Language of document : ECLI:EU:F:2008:23

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

21 février 2008


Affaire F-31/07


Françoise Putterie-De-Beukelaer

contre

Commission des Communautés européennes

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Procédure d’évaluation – Procédure d’attestation – Évaluation du potentiel – Violation du champ d’application de la loi – Relevé d’office »

Objet : Recours, introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA, par lequel Mme Putterie-De‑Beukelaer demande l’annulation de son rapport d’évolution de carrière de l’année 2005 en tant que, dans sa rubrique 6.5 « Potentiel », établie en vue de la procédure d’attestation, ledit rapport ne reconnaît pas son potentiel pour exercer des fonctions relevant de la catégorie B*.

Décision : Le rapport d’évolution de carrière de la requérante portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2005 est annulé en tant qu’il ne reconnaît pas le potentiel de la requérante à exercer des fonctions relevant de la catégorie B*. La Commission supporte l’ensemble des dépens.


Sommaire


1.      Fonctionnaires – Recours – Réclamation administrative préalable – Notion

(Statut des fonctionnaires, art. 90, § 1 et 2)

2.      Fonctionnaires – Recours – Moyen tiré de la méconnaissance du champ d’application de la loi – Constatation d’office – Conditions

(Règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, art. 77)

3.      Fonctionnaires – Procédure d’attestation – Modalités de mise en œuvre au sein de la Commission – Compétence pour se prononcer sur les candidatures – Distinction d’avec la procédure d’évaluation – Critères d’admission

(Statut des fonctionnaires, art. 43 ; annexe XIII, art. 10, § 3)


1.      La qualification juridique d’une lettre ou d’une note relève de la seule appréciation du Tribunal et non de la volonté des parties. Doit être regardée comme une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut la lettre par laquelle un fonctionnaire invite l’administration à prendre certains actes, lorsque ladite lettre, quand bien même elle eût pu être interprétée comme une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut a été explicitement interprétée par l’autorité investie du pouvoir de nomination comme une réclamation et que l’intéressé pouvait ainsi légitimement croire qu’il avait satisfait aux exigences de la procédure précontentieuse prévue par les articles 90 et 91 du statut et qu’il lui était permis d’introduire directement un recours devant le Tribunal.

En effet, dans l’hypothèse où une institution a adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’une personne normalement avertie, l’administration ne saurait se prévaloir de sa propre méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime qui a été à l’origine de l’erreur commise par le justiciable.

(voir points 34, 35 et 38 à 40)

Référence à :

Tribunal de première instance : 29 mai 1991, Bayer/Commission, T‑12/90, Rec. p. II‑219, point 29 ; 15 juillet 1993, Hogan/Parlement, T‑115/92, Rec. p. II‑895, point 36


2.      Le juge communautaire a la faculté et, le cas échéant, l’obligation de relever d’office certains moyens de légalité interne. Il en va ainsi d’un moyen d’ordre public tiré de la méconnaissance par une décision du champ d’application de la loi. En effet, le Tribunal méconnaîtrait son office de juge de la légalité s’il s’abstenait de relever, même en l’absence de contestation des parties sur ce point, que la décision contestée devant lui a été prise sur la base d’une norme insusceptible de trouver à s’appliquer au cas d’espèce et si, par suite, il était conduit à statuer sur le litige dont il est saisi en faisant lui‑même application d’une telle norme.

À cet égard, l’argument tiré de ce que le relevé d’office d’un moyen de légalité interne risquerait de porter atteinte au caractère contradictoire du débat contentieux et au principe du respect des droits de la défense ne peut être accueilli. En effet, l’article 77 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique prévoit que le Tribunal peut relever d’office une fin de non‑recevoir d’ordre public, à condition d’avoir préalablement entendu les parties. Or, il n’y a aucune raison de penser que, si cette condition représente une garantie suffisante des principes du contradictoire et du respect des droits de la défense dans l’hypothèse du relevé d’office d’une fin de non‑recevoir d’un moyen d’ordre public, il n’en va pas de même dans l’hypothèse du relevé d’un moyen d’ordre public, qu’il soit d’ailleurs de légalité interne ou de légalité externe. Il faut donc considérer qu’en communiquant aux parties le moyen d’ordre public qu’il envisage de soulever d’office, en recueillant les observations écrites des parties sur son intention et en les mettant à même d’en débattre devant lui lors de l’audience, le Tribunal satisfait aux exigences des principes du contradictoire et du respect des droits de la défense.

