à savoir la période allant du 1er octobre 2012 au 1er octobre 2013, coïncide avec la période pendant laquelle le requérant avait conclu la convention de collaboration avec la première société belge qui lui imposait sa présence physique à Bruxelles (voir point 54 ci-dessus). D’autre part, ladite déclaration n’apparaît pas constituer une preuve suffisante pour attester que le requérant considérait son travail en Belgique comme temporaire. En effet, elle ne permet pas de contredire les éléments qui attestent que, pendant l’intégralité de la période pertinente, le requérant s’était engagé, en vertu de deux contrats successifs, à exercer son activité professionnelle principale en Belgique et qu’il a, ensuite, continué à travailler à Bruxelles en qualité de personnel intra-muros de la Commission.

66      Cinquièmement, le requérant ne saurait se fonder sur les critères énoncés dans le guide sur la détermination de la résidence habituelle, qui concerne la situation des salariés et des travailleurs indépendants qui se déplacent d’un État membre à un autre et qui porte sur les prestations de sécurité sociale de ces travailleurs, pour démontrer que le lieu de son activité professionnelle principale était la Roumanie. En effet,  comme le fait valoir pertinemment la Commission, la situation du requérant doit être appréciée sur la base du statut ainsi interprété par la jurisprudence de l’Union.

67      Au regard de tout ce qui précède, il convient de constater que, tout en ayant enregistré une entreprise en Roumanie, le requérant a signé, en tant que personne physique, deux contrats avec des sociétés ayant leur siège à Bruxelles en vertu desquelles il était tenu de travailler en Belgique. Il a indiqué dans l’un de ces contrats que son adresse de résidence se situait dans une commune en Belgique et n’a pas indiqué l’adresse de son entreprise enregistrée en Roumanie. En outre, il a soutenu avoir travaillé en Espagne, au cours de la même période que celle au cours de laquelle il était tenu de travailler à Bruxelles, en vertu de la convention de collaboration signée avec la première société belge, les déplacements étant contractuellement limités à quelques jours seulement. De plus, s’agissant des activités effectuées en qualité de personnel intra-muros de la Commission, ainsi que cela a été indiqué aux points 60 et 61 ci‑dessus, il doit être considéré que l’activité professionnelle principale du requérant a été exercée en Belgique.

68      Ainsi, le requérant n’a pas établi, soit par un élément de preuve irréfutable, soit par un ensemble d’éléments constituant un faisceau d’indices conformes non équivoques et non contradictoires que, pendant la période de référence il a exercé son activité professionnelle principale en dehors de l’État où se situe le lieu de son affectation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 29 septembre 2005, Thommes/Commission, T‑195/03, EU:T:2005:344, point 70 et jurisprudence citée).

69      Il ressort de ce qui précède que, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN n’a pas enfreint l’article 4, paragraphe 1), sous a), de l’annexe VII du statut lorsqu’elle a estimé que, du début du mois d’octobre 2010 à la fin du mois de septembre 2015, le requérant avait exercé son activité professionnelle principale en Belgique et qu’il ne satisfaisait donc pas à l’un des critères visés à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, pour se voir accorder le bénéfice de l’indemnité de dépaysement.

 Sur la résidence habituelle

70      S’agissant du lieu où le requérant a habité de façon habituelle pendant la période de référence, ce dernier fait valoir que les éléments rappelés au point 22 ci-dessus démontrent qu’il a maintenu des liens durables avec la Roumanie où il a établi sa résidence habituelle et qu’il n’a jamais eu l’intention de déplacer cette résidence en Belgique. Il précise notamment que l’inscription aux registres de différentes communes en Belgique est un élément purement formel qui ne permet pas d’établir sa résidence effective en Belgique et que, en revanche,  l’enregistrement d’une entreprise et l’achat d’un bien immobilier en Roumanie montrent clairement son intention d’établir des liens durables avec cet État plutôt qu’avec la Belgique. Au demeurant, le requérant souligne qu’il n’a enregistré aucune entreprise individuelle en Belgique et que la déclaration Limosa qu’il a signée en 2011 confirme qu’il percevait son travail et sa présence dans cet État comme étant temporaires. De surcroît, le requérant observe qu’il résulte de la décision du Conseil du 20 novembre 2015 que, lors de son recrutement, ce dernier a estimé que la Roumanie était non seulement son lieu d’origine, mais également le centre de ses intérêts, au motif qu’il avait ses liens familiaux ainsi que des intérêts transmissibles sous la forme d’une propriété immobilière dans cet État. Enfin, selon le requérant, puisque son épouse est une fonctionnaire de la Commission disposant d’une carte d’identité spéciale limitée à la durée de ses fonctions au sein de la Commission, les droits de son épouse lui sont transférables depuis septembre 2011 et, ainsi, l’adresse commune en Belgique doit être considérée comme temporaire.

