Language of document : ECLI:EU:T:2003:190

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

8 juillet 2003(1)

«Fonctionnaire - Pension - Coefficient correcteur applicable - Preuve de la résidence - Retrait d'acte - Incidence sur la charge de la preuve»

Dans l'affaire T-65/02,

Mme Michelle Chetaud, ancienne fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Nice (France), représentée par Me L. Mosar, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. J. de Wachter et par Mme G. Knudsen, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation, d'une part, de la décision du Parlement du 27 juin 2001 refusant de reconnaître Nice comme lieu de résidence de la requérante et d'appliquer à la pension de celle-ci le coefficient correcteur pour la France, à partir du 1er janvier 2000 et, d'autre part, de la décision du Parlement du 6 décembre 2001 portant rejet explicite de la réclamation de la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique),

composé de M. A. W. H. Meij, juge,

greffier: M. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 7 mai 2003,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    L'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires des communautés européennes (ci-après le «statut») prévoit que les pensions régies par le chapitre 3 dudit statut sont affectées du coefficient correcteur fixé pour le pays, situé à l'intérieur des Communautés, où le titulaire de la pension justifie avoir sa résidence.

2.
    Le règlement (CE, CECA, Euratom) n.2700/1999 du Conseil, du 17 décembre 1999, adaptant, à compter du 1er juillet 1999, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectés ces rémunérations et pensions (JO L 327, p.1), fixe le coefficient correcteur pour la France à 118,8. Le règlement (CE, CECA, Euratom) n.2804/2000 du Conseil, du 18 décembre 2000, adaptant, à compter du 1er juillet 2000, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectés ces rémunérations et pensions (JO L 326, p.3), fixe le coefficient correcteur pour la France à 117,6.

Faits à l'origine du litige

3.
    La requérante, ancienne fonctionnaire du Parlement européen, a été admise au bénéficie d'une pension d'invalidité le 1er janvier 2000.

4.
    Lors de la fixation de ses droits à la pension d'invalidité dont l'avis est daté du 16 février 2000, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») a affecté la pension de la requérante du coefficient correcteur applicable pour le Luxembourg tout en précisant que ce coefficient correcteur serait remplacé par celui applicable aux personnes ayant établi leur résidence en France, après la présentation d'un certificat de résidence adéquat.

5.
    La requérante a transmis à l'AIPN une attestation de domicile, établie le 1er février 2000, par laquelle elle déclare, sur l'honneur, être domiciliée à Nice depuis le 1er janvier 2000, une lettre d'un notaire datée du 13 novembre 1998 confirmant l'acquisition par la requérante et son époux de divers biens dans un immeuble situé à Nice, une attestation de changement de domicile datée du 5 juillet 2000 émanant de la Commune de Mamer selon laquelle la requérante a changé sa résidence de Mamer à Nice à la même date et des factures relatives aux consommations d'électricité et de services de télécommunications à Nice.

6.
    Sur la base des pièces justificatives fournies par la requérante, l'AIPN a, par un premier avis de modification de l'avis de fixation des droits de la requérante, daté du 9 octobre 2000 (ci-après la «décision du 9 octobre 2000»), affecté la pension d'invalidité du coefficient correcteur applicable pour la France avec effet au 1er janvier 2000.

7.
    Entre le 25 octobre 2000 et le 3 novembre 2000, la requérante a procédé au déménagement de meubles de Mamer à Nice, pour un volume de 53 m3.

8.
    A la suite du contrôle annuel effectué par le service pension du Parlement, la requérante a envoyé à ce service une déclaration, datée du 26 novembre 2000, à laquelle était annexée une copie de l'attestation de domicile établie le 1er février 2000.

9.
    Par lettre du 7 décembre 2000, adressée à la requérante, le service pension du Parlement a demandé des copies des dernières factures pour les consommations de gaz, d'électricité et de télécommunications. Par courrier du 23 décembre 2000, la requérante a fait parvenir audit service des copies des factures demandées.