(voir points 50, 51, 57 et 60)

Référence à :

Cour : 21 novembre 2002, Cofidis, C‑473/00, Rec. p. I‑10875, points 36 et 38 ; 1er juin 2006, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Floral de Vizcaya/Commission, C‑442/03 P et C‑471/03 P, Rec. p. I‑4845, point 45 ; 26 octobre 2006, Mostaza Claro, C‑168/05, Rec. p. I‑10421, point 39

Tribunal de première instance : 15 juillet 1994, Browet e.a./Commission, T‑576/93 à T‑582/93, Rec. p. II‑677, point 35


3.      L’article 43, paragraphe 1, du statut prévoit l’établissement, pour chaque fonctionnaire, dans les conditions fixées par chaque institution, d’un rapport périodique portant sur sa compétence, son rendement et sa conduite dans le service. En ce qui concerne le fonctionnaire du groupe AST, à partir du grade 4, le rapport le concernant peut également, en vertu de l’article 43, paragraphe 2, du statut, contenir un avis indiquant, sur la base des prestations fournies, si l’intéressé dispose du potentiel requis pour assumer des fonctions d’administrateur.

L’article 10 de l’annexe XIII du statut constitue, en revanche, une disposition transitoire. Il prévoit le déroulement de carrière des fonctionnaires des anciennes catégories C et D dans le groupe de fonctions des assistants auquel ils sont affectés à compter du 1er mai 2006. L’attestation est accordée en fonction de l’ancienneté, de l’expérience, du mérite et du niveau de formation des fonctionnaires et selon une procédure dont les modalités, arrêtées par les institutions, comportent notamment un examen des candidatures par un comité paritaire d’attestation. En application de l’article 10, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, la Commission a, par décision du 7 avril 2004, arrêté les modalités de mise en œuvre de la procédure d’attestation pour son personnel.

Les procédures d’évaluation et d’attestation, respectivement définies par les dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut adoptées par la Commission et la décision du 7 avril 2004, sont distinctes et reposent sur des modalités entièrement différentes.

À cet égard, si le validateur est compétent pour adopter le rapport d’évolution de carrière, sous réserve que le rapport ne soit pas modifié par l’évaluateur d’appel, c’est à l’autorité investie du pouvoir de nomination qu’il incombe de se prononcer, à chaque étape de la procédure d’attestation, sur les candidatures à l’attestation. Il revient, en particulier, à ladite autorité, donc à une autorité autre que le validateur de la procédure d’évaluation, d’apprécier, sur la base des rapports d’évolution de carrière disponibles, l’expérience et le mérite des candidats à l’attestation. Seule l’autorité investie du pouvoir de nomination est d’ailleurs à même d’harmoniser les conditions d’appréciation de ces critères par les différents services de la Commission, la vision du validateur ou de l’évaluateur d’appel ayant tendance à rester circonscrite aux services placés sous leur responsabilité.

Lorsque, dans le cadre de l’établissement du rapport d’évolution de carrière d’un fonctionnaire de la Commission des anciennes catégories C et D, l’administration refuse que l’intéressé soit admis à la procédure d’attestation prévue à l’article 10, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, au motif qu’il n’a pas démontré, au titre de l’exercice d’évaluation, qu’il disposait du « potentiel » requis pour obtenir l’attestation, la décision de refus d’admission n’est pas prise, comme elle devrait l’être, eu égard à son objet, sur le fondement des dispositions dudit article 10, paragraphe 3, de l’annexe XIII, applicables à la procédure d’attestation, mais sur la base des dispositions de l’article 43 du statut, applicables à la procédure d’évaluation. Ce faisant, l’administration méconnaît le champ d’application dudit article 43, distinct de celui de l’article 10, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, ainsi que l’indépendance des procédures de notation et d’attestation, et l’intéressé est, dès lors, fondé à demander l’annulation de son rapport d’évolution de carrière en ce qu’il se prononce sur son potentiel au regard des fonctions d’assistant.

Par ailleurs, ni l’article 10, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut ni la décision du 7 avril 2004 ne prévoient que le bénéfice de l’attestation, permettant d’accéder sans restriction au groupe de fonctions des assistants, soit accordé sur la base d’autres critères que l’ancienneté, l’expérience, le mérite et le niveau de formation. L’admissibilité d’un fonctionnaire à l’attestation, deuxième étape de la procédure, n’est même subordonnée, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la décision du 7 avril 2004, qu’à la satisfaction de deux conditions, à savoir le niveau de formation et l’ancienneté, et non à une condition de potentiel.

(voir points 64 à 66, 76, 80, 82, 87, 88 et 91)