71      La Commission conteste les arguments du requérant et estime qu’il ressort des documents transmis par le requérant que ce dernier a habité de façon ininterrompue en Belgique pendant toute la période de référence.

72      En l’espèce, premièrement, ainsi qu’il est indiqué dans la décision de rejet de la réclamation, il ressort des certificats de résidence officiels avec historique d’adresses, délivrés par l’autorité communale de Zaventem (Belgique), que le requérant a maintenu une résidence ininterrompue en Belgique du 11 février 2009 au 13 octobre 2015, soit pendant une période de six ans et huit mois. D’après ces certificats, le requérant a été inscrit à Bruxelles à partir du 11 février 2009, puis à la commune de Woluwe‑Saint‑Lambert (Belgique) à partir du 29 septembre 2009 et, enfin, à la commune de Zaventem à partir du 12 février 2013. Au demeurant, l’inscription du requérant à Zaventem est corroborée par l’accord de partenariat conclu par ce dernier avec la seconde société belge, dans lequel la commune de Zaventem est indiquée comme adresse du requérant (voir point 56 ci-dessus). Conformément à la jurisprudence mentionnée au point 39 ci-dessus, la circonstance que le requérant a habité en Belgique pendant un temps étendu avant la période de référence représente un élément de fait qui peut être pris en considération avec les autres faits pertinents.

73      Deuxièmement, ainsi que le précise la décision de rejet de la réclamation et comme le souligne à juste titre la Commission, le certificat du 14 juillet 2015, délivré par l’autorité communale de Zaventem, indique que le requérant possédait un titre de séjour belge expirant le 22 février 2015. Dans la mesure où ce titre de séjour avait une durée maximale de cinq ans à compter de la date de sa délivrance, ledit titre avait été délivré au requérant en février 2010. Le requérant ne saurait donc soutenir que le Tribunal devrait, d’une part, lui reconnaître les droits que sa femme tire de sa carte d’identité spéciale depuis septembre 2011, du simple fait qu’il a épousé une fonctionnaire de l’Union et, d’autre part, négliger qu’il a lui-même demandé et obtenu un titre de séjour d’une durée de cinq ans expirant en février 2015.

74      Troisièmement, il est constant que, depuis le 3 septembre 2011, le requérant est marié avec une ressortissante roumaine qui travaille comme fonctionnaire à la Commission à Bruxelles depuis 2008. À ce propos, la décision de rejet de la réclamation précise que, depuis le 12 février 2013, le requérant habite avec son épouse à la même adresse à Zaventem. Or, le requérant ne saurait soutenir que la circonstance que son épouse travaille au sein de la Commission permet de démontrer que sa résidence à Bruxelles avec elle est temporaire. En effet, il ne ressort pas de la jurisprudence que le lien direct qu’une fonctionnaire établit avec une institution doit également être reconnu à son époux. Au contraire, l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut doit faire l’objet d’une interprétation stricte, ainsi qu’il a été rappelé au point 42 ci-dessus, au motif qu’il établit une exception aux conditions d’octroi de l’indemnité de dépaysement. Une telle interprétation s’impose davantage dès lors qu’il s’agit d’une disposition régissant l’octroi d’un avantage financier (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2005, Olesen/Commission, T‑190/03, EU:T:2005:264, points 47 et 48 et jurisprudence citée). Au demeurant, il importe de noter qu’il ressort des éléments du dossier que le requérant a habité en Belgique avant de se marier et y a exercé ses propres activités professionnelles. Ainsi, la circonstance qu’il a emménagé avec sa femme ne permet pas de qualifier de temporaire sa résidence en Belgique.