10.
    Le 18 avril 2001, l'AIPN a adressé une lettre à la requérante dans laquelle elle émettait des doutes quant à la réalité de la résidence de celle-ci à Nice, à partir du 1er janvier 2000, et par laquelle elle l'invitait à produire des pièces complémentaires.

11.
    Par courrier du 13 mai 2001, la requérante a transmis à l'AIPN une copie de l'attestation de changement de domicile du 5 juillet 2000, une attestation de domicile établie le 10 mai 2001 par laquelle la requérante déclare sur l'honneur être domiciliée à Nice depuis le 1er janvier 2000 et des copies des factures relatives aux consommations de services de télécommunications et d'électricité, pour l'appartement de Nice.

12.
    Par lettre du 27 juin 2001, à laquelle était jointe un deuxième avis de modification de l'avis de fixation des droits à pension, l'AIPN a notifié à la requérante sa décision d'affecter ladite pension du coefficient correcteur applicable pour le Luxembourg pour la période du 1er janvier 2000 au 31 mai 2001 et de suspendre, à partir du 1er juin 2001, l'application de tout coefficient correcteur en attendant que soient communiqués les documents démontrant sans ambiguïté que le centre d'intérêts de la requérante se situait effectivement à Nice (ci-après, la «décision attaquée»).

13.
    Par courrier du 13 juillet 2001, la requérante a réaffirmé avoir établi sa résidence à Nice depuis le 1er janvier 2000. A ce courrier était annexé un certificat de résidence, daté du 10 juillet 2001, par lequel le fonctionnaire délégué de la commune de Nice déclarait «[la requérante] réside à Nice, [.] comme le laissent apparaître les différentes pièces qu'elle nous a présentées (quittances EDF, France Télécom, Assurance habitation, etc.), depuis le 1er janvier 2000».

14.
    Par courrier du 14 août 2001, l'AIPN a confirmé la décision attaquée. Elle a également invité la requérante à fournir des preuves de la réalité de sa résidence à Nice et a indiqué quels types de documents pourraient être utilement fournis à cette fin.

15.
    Par lettre du 5 octobre 2001, la requérante a introduit une réclamation contre la décision attaquée. Cette réclamation a fait l'objet d'une décision explicite de rejet du 6 décembre 2001.

Procédure

16.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mars 2002, la requérante a introduit le présent recours.

17.
    Par acte séparé, enregistré au greffe du Tribunal le 17 avril 2002, le Parlement a, en vertu de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, soulevé une exception d'irrecevabilité à l'égard du recours, motif pris du non respect du délai prescrit par l'article 90, paragraphe 2, du statut.

18.
    Par ordonnance du Tribunal du 8 décembre 2002, l'exception a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

19.
    Conformément aux dispositions des articles 14, paragraphe 2, et 51, paragraphe 2, du règlement de procédure, la deuxième chambre a attribué l'affaire à M. le juge rapporteur A. W. H. Meij, siégeant en qualité de juge unique.

20.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (juge unique) a décidé d'ouvrir la procédure orale et a convoqué les parties à une réunion informelle qui s'est tenue le 7 mai 2003 devant le juge unique.

21.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 7 mai 2003. Lors de cette audience, elles ont fait part au Tribunal de leur souci d'essayer de résoudre le litige à l'amiable. Le Tribunal a indiqué aux parties qu'un arrêt serait prononcé ultérieurement, à moins que, dans un délai de trois semaines à compter de la clôture de la procédure orale, les parties ne l'informent de l'éventuelle conclusion d'un accord à l'amiable qui rendrait superflu le prononcé d'un arrêt. La procédure orale a été clôturée le 7 mai 2003.

22.
    Par lettre du 16 mai 2003, le Parlement a informé le Tribunal qu'il se trouvait dans l'impossibilité de proposer un accord à l'amiable à la requérante.

Conclusions des parties

23.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours recevable;

-    annuler la décision attaquée en ce qu'elle porte refus d'affecter sa pension du coefficient correcteur applicable pour la France à partir du 1er janvier 2000;

-    annuler la décision de rejet de la réclamation;

-    réserver à la requérante le droit de formuler toute offre de preuve au cours de la procédure à intervenir;

-    condamner le Parlement aux dépens;

24.
    Le Parlement conclut, en substance, à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours irrecevable;

-    déclarer irrecevable la demande de la requérante de lui réserver le droit de formuler toute offre de preuve au cours de la procédure;

-    déclarer le recours sans objet pour ce qui est de la période postérieure au 1er janvier 2001;

-    rejeter le recours pour le reste;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

Sur l'objet du litige

25.
    Sur la base des documents fournis par la requérante dans le cadre du recours devant le Tribunal, l'AIPN, estimant que la requérante avait démontré avoir établi sa résidence à Nice depuis le 1er janvier 2001, a adopté, le 2 avril 2002, un troisième avis de modification de l'avis de fixation des droits à pension de la requérante, affectant la pension de celle-ci du coefficient correcteur applicable pour la France, à compter du 1er janvier 2001.

26.
    En réponse à une question écrite du Tribunal, la requérante a indiqué dans ses écritures que, en dépit de la décision du 2 avril 2002, elle maintenait son recours dans la mesure où il avait pour objet une demande d'annulation de la décision attaquée portant refus d'affecter sa pension du coefficient applicable pour la France, à partir du 1er janvier 2000.

27.
    Dans ces circonstances, il convient de considérer que l'objet du litige consiste en une demande d'annulation de la décision attaquée, en ce qu'elle porte refus d'affecter la pension de la requérante du coefficient correcteur applicable pour la France, pour l'ensemble de l'année 2000.

28.
    Par ailleurs, dans son mémoire en défense, le Parlement a déclaré se désister de sa conclusion visant l'irrecevabilité du recours.

Sur le fond

Arguments des parties

29.
    La requérante soutient, en substance, que, en refusant d'appliquer le coefficient correcteur pour la France à sa pension d'invalidité au 1er janvier 2000, l'AIPN a violé l'article 82 du statut qui prévoit que les pensions sont affectées du coefficient correcteur fixé pour le pays où le titulaire de la pension justifie avoir sa résidence.

30.
    A cet égard, elle soutient, en substance, que pour apprécier le lieu de sa résidence, l'AIPN doit se baser sur des éléments objectifs, tel un certificat de résidence. Selon elle, il se déduirait des termes de l'avis de fixation des droits à pension qu'un certificat de résidence suffit à établir le lieu de la résidence. Or, elle aurait transmis à l'AIPN, non seulement un certificat de résidence, mais également d'autres documents tels que l'acte notarié d'achat d'un appartement, un avis de changement de domicile, diverses factures de consommations et une facture de déménagement.

31.
    Elle soutient, par ailleurs, que le fait de rendre occasionnellement visite à son mari qui, durant l'année 2000, habitait au Luxembourg, ou de consulter des médecins spécialistes au Luxembourg, n'est pas de nature à remettre en cause l'effectivité de sa résidence à Nice.

32.
    Elle indique également qu'elle est en mesure de verser d'autres pièces au dossier, notamment des extraits bancaires, prouvant qu'elle réside effectivement à Nice.

33.
    Le Parlement rappelle, tout d'abord, que la notion de résidence telle qu'elle figure à l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut se réfère au lieu où l'ancien fonctionnaire a effectivement établi le centre de ses intérêts (arrêt de la Cour du 14 juillet 1988, Schäflein/Commission, 284/87, Rec. p. 4475, point 9). Par ailleurs, le Tribunal aurait précisé que cette notion désigne le lieu où le fonctionnaire est censé exposer ses dépenses (arrêts du Tribunal du 7 juillet 1998, Mongelli e.a./Commission, T-238/95, T-239/95, T-240/95, T-241/95 et T-242/95, RecFP p. I-A-319 et II-925, point 42 et du 7 juillet 1998, Telchini e.a./Commission, T-116/96, T-212/96 et T-215/96, RecFP p. I-A-327 et II-947, point 102).