75      Quatrièmement, ainsi que cela a été examiné aux points 54 à 58 ci‑dessus, les contrats signés par le requérant lui demandaient d’être physiquement présent à Bruxelles et ainsi d’y résider habituellement. Il en va de même s’agissant du travail que le requérant a effectué pour la Commission du 7 juillet 2014 au 12 janvier 2015, en tant que personnel intra-muros d’un prestataire de service externe, puisque, depuis le 12 février 2013, le requérant habitait avec son épouse à la même adresse à Zaventem (voir point 74 ci-dessus).

76      Certes, il ressort de la jurisprudence mentionnée par le requérant (voir point 30 ci‑dessus) que l’inscription dans une commune en Belgique est un élément purement formel qui ne permet pas à lui seul d’établir la résidence effective de l’intéressé. Cependant, en l’espèce, la conclusion selon laquelle le requérant avait sa résidence habituelle en Belgique n’est pas uniquement fondée sur les certificats d’inscription mentionnés au point 72 ci-dessus. Ladite conclusion découle de plusieurs éléments de preuve, tels que les contrats signés par le requérant avec des sociétés ayant leur siège à Bruxelles, la cohabitation avec sa femme en Belgique, la naissance de son enfant dans ce même État et la demande d’un titre de séjour d’une durée de cinq ans dans ledit État (voir point 73 ci-dessus).

77      C’est donc à juste titre que le PMO a considéré que, pendant la période de référence, le requérant habitait en Belgique et que son intention était de conférer à ce fait la continuité résultant d’une habitude de vie et de déroulement de rapports sociaux.

78      S’agissant des éléments produits par le requérant pour démontrer que le PMO aurait dû reconnaître qu’il avait sa résidence habituelle en Roumanie, il convient d’observer ce qui suit.

79      Pour démontrer sa résidence habituelle pendant la période de référence, le requérant a produit :

–        un certificat d’enregistrement d’une entreprise individuelle auprès de l’office national du registre du commerce ;

–        une déclaration Limosa pour la période allant du 1er octobre 2012 au 1er octobre 2013 ;

–        un contrat d’acquisition d’un bien immobilier en Roumanie le 27 janvier 2012 ;

–        des factures mensuelles allant de 2010 à 2015 pour différents services (gaz, électricité, télévision) établies à son nom pour un appartement à Bucarest ;

–        la décision du 20 novembre 2015 de son ancien employeur, le Conseil, fixant le centre de ses intérêts à Suceava.

80      À cet égard, tout d’abord, il importe de noter que c’est sans commettre d’erreurs d’appréciation que l’AIPN a estimé, dans la décision de rejet de la réclamation, que ces documents n’étaient pas incompatibles avec la fixation de la résidence habituelle du requérant à Bruxelles.

81      En effet, l’enregistrement d’une entreprise en Roumanie ne suffit pas pour démontrer que le requérant avait sa résidence habituelle en Roumanie pendant la période de référence, les autorités publiques ne vérifiant pas nécessairement la résidence effective du destinataire du certificat attestant un tel enregistrement.

82      En outre, le fait que le requérant disposait d’un appartement dans son pays d’origine ne saurait suffire pour démontrer qu’il y habitait ou avait l’intention de s’établir dans ce pays. Au contraire, il convient de souligner qu’il est fréquent que des fonctionnaires de l’Union disposent d’une résidence secondaire dans leur État membre d’origine. Au demeurant, il importe de noter que, comme il est indiqué dans la décision de rejet de la réclamation, les factures émanant des entreprises fournissant les services d’électricité, de gaz et de télévision, relatives à un appartement du requérant en Roumanie, ne suffisent pas, dans les circonstances particulières de l’espèce, pour exclure que le requérant ait fixé sa résidence habituelle en Belgique où il travaillait depuis plusieurs années et où sa femme et son enfant habitaient avec lui. Au demeurant, la décision de rejet de la réclamation précise à juste titre que le requérant n’a pas apporté la preuve de voyages fréquents entre la Belgique et la Roumanie.