34.
    Il fait valoir, également, qu'il appartient au titulaire de la pension de justifier où se trouve sa résidence et qu'il peut établir le lieu de celle-ci par toute voie de droit (arrêt Schäflein/Commission, précité, point 10 et arrêt du Tribunal du 28 septembre 1993, Yorck von Wartenburg/Parlement, T-57/92 et T-75/92, Rec. p. II-925, point 66).

35.
    Par ailleurs, la jurisprudence aurait également précisé que le certificat de résidence est, en principe, une preuve suffisante de la réinstallation du fonctionnaire, à moins que l'AIPN n'avance des éléments de nature à mettre en doute sa valeur probante, auquel cas il appartient au fonctionnaire d'apporter des éléments supplémentaires afin de prouver que son changement de résidence a réellement été effectué (arrêt Yorck von Wartenburg/Parlement, précité, point 66).

36.
    Enfin, selon le Parlement, même si, en principe, un nouveau certificat de résidence et une radiation par la Commune de l'ancienne résidence combinée avec des factures de consommation suffisent pour constater un changement effectif de résidence, ces éléments ne suffisent pas lorsqu'il existe d'autres facteurs probants indiquant que le centre des intérêts personnel de l'ancien fonctionnaire se trouve, en réalité, à un autre endroit (arrêt Schäflein/Commission, précité, point 11).

37.
    Le Parlement relève, ensuite, que les documents fournis par la requérante au Parlement durant la procédure administrative ne démontrent pas une résidence effective à Nice à partir du 1er janvier 2000.

38.
    Le Parlement fait valoir, par ailleurs, que de nombreux éléments du dossier, tels que mentionnés dans la lettre de l'AIPN, datée du 18 avril 2001, permettent de douter que la résidence de la requérante est établie à Nice.

39.
    Enfin, il soutient, en substance, que les documents joints aux écritures de la requérante, dont il n'a pas eu connaissance lors de la phase précontentieuse, ne sauraient être invoqués dans le cadre du recours devant le Tribunal. Pour le cas où le Tribunal admettrait ces documents, le Parlement soutient qu'ils établissent le bien fondé de sa décision de ne pas appliquer le coefficient correcteur pour la France à la pension d'invalidité de la requérante pour l'année 2000. En effet, ces documents ne permettraient pas de conclure de façon incontestable que la requérante avait déjà fixé sa résidence à Nice à partir du 1er janvier 2000.

Appréciation du Tribunal

Observations préliminaires

40.
    Avant d'examiner les arguments invoqués par les parties dans leurs écritures, il convient de préciser le cadre dans lequel doit être appréciée la légalité de la décision attaquée. Les parties se sont exprimées sur ce point à l'audience et ont indiqué que la légalité de la décision attaquée devait être appréciée à la lumière des conditions de validité du retrait de la décision du 9 octobre 2000. Le Parlement a notamment précisé, à l'audience, qu'il était de pratique administrative courante pour cette institution de procéder au retrait de décisions affectant la pension d'un ancien fonctionnaire d'un coefficient correcteur déterminé, lorsque, à la suite de contrôles, il apparaissait que la résidence effective de cet ancien fonctionnaire ne permettait pas l'octroi du coefficient correcteur initialement retenu.

41.
    En l'espèce, la décision attaquée procède au retrait, avec effet rétroactif, d'une décision ayant conféré à la requérante un avantage. En effet, jusqu'à l'adoption de la décision du 9 octobre 2000, la pension de la requérante était affectée du coefficient correcteur applicable pour le Luxembourg, soit un coefficient de 100. Par la décision du 9 octobre 2000, l'AIPN a affecté la pension de la requérante du coefficient applicable pour la France avec effet rétroactif au 1er janvier 2000. Ce coefficient était de 118.8 pour la période du 1er janvier au 30 juin 2000 et de 117.6 à partir du 1er juillet 2000 (voir ci-dessus, point 2). En affectant la pension de la requérante d'un coefficient correcteur supérieur à 100, la décision du 9 octobre 2000 a donc conféré un avantage à la requérante. Cette décision a été retirée avec effet rétroactif par la décision attaquée qui, pour la période du 1er janvier 2000 au 31 mai 2001, affecte la pension de la requérante du coefficient applicable pour le Luxembourg.

42.
    Selon une jurisprudence bien établie, le retrait rétroactif d'un acte légal qui a conféré des droits subjectifs ou des avantages similaires est contraire aux principes généraux du droit (arrêts de la Cour du 12 juillet 1957, Algera e.a./Assemblée commune de la CECA, 7/56 et 3/57 à 7/57, Rec. p. 81, p. 115, et du 22 septembre 1983, Verli-Wallace/Commission, 159/82, Rec. p. 2711, point 8; arrêts du Tribunal du 27 mars 1990, Chomel/Commission, T-123/89, Rec. p. II-131, point 34, et du 5 décembre 2000, Gooch/Commission, T-197/99, RecFP p. I-A-271 et II-1247, point 52).

43.
    Toutefois, il a été itérativement jugé que, lorsqu'un acte est entaché d'une illégalité, l'institution qui l'a adopté a le droit de le retirer dans un délai raisonnable, avec effet rétroactif (arrêts de la Cour du 3 mars 1982, Alpha Steel/Commission, 14/81, Rec. p. 749, point 10; du 26 février 1987, Consorzio Cooperative d'Abruzzo/Commission, 15/85, Rec. p. 1005, point 12; du 20 juin 1991, Cargill/Commission, C-248/89, Rec. p. I-2987, point 20 et arrêt Gooch/Commission, précité point 53).

44.
    Il convient encore de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les actes des institutions communautaires bénéficient d'une présomption de légalité en l'absence de tout indice de nature à mettre en cause cette légalité (arrêts du Tribunal du 19 novembre 1996, Brulant/Parlement, T-272/94, RecFP p. I-A-513 et II-1397, point 35, du 13 juillet 2000, Griesel/Conseil, T-157/99, RecFP p. I-A-151 et II-699, point 25, et Gooch/Commission, précité, point 51).

45.
    Il résulte de ce qui précède que le Parlement n'a pu valablement procéder au retrait, avec effet rétroactif, de la décision du 9 octobre 2000, par la décision attaquée, que dans la mesure où cette institution avance des éléments de nature à mettre en cause la légalité de cette décision du 9 octobre 2000. C'est à la lumière de cette précision qu'il convient d'examiner la légalité de la décision attaquée.

Sur la violation de l'article 82 du statut

46.
    Il résulte des termes de l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, tel qu'interprété par la jurisprudence, qu'il appartient au titulaire de la pension de justifier de sa résidence qui désigne le lieu où se situe le centre de ses intérêts (arrêt Schäflein/Commission, précité, point 9 et 10).

47.
    En l'espèce, il ressort de la décision du 9 octobre 2000 qui affectait la pension de la requérante du coefficient correcteur applicable pour la France, à compter du 1er janvier 2000, que, selon l'AIPN, la requérante avait justifié de sa résidence à Nice à partir de cette même date. Cependant, dans la décision attaquée, l'AIPN a considéré que le centre d'intérêt de la requérante se trouvait à Luxembourg entre le 1er janvier 2000 et le 31 mai 2001. Or, dès lors que la décision attaquée emporte le retrait, pour toute l'année 2000, du coefficient correcteur applicable pour la France, elle ne peut être conforme aux principes généraux du droit, par application du critère rappelé au point 45 ci-dessus, que dans la mesure où le Parlement démontre que la requérante n'avait droit, à aucun moment de l'année 2000, au bénéfice du coefficient correcteur applicable pour la France.