83      De surcroît, à l’instar de ce qui a été indiqué au point 65 ci-dessus s’agissant de l’activité professionnelle principale du requérant, la signature de la déclaration Limosa ne constitue pas un élément suffisant pour démontrer l’intention du requérant de considérer comme temporaire sa résidence en Belgique. En effet, d’une part, cette déclaration porte sur une période limitée qui coïncide avec l’engagement pris, en vertu de la signature de la convention de collaboration avec la première société belge, de travailler à Bruxelles. D’autre part, il existe plusieurs éléments qui démontrent que le requérant a fixé et maintenu sa résidence habituelle à Bruxelles pendant toute la période de référence. Il s’agit notamment du fait qu’il n’a pas cessé de travailler en Belgique depuis 2009, qu’il a ses liens familiaux les plus proches, à savoir sa femme et son enfant, en Belgique et qu’il ne résulte pas des éléments produits par le requérant qu’il a effectué des déplacements fréquents entre la Roumanie et la Belgique.

84      Enfin, comme le précise pertinemment la décision de rejet de la réclamation, le requérant ne saurait soutenir que, puisque le Conseil, son ancien employeur, avait reconnu, par décision du 20 novembre 2015, que son lieu d’origine, au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, était la Roumanie, en considérant que le requérant y avait maintenu des liens familiaux et des attaches patrimoniales constituées par des biens immobiliers, cela impliquerait également que le requérant y avait établi sa résidence habituelle.

85      En effet, le lieu d’origine d’un fonctionnaire est déterminé, lors de son entrée en fonction, compte tenu du lieu de son recrutement ou du centre de ses intérêts. Il ressort de la jurisprudence que la notion de lieu d’origine est un terme technique ayant pour fonction d’indiquer le lieu qui doit être pris en considération pour le paiement forfaitaire des frais de voyage du fonctionnaire du lieu d’affectation au lieu d’origine, pour le remboursement des frais de voyage de son conjoint et des personnes à sa charge de son lieu d’affectation à son lieu d’origine à l’occasion de la cessation définitive des fonctions, pour la durée du délai de route qui s’ajoute à celle du congé annuel et, en cas de décès d’un fonctionnaire, pour la prise en charge des frais nécessités par le transport du corps jusqu’au lieu d’origine par l’institution. Cette notion du lieu d’origine est différente de celle du lieu où habitait de façon constante le fonctionnaire avant son entrée en service et où il exerçait son activité antérieure. Il s’ensuit qu’une distinction nette est à faire entre le lieu de résidence habituelle lors du recrutement et le centre des intérêts du fonctionnaire pris en compte pour établir le lieu d’origine de ce dernier. Cette dernière notion repose sur le principe général du droit de la fonction publique selon lequel le fonctionnaire doit avoir la possibilité de garder ses relations personnelles avec le lieu où résident ses intérêts principaux malgré son entrée en fonctions et la distance entre le lieu d’affectation et ce lieu (arrêt du 2 mai 1985, De Angelis/Commission, 144/84, EU:C:1985:171, point 13).

86      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient le requérant, le centre de ses intérêts, pris en compte pour la détermination de lieu d’origine afin de fixer certains droits pécuniaires du fonctionnaire, ne doit pas être confondu avec le lieu où celui-ci habitait de façon constante et exerçait son activité professionnelle antérieurement à son recrutement (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2008, Speiser/Parlement, T‑390/07 P, EU:T:2008:480, point 38 et jurisprudence citée).

87      Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que c’est sans violer l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut ni commettre d’erreurs d’appréciation que le PMO a décidé de ne pas accorder au requérant le bénéfice de l’indemnité de dépaysement en considérant que les éléments indiquant que sa résidence habituelle était en Belgique pendant toute la période de référence l’emportaient sur ceux permettant de conclure le contraire.

88      En tout état de cause, à supposer même que le requérant ait voulu conserver sa résidence habituelle en Roumanie pendant la période de référence, il n’en reste pas moins qu’il a exercé son activité professionnelle principale en Belgique pendant l’intégralité de cette période. Conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 40 et 41 ci-dessus, cette seule constatation suffit pour considérer que le requérant n’a pas droit à l’indemnité de dépaysement.

89      Il y a donc lieu de rejeter le moyen unique comme non fondé ainsi que le recours dans son intégralité, y compris, par voie de conséquence, le second chef de conclusions.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.


Par ces motifs,



LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté

2)      UI est condamné aux dépens.

Gervasoni

Madise

Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 novembre 2020.

 

Signatures      

 


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure

Conclusions des parties

En droit

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission

Sur le fond

Sur la période de référence

Sur l’activité professionnelle principale

Sur la résidence habituelle

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.