48.
    Le Parlement fait principalement valoir dans ses écritures que la réalité de la résidence à Nice peut être mise en doute. S'il ne saurait être exclu que certains des arguments avancés par le Parlement jettent des doutes sur la réalité de la résidence de la requérante, à Nice, à partir du 1er janvier 2000, ces arguments ne démontrent toutefois pas que cette résidence ne se trouvait établie à Nice, à aucun moment de l'année 2000.

49.
    S'agissant, premièrement de l'argument du Parlement selon lequel, depuis le 1er janvier 2000, la requérante a exposé la quasi-totalité de ses frais médicaux à Luxembourg ou dans la région limitrophe de son ancienne résidence, il suffit de relever que, contrairement à ce que soutient le Parlement, ce fait ne saurait indiquer que la requérante n'a pas établi à Nice le centre de ses intérêts, au cours de l'année 2000. Même après un changement de résidence effectif, le bénéficiaire d'une pension peut éprouver le besoin de maintenir, pour quelques temps encore, des relations de confiance, notamment dans le domaine médical, avec des personnes établies à proximité de son ancienne résidence.

50.
    S'agissant, deuxièmement, de l'argument du Parlement selon lequel, en date du 7 février 2000 et du 13 mars 2000, la requérante a indiqué le numéro de téléphone de son ancien domicile situé à Mamer (Luxembourg) comme numéro où les services du Parlement pouvaient, le cas échéant, la contacter pour des renseignements complémentaires, il suffit de constater que ces éléments factuels ne sont pas de nature à démontrer que la requérante n'a établi le centre de ses intérêts à Nice, à aucun moment de l'année 2000.

51.
    Troisièmement, les faits allégués par le Parlement qui consistent, d'une part, en l'envoi, depuis Mamer, de courriers datés des 26 janvier, 7 février, 5 juillet et 6 octobre 2000 et, d'autre part, en des demandes d'affiliation de la requérante à l'assureur Van Breda et à l'AIACE-section Luxembourg, datées du 7 février 2000 et qui portent également la mention de Mamer, ne démontrent pas davantage que la requérante n'a pas fixé à Nice le centre de ses intérêts, au cours de l'année 2000.

52.
    Quatrièmement, l'argument du Parlement selon lequel l'époux de la requérante a continué à résider au Luxembourg après le 1er janvier 2000 ne saurait, lui non plus, démontrer que la requérante n'a fixé sa résidence à Nice, à aucun moment de l'année 2000.

53.
    Cinquièmement, le fait que les factures d'électricité pour l'appartement de Nice ont été établies au nom de l'époux de la requérante et qu'elles ont été envoyées à l'adresse de Mamer ne démontre guère que la requérante n'avait pas établi à Nice le centre de ses intérêts, au cours de l'année 2000.

54.
    Enfin, la faible consommation de services de télécommunications dont attestent les factures de téléphone ne saurait, elle non plus, démontrer que la résidence de la requérante n'était établie à Nice à aucun moment de l'année 2000.

55.
    Aucun autre élément du dossier ne permet de conclure que la requérante n'a fixé sa résidence à Nice à aucun moment de l'année 2000.

56.
    Le Parlement fait également valoir que les éléments avancés par la requérante dans le cadre de la procédure administrative ne suffisent pas à justifier de sa résidence à Nice à partir du 1er janvier 2000 (voir ci-dessus, point 37).

57.
    Il convient de rappeler que, dans le cadre de l'examen de la validité du retrait de la décision du 9 octobre 2000 par la décision attaquée, la question n'est pas de savoir si la requérante a justifié que, à la date du 1er janvier 2000, elle avait déjà établi à Nice le centre de ses intérêts. La seule question pertinente, à ce stade, est celle de savoir si le Parlement démontre que les documents fournis par la requérante, et sur lesquels est fondée la décision du 9 octobre 2000, ne suffisaient à justifier de sa résidence à Nice, à aucun moment de l'année 2000.

58.
    Il est constant que la décision du 9 octobre 2000 a été adoptée compte tenu de documents présentés par la requérante, au nombre desquels, une attestation de domicile, établie le 1er février 2000 par laquelle la requérante atteste sur l'honneur être domiciliée à Nice, un document justifiant de l'acquisition de biens dans un immeuble situé à Nice, une attestation de changement de domicile datée du 5 juillet 2000 émanant de la Commune de Mamer selon laquelle la requérante a changé sa résidence de Mamer à Nice à la même date, et, enfin, des factures relatives aux consommations d'électricité et de services de télécommunications pour l'appartement de Nice (voir point 5 ci-dessus).

59.
    Les arguments contenus dans les écritures du Parlement visent à démontrer que les éléments avancés par la requérante ne justifient pas de la résidence de celle-ci à Nice, motifs pris, premièrement, de ce que l'attestation de domicile n'a qu'une valeur de déclaration unilatérale, deuxièmement, de ce qu'une attestation d'acquisition de biens immeubles n'emporte ni la preuve de la remise des clés, ni celle de l'utilisation de ces biens en tant que résidence principale, troisièmement, de ce que l'attestation de changement de domicile de la commune de Mamer n'a aucune valeur probante pour la période antérieur au 5 juillet 2000, quatrièmement, de ce que les factures d'électricité révèlent une très faible consommation pour une résidence censée être utilisée comme résidence principale et, cinquièmement, que les factures de télécommunication attestent d'une consommation relativement faible alors que l'époux de la requérante habitait toujours au Luxembourg.

60.
    Il ne ressort ni des arguments avancés par le Parlement, ni d'aucun élément du dossier que la requérante n'a pas justifié que sa résidence était établie à Nice, au cours de l'année 2000.

61.
    Il résulte de ce qui précède que le Parlement n'a pas démontré que l'illégalité de la décision du 9 octobre 2000 justifiait le retrait de celle-ci pour l'ensemble de l'année 2000. Dans ces conditions, par application de la jurisprudence citée au point 42 du présent arrêt, la décision attaquée ne saurait être conforme aux principes généraux du droit.

62.
    Il reste néanmoins à apprécier si le moyen invoqué par la requérante peut être entièrement accueilli. Il convient donc d'examiner si, conformément aux exigences de l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, tel qu'interprété par la jurisprudence (arrêt Schäflein/Commission, précité, points 9 et 10), la requérante a justifié avoir établi sa résidence à Nice à partir du 1er janvier 2000.

63.
    A cet égard, il y a lieu de rappeler que les seuls éléments du dossier qui font explicitement référence à la date du 1er janvier 2000 comme date à partir de laquelle la requérante a établi sa résidence à Nice sont, d'une part, les déclarations de la requérante datées des 1er février 2000 et 10 mai 2001, et, d'autre part, le certificat de résidence délivré le 10 juillet 2001 par l'administration communale de Nice.

64.
    Aux termes de la jurisprudence, le certificat de résidence est, en principe, une preuve suffisante de la réinstallation du fonctionnaire. Toutefois, lorsque l'AIPN avance des éléments de nature à mettre en doute la valeur probante de ce certificat, il appartient au fonctionnaire d'apporter des éléments supplémentaires afin de prouver que son changement de résidence a réellement été effectué ( arrêt Yorck von Wartenburg/Parlement, précité, point 66).

65.
    En l'espèce, il convient de considérer que les attestations de domicile qui ne constituent que des déclarations unilatérales de la requérante ne suffisent pas à prouver que la requérante a établi sa résidence à Nice, à partir du 1er janvier 2000.

66.
    S'agissant du certificat de résidence, c'est à juste titre que le Parlement considère qu'il ne démontre pas la réalité de la résidence à Nice à partir du 1er janvier 2000 car la plupart des documents sur la base desquels l'administration communale de Nice l'a délivré ne permettent pas, eux non plus, de justifier de la résidence de la requérante à Nice, au 1er janvier 2000. En effet, il est constant que ce certificat a été établi sur la base de factures d'électricité, de factures de télécommunications et d'un contrat d'assurance habitation. Rien dans lesdites factures ne permet de considérer que la requérante a établi à Nice le centre de ses intérêts, à partir du 1er janvier 2000. Par ailleurs, les éléments du dossier attestent, certes, de l'existence d'un contrat d'assurance habitation. Toutefois, sur la base des informations disponibles dans le dossier, ce contrat a pris effet le 4 janvier 2001. Dans ces conditions, le certificat de résidence ne saurait, lui non plus, attester de la réalité de la résidence de la requérante à Nice à partir du 1er janvier 2000.

67.
    Dans le cadre de la procédure administrative, la requérante n'a pas produit d'autres éléments permettant de corroborer la thèse selon laquelle sa résidence était établie à Nice, à partir du 1er janvier 2000.

68.
    Il y a lieu de relever, à ce stade, qu'il ne saurait être fait droit à la demande de la requérante de pouvoir faire des offres de preuve au cours de la procédure juridictionnelle pour attester de la réalité de sa résidence à Nice au 1er janvier 2000. En effet, indépendamment de la valeur probante des nouvelles pièces que la requérante aurait entendu déposer, il suffit de constater que ces pièces ne sauraient être utilement prises en compte pour apprécier la légalité de la décision attaquée qui, aux termes d'une jurisprudence constante, doit être apprécié en fonctions des éléments de fait et de droit existant à la date où elle a été adoptée (voir, notamment, arrêts du Tribunal du 22 janvier 1998, Costacurta/Commission, T-98/96, RecFP p. I-A-21 et II-49, point 43 et du 28 janvier 1999, D/Conseil, T-264/97, RecFP p. I-A-1 et II-1, point 23 et, dernièrement, du 4 juin 2003, Del Vaglio/Commission, T-124/01 et -320/01, non encore publié au Recueil, point 77).

69.
    Il convient donc de constater que la requérante n'a pas justifié que le centre de ses intérêts était situé à Nice, à partir du 1er janvier 2000.

70.
    Au vu de ce qui précède et notamment du point 61 ci-dessus, il y a lieu de faire droit à la demande d'annulation présentée par la requérante dans la seule mesure où la décision attaquée affecte la pension de la requérante du coefficient correcteur applicable pour le Luxembourg, pour l'ensemble de l'année 2000.

71.
    Il convient de rappeler, encore, qu'il n'appartient pas au Tribunal de déterminer la date, au courant de l'année 2000, à laquelle la requérante a établi sa résidence à Nice et a justifié de cette résidence. Cette tâche incombe, le cas échéant, au Parlement qui, conformément à l'article 233, premier alinéa, CE, doit prendre les mesures que comporte l'exécution du présent arrêt.

72.
    Il y a lieu de relever, enfin, que, dès lors qu'il est constant que tous les documents pris en compte pour faire partiellement droit à la demande d'annulation de la décision attaquée ont été transmis à l'AIPN dans le cadre de la procédure administrative, il n'y a pas lieu d'examiner l'argumentation du Parlement relatif à l'irrecevabilité de certains documents produits, pour la première fois par la requérante, dans le cadre de la procédure juridictionnelle.

Sur les dépens

73.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La défenderesse ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter l'ensemble des dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête:

1)    La décision du Parlement du 27 juin 2001 est annulée, pour autant qu'elle affecte la pension de la requérante du coefficient correcteur applicable pour le Luxembourg pour toute l'année 2000.

2)    Le Parlement est condamné à l'ensemble des dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2003.

Le greffier

Le juge

H. Jung

A. W. H. Meij


1: Langue de procédure: le français.